Chagement
climatique : Le traitement est abordable
Ralliement : Aujourd’hui, les entreprises se réunissent
dans le but d’opter pour un monde plus sain en échangeant
des crédits d’émission. Encourageons-les,
déclare David McGuinty
The
Globe and Mail
Le 29 janvier 2002
Par
David J. McGuinty
Président-Directeur général
Table ronde nationale sur l'environnement et l'économie
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Rares
sont ceux qui doutent encore du rôle de la gent humaine dans
le changement climatique et le réchauffement de la planète.
Mais nombreux sont ceux qui frémissent face au coût
de la réduction des émissions de gaz à effet
de serre qui causent ces phénomènes. Le Canada se
classe deuxième au monde pour l’émission de
gaz à effet de serre par habitant. Si nous ratifions le Protocole
de Kyoto, nous devrons les réduire de 6 p. 100 par rapport
aux niveaux de 1990. Ceci sous-entend une réduction de 26
p. 100 de nos émissions par rapport à aujourd’hui,
parce qu’elles sont beaucoup plus importantes maintenant qu’en
1990. Par contre, si nous ne ratifions pas Kyoto, nous devrons néanmoins
intervenir pour stopper le changement climatique.
C’est
pourquoi la Table ronde nationale sur l’environnement
et l’économie se réunit aujourd’hui,
à Toronto, avec des centaines de dirigeants d’entreprises
du secteur environnemental et du milieu communautaire, pour
explorer l’échange de droits d’émission,
instrument de réduction des émissions.
L’échange
de droits d’émission, a recourt au marché
privé pour atteindre les objectifs de réduction
d’émissions néfastes, en encourageant
la mise en œuvre des réductions là où
elles peuvent se faire le plus économiquement possible.
Le
gouvernement fixe les obligations de l’industrie en
matière de réduction. Supposez que l’industrie
A peut diminuer ses émissions à peu de frais;
elle a alors un incitatif financier de procéder à
des réductions supplémentaires parce qu’elle
pourra en vendre l’excédent. L’acheteur?
L’industrie B, pour qui la réduction de ses émissions
s’annonce très coûteuse, peut dorénavant
réaliser des économies, en achetant les réductions
supplémentaires de l’industrie A.
En
fin de compte, l’ensemble des réductions des
émissions se réalise, mais à un coût
global moins élevé.
Cet
instrument d’échange minimiserait toute perturbation
économique et protégerait la compétitivité
du Canada dans la transition vers un monde où le carbone
fait l’objet de restrictions. Les bénéficiaires
seraient les services publics, les usines de traitement des
hydrocarbures, telles que les exploitations de sable bitumineux
de l’Alberta, d’envergure internationale et en
plein essor, et les raffineries.
L’échange
de droits d’émission consiste à accorder
une valeur monétaire pour la réduction de chaque
unité d’émission. Ceci incite la recherche
et la mise en œuvre de mesures moins coûteuses
de réduction des émissions. Franchement, l’un
des incitatifs clés qui a toujours manqué en
matière de protection de l’environnement, c’est
la motivation du profit, le moteur même de notre économie.
Si l’échange de droits d’émission
offre une récompense financière pour un assainissement
judicieux, tant mieux.
Si
le Canada ratifie bel et bien le Protocole de Kyoto, une étude
réalisée pour la Table ronde nationale sur l’environnement
et l’économie révèle que, d’ici
à 2010, le coût (en grande partie transitoire)
atteindrait 40 milliards de dollars, et ce, sans système
d’échange de droits d’émission.
Mais, toujours selon la même étude, ce coût
pourrait être réduit de 52 à 97 p. 100,
d’après les prévisions, si l’on
adoptait un système d’échange.
L’échange
de droits d’émission n’avait pas bonne
presse au Canada; il était considéré
comme une trahison, un moyen pour l’industrie d’acheter
le droit de polluer. Si un système d’échange
repose sur de fermes exigences de réduction des émissions,
s’il est transparent et rigoureusement appliqué,
les expériences menées aux États-Unis
laissent entendre que l’échange de droits d’émission
peut servir, à la fois, l’environnement et l’économie.
Lorsque
les Américains ont décidé de lutter contre
les pluies acides en 1991 en exigeant une forte réduction
des émissions de dioxyde de soufre, ils ont mis sur
pied un programme d’échange. Les services publics
d’électricité, qui sont une source majeure
de pollution par le dioxyde de soufre aux États-Unis,
ont atteint les objectifs de réduction censés
protéger l’environnement, et l’échange
de droits d’émission leur permet de réaliser
des économies évaluées à 1,6 milliards
de dollars, par an. Une étude a révélé
que les services publics participant à un tel programme,
ont réalisé des économies de 75 à
80 p.100 par rapport aux frais qu’ils auraient encouru
pour effectuer les mêmes réductions sans système
d’échange.
L’échange
de droits d’émission aux États-Unis présente
également l’avantage de réduire le coût
d’un vaste éventail d’autres programmes
d’assainissement de l’environnement (grâce
à l’échange de droits d’émission,
le coût de la réduction du dioxyde d’azote
qui cause le smog à Chicago a diminué d’environ
90 p. 100).
D’autres
pays emboîtent déjà le pas. Le Danemark
et le Royaume-Uni sont à mettre sur pied des programmes
d’échange de droits d’émission pour
respecter leurs obligations fixées par le Protocole
de Kyoto. L’Union européenne s’apprête
à adopter un programme semblable, qui entrera en vigueur
d’ici à 2005. Un marché international
est à coup sûr en train de voir le jour. Le Canada
devrait aussi amorcer, et sans tarder, la création
de son programme national d’échange. Nous serons
alors mieux placés pour influer sur la forme que prendra
le marché international, et pour nous adapter. Nous
serons gagnants, si les caractéristiques du marché
sont favorables aux besoins particuliers du Canada. En bref,
nous pouvons devenir des décideurs, et non des suiveurs.
La
valeur du marché canadien d’émissions
de carbone pourrait atteindre deux milliards de dollars par
an. Gardons donc les commissions chez nous.
Même si l’échange de droits d’émission
ne change rien à la quantité de la réduction
des émissions, il change l’endroit où
se font ces réductions. Il devient ainsi un outil particulièrement
précieux pour réduire les gaz à effet
de serre : Le changement climatique est un problème
mondial, donc peu importe que les émissions soient
réduites à Toronto ou à Tombouctou.
Le
défi de la réduction des gaz à effet
de serre est redoutable pour le Canada. Exploitons donc la
force du marché pour obtenir une réduction du
coût.
David
J. McGuinty est Président-Directeur général
de la Table ronde nationale sur l'environnement et l'économie.
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