Les
peuples autochtones cherchent un équilibre
Edmonton
Journal
4 juin 2001
Par
David J. McGuinty
Président-Directeur général
Table ronde nationale sur l'environnement et l'économie |
Les résidents locaux doivent jouer un rôle dans
les projets du Nord.
Ce
matin, plus de 100 leaders autochtones, fonctionnaires et
gens d’affaires sont réunis à Yellowknife
pour décider de la façon de profiter d’un
investissement de milliards de dollars, prévu pour
l’exploitation des ressources, sans nuire à la
culture traditionnelle et à l’environnement.
Une
œuvre de taille pour un colloque de trois jours, mais
un nouveau rapport publié aujourd’hui par la
Table ronde nationale sur l’environnement et l’économie
intitulé Les collectivités autochtones et le
développement des ressources non renouvelables pourrait
indiquer certaines pistes.
Le
rapport conclut que les risques les plus importants dans le
secteur de l’exploitation des ressources non renouvelables,
proviennent vraisemblablement de l’ensemble des impacts
culturels, sociaux et environnementaux des multiples programmes
d’exploration minière, pétrolière
et gazière, des pipelines et des différentes
infrastructures nécessaires pour soutenir ces projets.
La
Table ronde a réfléchi à certaines questions
qui feront l’objet d’un débat parmi les
participants au colloque au cours de la semaine, à
savoir :Comment les résidents du Nord peuvent-ils saisir
l’occasion de construire un pipeline de gaz naturel,
d’ouvrir des mines de diamants et d’exploiter
des réserves gazières, tout en protégeant
l’environnement et la culture autochtone? Comment pouvons-nous
maximiser les retombées économiques reliées
à l’exploitation des ressources non renouvelables,
tout en minimisant les risques pour l’environnement
et la culture autochtone?
Récemment,
dans ce contexte du début de la ruée vers la
ressource, je discutais des aspirations autochtones avec Joe
Rabesca, grand chef du Conseil des Dogrib signataires du traité
no 11.
«
Bien sûr, nous voulons les diamants, a t-il déclaré,
mais nous voulons aussi nos caribous. » Selon moi, ce
point de vue résume le défi qui nous attend
dans l’Arctique. L’équilibre que le chef
Rabesca a si bien décrit est précisément
ce que veulent tous les Canadiens – mais sa réalisation
n’est pas facile pour autant.
Il
est évident que les mines de diamants, le gaz naturel
et la construction de pipelines sont des perspectives alléchantes
aux yeux des autochtones. La Table ronde recommande une approche
à deux volets afin d’explorer ce potentiel et
une série d’investissements stratégiques.
Premièrement,
nous devons faire tous les efforts voulus afin que les peuples
autochtones puissent obtenir leur part des retombées
économiques qui découlent des investissements
dans les ressources. Alors, pour qu’une part équitable
des bons emplois créés par l’exploitation
des ressources et l’aménagement des infrastructures
connexes revienne aux peuples autochtones, le gouvernement
du Canada doit investir dans les programmes d’éducation
et d’apprentissage.
Deuxièmement,
nous devons offrir aux investisseurs un régime de réglementation
plus sûr, plus stable et plus efficace. L’industrie
est mécontente d’une réglementation en
évolution constante, qui transforme chaque nouveau
projet en une aventure en terrain inconnu et des retards causés
par un manque de personnel. Le gouvernement fédéral
doit réinvestir dans la réglementation pour
maîtriser l’ampleur des investissements et des
aménagements.
Parmi
les mesures permettant d’augmenter la capacité
des peuples autochtones de tirer parti de cette situation,
le rapport de la Table ronde recommande que le Canada investisse
65 millions de dollars sur 10 ans pour promouvoir la valeur
de l’éducation et pour fournir une formation
professionnelle et technique aux peuples autochtones des Territoires
du Nord-Ouest. Ceci devrait comprendre un programme de pointe
de 60 millions de dollars, d’une durée de dix
ans, pour la formation des adultes.
Pour
faire bouger les choses rapidement, un « champion indépendant
» doit être nommé pour faciliter le renforcement
des capacités des collectivités des Premières
nations. Ce champion analyserait et ferait rapport sur les
capacités des peuples autochtones de bénéficier
des débouchés économiques générés
par l’exploitation des ressources, proposerait des améliorations,
fixerait des objectifs, surveillerait les progrès et
conseillerait les pouvoirs publics.
Pour améliorer le fonctionnement de la réglementation
environnementale, le rapport recommande au gouvernement d’allouer
25,8 millions de dollars sur six ans pour l’instauration
d’un processus d’évaluation, et de commencer
à l’utiliser pour évaluer les développements
proposés. La mise en place d’un processus de
gestion des effets cumulatifs devrait fournir aux investisseurs
une réglementation plus stable.
Dans
le cadre de cette approche, le gouvernement devrait accorder
une aide financière d’au moins 500 000 $, par
année, pour l’examen et l’évaluation
des répercussions environnementales. Ce montant permettra
d’assurer une participation significative des collectivités
autochtones à la prise de décisions en matière
d’exploitation des ressources.
Afin
de stimuler davantage l’activité économique,
le gouvernement devrait dépenser dix millions de dollars
par année, pendant dix ans, pour compléter les
travaux de cartographie des T.N.-O. et créer une base
de données géoscientifiques intégrée
et accessible.
Un
groupe d’experts de la Table ronde a conclu : «
Les retombées possible de cette activité sont
énormes ». Moins d’un pour cent du Nunavut
et des T.N.-O. est cartographié à l’échelle
1:50 000, l’échelle couramment utilisée
dans l’industrie pour prospecter les régions
minières.
Finalement,
il y a un élément important qui dépasse
le cadre des bons emplois : la participation autochtone aux
projets.
Le
partage du projet pourra faire en sorte que l’exploitation
des ressources du Nord, notamment le pipeline de gaz naturel,
entraîne une répartition équitable des
retombées économiques et sociales.
La
Table ronde recommande que le ministère des Affaires
indiennes et du Nord canadien apporte une aide financière
adéquate pour s’assurer que les collectivités
autochtones puissent participer au capital des projets les
plus importants.
La
participation aux retombées et aux décisions
contribuera de plus au développement durable des collectivités
autochtones.
En
bout de ligne, c’est une question d’équilibre.
L’investissement dans les ressources non renouvelables
doit être équilibré par un investissement
plus important dans la réglementation – et dans
la population.
« Bien sûr, nous voulons les diamants
mais nous voulons aussi nos caribous. » Joe Rabesca,
grand chef du Conseil du traité Dogrib 11
David
J. McGuinty est Président-Directeur général
de la Table ronde nationale sur l'environnement et l'économie.
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