Pour
doter le Canada de villes saines et prospères, Ottawa
devrait réviser ses politiques fiscales et de dépenses
publiques
Winnipeg
Free Press
Par
David J. McGuinty
Président-Directeur général
Table ronde nationale sur l'environnement et l'économie |
Nos
villes souffrent inutilement d’un déclin de la
qualité de l’environnement, ce qui a une influence
directe sur la qualité de vie et la création
de richesses — et ce, en grande partie parce que la
politique d’Ottawa en matière fiscale et de dépenses
publiques est mal orientée. C’est le message
d’un rapport qui a été rendu public aujourd’hui
à Winnipeg lors du Congrès annuel de la Fédération
canadienne des municipalités.
L’impact
des politiques d’Ottawa sur l’aménagement
de nos villes est largement involontaire et va souvent à
l’encontre des objectifs de viabilité écologique.
Il en résulte des ressources gouvernementales mal orientées
et des programmes qui ne fonctionnent pas comme ils le devraient.
Il s’agit
d’une triste situation qu’il est possible de renverser.
Le gouvernement fédéral pourrait faire preuve
de leadership et contribuer de manière extrêmement
positive à la santé et à la prospérité
de nos villes, par la simple coordination de ses politiques
fiscales et de dépenses publiques et ce, en leur conférant
une orientation environnementale.
Dans de
nombreux cas, il ne s’agit pas de récolter moins
de revenus ou de dépenser plus d’argent —
mais plutôt de transférer le fardeau fiscal des
activités économiques écologiques vers
les activités non durables sur le plan de l’environnement,
tout en orientant les investissements dans la direction opposée
Pourquoi
la qualité de l’environnement est-elle particulièrement
importante pour Winnipeg et les autres grandes régions
urbaines du Canada?
Parce
qu’un nombre grandissant de Canadiens vivent dans les
villes. Parce que la qualité de l’environnement
est une composante majeure de la qualité de vie en
général. Et parce que la qualité de l’environnement
urbain joue un rôle important dans l’attraction
et la rétention des talents créateurs de richesse.
Cependant,
la plupart des indicateurs clés suggèrent des
tendances négatives en ce qui concerne l’environnement
urbain au Canada. La densité de population est en baisse.
En effet, à plus de 1 000 personnes par km2 en 1971,
elle est passée à 800 personnes par km2 en 1996,
à mesure que l’étalement urbain ne cesse
d’empiéter sur les terres agricoles. L’utilisation
de l’automobile est en hausse et les transports en commun
sont moins fréquentés. Les concentrations de
smog augmentent.
Les niveaux
croissants de congestion liés à l’étalement
urbain coûtent de plus en plus cher aux entreprises,
réduisant leur productivité et freinant le commerce.
L’aménagement urbain a jusqu’à présent
échoué à enrayer l’étalement
urbain des villes et à détourner les gens des
voitures pour les inciter à utiliser les transports
en commun. L’une des raisons importantes, bien que souvent
ignorée, de cet échec, est l’entreprise
involontaire de l’aménagement urbain par les
grandes politiques budgétaires du gouvernement. Ce
qui mène à l’aménagement des terrains
vierges, par exemple, tout en échouant à soutenir
de manière adéquate les régions déjà
urbanisées.
Il faut
que cela change, peut-on lire dans le nouveau rapport de la
Table ronde nationale sur l’environnement et l’économie
intitulé La qualité de l’environnement
dans les villes canadiennes : le rôle du gouvernement
fédéral.
En ce
qui concerne les dépenses publiques, par exemple, la
Table ronde recommande que le financement de l’infrastructure
fédérale ne soit accordé que pour des
projets pour lesquels les municipalités sont en mesure
d’identifier et de quantifier des améliorations
prévisibles à la qualité de l’environnement,
comme une meilleure qualité de l’air ou de l’eau.
De même,
Ottawa devrait investir de manière substantielle et
à long terme dans les transports en commun. Toutefois,
le financement ne devrait être attribué qu’aux
municipalités qui adoptent des politiques privilégiant
des modèles d’utilisation du sol qui appuient
l’usage des transports en commun. Les villes ainsi financées
devraient être tenues de réviser à la
baisse le taux de l’impôt foncier, les frais d’utilisation
et les redevances d’aménagement, pour les lotissements
qui sont desservis par les transports en commun.
Les transports
en commun constituent un levier que nos villes peuvent utiliser
pour se dégager du piège de l’étalement
urbain. Comme mon collègue, Michael Harcourt, président
du Groupe de travail sur la viabilité écologique
urbaine de la Table ronde, qui fait aujourd’hui à
Winnipeg sa première apparition publique depuis son
accident de l’automne dernier, le dit si bien : «
Le seul et plus grand impact sur la qualité de l’environnement
des villes canadiennes et de l’environnement mondial,
viendra probablement du fait de privilégier les transports
en commun sur l’automobile pour se déplacer.
»
En ce
qui concerne la politique fiscale, le gouvernement du Canada
devrait utiliser la TPS pour promouvoir des villes plus durables.
Un remboursement de 100 % de la TPS devrait être accordé
pour des projets d’infrastructure écologique
comme par exemple, ceux liés aux transports en commun,
aux usines d’assainissement de l’eau et de traitement
des eaux usées, à la production d’énergie
renouvelable et aux systèmes énergétiques
dans les collectivités.
Les Canadiens
devraient être aussi incités à entreprendre
des rénovations écoénergétiques
sur leurs maisons en profitant d’un remboursement partiel
de la TPS (de 36 %) sur les matériaux et la main d’œuvre.
Pour encourager les particuliers à acheter des maisons
écoénergétiques R-2000, on pourrait faire
passer à 50 % le remboursement partiel de la TPS (de
36 %) qui s’applique aux maisons neuves, afin d’en
faire bénéficier les acheteurs de maisons R-2000.
En revanche, le remboursement de 36 % existant devrait être
réorienté de manière progressive vers
les seuls acheteurs de maisons neuves R-2000.
Le gouvernement
fédéral devrait davantage contribuer à
la santé et à la prospérité des
villes en prêchant par l’exemple.
Ottawa
devrait adopter une approche plus agressive — grâce
à des cibles chiffrées — en augmentant
le nombre des véhicules du parc automobile fédéral
qui consomment des carburants de remplacement et sont peu
polluants. Les propriétés du gouvernement ne
devraient pas être vendues ni louées à
des parties qui les aménageraient d’une manière
contribuant à l’étalement urbain. Au moment
de localiser une nouvelle installation fédérale,
il faudrait choisir une zone déjà urbanisée
et desservie par les transports en commun et qui favorise
la viabilité écologique des villes — au
lieu d’encourager l’utilisation de la voiture
et l’étalement urbain.
Le déclin
de la qualité de l’environnement urbain et le
mitage sont stimulés par un disfonctionnement du marché
qui est créé de manière involontaire
par les politiques budgétaires gouvernementales. Selon
la Table ronde, les forces du marché sont faussées
par tout un chassé-croisé complexe de subventions
directes et indirectes, et d’aides d’interfinancement
provenant des politiques budgétaires des gouvernements
fédéral, provinciaux et des collectivités
locales.
Les politiques
budgétaires du gouvernement ont par inadvertance favorisé
l’apparition des nombreuses difficultés qui freinent
le progrès de nos villes. Il est maintenant grand temps
de prendre le taureau par les cornes et de saisir ces outils
par le manche plutôt que par la lame pour les faire
travailler à l’édification d’un
avenir urbain durable.
David
J. McGuinty est Président-Directeur général
de la Table ronde nationale sur l'environnement et l'économie.
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