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Le travailleur vulnérable

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Travailler, oui mais...  Le droit du travail à retravailler

I — LE TRAVAIL ET LA VULNÉRABILITÉ AUJOURD’HUI


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Chapitre 3 — Les travailleurs à faible revenu et marginalisés

Plus que les autres travailleurs, les travailleurs marginalisés risquent d'être mal rémunérés, de travailler dans des conditions médiocres ou dangereuses, de n'avoir droit à aucun avantage social ou presque et d'avoir des heures de travail insuffisantes, une mobilité professionnelle limitée et une sécurité d'emploi négligeable. Parmi les travailleurs les plus susceptibles d'être marginalisés, mentionnons les jeunes travailleurs, les travailleurs issus de minorités visibles, les mères de famille monoparentale, les travailleurs atteints d'incapacité et les travailleurs peu instruits. Plusieurs de ces travailleurs sont dans une situation d'emploi traditionnelle et devraient théoriquement être admissibles aux avantages sociaux, aux droits et aux mesures de protection prévus par la loi. Dans les faits, cela n'est pas toujours le cas.

Le cas de Kuc et Samuel Yaul — Jeunes travailleurs réfugiés

Samuel et Kuc Yaul, âgés respectivement de 20 et 17 ans, sont originaires du Soudan. En 1999, leur père, leur mère et leur sœur ont été abattus par les soldats du gouvernement. Samuel, Kuc et leurs jeunes frère et sœur ont fui le Soudan pour regagner un camp de réfugiés au Kenya. En 2002, Samuel et Kuc ont eu la possibilité d'immigrer à Lethbridge (Alberta) en tant que réfugiés, les deux plus jeunes vivent toujours au Kenya.

À cause de l'ampleur du conflit au Soudan et de la pauvreté qui y règne, aucun des deux n'a eu la chance de fréquenter longtemps l'école. Cependant, les deux frères n'ont pas peur de travailler et sont extrêmement intéressés à poursuivre leur éducation. Ils aimeraient s'instruire davantage et recevoir une formation dans le domaine de l'informatique. Ils ont suivi un cours de base d'anglais langue seconde.

Actuellement, Samuel et Kuc occupent deux emplois chacun. Le jour, ils garnissent les tablettes d'une succursale d'un grand détaillant, à Lethbridge. Pour ce travail, ils gagnent 5,90 $ l'heure, soit le salaire minimum. Le soir, ils sont nettoyeurs de bureau et gagnent 6,90 $ l'heure.

Il s'agit d'un travail exigeant et physiquement épuisant, mais les deux hommes s'estiment heureux de l'avoir. Il y a un an, Samuel a frôlé la mise à pied après avoir accepté de rencontrer un représentant syndical pour discuter d'une campagne de recrutement syndical.

À l'époque, il croyait qu'il serait utile d'avoir quelqu'un pour parler au nom des travailleurs. Il sait qu'au Canada, il est illégal de faire des heures supplémentaires sans être payé. Pourtant, les associés manutentionnaires restent souvent après les heures normales de travail pour plier les boîtes et répondre aux demandes spéciales de la direction, sans rémunération supplémentaire. Alors, lorsqu'on l'a interpellé à la sortie du magasin l'année dernière pour lui parler de son travail et de la possibilité d'obtenir de l'aide, il a accepté d'en discuter. Après cet incident, son superviseur l'a fait venir dans son bureau pour l'avertir que, s'il poursuivait dans cette voie, il serait congédié, tout comme son frère. Durant les quelques semaines suivant la rencontre, Kuc et Samuel ont subi une réduction de leur quart de travail.

Après avoir travaillé pendant un an et demi selon un horaire chargé et irrégulier, Samuel et Kuc ont enfin réussi à obtenir un horaire régulier de jour, ce qui leur a permis de prendre un emploi à temps partiel dans une société de nettoyage de bureaux. Ce travail leur rapporte seulement un dollar l'heure de plus que leur travail au magasin, mais Kuc et Samuel estiment que le fait de pouvoir cumuler deux emplois représente un immense progrès, puisque maintenant, ils arrivent parfois à envoyer de l'argent à leurs frère et sœur au Kenya.

Le travail de nettoyage est très occasionnel. On fait appel à Kuc et à Samuel uniquement si l'un des travailleurs réguliers est malade ou ne peut se rendre au travail pour une raison quelconque. On ne les prévient pas d'avance, mais on s'attend à ce qu'ils viennent travailler immédiatement lorsqu'on les appelle, de sorte que Kuc et Samuel ne planifient jamais d'activités pour la soirée afin d'être prêts à aller travailler si on a besoin d'eux.

Tout comme le travail qu'ils font au magasin, le travail de nettoyage exige beaucoup au niveau physique. Les deux hommes travaillent à un rythme impitoyable pendant cinq heures, puis rentrent à leur petit trois pièces pour se reposer de leurs quelque treize à quinze heures de travail. Dernièrement, ils ont eu des problèmes inquiétants avec le propriétaire de l'entreprise. À plusieurs reprises, celui-ci a déclaré qu'ils ne faisaient pas assez bien leur travail. Le mois dernier, il a amputé chacun de leurs chèques de paie de 100 $, prétextant qu'ils n'avaient pas effectué leur travail correctement.

Samuel a eu de graves problèmes de dos et commence à se demander s'il pourrait continuer un travail aussi exigeant au niveau physique. Avec Kuc, il a envisagé la possibilité de partager un seul emploi de nettoyage afin de profiter d'un soir de repos sur deux. Toutefois, cette solution rendrait leur situation financière précaire. Pour le moment, ils gardent donc les deux emplois, mais, de plus en plus, ils souhaitent s'instruire et se trouver un autre travail.

ANALYSE

En tant que jeunes travailleurs, Kuc et Samuel rencontrent les mêmes obstacles que bien d'autres jeunes nouvellement arrivés dans le marché du travail. Pour eux, toutefois, s'ajoutent l'obstacle de la langue, leur appartenance à une minorité raciale, les maux de dos de Samuel et leur faible niveau d'instruction. Samuel et Kuc se voient également empêchés de participer à une campagne de recrutement syndical. Tous ces facteurs contribuent à marginaliser leur position au sein de la population active.

La faible rémunération

Une des principales caractéristiques du travail marginalisé est la faible rémunération. La loi oblige les employeurs à donner aux travailleurs un salaire minimum, qui varie d'une province à l'autre. Dans l'ensemble, à tout moment, environ 4,6 p. cent des salariés canadiens travaillent au salaire minimum. La plupart (60 p. cent) travaillent à temps partiel. Cependant, 2,4 p. cent des salariés canadiens travaillent à plein temps et gagnent le salaire minimum. Cette proportion, qui peut sembler négligeable, représente tout de même près d'un quart de million de travailleurs. Le fait de travailler à temps plein pour un salaire minimum peut ou non entraîner des difficultés financières, dépendant des autres sources de revenu de la personne et du revenu des membres de sa famille. Environ 15 p. cent des travailleurs qui gagnent le salaire minimum (soit près de 126 000 Canadiens), sont des personnes seules ou des chefs de famille monoparentale [21] .

Le nombre de travailleurs qui gagnent le salaire minimum est faible comparé au nombre de travailleurs considérés à faible revenu. On estime à deux millions le nombre de travailleurs canadiens adultes qui gagnent moins de 10 $ l'heure [22] . Près des deux tiers des travailleurs à faible revenu sont des femmes. Pour environ le tiers de ces personnes, leur salaire est le seul revenu de la famille, ce qui signifie qu'environ 667 000 travailleurs, dont une majorité de femmes, essaient de subvenir aux besoins de leur famille avec un salaire inférieur à 10 $ l'heure [23] . Tout porte à croire que ces personnes vivent dans des conditions d'extrême pauvreté.

Valoriser le travail

On peut se demander pourquoi s'acharner à conserver un travail mal rémunéré ou précaire au lieu d'avoir recours à l'aide sociale. Au moins, en tant que bénéficiaire de l'aide sociale, on a droit à une assurance-santé complémentaire qui contribue au coût des soins dentaires et des médicaments. La plupart des travailleurs à faible revenu et marginalisés ne peuvent se prévaloir d'un tel droit, sauf au Québec. Les politiques posent d'autres obstacles aux travailleurs désireux de se sortir d'une situation de travail à faible revenu. La récupération fiscale, par exemple, vient décourager tout effort visant à augmenter son revenu en grugeant le revenu supplémentaire de différentes façons. En outre, si un autre membre de la famille devient salarié, ses revenus risquent fort d'être absorbés par de nouveaux besoins, comme les frais de garde d'enfants [24] .

Questions :

· Le soutien actuellement ofert aux travailleurs à faible revenu (avec ou sans enfants) est-il adéquat?

· Sinon, que leur faudrait-il d'autre?

· Quelles autres options pourrait-on envisager?

· Les travailleurs désireux de recevoir une formation, de trouver un travail décent et de le conserver bénéficient-ils d'un soutien adéquat?

· Sinon, que leur faudrait-il d'autre?

Les conditions d'emploi médiocres

Le travail marginalisé se caractérise par toute une gamme de situations, du refus de payer les heures supplémentaires et les jours fériés, au harcèlement en milieu de travail. Les travailleurs marginalisés se distinguent des autres travailleurs par leur impuissance relative à faire changer ces mauvaises conditions de travail. Plusieurs de ces travailleurs occupent un travail de type traditionnel et devraient donc avoir accès à une vaste gamme d'avantages sociaux et de mesures de protection des conditions de travail et d'emploi, mais cet accès leur est souvent refusé de fait, étant donné qu'ils n'ont aucun contrôle au travail, qu'ils ignorent leurs droits et que les modèles et les pratiques de mise en application et de respect des lois sont parfois périmés et inefficaces.

L'efficacité des mécanismes d'application axés sur les plaintes dépend de la capacité du travailleur ou de son agent négociateur à revendiquer ses droits. Les employés non représentés ont une capacité très limitée à prendre les mesures nécessaires pour faire cesser les violations des normes de travail. En outre, plusieurs travailleurs ignorent les mesures de protection dont ils disposent. La grande majorité des plaintes relatives aux normes d'emploi sont déposées après le départ du travailleur, ce qui illustre bien la menace de représailles, réelle ou perçue, qui plane sur les employés qui se plaignent de leur emploi sans quitter leur poste. Comme ce fut le cas pour Samuel Yaul, il arrive couramment qu'on avise un travailleur que toute résistance aux conditions de travail ou plainte à cet égard entraînera sa mise à pied. Peu de travailleurs sont prêts à prendre un tel risque. Plusieurs trouvent également la procédure compliquée et intimidante.

À ces problèmes s'ajoute celui de la réduction des dépenses consacrées à la mise en application et à la conformité. À tous les ordres de gouvernement, les compressions budgétaires sont telles que, même en présence d'une volonté et d'un désir d'aider les travailleurs vulnérables, les ressources sont tout simplement insuffisantes pour permettre d'enquêter rapidement sur les plaintes et de résoudre les problèmes. Par conséquent, les procédures de mise en application sont irrégulières et erratiques ce qui pénalise les employeurs consciencieux qui respectent de bon gré les prescriptions de la loi.

Questions :

· Comment assurer une véritable mise en application des lois actuelles sur le travail?

· Existe-t-il d'autres systèmes de mise en application et de conformité éventuellement plus eficaces dans le cas des travailleurs marginalisés?

Les jeunes travailleurs

Les jeunes manifestent une grande anxiété face à leur situation de travail. Plusieurs se sentent exploités et impuissants à dénoncer le mépris de leurs droits et les pressions exercées par leurs employeurs. Ils ne se sentent pas en sécurité au travail; plusieurs ont déjà subi un accident du travail ou connaissent quelqu'un à qui c'est arrivé. Souvent, ils ignorent leurs droits; quand ils les connaissent, ils se sentent incapables d'en imposer le respect.

Dans certaines provinces, la législation sur les droits de la personne n'offre aucune protection aux jeunes de moins de 18 ans. En outre, dans certaines provinces, la loi sur le salaire minimum permet aux employeurs de donner un salaire inférieur aux travailleurs étudiants qu'aux autres travailleurs. Sur ce point, les arguments sont contradictoires. Toutefois, comme le savent Samuel et Kuc, il n'est pas rare qu'on omette complètement de payer les jeunes travailleurs pour le travail qu'ils ont accompli. Beaucoup de jeunes sont aussi aux prises avec de longs quarts de travail, l'absence de congés, payés ou non, et d'autres violations des normes d'emploi fondamentales. Même s'ils sont protégés par des lois et des règlements, beaucoup de jeunes travailleurs ne disposent ni des connaissances, ni du pouvoir nécessaires pour réagir lorsqu'ils se trouvent devant le genre de comportement discriminatoire et illégal dont a fait preuve l'employeur de Kuc et Samuel. Ces problèmes sont particulièrement criants pour les jeunes également désavantagés par la pauvreté, le manque de soutien familial, la langue ou l'incapacité.

Extrait du journal de travail d'une jeune travailleuse :

[TRADUCTION]

« Au départ, je croyais qu'un emploi à temps partiel m'apporterait une excellente expérience d'apprentissage. À mon grand étonnement, rien ne s'est passé comme je l'avais prévu. À 16 ans, j'occupais deux emplois afin de gagner assez d'argent pour couvrir mes frais de scolarité, mes comptes, mes animaux de compagnie, etc. Je travaillais tous les jours, parfois douze heures d'affilée sans pause. Mon salaire restait figé à 6,40 $ l'heure, aucune augmentation en vue. De nos jours, beaucoup d'emplois à temps partiel ne sont plus vraiment à temps partiel. Les adolescents gaspillent les meilleures années de leur vie sociale, deviennent malades ou stressés et, souvent, se blessent gravement. Je crois qu'il est temps d'imposer le plein respect des droits des jeunes et de la personne. Pourquoi être privés de notre identité humaine parce que nous sommes jeunes? Nous ne sommes pas des esclaves, mais des personnes. Il est temps de commencer à nous traiter avec un minimum de respect [25] . »

Plusieurs provinces ont lancé de vastes campagnes d'information à l'intention des jeunes travailleurs, afin de leur expliquer leurs droits au travail sécuritaire. Cependant, comme le mentionne un jeune travailleur, la solution au problème ne réside pas uniquement dans l'éducation des jeunes travailleurs; il faut aussi diffuser largement l'information auprès des employeurs et appliquer de façon plus rigoureuse les normes d'hygiène et de sécurité au travail [26] .

[TRADUCTION]

« L'an dernier, Jen, une de mes amies, a été victime de menaces au travail. Elle travaillait comme caissière dans une épicerie et n'avait que seize ans. Un soir, vers huit heures, durant l'un de ses quarts réguliers de travail, un homme est entré, pour acheter de la nourriture, bien sûr. Il est venu auprès d'elle, a mis sa main dans sa poche et a dit à Jen qu'il était armé et qu'il la descendrait si elle ne lui donnait pas le contenu de la caisse. Évidemment, Jen a obéi. Elle a déposé tout l'argent de la caisse dans des sacs d'épicerie et l'a donné à l'homme, qui s'est enfui. Les responsables du magasin ont appelé la police, mais on n'a jamais retrouvé le voleur. [...]Ce qui me déconcerte dans cette affaire, c'est que Jen a dû retourner travailler deux jours plus tard. Bien sûr, les gens lui ont demandé si ça allait, mais c'était insensé de retourner si rapidement au travail. Jen aurait dû bénéficier de quelques semaines de congé. À sa place, je serais encore complètement ébranlée. Qui sait, ça pourrait se reproduire. Cet homme reviendrait peut-être parce qu'il s'en était bien tiré la fois précédente. On pourrait au moins prendre certaines mesures de sécurité autour du magasin. Je me suis toujours demandé pourquoi on n'avait rien fait pour assurer la sécurité de Jen et pourquoi personne ne l'a aidée ou invitée à parler de cette horrible expérience [27] .

Questions :

· Que peut-on faire pour améliorer les conditions d'emploi médiocres et dangereuses des jeunes travailleurs?

· Quelles sont les meilleures façons de prévenir les accidents et les blessures au travail?

· Que faudrait-il changer pour améliorer le monde du travail pour les jeunes?

Les immigrants et les réfugiés issus de minorités visibles

Samuel et Kuc appartiennent aussi à un autre groupe au sein duquel on retrouve une forte vulnérabilité dans le monde du travail : les immigrants et les réfugiés issus de minorités visibles. Plusieurs études ont montré que, dans les années 1980 et 1990, les travailleurs immigrants de couleur ont eu plus de difficulté à combler le fossé qui les sépare des travailleurs nés au Canada en matière d'emploi que les générations d'immigrants précédentes [28] .

En 1996, le revenu d'emploi moyen des immigrants arrivés au Canada entre 1986 et 1990 était de 18 p. cent inférieur que celui des non immigrants. Dans le cas des immigrants arrivés après 1990, la différence était de 36 p. cent [29] .

Chez les immigrants récents et les réfugiés, le taux de pauvreté était plus du double de celui des résidents canadiens nés au pays [30] .

Selon Statistique Canada, en 2000, le taux de faibles revenus chez les nouveaux immigrants était de 35 p. cent, soit presque le double du taux moyen de l'ensemble des régions métropolitaines [31] .

En moyenne, les membres de minorités visibles qui travaillaient à plein temps toute l'année gagnaient 14 p. cent de moins que l'ensemble des autres travailleurs [32] .

Dans les années 1990, le revenu des immigrants issus de minorités visibles au Canada était beaucoup moindre, s'établissant en moyenne à un peu plus de 1 5 000 $ [33] .

« D'un point de vue socio-économique, il ne fait aucun doute qu'il est préférable pour l'économie canadienne dans son ensemble d'aider les gens à ne pas dépendre de l'aide sociale et à obtenir un emploi lucratif [...] Tant l'expérience que la recherche semblent indiquer qu'une main-d'œuvre diversifiée, où interagissent des employés qualifiés dont l'expérience, les compétences et les antécédents culturels sont diversifiés, surclasse souvent un effectif homogène [34] . »

Il ne fait nul doute que la langue fait partie des problèmes qu'ils rencontrent. On peut aussi mettre en cause la discrimination basée sur l'origine ethnique ou la race. La législation relative aux droits de la personne interdit la discrimination de façon générale, tandis que celle qui régit la rémunération et l'équité en matière d'emploi prévoit des droits et des obligations spécifiques qui visent exclusivement l'emploi. Aux termes de la législation fédérale et provinciale sur les droits de la personne, les travailleurs dans la situation de Samuel et Kuc doivent porter plainte contre leur employeur s'ils estiment avoir été victimes de discrimination. Ce type de système axé sur les plaintes a fait l'objet de critiques en raison de son inefficacité. Les travailleurs dans cette situation sont particulièrement sensibles aux obstacles qui les empêchent de porter plainte.

La législation sur l'équité en matière d'emploi a été conçue pour régler le problème de la discrimination systémique et de la représentation de quatre segments historiquement défavorisés de la population active : les Autochtones, les femmes, les personnes atteintes d'incapacité et les personnes de minorités visibles. Elle oblige l'employeur à définir et à éliminer les obstacles à l'emploi et à prendre des mesures pour garantir une représentation adéquate des personnes qualifiées membres des groupes désignés au sein de leur main-d'œuvre. Au Canada, la seule loi sur l'équité en matière d'emploi relève du gouvernement fédéral et s'applique uniquement aux sociétés de la Couronne et aux sociétés sous réglementation fédérale qui emploient au moins 100 personnes. Cette loi ne vise donc aucune des deux sociétés pour lesquelles travaillent les frères Yaul.

Questions :

· Existe-t-il actuellement des programmes, des lois et des politiques pour aider les immigrants et les réfugiés à obtenir une formation et un travail décent?

· Quels changements faudrait-il apporter?

Les travailleurs atteints d'incapacité

Au cours de leur vie active (de 15 à 64 ans), les personnes atteintes d'incapacité risquent deux fois plus que les autres d'avoir des revenus insuffisants (26,6 p. cent contre 13,9 p. cent) [35] . Le simple fait de trouver et de conserver un emploi est déjà un défi : le taux d'emploi des personnes atteintes d'incapacité est de 45,7 p. cent chez les jeunes, passe à 51,2 p. cent chez les travailleurs au cœur de leur vie active, pour chuter à 27,3 p. cent chez les personnes plus âgées. Ces taux sont tous de beaucoup inférieurs aux taux d'emploi des personnes sans incapacité [36] .

Une fois qu'ils ont déniché un emploi, les personnes atteintes d'incapacité doivent souvent lutter pour qu'on leur fournisse des moyens physiques adéquats pour accomplir leur travail convenablement. Bien que la législation en matière de droits de la personne oblige les employeurs à prendre les mesures nécessaires pour fournir des installations convenables aux travailleurs atteints d'incapacité, en réalité, il reste encore beaucoup à faire pour assurer la véritable accessibilité des lieux de travail.

Questions :

· Le soutien actuellement ofert aux personnes atteintes d'incapacité pour obtenir une formation, trouver un emploi décent et le garder est-il adéquat?

· Pourrait-on imaginer une formation continue associée aux possibilités d'emploi?

Les travailleurs peu instruits

Samuel et Kuc ont raison de vouloir poursuivre leurs études et acquérir des compétences spécifiques dans un domaine comme l'informatique. Une personne possédant une éducation de niveau secondaire ou moins est trois fois plus susceptible d'être mal rémunérée qu'un diplômé universitaire [37] . Samuel et Kuc auront cependant du mal à obtenir l'éducation et la formation nécessaires, puis à faire la transition pour travailler dans ce domaine. Ils auront besoin d'un solide soutien social pour se tirer du piège du travail à faible revenu.

D'après une étude réalisée en 2004 par Statistique Canada, moins de la moitié des travailleurs canadiens qui occupaient un emploi peu rémunéré en 1996 avait réussi à s'en sortir en 2001 [38] .

L'éducation est un des facteurs déterminants qui permettent de s'échapper du piège du travail à faible revenu. Les diplômés universitaires sont presque deux fois plus susceptibles d'accéder à l'ascension professionnelle (69 p. cent) que ceux qui possèdent une éducation de niveau secondaire ou moins (38 p. cent) [39] .

Les modifications apportées aux politiques et l'abolition du financement des programmes de perfectionnement des compétences durant les années 1990 ont résulté en une forte réduction de l'aide offerte aux travailleurs à faible revenu, qui désirent obtenir une formation menant à un emploi mieux rémunéré. Les cours de langue ont connu le même sort. En général, la formation et le soutien s'adressent aux personnes sans emploi. Quelques bourses de formation postsecondaire sont disponibles, mais la plupart des personnes qui veulent entreprendre une formation du type de celle que visent Samuel et Kuc doivent obtenir un prêt. Dans un marché d'emploi précaire, la perspective d'avoir à rembourser un prêt substantiel est intimidante.

Questions :

· Que peut-on faire pour aider les travailleurs peu instruits à obtenir la formation nécessaire pour trouver un travail décent?

· Comment les écoles, les collèges et les universités répondent-ils aux besoins des immigrants et des réfugiés?

Les travailleurs non syndiqués

Samuel se doutait que les travailleurs du magasin seraient mieux traités s'ils étaient syndiqués; les recherches en ce sens confirment cette présomption. Les emplois syndiqués comportent des salaires plus élevés, de meilleurs avantages, une protection sociale améliorée et une plus grande mobilité professionnelle que les autres emplois [40] . En général, s'ils se plaignent des violations de leurs droits au travail, les employés syndiqués sont mieux protégés que les employés non syndiqués contre les représailles de leur employeur.

D'après les recherches, seulement 20 p. cent des travailleurs syndiqués sont mal rémunérés, comparativement à 38 p. cent des travailleurs non syndiqués [41] . En outre, les travailleurs qui étaient syndiqués en 1996 avaient beaucoup plus de chances de grimper dans l'échelle professionnelle que leurs homologues non syndiqués (62 p. cent par rapport à 41 p. cent). De 1996 à 2001, pour les travailleurs qui sont passés du statut de non syndiqués à celui de syndiqués, la probabilité de sortir du carcan du travail à faible revenu était de 64 p. cent [42] . Les travailleurs syndiqués sont presque deux fois plus susceptibles de bénéficier d'un ensemble d'avantages sociaux complémentaires que leurs homologues non syndiqués [43] .

Pourtant, malgré les avantages apparents de la syndicalisation, le Canada et les États-Unis ont vu leur taux de syndicalisation chuter au cours des vingt dernières années. Ce phénomène s'explique par plusieurs raisons, notamment : le déclin du secteur manufacturier (où les syndicats ouvriers ont toujours été forts) et l'expansion concomitante du secteur des services (où le taux de syndicalisation est plus faible); le changement des attitudes à l'égard des syndicats; certains employeurs se plaignent du fait que les syndicats poussent les coûts de la main-d'œuvre à la hausse et augmentent la lourdeur et l'inefficacité du processus décisionnel, tandis que certains travailleurs estiment que les syndicats ne font pas assez en contrepartie des cotisations qu'ils exigent. Les nouvelles techniques de gestion du personnel et l'accroissement de la concurrence mondiale sont d'autres facteurs. On met aussi en cause les pratiques de certains géants de la distribution au détail et de la restauration rapide autrement plus agressives que celles dont Samuel Yaul a fait l'expérience.

Questions :

• Les syndicats ou un autre système de participation des employés sont-ils essentiels à l'amélioration des conditions d'emploi de travailleurs vulnérables?

• Si oui, que faut-il changer? Quelles sont les conséquences de tels changements?

Résumé

Samuel et Kuc Yaul sont deux exemples de travailleurs qui personnifient les multiples volets de la vulnérabilité. En tant que jeunes travailleurs, ils sont plus susceptibles que la moyenne des travailleurs de se trouver dans des conditions de travail médiocres ou dangereuses, de recevoir un salaire dérisoire et d'être victimes de mauvais traitement ou de discrimination au travail. La probabilité de se retrouver dans une telle situation est exacerbée par leur statut de réfugiés et de membres d'une minorité visible. Si on ajoute à tout cela des facteurs comme la langue, leur faible niveau de scolarité et l'absence de syndicat dans les secteurs où ils travaillent, les frères Yaul se retrouvent dans une bien piètre position au sein du marché du travail.

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