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Page d'accueil À propos de nous Rapport Document de recherche 2000 La politique fiscale et l'unité d'imposition : diversité et réforme

À propos de nous

Rapport

Document de recherche

La politique fiscale
et l'unité d'imposition : diversité et réforme

Par Kathleen A. Lahey
Faculté de droit de
l'Université Queens


18 septembre 2000

Le présent document a été préparé pour la Commission du droit du Canada sous le titre The Benefit / Penalty Unit in Income Tax Policy: Diversity and Reform. Les opinions qui y sont exprimées sont celles de l'auteure et elles ne reflètent pas nécessairement les opinions de la Commission. Seule l'auteure répond de l'exactitude du contenu du présent document.

Ce document est également disponible en anglais sous le titre The Benefit / Penalty Unit in Income Tax Policy: Diversity and Reform.



SOMMAIRE

La diversité de plus en plus grande des structures familiales étant aujourd'hui avérée, les politiques gouvernementales reconnaissent à leur tour davantage de formes de relations sur le plan juridique. La cohabitation, les unions de fait, la qualité de conjoint présumé, les régimes d'enregistrement, et la décision des conjoints de désigner mutuellement l'autre conjoint comme bénéficiaire sont des nouvelles formes reconnues par la loi, offrant aux adultes des choix additionnels et leur permettant même de choisir le type de relation qu'ils désirent former puisque le mariage officiel ne constitue plus la seule forme de relation reconnue.

La diversité des formes de familles et celle des rapports juridiques a évidemment entraîné un examen approfondi des politiques gouvernementales, particulièrement en ce qui concerne le lien entre la qualité des rapports juridiques et le fardeau fiscal, l'admissibilité aux prestations de retraite gouvernementales et d'autres contextes dans lesquels la notion de couple a souvent été employée comme unité de base dans les politiques touchant l'impôt.

Sur la scène internationale, les pays ayant le plus poussé la reconnaissance de divers types de relations -- par exemple, en reconnaissant les relations homosexuelles -- ont sensiblement modifié leurs politiques et ont continué à substituer la notion de particulier à la notion de couple comme unité de base aux fins de l'impôt sur le revenu.

Les familles canadiennes n'ont pas cessé de se diversifier au cours du dernier quart de siècle. Toutefois, en comparaison avec ce qui s'est produit dans les autres pays ayant commencé à reconnaître la diversité des formes familiales, les politiques canadiennes en matière d'impôt sur le revenu ont en fait pris de façon significative la direction opposée, le couple devenant l'unité de base dans un nombre croissant de programmes.

Dans la présente étude, nous examinerons de quelle façon le fait de recourir à la notion de couple par opposition à celle d'individu comme unité de base dans les lois fédérales en matière d'impôt a une incidence sur la répartition des revenus. Cinq catégories de lois ont été examinées : (1) les dispositions prévoyant le versement de prestations aux adultes tributaires de l'assistance publique; (2) les dispositions prévoyant un régime de supplément au revenu familial; (3) les dispositions ayant une incidence sur la propriété des biens familiaux; (4) les dispositions anti-échappatoires; et (5) les dispositions conçues pour restreindre de différentes façons l'admissibilité aux mesures de redressement dans le cas des personnes à faible revenu, de la pension alimentaire pour enfants et des mesures visant à atténuer la pauvreté.

On constate que, bien que les lois canadiennes soient aujourd'hui presque totalement devenues « neutres » au regard du sexe, de la race et de la sexualité, le recours croissant à la notion de couple comme base de répartition du fardeau fiscal et des prestations gouvernementales a une incidence sur la pauvreté des adultes à faible revenu et à revenu inférieur-moyen tout en ayant pour effet d'augmenter inutilement le pouvoir économique des adultes à revenu supérieur. On prévoit que, si tous les cohabitants d'âge adulte étaient assimilés à des conjoints, ils perdraient 200 millions de dollars en économie d'impôts et en prestations fiscales en l'an 2000.

Pour ce qui est des personnes se situant dans la partie inférieure de la fourchette des revenus, le recours au mariage ou à la qualité de conjoint présumé dans le but de restreindre l'accès à des avantages tels que les prestations pour enfants, le crédit pour TPS, la déduction pour frais de garde d'enfants et les prestations d'assurance-emploi participe à la pauvreté des personnes à faible revenu. Des patrons similaires peuvent être observés à l'égard des dépenses d'assistance directes ou des programmes de transfert des revenus de retraite. En ce qui concerne les personnes se situant dans la partie supérieure de la fourchette des revenus, l'économie d'impôts résultant par exemple du crédit pour conjoints à charge et des crédits transférables avantage d'une façon disproportionnée les couples hétérosexuels « non racialisés » qui peuvent se permettre de vivre sur le revenu d'un seul conjoint.

Ces tendances sont particulièrement désavantageuses pour les femmes, les personnes de couleur, les adultes handicapés, les couples homosexuels, les personnes s'occupant des enfants et les Canadiens à faible revenu. À une époque où les politiques juridiques et sociales mettent l'accent sur l'élimination de la discrimination au sein d'une société diversifiée dans laquelle on fait la promotion de l'égalité, l'inclusivité et l'équité -- autant au sein de la famille que pour les individus composant la société canadienne --, le résultat d'une telle évolution est que les politiques du fédéral en matière d'impôt et d'assistance publique sont aujourd'hui moins neutres qu'elles ne l'étaient auparavant en regard du type de relations que les Canadiens pourraient choisir.

À partir des écrits portant sur les politiques fiscales, des études économétriques, des données sur les ménages canadiens et de la microsimulation permettant d'évaluer les solutions de rechange concurrentes en vue d'une réforme, nous pouvons formuler des recommandations sur la façon de supprimer la partialité dans la législation touchant les relations. Voici une liste partielle de ces recommandations :

(i)          Supprimer le crédit de personne mariée et les crédits transférables;

(ii)         Remplacer le crédit de conjoint à charge par une forme améliorée d'assistance publique pour les enfants;

(iii)        Réduire la régressivité des taux d'imposition applicables aux personnes à revenu inférieur;

(iv)        Supprimer la déduction de la pension alimentaire;

(v)         Appliquer l'exonération fiscale relative aux avantages complémentaires aux personnes qui ne sont pas des conjoints;

(vi)        Maintenir, dans les dispositions prévoyant le fractionnement du revenu à la retraite, les limites applicables aux conjoints;

(vii)       Permettre à un conjoint de transférer des biens et des revenus à l'autre conjoint suivant un régime de revenu différé qui soit compatible avec la propriété in equity;

(viii)       Ne pas admettre les transferts libres d'impôt dans le cas des adultes hors famille ou non engagés dans une relation assimilable à une union conjugale;

(ix)        Fonder l'impôt applicable aux personnes à faible revenu et les prestations fiscales sur les particuliers et non sur l'état matrimonial ou le revenu familial;

(x)         Faire concorder les présomptions légales applicables aux opérations entre membres d'un couple avec la doctrine des biens familiaux in equity;

(xi)        Supprimer les présomptions de liens de dépendance prévues par la loi qui sont fondées sur les relations formées par les adultes;

(xii)       Restituer aux femmes déclarées inadmissibles aux termes du RPC et de l'A.-E., par suite de l'abrogation des règles d'attribution applicables à la famille, les sommes qu'elles auraient reçues.

Ces recommandations ont pour effet d'éliminer « l'impôt sur le mariage » et son équivalent en common law, « l'impôt sur la cohabitation » , ainsi que d'autres types de pénalités imposées aux concubins ou aux autres personnes engagées dans une relation entre adultes. Leur application conférerait une impartialité accrue à la politique juridique au regard de la décision des couples de se marier, de cohabiter ou de former d'autres types de relations; en outre, les dispositions légales n'obligeraient pas les couples à choisir entre former diverses relations fondées sur le respect mutuel et divers degrés d'autonomie en perdant d'importants avantages au plan fiscal ou abandonner la relation en raison des besoins financiers.

Fonder les politiques gouvernementales en matière d'impôt et d'assistance publique sur l'individu comme unité de base permettrait de faire concorder ces politiques avec la tendance croissante de nombreux pays à adopter des politiques juridiques fondées sur l'individu comme unité fondamentale. Il s'agit par ailleurs d'une étape cruciale permettant à l'état de cesser de s'ingérer dans les relations formées par les individus et de promouvoir certains types de relations. Si les lois touchant les relations devenaient ainsi plus neutres, il en résulterait une diminution des frais administratifs et une simplification de la législation; par ailleurs, l'intrusion de l'État dans la vie privée des adultes et les relations formées par ceux-ci s'en trouverait amoindrie, voire réduite à néant, et les adultes jouiraient véritablement d'une plus grande liberté pour ce qui est du type de relation qu'ils souhaitent former. Au fil des ans, la politique juridique canadienne a déjà nettement progressé en vue de dissocier la législation touchant l'impôt du mariage formel comme tel. Le désir des couples homosexuels de se marier, ainsi que les demandes formulées en vue d'obtenir ce droit, rejoint les préoccupations relatives à l'aide gouvernementale fournie aux membres de la famille élargie, à l'acceptation des relations non assimilées à une union conjugale et à une répartition des biens et des revenus fondée sur des principes d'équité; ainsi, une législation en matière d'impôt qui serait neutre par rapport aux types de relations choisies permettrait de garantir que, au fur et à mesure que ces changements seraient apportés, ceux-ci n'entraînent pas de conséquences imprévues ni ne créent de nouvelles formes de discrimination.


REMERCIEMENTS

Les personnes qui suivent ont aidé l'auteure dans la préparation de la présente étude : Carrie-Lynn Barkley, Carrie Fisher, Tracey Pybus, de la Faculté de droit de l'Université Queens; Vyvien Vella et Ron Murdoch, ainsi que le personnel, notamment le personnel chargé du soutien informatique, de la Faculté de Droit, et, enfin, le personnel de la bibliothèque. Andrew Mitchell et Brian Murphy ont apporté leur inestimable expertise en ce qui concerne la BD/MSPS, et Susan Alter, de la Commission du droit du Canada, a orienté la direction et la réalisation de ce projet depuis sa création.


TABLE DES MATIÈRES

SOMMAIRE

REMERCIEMENTS

Chapitre un

NATURE DES QUESTIONS SOULEVÉES PAR L'UNITÉ D'IMPOSITION

  1. Comment les prestations fiscales et les pénalités fiscales sont générées
  2. Portée du choix de l'unité d'imposition
  3. Plan de la présente étude

Chapitre deux

LE DROIT RELATIF AUX BIENS FAMILIAUX ET QUESTIONS TOUCHANT L'UNITÉ D'IMPOSITION

  1. Modèles individuels
  2. Modèles conjoints
  3. Conclusions

Chapitre trois

LE CHOIX DE L'UNITÉ D'IMPOSITION ET LA DIVERSITÉ

  1. Discours sur la politique fiscale : critères et réalités
  2. Avantages et inconvénients de la taxation commune et de la taxation individuelle
  3. Couples à un seul et à deux revenus : « des pommes et des oranges »
  4. Effets de la taxation commune sur le comportement
  5. La diversité et l'unité d'imposition
  6. Répercussions structurelles de la diversité

Chapitre quatre

DISPOSITIONS RELATIVES AUX PRESTATIONS QUI S'APPLIQUENT AUX CONJOINTS

  1. Prestations pour personnes à charge d'âge adulte
  2. Prestations liées au « revenu familial »
  3. Le partage familial des revenus et des biens

Chapitre cinq

DISPOSITIONS PÉNALES APPLICABLES AUX CONJOINTS

  1. L' impôt sur le mariage ou la cohabitation »
  2. Formules relatives au seuil de faible revenu
  3. Pénalités relatives aux dépenses liées au travail
  4. Dispositions anti-évitement

Bibliographie

Annexe A
Annexe B
Annexe C
Annexe D
Annexe E
Annexe F
Annexe G
Annexe H
Annexe I



CHAPITRE UN NATURE DES QUESTIONS SOULEVÉES
PAR L'UNITÉ D'IMPOSITION

L'unité de base des politiques juridiques est le particulier[1]. Néanmoins, la législation fédérale a toujours semblé quelque peu « ambivalente » pour ce qui est de la question de savoir si les politiques juridiques devraient être établies uniquement en fonction des particuliers -- de sorte qu'elles n'auraient pas à tenir compte des relations entre adultes -- ou de savoir s'il faudrait prendre en considération certains types de relations dans certaines circonstances.

Cette ambivalence est clairement exprimée dans les débats initiaux portant sur la question de savoir si la première loi édictée au Canada en matière d'impôt sur le revenu -- la Loi de l'impôt de guerre sur le revenu, qui fut adoptée aux fins du financement de la participation canadienne à la Première Guerre mondiale -- devait traiter tous les contribuables sur un pied d'égalité ou si les contribuables qui étaient membres d'une famille devaient jouir d'avantages spéciaux. Le ministre des Finances avait initialement suggéré d'accorder à tous les contribuables les mêmes exemptions personnelles, indépendamment de la question du mariage ou de la composition de la famille. En bout de ligne, on a retenu le particulier comme unité d'imposition de base; cependant, dans les discussions qui ont suivi, des pressions ont été exercées sur le gouvernement pour qu'il accorde des avantages fiscaux spéciaux aux hommes mariés. Par ailleurs, ceux qui souhaitaient qu'un statut particulier soit accordé au mariage officiel ont eu raison de ceux qui faisaient valoir que la composition des ménages était tellement diversifiée qu'on ne devrait pas accorder d'avantages particuliers uniquement aux hommes mariés[2].

Par suite de l'adoption de cette décision d'orientation, le Canada a choisi le particulier comme point de départ des programmes de prestations fédéraux, lesquels ont cependant constamment été assujettis à de nouvelles dispositions législatives spéciales applicables aux conjoints ou fondées sur l'état matrimonial, par exemple l'exemption de personne mariée prévue dans les lois touchant l'impôt sur le revenu. Ainsi, le modèle individuel canadien est devenu un modèle hybride qui ressemble à plusieurs égards au modèle applicable aux conjoints ou fondé sur l'état matrimonial. Cette hybridation touche un nombre important de lois et programmes gouvernementaux. À l'échelon fédéral, environ 70 lois touchant divers sujets, que ce soit l'impôt sur le revenu, l'immigration, la sécurité sociale, la fonction publique, les pensions des anciens combattants, les taxes à la consommation, la preuve criminelle, le divorce, les peuples autochtones ou l'assurance-chômage, renferment des règles particulières relativement aux couples mariés ou aux couples qui cohabitent, et de nombreuses lois contiennent également des dispositions spéciales applicables à d'autres types de relations. Les lois des provinces et des territoires renferment un nombre similaire de dispositions du même type.

Les dispositions spéciales visant les couples qui sont mariés ou qui cohabitent n'ont pas toutes la même incidence sur ceux-ci. Plusieurs de ces dispositions prévoient des avantages particuliers pour les couples, tel le crédit pour conjoint, qui est toujours offert dans la Loi de l'impôt sur le revenu. Il existe cependant d'autres dispositions applicables aux conjoints qui ont de fait pour effet de pénaliser les couples mariés ou les cohabitants. Par exemple, le supplément octroyé aux personnes seules dans le cadre du crédit pour taxe sur les produits et services (crédit pour TPS) n'est pas offert aux couples qui sont mariés ou qui cohabitent. On pourrait donc affirmer que le refus d'accorder ce supplément à ces couples équivaut implicitement à les assujettir à un « impôt sur le mariage » , même dans le cas des couples à très faible revenu[3].

Cette combinaison de dispositions qui, d'une part, offrent des avantages aux couples et, d'autre part, les pénalisent, et que l'on trouve dans notre système juridique hybride retenant le particulier comme unité de base n'est pas restée inchangée depuis l'instauration de ce système. Le dernier siècle a permis de mettre en évidence deux tendances à long terme. La première est l'extension de l'application du traitement visant les conjoints aux couples non mariés et, dans certaines circonstances, aux personnes engagées dans des relations non conjugales. Au départ, seuls les couples mariés avaient droit à des avantages fiscaux et à des avantages directement offerts par le gouvernement. Au fil des ans, on a sporadiquement connu des changements qui nous éloignaient du modèle offrant des avantages communs uniquement aux couples mariés et nous rapprochaient de la définition -- plus égalitaire -- des relations admissibles.

La plupart des dispositions visant un plus grand nombre de relations se rapportent à des relations fondées sur le sexe ou à des relations assimilables à des unions conjugales. À partir de 1919, on a reconnu les conjoints de fait aux fins de certains régimes de retraite fédéraux[4]. Au début des années 1970, par suite des recommandations formulées par la Commission royale d'enquête sur le statut de la femme, la plupart des régimes de retraite fédéraux ont été réexaminés en vue de permettre aux femmes selon le droit coutumier de toucher des prestations de survivant[5]. En 1993, à la suite de commentaires émanant de tribunaux des droits de la personne et en vue d'éviter d'autres contestations judiciaires fondées sur le droit à l'égalité protégé par la Charte canadienne des droits et libertés, le gouvernement fédéral a éliminé, en ce qui concerne toutes les dispositions de la Loi de l'impôt sur le revenu qui s'appliquent aux conjoints, la distinction entre les couples mariés et les couples non mariés[6].

Dans les années 1990, on a commencé à reconnaître juridiquement les couples homosexuels. En 1995, la Cour suprême du Canada a confirmé un certain nombre de décisions de tribunaux inférieurs qui avaient décidé que le fait de soustraire les couples homosexuels à l'application des dispositions visant les conjoints de fait pouvait entraîner une violation du paragraphe 15(1) de la Charte[7]. En 1998, on a enfin reconnu aux couples homosexuels le droit de toucher les prestations de survivant prévues par les régimes de pension des employés, aux termes de la législation fédérale en matière d'impôt sur le revenu[8] et, en 2000, la plupart des lois fédérales ont étendu aux couples homosexuels les dispositions applicables aux conjoints[9].

L'extension graduelle de nombreuses dispositions fédérales en matière de prestations fiscales aux relations non conjugales, telles que les relations entre parents et enfants, entre frères et soeurs, entre neveux et nièces ou, dans certaines situations, entre compagnons ou amis, a été moins évidente[10]. Certains de ces changements ont été conçus pour permettre aux couples d'homosexuels ou de lesbiennes de se présenter comme « amis » sans avoir à faire état de leur orientation sexuelle ou du caractère intime de leur relation. Certains autres de ces changements reflètent l'importance accordée à la parenté, et certains ont proposé que le traitement qui est appliqué aux conjoints soit étendu à tous les parents ou à tous les couples d'adultes au motif qu'il n'y a aucune différence entre de tels couples et les couples homosexuels[11].

La deuxième tendance importante a été le recours de plus en plus fréquent au « couple » en tant qu'unité des politiques générales fondamentales dans les lois fédérales[12]. Cette politique qui consiste à traiter les couples mariés et les autres personnes engagées dans des relations conjugales comme des personnes qui se « fondaient » dans un « couple » ou une « unité conjugale » tire son origine de la doctrine de la protection maritale, qui est issue de la common law britannique, selon laquelle l'existence juridique et économique des femmes se mêlait à celle de leur mari à partir du jour où elles obtenaient la « protection » de ce dernier par le biais du mariage. Au plan des politiques, les femmes ont toujours été désavantagées par cette façon de traiter les couples comme des « unités communes » . Par exemple, jusqu'au début des années 1980, les femmes qui occupaient un emploi au sein d'une entreprise familiale ne pouvaient pas disposer de leur rémunération comme si elle leur appartenait, ce qui non seulement avait pour effet de restreindre leur accès à des ressources financières, mais encore les empêchait de participer au programme d'assurance-chômage et à des programmes privés et publics de retraite. À l'heure actuelle, il existe de nombreuses autres dispositions visant les conjoints qui s'appliquent de la même manière que « la taxe sur le mariage » découlant de la TPS, y compris l'équivalent du crédit de personne mariée, la prestation fiscale pour enfants et la déduction pour frais de garde d'enfants. Dans toutes ces dispositions, les particuliers reçoivent des prestations fiscales supérieures à celles des couples.

La présente étude met essentiellement l'accent sur l'effet combiné de ces deux tendances, soit l'extension du traitement applicable aux conjoints à divers types de relations et l'extension de l'emploi de concepts reliés aux revenus conjoints pour fonder l'attribution des prestations gouvernementales. Cette double tendance -- plus de couples et plus de dispositions applicables aux conjoints -- existant dans la politique fiscale fédérale laisse une « empreinte » claire : elle a pour effet d'accroître les recettes gouvernementales, lesquelles augmentent parce que le traitement visant les conjoints a généralement pour effet de réduire les prestations devant être versées aux personnes à faible revenu. Les familles monoparentales, les familles à faible revenu dont les deux conjoints travaillent et les femmes sont particulièrement touchées par cette réduction globale des prestations, tout comme les autres personnes dont la race, les aptitudes, l'orientation sexuelle ou la classe économique ont une incidence sur leurs revenus.

Statistique Canada a démontré l'existence de cette « empreinte fiscale » distincte au cours d'une microsimulation en vue de savoir ce qui arriverait si on appliquait aux familles formées par un couple marié le même traitement que celui qui est appliqué aux familles formées par un couple non marié[13]. Les résultats ont démontré que le traitement appliqué aux conjoints avait pour effet de diminuer le revenu disponible de 58 p. 100 pour ce type de familles. Moins de 2 p. 100 des familles n'étaient pas touchées par ce changement et seulement 29 p. 100 jouissaient d'un revenu disponible supérieur du fait qu'ils étaient mariés. L'application d'un traitement particulier aux conjoints avait eu pour effet d'augmenter les recettes du gouvernement de 3,5 milliards de dollars, soit l'équivalent d'un impôt supplémentaire de 1 560 $ par famille. Le traitement appliqué aux conjoints ne touche pas toutes les familles de la même manière. Les familles comprenant des enfants de moins de 18 ans sont celles dont le revenu disponible a le plus diminué -- 2 058 $ --, suivies des familles comprenant au moins un conjoint âgé -- 708 $. Ce sont surtout les familles à faible revenu ou à revenu moyen qui perdaient le plus de revenus. La perte moyenne nette de revenu consommable (moyenne établie en tenant compte de toutes les familles) était de 570 $ par année.

Le revenu consommable après impôt avait diminué parce que ce groupe de familles, du fait qu'il était classé dans les familles formées d'un couple marié, avait perdu 2 milliards de dollars au titre du crédit d'impôt pour enfants, 1,7 milliard de dollars au titre des paiements de supplément de revenu garanti, 600 millions de dollars au titre du crédit de taxe sur les ventes et 300 millions de dollars au titre du crédit d'impôt provincial. Même si certains de ces conjoints ont bel et bien

reçu les prestations prévues par la Loi sur la sécurité de la vieillesse, ce gain a été annulé par l'augmentation globale des impôts fédéral et provincial.

Aux fins de la présente étude, on a effectué une simulation concernant l'impact au plan fiscal résultant du traitement du contribuable en tant que conjoint. On s'est servi de deux groupes de personnes non mariées. Le premier groupe était composé d'adultes de même sexe qui vivaient ensemble au sein de ménages économiques distincts (soit la terminologie employée par Statistique Canada à l'égard des célibataires qui partagent un logement) et dont les caractéristiques (notamment l'âge et la profession) n'étaient pas incompatibles avec les présumées relations entretenues par des homosexuels ou des lesbiennes ( « sélection rigoureuse » ). Le second groupe était composé de toutes les paires d'adultes de même sexe, peu importe leurs caractéristiques ( « sélection non rigoureuse » ). Lorsque ces paires étaient traitées comme des conjoints aux fins de l'impôt et des transferts sociaux, leurs paiements de transfert fédéraux baissaient de 13 à 14 p. 100, leur impôt total ne diminuait que de 1 pour cent et, lorsqu'on portait les paiements de transfert en déduction de l'impôt, il en résultait une perte nette de l'ordre de 5 à 7 p. 100[14]. La perte du pouvoir de dépense global du second groupe, qui était plus nombreux que le premier, était supérieure à celle du premier groupe.

La moitié environ des pertes attribuables à une réduction des paiements de transfert provient de programmes de transfert fédéraux -- les prestations pour enfants, les prestations du Supplément de revenu garanti (SRG) et le crédit de TPS étant les plus importants. Les pertes au titre des programmes de transfert provinciaux et au titre des crédits d'impôts provinciaux remboursables sont toutes deux de la même importance. Les paiements de transfert fédéraux et les dispositions fiscales fédérales sont à l'origine de nombreux programmes provinciaux, ce qui signifie que ce sont en grande partie les dispositions des lois fédérales en matière d'impôt sur le revenu qui sont la cause des deux tiers environ de la perte nette occasionnée par le traitement applicable aux conjoints. Il existe d'autres dispositions fiscales ayant une incidence sur ce tableau d'ensemble, mais elles sont relativement moins importantes que les éléments principaux énumérés ci-dessus; l'impact, au plan de la répartition, du plus important de ces éléments sera abordé aux chapitres quatre et cinq. On peut toutefois faire remarquer que, globalement, plus le groupe de paires d'adultes est important, plus il y a de femmes qui figurent dans les catégories de revenu les plus faibles et moins il y en a qui figurent dans les catégories de revenu les plus élevées. Cela donne à penser qu'en raison de la plus grande pauvreté relative des femmes et des autres groupes désavantagés, ceux-ci sont davantage susceptibles d'être touchés, et ce, d'une façon disproportionnée, par « l'empreinte fiscale » laissée par les tendances susmentionnées ( « plus de couples et plus de dispositions applicables aux conjoints » ) existant dans la politique fiscale et la politique relative aux paiements de transfert.

La littérature didactique fait de plus en plus ressortir les préoccupations suscitées par cette tendance[15]. Mais étant donné que des personnes souhaitant qu'on continue à les « inclure » dans une catégorie jouissant des lucratifs programmes de prestations ont cherché à justifier l'extension du traitement applicable aux conjoints par le biais de contestations judiciaires, il n'y a

guère eu de débats d'ordre politique ou juridique sur l'effet dégressif que de tels changements pourront avoir sur certains groupes. De fait, si l'accent est mis sur les avantages plutôt que sur les pénalités, c'est en grande partie en raison de la nature des litiges portant eux-même sur la question d'égalité. Dans des décisions judiciaires telles que Miron c. Trudel et M. v. H., les tribunaux ont dû se fonder sur des analyses de fond quant au sens du mot « égalité » , simplement pour être en mesure de déclarer inconstitutionnelles des dispositions qui sont essentiellement discriminatoires à leur face même. Dans l'affaire Miron, il n'était de toute façon pas même question au plan factuel de quelque éventuel effet punitif, puisque cette affaire portait sur la question de savoir si le paiement d'une indemnité d'assurance à un conjoint pouvait s'étendre à un conjoint de fait. L'effet « punitif » de l'extension donnée à l'obligation d'entretien du conjoint qui était contestée dans l'affaire M. v. H. correspondait en fait à un type de « pénalité » relevant du droit privé, et la décision tournait de toute évidence autour de principes d'équité. On a obligé H. à partager la part de ses revenus dans laquelle M. avait un intérêt in equity; on n'a pas annulé le droit de l'une ou l'autre des parties de toucher des prestations gouvernementales.

Quoi qu'il en soit, les tribunaux ne peuvent pas réellement procéder à une analyse contextuelle déterminante quant aux éventuelles implications de règles comme celles-ci à l'égard de politiques qui ne sont pas reliées. Les tribunaux ne peuvent fonder leurs décisions que sur les faits qui leur sont présentés. L'essence du raisonnement de la common law est que les principes s'appliquent à des contextes factuels et juridiques particuliers et que le changement est généré par l'examen de ces principes à la lumière des différents contextes factuels et juridiques.

Le dilemme auquel nous sommes confrontés à l'heure actuelle est que les tribunaux ont maintenant initié l'extension du traitement applicable aux conjoints pour remédier à la discrimination qui pouvait exister, et les législatures ont répliqué non pas en procédant au genre d'analyse contextuelle déterminante qui aurait constitué la prochaine étape logique du processus de réforme du droit, mais plutôt en adoptant des dispositions législatives prévoyant l'extension systématique du traitement en question, sans tenir compte de l'impact que la reconnaissance des diverses relations pouvait avoir au plan des avantages et des pénalités[16].

Deux difficultés fondamentales particulières découlent de l'extension du concept de « conjoint » et de l'emploi plus fréquent de l'état matrimonial aux fins de l'affectation générale des prestations. Premièrement, des catégories entières de personnes qui ne sont pas autorisées par la loi à se marier ou qui ont choisi de ne pas se marier sont maintenant réputées être mariées. Bien que l'extension de nouvelles prestations à ces catégories de personnes soit sans nulle doute bienvenue, l'extension des pénalités ne l'est pas. Cependant, la prise de conscience des effets punitifs est pratiquement inexistante, et la situation ne changera probablement pas avant que les gens aient produit, au plus tard le 30 avril 2002, des déclarations d'impôt sur le revenu exigeant la divulgation de leur cohabitation. Deuxièmement, la stratégie d'ensemble consistant à adopter des lois égalitaires signifie que les jalons qui sont utilisés pour identifier les personnes admissibles à recevoir des prestations gouvernementales sont les mêmes que ceux qui sont utilisés pour l'imposition de pénalités et, par conséquent, pour exclure les personnes non admissibles aux programmes de prestations. Aucun de ces changements n'a été précédé ou accompagné de quelque analyse de fond de l'impact de la reconnaissance des relations sur les couples non mariés, ni n'a été accompagné d'une quelconque évaluation visant à déterminer s'il était indiqué de continuer à relier toutes les prestations fiscales, les pénalités d'impôt ou les prestations gouvernementales aux mêmes indicateurs pour ce qui est de l'état des relations. Si l'attention qui continue à être portée sur l'extension possible du traitement visant les conjoints aux couples ou groupes non conjugaux mène à l'adoption de dispositions législatives similaires, le résultat exacerbera manifestement l'effet punitif global occasionné par la reconnaissance des diverses relations et accroîtra la mauvaise affectation des prestations découlant des dispositions législatives reflétant les deux tendances susmentionnées.

I.      Comment les prestations fiscales et les pénalités fiscales sont générées

Les prestations et pénalités relatives aux conjoints peuvent être tout à fait évidentes ou tout à fait subtiles. Les dispositions prévoyant le versement de prestations sont généralement très évidentes. Par exemple, l'extension du versement d'une pension à tous les cohabitants résultant de modifications apportées à la Loi sur la sécurité de la vieillesse équivaut simplement à une extension de la catégorie des partenaires qui peuvent demander cette pension entre l'âge de 60 et 64 ans de façon à inclure les partenaires de même sexe ainsi que ceux de sexe opposé. Aucun désavantage immédiat n'est associé à cette nouvelle règle, et le résultat correspond à ce à quoi on pourrait s'attendre.

Les effets des pénalités sont généralement plus subtils, et souvent ne s'accordent pas avec le bon sens. La décision rendue par la Cour canadienne de l'impôt dans l'affaire Poulter v. M.N.R. illustre cette situation[17].    Après que les cohabitants eurent été, en 1993, assimilés à des conjoints aux fins de l'impôt dans le cas où ils avaient cohabité pendant une période de douze mois avec une personne de sexe opposé, Mme Poulter était tenue d'ajouter à son revenu celui de son cohabitant de sexe masculin de façon à ce qu'il puisse être déterminé si son revenu familial entrait dans les cadres des directives applicables au crédit d'impôt pour enfants. Comme ce n'était pas le cas, elle n'a pas eu droit à ce crédit d'impôt[18]. Même s'il a été prouvé que son cohabitant ne l'aidait pas à payer ses frais de subsistance ou ceux de son enfant, qu'il ne fournissait aucun soutien à l'enfant et que le cohabitant et elle n'avaient pas vécu ensemble avec l'intention de gérer les questions d'argent ensemble, le tribunal a décidé que la présomption suivant laquelle elle était une « conjointe » aux fins de l'application des critères d'admissibilité ne violait pas son droit à l'égalité garanti par la Constitution.

Des décisions telles que le jugement Poulter laissent aux personnes à faible revenu des choix extrêmement difficiles à faire : soit devenir dans les faits des personnes à la charge d'un cohabitant -- même si elles avaient décidé d'être financièrement autonomes, soit mettre fin à la relation.

L'affaire Poulter n'est assurément pas la seule cause dans laquelle un partenaire nouvellement reconnu a cherché à se soustraire au traitement applicable aux conjoints. Plus les gens sont déclarés non admissibles aux programmes de prestation, plus le nombre de gens qui sentent le besoin de se soustraire au traitement commun obligatoire augmente. De toute évidence, il ne s'agit pas là d'une réaction déraisonnable aux nombreuses dispositions ayant pour effet de restreindre l'admissibilité à des prestations -- par exemple le seuil de faible revenu, l' « impôt sur le mariage » , l' « impôt sur la cohabitation » , la récupération des prestations versées -- qui s'appliquent maintenant autant aux couples mariés qu'aux couples non mariés.

Certains indices permettent de croire que les tribunaux pourraient mal accueillir de telles définitions générales du terme « conjoint » , qui ont pour effet d'obliger les femmes à choisir entre la dépendance financière ou l'abandon d'une relation entre adultes. Dans l'affaire Falkiner v. Ontario (Ministry of Community and Social Services, Income Maintenance Branch)[19], des mères célibataires ont contesté la validité constitutionnelle de dispositions législatives en matière d'assistance sociale qui, comme c'est le cas des dispositions de la Loi de l'impôt sur le revenu concernant le crédit d'impôt pour enfants, présument que les femmes non mariées sont les conjointes de cohabitants de sexe masculin. La question essentielle dans cette affaire était de savoir si la loi pouvait étendre le traitement applicable aux conjoints à des personnes célibataires même si celles-ci n'avaient pas l'intention de former une relation assimilable à une relation conjugale. Cette affaire fait à l'heure actuelle l'objet d'un nouvel appel, mais le tribunal a conclu que l'attribution obligatoire du statut de conjoint -- même après trois ans -- pouvait violer les droits garantis par la Charte lorsqu'il s'appliquait à un groupe de femmes qui désiraient partager un logement avec un homme avec lequel elles pouvaient ou non avoir une relation, laquelle pouvait impliquer divers degrés d'intimité. Le tribunal a dans cette affaire expressément conclu que l'attribution du statut de conjoint avait pour effet d'obliger les femmes -- particulièrement les mères seul soutien de famille vivant de prestations d'assistance sociale -- à choisir entre l'indépendance financière et la poursuite d'une forme quelconque de relation. Le tribunal a déclaré que le fait d'obliger une personne à exercer un tel choix entraînait une violation de la dignité humaine, du droit à l'identité, du droit de choisir d'être ou non un « conjoint » , et du droit à l'autonomie[20].

L'effet Poulter peut être généré soit directement soit indirectement. Certains des effets les plus insaisissables découlant de l'emploi du « couple » comme unité des prestations fiscales proviennent des conséquences que le taux d'imposition progressif peut avoir sur la valeur des prestations fiscales. Au Canada, le taux d'imposition sur le revenu est « progressif » , ce qui signifie que les contribuables ayant les plus faibles revenus paient de l'impôt au taux marginal le plus bas, soit 17 p. 100, que les contribuables à revenu modéré calculent une partie de leur charge fiscale d'après le taux marginal médian (26 p. 100) et que les contribuables touchant un revenu supérieur calculent leur impôt d'après le taux marginal le plus élevé, qui est de 29 p. 100[21]. Lorsque les avantages fiscaux prennent la forme de déductions, les différences dans les taux d'imposition entraîneront des résultats qui varieront selon les contribuables même s'il s'agit de la même déduction fiscale.

Par exemple, le contribuable à faible revenu qui paie 3 000 $ de frais de garde d'enfants déductibles aura une économie d'impôt de 510 $[22]. Celui dont le taux d'imposition se situe à 26 p. 100 économisera 780 $[23], tandis que la même déduction fiscale s'élèvera à 870 $ dans le cas du contribuable à revenu supérieur[24]. Le fait que ces avantages fiscaux varient dans le même sens que le revenu est ce qu'on appelle l'effet « inversé » . (De nombreuses déductions fiscales ont été converties en crédits d'impôt en 1988 de façon à remédier à cet effet inversé, mais cela n'a pas complètement réglé le problème causé par les différence de niveaux de revenu. Les personnes qui ne gagnent pas un revenu suffisamment élevé pour pleinement profiter d'un crédit d'impôt n'auront pas droit à des avantages complets ou égaux. Seuls les crédits entièrement remboursables permettent de régler ce problème).

L'effet inversé est parfois utilisé pour restreindre le montant d'un avantage fiscal qui peut être réclamé par une personne engagée dans une relation conjugale. L'effet inversé devient en pareil cas une forme subtile de mécanisme permettant d'imposer des pénalités fiscales à des couples particuliers. Si l'on se reporte de nouveau à la déduction pour frais de garde d'enfants, la Loi de l'impôt sur le revenu prévoit que c'est le conjoint ayant le revenu le moins élevé qui peut réclamer cette déduction[25]. Si une femme dont le taux marginal d'imposition est le plus élevé (29 p. 100) paie des frais de garde d'enfants s'élevant à 3 000 $ et est réputée cohabiter avec une personne dont le taux marginal est de 17 p. 100, il lui sera absolument interdit de réclamer la déduction en question, et, même si la personne avec qui elle cohabite aurait le droit de réclamer cette déduction, la valeur de l'avantage fiscal ne serait que de 510 $ et non de 870 $, comme cela aurait été le cas si la femme avait été autorisée à profiter de la déduction. Si l'on tient compte en outre du fait que le taux d'imposition provincial est encore plus élevé, cela signifierait que le traitement applicable aux conjoints coûterait au contribuable quelque 540 $ par année dans un tel cas.   

II.     Portée du choix de l'unité d'imposition

Si l'on prend de nouveau l'exemple de la déduction pour frais de garde d'enfants, il peut sembler à première vue que l'objet de la déduction -- soit aider les parents à occuper un emploi à l'extérieur du foyer tout en continuant à s'acquitter de leurs obligations parentales -- n'ait rien à voir avec les relations entre adultes. Le fait qu'un parent qui est sur le marché du travail puisse être pénalisé en ce qui concerne les avantages relatifs aux frais de garde d'enfants parce qu'il entretient une relation avec d'autres adultes avec lesquels il vit pourrait ne pas choquer, étant donné que la plupart des contribuables ayant des enfants sont mariés, que la plupart des femmes sont des salariées « secondaires » et que la plupart des partenaires sont des hommes gagnant un revenu supérieur. Mais comme les structures familiales et la composition des revenus familiaux ont changé, ces différences sont devenues plus évidentes, et la raison pour laquelle on restreint la déduction au conjoint ayant le plus faible revenu (soit pour couper les coûts associés à l'emploi rémunéré occupé par les salariés « secondaires » de la famille) commence à perdre de sa légitimité.

Selon la nature de la relation que deux adultes entretiennent, il est dans les faits possible que le nouveau « conjoint » n'assume aucune des dépenses relatives à l'enfant, ou même qu'il ne partage pas les dépenses du ménage, ou encore qu'il ne partage pas le remboursement d'impôt de 510 $ qu'il pourrait avoir le droit de réclamer au gouvernement fédéral. Cela pourrait arriver si -- comme ce fut le cas de certains des demandeurs dans l'affaire Falkiner -- les deux adultes ne sont pas mariés, ou s'ils n'ont vécu ensemble que pendant une courte période, ou s'ils ont convenu de ne pas mettre leurs revenus en commun ni de partager les dépenses parce qu'ils désirent tous deux maintenir leur autonomie financière.

Sur le plan de la rédaction technique, l'accès aux prestations gouvernementales et l'imposition de pénalités sont tous deux régis par l' « unité » choisie dans le cadre de la politique juridique. Lorsque le couple marié constitue l'unité aux fins de l'impôt sur le revenu ou des transferts sociaux, alors aucun autre couple ne peut être admissible à des prestations ni n'a se préoccuper du fait que la cohabitation pourrait avoir une incidence sur son admissibilité à des avantages tels que le crédit pour enfants. Lorsque l'unité que l'État a adoptée est le particulier, alors nul n'est tenu de faire état de son état matrimonial aux fins du calcul des avantages ou de la demande d'avantages.

Ces deux choix -- l'utilisation de la notion de particulier ou de couple comme unité de base -- comportent des implications importantes au plan des politiques. Par ailleurs, la façon dont le législateur définit le « couple » est également un facteur important. Les anciennes définitions de conjoint de fait exigeaient que le couple se présente lui-même en tant que mari et femme pendant sept ans avant qu'un conjoint puisse être admissible à la pension de survivant, alors que le projet de loi C-23 reconnaît à toutes fins le statut de conjoint après douze mois de cohabitation (ou moins si le couple à un enfant).

Les caractéristiques démographiques des personnes visées par les règles régissant l'unité aux fins de l'impôt ou des transferts sociaux sont également importantes au plan des politiques. Comme il fallait s'y attendre, les inconvénients associés au traitement applicable aux conjoints touchent plus souvent les membres de groupes désavantagés -- les familles monoparentales dont le chef est une femme, les femmes, qui continuent à être victimes des écarts des taux de salaire selon le sexe, les particuliers et les couples qui sont membres de minorités visibles, les couples homosexuels, dont le salaire est souvent moindre en raison de leur orientation sexuelle, et les personnes handicapées. L' « impôt sur le mariage » et l' « impôt sur la cohabitation » , qui sont fondés sur la méthode du tout ou rien, ainsi que les effets des présomptions anti-évitement établies par la loi, le seuil de faible revenu, la récupération des prestations versées, et d'autres mécanismes permettant de restreindre considérablement l'admissibilité à divers avantages des parents uniques et des personnes à faible revenu, touchent d'une façon disproportionnée ceux et celles dont le revenu est déjà moindre en raison de leur genre, de leur orientation sexuelle, de leur handicap ou de leur race, ou encore d'une combinaison de ces facteurs.

III.    Plan de la présente étude

La présente étude examine la possibilité qu'une plus grande prise de conscience politique des répercussions résultant de l'extension du traitement applicable aux conjoints ouvre la voie à un nouvel examen de certaines des règles récemment modifiées par le projet de loi C-23. À cette fin, la présente étude aborde directement la question essentielle à un tel réexamen, soit celle de savoir si les politiques juridiques fédérales devraient continuer à utiliser des critères tels que le « couple » ou les relations aux fins de l'affectation des avantages et des pénalités prévus par les programmes fédéraux, ou s'il existe certaines situations dans lesquelles le particulier devrait constituer l'unité de base des politiques juridiques.

Deux autres questions viennent se greffer à cette question fondamentale : (1) les couples non conjugaux, ou même les groupes de personnes, devraient-ils être réputés former une unité aux fins des avantages et des pénalités et, le cas échéant, à partir de quel moment, et (2) comment de nouvelles formes juridiques telles que les partenariats civils enregistrés ou les unions civiles, ou encore les ententes de réciprocité concernant les bénéficiaires, devraient-elles être traitées lorsque des partenaires présentent une demande de prestations ou cherchent à éviter des pénalités en se fondant sur cette union.

Dans la présente analyse, nous mettrons surtout l'accent sur les dispositions fédérales en matière d'impôt sur le revenu. Étant donné que le choix de l'unité aux fins des prestations fiscales touche les programmes de dépenses directes ainsi que les dispositions fiscales, et vu le croisement de plus en plus fréquent entre les dépenses directes et les dépenses fiscales, l'impact de ce choix aux fins de programmes particuliers de dépenses directes tels que ceux prévus par le Régime de pensions du Canada (RPC), la Loi sur la sécurité de la vieillesse (LSV) et la Loi sur l'assurance-emploi (LA-E) sera également examiné.

Dans un premier temps, nous examinerons l'évolution, en fonction du contexte historique, social et économique, des règles concernant l'impôt ou les transferts sociaux au Canada ainsi que dans cinq autres pays (la Suède, l'Angleterre, l'Espagne, les États-Unis et la France), chacun de ces pays ayant élaboré ses propres solutions face aux difficultés soulevées par le choix d'une unité aux fins de l'impôt sur le revenu ou des transferts sociaux. Cette évolution démontre plusieurs points importants. En premier lieu, le choix d'une unité est grandement influencé par le droit relatif aux biens familiaux, par le statut des femmes au sein de la société en général, et par le degré de diversité qui est reconnu en droit. En deuxième lieu, les choix qui s'offrent aux décideurs sont nombreux. Troisièmement, les pays qui reconnaissent diverses formes de relations familiales ont tendance à abandonner les dispositions fondées sur le sexe et sur les relations et à utiliser la notion de particulier comme unité fondamentale des politiques juridiques.

Au chapitre trois, nous examinerons de plus près certaines des sources de la partialité qui découle de l'adoption de politiques fondées sur le couple. Nous examinerons, à partir des débats touchant les politiques fiscales, de la théorie économique, d'études portant sur le marché du travail et d'études comparatives faisant appel à la microsimulation, le lien entre le genre, l'état matrimonial, la race, l'orientation sexuelle, et l'utilisation de la notion de couple comme unité aux fins de l'impôt ou des transferts sociaux. Nous énumérerons par ailleurs dans ce même chapitre des critères à la lumière desquels on pourrait évaluer certaines dispositions applicables aux deux conjoints -- soit les dispositions relatives aux prestations et les dispositions pénales.

Aux chapitres quatre et cinq, nous examinerons de plus près cinq différents types de lois fédérales qui, à l'heure actuelle, accordent des prestations ou imposent des pénalités aux couples : (1) les dispositions prévoyant le versement de prestations aux adultes tributaires de l'assistance publique; (2) les dispositions prévoyant un régime de supplément au revenu familial -- les dispositions accordant des avantages fiscaux de type « revenu familial » ; (3) les dispositions ayant une incidence sur la propriété des biens familiaux à l'égard les membres de la famille; (4) les dispositions anti-échappatoires; et (5) les dispositions conçues pour restreindre de différentes façons l'admissibilité aux mesures de redressement dans le cas des personnes à faible revenu, de la pension alimentaire pour enfants et des mesures visant à atténuer la pauvreté. Les dispositions relatives aux prestations seront analysées au chapitre quatre, et les dispositions pénales, au chapitre cinq.

Les conclusions tirées aux chapitres quatre et cinq sont fondées à la fois sur les objectifs visés par les divers types de dispositions relatives aux conjoints et sur l'impact que chaque type de disposition a sur la répartition des revenus. Elles sont accompagnées de recommandations sur les politiques de rechange qui permettraient de mieux atteindre ces objectifs et sur l'étendue de l'application de ces solutions de rechange, notamment l'extension possible de certains types de dispositions aux couples non conjugaux.

La politique fiscale a été choisie en tant que prisme à travers lequel peut être examiné le rôle de l'État en matière de réglementation des relations entre adultes, puisque l'impôt sur le revenu constitue l'un des plus importants instruments globaux de la politique fiscale fédérale. Lorsque des conséquences d'ordre financier se rattachent au mariage, au soutien d'un parent vieillissant ou à la cohabitation avec un autre adulte, les dispositions qui entraînent de telles conséquences font habituellement l'objet d'un examen très minutieux. Les modèles relevés dans la présente étude sont par ailleurs également le reflet typique des dépenses directes, et ils fournissent donc des renseignements utiles sur les choix au plan de la politique.


CHAPITRE DEUX LE DROIT RELATIF AUX BIENS FAMILIAUX ET QUESTIONS TOUCHANT L'UNITÉ D'IMPOSITION

Le choix d'une unité d'imposition dans un pays particulier dépend des attentes et des croyances sociales et politiques à long terme. Deux des plus puissantes forces qui ont influé sur les choix d'unités d'imposition ont été, d'une part, la situation des femmes -- particulièrement en ce qui concerne le droit de posséder des biens et le travail rémunéré -- et, d'autre part, le contexte politique global. Nous examinerons au présent chapitre comment les règles applicables dans six pays particuliers relativement à l'unité d'imposition ont évolué au regard de ces facteurs et comment elles démontrent que la tendance globale est orientée vers le choix de la notion de particulier comme unité aux fins de l'impôt ou des transferts sociaux.

La Suède, l'Angleterre, l'Espagne, la France et les États-Unis ont été choisis pour fins de comparaison avec le modèle canadien tel qu'il s'est développé, en raison du fait que chacun de ces pays a suivi une voie différente à partir du cadre stratégique initialement fondé soit sur des régimes prévoyant la communauté de biens à l'égard des biens matrimoniaux, soit sur des régimes de common law. En Angleterre, les règles touchant l'unité d'imposition ont initialement été modelées sur le droit matrimonial issu de la common law, lequel attribuait au mari la propriété ou la gestion de tous les biens familiaux. Le choix de l'unité d'imposition a, en Suède, en Espagne et en France, été influencé par le concept de communauté de biens. Étant donné que le droit relatif aux biens familiaux a, en Amérique du Nord, été influencé autant par la communauté de biens issue du droit civil que par les traditions issues de la common law, les orientations suivies relativement à l'unité d'imposition dans ces pays nord-américains ont également été uniques. Une particularité remarquable de l'évolution des règles touchant l'unité d'imposition dans chacun de ces pays tient cependant au fait que la reconnaissance du droit de propriété et des droits juridiques des femmes a eu des répercussions concrètes sur le choix de l'unité d'imposition.

L'image qui ressort de cette analyse est celle d'un mouvement transnational qui progresse constamment, même aujourd'hui. Qu'elles aient vécu dans des pays ayant adopté le régime de communauté de biens ou le régime de la common law, les femmes européennes ou nord-américaines n'avaient dans les années 1870 aucun droit de propriété réel ou droit de gérer les biens leur appartenant légalement, ni aucun droit de propriété ou de gestion à l'égard de leurs propres revenus. À cette étape de leur évolution, les femmes étaient carrément traitées comme si elles étaient une extension de leur mari aux fins de l'impôt sur le revenu. En raison de l'évolution du mouvement féministe au cours des 150 dernières années -- les premières lois relatives aux biens matrimoniaux ont été adoptées, puis les femmes ont obtenu le droit de vote, et elles sont enfin graduellement devenues légalement émancipées --, la tendance qui était perceptible chez diverses nations était l'adoption de la taxation individuelle. De manière générale, plus les intérêts des femmes dans les biens familiaux devenaient individualisés et distincts du patrimoine matrimonial net, plus le régime fiscal tendait à être fondé sur la notion de particulier comme unité d'imposition, et ce, autant dans les pays de common law que ceux ayant adopté le régime de communauté de biens.

Cette évolution générale ne s'est pas produite sans heurts ni de façon constante. De fait, dans plusieurs pays, elle a été contrecarrée par des actions politiques déterminantes (par exemple aux États-Unis). Au plan de la forme, les discours concernant le droit relatif aux biens familiaux et les politiques fiscales ont eux aussi quelque peu ralenti cette tendance. En Amérique du Nord, par exemple, l'évolution du droit relatif aux biens familiaux s'est traduite au cours du dernier siècle par le remplacement progressif de la propriété individuelle des revenus et des biens -- ceux-ci revenant aux hommes mariés suivant les principes de la common law applicables aux biens matrimoniaux (la doctrine de la protection maritale) -- par un « partage » accru entre époux suivant des principes reconnaissant le « partenariat » [26]. D'autre part, les discours concernant « l'équité » en matière de taxation et le partage ont donné à penser, au premier abord, que le fait que les hommes mariés étaient aux fins de l'impôt sur le revenu traités comme s'ils « partageaient » réellement leurs revenus et biens, alors que tel n'était pas le cas, pouvait miner les chances réelles des femmes d'acquérir un droit de propriété sur les biens familiaux, étant donné qu'on accordait aux hommes mariés les avantages fiscaux associés au partage, même lorsque ces derniers n'étaient en fait pas tenu de renoncer à leurs intérêts.

Les spécialistes du droit relatif aux biens familiaux ont souligné la « convergence » croissante entre les régimes de communauté de biens et les régimes relatifs aux biens issus de la common law. Les régimes de communauté de biens s'acheminent de plus en plus vers la communauté de biens différée, régime suivant lequel chacun des époux possède ses propres biens au cours du mariage mais est réputé posséder la moitié des biens de l'autre en cas de divorce ou de décès. Les régimes de communauté de biens fonctionnent ainsi de plus en plus de la même manière que les régimes de biens matrimoniaux issus de la common law. Parallèlement, les pays de common law adoptent des principes d'équité permettant aux femmes mariées de réclamer une part des revenus et biens de leur époux[27]. Ces réclamations reconnues en équité, qui peuvent être fondées sur des décisions judiciaires ou des lois prévoyant « une répartition équitable » , ne correspondent pas à des « dons » offerts aux femmes mariées mais reflètent plutôt la reconnaissance du titre en common law aux femmes en raison de leur apport régulier, et souvent non financier, aux revenus et aux biens appartenant à leur époux. Ainsi, le droit relatif aux biens familiaux issu de la common law fonctionne de plus en plus comme le droit relatif aux biens de communauté en ce qu'il accorde aux femmes mariées un intérêt dans le patrimoine matrimonial net, qui peut être calculé en tout temps mais qui sera réparti uniquement à la suite soit du divorce, soit du décès d'un époux. Dans l'ensemble, cette convergence reflète l'importance grandissante accordée à l'égalité véritable entre époux.

Il existe également une autre forme de convergence, peut-être moins évidente celle-là, entre le droit relatif aux biens familiaux et les règles concernant l'unité d'imposition sur le revenu. Comme les biens familiaux sont moins qu'auparavant des « biens conjoints » (et détenus par les maris) et qu'ils sont davantage individualisés par suite de la reconnaissance accrue des intérêts in equity des femmes, on établit de plus en plus la « capacité de paiement » de l'impôt d'après le revenu de chaque conjoint plutôt que d'après les revenus communs du couple. L'individualisation de la charge fiscale -- et d'autres éléments du régime fiscal et du système de transferts -- va de pair avec la reconnaissance accrue des droits de propriété individuels des femmes même au cours du mariage, autant suivant les régimes de communauté de biens que les régimes de common law. En Europe, suivant le système de communauté de biens différée, on reconnaît de plus en plus que les femmes mariées possèdent leurs propres biens. La taxation individuelle complète et renforce cette reconnaissance du droit de propriété. En Amérique du Nord, suivant le système de communauté de biens différée ou le système de communauté de biens in equity, on présume que les femmes mariées possèdent leurs propres biens. La taxation individuelle renforce cette reconnaissance des intérêts au plan économique.

Le traitement des femmes mariées en tant que personnes possédant leurs propres revenus et biens est compatible avec leur traitement en tant que particuliers aux fins notamment de l'impôt sur le revenu. Les préoccupations que suscite de nos jours le concept de « partage » en droit relatif aux biens familiaux peuvent sembler s'opposer à cette tendance générale, mais il faut noter que l'objet de la rhétorique concernant le « partage » constitue une tentative de justification de la reconnaissance judiciaire et législative de l'intérêt de propriété des femmes.

Nous présenterons au présent chapitre un bref aperçu de la manière dont les règles concernant la propriété des biens familiaux, l'émergence du mouvement féministe et d'autres caractéristiques structurelles ont contribué au choix actuel de l'unité d'imposition dans chacun des pays visés dans la présente étude. Les six modèles présentés forment un continuum. Au premier degré du continuum, la Suède a recours à un modèle fondé presque uniquement sur la notion de particulier, la loi faisant rarement mention des relations entre adultes. Au dernier degré du continuum, la France exige que non seulement les couples mariés, mais encore tous les membres de leurs familles, fassent état du revenu du ménage dans une seule déclaration d'impôt :


Modèles individuels, déclarations distinctes :

     Suède :   très peu de dispositions visant les relations

     Angleterre :   nombreuses dispositions visant les relations

     Canada :   très nombreuses dispositions visant les relations

Modèles conjoints, déclarations d'impôt produites sur un seul formulaire :

     Espagne :   facultatif, agrégation complète dans certaines circonstances

     États-Unis :   obligatoire; plein fractionnement du revenu entre époux (facultatif)

     France :   obligatoire; plein fractionnement du revenu entre tous les membres de la famille[28]

Selon la conclusion générale qui sera tirée au présent chapitre, les modèles fondés sur une unité d'imposition commune tendent à être remplacés par des modèles individuels au fur et à mesure que diverses formes de relations sont reconnues en droit, étant donné qu'il y a de moins en moins de rôles assignés à chacun des sexes, que les valeurs sociales deviennent moins « traditionnelles » et généralisatrices, que les femmes obtiennent plus d'intérêts juridiques directs dans les revenus et les actifs, et que l'État assume davantage de responsabilités relativement au bien-être des enfants.

I.      Modèles individuels

Les premiers régimes fiscaux nationaux ont été établis au 18e siècle par la Suède et l'Angleterre. La Suède a adopté sa première loi exhaustive en matière d'impôt sur le revenu en 1710; l'Angleterre a suivi en 1799. Ces deux pays ont adopté leurs premières lois fiscales bien avant la naissance du mouvement féministe. Ainsi, comme il fallait s'y attendre, ces deux pays ont au départ adopté une version de l'unité d'imposition prévoyant la totalisation absolue des revenus, même si le droit relatif aux biens matrimoniaux qui était appliqué dans chaque pays comportait des différences considérables -- les lois suédoises étant fondées sur la communauté de biens et les lois britanniques, sur la propriété individuelle, et ce, depuis la Conquête normande. Dans les deux pays, les femmes mariées avaient peu de droits juridiques ou économiques et étaient représentées en droit par leur époux.

En Suède, le système de communauté de biens accordait aux femmes un intérêt juridique immédiat dans les biens de leur mari, mais ce droit de propriété était plus symbolique que réel, étant donné que l'administration de la communauté était confiée au mari. Cette responsabilité administrative s'étendait au paiement des impôts, lesquels étaient par conséquent établis en fonction des ménages. Le modèle conjoint retenu par la Suède a ultérieurement été remplacé par étapes par le modèle individuel, les femmes touchant dorénavant une rémunération en espèces et acquérant le contrôle de leurs propres biens. Les Suédoises ont été légalement émancipées avec l'adoption du code de 1920, aux termes duquel elles obtenaient le contrôle juridique de leurs biens propres ainsi qu'un « intérêt virtuel » de 50 p. 100 dans les biens de communauté, de la même façon que ce que prévoit le régime des biens matrimoniaux applicable en Ontario[29]. Par suite de l'arrivée des femmes sur le marché du travail au cours de la Duexième Guerre mondiale et d'importantes augmentations des taux d'imposition du revenu, la totalisation des revenus a suscité une controverse d'ordre politique, étant donné qu'elle avait pour effet d'exiger que les femmes calculent leur impôt payable selon le taux marginal supérieur applicable à leur mari.

Même si le gouvernement a bien envisagé à cette époque de passer à un système de taxation individuel, il a adopté le modèle américain prévoyant le plein fractionnement des revenus entre conjoints (aux termes d'une déclaration conjointe), modèle qui présume que les conjoints possèdent chacun la moitié de tous les biens et revenus de la communauté comme si ceux-ci leur appartenaient en propre. Cette approche était très populaire auprès des hommes, puisqu'on leur accordait des avantages fiscaux en leur permettant de partager leur revenu avec leur épouse même si celle-ci n'avait plus aucun intérêt juridique dans ce revenu. Cette approche a cependant suscité un tollé de protestations de la part des Suédoises, puisqu'elle signifiait que les femmes occupant un emploi étaient toujours assujetties à des taux marginaux d'imposition plus élevés que si elles étaient imposées en tant que particuliers ( « effet de superposition » )[30]. Au moment où ce nouveau régime est entré en vigueur, en 1952, on a offert aux femmes au travail une déduction pour revenu gagné en vue d'atténuer cet effet.

Ces modifications n'ont cependant pas permis de supprimer l' « effet de superposition » causé par la production d'une déclaration conjointe. La Suède est donc graduellement passé, au cours des deux décennies suivantes, à un système prévoyant la production de déclarations individuelles. En outre, les femmes reçoivent maintenant de généreuses prestations pour enfants qui ne sont pas imposables, ainsi que des déductions supplémentaires pour celles qui occupent un emploi, en vue de couvrir les sommes versées aux remplaçants effectuant des travaux ménagers non rémunérés et non imposables, ainsi que d'autres frais reliés à l'emploi et le coût des établissements de soins pour enfants financés par l'État[31].

Du point de vue structurel, la Suède se fonde grandement sur de lourds impôts sur le revenu pour assurer les recettes du gouvernement, et la neutralité du régime fiscal à l'égard des relations entre adultes est maintenue par le biais du versement direct d'allocations pour garde d'enfants aux familles par l'intermédiaire des garderies financées par l'État[32]. Les Suédoises ont le taux de participation à la vie active le plus élevé au monde[33]. Lorsque les lois suédoises ont reconnu les partenariats civils enregistrés dans le cas des cohabitants (hétérosexuels et homosexuels) à la fin des années 1980[34], elles ont également traité ces derniers comme des particuliers aux fins de l'impôt sur le revenu.

Après un départ similaire, le régime fiscal applicable en Angleterre s'est orienté dans une direction très différente. Dès le départ, le mari était considéré comme étant le contribuable, et ce dernier considérait le revenu de son épouse comme étant le sien. L' « effet de superposition » associé à la taxation commune se faisait donc sentir, comme c'était le cas en Suède[35]. À la suite des pressions exercées par les féministes à la fin des années 1800, la Finance Act a été modifiée (en 1894) en vue de permettre aux salariées d'effectuer une déduction spéciale[36]. Depuis 1990, l'Angleterre a utilisé la notion de particulier comme unité d'imposition, même s'il était toujours loisible aux conjoints de partager une partie importante de leurs revenus. Le Royaume-Uni a récemment (en avril 2000) supprimé le crédit de l'homme marié, qui sera remplacé par un crédit pour enfants en avril 2001. Les prestations versées aux parents seuls sont maintenant liées aux ressources, tandis que les frais de garde d'enfants ne sont pas déductibles directement, mais constituent un élément du crédit d'impôt accordé aux familles qui travaillent.

Au plan structurel, le Royaume-Uni, contrairement à d'autres pays, ne fonde pas les recettes gouvernementales sur de lourds impôts, et les taux d'imposition du revenu sont relativement bas. Le taux de participation des femmes au marché du travail est quelque peu inférieur à celui de la Suède; il est de 71 p. 100 (celui des hommes est de 91 p. 100). Les cohabitants ne sont aucunement reconnus.

Bien que le régime fiscal canadien ait presque textuellement incorporé les dispositions de la Finance Act britannique, il a dès le départ utilisé la notion de particulier comme unité d'imposition. Les avantages spéciaux ont cependant toujours été accordés uniquement aux couples mariés, et le nombre et la valeur de ces avantages ont augmenté au cours du dernier siècle[37]. On a ouvertement eu recours à de telles dispositions applicables aux deux conjoints en vue d'exercer un contrôle sur la participation des femmes au marché du travail, en raison des opinions politiques dominantes à cette époque. Au cours des années 1920, alors que le recul du mouvement féministe se confirmait, la déduction pour conjoint était acceptée uniquement lorsque la femme était réellement à la charge de son mari et avait très peu de revenus personnels[38]. Les pénuries de main-d'oeuvre que le pays a connues au cours de la Deuxième Guerre mondiale ont entraîné la suppression immédiate de ces deux exigences (la femme à la charge du mari et le faible revenu de celle-ci), mais on les a ramenées en 1947, en les rendant même plus rigoureuses[39]. Depuis lors, le crédit pour conjoint à charge est resté peu élevé[40]. D'autre part, les dispositions prévoyant la totalisation des revenus ont été indirectement appliquées, puisqu'on interdisait aux maris de transférer à leur conjointe des intérêts productifs dans les biens familiaux ou dans des entreprises, dans la mesure où l'on refusait de traiter les salaires gagnés au sein des entreprises familiales comme s'ils appartenaient aux femmes. Ce qui a par ailleurs empêché ces dernières de contribuer à leur propre RPC et au régime d'assurance-chômage[41].

De nombreuses déductions et exemptions fiscales reliées au mariage ont été transformées en crédits d'impôt, lesquels baissent moins rapidement lorsque les revenus augmentent. Néanmoins, le régime fiscal canadien fondé sur le particulier reste un système hybride puisqu'il contient beaucoup de dispositions applicables aux deux conjoints. Même les dispositions conçues pour aider les femmes à entrer sur le marché du travail sont élaborées en fonction du concept de revenu familial, si bien que la déduction pour frais de garde d'enfants et l'équivalent du montant pour conjoint offert aux parents seuls sont plus élevés dans le cas du parent seul et peuvent même ne rien valoir pour un conjoint présumé. Même si le particulier continue en théorie à être l'unité d'imposition, la Loi de l'impôt sur le revenu du Canada renferme près de 200 dispositions dont l'application dépend d'une façon ou d'une autre des relations entre adultes. Par ailleurs, les politiques juridiques canadiennes sont devenues de plus en plus égalitaires par suite de l'extension du traitement visant les deux conjoints, d'abord aux couples hétérosexuels qui cohabitent, puis, en 2000, aux couples homosexuels[42].

II.     Modèles conjoints

L'Espagne et la France sont deux pays ayant retenu le régime de communauté de biens qui ont en bout de ligne adopté leur version du système de déclaration commune. Les États-Unis ont essentiellement adopté le modèle de la propriété individuelle, qui est fondé sur le modèle britannique; les Américains avaient toutefois établi un modèle de taxation individuel qui, après la Deuxième Guerre mondiale, a été remplacé par la taxation commune. Il est évident, d'après l'expérience américaine, que le système de déclaration commune est symptomatique d'une préférence sociétale pour les familles à revenu unique.

En Espagne, le régime de communauté de biens est en vigueur depuis 1265[43]. Même si ce régime est rigoureusement appliqué aux termes des lois espagnoles, les couples mariés peuvent maintenant décider de produire une déclaration commune ou individuelle, et les barèmes des taux sont calculés de façon à plus ou moins produire le même impôt net. Les parents seuls ne jouissent d'aucun avantage fiscal, les cohabitants ne sont pas reconnus et les couples homosexuels n'ont aucun statut juridique. Du point de vue structurel, le taux de participation des Espagnoles au marché du travail est peu élevé (26 p. 100 comparativement à 80 p. 100 chez les hommes), et l'impôt sur le revenu correspond à une relativement faible part du revenu disponible même si près du tiers des recettes gouvernementales provient de l'impôt sur le revenu. Étant donné que la majorité des femmes mariées sont tributaires de leur mari au plan économique et que la production d'une déclaration commune ou d'une déclaration individuelle a peu de conséquences pour les contribuables au plan fiscal, peu de pressions sont exercées au plan politique pour modifier ce système[44].

La situation est radicalement différente aux États-Unis, où on a commencé par le système de déclaration individuelle, avant d'adopter, à la fin de la Deuxième Guerre mondiale, un système tout à fait unique prévoyant la production d'une déclaration commune et le fractionnement du revenu. L'apparition du modèle américain de déclaration commune est en grande partie attribuable à la rencontre de deux tendances politiques : la tension entourant la politique fiscale entre les États qui ont adopté le régime de communauté de biens et ceux qui ont retenu le droit des biens issu de la common law, et la réticence à reconnaître les droits de propriété des femmes.

Entre l'année 1913 et les années 1920, le régime fiscal américain était très semblable au modèle canadien. Chaque contribuable pouvait réclamer une exemption personnelle de 3 000 $ et les contribuables mariés pouvaient réclamer une exemption supplémentaire de 1 000 $ pour leur conjoint. Toutefois, dans les États appliquant la communauté de biens, les contribuables ont commencé à produire des déclarations d'impôt sur le revenu aux termes desquelles chacun des conjoints possédait la moitié du revenu familial total, profitant ainsi des avantages fiscaux associés au plein fractionnement du revenu. Il en a résulté des tensions politiques, puisque les contribuables des États appliquant la common law désiraient aussi se prévaloir de ces avantages fiscaux. Dans les États de common law, l'impôt sur le revenu était prélevé sur le revenu gagné par chacun des époux.

En 1924, le régime fiscal américain reflétait tout à fait le principe suivant lequel l'obligation fiscale devrait correspondre à la propriété juridique des revenus et des biens. Il en a résulté une plus grande tension dans les États ayant adopté le régime de communauté de biens, étant donné que la propriété juridique découle dans ces États de la propriété des biens de la communauté, et que même les femmes qui étaient à la charge de leur mari étaient légalement réputées propriétaires de la moitié des revenus et des biens productifs de leur mari. Comme les avantages fiscaux associés à ce type de partage de la propriété des biens avec les épouses sont devenus évidents, de nombreux États ont commencé à adopter la communauté de biens pour permettre à leurs contribuables de profiter de ces avantages fiscaux. De plus en plus d'États adoptant ce régime, il y eut à cette époque un transfert massif de biens aux femmes[45].

À la fin de la Deuxième Guerre mondiale, au cours de laquelle la participation des femmes au marché du travail en tant que travailleuses de guerre avait déjà soulevé une grande controverse au sujet des rôles qui convenaient aux femmes, le gouvernement fédéral a décidé de tenir sa promesse de réduire considérablement les impôts dès la fin de la guerre. La baisse d'impôt visait les couples mariés, grâce au nouveau système de déclaration commune. Suivant ce nouveau système, tous les couples américains (aussi bien dans les États de common law que dans les États appliquant la communauté de biens) étaient présumés détenir conjointement leurs revenus et leurs biens. Ainsi, les avantages fiscaux associés à la propriété des biens de la communauté étaient étendus à tous les couples, et il devenait donc inutile pour les États d'implanter le régime de la communauté de biens. Comme il fallait s'y attendre, plusieurs des États ayant récemment adopté de nouvelles lois introduisant ce régime ont immédiatement abrogé celles-ci[46].

La nouvelle unité d'imposition commune s'est rapidement imposée. Elle a eu pour effet d'augmenter le taux de mariage et d'inciter les femmes à quitter la vie active et elle a fourni à la plupart des États une excellente raison d'abroger ou de rendre facultatives les lois prévoyant la communauté de biens qu'elles avaient adoptées seulement quelques années auparavant. Les femmes mariées se sont en bout de ligne retrouvées avec de nouvelles obligations juridiques et fiscales, puisqu'elles devenaient conjointement et solidairement redevables des impôts applicables aux deux revenus.

Depuis le début des années 1970, certains changements ayant été apportés à l'Internal Revenue Code ont eu une incidence sur les relations entre adultes. On a abaissé ce qu'on avait appelé la « pénalité applicable au mariage » , qui découlait de tranches d'imposition relativement larges, et on a quelque peu augmenté le montant de la déduction pour frais de garde d'enfants, en plus de prévoir un crédit d'impôt pour revenus gagnés en vue de neutraliser l'effet du mariage dans les déclarations communes dans le cas des familles à faible revenu. Cependant, les avantages fiscaux accordés aux contribuables à revenu moyen ou supérieur qui peuvent se permettre de vivre sur un seul salaire n'ont pas été modifiés. Ainsi, les Américaines évaluent constamment les effets fiscaux du travail rémunéré par rapport aux avantages fiscaux associés au travail non rémunéré et non imposable effectué au foyer. Par ailleurs, même la loi sur les partenariats civils enregistrés qui a été adopté à Hawaï et au Vermont n'a pas eu d'incidence sur la stricte limite applicable aux avantages offerts aux couples officiellement mariés qui découle de la déclaration commune.

En France, le particulier était initialement utilisé comme unité d'imposition, mais il a été remplacé par une forme de système de totalisation des revenus plus radical que ce qu'on trouve ailleurs dans le monde, soit le quotient familial. Le quotient familial réunit les revenus de tous les adultes et enfants de la famille; cependant, tous ces revenus, au lieu d'être simplement partagés entre le mari et l'épouse, sont divisés par un « quotient » qui correspond au nombre de membres de la famille, y compris les enfants. Ainsi, si les conjoints ont deux enfants, les revenus sont divisés par quatre et non par deux[47]. Ce mécanisme ouvertement nataliste a par ailleurs un effet dissuasif important sur les femmes pour ce qui est de la participation au marché du travail.

On a graduellement élaboré le quotient familial à partir d'anciennes formes d'imposition. L'historique de la fiscalité française ressemble à celui de la Suède, notamment en ce qui concerne le remplacement, au début du 20e siècle[48], de la propriété passive des biens de la communauté par les femmes par le droit de celles-ci de gérer leurs propres revenus à la suite de l'adoption du modèle de la totalisation des revenus[49]. La taxation individuelle avait été adoptée en 1917, sous la forme d'impôts supplémentaires, mais on n'y a pas systématiquement eu recours dans toutes les formules d'impôt. C'est en 1945 que le quotient familial a été introduit. À la fin des années 1950, la popularité du système américain de déclaration commune a incité le gouvernement français à remplacer tous les impôts sur le revenu par le quotient familial[50].

L'accent mis par le régime fiscal sur le concept de quotient familial ne constituait pas un changement si radical dans le cas des couples régis par la communauté de biens, puisque les deux conjoints étaient présumés gagner la moitié du revenu de l'autre et partager à parts égales leurs propres revenus. Mais pour les couples régis par la séparation de biens, le quotient familial produisait l'effet contraire : les femmes devaient payer de l'impôt sur la moitié du revenu de leur époux, mais elles n'avaient pas droit à une part de ce revenu en vue de justifier leur obligation fiscale ou de payer l'impôt, et elles étaient en outre imposées selon le taux marginal d'imposition le plus élevé s'appliquant à l'unité familiale relativement à la moitié de leurs propres salaires ou des revenus provenant de leurs propres biens. Cette différence de traitement a, à son tour, fourni de puissantes raisons aux hommes de favoriser le régime de séparation de biens et, au plan fiscal, de refuser de consentir à être régis par le régime de communauté de biens. Même si la recherche d'un régime favorable ne dépend pas en France de la région dans laquelle les contribuables vivent, comme ce fut le cas aux États-Unis, l'incompatibilité entre le régime applicable aux biens familiaux et le régime fiscal suscite aujourd'hui une opposition au partage des revenus et des biens entre conjoints mariés. L'effet du quotient familial s'est encore plus fortement fait ressentir en 1980, après qu'on l'eut modifié pour donner une demi-part supplémentaire aux parents ayant trois enfants ou plus[51].

Les Françaises n'ont pas accepté cette situation sans maugréer. Elles ont protesté contre la taxation commune applicable aux femmes mariées aux termes de la séparation de biens, contre l'administration par le mari de l'unité commune aux fins de l'impôt, contre le remboursement de sommes aux maris, et contre l'extension d'importants avantages fiscaux aux hommes qui ne participaient pas réellement au partage justifiant en principe les avantages fiscaux qui leur étaient conférés par la totalisation et le fractionnement des revenus aux termes du système de quotient familial. Les femmes ont exigé qu'on donne aux conjoints régis par la séparation de biens la possibilité de produire une déclaration individuelle, mais on ne leur a pas encore offert cette possibilité[52].

Au plan structurel, les recettes totales que l'État français tire des impôts sont parmi les moins élevées de tous les pays de la Communauté européenne. Moins de la moitié des femmes mariées travaillent à l'extérieur, ce qui a entraîné de nombreuses critiques contre ce régime au plan politique. Il reste à voir si l'adoption du Pacs ouvert aux cohabitants hétérosexuels et homosexuels suscitera de nouvelles pressions politiques visant la suppression du quotient familial.

III.    Conclusions

Le choix de l'unité d'imposition dans les divers pays dépend en dernière analyse des attentes sociales et politiques. Nombreux sont les facteurs qui influencent ce choix : les aspects juridique et social des relations entre adultes, la situation économique des femmes, le régime fiscal, ainsi que les patrons de participation de la main-d'oeuvre, la composition des familles et les attentes concernant le rôle assigné à chacun des sexes.

Au cours des années 1900, les changements apportés au droit relatif aux biens familiaux ont joué un rôle essentiel en ce qui concerne le choix de l'unité d'imposition. Les régimes issus de la common law ont initialement eu tendance à concentrer la propriété des revenus et des biens entre les mains des hommes mariés. Dans ces régimes, la taxation commune peut créer des incitatifs à garder les biens entre les mains des hommes, puisqu'elle permet à celui qui possède les revenus et les biens de jouir de tous les avantages fiscaux associés au partage de la propriété sans réellement avoir à partager le titre en common law, la consommation ou la jouissance des biens. Les expériences américaine et française permettent d'illustrer cette situation. Par opposition, l'emploi dans les pays de common law de la notion de particulier comme unité d'imposition favorise le transfert aux femmes d'au moins une partie des revenus et des biens. On peut constater cette tendance au Canada, même si elle a été quelque peu contrecarrée par l'adoption de dispositions anti-évitement.

Les mêmes conclusions peuvent être tirées en ce qui concerne les États appliquant la communauté de biens. L'utilisation de la notion de particulier comme unité d'imposition tend à favoriser la propriété conjointe des revenus et des biens. Cette situation tend à son tour à favoriser l'accès des femmes à des revenus et des biens. Paradoxalement, la taxation commune dans les pays appliquant le régime de communauté de biens a eu tendance à rendre la propriété individuelle plus attrayante, soit par la création d'incitatifs poussant les hommes mariés tirant un revenu supérieur à choisir la séparation de biens (France) ou à faire pression sur l'État pour qu'il adopte le régime de communauté de biens (États-Unis).

Le défi que les décideurs ont été appelés à relever au cours du dernier demi-siècle a été de veiller à ce que l'unité d'imposition retenue ne mine ni ne contrecarre les objectifs en matière de politiques des nouveaux régimes relatifs aux biens familiaux au moment où ceux-ci étaient adoptés. Les résultats varient d'un pays à l'autre, mais plusieurs tendances apparaissent à l'échelle internationale[53]. Étant donné que les régimes de communauté de biens et les régimes matrimoniaux issus de la common law favorisent tous deux le partage équitable du patrimoine matrimonial, ce qui a contribué à favoriser l'accès des femmes à des revenus et des biens, la tendance a graduellement changé, la taxation commune étant remplacée par la taxation individuelle des époux. Cette tendance ne serait probablement pas apparue si les femmes ne s'étaient pas soustraites au régime d'économie familiale pour joindre la population active et acquérir leurs propres biens. Plus les femmes se lançaient sur le marché du travail, plus les règles régissant l'unité d'imposition étaient susceptibles de les traiter en tant que déclarants indépendants et de leur permettre de calculer leur dette fiscale de la même manière que les contribuables sans conjoints. Cette tendance a dans l'ensemble eu pour effet d'augmenter la neutralité des règles régissant l'unité d'imposition et des régimes fiscaux à l'égard des revenus gagnés par les femmes. Par suite d'un mouvement de résistance d'ordre politique contre cette tendance (par exemple aux États-Unis), on a fait marche arrière et utilisé l'unité d'imposition pour entraver l'accès des femmes à plus de biens familiaux et pour les inciter à quitter le marché du travail.

Certains pays ayant commencé à étendre le traitement applicable aux époux aux cohabitants non mariés (autant les couples hétérosexuels que les couples homosexuels), on peut s'attendre à d'autres changements touchant l'unité d'imposition. La Suède, le Canada et la France étendent maintenant le traitement visant les époux aux cohabitants, et le Canada a également étendu ce traitement aux couples étant dans des relations assimilées à une union conjugale dans diverses circonstances[54]. Les trois autres pays dont il est ici question demeurent ouvertement hostiles à de tels changements. Bien que seulement deux de ces trois pays -- la Suède et le Canada -- aient essentiellement adopté la taxation individuelle, la reconnaissance de diverses formes de relations semble accroître la tendance vers le recours à la notion de particulier comme unité d'imposition[55]. Nous exposerons au chapitre trois les principales considérations de principes qui entourent ce processus.


CHAPITRE TROIS LE CHOIX DE L'UNITÉ D'IMPOSITION
ET LA DIVERSITÉ

Le débat concernant le choix de l'unité d'imposition appropriée fait rage depuis près d'un siècle en Amérique du Nord. Même si l'on prétend souvent que la question « n'est plus d'actualité » [56], celle-ci revient régulièrement sur la scène politique[57]. De plus, l'utilisation accrue de dispositions applicables aux conjoints de type « porte latérale » , telles que celles relatives aux crédits transférables (dans la Loi de l'impôt sur le revenu), à l' « impôt sur le mariage » lié à la TPS et aux restrictions fondées sur le conjoint, à l'accès aux prestations d'assurance-emploi, signifie que la question devient en fait de plus en plus importante, même si elle n'attire pas beaucoup l'attention.

Le présent chapitre joue la documentation en matière de politique fiscale concernant le choix de l'unité d'imposition contre les réalités de la diversité. La présente étude a un double objet : retracer l'analyse de la politique canadienne en la matière et identifier les critères et les considérations de principe dont la pertinence se manifeste, de façon générale, lors du choix que fait un particulier ou un couple donné ainsi que dans le cadre de programmes déterminés.

Le choix de l'unité d'imposition devrait être évalué à la lumière des critères traditionnels de la politique fiscale - l'égalité, l'équité, l'efficacité et la neutralité. Toutefois, l' « égalité » et l' « équité » sont des notions subjectives, tant dans le cadre de la politique fiscale qu'ailleurs. Par conséquent, on constate sans s'étonner que le point de vue des femmes est celui qui manque le plus souvent à l'appel lors de l'analyse des politiques se rapportant à la question de l'unité d'imposition. Lors du survol des arguments favorables et défavorables à l'emploi continu d'une forme de « couple » comme unité d'imposition, l'effet d'un tel choix est clairement étudié selon le sexe.

I.      Discours sur la politique fiscale : critères et réalités

Dans son énoncé désormais classique des « maximes » d'une saine politique fiscale, Adam Smith avait écrit, en 1775, que les impôts devaient être justes, simples, appropriés, difficiles à éviter et que leur gestion devait être peu coûteuse[58]. Les reformulations ultérieures de ces critères ne se sont jamais vraiment écartées d'une telle liste, bien que des critères tels que la « neutralité » , l' « équité » et l' « égalité » aient été suggérés de temps à autre afin d'offrir aux décideurs un encadrement plus concret par rapport à ce qui est envisagé[59].

Même si la notion d' « équité » fait partie des critères depuis plusieurs siècles, celle du couple marié comme unité d'imposition n'a été sérieusement contestée lors du discours dominant que depuis peu. C'est presque comme si les femmes ayant réussi à accéder à la discussion parlaient une autre langue ou se trouvaient dans une différente salle. Par exemple, lorsqu'en 1920 la Royal Commission on Taxation en Angleterre a conclu que le couple marié devrait demeurer l'unité d'imposition, la seule femme siégeant à la Commission, soit Mme Lillian Knowles, doyenne de la faculté des sciences économiques de l'University of London, a émis une forte opinion dissidente. Elle a affirmé qu'il était injuste de traiter un couple marié comme une seule unité fiscale puisqu'il n'y avait pas de « bourse commune » : d'une part, les épouses contrôlaient rarement le budget familial et de l'autre, les lois relatives aux biens des femmes mariées exigeaient que celles-ci soient traitées comme des personnes distinctes par l'État lors de l'application de toute politique[60].

Malgré l'opinion dissidente de Mme Knowles, les observations décrites ci-haut ne sont officiellement apparues dans le cadre du processus de réforme du droit au Canada qu'au milieu des années 1970. Lorsqu'en 1967 la Commission Carter a rédigé son rapport sur le régime fiscal canadien, elle a conclu que « l'équité » en matière d'imposition exigeait à la fois l'équité horizontale (à revenu égal, impôt égal) et l'équité verticale (moindre imposition des revenus inférieurs, plus forte imposition des revenus supérieurs) et que le revenu devait être évalué selon la « capacité de payer » , elle-même mesurée par l'accès à la consommation, plutôt que par la propriété en common law de revenus individuels[61].

La Commission a conclu que le Canada devrait, lors de l'application des critères à la question de l'unité d'imposition, adopter la notion française du quotient familial et traiter la famille entière comme l'unité d'imposition. La Commission Carter a donc recommandé que tous les revenus familiaux soient totalisés et imposés d'après des taux spéciaux se rapportant au nombre de personnes à charge dans la famille. En outre, la Commission a suggéré que tous les revenus de placement soient totalisés de la même façon, afin qu'il ne soit plus nécessaire de contrôler les transferts de propriété entre conjoints pour s'assurer de leur conformité aux dispositions anti-évitement. Bien que la Commission ait recommandé que l'on accorde des crédits d'impôt spéciaux aux mères seules, elle était convaincue qu'il fallait comparer, lors de l'application des critères d'équité au couple marié, les couples ayant le même revenu total plutôt que les conjoints sur une base individuelle.

En estimant que tous les couples pouvaient choisir le nombre de conjoints disposés à effectuer un travail rémunéré, la Commission était d'avis que le couple à deux revenus bénéficiait essentiellement du fractionnement du revenu qui était refusé aux couples à un seul revenu[62]. La Commission a également affirmé que la disponibilité du fractionnement du revenu aux États-Unis inciterait les familles à quitter le Canada et que [TRADUCTION] « dès le début, le couple marié même adopte la notion économique de la famille comme unité aux fins du revenu[63] » . Elle a ajouté qu'un tel fractionnement octroyait injustement aux couples à deux revenus un revenu discrétionnaire plus élevé qu'aux contribuables célibataires, encourageait le fractionnement du revenu, nécessitait l'adoption de lois anti-échappatoires et dissuadait le transfert de biens de placement entre conjoints[64].

Même au moment où le rapport de la Commission Carter a été publié, une telle vision du couple marié relevait davantage de l'illusion que des réalités économiques. Au cours des années 1960, un nombre sans précédent de femmes canadiennes avaient déjà commencé à se joindre au marché du travail. En 1966, 35,4 p. 100 de toutes les femmes canadiennes faisaient partie de la population active et les femmes représentaient quelque 31 p. 100 des adultes salariés à cette époque. Il s'agissait là d'une tendance qui devenait de plus en plus marquée. En 1976, les femmes représentaient déjà 45 p. 100 de la population active[65].

Ces réalités ont très peu influencé l'analyse de la politique relative à l'unité d'imposition. En 1960, les principaux fiscalistes s'étaient déjà vite ralliés au principe de la déclaration conjointe défendu par Stanley Surrey[66]. Puisque le rapport de la Commission Carter préconisait essentiellement le même mécanisme de fractionnement du revenu que celui qui avait été adopté aux États-Unis, le principe de la déclaration conjointe est très vite devenu populaire au Canada comme ailleurs[67].

À bien y penser, il est étonnant de constater que le gouvernement canadien n'ait finalement pas adopté une forme d'unité d'imposition commune à la suite de telles recommandations. Même si on lui a fait part d'observations semblables à celles qui avaient été présentées par le docteur Knowles au Royaume-Uni un demi-siècle plus tôt, ce n'est qu'en 1970 que la Commission royale d'enquête sur la situation de la femme au Canada a recommandé que les couples puissent avoir le droit de choisir la taxation commune[68]. Peu de temps après, la Commission de réforme du droit du Canada a commandé une étude effectuée par Jack London, lequel a également donné son appui à la proposition de la Commission Carter portant sur l'unité familiale[69]. C'est le gouvernement de l'époque qui a rejeté l'idée d'une déclaration conjointe, en concluant que la taxation commune serait injuste pour les deuxièmes soutiens économiques, dont la majorité étaient des femmes[70].

Toutefois, le gouvernement a sérieusement examiné la taxation commune au milieu des années 1970, lorsqu'un comité interministériel étudiant l'imposition des femmes s'est retrouvé divisé sur la question. Le ministère du Revenu national a donné son appui à la taxation commune pour des motifs d'équité et de simplification; Condition féminine Canada s'y est farouchement opposée pour des motifs d'équité[71]. En fait, le gouvernement semblait être sur le point de mettre en oeuvre un système de déclaration conjointe au début des années 1980 lorsqu'il a adopté la première mesure suggérée par la Commission royale d'enquête sur la situation de la femme - l'abolition de l'exemption au conjoint. Toutefois, lorsque l'honorable Judy Erola, ministre responsable de la situation de la femme, a proposé cette mesure, plusieurs femmes canadiennes y ont violemment réagi, croyant qu'il s'agissait là d'une atteinte à la valeur du travail non rémunéré des femmes. Les discussions abstraites portant sur la neutralité, l'égalité et l'équité ont disparu alors que la question est devenue extrêmement controversée sur le plan politique[72].

Depuis ce temps-là, la question de l'unité d'imposition profite d'une trêve précaire. Les universitaires donnent de plus en plus leur appui à l'unité d'imposition individuelle et à la réduction ou même l'élimination d'un nombre croissant de dispositions applicables aux conjoints de type « porte latérale » [73]. Certains analystes de politiques ont préconisé l'adoption de l'individu comme unité en matière de prestations par souci de complémentarité par rapport à l'unité d'imposition individuelle[74]. Cependant, même le Groupe de travail sur les femmes et la fiscalité, formé au début des années 1990 par la Commission de l'équité fiscale du gouvernement néo-démocrate en Ontario et constitué presque exclusivement de femmes, s'est retrouvé partagé sur la question de l'abrogation du crédit au titre du conjoint recommandée par la Commission royale d'enquête sur la situation de la femme en 1970[75].

II.     Avantages et inconvénients de la taxation commune et de la taxation individuelle

Les plus anciens régimes fiscaux d'Europe utilisaient automatiquement le couple marié comme unité d'imposition parce que la fiscalité était essentiellement considérée comme un prolongement du droit relatif aux biens familiaux. Les régimes fiscaux qui ont immédiatement adopté l'individu comme unité d'imposition - en Amérique du Nord, en Australie et en Nouvelle-Zélande - ont été créés bien après que le mouvement se rapportant aux biens des femmes mariées ait vu le jour. Qu'on l'ait clairement exprimé ou non, la taxation individuelle des couples mariés s'est tout d'abord fondée sur la reconnaissance de la personnalité juridique distincte des femmes.

Pour la taxation commune : c'est aux États-Unis qu'est apparu le fondement le plus évident de la taxation commune, par suite du profond débat politique concernant le passage de la taxation individuelle à la taxation commune aux termes du Plan Surrey de1948. À cette époque, le fondement était très simple : d'après le principe d'équité horizontale entre couples ayant des revenus égaux, les couples avec des revenus égaux devaient porter le même fardeau fiscal total. Les couples à un seul revenu étaient assimilés aux couples à deux revenus; selon un tel argument, la décision de l'épouse de travailler à l'extérieur du foyer constituait effectivement un genre de fractionnement du revenu. La taxation commune a donc été conçue comme une sorte de mesure anti-évitement pour s'assurer que le couple soit assujetti, dans son ensemble, au même fardeau fiscal total, que le revenu ait été gagné par un seul conjoint ou par les deux et même dans le cas où le mari « partage » son revenu avec son épouse en lui attribuant une partie du revenu familial total.

L'affirmation selon laquelle l'équité exige l'imposition égale des couples ayant des revenus égaux a été étayée par d'autres arguments depuis ce temps-là. Les adeptes de la taxation commune ont prétendu que celle-ci constituait une mesure anti-évitement efficace parce qu'elle dissuadait le transfert de biens au conjoint à revenu inférieur dans le but d'éviter l'impôt sur le revenu. Ils ont également soutenu que la taxation commune reflétait la mise en commun et le partage des ressources associés au mariage et qu'elle était compatible avec la formation et le fonctionnement du couple en tant qu'unité économique. On a dit de la taxation commune qu'elle était « neutre » à l'égard du mariage, qu'elle simplifiait le régime fiscal et qu'elle réduisait les coûts d'observation et d'administration parce que les couples ne devaient produire qu'une seule déclaration de revenus[76]. Dans la mesure où il appert que la taxation commune procure un avantage au conjoint à revenu supérieur aux dépens du conjoint à revenu inférieur (voir ci-dessous), il s'agirait là d'un effet « de retombée » bénéficiant au couple en tant qu'unité et une partie de l'avantage serait octroyée au couple par l'État sous forme de subventions fiscales par suite du fractionnement du revenu[77]. On a également soutenu que le principe du partage inhérent aux unions conjugales signifiait que le titre en common law associé au revenu ne constituait pas le facteur le plus important lors de l'allocation des obligations fiscales et que les couples devraient évaluer leur « capacité de payer » d'après leurs revenus respectifs (ou l'absence de revenus) plutôt que selon le revenu déterminé par le titre en common law[78].

Pour la taxation individuelle :certains soutiennent que la taxation commune ne respecte évidemment pas les principes d'égalité formelle et d'autonomie personnelle[79]. Selon d'autres, la taxation commune assujettit le revenu du deuxième conjoint à un taux marginal d'imposition plus élevé que si les conjoints étaient traités comme deux personnes distinctes. C'est parce que lorsque les conjoints sont imposés sur une base individuelle, chacun d'eux bénéficie au départ d'un taux d'imposition de zéro sur les premiers 6 000 $ de revenu, grâce aux crédits personnels; ils versent ensuite des impôts à un taux de 17 p. 100 sur les prochains 30 000 $, de 26 p. 100 sur les 30 000 $ suivants et de 29 p. 100 sur tout ce qui dépasse environ 60 000 $[80]. La totalisation des revenus du couple signifie que le revenu combiné atteindra les taux progressifs plus rapidement, de sorte que le deuxième revenu sera assujetti, par suite de la totalisation, à un taux marginal d'imposition plus élevé que s'il était imposé sur une base individuelle. Même si l'on utilisait une méthode quelconque de fractionnement du revenu, comme aux États-Unis, la perte des avantages fiscaux associés au fractionnement du revenu agirait de façon inverse lorsque le deuxième conjoint se joindrait au marché du travail, de sorte que le deuxième revenu atteindrait le taux marginal d'imposition maximal plus rapidement que s'il n'y avait eu aucun fractionnement.

On critique l' « effet de superposition » de la taxation commune parce qu'il enfreint le principe de l'équité verticale. Deux cadres de référence peuvent servir à l'analyse des répercussions de la taxation commune sur l'équité :

au sein du couple même :    en comparant l'impôt total versé par chaque conjoint lors d'une cotisation établie sur une base conjointe plutôt qu'individuellement, on constate que la taxation commune fait augmenter l'impôt total du deuxième soutien économique;

à l'extérieur du couple : en comparant la taxation commune des personnes mariées et l'imposition des personnes célibataires, on constate que la taxation commune accentue la surimposition du deuxième revenu d'un couple.

Peu importe le cadre de référence, on constate que tout deuxième revenu sera surimposé par rapport au premier. Cette surimposition est inversement identique à la sous-imposition du premier revenu. La surimposition d'un deuxième revenu entraîne un transfert de revenu après impôts au premier soutien économique, de sorte qu'un des conjoints subventionne l'autre. Puisqu'une telle « subvention » est toujours versée par le conjoint à revenu inférieur au conjoint à revenu supérieur, il est évident qu'elle enfreint le principe de l'équité verticale selon lequel les contribuables à revenu supérieur devraient payer des impôts plus élevés.

Encore au moins une douzaine d'arguments en faveur de la taxation individuelle découlent de l'analyse de l'équité verticale :

(1)         La surimposition du deuxième soutien économique a un effet dissuasif sur le travail rémunéré.

(2)         Cet effet dissuasif est lié au sexe parce que les revenus des femmes sont généralement inférieurs à ceux des hommes et représentent donc une moindre perte pour le couple.

(3)         Par conséquent, la taxation commune profite aux couples à un seul revenu et à revenu élevé.

(4)         La taxation commune se fonde sur une perception désuète de la famille et des relations entre adultes.

(5)         Le contrôle de la taxation commune entraînerait des violations injustifiées de la vie privée et des relations intimes.

(6)         Le mariage n'est plus la seule forme de relation entre adultes; ses caractéristiques s'apparentent beaucoup plus à celles des relations après le divorce, monoparentales, de cohabitation et non conjugales qu'auparavant. Par conséquent, la notion du couple marié comme unité d'imposition n'a pas de fondement rationnel.

(7)         L'assujettissement à l'impôt devrait être fondé sur la propriété en common law des revenus et des biens et non sur une unité théorique qui représente le « couple » , parce qu'un droit de propriété confère le contrôle et donc la capacité de payer[81].

(8)         Le fondement de l'assujettissement à l'impôt sur la propriété en common law incite un conjoint à partager véritablement son revenu et ses biens avec l'autre au moyen d'un transfert de titre en common law.

(9)         Le partage présumé des revenus et des biens, sans que l'assujettissement à l'impôt n'ait à correspondre au titre en common law, a un effet dissuasif sur le partage réel du titre en common law.

(10)       Un conjoint ne dispose d'aucun recours juridique pour obliger l'autre au partage pendant le mariage ou pour l'obliger à partager les avantages fiscaux obtenus à ses dépens.

(11)       La surimposition des deuxièmes revenus accentue généralement la dépendance économique des femmes à l'égard de leur conjoint.

(12)       Le partage à la consommation varie tellement d'un couple à l'autre qu'il ne peut justifier les violations continues de l'équité verticale au sein du couple; de plus, le partage à la consommation n'existe pas seulement chez les couples mariés.

(13)       Les couples à un seul revenu obtiennent généralement des avantages exonérés d'impôt associés au travail ménager non rémunéré, ce qui augmente en fait le pouvoir économique de ces couples par rapport aux couples à deux revenus.

Sur le plan mathématique, plus la différence entre deux revenus est grande, plus les effets susmentionnés seront graves. Ce n'est que si deux conjoints ont exactement le même revenu que la taxation commune n'entraînera pas de tels effets négatifs. Évidemment, dans un tel cas, l'assujettissement à l'impôt est à son plus bas niveau et ne subit aucunement les effets de la taxation commune.

III.    Couples à un seul et à deux revenus : « des pommes et des oranges »

Selon l'argument le plus souvent présenté en faveur de la taxation commune, les couples ayant des « revenus égaux » devraient payer des « impôts égaux » . Puisque les couples à deux revenus paieront toujours moins d'impôts que les couples à un seul revenu aux termes des structures de taux progressifs, on en conclut que la notion du particulier comme unité d'imposition ne respecte pas l'équité horizontale parce qu'elle ne permet pas « l'imposition identique des semblables » .

Le tableau 3-1 démontre comment un tel argument est généralement présenté. L'impôt versé par le couple à un seul revenu - les Pommes - est de 24 906 $. Ce montant est beaucoup plus élevé que les 18 363 $ payés par les Oranges qui ont deux soutiens économiques, même si les deux couples affichent le même revenu total de 80 000 $. La différence entre l'impôt des Pommes et celui des Oranges s'explique par les différents taux d'imposition qui s'appliquent lorsque les revenus des Oranges sont imposés sur une base individuelle.

Bien que la valeur des crédits personnels exigibles par les deux couples soit à peu près la même dans les deux cas (les Pommes peuvent réclamer un crédit personnel et un crédit au titre du conjoint tandis que les Oranges peuvent demander deux crédits personnels mais aucun crédit au titre du conjoint), chaque Orange bénéficie pleinement de l'avantage fiscal que constitue le taux d'imposition le moins élevé. À titre de comparaison, les deuxièmes 40 000 $ gagnés par les Pommes se superposent aux premiers 40 000 $, parce que l'on considère que le montant de 80 000 $ appartient en entier au conjoint qui l'a gagné. Un tel effet de superposition entraîne le calcul de l'impôt total à payer dans les deuxième et troisième fourchettes de revenus, dont les taux d'imposition sont sensiblement plus élevés en 1999.

Un tel calcul est généralement utilisé par ceux qui préconisent la taxation commune. Il est conçu pour démontrer que la taxation individuelle ne respecte pas le principe de l'équité horizontale lorsque les femmes ont elles-mêmes un revenu. L'analyse présentée au tableau 3-1 donne à penser que le régime fiscal ne produit pas d' « impôts égaux pour les couples mariés à revenus égaux[82] » .

Tableau 3-1 :     Réduction de l'impôt attribuable au fractionnement du salaire, en 1999

Table 3-1

Sources : Loi de l'impôt sur le revenu, L.R.C. 1985, ch. 1, telle que modifiée pour l'année d'imposition 1999.

*      Taux fédéral et provincial combinés (Ontario).

**     Impôt exigible exprimé en termes de pourcentage du revenu.

+     Dans les structures à taux progressifs, le taux exigible sur le dernier dollar de revenu.

++ Montant de l'impôt économisé exprimé en termes de pourcentage de l'impôt payé par le conjoint 1 en tant que travailleur unique.

Cette analyse est en réalité très peu réaliste. Au tableau 3-1, on a nommé les couples « les Pommes » et « les Oranges » afin de souligner qu'ils ne sont pas du tout « semblables » sur le plan fonctionnel. On y émet aussi l'hypothèse selon laquelle chacun des couples est libre de décider de la façon dont chaque conjoint gagnera le revenu qu'il désire ou dont il a besoin; on estime également que chaque couple peut décider qu'un des conjoints gagnera le revenu total du couple au cours d'une année donnée, que les conjoints gagneront chacun la moitié du revenu total qu'ils désirent au cours d'une autre année et qu'ils choisiront de gagner leur revenu selon une autre proportion au cours de l'année suivante.

Non seulement ces hypothèses sont-elles peu réalistes, il est également presque impossible d'y arriver en réalité. Tout d'abord, il est possible qu'aucun membre des Oranges n'ait la scolarité, l'expérience, la possibilité ni la capacité de gagner 80 000 $, de sorte que la comparaison du tableau 3-1 demeure entièrement théorique. Deuxièmement, les Oranges doivent ensemble travailler davantage pour gagner leur 80 000 $, parce qu'il est très peu réaliste de supposer que les conjoints peuvent gagner 40 000 $ en travaillant à temps partiel. Troisièmement, les Pommes peuvent s'attendre à ce que le conjoint 2 effectue, à tout le moins, un peu de travail ménager non rémunéré qui profitera au couple. La valeur d'un tel travail n'est évidemment pas imposée. Quatrièmement, il est possible que le conjoint 2 du couple Pommes ne soit pas en mesure de gagner 40 000 $ même si les Pommes voulaient « fractionner » leur revenu de la même manière que les Oranges. Cinquièmement, il est possible que le conjoint 1 du couple Pommes ne veuille pas nuire à son « capital humain » en travaillant à temps partiel dans le but de « fractionner » le revenu[83].

Dans les sociétés où il existe des disparités entre les sexes, les différences susmentionnées viendront presque toujours modifier la théorie abstraite. D'après l'illustration 1 qui s'applique au contexte canadien, cela s'explique du fait que les revenus moyens des femmes demeurent manifestement peu élevés par rapport à ceux des hommes. L'écart de revenu que l'on retrouve à l'illustration 1 demeure bien au-dessus de 50 p. 100 pour la plupart des femmes au cours de leur vie. Par conséquent, si un homme de 35 ans et une femme du même âge devenaient conjoints, le revenu de la femme ne constituerait en moyenne que 33 p. 100 du revenu total du couple. Le partage à parts égales, sur lequel se fonde la taxation commune pour démontrer qu'elle respecte les principes d'équité, est si peu réaliste qu'il n'est pas pertinent en l'espèce[84].

Le tableau 3-2 procède à la même analyse de l'équité horizontale en utilisant des revenus moyens plus réalistes pour chaque conjoint d'un couple théorique à deux revenus (18 500 $ pour la femme moyenne, 37 000 $ pour l'homme moyen). Lorsque ces revenus moyens sont attribués aux Oranges, soit le couple à deux revenus, on constate que « l'avantage fiscal » total de la taxation commune attribuable au fractionnement du revenu, par rapport à la taxation individuelle, est beaucoup moins élevé -- il n'est que de 8,5 p. 100.

Illustration 1 : Revenus totaux selon l'âge et le sexe, de 1984 à 1995

Illustration 1

Source : Statistique Canada, BD/MSPS version 5.2, rajustée pour les années 1985 à 1995.

Cette réduction est nettement plus mince que celle qui avait été calculée à l'illustration 3-1 parce que le degré du soi-disant fractionnement de revenu est manifestement moindre. Dans la mesure où le conjoint 2 possède déjà un revenu de 18 500 $, on constate que seulement 9 250 $ du revenu du conjoint 1 peuvent être théoriquement transférés au conjoint 2 afin d'accroître au maximum l'effet fiscal du fractionnement du revenu. Qu'un tel transfert « neutralise » théoriquement les différences d'impôt total exigible qui existeraient entre les couples à revenus égaux ou inégaux, il est beaucoup plus important de constater que le transfert augmenterait en fait le revenu imposable du conjoint 2 et, par conséquent, son impôt exigible, sans toutefois accroître le revenu du conjoint 2. Mais avant tout et par-dessus tout, le transfert d'un montant de 9 250 $ du conjoint 1 au conjoint 2 signifie que le conjoint 2 paie 2 200 $ de plus en impôts - mais le conjoint 2 n'a toujours que le même revenu réel. Par ailleurs, le conjoint 1 possède toujours un revenu de 37 000 $ mais économise 2 200 $ en impôts. Un tel transfert enfreint le principe de l'équité verticale parce que le conjoint à faible revenu assume le coût de l'octroi d'une subvention fiscale importante au conjoint à revenu supérieur.


Tableau 3-2 : La taxation commune par opposition à la taxation individuelle d'un couple à deux revenus, en 1999

Table 3-2

Sources : Loi de l'impôt sur le revenu, telle que modifiée pour l'année d'imposition 1999.

*      Taux fédéral et provincial combinés (Ontario).

**     Montant de l'impôt économisé exprimé en termes de pourcentage de l'impôt payé par le mari en tant que soutien économique unique.

Le non-respect présumé du principe de l'équité verticale existera toujours, que les revenus relatifs ou totaux soient plus élevés ou non. Remarquez que lorsqu'un montant de 9 250 $ est transféré théoriquement du conjoint 1 au conjoint 2, ce dernier quittera la tranche d'imposition 9 250 $ plus tôt qu'autrement, atteignant ainsi un taux d'imposition marginal supérieur beaucoup plus rapidement. Un coût additionnel est donc imposé au revenu supplémentaire du conjoint 2. Un tel « effet de superposition » se produira en tout temps, que le conjoint 2 ait un revenu de zéro au départ ou qu'il possède un revenu presque égal à celui du conjoint 1.

La valeur non imposée du travail ménager non rémunéré pouvant être effectué par l'un des conjoints ou par les deux aux termes des deux séries d'hypothèses est l'autre facteur qui manque à l'analyse ordinaire du fardeau fiscal que supportent les couples à un seul revenu par opposition aux couples à deux revenus. Le travail ménager non rémunéré varie selon le sexe. Les mères mariées non salariées consacrent presque deux fois plus de temps que la moyenne à effectuer du travail non rémunéré - 7,5 heures par jour, sept jours par semaine - et les femmes salariées passent en moyenne 3,2 heures par jour à effectuer du travail non rémunéré, par opposition aux hommes salariés qui n'y consacrent que 1,8 heure[85]. Même si l'on attribue une valeur de 4 $ l'heure à ce travail non rémunéré, cela signifie qu'un couple à un seul revenu effectuera chaque année du travail ménager non assujetti à l'impôt d'une valeur d'environ 13 578 $ (10 950 $ par le conjoint non salarié, 2 628 $ par le conjoint qui gagne un revenu) - soit un montant sensiblement supérieur aux 8 223 $ produits par un couple salarié (4 672 $ par une femme salariée, 2 628 $ par un homme salarié). Lorsque ces chiffres certes conservateurs s'ajoutent à l'analyse retrouvée au tableau 3-2 ci-dessus, le pouvoir économique net se déplace considérablement, puisque le montant de 13 578 $ représentant le travail ménager non rémunéré l'emporte nettement sur « l'avantage fiscal » de 923 $ dont bénéficie le couple à deux revenus (les Oranges).

En tenant compte du régime fiscal progressif, des différences bien enracinées entre la capacité productive des hommes et celle des femme, et des habitudes relatives au travail ménager non rémunéré, il est possible de tirer plusieurs conclusions au sujet des effets de la taxation commune par opposition à la taxation individuelle :

(1)         La taxation commune réduit le fardeau fiscal de tous les couples qui gagnent des revenus inégaux.

(2)         Les meilleurs avantages de la taxation commune reviennent aux couples à un seul revenu.

(3)         Seuls les couples qui peuvent se permettre de vivre sur un seul revenu obtiendront pleinement l'avantage fiscal de la taxation commune.

(4)         Plus le revenu du conjoint assumant les frais d'entretien est élevé, plus l'avantage fiscal attribuable à la taxation commune est attrayant.

(5)         Les avantages fiscaux de la taxation commune disparaissent au fur et à mesure que le revenu du conjoint assumant les frais d'entretien diminue.

(6)         Les couples à faible revenu ne bénéficient pas de la taxation commune parce que leur fardeau fiscal sera en grande partie éliminé par le système de crédits actuel.

(7)                Les couples à deux revenus n'obtiendront pas le plein avantage fiscal provenant de la taxation commune parce que le revenu supérieur ne sera pas entièrement fractionné.

(8)         Si on la compare à la taxation individuelle, la taxation commune réduit le fardeau fiscal à l'égard du revenu supplémentaire gagné par le conjoint à revenu élevé et l'augmente à l'égard du revenu supplémentaire gagné par le conjoint à revenu inférieur.

(9)         Au-delà des niveaux de faible revenu, le régime fiscal canadien actuel fonctionne d'après un modèle essentiellement individuel.

(10)       Bien que la valeur du travail ménager non rémunéré et non assujetti à l'impôt croisse au fur et à mesure que les revenus du ménage augmentent, les employés à temps plein ont moins de temps pour effectuer un tel travail.

La portée des conclusions présentées ci-haut est modifiée en ce qui concerne les femmes. Puisque les femmes canadiennes affichent encore des revenus nettement moins élevés que les hommes, qu'elles soient célibataires, mariées ou qu'elles fassent vie commune, l'utilisation du couple comme unité d'imposition provoquerait l'augmentation des taux d'imposition moyens et marginaux des femmes. Au même moment, la taxation commune réduirait les taux d'imposition moyens et marginaux de leurs conjoints. Même les femmes qui subviennent aux besoins de leur conjoint n'obtiendraient pas les mêmes avantages fiscaux de la taxation commune des couples, parce que les revenus des femmes sont presque toujours nettement inférieurs à ceux des hommes.

Dans l'ensemble, l'utilisation du couple comme unité d'imposition augmenterait le taux d'imposition sur le revenu des femmes engagées dans des relations entre adultes et réduirait le revenu après impôt des femmes se joignant au marché du travail. Comme l'a conclu Patricia Apps, préférer les effets d'un tel modèle sur l'ensemble du palier de revenu signifie « préférer l'inégalité » dans les relations entre adultes[86]. Une telle inégalité a des répercussions sur le comportement des femmes en tant que groupe et de tous ceux dont les revenus sont affectés par des caractéristiques telles que la race, l'incapacité ou l'orientation sexuelle.

IV.    Effets de la taxation commune sur le comportement

Les instruments de taxation commune agissent de cinq façons sur le comportement. Les effets qu'ils produisent sont particulièrement défavorables aux femmes : (1) la surimposition des deuxièmes revenus (cet effet est causé par tous les types d'instruments de taxation commune); (2) l'exonération fiscale du travail ménager non rémunéré; (3) les coûts élevés associés au lancement sur le marché du travail; (4) l' « effet de substitution » , selon lequel les femmes à faible revenu sont susceptibles de passer d'un emploi rémunéré à un travail non rémunéré et non assujetti à l'impôt lorsque les facteurs décrits ci-haut réduisent trop l'avantage financier net résultant de l'emploi rémunéré; et (5) l'effet dissuasif qui empêche le partage de revenus et de biens au sein de la famille. Les arguments énoncés en faveur des politiques communes fondées sur des croyances concernant le partage conjugal, les « économies d'échelle » et la mise en commun des revenus se fondent également sur le comportement.

Surimposition des deuxièmes revenus : dès 1970, on a reconnu au Canada que toutes les formes de taxation commune qui octroyaient des avantages fiscaux aux couples à un seul revenu imposaient des pénalités fiscales aux femmes qui gagnaient un revenu[87]. Que les dispositions soient ou non expressément réservées aux couples à un seul revenu, ce sont les niveaux de revenu relatifs des conjoints qui, beaucoup plus que les dispositions, causent un tel effet. Plus le deuxième revenu est faible, plus forte sera la surimposition associée aux avantages relatifs aux conjoints[88]. Les dispositions applicables aux deux conjoints qui prévoient des avantages produisent des effets semblables (que nous verrons au chapitre quatre).

Exonération fiscale du travail non rémunéré : la valeur estimée du travail non rémunéré des femmes varie considérablement, mais il est certain que l'exonération fiscale de cette forme de travail exerce une pression constante et importante sur les femmes afin qu'elles contribuent à l'économie familiale de cette manière[89]. La non-imposition du travail ménager non rémunéré entraîne une partialité au détriment du travail rémunéré des femmes, surtout lorsque les deuxièmes revenus sont plus fortement assujettis à l'impôt que les premiers en raison de l'effet des dispositions relatives aux conjoints[90]. Au fur et à mesure que les taux d'imposition augmentent, les femmes consacrent plus de temps aux travaux ménagers tandis que les hommes s 'y consacrent moins, parce que l' « épargne fiscale » provenant du travail non rémunéré croît à mesure que les impôts augmentent[91]. Bien que la perte du libre-service rende plus coûteuse l'insertion des femmes sur le marché du travail, les femmes qui travaillent à temps partiel et à temps plein font encore une « double journée » [92]. La qualité de la vie des femmes en souffre donc, en raison de l'épuisement, du stress et de la frustration qu'elles ressentent parce qu'elles ne peuvent exécuter leurs tâches de façon satisfaisante au travail et à la maison, et cet effet est exacerbé à son tour par le faible revenu des femmes[93].

Le coût du travail rémunéré : au niveau du comportement, il pourrait sembler que les coûts associés au lancement sur le marché du travail puissent raisonnablement être contrôlés par une personne donnée. Cependant, pour les femmes, de tels coûts signifient non seulement la perte du libre-service mais également le besoin de consacrer une partie de leur revenu à la garde d'enfants et aux services aux aînés, car ces deux services constituent une forme de travail non rémunéré et ne peuvent tout simplement pas être mis de côté. De plus, les femmes trouvent très difficile d'éviter, à tout le moins, certains coûts supplémentaires liés au transport non déductible, aux fournitures et à l'équipement reliés au travail ainsi qu'aux articles d'hygiène et de beauté. En tout, de telles dépenses peuvent représenter de 18 à 30 p. 100 du revenu après impôt d'un couple donné[94]. On croit souvent qu'une grande partie de ces dépenses sont occasionnées par la décision que prend la femme de se lancer sur le marché du travail[95]. La déductibilité de certaines dépenses d'un couple liées à la garde d'enfants allège quelque peu un tel fardeau, mais plus l'aide publique diminue à l'égard des dépenses liées à la garde d'enfants, moins les femmes sont présentes sur le marché du travail[96]. Lorsque l'on prend en considération le coût total du travail rémunéré, il arrive souvent que le mince avantage découlant du « fractionnement » du revenu (grâce aux deux soutiens économiques) soit neutralisé, de sorte que les couples à deux revenus se retrouvent avec des revenus nets après impôt moins élevés que ceux des couples à un seul revenu.

Taux de participation sur le marché du travail : les effets de la taxation commune sur le comportement s'accumulent. Les économistes ont conclu que les taux de participation des femmes sur le marché du travail étaient affectés de façon importante non seulement par les services de garde d'enfants mis à leur disposition, mais également par l'effet de l'imposition sur leurs taux marginaux d'imposition, les revenus après impôt et après dépenses, le poids du travail non rémunéré et sa valeur relative pour le couple dans son ensemble, ainsi que certains aspects de la taxation commune. La taxation commune constitue notamment un facteur important, parce qu'elle provoque l'augmentation des taux d'imposition marginaux des conjoints sans revenu ou à faible revenu et entraîne en même temps une réduction des taux d'imposition marginaux du conjoint à revenu supérieur. Par opposition à la taxation individuelle, la taxation commune enfreint donc le principe de l'équité verticale et renforce du même coup les inégalités entre les sexes parce qu'elle produit des effets disparates sur les taux de participation des femmes sur le marché du travail en général ainsi qu'une partialité au détriment de l'entrée des femmes sur le marché du travail[97]. Puisque l'offre de main-d'oeuvre est plus « élastique » chez les femmes (sensible aux incitatifs et aux facteurs dissuasifs) que chez les hommes, on considère que les femmes risquent davantage de passer d'un emploi rémunéré à un travail non rémunéré lorsqu'elles font face à des taux d'imposition plus élevés à l'égard de leur revenu. L' « effet de superposition » de la taxation commune déclenche justement une telle réaction.

Le « piège » de l'aide sociale : les effets de la taxation commune sur le comportement sont exacerbés lorsqu'on utilise le couple comme unité de base aux fins des prestations d'aide sociale et de l'imposition du revenu. L'effet combiné de ces deux types de dispositions fiscales applicables aux conjoints impose des entraves extrêmement importantes à la participation,                                                                                                       sur


le marché du travail, des femmes qui reçoivent des prestations d'aide sociale. Lorsque les femmes perdent leurs prestations d'aide sociale en raison du revenu de leur conjoint, la seule façon de remédier à cette perte consiste à chercher un travail rémunéré. La taxation commune augmentera ensuite le taux d'imposition combiné, de sorte que celui-ci se situera entre 75 et 86 p. 100 pour les niveaux de revenu les moins élevés[98]. Ce taux baisse lorsque le revenu d'emploi atteint 15 000 $, mais le caractère régressif de la structure du taux d'imposition ne disparaît complètement que lorsque des revenus quelque peu plus élevés sont atteints[99]. Le « piège de l'aide sociale » , que l'on appelle parfois l' « écart de pauvreté » , existe lorsque les revenus sont utilisés pour éliminer progressivement les avantages sociaux directs[100].

Facteurs qui dissuadent le partage : l'expérience américaine quant à la déclaration conjointe a démontré que lorsque l'assujettissement à l'impôt correspondait à la propriété en common law des revenus et des biens, la taxation individuelle des personnes se trouvant au sein d'une relation encourageait le partage économique. Le contraire est également vrai : la taxation commune encourage l'individualisme économique. Cet effet apparemment paradoxal survient parce que la taxation commune suppose le partage de la propriété alors qu'il n'existe pas, de sorte que l'assujettissement à l'impôt est fondé sur une hypothèse plutôt que sur la réalité. L'octroi de l'avantage fiscal d'un partage présumé aux gens qui ne partagent ni leurs revenus ni leurs biens élimine ainsi tout incitatif au partage qui pourrait autrement exister. Surtout parce que le droit relatif aux biens familiaux au Canada reconnaît de plus en plus la propriété bénéficiaire des femmes quant aux biens familiaux, le régime fiscal devrait permettre que de telles considérations d'équité définissent l'assujettissement à l'impôt sur le revenu. La meilleure façon de promouvoir l'équité en matière de revenus et de biens est de mettre en oeuvre des politiques qui adoptent la norme d'équité verticale entre individus. Lorsque les politiques sont conçues afin de promouvoir l'équité horizontale entre couples sans égard aux rôles individuels des conjoints, la taxation commune décourage la mise en commun, le partage, ou d'autres formes de comportement associé au partenariat[101].

V.     La diversité et l'unité d'imposition

Les analystes de politiques fiscales ont mis beaucoup de temps à étudier la façon dont certains facteurs tels que la race, l'origine ethnique, l'appartenance à un groupe autochtone, l'incapacité et l'orientation sexuelle affectent les choix sur le plan de la politique fiscale. Ces caractéristiques sont importantes parce qu'elles ont un effet marqué sur la situation économique et les relations, lesquelles affectent à leur tour la répartition des revenus après impôt et le comportement économique.

La race et l'origine ethnique : les revenus des adultes au Canada dépendent non seulement du sexe mais également de la race et de l'origine ethnique. Les minorités visibles affichent généralement des revenus moins élevés que d'autres personnes au Canada. Cela signifie que le revenu moyen des femmes appartenant à des groupes minoritairement visibles est d'habitude sensiblement inférieur au revenu moyen de l'ensemble des femmes au Canada. Cela signifie également que la race a généralement un effet négatif sur le revenu des hommes (voir l'annexe D). Par conséquent, les couples de minorités visibles seront, à tout le moins, sensiblement plus pauvres que les couples qui ne font pas partie d'un tel groupe et leurs revenus au sein du couple pourraient être plus égaux que ceux des couples hétérosexuels en général.

Toutefois, de telles généralisations devraient être abordées avec prudence. Bien que le revenu des hommes appartenant à certains groupes soit extrêmement peu élevé par rapport à la moyenne nationale ou aux revenus moyens des hommes n'appartenant pas à des groupes de minorités visibles, le revenu des femmes n'est pas nécessairement beaucoup plus faible. C'est parce que certaines formes de discrimination raciale - telles que la discrimination à l'endroit des personnes de race noire - ont eu, à travers l'histoire, un effet si important sur les hommes appartenant à ce groupe que leurs revenus sont presque semblables à ceux des femmes du même groupe. Par exemple, en 1996, le revenu moyen des hommes de race noire était de 23 320 $, alors qu'il était de 43 162 $ pour les hommes n'appartenant pas à un groupe de minorités visible et de 31 917 $ pour les hommes faisant partie d'un tel groupe. En plus de gagner parmi les plus faibles revenus au pays (avec les hommes philippins et coréens), les hommes de race noire ont constaté que leurs revenus n'étaient que légèrement supérieurs à ceux des femmes de race noire, dont le revenu moyen était de 18 610 $. Les femmes de race noire sont également défavorisées au niveau du revenu, mais le revenu moyen des femmes de race noire se rapproche davantage du revenu moyen de l'ensemble des femmes appartenant à des groupes de minorités visibles, lequel était de 20 162 $ (comparez cependant cette moyenne au revenu des femmes n'appartenant pas à une groupe minorité visible, lequel était de 29 074 $)[102].

Les autochtones sont également sérieusement affligés par la pauvreté, mais l'écart entre le revenu des femmes et celui des hommes est semblable à celui qui affecte la moyenne des femmes au Canada. En 1995, le revenu moyen de l'ensemble des autochtones hors réserve était de 17 382 $[103]. Le revenu des femmes autochtones est sensiblement plus faible que celui des hommes, qu'elles habitent ou non sur une réserve et qu'elles soient « Indiennes inscrites » , Inuites ou Métis[104].

De telles compositions du revenu affectent l'élaboration de l'unité d'imposition de deux façons. Tout d'abord, lorsque la discrimination raciale entraîne une réduction des revenus, les femmes faisant partie d'un couple adulte peuvent moins « choisir » de travailler à temps plein, les couples mêmes peuvent moins « choisir » le pourcentage du revenu familial total gagné par chacun des conjoints et les conjoints se sentent obligés de maximiser leurs revenus de façon continue. Deuxièmement, lorsque aucun conjoint ne peut subvenir à lui seul aux besoins de la famille, les avantages fiscaux présumés du « fractionnement du revenu » qui découlent des mesures fiscales applicables aux conjoints ne peuvent jamais être réclamés, puisque les deux conjoints sont en fait obligés de travailler. Plusieurs femmes appartenant à des minorités visibles sont en plus grand nombre sur le marché du travail, non pas en raison de leur préférence marquée pour le travail rémunéré, mais parce qu'elles ne disposent pas d'autres sources pratiques de soutien[105].

Les avantages fiscaux destinés aux couples à un seul revenu, ou qui bénéficient le plus aux couples dont les revenus individuels sont très différents, ne seront pas à la disposition des contribuables faisant partie d'une minorité visible. Dans la mesure où une aide gouvernementale importante est accordée aux couples dont les revenus affichent un modèle bas/élevé, à revenu unique, ou dont l'élasticité-travail est faible, les contribuables appartenant à des groupes minorités visibles n'y auront pas accès[106]. Cet effet découle du fait que, sur le plan économique, les couples qui appartiennent à des groupes minoritaires visibles se comportent comme des individus par rapport à l'imposition et aux avantages, peu importe leur statut juridique. Il peut y avoir un partage important des revenus et des biens, mais la dépendance économique complète n'est tout simplement pas un choix que peuvent se permettre plusieurs couples.

D'autres effets sont associés aux taux de participation sur le marché du travail, à la perte de revenus fictifs exonérés d'impôt et aux coûts du lancement sur le marché du travail. En raison du faible revenu des hommes appartenant à des groupes minoritaires visibles, le revenu des hommes n'affichera pas une inélasticité aussi prononcée que celui des hommes qui peuvent maximiser leurs revenus en demeurant longtemps sur le marché du travail. Par conséquent, la non-disponibilité d'avantages fiscaux ou directs augmente le risque que, pour les hommes comme pour les femmes, les pressions économiques les obligeant à effectuer de plus en plus un travail non rémunéré renforcent l'effet de la « double journée » et obligent davantage le ménage à absorber les effets d'une réduction des véritables loisirs.

L'orientation sexuelle : les quelques études existantes sur le revenu des couples homosexuels indiquent que les personnes qui se distinguent par l'orientation sexuelle, ou par l'orientation sexuelle en même temps que par le sexe, se heurtent à des revenus inférieurs, tant comme individus que comme couples. Dans l'une des études les plus complètes, où l'on a utilisé des données de recensement sur des couples de même sexe non apparentés, on a constaté que chez les personnes vivant comme couple, [TRADUCTION] « le revenu du ménage était le plus élevé chez les couples mariés et les couples gais, suivis des couples hétérosexuels non mariés, et moins élevé chez les couples de lesbiennnes » [107]. De telles conclusions se dégagent les effets de l'orientation sexuelle et du sexe sur le revenu : le revenu des femmes lesbiennes équivaut seulement à 86,9 p. 100 du revenu le plus faible chez les hommes (ceux qui font vie commune) et à 85,7 p. 100 de celui des hommes homosexuels. Aucune étude de ce genre n'a été effectuée au Canada à ce jour, mais des études de microsimulation indiquent qu'il ne serait pas étonnant d'y constater des conclusions semblables[108].

Les compositions du revenu présentées ci-haut laissent entendre que l'effet de la taxation commune sur les couples de lesbiennes et de gais, par opposition à celui que peut avoir la taxation individuelle, sera décidément différent de celui qui touchera les femmes ou les hommes se trouvant dans des relations hétérosexuelles. Tout d'abord, il y a vraisemblablement moins de lesbiennes et de gais qui dépendent de leurs partenaires sur le plan économique. Par conséquent, les avantages du fractionnement du revenu découlant de la taxation commune seront à la disposition d'un nombre réduit de couples de lesbiennes et de gais. Deuxièmement, les revenus de deux lesbiennes ou de deux gais au sein d'un couple donné affichent vraisemblablement une différence moins marquée que celle qui existe entre le revenu d'un homme et celui d'une femme au sein de couples mariés. Dans une moindre mesure, cela est également vrai pour les couples hétérosexuels qui cohabitent : les différences de revenu entre les femmes et les hommes au sein de ces couples sont également moins prononcées que celles qui existent entre les femmes et les hommes mariés. Plus l'écart de revenu d'un couple à deux revenus est faible, plus les avantages fiscaux d'une déclaration conjointe sont minces, plus les effets dissuasifs liés à la participation sur le marché du travail sont faibles et moindres sont les pénalités fiscales implicites imposées au conjoint à revenu inférieur qui ajoute au revenu du couple. Cela veut dire que les couples de lesbiennes et de gais - et dans une certaine mesure, sans doute aussi les couples hétérosexuels qui cohabitent - risquent d'être moins touchés par les inégalités verticales de la taxation commune.

Par contre, le passage de la taxation individuelle à la taxation commune des couples adultes aurait un effet négatif disparate sur les couples de lesbiennes et de gais. En tant que femmes, les lesbiennes seront les moins en mesure de profiter pleinement des avantages fiscaux de la taxation commune. C'est parce que les couples de lesbiennes à un seul revenu ne seront vraisemblablement pas nombreux dans la tranche de faible revenu chez les femmes. Par conséquent, les principaux avantages fiscaux de la taxation commune ne seraient pas disponibles aux couples de lesbiennes[109]. En outre, il est possible que les hommes homosexuels affichent une préférence moins marquée pour les couples à un seul revenu. De plus, les effets incitatifs prononcés de la taxation commune pourraient inciter les couples de lesbiennes et de gais à se comporter davantage comme des couples hétérosexuels en ce qui concerne les écarts de revenu, la répartition du travail non rémunéré ainsi que d'autres aspects que l'on considère comme improductifs sur le plan économique. Dans une économie qui n'a pas encore éliminé ni même minimisé de façon importante les effets historiques de l'infériorité économique des femmes, il serait illogique d'introduire de nouvelles structures en matière de politiques qui renforcent la dépendance par le biais d'entraves cachées à l'accès au marché du travail ainsi que les effets sur la disponibilité de la main-d'oeuvre. De tels effets risqueraient d'être encore plus prononcés à l'égard des lesbiennes et des gais appartenant à un groupe minoritaire visible.

Les conjoints de fait : les structures familiales mêmes ajoutent un élément de diversité à l'analyse. On respecte de plus en plus, sur le plan juridique, les formes de relations telles que les familles monoparentales, les deuxièmes, troisièmes, voire même quatrièmes familles, les familles reconstituées, les couples avec ou sans enfants, les familles multigénérationnelles, les conjoints de fait qui vivent ensemble et ceux qui vivent séparément. Il n'existe toujours pas d'études à grande échelle portant sur les effets de la qualité de conjoint présumé en droit canadien sur les cohabitants non mariés, mais comme l'a démontré l'affaire Falkiner, ce ne sont pas tous les conjoints de fait qui apprécient autant la possibilité de mettre les ressources en commun ou de devenir interdépendants sur le plan économique que leur autonomie économique. Tel que le démontre la politique suédoise en matière d'impôt, le gouvernement a conclu que les lois devraient soutenir le droit qu'a [TRADUCTION] « tout individu d'âge adulte [d'] assumer ses propres responsabilités sans dépendre, sur le plan économique, de ceux auxquels il est étroitement lié[110] » .

VI.    Répercussions structurelles de la diversité

Le principal problème de la taxation commune est sa contribution à la régressivité générale du régime fiscal. L'imposition régressive prélève proportionnellement plus d'impôts chez les personnes à faible revenu et redistribue les recettes aux personnes à revenu moyen ou élevé. Puisque la taxation commune des couples adultes prélève le revenu après impôt du conjoint à revenu inférieur et le transfère au conjoint à revenu supérieur, elle contribue à la régressivité générale du régime fiscal et de transferts sociaux. La même dynamique s'applique aux paiements de transfert tels que l'aide sociale. Une telle régressivité s'oppose directement à l'orientation principale de l'élaboration des politiques au Canada au cours des trente dernières années, laquelle s'est penchée sur la promotion de l'indépendance chez les femmes défavorisées selon le sexe et l'état matrimonial ainsi que sur l'appui des relations égalitaires : la taxation commune ne confère aucun avantage dans de telles relations égalitaires mais les accorde principalement à ceux qui se trouvent dans des relations de dépendance économique.

La régressivité de la taxation commune est accentuée dans les sociétés diversifiées parce que les personnes qui sont défavorisées selon la race, l'orientation sexuelle ou l'incapacité gagnent généralement un revenu relativement faible. Leurs conjoints sont également plus susceptibles de gagner un revenu relativement peu élevé. Les avantages fiscaux de la taxation commune bénéficient le plus aux couples à un seul revenu et le moins aux couples à deux revenus dont les revenus sont semblables. Par conséquent, les personnes dont les revenus sont touchés de façon négative par la discrimination bénéficieront toujours moins de la taxation commune.

Lorsque l'on prend en considération les effets qu'a la taxation commune sur les couples qui se différencient par la race, l'orientation sexuelle ou l'incapacité, on constate que, bien que la taxation commune mette des pressions importantes sur les femmes hétérosexuelles non « racialisées » pour qu'elles se retirent du marché du travail, la plupart des avantages de la taxation commune ne sont pas à la disposition de ceux qui ne peuvent faire un tel choix. C'est parce que les femmes hétérosexuelles « non racialisées » bénéficient du soutien du groupe ayant le revenu moyen le plus élevé - les hommes mariés « non racialisés » - tandis que celles qui se différencient par la race, l'orientation sexuelle ou l'incapacité reçoivent un revenu nettement inférieur au cours de leur vie et sont donc moins susceptibles de pouvoir vivre sur un seul revenu. Les hommes qui sont défavorisés selon la race sont moins susceptibles de recevoir le revenu moyen chez les hommes; par conséquent, qu'ils soient hétérosexuels ou homosexuels, les hommes « racialisés » bénéficieront moins de la taxation commune sur le plan fiscal. Le revenu des lesbiennes est négativement affecté par le sexe et, par surcroît, les couples de lesbiennes n'ont pas accès aux revenus plus élevés des hommes. Les couples de lesbiennes risquent donc de ne retirer qu'un très mince avantage, s'il en est, de la taxation commune. La taxation commune crée des incitatifs fiscaux pour que les couples adultes remplacent un emploi rémunéré par un travail non rémunéré; par conséquent, la taxation commune inciterait davantage les femmes et les hommes se trouvant dans des relations effectivement égalitaires à chercher de plus petits revenus, alors qu'au même moment, la plupart d'entre eux n'auraient pas accès à un tel avantage.

En réunissant les effets de la taxation commune sur les femmes en tant que groupe à ses effets sur toutes les personnes défavorisées par la race, l'incapacité ou l'orientation sexuelle, on conclut que, puisque les relations entre adultes deviennent plus variées, le couple adulte, peu importe comment il se définit, ne devrait pas être utilisé comme unité d'imposition. Depuis quelque temps, le couple marié ne constitue plus la principale forme de relation entre adultes; en outre, puisqu'il existe un nombre plus varié de ménages, l'objectif de la neutralité entre les couples se trouvant dans une situation assimilable à une union conjugale - « impôts égaux pour couples à revenus égaux » -- devient, quoi qu'il en soit, de plus en plus difficile à atteindre par le biais de la taxation commune. De plus, les limites et les caractéristiques de toutes les formes de relations sont devenues moins uniques en leur genre au cours des deux dernières décennies. Cela signifie qu'un nombre croissant de relations informelles ne peuvent être identifiées que par des moyens de moins en moins discrets[111].

Deux principales solutions structurelles ont été proposées afin d'aborder la régressivité générale du régime fiscal et de transferts sociaux et les effets cumulatifs de l'utilisation à long terme de la taxation commune. Une solution consisterait à remplacer les mesures fiscales applicables aux conjoints par des mesures individuelles. L'autre consisterait à réduire la régressivité générale du régime fiscal en réduisant les taux d'imposition à l'égard des personnes à faible revenu et en les augmentant à l'égard des personnes à revenu supérieur. Lors de récentes études comparatives, on a conclu que la neutralité entre les individus sans égard à leur état matrimonial et leurs ententes en matière de logement, de partage et de consommation - c'est-à-dire, la taxation individuelle - est préférable parce qu'elle encourage l'équité verticale, s'oppose à l'effet régressif du régime fiscal en général et incite les deux conjoints à travailler - pas seulement le conjoint à revenu inférieur[112].

Dans les sociétés diversifiées, les deux recommandations énoncées ci-haut doivent être mises en oeuvre avec soin parce que la race, le sexe, l'incapacité ou l'orientation sexuelle aura un effet sur chacune des solutions proposées.

L'élimination de la régressivité :le régime fiscal canadien dans son ensemble est très régressif à l'égard des niveaux de revenu les plus faibles. Ne serait-ce que pour des motifs d'équité, et surtout parce que les personnes qui se différencient par le sexe, la race, l'orientation sexuelle et l'incapacité affichent généralement de faibles revenus, la réduction des taux d'imposition inférieurs et l'augmentation du nombre d'exemptions personnelles feraient diminuer la régressivité. De plus, on devrait désamorcer le « piège de l'aide sociale » causé par la perte subite des prestations d'aide sociale et les taux d'imposition inférieurs régressifs, et le régime fiscal devrait s'intégrer au régime de transferts sociaux[113].

L'opinion économique générale donne à penser qu'il est possible de contrer l'effet de substitution causé par les différences entre les sexes quant à l'élasticité du revenu en réduisant le fardeau fiscal qui pèse sur les plus faibles revenus et en augmentant les taux d'imposition à l'égard des revenus supérieurs[114]. Cette recommandation découle du fait que la réduction du fardeau fiscal relatif au travail rémunéré entraînera une réduction des entraves à l'accès au marché du travail au fur et à mesure que les femmes passeront du travail non rémunéré et non assujetti à l'impôt au travail rémunéré. Toutefois, la seule baisse des taux d'imposition inférieurs n'aurait pas beaucoup d'effet sur les taux de présence des femmes sur le marché du travail qui, en raison du faible revenu individuel attribuable à la race, l'incapacité ou l'orientation sexuelle, effectuent déjà un travail rémunéré et n'ont d'autre choix que de continuer à travailler de la sorte. L'imposition réduite des faibles revenus entraînerait une augmentation de leur revenu après impôt et, par le fait même, une amélioration de leur bien-être, mais devrait être accompagnée de mesures de réduction des coûts selon le sexe (telles que des déductions pour garde d'enfants) visant à accroître la rentabilité du travail rémunéré, ou du financement public direct des services de garde d'enfants.

Les critiques qui traitent des effets de la race sur l'imposition ont souligné deux problèmes structurels que chacune des solutions générales susmentionnées soulèvera à l'égard des femmes et des hommes appartenant à des groupes minoritaires visibles. Dans un premier temps, si les femmes dont le conjoint peut se permettre de subvenir à leurs besoins trouvaient plus rentable de se lancer sur le marché du travail, la concurrence en matière d'emploi s'accentuerait pour les femmes qui n'ont d'autre choix que de travailler[115]. Dans un deuxième temps, si le taux d'imposition était augmenté à l'égard des revenus élevés, une telle


augmentation défavoriserait nettement les membres des groupes qui sont sous-représentés aux niveaux de revenu supérieurs.

Tout compte fait, une réduction de la régressivité des dispositions fiscales à l'égard des niveaux de faible revenu serait compatible avec les principes d'équité verticale, d'égalité et d'équité. Toutefois, une telle solution n'éliminerait pas les problèmes relatifs à l'emploi et au revenu des personnes défavorisées selon la race si la réduction des impôts et des coûts liés au travail n'était pas accompagnée de mesures visant à remédier à la discrimination en matière d'emploi.

L'élimination des dispositions fiscales applicables aux conjoints : les dispositions fiscales applicables aux conjoints existent sous plusieurs formes. La déclaration conjointe et le fractionnement du revenu, tels qu'ils existent aux États-Unis et en France, sont loin d'être les seuls types de mesures fiscales applicables aux conjoints qui assujettissent les couples à deux revenus à un impôt régressif. L'élimination des dispositions fiscales applicables aux conjoints qui profitent principalement aux couples à un seul revenu devrait être accompagnée de l'élimination des caractéristiques communes liées à d'autres mesures telles que les déductions pour garde d'enfants. L'abrogation des mesures fiscales applicables aux conjoints dont ne peuvent profiter les femmes appartenant à des groupes minoritaires visibles, les hommes homosexuels, les personnes handicapées ou les femmes lesbiennes ne leur offrira pas d'avantages directs. Par contre, l'élimination de mesures applicables aux conjoints portant sur le revenu, telles que l'obligation qu'a le conjoint à revenu inférieur de réclamer les frais de garde, profitera aux couples à deux revenus[116]. L'abrogation de telles mesures n'aidera pas ceux qui disposent de revenus peu élevés ou presque égaux. Elle ne neutralisera pas non plus l'avantage continu que constitue l'exonération d'impôt du travail ménager non rémunéré dont profitent les couples à un seul revenu. Afin de remédier à un tel manquement au principe de l'équité verticale, on devra mettre en oeuvre des politiques conçues pour fournir des services semblables et exonérés d'impôt aux couples à deux faibles revenus.

Aucune modification structurelle ne peut, à elle seule, éliminer les nombreuses inégalités et la partialité qui existent aujourd'hui, au sein des régimes fiscaux et de transferts sociaux, à l'égard des relations entre adultes au Canada. Dans les chapitres quatre et cinq, nous étudierons des politiques de rechange particulières qui permettent d'atteindre les deux principaux objectifs, soit l'élimination de la régressivité et le remplacement des mesures applicables aux conjoints par des mesures individuelles. Dans le chapitre quatre, nous nous pencherons sur les solutions de remplacement aux dispositions applicables aux conjoints qui prévoient des « avantages » . Dans le chapitre cinq, il sera question de solutions de remplacement aux dispositions « pénales » applicables aux conjoints.


CHAPITRE QUATRE DISPOSITIONS RELATIVES AUX PRESTATIONS QUI S'APPLIQUENT AUX CONJOINTS

Les effets régressifs de la taxation commune se manifestent de différentes façons. Lorsque l'on permet aux couples de totaliser et de fractionner leurs revenus, comme aux États-Unis, ou lorsque ce fractionnement est permis sur une base familiale, comme en France, la taxation commune affectera l'ensemble des revenus ainsi totalisés. Si seul le revenu de placement d'un couple est totalisé et fractionné, comme en Suède, les revenus gagnés ne seront alors pas touchés par les dispositions relatives aux conjoints, mais le revenu de biens le sera. Les dispositions prévoient des formes plus restreintes de taxation commune, telles que le crédit pour conjoint à charge au Canada, lequel n'est disponible que lorsqu'un conjoint n'a lui-même aucun revenu; ces formes de taxation commune se retrouvent aussi dans l'exonération fiscale des avantages indirects auxquels les conjoints peuvent être admissibles, dans les prestations au survivant en vertu des régimes de retraite à imposition reportée, ou dans les dispositions qui reportent l'assujettissement à l'impôt lié aux transferts de propriété entre conjoints. Les avantages versés à des conjoints à charge aux termes des programmes de sécurité sociale et d'aide au revenu peuvent avoir un tel effet, bien que les caractéristiques de plusieurs de ces programmes se rapportant à l'imposition reportée fassent de ceux-ci un type de propriété privée plutôt que des avantages publics.

Dans l'ensemble, les mesures applicables aux conjoints octroient des avantages fiscaux importants aux couples qui profitent du traitement applicable aux conjoints. La valeur totale de ces avantages peut s'avérer importante. Selon les niveaux de revenu et le comportement économique, certains couples peuvent obtenir un fractionnement du revenu presque complet grâce à ces dispositions, et même les couples qui ne peuvent pas complètement « fractionner » leurs revenus à l'aide de ces crédits et déductions d'impôt peuvent au moins obtenir un certain fractionnement. Bien que la taxation commune ne constitue pas un problème aussi grave qu'en France ou aux États-Unis, le Canada a encore énormément recours aux dispositions applicables aux conjoints, si on le compare à d'autres pays[117].

Ces dispositions applicables aux conjoints fonctionnent de plusieurs façons distinctes : (1) Les dispositions qui prévoient le fractionnement du revenu renforcent l' « effet de substitution » en créant des incitatifs fiscaux qui encouragent les deuxièmes soutiens économiques à quitter le marché du travail en raison de la surimposition relative et à devenir ainsi dépendants sur le plan économique. (2) L'exonération fiscale du travail non rémunéré effectué par un conjoint rend ce travail non rémunéré plus rentable que le travail rémunéré lorsque l'autre conjoint peut subvenir aux besoins du ménage. (3) L'exonération fiscale de plusieurs avantages indirects contribue à l'effet de substitution en faisant augmenter la consommation sans accroître les obligations fiscales (l'effet du « revenu familial » ). (4) L'exonération fiscale des transferts interfamiliaux de revenus et de biens tend à promouvoir la dépendance sur le plan économique.

La tendance en faveur de la cohabitation plutôt que du mariage et la reconnaissance accrue des relations lesbiennes et gaies donnent à penser que le mariage formel n'est plus la forme de relation principale qu'il était auparavant. Toutefois, ces deux tendances ont en fait rendu plus importantes que jamais les dispositions fédérales qui s'appliquent aux conjoints. Avec cet élargissement sans pareil du traitement applicable aux conjoints (mais non, faut-il le remarquer, de l'état civil d'un conjoint), les dispositions en matière d'impôt et de transferts sociaux qui produisent de tels effets s'appliquent présentement au plus grand nombre d'adultes de l'histoire du Canada. Cependant, plusieurs adultes qui sont présentement assimilés à des conjoints sont effectivement plus indépendants que les couples mariés sur le plan économique. L'élargissement du traitement applicable aux conjoints qui profite aux couples homosexuels soulève la question de savoir s'il s'agit d'une saine orientation pour les politiques fédérales en matière d'avantages sociaux, à la lumière de telles données démographiques.

Le présent chapitre contient l'analyse de trois différents types d'avantages applicables aux conjoints octroyés par les régimes fiscaux et de transferts sociaux au Canada : des dispositions qui prévoient des subventions publiques pour les couples à un seul revenu; des dispositions qui fonctionnent comme l'ancien système de « revenu familial » en arrondissant le revenu des couples de manière à exclure les personnes célibataires; des dispositions qui ont un effet sur le partage familial des revenus et des biens. Les questions abordées à l'égard de chacune des trois formes d'avantages conjoints se rapportent aux fins convenues de chaque type de disposition, à la portée de chaque disposition (c'est-à-dire, quels sont les membres de la famille qui reçoivent ces avantages?), à l'effet distributif de ces dispositions et aux meilleures solutions en vue d'une réforme (s'il en est).

I.      Prestation pour personnes à charge d'âge adulte

Les gouvernements fédéral et provinciaux au Canada accordent aux couples adultes plusieurs différents avantages directs et fiscaux. L'admissibilité à ces avantages varie selon le programme. Les dispositions étudiées dans la présente section se distinguent de toutes les dispositions applicables aux conjoints par une caractéristique : elles ne peuvent être utilisées que par un conjoint dont on peut dire qu'il subvient aux besoins d'un adulte en situation de dépendance économique. Il ne s'agit pas là d'avantages qui servent au soutien d'enfants à charge, bien que quelques enfants « à charge » puissent en fait être d'âge adulte. Il s'agit plutôt d'avantages fiscaux et directs qui visent exclusivement les couples à un seul revenu. Tous ces avantages fiscaux et directs sont à la disposition des couples officiellement mariés et aux cohabitants de sexe opposé qui satisfont aux définitions statutaires applicables de « conjoint » [118]. À compter de 2001, ils seront également disponibles aux couples de lesbiennes et de gais faisant vie commune, par suite du projet de loi C-23[119].

Aucune de ces dispositions ne porte l'étiquette « pour conjoints à charge seulement » de façon expresse. Néanmoins, elles sont structurées de manière à ce que seuls les couples à un seul revenu puissent s'en servir[120]. Le crédit de personne mariée ne peut être réclamé par les contribuables qui assument les frais d'entretien à moins que leur conjoint ne gagne tout au plus quelque 500 $ au cours d'une année donnée. Par conséquent, tout contribuable qui réclame un tel crédit devra réellement subvenir aux besoins de l'autre époux. Les crédits transférables peuvent être réclamés de façon facultative lorsque le revenu de l'autre conjoint est si faible qu'il ou elle ne peut en profiter. Cela les rend moins restreignants, mais ils ne sont en fait transférables que lorsque le couple n'a qu'un seul revenu ou affiche un patron de revenu élevé faible[121]. La pension alimentaire n'est versée que lorsque l'écart de revenu entre le payeur et le bénéficiaire est suffisamment grand pour convaincre le tribunal que le créancier alimentaire dépendait tellement du payeur sur le plan économique pendant le mariage que sa situation durerait au moins encore plusieurs années après la fin de la relation. L'avantage fiscal va au payeur[122]; en théorie, l'avantage sera partagé avec l'ancien conjoint, mais le montant du paiement sera réduit lorsqu'il parviendra au bénéficiaire, en raison des obligations fiscales de ce dernier. En réalité, l'avantage fiscal « de retombée » ne parvient que rarement au bénéficiaire.

Deux des plus importants avantages directs pour conjoints à charge sont l'allocation au conjoint (AC) du gouvernement fédéral ainsi que les pensions de survivant et les prestations de décès du Régime de pensions du Canada (RPC). L'AC, qui constitue une forme d'aide sociale en fonction de l'âge, présente des seuils de revenu très stricts qui définissent l'admissibilité à l'allocation de conjoint à charge. Pour être admissible, un conjoint de sexe opposé ou un cohabitant doit être âgé de 60 à 65 ans et, selon l'état civil de l'autre conjoint, leurs revenus combinés doivent se situer entre 22 608 $ et 29 376 $ (16 584 $ pour un conjoint veuf). Le montant mensuel maximal aux fins de l'AC est de 752,44 $ (830,70 $ pour un conjoint veuf)[123]. La pension de survivant maximale du RPC est de 457,75 $ par mois[124]. Les pensions de survivant du RPC sont versées sans égard au revenu du survivant. Toutefois, un conjoint survivant ne sera réputé à charge que s'il est âgé d'au moins 65 ans ou, dans le cas où il a moins de 65 ans, s'il est handicapé, a des enfants à charge, ou est âgé de plus de 35 ans[125]. Les crédits du RPC peuvent également être partagés avec un conjoint, ce qui permet aux conjoints de partager ouvertement cette forme de revenu de retraite.

Dans l'ensemble, ces avantages fiscaux et directs destinés aux adultes ayant un conjoint à charge représentent des dépenses publiques importantes. En l'an 2000, les crédits transférables coûteront probablement environ 354 millions de dollars; la déduction pour pension alimentaire, 167 millions de dollars; les paiements relatifs aux pensions de survivant du RPC, 250 millions de dollars; l'AC, 498,2 millions de dollars; le crédit de personne mariée, au-delà de 2,5 milliards de dollars.

Ces avantages n'agissent pas tous de la même façon. Le crédit de personne mariée et les crédits transférables ne fonctionnent pas du tout comme la déduction pour pension alimentaire, l'allocation au conjoint de la SV ainsi que les avantages associés au partage et les prestations au survivant du RPC. Les crédits de personne mariée et transférables sont à la disposition des couples à un seul revenu de tous les âges, peu importe leur revenu, leur état de santé ou leur incapacité. La déduction pour pension alimentaire se rapporte aux circonstances particulières de la nécessité économique après le divorce, alors que les deux autres pensions s'appliquent aux démunis ou aux veufs qui élèvent des enfants tout seuls. Cependant, toutes ces dispositions créent des unités communes partielles aux fins de l'impôt quand elles sont disponibles.

Les crédits de personne mariée et les transférables : l'ancêtre du crédit de personne mariée était l'exemption de marié, laquelle avait été adoptée dans le cadre de la première loi canadienne en matière d'impôt sur le revenu. L'objectif initial de l'exemption de marié était d'accorder aux hommes mariés un revenu après impôt plus élevé que celui des hommes célibataires, des femmes mariées et des « célibataires de sexe féminin » . À l'époque, on espérait que tous les hommes mariés « s'acquittent de leurs obligations » , mais on a bien reconnu que ceux qui seraient admissibles à l'exemption n'auraient pas tous nécessairement des enfants ni ne subviendraient tous à leurs besoins. Au même moment, on a jugé sans importance le fait que des personnes célibataires ou des femmes mariées puissent aussi avoir des obligations de soutien[126].

À l'origine, l'exemption de marié n'exigeait pas expressément qu'un conjoint dépende de l'autre sur le plan économique. Cependant, en réaction contre les premiers mouvements féministes des années 1920, l'exemption a été progressivement modifiée afin de réserver les demandes aux maris dont les épouses dépendaient d'eux sur le plan économique. En 1925, on a restreint l'utilisation de l'exemption aux situations dans lesquelles le revenu du conjoint à charge était inférieur à 1 500 $[127]. Pendant la Dépression, lorsque la rancoeur vis-à-vis des couples à deux revenus est devenue encore plus prononcée, la limite relative au revenu a été progressivement réduite. En 1942, elle n'était que de 660 $. Cependant, le début de la Deuxième guerre mondiale a forcé le gouvernement fédéral à éliminer complètement la limite relative au revenu et les exigences quant à la charge de famille : [TRADUCTION] « le pays s'est vivement opposé à l'idée folle d'un plan fiscal qui aurait incité les femmes mariées à quitter le secteur d'activité et les services gouvernementaux alors que nous avions besoins des services de tous[128] » .

L'exemption de marié a encore une fois été modifiée de façon importante à la fin de la guerre. L'exigence quant à la charge de famille a été rétablie en 1947, cette fois avec la limite relative au revenu la plus faible de tous les temps - 250 $. Bien que le gouvernement ait admis ouvertement que la suspension de l'exigence se rapportant à la charge de famille avait constitué une « mesure temporaire destinée à encourager les femmes mariées à devenir travailleuses de guerre lors d'une grave pénurie de main-d'oeuvre » , il a fermement nié que les nouvelles règles visaient à obliger les femmes à se retirer du marché du travail. On a justifié la politique en déclarant que la nouvelle limite relative au revenu mettrait les couples mariés [TRADUCTION] « sur un pied d'égalité vis-à-vis des autres contribuables » [129]. Les propriétaires d'entreprises se sont montrés moins réservés à l'égard de l'objectif de la limite de 250 $, se plaignant que les femmes mariées quittaient leur emploi une fois que leur revenu avait atteint 250 $ au cours d'une année donnée[130].

Les pressions en faveur de l'adoption du système américain de déclaration conjointe (fractionnement du revenu) se sont accrues au cours des années 1950 et 1960. Malgré la recommandation de la Commission Carter selon laquelle le système français de quotient familial devrait être adopté, le gouvernement a maintenu l'exemption de marié et a seulement rajusté le seuil d'exclusion du revenu afin de rendre plus facile la conversion du deuxième soutien économique de personne à charge en contribuable[131]. Cependant, par suite de la pression continue en faveur de l'amélioration des avantages pour les couples mariés, le gouvernement fédéral a progressivement adopté, au milieu des années 1970, un nombre d'avantages fiscaux transférables qui, selon la composition du revenu d'un couple marié, permettaient effectivement au couple d'obtenir un fractionnement du revenu suffisant. Ces exemptions et déductions transférables, qui se rapportaient aux revenus de pension, au niveau de contribution des régimes enregistrés d'épargne-retraite (REER), aux frais médicaux et à d'autres articles qui ne pouvaient auparavant être réclamés que par le conjoint individuel[132], représentent une bonne partie de l' « hybridation » de l'unité d'imposition individuelle au Canada.

La conversion de tous les articles susmentionnés en crédits fiscaux en 1988 est la seule autre modification importante qui a été apportée au régime de prestations de conjoint et d'avantages fiscaux transférables. L'objectif convenu de cette modification était d'améliorer le caractère équitable du régime fiscal. Longtemps critiquées pour leur effet « inversé » et pour avoir accordé aux contribuables à revenu supérieur (et donc à taux marginal d'imposition plus élevé) des rétributions financières plus importantes à l'égard des mêmes exemptions et déductions demandées par les contribuables à revenu inférieur, les déductions pour conjoint et les transférables ont été convertis en crédits d'impôt afin d'accorder à chaque contribuable admissible exactement le même avantage fiscal maximal[133]. Le crédit au titre du conjoint ainsi que tous les crédits transférables ont été octroyés en 1993 à tous les cohabitants hétérosexuels et seront pleinement consentis en 2001 à tous les gais et lesbiennes faisant vie commune.

Malgré la conversion de l'exemption en crédit et le rajustement annuel du seuil d'exclusion du revenu utilisé pour réglementer l'accès au crédit, le crédit pour conjoint/cohabitant est encore plus ou moins identique à l'exemption originale de 1917. En tant que mesures fiscales applicables aux conjoints, les crédits de personne mariée et les transférables ont le même effet que d'autres formes de taxation commune sur les plans financier et économique. Le fait qu'ils existent maintenant sous forme de crédits contre l'impôt fédéral exigible plutôt que sous forme de déductions sur le revenu imposable ne modifie pas leur effet :

(a)         Les crédits représentent l'aide publique à l'égard des conjoints à charge d'âge adulte;

(b)         Ils ne sont pas disponibles aux contribuables dont le revenu est si faible qu'il est insuffisant pour subvenir aux besoins de deux adultes;

(c)         Par conséquent, ils seront moins disponibles aux contribuables dont le revenu est en baisse en raison du sexe, de la race, de l'orientation sexuelle, ou de l'origine ethnique;

(d)         Du point de vue de la répartition, ils confèrent plus d'avantages aux contribuables à revenu moyen et élevé, lesquels sont moins nécessiteux que les contribuables à revenu inférieur et généralement des hommes hétérosexuels « non racialisés » ;

(e)         Les déductions aident à subventionner la prestation de services ménagers non rémunérés au profit de contribuables à revenu moyen et élevé qui peuvent se permettre de subvenir aux besoins d'un conjoint à charge;

(f)          Les crédits constituent des entraves cachées à la participation du conjoint à revenu inférieur au marché du travail, lesquelles encouragent les femmes à passer de façon disproportionnée d'un emploi rémunéré au travail ménager non rémunéré; et

(g)         Dans l'ensemble, ils ont un effet dissuasif sur la participation des femmes au marché du travail, amoindrissent la main-d'oeuvre disponible et accentuent la pauvreté chez les femmes.

Le coût annuel du crédit fiscal de personne mariée, de l'équivalent du montant pour conjoint, lequel n'est à la disposition que des chefs de famille monoparentale, et des crédits transférables varie quelque peu à chaque année. En utilisant comme indices le crédit fiscal de personne mariée et les crédits pour conjoint qui sont transférables, l'élimination du traitement applicable aux conjoints dans la Loi de l'impôt sur le revenu augmenterait les recettes fédérales d'environ 3,5 milliards de dollars (prévisions pour l'an 2000). De plus, les contribuables ne bénéficieraient plus de quelque 2,5 milliards de dollars en déductions pour pension alimentaire versée et perdraient un autre demi-milliard de dollars si l'allocation au conjoint versée en vertu de la Loi sur la sécurité de la vieillesse était éliminée.


Bien que ces effets de recettes soient relativement petits, ils ont un effet régressif sur le plan de la répartition. La répartition du crédit fiscal de personne mariée, de l'équivalent du montant pour conjoint et des crédits pour conjoints qui sont transférables reflète des inégalités de revenu bien enracinées. La répartition de l'équivalent du montant pour conjoint est « ascendante » .

À l'opposé, la répartition du crédit de personne mariée demeure « inversée » . Les conjoints à faible revenu qui assument les frais d'entretien retirent les plus faibles avantages d'un tel crédit, contrairement aux conjoints à revenu supérieur. Un tel résultat peut sembler aller contre une perception intuitive, puisque l'ancienne déduction pour personne mariée a été remplacée par les crédits d'impôt en 1988 dans le but d'éliminer l'effet « inversé » de la déduction. Cette modification a amélioré la répartition du crédit de personne mariée dans une certaine mesure, mais puisque les contribuables à revenu faible à moyen ne peuvent subvenir à la fois à leurs besoins et à ceux d'un conjoint à charge avec leur revenu, ils perdent l'avantage du crédit lorsque leurs conjoints se joignent au marché du travail[134].

Si la répartition du crédit de personne mariée ou de l'équivalent du montant pour conjoint était neutre quant à la tranche de revenu, le pourcentage de crédits demandés par les membres de chaque tranche de revenu serait alors le même que le pourcentage de demandeurs dans chaque tranche de revenu. Cela n'est pas le cas (tableau 4-1). Bien que 42 p. 100 des contribuables fassent partie de la tranche de revenu la moins élevée, seulement 7 p. 100 des crédits de personne mariée ont été accordés à ceux ayant un revenu inférieur à 10 000 $. Ceux ayant un revenu plus élevé (jusqu'à 30 000 $) représentaient seulement un tiers de tous les contribuables dans la catégorie, mais ils ont reçu une part beaucoup plus élevée du crédit de personne mariée (41 p. 100) que ceux ayant un revenu de 10 000 $ ou moins. En outre, alors que plus d'un tiers de tous les contribuables ayant demandé l'un des deux crédits affichaient un revenu de 10 000 $ à 30 000 $, ils ont obtenu moins d'un tiers des crédits de personne mariée : seulement 30,7 p. 100 des crédits ont été demandés par la tranche de revenu regroupant 36,8 p. 100 des contribuables.

Tableau 4-1 : Répartition du crédit de personne mariée et de l'équivalent du montant pour conjoint, par tranche de revenu, en 2000

Table 4-1

Source : BD/MSPS version 7, rajustée pour 2000.

Plus de la moitié des demandes de crédit de personne mariée ont été faites par des personnes se trouvant dans la fourchette d'imposition la plus élevée. Seulement 27 p. 100 des contribuables se retrouvaient dans cette tranche de revenu, mais ils ont demandé 53 p. 100 des avantages. Cela démontre que ce sont principalement les contribuables à revenu supérieur qui peuvent se permettre de subvenir aux besoins de deux adultes à l'aide d'un seul revenu. Le critère d'admission au crédit de personne mariée exige seulement d'être un couple à revenu moyen ou élevé où un seul des conjoints travaille. Une fois ce critère satisfait, les couples à un seul revenu peuvent profiter du crédit sans égard à leur revenu. À titre de comparaison, presque toutes les demandes de l'équivalent du montant pour conjoint ont été faites par des personnes se trouvant dans la fourchette d'imposition la moins élevée (10 000 $ ou moins). Seuls les chefs de famille monoparentale ont droit à un tel crédit. Il n'est pas étonnant de constater que les contribuables de sexe féminin sont en surnombre dans cette fourchette d'imposition. Aucun contribuable ou presque ayant un revenu supérieur à 10 000 $ ne demande ce crédit.

Les crédits transférables souffrent de problèmes de répartition semblables. Comme le démontre le tableau 4-2, lorsque les crédits d'impôt transférés d'un conjoint à un autre sont analysés par tranche de revenu et selon le sexe, les transferts affichent une asymétrie très prononcée en faveur des demandeurs masculins dans une proportion d'environ dix contre un (la même proportion que pour le crédit de personne mariée). Moins de 11 p. 100 de tous les crédits transférés sont demandés par des femmes. Un nombre relativement peu élevé de transferts de crédits sont demandés par des contribuables de l'un ou l'autre des sexes dans la tranche de revenu de 10 000 $ ou moins, alors que les demandes dans les tranches de revenu les plus élevées sont en surnombre. Du point de vue de la répartition, les contribuables dont les revenus sont affectés par la race, l'orientation sexuelle, l'incapacité ou d'autres caractéristiques défavorables seront désavantagés de la même manière lorsqu'ils demanderont les crédits.


Tableau 4-2 : Répartition des crédits transférés, par tranche de revenu et selon le sexe, en 2000

Table 4-2

Source : BD/MSPS version 7.1, rajustée pour 2000.

Sur le plan économique, les prestations pour personnes à charge - tant le crédit de personne mariée que les crédits transférables - incitent les femmes à passer d'un emploi rémunéré au travail ménager non rémunéré[135]. L'effet de substitution contribue aux faibles revenus des femmes parce qu'il incite les travailleurs à faible revenu à quitter leur emploi rémunéré et à effectuer du travail ménager non rémunéré. Cela aide à soutenir des salaires plus élevés pour les travailleurs qui demeurent sur le marché du travail et, au même moment, les travailleurs domestiques non rémunérés effectuent du travail ménager très bon marché pour leurs conjoints qui assument leurs frais d'entretien. Le travail ménager non rémunéré aide sans doute l'un des conjoints à gagner un revenu, mais il en résulte que les conjoints qui assument les frais d'entretien se retrouvent, contrairement aux conjoints à charge, avec plus d'argent et un patrimoine plus important. De plus, la valeur au comptant de l'avantage fiscal va au conjoint qui assume les frais d'entretien et ce dernier en est le propriétaire.

Malgré les problèmes de répartition et d'égalité que causent les crédits de personne mariée et les crédits transférables, ceux-ci ont été fermement défendus dans plusieurs milieux. Selon les divers arguments qui ont été présentés, les femmes qui ont des enfants devraient rester à la maison pour s'en occuper alors qu'ils sont jeunes; les femmes dont le conjoint peut se permettre de subvenir à leurs besoins devraient travailler à la maison même si elles n'ont pas d'enfants; les femmes qui ont probablement quitté un emploi rémunéré méritent un certain soutien plus tard au cours de leur vie afin de pouvoir conserver leur mode de vie sans difficultés.

Aucun des arguments invoqués ci-haut ne cadre avec les données relatives au lien qui existe entre le fait d'être marié et d'avoir des enfants et l'admissibilité aux avantages sociaux. Les couples qui sont admissibles au crédit n'ont pas tous des enfants. Les enfants ne sont pas tous élevés par de tels couples. Les enfants qui sont élevés par de tels couples n'ont pas tous besoin de service de garde - plusieurs d'entre eux sont déjà grands. Plusieurs couples admissibles sont trop vieux pour avoir des enfants. Quoi qu'il en soit, les crédits de personne mariée ou les transférables ne mentionnent rien au sujet des enfants. Ce sont essentiellement des crédits destinés aux adultes à charge sans égard à la composition du reste de la famille. De plus, ces crédits sont mal orientés, que l'on évalue leur valeur intrinsèque ou qu'on les évaluent conjointement avec l'équivalent du montant pour conjoint destiné aux chefs de famille monoparentale. À chaque année, moins de la moitié de ces crédits vont à des couples mariés ayant de jeunes enfants.

Puisque les crédits de personne mariée et les transférables agissent de façon efficace pour canaliser les biens publics vers les contribuables dont les revenus sont les plus élevés, ils devraient être éliminés. Même les transferts de crédits d'impôt pour personnes handicapées et de crédits en raison de l'âge présentent les mêmes tendances. Si le gouvernement désirait encore accorder une forme d'aide supplémentaire aux personnes qui sont défavorisées par l'âge ou l'incapacité, des affectations directes seraient alors plus efficaces.

Politiques de rechange :d'une part, les recommandations de la Commission Carter portant sur le fractionnement du revenu sur une base familiale demeure extrêmement attrayantes pour les couples à un seul revenu et pour les couples à revenus sensiblement inégaux. Des modèles facultatifs (celui de l'Espagne, par exemple) seraient également attrayants parce qu'ils offriraient à de tels couples le meilleur éventail de possibilités quant au fractionnement du revenu et donc à la réduction d'impôt. Ces modèles attribueraient de plus faibles avantages sociaux aux couples à revenu moyen et pratiquement rien aux couples à faible revenu.

Même si les éléments applicables aux conjoints sont attrayants pour les couples à un seul revenu, surtout pour ceux à revenu élevé, le caractère équitable général du régime fiscal serait amélioré si on les éliminait de la législation et qu'on adoptait davantage un modèle de taxation individuelle (tel que le modèle suédois). L'excédent budgétaire qui résulterait de ce changement devrait être utilisé pour réduire les taux d'imposition les moins élevés et pour augmenter les crédits personnels, afin de réduire la régressivité du régime fiscal dans la partie inférieure de la courbe de revenu.

Recommandation 1 : éliminer le crédit de personne mariée : une telle mesure aurait le même effet que l'introduction du crédit pour deux salariés en 1981 (d'une valeur maximale de 6 000 $) mais serait plus avantageuse parce qu'elle éliminerait directement la source de la partialité. La déduction américaine pour deux salariés améliore les règles relatives à la déclaration conjointe.

Recommandation 2 : éliminer les crédits transférables :l'aide directe destinée aux personnes âgées ainsi qu'aux adultes frappés d'incapacité et en difficulté d'apprentissage est plus compatible avec le principe d'équité que le sont les crédits d'impôt qui favorisent les contribuables à revenu supérieur au détriment des contribuables à revenu inférieur.

Recommandation 3 : remplacer le crédit pour conjoint à charge par une aide publique améliorée et destinée aux enfants : des crédits pour enfants à charge agiraient à titre de subvention directe aux ménages sans enfants, sans toutefois affecter les choix des adultes relativement à l'emploi. Toutefois, de telles subventions sont mieux versées sous forme d'avantages directs non imposables, surtout parce qu'elles devraient pouvoir être entièrement remboursées aux contribuables à faible revenu ou dont le revenu est de zéro afin de parvenir à toutes les familles nécessiteuses avec enfants, et aussi parce que les crédits d'impôt ne parviennent pas à ceux qui ne sont pas déclarants (il y a plus de femmes que d'hommes dans cette catégorie).

Recommandation 4 : réduire le caractère régressif des taux d'imposition inférieurs : des crédits personnels améliorés et des taux d'imposition inférieurs réduits profiteraient à tous les contribuables à faible revenu, y compris les couples dont les revenus sont trop faibles pour qu'ils puissent se servir des crédits de personne mariée et des transférables. Une telle mesure améliorerait aussi le caractère équitable général du régime fiscal sans créer de nouveaux avantages fiscaux pour les contribuables à revenu supérieur.

Déductions pour pension alimentaire : jusqu'en 1942, les versements de pension alimentaire étaient traités de la même façon que toutes les autres dépenses de consommation après impôt - ils n'étaient pas déductibles. En 1942, un crédit d'impôt pour pension alimentaire versée a été adopté. Ce crédit demeure unique en son genre, car il permettait à un contribuable versant une pension alimentaire de réclamer à titre de crédit d'impôt le montant de l'impôt vraisemblablement payé par le bénéficiaire du versement. Toutefois, au lieu d'utiliser la déclaration de revenus du bénéficiaire afin de fixer le montant, on calculait le crédit en utilisant le plus bas taux marginal d'imposition du bénéficiaire[136]. Un tel changement a eu lieu pour deux raisons : accorder aux hommes un incitatif fiscal afin qu'ils versent la pension alimentaire et éliminer les barrières fiscales qui s'opposent au remariage des hommes[137]. Cette méthode servant à calculer l'avantage fiscal s'est avérée extrêmement peu populaire parce qu'elle produisait de très minces crédits d'impôt. En 1944, le gouvernement l'a remplacée par le régime de déductions actuel, lequel a augmenté la valeur de l'avantage aux yeux de la plupart des payeurs[138].

Le régime est demeuré à peu près inchangé depuis ce temps-là. La Commission Carter a recommandé que l'on permette aux payeurs de déduire des règlements forfaitaires de même que des versements périodiques, mais a semblé autrement satisfaite du statu quo[139]. Au milieu des années 1970, on a encore élargi la déduction afin de pouvoir inclure des versements provenant de tiers, des versements aux cohabitants, ainsi que d'autres articles controversés sur le plan administratif[140]. À cette époque, le Conseil consultatif de la situation de la femme remettait déjà en question la déductibilité des versements de pension alimentaire quels qu'ils soient[141], mais des changements ultérieurs au cours des années 1980 ont continué à s'opérer dans le sens d'une déduction des versements pour pension alimentaire de toutes sortes, puisqu'on reconnaissait de plus en plus les obligations alimentaires des cohabitants[142].

Les effets économiques et financiers de la déduction pour pension alimentaire sont semblables à ceux du crédit pour conjoint à charge. Du point de vue du payeur, de telles déductions subventionnent souvent le travail ménager non assujetti à l'impôt du bénéficiaire, qui est plus souvent qu'autrement un chef de famille monoparentale divorcé ou séparé. Du point de vue du bénéficiaire, l'inclusion des versements de pension alimentaire dans l'assiette fiscale réduit la valeur du versement en dessous du montant dont il a réellement besoin pour subvenir à ses besoins, alors qu'au même moment, le payeur reçoit de l'assistance publique pour effectuer le versement. La différence entre le taux marginal d'imposition du payeur à revenu supérieur et le taux d'imposition du bénéficiaire à revenu inférieur signifie que la subvention accordée au payeur par l'État peut excéder la recette fiscale obtenue du bénéficiaire à l'égard du versement.

Même après qu'un homme divorcé se soit remarié, l'effet combiné des subventions fiscales découlant de la déduction pour pension alimentaire et du crédit fiscal de personne mariée exigible à l'égard d'une deuxième épouse amoindrit les effets du divorce sur son revenu après impôt. Cela signifie que, sur le plan financier, le régime fiscal fournit aux hommes des incitatifs au remariage après le divorce mais qu'il continue à encourager les femmes, tant divorcées que mariées, à effectuer du travail ménager non rémunéré. Selon le niveau de revenu, l'effet combiné des deux dispositions agit de sorte que le payeur pourrait se retrouver plus ou moins dans la même situation financière qu'avant le divorce, mais il encourage deux femmes différentes à effectuer du travail ménager non rémunéré dans deux différents ménages. Au même moment, les autres types de versements de pension alimentaire ne sont pas tous déductibles[143].

Politiques de rechange : éliminer les dispositions relatives aux déductions et aux inclusions; convertir la déduction en crédit d'impôt mais garder l'inclusion telle quelle; remplacer complètement le régime par des calendriers de versement de pension alimentaire et une administration gérés par l'État, comme dans le cas des pensions alimentaires pour enfants; élargir le régime pour inclure les versements qu'ordonnent les tribunaux en faveur des parents ou d'autres membres de la famille.

Recommandation 5 : éliminer la déduction pour pension alimentaire :une telle mesure augmenterait le revenu après impôt des femmes provenant de la pension alimentaire et éliminerait les déductions fiscales qui encouragent les femmes à continuer à effectuer du travail ménager non rémunéré après le divorce ou la séparation. L'augmentation ainsi obtenue du revenu provenant de la pension alimentaire aiderait les femmes à obtenir des services de garde d'enfants et signalerait de nouveau que les versements de pension alimentaire ne sont pour les payeurs que des dépenses de consommation.

II.     Prestations liées au « revenue familial »

Pendant les années 1920, alors que les femmes se joignaient au marché du travail, la discrimination salariale était fondée sur le motif selon lequel les hommes devaient assumer les frais de la cour faite aux femmes et ensuite subvenir aux besoins de ces dernières. Le « revenu familial » a octroyé des échelles de rémunération plus élevées aux hommes ainsi qu'aux femmes. Interdite depuis les années 1950, une version du « revenu familial » également applicable aux hommes et aux femmes existe encore de nos jours sous forme d'exonérations fiscales de toutes sortes. À la différence du crédit de personne mariée et d'autres prestations pour personnes à charge, les avantages fiscaux de type « revenu familial » ne sont pas réservés qu'aux couples à un seul revenu ou qu'aux situations de dépendance économique. Tout contribuable ayant un conjoint est admissible à ce genre d'avantage. Deux types généraux d'avantages se retrouvent dans cette catégorie : d'une part, les exonérations fiscales à l'égard des avantages indirects qui sont réellement reçus par le conjoint de l'employé (par exemple, des avantages reçus aux termes d'un régime d'assurance-maladie ou d'un régime de soins dentaires défrayé par l'employeur, des services d'orientation et des frais de déménagement payés par l'employeur[144]), et d'autre part, les déductions fiscales ou les crédits pour dépenses liées à la retraite, aux soins médicaux, ou aux soins d'un conjoint[145].

Tout comme l'ancienne version en espèces du « revenu familial » , l'exonération fiscale des avantages « indirects » ainsi que les déductions fiscales ou crédits d'impôt reliés aux dépenses privées enfreignent les principes d'équité horizontale et d'équité verticale. Selon les termes employés par la Commission Carter, [TRADUCTION] « un dollar vaut un dollar » , et le fait que la rémunération liée à l'emploi puisse exister sous forme de consommation en nature plutôt qu'en espèces ne constituait pas, de l'avis de la Commission, un motif suffisant pour l'exclure du revenu d'emploi. La pièce maîtresse de la Commission, quant à la notion révisée du « revenu » , a été nommée « assiette fiscale complète » et constitue une adaptation directe de la définition économique du revenu de Haig-Simons (le revenu équivaut à la juste valeur marchande de tous les droits de consommation exercés en plus de la variation nette de la valeur des éléments d'actif au cours de la période comptable). Le seul écart envisagé par la Commission par rapport à cette définition raisonnée du revenu a été la réduction du fardeau fiscal [TRADUCTION] « pour ceux qui ont des responsabilités et des obligations spéciales nécessitant des dépenses essentielles[146] » .

L'imposition des avantages indirects a longtemps été un sujet de discorde entre Revenu Canada et les contribuables; un des résultats découlant des recommandations de la Commission Carter a certainement été l'abolition ou la rationalisation de plusieurs avantages en matière d'emploi auparavant exonérés d'impôt ou peu imposés. (voir, d'une façon générale, l'article 6 de la Loi de l'impôt sur le revenu). La Commission n'a fait aucune distinction entre les avantages liés à l'assurance-maladie accordés à l'employé et d'autres types d'avantages indirects, recommandant plutôt que les cotisations de l'employeur aux régimes publics d'assurance-maladie se retrouvent dans la catégorie des avantages imposables. La Commission a également recommandé que tout service ou remboursement en provenance d'un tel régime d'assurance-maladie soit exonéré d'impôt. Lors de la communication de ses plans concernant la mise en oeuvre du rapport de la Commission, le gouvernement s'est dit d'accord, de façon générale, avec les propositions susmentionnées, mais a fait remarquer que les cotisations de l'employeur aux régimes publics de soins hospitaliers devraient également être considérées comme des avantages imposables. On reconnaissait clairement que les dépenses défrayées ou remboursables à partir des régimes publics pouvaient être considérées comme des frais médicaux ou du revenu imposable en raison de la diversité des instruments de financement utilisés dans les provinces à l'époque[147].

Malgré cette tentative d'élargissement de l'assiette fiscale, les cotisations de l'employeur aux régimes privés de services de santé, tels que les régimes de soins dentaires et d'assurance-médicaments, ne sont pas considérées comme des avantages imposables en matière d'emploi, même lorsque ces régimes s'étendent au conjoint ou à la famille de l'employé. D'autres avantages indirects, tels que les régimes de pension agréés (RPA) ainsi que d'autres paiements différés, sont également exonérés d'impôt pendant la durée du régime; en outre, si la rémunération différée n'est pas retirée d'un tel régime avant que le conjoint de l'employé n'en devienne le bénéficiaire en exerçant son droit de survie, le report de l'impôt et le fractionnement du revenu réduiront le fardeau fiscal total lié à de telles formes de rémunération.

Ces nouvelles formes de « revenu familial » , tout comme son ancienne version, sont fondées sur le motif selon lequel les relations assimilables à des unions conjugales et les relations familiales méritent l'aide de l'État ainsi que du secteur privé. Ces formes de « revenu familial » créent des subventions spéciales au profit des personnes dont les partenaires sont assimilés à des conjoints. Lorsque l'effet de la subvention découle du milieu de l'emploi, la rémunération destinée à l'acquisition des avantages indirects pour employés mariés ou vivant en couple provient de la rémunération disponible qui doit être répartie, de façon générale, entre tous les employés. Les avantages liés à la qualité de conjoint sont réservés aux employés vivant en couple et l'interdiction d'accès à ces avantages fondée sur l'état civil défavorise les employés qui ne vivent pas en couple. L'exonération fiscale accentue un tel désavantage. Les recettes perdues en raison de l'exonération fiscale sont défrayées de façon disproportionnée par les contribuables qui ne reçoivent ni cette exonération fiscale ni d'exonérations semblables. Comme dans le cas de la non-imposition du travail ménager non rémunéré, il est difficile d'imaginer que l'omission d'un élément de l'assiette fiscale puisse attribuer un avantage fiscal à un groupe donné, mais l'effet de l'avantage découle du fait que certaines catégories de contribuables n'ont pas accès à la transaction à l'égard de laquelle un avantage fiscal peut être accordé[148].

Les employés et les contribuables célibataires subventionnent ceux qui obtiennent des avantages indirects pour conjoint et des exonérations fiscales à l'égard de ces avantages. Cependant, les couples à deux revenus subventionnent également le régime d'avantages indirects et d'exonération fiscale. En général, les couples à deux revenus où les deux conjoints sont admissibles aux avantages indirects ne peuvent en profiter pleinement. Ils ne peuvent pas non plus les transformer en salaires plus élevés. En réduisant les coûts associés à l'un de leurs régimes, les couples à deux revenus subventionnent les couples à un seul revenu. Les avantages liés au « revenu familial » dressent également un mur entre les emplois comportant des avantages sociaux (les « emplois primaires » ) et ceux qui n'en offrent pas. Une fois que les membres d'une famille donnée sont assurés aux termes d'un régime d'avantages sociaux d'un employeur, le deuxième soutien économique peut chercher un emploi à temps partiel, saisonnier ou ne comportant pas d'avantages sociaux. Par conséquent, l'existence de régimes d'avantages sociaux destinés aux employés et les exemptions fiscales dont ils bénéficient tendent à renforcer les courbes de l'emploi selon le sexe.

Les avantages publics et privés destinés au conjoint agissent de manière à ce que toutes les catégories d'employés finissent par subventionner les couples à un seul revenu à l'égard de ce qui constitue une part sans cesse croissante de la rémunération totale liée à l'emploi. La plupart des solutions à ce problème ont comporté une façon d'attribuer des avantages semblables aux employés célibataires, en permettant par exemple à une personne donnée de « choisir un bénéficiaire » et de conférer ainsi les mêmes avantages à des bénéficiaires non apparentés. Une telle approche pose un problème parce qu'elle rend ces avantages plus coûteux pour les employeurs et le gouvernement, sans pour autant tenir compte du fait que les employés qui ne vivent pas en couple n'ont pas nécessairement en tête une personne pouvant agir à titre de bénéficiaire. L'élargissement des avantages et des exonérations visant à inclure des enfants d'âge adulte, des parents, des petits-enfants, des collatéraux ou d'autres personnes pourrait bien creuser l'écart au lieu de le rétrécir, à mesure que de plus en plus de personnes dans un groupe donné font partie de régimes qui se chevauchent.

Par conséquent, toute solution au problème des avantages privés ou publics liés au « revenu familial » devraient comporter trois autres caractéristiques : l'option de convertir en avantages monétaires les régimes d'avantages sociaux superflus; le droit de participer de nouveau au régime en cas de besoin et sans délai injustifié; l'élargissement des options de prestations visant à inclure des travailleurs à temps partiel, occasionnels et saisonniers. En l'absence de telles modifications, les avantages indirects mêmes et les exemptions fiscales dont ils bénéficient constituent des formes de taxation commune. Alors que quelques-uns de ces avantages permettent un fractionnement limité du revenu dans certaines circonstances (le financement de la retraite se retrouve dans une telle catégorie), d'autres permettent essentiellement au contribuable de fractionner le revenu en déduisant les dépenses engagées à l'égard du conjoint. Sur le plan financier et économique, ils ont tous le même effet ordinairement associé aux avantages fiscaux pour personnes à charge : ils ont tendance à profiter aux contribuables à revenu élevé et moyen de façon différentielle, fournissent généralement des incitatifs qui encouragent la dépendance économique des conjoints à revenu inférieur et offrent des subventions publiques à l'égard des relations entre adultes.

Politiques de rechange : des décisions judiciaires ainsi que le projet de loi C-23 ont élargi la plupart des dispositions portant sur l'exonération fiscale des avantages indirects afin qu'elles s'appliquent aux couples homosexuels. Cela satisfait aux conditions formelles d'égalité et d'équité. Toutefois, l'interdiction d'accès aux véritables prestations de conjoint, qui existe encore de nos jours et à laquelle se heurtent les employés homosexuels dans plusieurs provinces, signifie qu'une telle exonération fiscale n'est d'aucune utilité pour les employés homosexuels. De toute évidence, des mesures plus poussées sont nécessaires au niveau provincial. Par ailleurs, l'importante question de l'accès inégal aux avantages sociaux, l'impact des ensembles d'avantages sociaux sur les couples à deux revenus, l'effet de la subvention, ainsi que l'écart sans cesse croissant entre les employés à temps plein et ceux à temps partiel donnent à penser que l'inégalité existe de façon systématique et qu'une restructuration importante est imminente.

Il existe deux options essentielles en vue d'une réforme. L'une d'elles est la collaboration entre tous les ordres de gouvernement, afin de s'assurer que tous les travailleurs aient accès aux programmes d'avantages sociaux et que les régimes d'avantages sociaux des couples à deux revenus bénéficient d'un rapprochement dans le but de maintenir les revenus après avantages et après impôt des travailleurs à revenu inférieur -- en leur permettant tout simplement de ne pas participer au régime[149] mais de conserver le droit de changer d'avis. Bien qu'une telle option traite du problème des différences entre les sexes au sein des couples à deux revenus, elle n'élimine pas la partialité qui existe à l'encontre des employés célibataires ou de ceux pour qui l'accès à un emploi dans le secteur structuré est déjà limité. Par rapport à d'autres pays, le Canada est mieux placé pour pouvoir accorder les avantages essentiels aux personnes sans emploi, mais l'effet de la subvention sur l'employé célibataire est important. Par conséquent, la deuxième option en vue d'une réforme serait l'octroi d'avantages indirects et d'exemptions fiscales, dont bénéficient ces personnes à une plus grande catégorie de bénéficiaires, sans doute par l'entremise d'un modèle de bénéficiaires réciproque tel que celui qui a été brièvement utilisé à Hawaï avant l'adoption de lois relatives au partenariat civil enregistré. Si les avantages indirects pouvaient être mis à la disposition d'un groupe plus important de parents ou même de bénéficiaires choisis qui ne sont pas des conjoints, les objectifs des exemptions fiscales seraient alors atteints de façon plus efficace et impartiale.

Recommandation 6 : élargir l'exonération fiscale des avantages indirects pour inclure les personnes qui ne sont pas des conjoints : le « menu » des avantages indirects croît sans cesse pour répondre aux besoins les plus urgents des employés et aux conditions sociales en évolution. Étant donné les recettes nettes associées à l'exonération fiscale se rapportant aux régimes de base d'assurance-maladie, de soins dentaires, de soins hospitaliers et de soins de santé destinés aux employés, c'est justement dans ce domaine qu'il serait peut-être le plus propice de reconnaître l'attribution des avantages sociaux aux adultes qui ne sont pas des conjoints, tels que les frères et soeurs, les parents, les enfants d'âge adulte, ou les partenaires à long terme avec lesquels un contribuable habite de façon assez permanente. L'échange d'avantages sociaux contre espèces, l'attribution de régimes d'avantages sociaux aux travailleurs sous-employés et les droits de participation amélioreraient la protection et minimiseraient les inégalités existantes.

Recommandation 7 : conserver les limites qui s'appliquent aux conjoints à l'égard des dispositions relatives à la retraite et au fractionnement du revenu : les dispositions relatives aux biens, telles que celles qui prévoient les règles s'appliquant à la déduction pour cotisations à un REER de conjoint, la portée des options relatives au droit de survie aux termes des RPA et l'admissibilité aux prestations de décès, devraient demeurer réservées à ceux dont on reconnaît qu'ils font au moins partie de la famille élargie du contribuable. Une déductibilité plus élargie ou un fractionnement du revenu pourraient créer de nouvelles possibilités d'évitement fiscal.

III.    Le partage familial des revenus et des biens

Depuis le milieu des années 1970, le droit canadien en matière de biens familiaux reconnaît de plus en plus le droit de propriété des femmes mariées et des conjointes de fait. Au lieu de détenir simplement des droits de douaire virtuels et d'autres formes limitées d'intérêts sur des biens familiaux enregistrés au nom de leur mari, les femmes mariées ont acquis les droits virtuels de propriété commune, ce qui leur donne le droit de réclamer jusqu'à la moitié du domaine patrimonial net par suite d'un divorce ou d'un décès[150].

Lorsque l'imposition des gains en capital a été adoptée en 1972 sur la recommandation de la Commission Carter, les transactions se rapportant aux biens familiaux comprenant des biens en immobilisation sont devenus imposables en vertu des nouvelles règles relatives aux gains en capital au même titre que toute autre transaction. Cela signifiait que des transactions entre conjoints adultes pouvaient donner lieu à des gains en capital ou à un revenu du capital, entraînant ainsi des obligations fiscales accrues qui n'auraient pas existé avant 1971. De telles transactions comprennent l'aliénation de la maison familiale, la division d'autres biens familiaux et le partage forcé du patrimoine des défunts.

L'interaction entre le droit contemporain des biens familiaux et les règles relatives aux gains en capital met en jeu deux types de dispositions fiscales apparemment contradictoires : les règles d'attribution et les dispositions relatives aux « transferts » . Les règles d'attribution sont des dispositions anti-évitement qui sont conçues pour empêcher le revenu de quitter les mains d'une personne (le donateur) et d'être traité comme le revenu d'une autre personne aux fins de l'impôt. Elles agissent de manière à « attribuer de nouveau » au donateur le montant transféré. Les règles d'attribution ont évolué en même temps que l'imposition du revenu au Canada. On dit souvent de ces règles qu'elles protègent le principe de la taxation individuelle[151]. Elles empêchent essentiellement les couples à revenu élevé et qui détiennent des biens de déplacer le droit de propriété afin de partager leurs revenus et de réduire ainsi leurs impôts.

Jusqu'en 1979, les règles d'attribution à l'égard du sexe étaient draconiennes : tout revenu transféré d'un conjoint à un autre était irréfutablement présumé demeurer le revenu du conjoint payeur. Cette règle s'appliquait non seulement aux transferts de tous les biens productifs[152], mais également aux revenus provenant de tous les types d'entreprises familiales, y compris les entreprises individuelles, les sociétés de personnes au sein desquelles un conjoint était employé[153], les sociétés de personnes dont les deux conjoints étaient membres[154] et les entreprises familiales constituées en personnes morales où le conjoint était employé[155]. Ces règles, surtout à l'égard des entreprises familiales, ont eu pour fâcheuse conséquence de détourner ce qui aurait constitué le travail rémunéré des femmes et de le convertir en biens appartenant au mari, en interdisant les retenues sur le traitement et en niant l'existence des sociétés commerciales familiales aux fins de l'impôt. Un tel détournement a également créé un effet de second ordre : sans revenu gagné, les femmes canadiennes ne pouvaient pas elles-mêmes accumuler des crédits aux fins du RPC, de l'assurance-chômage, d'un REER ou d'un RPA. Elles étaient des travailleuses complètement non assurées et ne pouvaient s'attendre, dans l'hypothèse la plus optimiste, qu'à un partage ou une prestation de conjoint provenant des prestations sociales de leur mari aux termes du RPC, d'un REER ou d'un RPA. Même après avoir éliminé les règles d'attribution liées au sexe, le gouvernement fédéral n'a jamais pris de mesures pour retourner en arrière afin de remédier à son refus d'accorder une garantie aux termes du RPC avant 1980, de sorte que plusieurs femmes ne jouissent toujours pas d'une protection indépendante aux termes du RPC (voir le chapitre cinq pour les pénalités).

Une nouvelle approche se rapportant aux biens productifs est lentement apparue dans la structure de la Loi de l'impôt sur le revenu par suite de l'introduction, en 1972, de l'imposition des gains en capital. Cette approche a mis l'accent sur les caractéristiques de « mise en commun » et de « partage » de l'union conjugale, lesquelles avaient été présentées dans le rapport de la Commission Carter au milieu des années 1960. Vu la reconnaissance du couple comme unité économique ainsi que le nombre sans cesse croissant de droits de propriété accordés aux femmes mariées aux termes du nouveau droit provincial de la famille, on a assisté à l'élaboration d'une double approche en matière de politique où les notions d' « épouse en tant que moyen d'évasion fiscale » et de « partage conjugal » ont été conciliées. Alors que l'on trouvait de nouvelles règles d'attribution afin d'éliminer les échappatoires fiscales dont pouvaient profiter les conjoints (prêts de corporations contrôlées, etc.)[156], de nouveaux transferts au conjoint étaient créés afin de reconnaître le partage conjugal et les droits de propriété des femmes mariées.

Les transferts au conjoint agissent exactement dans le sens inverse des anciennes règles d'attribution. Aux termes des règles d'attribution, le transfert des biens en immobilisation qui produisait un gain en capital donnait lieu à l'attribution de ce gain à l'auteur du transfert. En vertu des règles portant sur les transferts au conjoint, le même transfert ne produit aucun gain imposable au moment du transfert, mais lorsque le gain est réalisé par le deuxième conjoint, la totalité du gain accumulé entre les mains des deux conjoints est considérée comme le gain imposable du deuxième conjoint. Le gain qui serait ordinairement réalisé lors du transfert du premier au deuxième conjoint est « transféré par roulement » aux deuxième conjoint et n'est reconnu que lors de l'aliénation véritable quelque temps après. Les règles s'appliquent à des transferts entre vifs ou au décès[157].

Au départ, les transferts libres d'impôt au conjoint étaient conçus pour reconnaître la présomption fondée sur des principes d'équité selon laquelle les deux conjoints « détenaient » des biens au moins depuis la date du mariage. Il s'agissait là d'une présomption retrouvée dans les lois portant sur la réforme du droit de la famille. L'assujettissement à l'impôt exigible sur des gains en capital des transferts de titre pouvant réduire des intérêts in equity à des titres en common law allait à l'encontre de la nature de tels intérêts in equity et aurait nui à la valeur des biens familiaux, en l'absence de véritables transferts économiques. Puisqu'ils étaient conçus pour assurer la coordination de la mise en oeuvre de la réforme du droit provincial de la famille et de l'imposition des gains en capital, les nouveaux transferts libres d'impôt au conjoint ne s'appliquaient au départ que lorsque les transferts de titre entre conjoints étaient fondés sur la législation provinciale en matière de droit familial[158]. Cependant, ils ont été progressivement modifiés d'après le principe élargi des intérêts de propriété conjoints découlant de l'union conjugale[159].

Grâce à la reconnaissance accrue, dans la Loi de l'impôt sur le revenu, des droits de propriété individuels de l'épouse, constatés tout d'abord dans le cadre de la réforme provinciale du droit de la famille, les conjoints ont finalement eu le droit, en 1980, de se soustraire aux règles d'attribution ainsi qu'aux règles relatives aux transferts - c'est-à-dire qu'ils pouvaient désormais choisir d'estimer qu'une transaction avait été effectuée à la juste valeur marchande. Cela rend possible le fractionnement des gains en capital accumulés par deux conjoints, d'une manière qui soit compatible avec la date du transfert véritable des biens[160]. Des modifications supplémentaires sont venues préciser que les transferts de roulement au conjoint s'appliquaient à tous les biens; en 1993, les cohabitants hétérosexuels non mariés sont devenus admissibles à ces transferts. Les cohabitants homosexuels seront admissibles aux transferts libres d'impôt à partir de 2001 et cette admissibilité sera rétroactive; ils pourront remonter jusqu'à 1998 s'ils le désirent.

De toute évidence, les règles d'attribution constituent des pénalités fiscales. Les dispositions relatives aux transferts de roulement au conjoint ne confèrent pas que des avantages, mais sont conçues afin de permettre à des transactions de biens familiaux ordinairement imposables d'éviter l'assujettissement à l'impôt. Bien que les règles relatives aux biens familiaux aient un effet sur la redistribution des biens au sein de l'unité familiale ou des relations entre adultes, elles ne modifient pas le patrimoine net du couple en tant que tel. Elles ont un effet sur les droits de propriété individuels de chaque personne vis-à-vis de l'autre, mais dans son ensemble, le couple n'est ni plus riche ni plus pauvre à la suite d'une transaction de biens familiaux.

L'élimination des pires règles d'attribution et l'émergence des transferts de roulement au conjoint ont eu pour effet d'écarter les importants obstacles fiscaux au droit de propriété des femmes. En ce sens, les transferts de roulement au conjoint ne confèrent que des avantages et n'ont pas d'effets défavorables importants. Toutefois, leur disponibilité à l'égard des cohabitants, des couples homosexuels et des membres de groupes traditionnellement défavorisés semble être plus « égale » qu'elle ne l'est vraiment. Le traitement applicable aux conjoints en droit fiscal ne confère pas l'état civil d'un conjoint dans le cadre du droit provincial en matière de biens familiaux; par conséquent, plusieurs transferts avantageux demeureront complètement hors de la portée des couples homosexuels, lesquels ne peuvent se marier, parce qu'ils ne peuvent obtenir ni une part du patrimoine du défunt lors d'une succession ab intestat ni le partage du patrimoine matrimonial en vertu du droit des biens, à moins qu'ils ne puissent un jour se marier. Il en est de même pour les cohabitants hétérosexuels, bien que certains d'entre eux puissent avoir accès aux avantages en se mariant. Les personnes appartenant à d'autres groupes traditionnellement défavorisés, telles que celles qui se différencient par la race ou l'incapacité, ont un accès plus limité aux biens mêmes et seront donc également exclues, de façon différentielle, de la répartition des avantages. Bien que les transferts de roulement au conjoint, en tant que mesures de taxation commune, soient beaucoup plus avantageux que les anciennes règles d'attribution en vertu desquelles « le mari possédait tout » , ils renforcent encore les avantages que possèdent, sur le plan du revenu, les couples mariés à un seul revenu et les couples mariés en général.

Politiques de rechange : permettre à tous les couples vivant comme conjoints de partager pleinement leur revenu; éliminer les dispositions de roulement à l'égard des transferts au sein d'un couple; élargir le champ d'application de la propriété in equity afin de faciliter le partage libre d'impôt des intérêts de propriété au sein du couple.

Recommandation 8 : les transferts libres d'impôt au sein d'un couple qui encouragent le partage équitable des biens et des revenus familiaux devraient être conservés : de tels transferts donnent effet à des intérêts in equity sur des biens et des revenus familiaux qui étaient refusés en vertu de l'ancienne législation en matière de biens familiaux. Lorsque l'on peut raisonnablement penser que le conjoint bénéficiaire a contribué à l'acquisition, à l'amélioration ou à l'entretien du bien en question, le transfert de la totalité ou d'une partie de l'intérêt à ce conjoint ne devrait pas être considéré comme une « aliénation » aux fins des lois fiscales.

Recommandation 9 : les transferts libres d'impôt ne devraient pas s'appliquer à d'autres relations entre adultes : l'utilisation de personnes morales par des contribuables non apparentés cherchant à éviter l'imposition du revenu ou des gains en capital a démontré que l'on rechercherait activement des mesures visant à réduire l'impôt à néant et qu'on risquerait de rendre plus difficile l'application des lois. La confiance accordée à des principes d'équité témoignerait d'une approche plus substantive à l'egard de la présente question que des critères prévus par la loi permettant à ceux dont les agissements sont guidés par les forces du marché de profiter de transferts libres d'impôt.


CHAPITRE CINQ DISPOSITIONS PÉNALES
APPLICABLES AUX CONJOINTS

On peut dire que tous les avantages fiscaux et directs imposent des pénalités à certaines personnes si leur comportement ne les rend pas admissibles aux avantages en question. Par conséquent, même les dispositions prévoyant des taux d'imposition progressifs peuvent être considérées comme des « pénalités » puisque le contribuable dont le revenu est trop élevé pour se retrouver complètement dans la tranche de revenu la plus basse doit calculer l'impôt exigible en partie selon un taux plus élevé. L'élimination des effets désavantageux de l'imposition régressive au Canada constituerait le moyen le plus efficace d'améliorer la répartition des revenus après impôt, mais plusieurs pénalités prévues par la loi contribuent à la régressivité générale et devraient également faire l'objet d'un examen. Ces pénalités particulières tirent leurs origines des critères d'admission se rapportant aux dispositions ayant pour but de remédier à la partialité et aux inégalités que produisent le régime fiscal même ainsi que l'économie de marché.

Le présent chapitre se penche sur les dispositions pénales que l'on peut qualifier de « conjointes » du fait qu'elles utilisent un certain type de couple adulte comme unité d'imposition applicable lorsque vient le temps d'établir l'admissibilité à divers paiements de transfert. Au départ, il convient de remarquer que les dispositions pénales applicables aux conjoints ne sont venues s'ajouter que très récemment aux dispositions en matière d'impôt et de transferts, contrairement aux dispositions prévoyant des avantages qui ont été examinées au chapitre quatre et dont plusieurs sont enracinées dans la politique fiscale canadienne. Toutes les dispositions pénales applicables aux conjoints ont été adoptées après la publication du rapport de la Commission Carter, et certaines d'entre elles, dont celles qui portent sur le programme actuel de prestations pour enfants liées au revenu familial, remplacent d'autres régimes d'avantages individuels qui ont ayant précédé la Commission Carter.

À qui la politique fiscale canadienne doit-elle les dispositions pénales applicables aux conjoints? Certains prétendent qu'elles se dégagent de la plus récente tendance dans le domaine de la fiscalité et des transferts sociaux et évoquent l'adoption (ou l'adoption proposée) de mesures semblables dans d'autres pays au cours de la dernière décennie. Toutefois, de tels propos ne sont pas tout à fait justes. En fait, le Canada s'est sans doute éloigné, plus que tout autre pays, d'un régime universel d'avantages fondés sur le particulier, tels que les prestations pour enfants, pour se diriger vers l'adoption de critères de revenus conjoints visant à restreindre l'accès aux avantages. Contrairement à d'autres pays qui ont adopté une approche semblable à l'égard du versement des avantages sociaux, seul le Canada octroie des avantages beaucoup moins généreux même si ceux-ci sont désormais liés au revenu[161].

Deux facteurs semblent pouvoir expliquer la tendance qui favorise des dispositions pénales applicables aux conjoints au Canada. L'un deux est le contrôle du gouvernement fédéral exercé par le Parti progressiste-conservateur pendant assez longtemps. Des allusions au caractère « mutuel » ou « partagé » d'une union conjugale correspondent à certaines des recommandations de la Commission Carter sur l'imposition de la famille et donnent une saveur progressiste à des politiques qui, parce qu'elles limitent les avantages au lieu d'en conférer, seraient autrement reçues avec méfiance. L'autre facteur est la décision de nature structurelle d'insérer dans le régime fiscal des dispositions à l'égard du bien-être, telles que celles prévoyant les prestations pour enfants et le crédit pour TPS, au lieu de les conserver comme programmes autonomes d'avantages directs. Les dispositions pénales régressives ont tendance à être moins visibles lorsqu'elles sont sous le couvert de la Loi de l'impôt sur le revenu.

En effet, on constate une utilisation plus marquée des pénalités applicables aux conjoints et celle-ci correspond à l'accroissement des pressions politiques visant à obtenir la taxation commune, des avantages fiscaux pour les couples à un seul revenu et l'aplanissement de la structure des taux de la composition des recettes fiscales. Par conséquent, l'utilisation accrue des pénalités applicables aux conjoints, sous prétexte de vouloir améliorer l' « efficience visée » , peut être perçue comme l'un des nombreux moyens structurels qui avaient pour but de diriger le régime fiscal général vers un aplanissement des taux, une réduction des dépenses publiques destinées à l'aide sociale et l'augmentation des revenus après impôt au profit des contribuables à revenu supérieur.

Les dispositions pénales applicables aux conjoints sont généralement destinées aux contribuables à faible revenu plutôt qu'à l'ensemble des contribuables (cf. la déclaration conjointe est d'application générale aux É.-U.). Les effets désavantageux étudiés ici surviennent - comme dans les affaires Poulter et Falkiner présentées dans le chapitre un - lorsque des avantages pour personnes à faible revenu ne sont plus disponibles en raison de l'utilisation des revenus combinés du couple plutôt que du revenu individuel.

Plusieurs dispositions fiscales et en matière de dépenses utilisent une forme quelconque de « pénalité applicable aux conjoints » . Au lieu de les étudier une par une et de risquer d'en perdre l'objet essentiel, nous examinerons les principales catégories de pénalités applicables aux conjoints ou fondées sur le couple, du point de vue de leur impact structurel, afin d'évaluer d'autres approches qui pourraient réduire leurs effets désavantageux. Les catégories sont les suivantes :

(1)         l'effet de « l'impôt sur le mariage » qui apparaît lorsque l'admissibilité aux avantages pour personnes à faible revenu est fondée sur le revenu du couple et non sur le revenu individuel;

(2)         des seuils de faible revenu (SFR) liés aux ressources qui fondent l'admissibilité aux avantages sur les revenus combinés des conjoints présumés;

(3)        des dispositions qui empêchent certains adultes de déduire des dépenses essentielles liées au travail, telles que les frais de garde;

(4)         des règles d'attribution qui découragent le partage des revenus et des biens entre conjoints;

(5)         des règles relatives aux liens de dépendance présumés, aux conflits d'intérêts présumés, ainsi que d'autres règles anti-évitement qui portent sur la collaboration présumée des couples à l'égard des avantages.

Sur le plan fonctionnel, les pénalités applicables aux conjoints agissent exactement à l'inverse des avantages communs pour personnes à charge : au lieu d'accorder des avantages fiscaux à un soutien économique d'âge adulte qui subvient aux besoins d'un conjoint à charge pour l'aider à supporter ce fardeau, les pénalités applicables aux conjoints privent ces derniers d'avantages fiscaux. L'effet de privatisation des pénalités applicables aux conjoints apparaît alors que la perte des avantages publics accroît les besoins financiers. On s'attend à ce que le conjoint qui gagne un revenu assume les principaux frais d'entretien et que l'État ne constitue que le dernier recours. De telles mesures de ciblage se fondent sur le revenu d'un couple ou sur l'existence d'une relation entre adultes pour refuser ou réduire les avantages. Par conséquent, elles refusent de traiter comme individu la personne à faible revenu, parfois même dans le cas où elle fonctionne comme individu sur le plan social et économique.

Les pénalités applicables aux conjoints peuvent faire l'objet de deux critiques. Sur le plan de la répartition, elles sont de plus en plus à l'origine de l'effet régressif de l'imposition au Canada. Les estimations approximatives des recettes qui sont favorables à l'octroi du traitement applicable aux conjoints à tous les couples au Canada - qu'ils soient ou non dans des relations assimilées à une union conjugale - indiquent que des recettes additionnelles de quelque 200 millions de dollars seraient générées et ce, surtout grâce au fait qu'ils accordent aux bénéficiaires individuels d'avantages fiscaux et de paiements de transfert comme s'ils étaient mariés[162]. De telles pertes affecteraient principalement les tranches de revenu inférieur et toucheraient un grand nombre de parents avec enfants et de personnes âgées et infirmes.

Sur le plan social, que les pénalités applicables aux conjoints soient prévues dans les dispositions fiscales ou en matière de transferts, elles découragent la formation de relations. Au lieu d'appuyer ou de subventionner les relations entre adultes comme le font les avantages communs, elles incitent les individus à s'éloigner d'une relation intime. Une personne touchée par les pénalités applicables aux conjoints ne peut échapper à leur application qu'en mettant fin à la relation. Ironiquement, alors que le gouvernement fédéral a étendu le traitement applicable aux conjoints à l'égard d'un plus grand nombre de personnes - les cohabitants hétérosexuels dans un premier temps et les couples homosexuels par la suite - il a également augmenté, sur le plan fiscal, les coûts associés à la reconnaissance de telles relations. De plus, au moment même où les valeurs d'autonomie et de responsabilité individuelle font partie intégrante des politiques fédérales et provinciales relatives à la famille, les pénalités applicables aux conjoints rendent très coûteuses les diverses relations dans lesquelles les conjoints (de façon volontaire ou involontaire) exhibent un comportement plus égalitaire que les couples mariés traditionnels.

En plus de posséder des effets anti-relations et anti-égalité, les pénalités applicables aux conjoints ont un effet régressif et elles accentuent la pauvreté et la stratification en matière d'emploi liées au sexe, à la qualité de femme mariée, à la monoparentalité, à l'orientation sexuelle, à la race et à l'incapacité. Par conséquent, elles exercent des pressions sur les femmes en général, obligeant ces dernières à passer d'un emploi rémunéré à un travail non rémunéré et, lorsque celles-ci travaillent à temps plein ou à temps partiel, à effectuer un double quart afin de compenser la perte du travail ménager non rémunéré à laquelle le ménage ne peut complètement remédier au moyen des profits après impôt et après dépenses. Par ailleurs, elles affectent de façon disproportionnée les couples à faible revenu où les deux conjoints travaillent, en les privant des avantages dont ils ont encore plus besoin en raison de leur orientation sexuelle, de leur incapacité ou de leur race.

I.      « L'impôt sur le mariage ou la cohabitation »

L' « impôt sur le mariage » ou l' « impôt sur la cohabitation » sont des types de pénalités applicables aux conjoints utilisées dans le but d'améliorer l' « efficience visée » des dispositions prévoyant des avantages pour les personnes à faible revenu. Les dispositions portant sur l' « impôt sur le mariage » réduisent les avantages dont bénéficient les couples par rapport aux personnes célibataires. Les pénalités applicables aux conjoints se fondent sur le motif selon lequel les couples profitent d' « économies d'échelle » ou d' « économies de consommation » qui existent parce que ces couples se trouvent dans une relation. L'exclusion des personnes célibataires ou des cohabitants ne se trouvant pas dans une situation assimilable à une union conjugale est fondée sur le motif selon lequel de telles personnes n'ont aucune obligation l'une envers l'autre et devraient être considérées comme des unités économiques indépendantes. Tant les programmes d'aide sociale que les dispositions relatives aux avantages fiscaux peuvent utiliser des clauses d' « impôt sur le mariage » . (Certains programmes prévoyant des avantages combinent l' « impôt sur le mariage » et les SFR afin de restreindre tant l'admissibilité aux avantages publics que leur montant. Les SFR sont examinés ci-dessous.)

L' « impôt sur le mariage » et l' « impôt sur la cohabitation » ont un effet sur l'admissibilité à deux avantages fiscaux importants - l'équivalent du montant pour conjoint destiné aux chefs de famille monoparentale, qui vaut environ 1 500 $ par année (montants fédéral et provincial combinés), et le supplément de TPS pour célibataire, dont le montant varie selon le nombre d'enfants. Bien que le crédit pour TPS soit aussi assujetti à un seuil de faible revenu et à une formule de réduction des avantages (examinée ci-dessous), l'effet de l' « impôt sur le mariage ou la cohabitation » ne dépend aucunement des niveaux de revenu, tandis que l'admissibilité aux avantages se fonde sur la cohabitation ou sur le mariage. Ce type de pénalité conjointe se distingue par son effet « tout ou rien » et l'admissibilité dépend entièrement des relations entre adultes.

Lorsque la TPS a été adoptée par le gouvernement fédéral, le crédit de taxe sur les ventes a été remplacé par le crédit pour TPS à la lumière des effets anticipés de cette taxe[163]. Les deux crédits avaient pour but d'améliorer l'effet certes régressif des taxes de consommation forfaitaires telles que la taxe sur les ventes ou la TPS. Le crédit pour TPS avait été offert à taux réduit aux contribuables qui étaient traités comme s'ils faisaient partie d'un couple. Bien que le crédit pour TPS constitue une mesure destinée aux personnes à faible revenu, on assiste à             une


réduction du montant de l'avantage fondée sur l'hypothèse selon laquelle deux personnes à faible revenu se trouvant dans une situation assimilable à une union conjugale peuvent vivre d'une manière plus économique qu'une personne seule en raison des « économies de consommation » [164].

Tableau 5-1 : Effet de la composition de la famille sur le crédit pour TPS, en 1999

Table 5-1

Source : Loi de l'impôt sur le revenu, art. 122.5, rajusté pour l'année d'imposition 1999.

La plupart des formules liées aux « économies de consommation » réduisent généralement les avantages de sorte qu'ils ne représentent plus que 70 p. 100 de deux avantages individuels donnés. La TPS fait encore plus mal, en réduisant le montant individuel de chaque membre du couple de sorte qu'il ne représente plus que 65 p. 100 du crédit individuel pour TPS. En 1999, le crédit pour TPS maximal accordé à un adulte était de 198 $. Les adultes célibataires recevaient un montant supplémentaire sous forme un supplément pour célibataire de 105 $. Un chef de famille monoparentale pouvait réclamer, en plus de son propre crédit de 198 $ et du supplément de 105 $, le crédit de 198 $ accordé à un adulte à l'égard d'un enfant à charge et un supplément de 105 $ pour chaque enfant supplémentaire. Par contre, les couples pouvaient réclamer 198 $ par adulte et 396 $ par couple, mais ne recevaient ni le supplément pour célibataire de 105 $ ni le crédit de 198 $ accordé à un adulte pour tout enfant à charge. Comme le démontre le tableau 5-1, le montant de l' « impôt sur le mariage ou la cohabitation » dépend de la composition de la famille. Lorsque deux adultes ont la qualité de « conjoint » présumé aux fins du crédit pour TPS, ils perdent ensemble 210 $ à chaque année. Lorsqu'ils ont un enfant, le montant de la perte est de 303 $ par année; s'il y a deux enfants, la famille perd un total de 396 $ par année. (La perte des crédits fédéraux est également accentuée par l'imposition provinciale, laquelle peut représenter jusqu'à 58 p. 100 du crédit fédéral.)

Dans leur ensemble, de telles politiques ont tendance à promouvoir la dépendance économique des femmes envers les hommes, puisque les femmes sont davantage vulnérables à cet égard. Des stimulants fiscaux qui encouragent la dépendance économique incitent les femmes à passer d'un emploi rémunéré à un travail non rémunéré. L' « impôt sur le mariage ou la cohabitation » impose une pénalité fiscale directe en fonction du type de relation et cette pénalité devient l'un des premiers coûts après impôt liés à la participation sur le marché du travail à être inclus dans le « calcul fiscal » lorsque les femmes évaluent le bien-fondé de leur participation sur le marché du travail. Cela transforme l' « impôt sur les relations » en un coût associé à la formation de relations entre adultes; ce dernier a également comme effet d'accroître la dépendance économique, laquelle constitue un facteur important pour les femmes en tant que groupe. Puisque les lois fédérales, au cours de la dernière décennie, ont très rapidement élargi le traitement applicable aux conjoints à l'égard des personnes engagées dans certains types de relations, un nombre sans cesse croissant de femmes et de types de relations autres que le mariage traditionnel ont été touchés par une telle disposition.

Un autre effet de l' « impôt sur les relations » sera ressenti par les femmes qui se différencient par la race, l'incapacité ou l'orientation sexuelle. Les femmes qui appartiennent à de tels groupes ne disposent pas des mêmes options que les femmes hétérosexuelles non « racialisées » pour contrer les incidences économiques de l' « impôt sur les relations » . Les choix offerts par les pénalités applicables aux conjoints sont encore moins attrayants : les femmes peuvent soit mettre fin à la relation, ce qui risque d'être extrêmement difficile au niveau affectif et social même si elles réussissent à fonctionner plus ou moins de la même façon sur le plan économique, soit travailler davantage afin de compenser la perte d'avantages fiscaux parce qu'elles ne peuvent obtenir de soutien compensatoire d'un conjoint qui est également défavorisé quant au revenu en raison d'un préjugé quelconque. Pour les lesbiennes, l' « impôt sur les relations » devient un autre facteur qui les oblige à garder le secret et peut-être même à nier leur identité lesbienne afin de survivre. Pour les femmes qui se différencient par la race ou par une incapacité, la perte de précieux crédits d'impôt peut être le facteur qui les oblige, soit à sauvegarder une relation importante, soit à vivre comme chef de famille monoparentale et adulte complètement isolé. Des microsimulations impliquant des couples potentiels de même sexe ainsi qu'une plus grande catégorie de cohabitants se trouvant dans une relation non assimilable à une union conjugale indiquent qu'en l'an 2000, la perte totale de crédits pour TPS pourrait se chiffrer entre 37,3 et 42,7 millions de dollars. Si tous les autres couples se trouvant dans une relation non assimilable à une union conjugale étaient aussi touchés par la pénalité applicable aux conjoints, la perte d'avantages serait évidemment plus lourde[165].

II.     Formules relatives aux seuils de faible revenu

Plusieurs dispositions fiscales et en matière de dépenses qui prévoient l'octroi d'avantages fiscaux à des parents ou à des couples sont liées aux ressources de diverses manières. Plusieurs dispositions contiennent des clauses relatives au seuil de faible revenu (SFR). De telles dispositions sont conçues afin de réserver l'admissibilité à certaines prestations de conjoint aux personnes qui en ont le plus besoin et ce, en se fondant sur les niveaux de revenu des contribuables qui réclament ces prestations. Les SFR sont prévus dans la législation en matière d'aide sociale directe et sont utilisés pour évaluer l'admissibilité aux prestations d'assurance-vieillesse destinées au conjoint, aux prestations pour enfants, à l'équivalent du montant pour conjoint, au crédit de personne mariée, à certains crédits d'impôt transférables, au crédit pour TPS, aux déductions pour frais de garde d'enfants, à l'assurance-emploi, aux indemnités d'accident du travail et aux dispositions en matière d'assurance-maladie.

Les SFR démontrent que tous les avantages fiscaux et directs susmentionnés constituent en fait des formes d'aide sociale. Tout comme l'aide sociale, les SFR ne devraient être disponibles que pour les personnes à faible revenu. Les SFR se rapportent à l'imposition des relations entre adultes lorsque les revenus d'un couple donné sont totalisés dans le but de savoir si un contribuable se trouve en dessous du SFR ou si le revenu total du couple le rend non admissible à un avantage donné.

Les SFR se rapportant aux bénéficiaires individuels d'avantages publics ne soulèvent pas particulièrement la controverse. Cependant, lorsque les SFR sont calculés et gérés non seulement en fonction du revenu du demandeur individuel mais également en fonction du revenu des autres membres de la famille par l'entremise de la notion de « revenu familial » , plusieurs personnes qui seraient admissibles à des avantages en tant qu'individus n'y ont plus droit lorsque le revenu de leur conjoint ou de leur concubin est suffisamment élevé pour que le revenu familial dépasse le SFR se rapportant au groupe. Les dispositions qui prévoient un « impôt sur le mariage » ont le même effet.

Du point de vue des politiques, le recours à la notion de « revenu de couple » lors de l'application des SFR et l'emploi des dispositions prévoyant un « impôt sur le mariage » visant à réduire les avantages que peuvent réclamer les personnes engagées dans des relations entre adultes constituent des formes de taxation commune. Un nombre sans cesse croissant de dispositions qui ont recours à la notion de couple pour évaluer l'admissibilité aux avantages fiscaux ont été adoptées dans la législation en matière d'impôt; elles ont fait pencher le régime fiscal encore davantage vers un régime de taxation commune partielle en imposant des obligations fiscales aux couples adultes de façon conjointe plutôt qu'en fonction des revenus individuels.

Une telle forme de taxation commune au Canada remonte à l'introduction de restrictions relatives au revenu associées au premier crédit d'impôt pour enfants ayant remplacé l'allocation familiale universelle. L'allocation familiale avait été versée à toutes les mères sur une base individuelle et calculée selon une norme d'admissibilité uniforme ainsi que d'après le nombre d'enfants, sans égard au revenu du conjoint. Le gouvernement fédéral mentionne la totalisation des revenus et le crédit d'impôt pour enfants lié aux ressources lorsqu'il introduit d'autres pénalités applicables aux conjoints[166].

Les SFR fonctionnent de plusieurs manières. Certaines formules relatives au SFR se fondent simplement sur le revenu total du couple, de sorte qu'une personne bénéficiera de l'aide sociale si son propre revenu se situe en dessous du niveau applicable mais n'y aura pas droit si l'on considère que le revenu de son conjoint ou de son concubin vient compenser ce faible revenu personnel. Il s'agit là de l'approche du « conjoint dans la maison » se rapportant à l'aide sociale et jugée inconstitutionnelle dans l'affaire Falkiner.

Les SFR à incidence fiscale peuvent fonctionner de la même manière : par exemple, si une personne avait affiché un revenu de 25 921 $ ou moins en 1993, elle aurait alors reçu le plein montant du crédit d'impôt fédéral pour enfants de 1 020 $[167]. Mais si une telle personne avait été le conjoint présumé d'une autre personne dont le revenu, ajouté au sien, lui aurait fait dépasser le seuil de revenu susmentionné, elle n'aurait pas été admissible au crédit, peu importe son propre revenu personnel. Dans le même ordre d'idées, le crédit pour TPS est réduit d'un montant qui représente 5 p. 100 de l'excédent du revenu familial sur le SFR applicable. Lorsque les revenus du ménage ou du couple sont totalisés, ils peuvent entraîner une réduction du crédit pour TPS déjà réduit plus rapidement pour les couples que pour les particuliers, puisque les couples ont déjà perdu le supplément pour célibataire. Le taux de réduction du crédit qui subsiste dépend évidemment des niveaux de revenu.

L'objectif des SFR fondés sur la famille ou sur le couple est le même que celui de l' « impôt sur le mariage ou la cohabitation » : la notion de revenu familial oblige tout d'abord les membres de la famille à s'entraider sur le plan économique et à ne se tourner vers l'État que si la famille ne peut leur procurer une aide qui réponde à certains besoins essentiels[168]. Le droit de la famille ainsi que le droit criminel s'attendent à ce que les membres de la famille s'entraident sur le plan économique[169]. Du point de vue des femmes et des membres de groupes défavorisés, la qualité de conjoint présumé attribuée aux cohabitants qui choisissent de ne pas se marier ou qui ne peuvent se marier selon la loi exerce sur ces derniers des pressions qui entraînent la dépendance économique là où cette dépendance économique n'existe pas, ne serait pas souhaitable, ou ne pourrait pas devenir obligatoire en droit sans que l'on s'écarte considérablement du texte de la loi. Une telle situation est illustrée dans l'affaire Poulter, dans laquelle une mère seule a perdu, lorsqu'elle est devenue conjointe présumée en 1993, le crédit d'impôt pour enfants qu'elle avait reçu au cours des années précédentes. Lorsque le revenu de son concubin a été ajouté au sien, le revenu combiné du couple a alors dépassé le SFR associé à la prestation fiscale pour enfants[170]. La contribuable s'est alors opposée à la nouvelle cotisation au motif que son amant n'était ni son conjoint ni son conjoint présumé, qu'il n'entretenait « aucun lien avec la fille sur le plan affectif, moral, financier ou autre » et qu'elle demeurait entièrement responsable de sa fille à tous les niveaux. Sa contestation a échoué en raison de l'interprétation littérale des nouvelles règles relatives au conjoint et parce que le tribunal a conclu que ni les couples mariés ni les cohabitants de sexe opposé ne faisaient partie de groupes défavorisés[171].

Tout comme les pénalités applicables aux conjoints qui existent sous forme d' « impôt sur les relations » , les SFR fondés sur le revenu du couple obligent les femmes à perdre malgré elles leur autonomie sur le plan économique. Une fois la dépendance économique établie par l'élimination d'avantages financiers destinés aux femmes, celles-ci sont plus vulnérables face à l'effet de substitution qui entraîne généralement l'affectation des femmes en situation de dépendance économique au travail ménager non rémunéré. Les pénalités applicables aux conjoints ne touchent pas toutes les femmes de façon uniforme. Les femmes                                      hétérosexuelles


non « racialisées » disposent d'un plus grand nombre d'options lorsqu'elles perdent des avantages sociaux. Encore moins nombreuses sont les options qui s'offrent aux femmes dont les conjoints affichent eux-mêmes des revenus inférieurs en raison de leur race, de leur lesbianisme, ou de leur incapacité : elles peuvent soit mettre fin à la relation soit travailler davantage et ce, même si elles peuvent assumer de lourdes tâches reliées à la garde d'enfants ou aux services aux aînés. Des microsimulations portant sur l'effet de la reconnaissance des relations et impliquant des couples potentiels de même sexe ainsi qu'une plus grande catégorie de cohabitants se trouvant dans une relation non assimilable à une union conjugale indiquent qu'en l'an 2000, ces derniers perdront au moins 12,1 millions de dollars en prestations fiscales pour enfants[172].

III.    Pénalités relatives aux dépenses liées au travail

Du point de vue de l'élimination de l'effet régressif de l'imposition et de la structure des prestations sur les femmes en tant que groupe, plusieurs effets associés aux pénalités applicables aux conjoints peuvent être atténués par l'octroi d'importants crédits d'impôt aux travailleurs à faible revenu - même des crédits remboursables - pour les dépenses essentielles liées au travail. De telles dépenses comprennent tout au moins les frais de garde d'enfants et les dépenses liées aux services aux aînés, mais d'un point de vue réaliste, elles comprennent également les dépenses liées aux soins personnels, le coût des vêtements plus habillés pour le travail, les coûts de transport essentiels et la perte d'avantages communs.

Non seulement le gouvernement fédéral canadien a-t-il abrogé la déduction générale qui était disponible pour tous les contribuables gagnant un revenu d'emploi[173] et qui remédiait partiellement à la régressivité de l'impôt sur le revenu, mais la seule déduction liée au travail qui soit à la disposition des femmes est elle-même assujettie à un « impôt sur le mariage ou la cohabitation » et à un SFR. Grâce à ces deux mesures applicables aux conjoints, on s'assure que seules quelques-unes des dépenses les plus essentielles soient déductibles. Toutefois, la déduction est conçue de manière à réduire l'avantage fiscal autant que possible et elle est également fondée sur l'hypothèse selon laquelle seules les femmes à faible revenu et à revenu faible-moyen ont « réellement » besoin de la déduction pour frais de garde d'enfants - d'autres femmes peuvent en fait « choisir » de rester à la maison et de prendre soin de leurs enfants.

Il s'agit là d'un choix que plusieurs femmes ne peuvent se permettre de faire, surtout celles dont les conjoints appartiennent à des groupes défavorisés. Bien au contraire, la politique décrite ci-haut est conçue dans le but de faire entrave à la participation à long terme des femmes sur le marché du travail et nuit par le fait même à la création de leur « capital humain » , celui-ci se manifestant sous forme d'employabilité, de possibilités de travail à temps plein et d'admissibilité à de précieux ensembles d'avantages sociaux, aux fonds de retraite et aux augmentations salariales.

La déduction pour frais de garde d'enfants produit les mêmes effets en déplaçant la déduction d'un conjoint à l'autre selon les niveaux de revenu respectifs. Une personne célibataire peut déduire le plein montant de ses frais de garde. Cependant, un contribuable marié ou qui fait vie commune ne peut déduire le plein montant que s'il satisfait à deux conditions : le revenu combiné du couple doit demeurer en dessous du SFR qui s'applique à la déduction et le revenu individuel du contribuable doit être inférieur au revenu de son conjoint. Si le revenu du conjoint est le moins élevé des deux, c'est alors le conjoint qui doit réclamer la déduction. Cela réduit à son tour le montant de l'avantage fiscal attribuable à la déduction[174].

Le type de SFR susmentionné est conçu pour calculer les avantages en se fondant sur les « besoins » d'un contribuable vivant au sein d'un couple. Il semble être affecté à un membre « individuel » d'un couple donné, mais en obligeant le conjoint à revenu inférieur à le réclamer, il ne constitue plus un avantage individuel. Ce mécanisme particulier signifie également que l'on s'attend à ce qu'un des conjoints soit le deuxième soutien économique et que sa décision de se joindre au marché du travail dépende des coûts après impôt associés à la garde d'enfants. À la limite, la structure fiscale de la déduction pour frais de garde d'enfants accroît les avantages fiscaux généraux associés au passage d'un emploi rémunéré à un travail ménager non rémunéré, alors qu'au même moment, elle octroie des avantages fiscaux limités aux travailleurs à revenu inférieur dont les conjoints ne peuvent se permettre de subvenir à leurs besoins. Un tel effet, lorsqu'on l'ajoute à l'effet « inversé » de la déduction pour frais de garde d'enfants, agit de manière à ce que l'avantage fiscal enfreigne nettement le principe de l'équité verticale[175].

Politiques de rechange :les politiques de rechange qui pourraient remédier à l'effet régressif de l'ensemble des pénalités applicables aux conjoints sont les mêmes : utiliser une unité d'imposition fondée sur le particulier afin d'évaluer l'admissibilité aux programmes d'avantages fiscaux; augmenter les SFR pour qu'ils représentent le véritable coût de la vie; introduire des critères de dépendance économique réelle plutôt que présumée; fournir des suppléments au revenu gagné pour compenser les effets des deuxièmes revenus peu élevés.

Recommandation 10 : abroger les critères d'admission aux avantages fiscaux fondés sur le revenu du couple : des éléments de taxation commune tels que le SFR applicable à la prestation pour enfants et fondé sur le couple ou l' « impôt sur le mariage » associé au crédit pour TPS imposent des pénalités directes aux contribuables à faible revenu qui sont mariés ou présumés comme tels. De généreux suppléments au revenu gagné neutraliseraient davantage la régressivité du régime fiscal et de transfert sociaux à cet égard.

IV.    Dispositions anti-évitement

Chaque loi fiscale possède des dispositions relatives aux conflits d'intérêts ainsi que des dispositions anti-évitement. Bien qu'il ne soit pas nécessaire de formuler de façon aussi libérale les dispositions relatives aux opérations avec lien de dépendance, telles que celles prévues dans la Loi de l'impôt sur le revenu, les dispositions générales anti-évitement et portant sur les conflits d'intérêts sont essentielles au fonctionnement efficace du processus de perception des recettes[176]. De plus, lorsque le particulier constitue l'unité formelle aux fins de l'impôt, comme au Canada, il est important de conserver certaines restrictions relativement au particulier qui empêchent la planification fiscale collusoire et les stratagèmes d'évitement fiscal. Toutefois, la législation fédérale va toujours beaucoup plus loin que ce qui est réellement nécessaire pour contrer l'évasion ou l'évitement fiscal. Des règles d'attribution empêchent la propriété in equity de régir l'affectation des revenus entre les membres d'un couple marié ou entre cohabitants[177]. Il s'ensuit que de telles mesures font obstacle à l'admissibilité à un ensemble de prestations sociales, y compris les crédits aux termes du Régime de pensions du Canada et les prestations d'assurance-chômage.

Comme nous l'avons vu au chapitre quatre, quelques-unes des pires règles d'attribution touchant les femmes ont été abrogées (les règles relatives au salaire du conjoint et aux sociétés de personnes). Cependant, l'effet à long terme de ces règles d'attribution est encore ressenti par les femmes qui n'avaient pas le droit d'accumuler leurs propres crédits aux termes du RPC, d'un REER ou d'un RPA alors qu'elles travaillaient au sein d'une entreprise familiale. Bien que l'on ait donné aux femmes mariées le droit d'obtenir une part des droits à pension de leur mari en vertu du RPC, les prestations partagées sont beaucoup plus minces que les prestations octroyées sur une base autonome. De plus, les femmes qui ne peuvent obtenir une part des crédits de leur mari avant son décès ou avant le divorce se heurtent à la division des crédits du RPC lorsqu'elles atteignent elles-mêmes l'âge de la retraite. Les femmes qui se trouvent dans de telles situations n'ont donc aucun recours si elles se voient refuser des crédits du RPC ou d'autres droits à pension.

Dans d'autres contextes apparentés, le même problème guette les femmes qui travaillent. Plusieurs autres dispositions anti-évitement empêchent encore les couples de transférer des biens entre les membres du couple aux fins du fractionnement du revenu[178]. De plus, l'imposition d'office de l'apport des femmes aux sociétés de personnes, entreprises et sociétés par actions familiales[179] continue à nuire à l'établissement de leurs propres droits en matière de pension de retraite et d'assurance-emploi[180].

Politiques de rechange : les pénalités applicables aux conjoints devraient être remplacées par des critères conçus pour identifier l'autonomie économique réelle et devraient permettre aux contribuables à faible revenu ayant été privés d'avantages plus tôt dans leur vie de démontrer qu'ils ont contribué de façon égale, surtout à l'égard des cotisations aux termes du RPC.

Recommandation 11 : faire concorder les présomptions légales applicables aux opérations entre membres d'un couple avec la doctrine des biens familiaux in equity : les avantages de l'imposition fondée sur le particulier qui s'offrent aux contribuables à faible revenu sont tellement supérieurs à ceux de la taxation commune que ce serait une grave erreur que de remplacer l'imposition fondée sur le particulier par la taxation commune par souci d'empêcher l'impact des transactions visant à se soustraire à l'impôt. Le régime actuel des règles d'attribution s'harmonise avec la notion du particulier comme unité d'imposition, mais la tendance qui consiste à traiter les femmes comme de simples marionnettes lors de telles transactions devrait être remplacée par des principes d'équité se rapportant aux biens familiaux.

Recommandation 12 : le gouvernement fédéral devrait restituer aux femmes affectées par les règles d'attribution désormais abrogées qui étaient applicables à l'entreprise familiale les sommes qu'elles auraient reçues : plusieurs femmes âgées au Canada ne reçoivent aucune prestation aux termes du RPC/RRQ parce qu'elles n'avaient pas le droit de traiter leur revenu provenant de l'entreprise familiale comme le leur ou parce que leur conjoint refusait de leur verser un salaire non déductible. De telles règles prévues par la loi ont permis l'enrichissement sans cause de leur conjoint et du gouvernement fédéral, de sorte qu'une restitution s'impose.


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ANNEXE A TERMES SE RAPPORTANT À LA FAMILLE DANS LA LOI DE L'IMPÔT SUR LE REVENU

Les dispositions qui traitent uniquement de sociétés « liées » ou de sociétés « mères » ne sont pas énumérées.*

Appendix A Appendix A Appendix A

ANNEXE B Appendix B Appendix B Appendix B

Nombre de personnes selon le sexe et le revenu - Canada 2000

                        Sélection rigoureuse :

Appendix B

Sélection non rigoureuse :

Appendix B

ANNEXE C Modèles d'unités d'imposition communes et individuelles en 1996 Appendix C

Sources : Organisation de coopération et de développement économiques, La fiscalité dans les pays de l'OCDE, Paris, OCDE, 1993; Naomi Neft et Ann D. Levine, Where Women Stand: An International Report on the Status of Women in 140 Countries, 1997-1998, N.Y., Random House, 1997, aux p. 492-94.


ANNEXE D Revenus moyens selon la race et le sexe en 1996 Appendix D

Source : Statistique Canada, Dimensions, Ottawa, Statistique Canada, 1996; Statistique Canada, Le Quotidien, Ottawa, Statistique Canada, 1998.


ANNEXE E Écarts de revenu prévus selon le type de couple aux É.-U. en 1990 Appendix E

Source : Klawitter et Flatt, Earnings, tableaux 2 et 4; données du « secteur privé » .


ANNEXE F Subventions fiscales destinées à l'entretien d'un conjoint en situation de dépendance économique en 1999

-------------------------------------------------------------

Disposition                                         Description

-------------------------------------------------------------

Dispositions dont l'application dépend expressément des niveaux de revenu :

118(1)a)                     Crédit accordé pour l'entretien d'un conjoint

Dispositions pouvant être utilisées par le conjoint assumant les frais d'entretien si le conjoint à revenu inférieur ne peut les utiliser :

118.8                                                   Transfert des crédits d'impôt non utilisés au conjoint; ceux-ci

                                  comprennent notamment les crédits suivants :

118.5                                      Crédit pour frais de scolarité

118.6                                      Crédit pour études

118(2)                                     Crédit en raison de l'âge

118(3)                                     Crédit pour revenu de pension

118.3(1)                                  Crédit pour déficience mentale ou physique

Dispositions qui s'appliqueront lorsque la différence de revenu entre les conjoints donnera lieu à une entente ou à une ordonnance du tribunal visant le paiement d'une pension alimentaire :

   56, 60                        Déplacement de l'obligation fiscale découlant des versements de

                                    pension alimentaire chez le bénéficiaire

-------------------------------------------------------------

Source : Loi de l'impôt sur le revenu, L.R.C.1985, ch. 1 (5e suppl.), telle que modifiée pour l'année d'imposition 1999.


ANNEXE G Dispositions fiscales prévoyant à l'égard des couples, l'octroi ou l'enrichissement des « revenus familiaux » en 1999

-------------------------------------------------------------

Disposition                                        Description

-------------------------------------------------------------

Dispositions permettant le fractionnement du revenu ou l'échange de déductions entre conjoints :

8                                                                     Déduction accordée pour les coûts d'entretien

                                    d'un logement pour le conjoint (employés de

                                    chemin de fer)

            62, 64                           Possibilité d'obtenir une déduction à titre de

                                                frais de déménagement « du ménage » pour

                                                les frais de déménagement des biens

                                                personnels du conjoint

            104, 108                       Fractionnement du revenu par le biais d'une fiducie

118.2                                                       Crédits accordés pour le paiement des frais

                                    médicaux du conjoint

            118.2(2)(q)                   Crédits accordés pour le paiement des

                                                primes d'assurance-maladie applicables

                                                au conjoint

146                                                             Déductions fiscales possibles accordées au

                                    contribuable pour cotisations au REER du

                                    conjoint

146                                                             Possibilité de verser les prestations de

                                    conjoint et de survivant à partir du REER

            Règ. 8501                    Réacheminement permis des prestations du

                                                RPA au conjoint séparé ou divorcé


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Disposition                                        Description

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Dispositions accordant un abri fiscal aux prestations de conjoint :

6                                                                   Exonération fiscale des avantages indirects

                                   applicables au conjoint (soins dentaires,

                                   assurance-maladie, services d'orientation)

15                                                                 Exonération fiscale d'un prêt à un employé

actionnaire contracté pour fournir un logement

au conjoint

            248(1)                           Exonération fiscale, jusqu'à concurrence de

                                                10 000 $, de la prestation de décès accordée

                                                au conjoint

Dispositions prévoyant la mise en oeuvre des rentes de survivant et leur subventionnement :

            60(j.2)                           Roulement possible du RPA ou du RPDB

                                                du conjoint décédé dans le REER du

                                                conjoint survivant

            146.3                            Possibilité de verser les prestations de

                                                conjoint survivant à partir des fonds de

                                                revenu de retraite (FRR)

            Règ. 8503,                   Possibilité de verser les prestations de

            8506                             conjoint survivant à partir des RPA

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Source : Loi de l'impôt sur le revenu, L.R.C.1985, ch. 1 (5e suppl.).


ANNEXE H Dispositions fiscales relatives au partage de revenus ou de biens avec un conjoint en 1999

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Disposition                                         Description

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Dispositions permettant de transférer des biens entre conjoints sans être assujetti à l'impôt :

            24                                 Transfert à imposition différée à l'égard du transfert

                                                d'immobilisations admissibles au conjoint

            40                                 Transfert à imposition différée à l'égard du transfert

                                                de biens agricoles au conjoint

40                                                                 Possibilité d'exonération fiscale du gain en capital

réalisé sur la maison détenue en fiducie pour un

conjoint en vertu de l'exemption relative à la

                                                résidence principale

54                                                                 Exonération fiscale du gain en capital réalisé sur la

                                    maison détenue par l'un des conjoints aux fins

                                    de l'utilisation et de l'occupation par l'autre conjoint

                                                lorsqu'il s'agit d'une résidence principale

            60(j.2)                           Transfert à imposition différée à l'égard du transfert

                                                de fonds d'un régime de pension agréé ou d'un

                                    régime de participation différée aux bénéfices

                                    à un REER de conjoint

            70                                 Transfert à imposition différée à l'égard du transfert

                                                des biens au conjoint survivant ou à une

                                                fiducie de conjoint

            70, 73                           Transfert à imposition différée à l'égard du transfert

                                                des biens agricoles utilisés par le conjoint

            73                                 Transfert à imposition différée à l'égard du transfert

                                                entre vifs des immobilisations au conjoint ou à

                                                une fiducie de conjoint

            74.5                              Transfert à imposition différée à l'égard du transfert

                                                des immobilisations au conjoint vivant séparé

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Disposition                                         Description

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96                                                                 Non-imposition du revenu et des profits

d'une société lorsque le conjoint prend à sa

charge la participation de l'autre conjoint dans

la société

146                                                             Transfert à imposition différée des actifs

d'un REER au REER du conjoint survivant

147                                                             Transfert à imposition différée du régime

                                    de participation différée aux bénéfices (RPDB)

                                    d'un conjoint aux régimes enregistrés de

                                    l'autre conjoint

47.3                                                           Transferts à imposition différée du régime

de pension agréé (RPA) du conjoint décédé

ou séparé au REER ou au RPDB de l'autre

                                                conjoint

148                                                             Transfert entre conjoints des polices d'assurance-vie qui est exonéré d'impôt

                                   

Dispositions permettant de transférer des avantages fiscaux d'un conjoint à l'autre :

            104                               Transfert des éléments d'avantages fiscaux lorsque

                                                les biens sont détenus en fiducie de conjoint mais

                                                qu'un revenu est versé personnellement au conjoint

110.6                                                       Transfert de l'exonération enrichie des

                                    gains en capital lors d'un transfert de biens

                                    au conjoint

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Source : Loi de l'impôt sur le revenu, L.R.C.1985, ch. 1 (5e suppl.).


ANNEXE I LA BASE DE DONNÉES ET LE MODÈLE DE SIMULATION DE POLITIQUE SOCIALE: (BD/MSPS)

Le BD/MSPS a été élaboré par Statistique Canada afin d'analyser l'interaction, sur le plan financier, entre les ordres de gouvernement et les particuliers au Canada. Il permet d'évaluer les conséquences financières ou les effets de redistribution du revenu engendrées par les modifications apportées au système d'imposition des particuliers et de transferts pécuniaires.

Cet instrument comprend une base de données regroupant des renseignements sur les impôts payés par les particuliers et sur les transferts pécuniaires du gouvernement, un modèle comptable statique qui traite de chaque personne en utilisant des algorithmes qui simulent des programmes légiférés ou proposés, des logiciels d'extraction et de transmission de données, ainsi que la documentation de l'utilisateur.

Toutes les hypothèses et les calculs sur lesquels sont fondés les résultats de la simulation mentionnée dans la présente étude ont été préparés par Jeff Silver, Andrew Mitchell, ou Brian Murphy; l'auteur assume l'entière responsabilité de l'utilisation et de l'interprétation des données.



[1]           Ce concept juridique fondamental est si profondément ancré dans l'imaginaire juridique que lorsque les tribunaux et les législatures ont conclu qu'il fallait reconnaître l'existence juridique des personnes morales, on a reconnu à ces dernières la pleine « personnalité juridique » aux termes d'une présomption selon laquelle elles avaient « tous les pouvoirs d'une personne physique » .

[2]           Initialement, le gouvernement avait décidé, au lieu d'essayer d'étalonner les exemptions d'après l'état matrimonial, la taille de la famille, ou le nombre et le type de personnes à charge, qu'il serait préférable d'offrir à tous les contribuables de généreuses exemptions individuelles, en partant du principe suivant lequel la plupart des adultes avaient des obligations de soutien quelconques. Voir Canada, Chambre des communes, Débats et travaux, 7e Sess., 12e Légis., IV: 4102, 4103 (3 août 1917), Thomas White. On a vigoureusement attaqué cette approche au motif qu'elle avantageait injustement les hommes célibataires, qui s'en tiraient « à trop bon compte » , puisqu'ils n'avaient vraisemblablement pas de personnes à leur charge, ainsi que les femmes mariées, qui étaient « libres » de choisir d'occuper un emploi rémunéré ou d' « éviter de nombreuses dépenses » en travaillant au foyer. Ibid., IV : 4103, M. Verville; 4105, M. Knowles. On constate l'existence d'une grande animosité à l'égard des hommes qui demeuraient célibataires même si cela « n'est pas de leur faute » . Ibid., IV : 4104, M. Graham.

[3]           Pour fins d'analyse, les dépenses directes de l'État et les avantages fiscaux sont en pratique équivalents. Pour une analyse sur les « dépenses fiscales » , voir Canada, ministère des Finances, Gouvernement du Canada, Dépenses fiscales, 1997 (Ottawa : Finances Canada, 1997).

[4]           La Loi sur les pensions, 9-10 George V, ch. 43, par. 33(3), accordait aux femmes sous le régime de la loi coutumière des droits sur la pension de leur mari.

[5]           En 1970, le Régime de pensions du Canada, la pension de la sécurité de la vieillesse et sept autres régimes de retraite fédéraux et régimes subventionnés par l'État et programmes pour anciens combatttants reconnaissaient les femmes suivant le droit coutumier. Voir Henri Major, Notes on Selected Federal Statutes Recognizing Common-Law Relationships (Ottawa : Conseil consultatif sur la situation de la femme, 1975) 1-2, annexe A. Ce nombre a augmenté au cours des années 1970 et 1980.

[6]           Loi de l'impôt sur le revenu, L.C. 1985 (5e suppl.), ch. 1, par. 252(4), ajouté par L.C. 1993, ch. 24, par. 140(3), applicable après 1992.

[7]           Voir Egan and Nesbit v. The Queen (1991), 87 D.L.R. (4th) 320, 30 A.C.W.S. (3d) 979 (C.F. 1re inst.), le juge Martin, conf. par (1993), 103 D.L.R. (4th) 336 (C.A.F.), les juges Mahoney et Robertson, le juge Linden, dissident, conf. par [1995] 2 R.C.S. 513 (C.S.C.) (noter cependant que la Cour a conclu que le gouvernement pouvait « légitimement » continuer à refuser aux cohabitants homosexuels le droit de toucher les prestations de retraite prévues par la Loi sur la sécurité de la vieillesse (Canada)). Dans une décision complémentaire, la Cour a ordonné le versement à des cohabitants hétérosexuels de la totalité des prestations prévues par la loi en matière d'assurance. Voir Miron c. Trudel, [1995] 2 R.C.S. 418.

[8]           Avant 1998, les couples homosexuels ont très rarement été reconnus dans les lois fédérales. Pourtant, dès 1989, un juge de la Section de première instance de la Cour fédérale avait appliqué le paragraphe 15(1) de la Charte pour permettre au partenaire intime d'un homosexuel de participer au programme de droits de visite des membres de la famille. La Cour d'appel a écarté le motif fondé sur la Charte et a simplement interprété la politique du service correctionnel « comme si » elle visait le partenaire homosexuel. Voir Veysey v. Correctional Service of Canada (1990), 109 N.R. 300 (C.A.F.), le juge en chef Iacobucci et les juges Urie et Decary, conf. pour d'autres motifs par (1989), 29 F.T.R. 74. Sauf la décision rendue dans l'arrêt Egan and Nesbit, la seule autre décision rendue par un tribunal à l'égard d'une loi fédérale est le jugement Rosenberg c. A.-G. Canada (1995), 25 O.R. (3d) 612 (C. de l'Ont., Div. gén.), le juge Charron, révisé par [1998] O.J. no 1627 (C.A.O.) (QL), les juges McKinley, Abella et Goudge (choix offerts au survivant aux termes du régime de pension des employés). La Cour suprême a toutefois statué sur une disposition législative presque identique dans l'arrêt M. c. H., [1999] 2 R.C.S. 3, soit une disposition provinciale touchant le droit de la famille. Les tribunaux fédéraux ont par ailleurs été saisis d'autres questions.

[9]           Loi visant à moderniser le régime d'avantages et d'obligations dans les lois du Canada, Canada, 36e Légis., 2e Sess., L.C. 2000, ch. 12 (projet de loi C-23) (sanctionnée le 29 juin 2000, entrée en vigueur assujettie à la proclamation). Trois provinces ont adopté des modifications parallèles. La Colombie-Britannique a, au milieu des années 1990, étendu l'application des dispositions visant les conjoints aux couples homosexuels. Le Québec a, en juin 1999, étendu le traitement applicable aux conjoints aux couples homosexuels ainsi qu'aux cohabitants hétérosexuels pour l'application du droit public (mais non pour l'application des dispositions du Code civil concernant les personnes mariées) dans le projet de loi 32. L'Ontario a édicté en 1999 la Loi M. c. H., qui prévoit l'extension du traitement applicable aux conjoints à une nouvelle catégorie, les « partenaires homosexuels » .

[10]          Il existe au moins une centaine de dispositions législatives fédérales en matière d'impôt sur le revenu qui tiennent compte non seulement de l'état matrimonial du contribuable, mais aussi des autres types de relations que celui-ci peut entretenir, y compris les relations « familiales » . Voir la liste des dispositions figurant à l'annexe A. Ces relations incluent le père et la mère, les enfants, les frères et soeurs, les grands-parents, les oncles et tantes, les neveux et nièces, les autres membres de la famille, ainsi que les « personnes liées » , soit une catégorie fourre-tout qui est fondée sur les faits et qui est également définie. Lorsque les contribuables sont des conjoints ou des partenaires vivant en union libre, les membres des deux familles sont considérés comme des membres de la famille, ou des frères ou soeurs, etc. de chaque conjoint ou partenaire.

[11]          C'est dans le jugement Andrews v. Ontario (Minister of Health) (1988), 64 O.R. (2d) 258 (H.C.), le juge McRae, que l'on trouvera l'une des premières discussions sur la question des droits et obligations se rattachant à des relations non conjugales. Le tribunal a retenu l'argument de la province selon lequel la non-admissiblité des couples de lesbiennes au bénéfice de prestations en matière de santé familiale n'établissait pas une discrimination, puisqu'on appliquait à ce type de relation [traduction] « le même traitement que celui qu'on appliquait à une multitude d'autres relations telles que les unités familiales formées par des frères et soeurs d'âge adulte, ainsi qu'à diverses combinaisons de relations entre des adultes hétérosexuels ou homosexuels non liés ayant ou non des enfants » . On invoque presque invariablement les droits et obligations des couples non conjugaux lorsque la reconnaissance des couples homosexuels est en jeu. Certaines féministes ont cependant condamné cette attitude en faisant valoir que l'obligation de soutien incombait souvent aux femmes, mais que l'État ne reconnaissait pas cet état de fait.

[12]          Entre 1967 et 1987, environ 15 nouveaux secteurs de dépenses prévus par la Loi de l'impôt sur le revenu seulement se rattachaient à l'état matrimonial. Jack R. London a mis les dispositions en question en tableaux dans « The Impact of Changing Perceptions of Social Equity on Tax Policy : The Marital Tax Unit » (1988) 26 Osgoode Hall L.J. 287 aux p. 298 à 301. Étant donné que la plupart des provinces ont incorporé par renvoi la Loi de l'impôt sur le revenu (Canada) dans leur législation aux termes d'un accord de perception fiscale, chaque extension du traitement applicable aux conjoints et chaque nouvelle disposition applicable aux conjoints se retrouvent également dans les lois de chacune des provinces participantes.

[13]          Richard J. Morrison et Jillian Oderkirk, « Married and Unmarried Couples : The Tax Que$tion » (1991) Canadian Social Trends aux p. 15 à 20. Cette microsimulation s'appliquait à l'année 1989.

[14]          Ces résultats figurent à l'annexe B.

[15]          De nombreux auteurs ont attiré l'attention sur la façon dont le traitement appliqué aux conjoints nuisait aux couples hétérosexuels et homosexuels à faible revenu qui désiraient participer à un régime d'assurance-maladie ou toucher des prestations d'assistance sociale ou d'autres prestations gouvernementales. Voir David Sherman, « Till Tax do us Part : The New Definition of « Spouse » » (1992) 20 Canadian Tax Foundation Conference Report 1; Patricia LeFebour, « Same Sex Spousal Recognition in Ontario : Declarations and Denial -- A Class Perspective » (1993) 9 Journal of Law and Social Policy 272; Shelley Gavigan, « Paradise Lost, Paradox Revisited : The Implications of Familial Ideology for Feminist, Lesbian and Gay Engagement to Law » (1993) 31 Osgoode Hall L.J. 589; Claire Young, « Taxing Times for Lesbians and Gay Men : Equality at What Cost? » (1994) 17 Dalhousie L.J. 534; Kathleen Lahey, « The Political Economies of « Sex » and Canadian Income Tax Policy » (Toronto : CBA(O), 1998); Kathleen Lahey, Are We « Persons » Yet? Law and Sexuality in Canada (Toronto : University of Toronto Press, 1999) chapitres 8 et 9.

[16]          Les rapports produits à la suite de l'examen du régime d'assistance sociale, qui a été effectué en Ontario à la fin des années 1980 et au début des années 1990, constituent l'une des rares exceptions. Trois documents concluaient que l'attribution automatique du statut de conjoint avait des conséquences négatives variées sur les femmes à faible revenu, et se débattaient avec diverses méthodes visant à atténuer ces conséquences. Voir Comité d'examen de l'aide sociale (CEAS), Report of the Social Assistance Review Committee -- Transitions (Toronto : Ministère des Services sociaux et communautaires de l'Ontario, 1988); CEAS, First Report of the Advisory Group on New Social Assistance Legislation (Toronto : Imprimeur de la Reine pour l'Ontario, 1991); CEAS, Time for Action : Towards a New Social Assistance System for Ontario (Toronto : Imprimeur de la Reine, 1992).

[17]          [1995] T.C.J. no 228 (C.C.I.), le juge Christie (en ligne : QL db TCJ).

[18]          De 1992 à 2000, les cohabitants hétérosexuels étaient réputés des conjoints pour l'application de la Loi de l'impôt sur le revenu dans le cas où ils étaient parents d'un enfant ou avaient cohabité pendant une période de douze mois. L'alinéa 252(4)a) a été abrogé par le projet de loi C-23 et remplacé par une disposition ayant pour effet de soustraire les cohabitants de sexe opposé de la définition de « conjoint » et de les mettre avec les couples d'homosexuels et de lesbiennes (soit les cohabitants « de même sexe » ) dans une nouvelle catégorie, celle des « conjoints de fait » . Le traitement visant les conjoints est alors appliqué aux cohabitants qui sont des « conjoints » (ce terme n'étant plus défini) et à ceux qui sont des « conjoints de fait » . Les règles d'admissibilité au crédit d'impôt pour enfants figuraient à l'article 122.6 de la LIR; en 1993, le seuil de faible revenu (SFR) était de 25 921 $.

[19]          [2000] O.J. no 2433 (C.S.J. Ont., C. div.), les juges Lane et Haley, le juge Belleghem, dissident (en ligne : QL db OJ).

[20]          [2000] O.J. no 2433 aux par. 108 et 109. Voir également R. v. Rehberg, [1994] N.S.J. no 35 (C.S.N.-É.) (en ligne : QL db NSJ), le juge Kelly. Le tribunal a sursis aux accusations portées contre une femme célibataire de 39 ans qui avait six enfants et qui avait frauduleusement touché des prestations d'assistance sociale après avoir omis de mentionner qu'elle cohabitait avec un homme. Le tribunal a conclu que la règle concernant la cohabitation violait le paragraphe 15(1) de la Charte, et peut-être aussi l'article 7, qui garantit le droit à la sécurité de la personne. Le tribunal a par la suite décidé que la décision Rehberg ne tranchait pas nécessairement la question de la constitutionnalité des dispositions présumant qu'une personne est un conjoint dans d'autres contextes juridiques, en grande partie en raison de l'impact incertain que pourraient avoir des décisions rendues subséquemment par la Cour suprême du Canada et en raison du fait qu'on n'avait produit dans l'affaire Rehberg aucune preuve relativement à l'article premier. La question reste donc à trancher en Nouvelle-Écosse. Voir Burroughsford v. Lynch, [1996] N.S.J. no 334 (C.S.N.-É.), le juge Goodfellow (en ligne : QL db NSJ).

[21]          Un taux d'imposition « marginal » est simplement le pourcentage d'impôt qui est prélevé sur la dernière tranche du revenu du contribuable. Cette dernière tranche renvoie au dernier dollar gagné. Le taux d'imposition marginal du contribuable dont le revenu s'élève à 10 000 $ sera de 17 p. 100, parce que le dernier dollar -- soit le dix-millième dollar -- entre dans la tranche d'imposition inférieure. Le taux d'imposition marginal du contribuable dont le revenu s'élève à 70 000 $ sera le taux maximal, soit 29 p. 100, parce que le dernier dollar gagné -- soit le soixante-dix-millième dollar -- entre dans la tranche d'imposition supérieure. Cependant, le contribuable à revenu supérieur ne paiera toujours que 17 p. 100 d'impôt sur la première tranche de son revenu.

[22]          Le montant de l'économie d'impôt est calculé en multipliant le taux d'imposition du contribuable par le montant de la déduction d'impôt : 3 000 $ multiplié par 17 p. 100 = 510 $.

[23]          3 000 $ multiplié par 26 p. 100 = 780 $.

[24]          3 000 $ multiplié par 29 p. 100 = 780 $. En réalité, chacun de ces chiffres serait nettement plus élevé, puisque l'impôt provincial sur le revenu correspond à un pourcentage de l'impôt fédéral payable par le contribuable. Si le taux d'imposition provincial était égal à 50 p. 100 de l'impôt fédéral, une économie d'impôt de 510 $ à l'échelon fédéral se traduirait par une économie additionnelle de 255 $ au provincial, pour un total de 765 $. Lorsque l'économie d'impôt est de 780 $ au fédéral, ce même total s'élève à 1 170 $; enfin, lorsqu'elle est de 870 $, le total s'élève à 1 305 $.

[25]          LIR, article 63.

[26]          Mary Ann Glendon, State, Law and Family : Family Law in Transition in the United States and Western Europe (Amsterdam : North-Holland Publ. Co., 1977) aux p. 126 et 127.

[27]          W. Friedmann, « A Comparative Analysis » , dans Matrimonial Property Law, W. Friedmann (éd.) (Toronto : Carswell, 1955) 433 aux p. 451 et 452, commentaires de l'auteur sur l'incorporation des principes de la communauté de biens dans les régimes matrimoniaux issus de la common law et sur la reconnaissance grandissante des intérêts individuels dans les régimes de communauté de biens.

[28]          Chacun de ces modèles a été adopté en groupe par divers pays. Par exemple, le Danemark et la Finlande utilisent également le modèle presque exclusivement individuel adopté par la Suède, tandis que le Luxembourg, le Portugal et la France exigent tous que les couples fassent conjointement état de leurs revenus.

[29]          Marriage Code of 1920, loi du 11 juin 1920, citée dans Åke Malmström, « Matrimonial Property Law in Sweden » , dans Matrimonial Property Law, W. Friedmann, éd. (Toronto : Carswell, 1955) 410 aux p. 411 et 412; Sprague Barner, World Tax Series : Taxation in Sweden (1959); Björne, « Sweden's Report on the Income, Fortune and Estate Tax Treatment of Household Units » (1972) 2 Cahier de droit fiscal international 275. Les intérêts de communauté des femmes vivant dans les zones rurales n'ont jamais dépassé un tiers, comparativement à une demie dans les zones urbaines et dans le reste de l'Europe.

[30]          Voir Sundberg, « Recent Changes in Swedish Family Law : Experiment Repeated » (1975) American Journal of Comparative Law 23 à la p. 39. La terminologie employée dans cette étude est définie dans le glossaire.

[31]          Blumberg, « Comparative Study » aux p. 85 à 88. En 1965, on permettait aux femmes de choisir de produire une déclaration individuelle; en 1971, la production de déclarations distinctes est devenue obligatoire. Les revenus de placements sont encore l'objet d'une imposition commune, à titre de mesure anti-évitement.

[32]          Organisation de développement économique, Taxation in OECD Countries (Paris : OCDE, 1993).

[33]          Le taux de participation des femmes à la vie active est de 80 p. 100; celui des hommes, de 89 p. 100. Il est également de 80 p. 100 en Chine, au Niger et au Rwanda. Naomi Neft et Ann D. Levine, Where Women Stand : An International Report on the Status of Women in 140 Countries, 1997-1998 (N.Y. : Random House, 1997) aux p. 492 à 494.

[34]          En 1987, la Suède a étendu certains des droits sur les biens familiaux dont jouissaient les couples mariés aux cohabitants aussi bien hétérosexuels qu'homosexuels. Cohabitees (Joint Homes) Act, SFS 1987: 237, modifiée par SFS 1987: 815, citée dans Deborah M. Henson, « A Comparative Analysis of Same-Sex Partnership Protections : Recommendations for American Reform » (1993) 7 International Journal of Law and the Family 282 aux p. 287, 307, note 26, 309, note 28.

[35]          Suivant la common law britannique, le revenu de l'épouse était, aux termes de la doctrine de la protection maritale, réputé le revenu du mari. Marshall et Walsh, « Marital Status and Variations in Income Tax Burdens » (1970) 4 British Tax Rev. 236.

[36]          Barr, « The Taxation of Married Women's Incomes -- Part II » (1980) 6 British Tax Rev. 478. Ce sont toutefois les maris qui bénéficiaient directement de cet avantage fiscal, et la loi ne les obligeait aucunement à partager cet avantage avec leur conjointe.

[37]          La Loi de l'impôt de guerre sur le revenu de 1917 accordait une exemption personnelle de 1 500 $ aux contribuables célibataires et une double exemption de 3 000 $ aux contribuables mariés. Loi de l'impôt de guerre sur le revenu, S.R.C. 1917, paragraphe 5(1).

[38]          Voir F. E. Baily, « Women Bring Too Much Sex into Business » The Chatelaine 3:1 (juillet 1930) 5, dans lequel l'auteur soutenait que [traduction] « Certaines filles qui sont dans les affaires considèrent qu'il est moins difficile d'apprendre à être charmante que d'acquérir des connaissances professionnelles approfondies et étendues. » En 1942, les hommes mariés perdaient l'exemption de personne mariée à l'égard de leur conjointe lorsque celle-ci gagnait plus de 600 $.

[39]          Ruth Pierson, « Women's Emancipation and the Recruitment of Women into the Labour Force in World War II » , dans The Neglected Majority, Susan Mann Trofimenkoff et Alison Prentice (éd.) (Toronto : McClelland and Stewart, 1979) aux p. 125 à 145, note 65, citant une circulaire administrative.

[40]          En 1999, le seuil de faible revenu n'était encore que de 572 $. Loi de l'impôt sur le revenu, L.R.C. 1985, ch. 1, al. 118(1)a).

[41]          LIR, art. 8 (le salaire versé par le mari qui est propriétaire unique est réputé le revenu du mari, et non celui de sa conjointe); par. 74(4) (le salaire versé par la société dont le mari est un associé est réputé le salaire du mari dans la mesure de l'intérêt de ce dernier dans la société) (ces deux dispositions ont été abrogées en 1980). Si une entreprise familiale était mise sur pied en tant que société de personnes, le ministre du Revenu national avait la faculté de présumer que la part des profits de l'épouse dans la société de personnes était le revenu du mari, sauf si l'on pouvait démontrer que l'épouse avait réellement effectué un apport en capital distinct ou offert des habiletés valables aux fins de l'exploitation de l'entreprise. LIR, par. 74(5) (abrogé en 1980). Les règles concernant la communauté de biens qui étaient applicables au Québec étaient écartées dans la mesure où tous les biens productifs étaient traités comme des biens appartenant au mari.

[42]          Ces dispositions font l'objet d'une discussion détaillée aux chapitres quatre et cinq.

[43]          Le code civil espagnol, Las Siete Partidas, provient de la codification du Code justinien romain et du droit coutumier germanique. Voir Fuero Juzgo, Livre 4, Titre 2, Loi 17; comparer avec Nueva Recopilación, Livre 5, Titre 1, Loi 4 (1567); Novi'sima Recopilación, Livre 10, Titre 3, Loi 4 (1805), cité dans William Q. De Funiak et Michael J. Vaughn, Principles of Community Property (Tucson, Ariz. : University of Arizona ress,1971, 2e éd.) à la p. 40.

[44]          On additionne également les revenus des enfants dans le système espagnol.

[45]          Les États qui ont en fait édicté des lois établissant un régime de communauté de biens étaient l'Oklahoma (1939), l'Oregon (1943), Hawaï (1945), le Michigan (1947), le Nebraska (1947), la Pennsylvanie (1948) et, à la fin des années 1940, on s'aiguillait vers l'adoption de ce type de régime dans les États du Massachusetts, de la Floride, de l'Arkansas, de l'Indiana, du Kentucky, de New York et du Dakota du Nord. Les projets de loi en cause ont été rejetés dans les États de l'Indiana, du Massachusetts, de l'Arkansas et de la Floride.

[46]          Ironiquement, le système de « déclaration commune » a été élaboré par Stanley S. Surrey alors qu'il était conseiller législatif en matière d'impôt au sein du Treasury Department. On se souviendra au Canada surtout de M. Surrey parce que c'était lui qui avait, au cours des années 1970, dénoncé le fait que le régime fiscal américain prévoyait un très grand nombre de « dépenses » et « avantages » fiscaux. Il est toutefois demeuré, jusqu'à la fin de sa carrière, un ardent défenseur du plus important avantage fiscal de tous, soit la déclaration commune.

[47]          On applique au premier enfant un coefficient de 0,5 plutôt que de un; une limite est par ailleurs applicable au montant d'impôt qui peut être abaissé grâce au quotient de l'enfant (au milieu des années 1990, cette limite était de 31 240 FF).

[48]          En 1932, le gouvernement français a envisagé d'adopter des dispositions législatives prévoyant la communauté de biens différée. En bout de ligne, il a uniquement adopté (en 1938) la partie de la proposition visant la capacité juridique, puis a adopté des dispositions complémentaires en 1952, mais il n'a jamais abandonné le régime intégral de communauté de biens en tant que régime facultatif applicable aux biens matrimoniaux. Voir Marc Ancel, « Matrimonial Property Law in France » , dans W. Friedmann, éd., Matrimonial Property Law (Toronto : Carswell, 1955) 3 aux p. 26 et 27.

[49]          Voir Ancel, « Matrimonial Property in France » , à la p. 7; Trotabas et Cotteret, Droit fiscal (1975) à la p. 187.

[50]          Code général des impôts, art. 193 à 197 (1959).

[51]          Voir Louise Dulude, « Taxation of Spouses : A Comparison of Canadian, American, British, French and Swedish Law » (1985) 23 Osgoode Hall L.J. aux p. 71 et 72.

[52]          Dans l'ensemble, le quotient familial crée une moins grande injustice à l'égard des Françaises en ce sens que même si ces dernières s'acquittent de la charge fiscale reliée à la communauté de biens, elles profitent par ailleurs des avantages qui y sont associés. Aux États-Unis, la charge des impôts reliés à la présumée communauté de biens incombe aux femmes, mais celles-ci ne retirent aucun avantage, puisqu'elles restent dans la plupart des États assujettis au modèle de common law de la propriété individuelle des biens, qui est axé sur les hommes.

[53]          Voir à l'annexe C le tableau résumant ces caractéristiques dans les six pays dont il est question dans la présente étude.

[54]          Voir l'annexe A, soit un tableau des dispositions, établi suivant les catégories de relations reconnues.

[55]          Cette position-principe a été adoptée en 1989, lorsque le Danemark a étendu le traitement applicable aux conjoints aux couples homosexuels. Voir Ingrid Lund-Andersen, « Moving Towards an Individual Principle in Danish Law » (1990) 4 International Journal of Law and the Family 328, à la p. 329. Voir également Linda Nielsen, « Denmark : The Family Principle and the Individual Principle » dans Andrew Bainham, éd., The International Survey of Family Law (The Hague, Neth. : Kluwer, 1997) 127.

[56]          En 1975, le président du comité d'examen de l'imposition en Australie a recommandé que la question du remplacement de l'unité d'imposition individuelle ne fasse plus partie du débat public parce que toute forme de totalisation était inéquitable et autrement inacceptable. Voir K. W. Asprey, « Personal Income Tax: The Taxpaying Unit » dans Taxation Review Committee, Full Report, Canberra, Australian Government Publ. Service, 1975 aux p. 140 et 141. En 1988, Jack London a déclaré : [TRADUCTION] « l'unité d'imposition conjugale [...] n'existe plus » . Jack R. London, « The Impact of Changing Perceptions of Social Equity on Tax Policy: The Marital Tax Unit » (1988) 26 Osgoode Hall L.J. 287 à la p. 302.

[57]          Canada, Chambre des communes, Débats (1er mars 1999), M. Preston Manning (Chef de l'opposition, Réforme).

[58]          Adam Smith, The Wealth of Nations, livre V, chapitre II, partie II.

[59]          Voir, par exemple, Canada, Rapport de la Commission royale d'enquête sur la fiscalité, Ottawa, Imprimeur de la Reine, 1966, vol. 2 aux p. 7 à 19 ( « Rapport de la Commission Carter » ); J. Sneed, « The Criteria of Federal Income Tax Policy » (1965) 17 Stanford Law Rev. 567. Ces critères sont si attrayants qu'ils font désormais partie du discours sur la Charte à la Cour suprême du Canada. Voir Edwards Books and Art Ltd. c. La Reine, [1986] 2 R.C.S. 713, à la p. 772, où la Cour déclare que la simplicité et la commodité administrative sont des préoccupations légitimes des rédacteurs de lois.

[60]          Lillian Knowles, Ph.D., « Reservation » dans Report of the Royal Commission on Taxation (London : Queen's Stationer, 1920) à la p. 151.

[61]          Commission Carter, Rapport, vol. 3.

[62]          Commission Carter, Rapport, vol. 3, par. 282.

[63]          Rapport, vol. 3, à la p. 123.

[64]          Commission Carter, Rapport, introduction.

[65]          Pat Armstrong et Hugh Armstrong, A Working Majority: What Women Have to Do For Pay (Ottawa, Conseil consultatif canadien sur la situation de la femme, 1983) tableau 1 (ce chiffre est maintenant de 58 p. 100).

[66]          Stanley S. Surrey, « Federal Taxation of the Family -- The Revenue Act of 1948 » (1948) 61 Harvard Law Rev. 1097; Oliver Oldman et Ralph Temple, « Comparative Analysis of the Taxation of Married Persons » (1960) 12 Stanford Law Rev. 585.

[67]          Voir, par ex., Boris I. Bittker, « Federal Income Tax and the Family » (1975) 27 Stanford Law Rev. 1309; Michael J. McIntyre et Oliver Oldman, « Taxation of the Family in a Comprehensive and Simplified Income Tax » (1977) 90 Harvard Law Rev. 1573.

[68]          Canada, Rapport de la Commission royale d'enquête sur la situation de la femme au Canada, (Ottawa, Imprimeur de la Reine, 1970) aux p. 303 et 304 ( « Situation de la femme, Rapport » ). La première étape de ce processus a été l'élimination de la déduction pour conjoint. La Commission a également pris en considération - et rejeté - la recommandation selon laquelle le travail non rémunéré des femmes devrait être traité comme leurs revenus fictifs afin de contrer la partialité existant en faveur des couples à un seul revenu. Voir Douglas Hartle, « Taxation of the Incomes of Married Women » dans Studies of the Royal Commission on the Status of Women in Canada (Ottawa, no 5, 1971); Situation de la femme, Rapport aux p. 295, 296 et 298.

[69]          Jack London, Tax and the Family (Ottawa, Commission de réforme du droit du Canada, 1975). M. London, qui s'inquiétait également de l'exonération fiscale du travail non rémunéré des femmes au foyer, a recommandé cependant que les femmes reçoivent, pour un tel travail, une rémunération en espèces qui ferait ensuite partie de l'assiette fiscale de l'unité familiale. Il est intéressant de constater que M. London s'est ensuite rétracté pour donner son appui à la taxation individuelle des femmes mariées, au motif que la majorité des femmes s'étaient jointes au marché du travail. Voir ses commentaires dans Louise Dulude et al., « Taxation of the Family: A Panel Discussion » (1979) Canadian Taxation 16, et dans London, « Changing Perceptions » .

[70]          E. J. Benson, ministre des Finances, Propositions de réforme fiscale (Ottawa, Imprimeur de la Reine, 1969).

[71]          Canada, « Rapport du Comité interministériel sur les femmes et l'impôt » et Julie Loranger, note de service à l'hon. Marc Lalonde, ministre responsable de la situation de la femme, cités dans Louise Dulude, « Taxation of the Spouses » (1985) 23 Osgoode Hall L.J. 67 à la p. 84.

[72]          Voir « Cut back spousal tax break Erola says » The Globe and Mail (6 janvier 1983) 1 et « Erola's proposal to curb spouse tie called thoughtless » The Globe and Mail (11 janvier 1983) 6.

[73]          Voir, par exemple, Kathleen A. Lahey, « The Tax Unit in Income Tax Theory » dans E. Diane Pask et al., Women, the Law, and the Economy (Toronto, Butterworths, 1985) à la p. 277; Maureen Maloney, « The Tax Implications of Marriage, Motherhood, and Divorce » (1988) 3 Canadian Journal of Women and the Law 1; Kathleen Lahey, The Taxation of Women in Canada (Kingston, Queen's Univ., 1988).

[74]          Comité d'examen de l'aide sociale, Report -- Transitions, Toronto, Ministère des Services sociaux et communautaires de l'Ontario, 1988; SARC Benefit Structure Project Team, 'Benefit Unit' Social Assistance Legislation Research and Technical Background Documents (Toronto : Comité d'examen de l'aide sociale, 1991).

[75]          Commission de l'équité fiscale, Report (Toronto : CEF, 1993) à la p. 266. Cf. Conseil consultatif canadien sur la situation de la femme, Tax Facts: What Every Woman Should Know (Ottawa : CCCSF, 1993).

[76]          Pour une présentation à titre indicatif mais peu critique de ces arguments, voir F. Barry Gorman, Canadian Income Taxation: Policy and Practice (Toronto : Carswell, 1999) aux p. 169 et 170.

[77]          On peut qualifier d'argument « des effets de retombée » l'argument qui a réussi à convaincre la Cour suprême du Canada d'approuver l'effet de fractionnement du revenu des versements déductibles pour le soutien d'un enfant.

[78]          Amy C. Christian, « Joint Versus Separate Filing: Joint Return Tax Rates and Federal Complicity in Directing Economic Resources from Women to Men » (1997) 6 Review of Law and Women Studies 443 à la p. 449.

[79]          Remarquez toutefois qu'à ce jour, les seules autorités à l'appui de cette position sont les décisions Falkiner et Rehberg examinées au chapitre un. Contra Thibaudeau c. Canada [1995] 2 R.C.S. 627, où la Cour suprême du Canada a conclu que le fait d'inclure les versements pour le soutien d'un enfant dans le revenu d'une femme divorcée n'enfreignait pas le droit à l'égalité garanti par la Charte parce que le régime inclusion/déduction conférait un avantage à l'ensemble de l' « unité familiale après le divorce » .

[80]          Ces chiffres ne représentent que les taux fédéraux approximatifs au Canada.

[81]           Louise Dulude, « Joint Taxation of Spouses -- A Feminist View » (1979) 1 Canadian Taxation à la p. 8.

[82]          C'est ici que certains analystes cessent d'examiner la question. Voir, par exemple, Anne L. Alstott, « Tax Policy and Feminism: Competing Goals and Institutional Choices » (1996) 96 Columbia Law Rev. 2001 à la p. 2032.

[83]          Plusieurs de ces observations ont été présentées pour la première fois par Pamela Gann, « Abandoning Marital Status as a Factor in Allocating Income Tax Burdens » (1980) 59 Texas Law Rev. 1 à la p. 31.

[84]          La plupart des statistiques relatives à « l'écart salarial » se fondent sur un emploi à temps plein à l'année et affichent donc des revenus moyens très différents pour les femmes et les hommes.

[85]          Judith Frederick, Au fil des heures...: l'emploi du temps des Canadiens, Ottawa, Statistique Canada, no de catalogue 89-544F; selon l'Enquête sociale générale de 1992.

[86]          Patricia Apps, « Tax Reform, Ideology and Gender » (1999) 21 Sydney Law Review 437.

[87]          Situation de la femme, Rapport à la p. 291.

[88]          Présentement, de tels effets découlent principalement des dispositions suivantes de la Loi de l'impôt sur le revenu : 118(1)a) (crédit au titre du conjoint), 118.8 (autres crédits transférables d'un conjoint à l'autre); et 146(5.1) (déductions pour cotisations au REER du conjoint). Des propositions visant à modifier ces règles sont examinées au chapitre quatre.

[89]          Des études confirment de façon uniforme que plus de la moitié de tous les travaux ménagers ne sont effectués que par l'épouse, même si les deux conjoints travaillent. Voir Kathleen Marshall, « Employed parents and the division of housework » Perspectives on Labour and Income, vol. 5, no 3, à la p. 23 (Ottawa, Statistique Canada, 1993). Les données du recensement de 1996 indiquent que 23 à 25 p. 100 de toutes les épouses consacrent plus de 30 heures par semaine aux travaux ménagers, à la garde des enfants ou aux soins des personnes âgées et ce, de façon non rémunérée, tandis que moins de 10 p. 100 de tous les maris en font de même. Plus de 76 p. 100 des personnes effectuant entre 30 et 60 heures de travaux ménagers non rémunérés étaient des femmes. Statistique Canada, Sex and Census Family Status, 1996 (no de catalogue 93F0027XDB96014).

[90]          La société dirige tout d'abord les femmes vers ce genre de travail et les écarts salariaux axés sur les forces du marché transforment cet exercice social en un choix économique « rationnel » . Voir Nancy Chodorow, The Reproduction of Mothering: Psychoanalysis and the Sociology of Gender (1978) aux p. 30 à 39.

[91]          Jane H. Leuthold, « Home Production and the Tax System » (1983) 3 Journal of Economic Psychology 145.

[92]          Ruth Roach Pierson et Marjorie Griffin Cohen, Canadian Women's Issues: Bold Visions (Toronto: James Lorimer, 1995) vol. II à p. 11 à 15.

[93]          McIntyre et Oldman, « Taxation of the Family » 1609, soutiennent le contraire, alléguant que le travail non rémunéré constitue un choix personnel qui dépend d'une multitude de facteurs imprévisibles.

[94]          S. A. Rea, « Taxes, Transfers, and the Family » (1984) 34 Univ. Toronto L.J. 314 à la p. 324.

[95]          Situation de la femme, Rapport à la p. 291; une telle préoccupation y a été soulevée en 1970.

[96]          Ce sont surtout les frais de garde plus élevés qui ont un effet direct sur la décision de se joindre au marché du travail. Voir Rachel Connelly, « The Effect of Child Care Costs on Married Women's Labor Force Participation » (1992) Review of Economics and Statistics 83.

[97]          Voir, par exemple, Michael J. Boskin et E. Sheshinski, « Optimal Tax Treatment of the Family: Married Couples » (1983) 20 Journal of Public Economics 281; Jane H. Leuthold, « Work Incentives and the Two-earner Deduction » (1985) 13 Public Finance Quarterly 63; Norma Briggs, « Individual Income Taxation and Social Benefits in Sweden, the United Kingdom, and the U.S.A. -- A Study of Their Inter-Relationships and Their Effects on Lower-Income Couples and Single Heads of Household » (1985) International Bureau of Fiscal Documentation 243; Patricia Apps, « Tax Reform, Ideology and Gender » (1999) 21 Sydney Law Rev. 437 aux p. 448 et 449. L'ouvrage de principe dans ce domaine est celui de Patricia Apps, A Theory of Inequality and Taxation (Cambridge: Cambridge University Press, 1981).

[98]          Ken Battle et Sherri Torjman, The Welfare Wall: The Interaction of the Welfare and Tax Systems (Ottawa: Caledon Institute of Social Policy) à la p. 11.

[99]          Kathleen A. Lahey, The Taxation of Women in Canada (Kingston: Queen's Univ. Faculty of Law, 1988) illustration 7-2, à la p. 342.

[100]         Organisation de coopération et de développement économiques, Étude de l'OCDE sur l'emploi : Données et explications (Partie II), Paris, OCDE, 1994 à la p. 265. Cette étude dégage les causes du « piège de la pauvreté » dans certains pays choisis de l'OCDE. Voir aussi Andrew Mitchell, « Impact of STEP changes on marginal tax rates » (non publié; l'auteur en conserve l'original), lequel rapporte des taux marginaux d'imposition pouvant atteindre jusqu'à 100 p. 100 en vertu des nouvelles règles ontariennes relatives à l'aide sociale.

[101]          L'ouvrage de référence sur cette question est celui de Jan Pahl, Money and Marriage (London : MacMillan, 1989).

[102]          La tendance des femmes de race noire à afficher des revenus relativement élevés chez les femmes, alors que les hommes de race noire se retrouvent au bas de l'échelle salariale chez les hommes, semble constituer, une caractéristique de longue date de l'économie américaine. Voir James A. Sweet, « The Employment of Wives and the Inequality of Family Income » dans Alice H. Amsden, éd., The Economics of Women and Work (Markham : Penguin Books, 1980) aux p. 400 à 409. Dans cet ouvrage, on examine des données de 1960 sur les revenus des femmes et des hommes de race noire. Les disparités entre les groupes qui se différencient par la race sont importantes. Par exemple, en 1996, l'homme japonais moyen gagnait presque le même revenu que les hommes n'appartenant pas à un groupe minoritaire (42 277 $), alors que les femmes japonaises, dont le revenu se situait parmi les plus élevés chez les femmes appartenant à un groupe minoritaire, gagnaient toujours considérablement moins que la moyenne des femmes n'appartenant pas à un groupe minoritaire (22 804 $); cela démontre les effets combinés de la race et du sexe.

[103]         Statistique Canada, Le Quotidien (Ottawa : Statistique Canada, 1998).

[104]         Puisque seuls les « Indiens inscrits » vivant à l'intérieur des réserves sont exonérés d'impôt, cela signifie que les personnes hors réserve, y compris les Inuits, les Métis, les peuples des Premières nations non inscrits et les « Indiens inscrits » hors réserve, sont toutes assujetties à l'impôt sur le revenu et doivent être prises en considération lors de l'évaluation de l'impact que peut avoir l'unité d'imposition sur les groupes qui se différencient par la race et l'origine ethnique.

[105]         Statistiques américaines pour 1990 : les femmes américaines d'origine européenne affichaient un taux de participation de 56,4 p. 100; les femmes afro-américaines affichaient un taux de 59,5 p. 100; les Américaines d'origine chinoise, 59,2 p. 100; les Américaines d'origine philippine, 72,3 p. 100. Les femmes appartenant à d'autres groupes ethniques affichaient des taux de participation légèrement inférieurs à ceux des Américaines d'origine européenne, bien que le taux des femmes portoricaines fût le plus bas, soit de 37,2 p. 100. Teresa Amott et Julie Matthaei, Race, Gender, and Work: A Multi-cultural Economic History of Women in the United States, éd. rév. (Boston : South End Press, 1996) annexe C, à la p. 412.

[106]         Voir, par ex., Beverly I. Moran et William Whitford, « A Black Critique of the Internal Revenue Code » (1996) Wisconsin Law Rev. 751; Dorothy A. Brown, « Race, Class, and Gender Essentialism in Tax Literature: The Joint return » (1997) Washington and Lee Law Rev. 1419.

[107]         Marieka M. Klawitter et Victor Flatt, Antidiscrimination Policies and Earnings for Same-Sex Couples, Seattle, WA, University of Washington Graduate School of Public Affairs, 1995 (Working Papers in Public Policy Analysis and Management) à la p. 20; un examen des données se trouve aux tableaux 3 et 4. Voir l'annexe E pour un résumé des données.

[108]         Voir Kathleen A. Lahey, The Impact of Relationship Recognition on Lesbian Women in Canada: Still Separate and Only Somewhat 'Equivalent', Ottawa, Status of Women Canada (à être publié sous peu). Voir aussi Gay and Lesbian Equality Network and NEXUS Research Cooperative, Poverty: Lesbians and Gay Men: The Economic and Social Effects of Discrimination (Dublin: Combat Poverty Agency, 1995) à la p. 27, où l'on rapporte que 21 p. 100 des lesbiennes et des gais en Irlande vivent dans la pauvreté.

[109]         Cette hypothèse est corroborée par les conclusions de Lahey, supra.

[110]         Nielsen, « Family and Individual Principles » à la p. 140.

[111]         Lawrence Zelenak, « Marriage and the Income Tax » (1994) 67 Southern California Law Rev. 339 à la p. 381.

[112]         Lors d'une récente étude dans 15 pays européens, on a conclu que l'introduction de modèles de taxation commune dans le cadre du contexte actuel au Royaume-Uni rendrait le régime fiscal plus régressif et aurait un effet négatif sur l'incitation à travailler - et ce, à l'égard des deux conjoints, pas seulement du conjoint à revenu inférieur. Cathal O'Donoghue et Holly Sutherland, « Accounting for the family in European income tax systems » (1999) 23 Cambridge Journal of Economics 565 aux p. 589 à 591.

[113]         Telle a été la recommandation du Comité d'examen de l'aide sociale de l'Ontario dans son rapport, Transitions.

[114]         Par exemple, voir Mary L. Heen, « Welfare Reform, Child Care Costs, and Taxes: Delivery Increased Work-Related Child Care Benefits to Low-Income Families » (1995) 13 Yale Law and Policy Rev. 173.

[115]         Brown, « Race Essentialism » .

[116]         Voir Brown, « Race Essentialism » aux p. 1508 à 1511, pour une discussion quant au nombre de solutions « féministes » au problème de l'inégalité entre les sexes qui n'auraient aucun effet sur les personnes se distinguant par leur race ou qui accentueraient même leur pauvreté.

[117]         Voir Maureen Baker, Canadian Family Policies: Cross-National Comparisons (Toronto : University of Toronto Press, 1995) au chapitre quatre, pour une comparaison avec l'Australie, la France, l'Allemagne, les Pays-Bas, la Suède, les États-Unis et le Royaume-Uni.

[118]         Jusqu'en 2001, le terme « conjoint » est défini au par. 252(4) de la Loi de l'impôt sur le revenu, sauf pour les cohabitants qui choisissent une nouvelle cotisation comme si le projet de loi C-23 s'appliquait aux années d'imposition 1998, 1999 et 2000; il en est de même pour les définitions qui se retrouvent à l'art. 2 de la Loi sur la sécurité de la vieillesse, L.R.C. 1985, ch. O-9, et à l'art. 2 de la Loi sur le Régime de pensions du Canada, L.R.C. 1985, ch. C-8. Après l'entrée en vigueur du projet de loi C-23, seuls les couples mariés seront considérés comme conjoints; les cohabitants (homosexuels et hétérosexuels) seront appelés « conjoints de fait » mais seront traités de la même façon que les conjoints dans la Loi de l'impôt sur le revenu et dans la plupart des autres lois fédérales.

[119]         Pour la liste des dispositions, voir l'annexe F. Aux termes des accords de perception fiscale entre les gouvernements fédéral et provinciaux, les couples homosexuels seront traités, semble-t-il, de la même façon que les conjoints dans les cas où la Loi de l'impôt sur le revenu fédérale est incorporée par renvoi dans les lois provinciales. Par conséquent, le défaut de modifier la Loi de l'impôt sur le revenu de l'Ontario dans le projet de loi 5 (lequel étend le traitement applicable aux conjoints à l'égard des « conjoints de fait » à peu près partout dans la législation ontarienne) n'empêchera pas les couples homosexuels en Ontario d'être traités de la même façon que les conjoints aux fins de l'imposition sur le revenu aux niveaux provincial et fédéral. On obtient le même résultat au Québec par d'autres moyens. Les provinces qui ont annoncé leur retrait prochain de l'accord de perception fiscale - telles que l'Alberta - continueront à exclure les couples homosexuels des dispositions applicables aux conjoints qui se retrouvent dans les lois fiscales de la province mais les couples homosexuels de l'Alberta bénéficieront du traitement applicable aux conjoints aux fins de la législation fédérale. L'état civil des cohabitants hétérosexuels de l'Alberta subit présentement des modifications.

[120]         Alinéa 118(1)Ba) de la Loi de l'impôt sur le revenu. En 1993, la composante fédérale de ce crédit était de 915 $. Lorsque le taux d'imposition provincial représente 50 p. 100 de l'impôt fédéral exigible, le montant du crédit de personne mariée au niveau provincial est de 457,50 $. Plus le taux d'imposition provincial est élevé, plus la composante provinciale de crédit sera grande.

[121]         Voir l'article 118.8 de la Loi de l'impôt sur le revenu, lequel prévoit le transfert des crédits non utilisés : crédits en raison de l'âge (592 $, sous réserve du paragraphe 118(2) portant sur les seuils de faible revenu), pour déficience mentale/physique (720 $; paragraphe 118.3(1)), pour études (article 118.6), pour frais de scolarité (article 118.5) et pour revenu de pension (170 $; paragraphe 118(3)).

[122]         Articles 60 et 60.1 de la Loi de l'impôt sur le revenu.

[123]         Ce sont là les montants pour le troisième trimestre de l'an 2000. Tous les seuils de revenu ainsi que le montant des prestations sont rajustés à chaque trimestre pour refléter l'augmentation du coût de la vie mesurée par l'indice des prix à la consommation.

[124]         Pour l'année civile 2000. Le montant précis des prestations exigibles varie selon l'âge du survivant et le nombre d'enfants à charge. Une prestation de décès peut aussi être exigible. Ministère des Finances, The Canada Pension Plan: Basic Facts (en ligne : CPP Publications, 2000).

[125]         Alinéa 44(1)d) et par. 58(2) de la Loi sur le Régime de pensions du Canada.

[126]         Canada, Chambre des communes, Débats et travaux, 7e sess., 12e Parl., IV : 3 août 1917, 4103 (M. Verville); 4104 (M. Graham); 4105 (M. Knowles).

[127]         Chambre des communes, Débats, vol. 4, 1re sess., 15e Parl., 16-17 George V, 1926, 3772.

[128]         Débats, vol. V, 17 juillet 1942, 4337.­

[129]         Chambre des communes, Débats, vol. 4, 2e sess., 12e Parl., 10 George VI, 1946, 3815.

[130]         Voir Ruth Pierson, « Women's Emancipation and the Recruitment of Women into the Labour Force in World War II » dans Susan Mann Trofimenkoff et Alison Prentice, éd., The Neglected Majority (Toronto : McClelland and Stewart, 1979) 125 à la p. 139, notes 69 et 70 à 74.

[131]         Voir E. J. Benson, Propositions de réforme fiscale (Ottawa : Imprimeur de la Reine, 1969) aux p. 14 à 17.

[132]         Voir, par ex., l'ancien article 110.3 de la Loi de l'impôt sur le revenu, ajouté par S.C. 1976-77, ch. 4, art. 46, applicable à l'année 1976 et suiv.

[133]         Ministère des Finances, Livre blanc sur la réforme fiscale (Ottawa : 18 juin 1987) (M. Wilson).

[134]         On a dit de la conversion en crédits d'impôt des exemptions de l'article 109 et de certaines autres déductions transférables qu'elle encourageait l'équité fiscale, surtout à l'égard des femmes non salariées susceptibles de se joindre au marché du travail. Dans son Livre blanc sur la réforme fiscale de juin 1987, le gouvernement avait soutenu que la conversion de l'exemption de marié en crédit d'impôt éliminerait l'effet dissuasif empêchant les femmes mariées de se joindre au marché du travail, puisque les tranches inférieures de son revenu ne seraient plus assujetties au taux d'imposition supérieur de son conjoint mais au sien (le même raisonnement s'applique aux crédits transférables). En fait, un tel effet se produit non pas parce que les avantages fiscaux sont désormais sous forme de crédits, mais plutôt parce que le taux marginal d'imposition du mari n'est plus utilisé.

[135]         Voir Eden Cloutier, Taxes and the Labour Supply of Married Women in Canada (Ottawa : Conseil économique du Canada, 1986) pour une discussion portant sur l'effet dans le cadre du contexte canadien.

[136]         Dispositions 3(1)(H) et 11 de la Loi de l'impôt de guerre sur le revenu, édictée par L. C. 1942-43, C-28, art. 3.

[137]         Chambre des communes, Débats, 1942, vol. V, à la p. 4360.

[138]         Débats, 1944, vol. IV, à la p. 4178.

[139]         Commission Carter, Rapport, vol. 3, à la p. 130.

[140]         Voir les art. 56.1 et 60.1 de la Loi de l'impôt sur le revenu; Bulletin d'interprétation IT-118R, par. 9-12 (30 août 1976).

[141]         Conseil consultatif canadien sur la situation de la femme, Statements on Taxation (Ottawa : CCCSF, 1977) à la p. 1.

[142]         Voir les art. 56.1 et 60.1 de la Loi de l'impôt sur le revenu, ajoutés par S.C. 1980-81-81-81, ch. 48, par. 29(2); l'art. 6502 du Règlement de l'impôt sur le revenu (disposition expresse pour le droit de la famille ontarien); les art. 60(c.1) et 56(c.1) de la Loi de l'impôt sur le revenu.

[143]         Voir, par exemple, Wendy Bernt, « Lines of Dependence: The Rebirth of Parental Support Legislation in Canada » (1996) Appeal 52, qui fait remarquer que toutes les provinces ont des dispositions prévues par la loi qui portent sur l'entretien des parents, dans le cas où ces derniers ont assumé les frais d'entretien de l'enfant, peuvent prouver qu'ils se trouvent dans une situation de dépendance et où l'enfant dispose de moyens suffisants pour assurer l'entretien.

[144]         La liste comprend l'hospitalisation de longue durée, les régimes d'assurance-médicaments et d'assurance-maladie, les soins infirmiers, les soins dentaires, les soins de la vue; les prestations d'études telles que les dispenses de frais scolaires; les régimes d'assurance; les escomptes accordés à l'employé; les prestations au survivant; les prestations de décès; le logement financé par l'employeur; les emprunts à faible taux d'intérêt ou sans intérêt. Articles 5 et 6 de la Loi de l'impôt sur le revenu; art. 8 (les employés de chemin de fer ont droit à une déduction pour le coût d'entretien du logement occupé par le conjoint); art. 146 (cotisations déductibles au REER du conjoint).

[145]         Voir l'annexe G pour une liste des dispositions fiscales qui entraînent l'augmentation du montant des prestations de type « revenu familial » en les exonérant d'impôt.

[146]         Commission Carter, Rapport, vol. 1 aux p. 8, 10 et 19.

[147]         Benson, Tax Reform Proposals, à la p. 17.

[148]         Edward J. McCaffery, Taxing Women (Chicago : University of Chicago Press, 1997) à la p. 126, où l'auteur présente l'analyse la plus complète de la question dans le cadre du contexte américain.

[149]         C'est la solution préconisée par McCaffery, Taxing Women, à la p. 134.

[150]         Voir, par exemple, les paragraphes 5(1) et (2) et 6(1)-(13) de la Loi sur le droit de la famille, L.R.O. 1990, ch. F.3, Parties I et II ainsi que les articles 44-46 de la Loi portant réforme du droit des successions, L.R.O. 1990, ch. S.26, Partie I, sections 44 à 46.

[151]         Catherine Brown et Faye Woodman, « Taxation of the Family » dans Brian G. Hansen, Vern Krishna, et James A. Rendall, éd., Canadian Taxation (Toronto: Richard de Boo, 1981) 987 aux p. 988 à 997.

[152]         Ancien paragraphe 74(1) de la Loi de l'impôt sur le revenu, abrogé par S.C. 1986, ch. 6, art. 37, applicable aux transferts de propriété après le 22 mai 1985, mais remplacé par le nouvel article 73.

[153]         Anciens paragraphes 74(3) et (4) de la Loi de l'impôt sur le revenu, abrogés par S.C. 1980-81-82-83, ch. 48, par. 40(1), applicables à l'égard de la rémunération versée après 1979 pour des services rendus à titre d'employé après 1979.

[154]         Ancien paragraphe 74(5) de la Loi de l'impôt sur le revenu, abrogé par S.C. 1980-81-82-83, ch. 48, par. 40(1), applicable aux périodes comptables se terminant après le 11 décembre 1979.

[155]         Cela a été rendu possible grâce à des contestations discrétionnaires du « caractère raisonnable » des déductions relatives au salaire du conjoint aux termes de l'art. 69 de la Loi de l'impôt sur le revenu, lequel est toujours en vigueur.

[156]         Loi de l'impôt sur le revenu : articles 74.1 et 74.2 (prêts de biens au conjoint), 74.4 (emprunts d'une corporation contrôlée) et par. 74.5(11) (planification fiscale inacceptable).

[157]         Loi de l'impôt sur le revenu : art. 73 (transferts entre vifs) et 70(6) (transferts au décès). Voir aussi l'art. 73 (transferts à un enfant) et l'art. 110.6 (lequel permet les transferts entre conjoints de l'exemption pour gains en capital) de la Loi de l'impôt sur le revenu. Une liste plus exhaustive des principales dispositions se retrouve à l'annexe H.

[158]         Budget du 16 novembre 1978 (Jean Chrétien), exécuté dans S.C. 1979, ch. 5.

[159]         Budget du 11 décembre 1979 (John Crosbie), qui n'a été exécuté que dans S.C. 1980-81-82-83, ch. 48, parce que cette disposition faisait partie du budget qui a renversé le gouvernement conservateur minoritaire de M. Clark.

[160]         Avis de motion de voies et moyens accompagnant l'exposé financier du ministre des Finances (Allan MacEachen) (28 avril 1980), mis en oeuvre dans S.C. 1980-81-82-83, ch. 48.

[161]         Baker, Canadian Family Policies, aux p. 152 à 155.

[162]         Estimations pour l'an 2000, BD/MSPS version 7.1.

[163]         Le résultat obtenu est le système de crédits d'impôt remboursables prévu à l'article 122.5 de la Loi de l'impôt sur le revenu.

[164]         Ministère des Finances, Document technique -- TPS (août 1989).

[165]         Voir l'annexe B pour ces données, calculées pour l'an 2000 selon le BD/MSPS, version 7.1.

[166]         Voir Ministère des Finances, Document technique -- TPS (août 1989) pour obtenir un exemple de ce genre de raisonnement en matière de politique fiscale.

[167]         Voir les art. 122.6-122.64 de la Loi de l'impôt sur le revenu, lesquels sont entrés en vigueur en 1993. Les montants pour 1993 sont rajustés pour refléter les fluctuations du coût de la vie mesurées par l'indice des prix à la consommation à chaque année.

[168]         Voir Ministère des Finances, Technical Notes - Child Tax Benefit (mai 1992).

[169]         Code criminel, L.R.C. 1985, ch. C-46, par. 215(1)-(4).

[170]         Article 122.6 de la Loi de l'impôt sur le revenu; le SFR était de 25 921 $ en 1993.

[171]         Cette décision précède celle de la Cour suprême du Canada dans Miron c. Trudel, [1995] 2 R.C.S. 418 (C.S.C.), Mme la juge McLachlin. Dans Miron, la Cour a décidé que les cohabitants de sexe opposé constituaient un groupe défavorisé, du moins par rapport aux couples mariés.

[172]         Voir l'annexe B qui contient ces données, calculées pour l'an 2000 selon le BD/MSPS, version 7.1.

[173]         Le ministère des Finances a expliqué dans son Livre blanc sur la réforme fiscale (18 juin 1987) (M. Wilson) et dans Tax Reform Supplementary Information (16 décembre 1987), mis en application par le projet de loi C-139, S.C. 1988, ch. 55, que [TRADUCTION] « le montant du crédit personnel de base enrichi offre un meilleur avantage fiscal aux personnes à revenu inférieur que l'exemption personnelle et la déduction relative à l'emploi mises ensemble » .

[174]         Article 63 de la Loi de l'impôt sur le revenu.

[175]         Pour une discussion plus poussée au sujet de l'historique et de l'effet distributif des règles relatives à la déduction pour frais de garde d'enfants, voir Kathleen A. Lahey, « 1995 Term -- Taxation Developments » (1996) 7 Supreme Court Law Review (2d) 381 aux p. 415 et 416.

[176]         D'après l'art. 251 de la Loi de l'impôt sur le revenu, les conjoints sont réputés « liés » aux fins d'un très grand nombre de dispositions anti-évitement, y compris les dispositions anti-évitement générales des articles 245 et 246.

[177]         Par exemple, l'article 74.1 a pour effet d'attribuer le revenu de placement transféré à un conjoint au conjoint qui est l'auteur du transfert - en traitant essentiellement ce revenu comme le revenu de l'auteur du transfert et non comme celui du bénéficiaire réel. Autres dispositions ayant le même effet : l'art. 39 (les gains en capital sur les actions transférées à un conjoint font partie du revenu de l'auteur du transfert lorsqu'ils sont réalisés); l'art. 74.2 (les gains ou pertes sur des actifs transférés à un conjoint sont traités comme les gains ou pertes de l'auteur du transfert); les art. 84.1 et 85 (les actions détenues par le conjoint font partie du calcul visant à déterminer s'il y a contrôle d'une personne morale par l'autre conjoint); l'art. 97 (est incluse la participation d'un conjoint dans une société afin de déterminer si l'autre conjoint en est l'associé principal); l'art. 108 (les cotisations versées à une fiducie par le conjoint du disposant sont traitées comme des cotisations versées par le disposant même); l'art. 146 (les cotisations à un REER de conjoint retirées dans les trois ans suivant leur versement sont traitées comme le revenu du cotisant).

[178]         Voir les art. 60 et 146 (REER) de la Loi de l'impôt sur le revenu; art. 146.3-147 (autres prestations de type « pension » ), art. 96 (participation dans une société), art. 148 (polices d'assurance-vie), art. 248 (prestations de décès).

[179]         Voir, par exemple, Dollar v. Canada (M.N.R.) [1997] T.C.J. No. 757 (C.C.I), le juge Mogan, C.C.I. (en ligne : QL db TCJ). Dans cette affaire, la demande de prestations d'assurance-chômage d'un beau-fils a été refusée parce que le ministère du Revenu national a conclu que, en se fondant sur l'art. 251 de la Loi de l'impôt sur le revenu, lequel s'applique également aux lois en matière d'assurance-emploi, le beau-fils avait un lien de dépendance à l'égard de la société de son beau-père, de sorte qu'il ne pouvait être traité comme un employé. Par conséquent, le tribunal a décidé qu'il ne tenait pas d'emploi assurable. Le même raisonnement est appliqué encore plus sévèrement à l'égard des femmes qui travaillent au sein d'entreprises familiales.

[180]         Pour une analyse informative des effets d'une telle attitude administrative sur l'évolution des droits de propriété des femmes, voir Carolyn C. Jones, « Split Income and Separate Spheres: Tax Law and Gender Roles in the 1940s » (1988) 6 Law and History Review 259.


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