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Rapport

Document de recherche

Rapports de nature personnelle entre adultes : 100 ans de mariage au Canada

Par: Katherine Arnup
Le 21 mars 2001

Le présent document a été préparé par la Commission du droit du Canada sous le titre Close Personal Relationships between Adults: 100 Years of Marriage in Canada. Les opinions qui y sont exprimées sont celles de l'auteure et elles ne reflètent pas nécessairement les opinions de la Commission. Seule l'auteure répond de l'exactitude du contenu du présent document.

This paper is also available in English under the title Close Personal Relationships between Adults: 100 Years of Marriage in Canada.


Notice Biographique

Katherine Arnup est une historienne qui a à son actif de nombreux ouvrages sur l'histoire de la maternité et de la famille au Canada. Elle est l'auteure de Education for Motherhood: Advice for Mothers in Twentieth Century Canada (Toronto: University of Toronto Press, 1994), elle a édité Lesbian Parenting: Living with Pride and Prejudice (gynergy, 1995) et co-édité Delivering Motherhood (Routledge, 1990). Elle a également publié un certain nombre d'articles sur les questions contemporaines et passées liées à la garde des enfants. Elle est professeure agrégée à la School of Canadian Studies de l'université Carleton.


Sommaire

Ces dernières décennies, le mariage et la famille sont devenues des institutions particulièrement contestées au Canada et dans la plupart des pays occidentaux. Certains observateurs, soucieux du sort réservé à la famille, en sont venus à exiger de plus grandes restrictions pour l'accès au divorce et l'imposition de limites pour l'accès aux avantages et responsabilités associées au mariage. Par ailleurs, d'autres groupes, tout spécialement des couples homosexuels, ont exercé des pressions pour obtenir le droit de se marier, soutenant que leur exclusion du mariage était le dernier obstacle à leur complète égalité légale et sociale.

Nombre de ces débats s'appuient sur l'hypothèse voulant que le mariage et la famille n'aient pas d'histoire. Comme le présent document le démontre, des changements énormes se sont en fait opérés dans la famille au cours des deux derniers siècles. Nous sommes passés des grosses familles rurales à plusieurs générations du temps des pionniers aux familles monoparentales et biparentales nucléaires plus petites d'aujourd'hui. Tout au long de l'histoire, les familles (et les rapports au sein des familles) ont beaucoup changé, que ce soit par leur taille, leurs membres ou leur fonction. De plus, à différents moments de l'histoire, des observateurs de divers milieux se sont dit consternés par ces changements, soutenant qu'ils représentaient une « crise » menaçant le fondement même de la société. L'auteure soutient que les débats actuels, loin d'être uniques à la fin du vingtième siècle et au début du vingt et unième siècle, s'inscrivent en fait dans un processus permanent de changement historique.

Le présent document porte sur l'histoire du mariage et de la famille, se concentrant sur deux périodes clés de l'histoire : la période allant de la fin du dix-neuvième siècle au début du vingtième siècle et la période allant de la fin des années 60 jusqu'à l'an 2000. Pour chaque période, l'auteure examine les lois portant sur le mariage et les biens; la maternité (dont la garde des enfants, le droit d'accès aux enfants et le traitement réservé aux mères célibataires et aux enfants « nés hors mariage » ) et le divorce. Le présent document démontre que, pendant la première période, le mariage est demeuré largement une institution patriarcale. Malgré les efforts féministes déployés pour réformer les lois sur les biens pour les femmes mariées, la plupart des femmes mariées sont demeurées financièrement vulnérables, dépendantes pour une grande part du revenu et des ressources de leurs conjoints. Avant l'adoption de la Loi sur le divorce en 1968, il était difficile d'obtenir un divorce, et dans un certain nombre de provinces, on ne pouvait l'obtenir que par une loi d'intérêt privé du Parlement. À la suite d'un divorce, les femmes n'étaient assurées de ne bénéficier d'aucune pension alimentaire pour leurs enfants ou pour elles-mêmes. Les enfants nés hors mariage étaient jugés « illégitimes » et la mère comme les enfants étaient mal vus par la société et frappés de lourdes sanctions financières. En dernier lieu, les rapports entre lesbiennes et homosexuels, ainsi que les unions inter-raciales et les unions libres entre hétérosexuels ont continué d'être désapprouvés par la société. Tous ces mécanismes ont servi à renforcer la famille nucléaire hétérosexuelle et à rendre pratiquement inconcevables les autres options.

Dans les années soixante, des changements importants ont commencé à s'opérer dans les lois et dans la composition de la famille. Comme de plus en plus de femmes souhaitaient faire partie de la population active rémunérée, la famille à un pourvoyeur masculin a graduellement cédé la place à la famille à double revenu qui est devenue la forme familiale prédominante. Les familles monoparentales, les familles de lesbiennes et d'homosexuels, les couples hétérosexuels en union libre avec et sans enfant, ainsi que les familles pluri-générationnelles font toutes partie du paysage en évolution de la famille canadienne.

L'adoption de la première loi fédérale sur le divorce en 1968 a donné aux Canadiens des quatre coins du pays accès au divorce judiciaire. Les révisions apportées à la Loi sur le divorce en 1985 ont réduit le caractère accusatoire du processus et donné des mécanismes pour la division équitable des biens et le versement de pensions alimentaires pour les enfants. Ces modifications ont permis à de nombreux couples qui vivaient séparés de mettre légalement un terme à leur union. De plus, les couples, qui trouvaient le processus accusatoire et le recours à des délits conjugaux inacceptable, pouvaient maintenant obtenir un divorce « sans égard aux torts » . En raison de ces changements législatifs, le taux de divorce au Canada n'a cessé d'augmenter, atteignant des sommets jamais égalés en 1987. Actuellement, au Canada, environ un mariage sur trois se termine par un divorce, alors qu'aux États-Unis c'est le cas d'un mariage sur deux.

Des changements démographiques importants ont été enregistrés au cours des trois dernières décennies. Un nombre de plus en plus grand de Canadiens et de Canadiennes, tant hétérosexuel-le-s qu'homosexuel-le-s, choisissent de vivre en union libre. Nombre de ces couples décident d'avoir des enfants et de les élever. Malgré ces changements, la plupart des Canadiens continuent de se marier et un pourcentage substantiel de ceux qui divorcent se remarient. En guise de conclusion, l'auteure avance que malgré les changements énormes survenus sur les plans social et juridique au cours des trois dernières décennies, la famille sous ses formes diverses et variées, demeure une institution vitale et fondamentale dans la vie des Canadiens et Canadiennes.


Table des matières

NOTICE BIBLIOGRAPHIQUE

SOMMAIRE

I.   Introduction

II. Une nation de familles : 19e et début du 20e siècles au Canada

A. Lois et pratiques matrimoniales

1. Compétence
2. Le rôle de la religion
3. Lois et exclusions matrimoniales

B. Lois sur la propriété

C. Le divorce

D. Garde des enfants et droit de visite

E. Le traitement des mères seules et des enfants illégitimes

F. Autres politiques appuyant la famille conjugale

III. Un profond changement : de 1968 à 2000

A. Les mariages et les unions libres

1. Les mariages
  (a) Changements démographiques
  (b) Changements juridiques

2. Les unions libres
3. Les unions homosexuelles

B. Les biens

C. Le divorce

1. Changements législatifs

2. Soutien et mesures de redressement provisoires
3. Taux de divorce
4. Le divorce et les principales confessions religieuses


D. Garde des enfants, droits de visite et pensions alimentaires

E. Le traitement des mères seules et des enfants illégitimes

III. 2001 et les années à venir

NOTES EN FIN D'OUVRAGE

BIBLIOGRAPHIE


I.      Introduction

Grâce à Dieu, les Canadiens savent estimer, apprécier et chérir le caractère sacré des liens matrimoniaux, la pureté et le caractère sacro-saint de la famille, ils savent que ces sentiments, attributs du droit suprême, sont la source et la vie de la civilisation chrétienne et que sans eux aucune nation ne peut prospérer.[i] [traduction]

Sénateur Robert Gowan, 1888

Dans quel état se trouvera le pays dans vingt-cinq ans si nous nous mettons à accorder le divorce simplement parce qu'une femme est déçue de son mari, et vient nous demander la dissolution de son mariage parce qu'elle a fait une erreur en se mariant? Le tissu social du pays tomberait en morceaux.

Nous pouvons construire tous les chemins de fer nationaux que nous voudrons, nous pouvons débattre du libre-échange ou de la protection, nous pouvons accorder l'autonomie à toutes les provinces de Vancouver à Halifax, nous pouvons adopter toutes les lois sur la base de notre choix, mais si nous intervenons sans nécessité et avec témérité dans les rapports entre conjoints, nous ne réussirons qu'à saper la moralité de ce pays, et si nos lois tendent à donner un tel résultat et à briser des foyers, nous sommes mieux de les abroger et d'établir un système de lois mieux adapté à une moralité publique et privée saine.[ii] [traduction]

E.A. Lancaster, député conservateur, pour Lincoln Ontario, 1905

Le bien-être de la nation dépend de la stabilité de la famille avant tout.[iii] [traduction]

Canadian Youth Commission, 1948

De toutes parts, nous entendons des plaintes au sujet de la famille. On sous-entend que l'importance de la vie familiale diminue graduellement, que la famille ne s'acquitte plus de ses devoirs ou n'accepte plus les responsabilités qui lui reviennent à juste titre.[iv] [traduction]

Canadian Youth Commission, 1948

Au cours des dernières décennies, le mariage et la famille sont devenus des institutions particulièrement contestées au Canada, et en fait, presque partout dans le monde occidental. Craignant une situation de « crise » dans la famille, certains observateurs ont exigé de plus grandes restrictions pour l'accès au divorce et l'imposition de limites pour l'accès aux avantages et responsabilités associés au mariage. Du même coup, d'autres groupes, plus particulièrement les couples de lesbiennes et d'homosexuels, ont exercé des pressions pour avoir le droit de se marier, soutenant que leur exclusion de l'institution du mariage était le dernier obstacle à leur complète égalité juridique et sociale. Pour comprendre ces développements et les débats qui les entourent, nous devons examiner de près l'histoire et l'évolution du mariage au Canada. De plus, nous devons placer l'histoire en évolution du mariage dans le contexte plus large des changements survenus au sein de la famille, de la société et de l'économie.

Dans les débats contemporains sur la famille, on part souvent de l'hypothèse tacite voulant que le mariage et la famille n'aient pas d'histoire, qu'il s'agit de phénomènes transhistoriques immuables. Une telle façon de voir l'évolution sociale ne reconnaît qu'une seule « vraie » forme de famille, la famille nucléaire composée d'un mari, d'une épouse et de leurs enfants, et toutes les autres formes de famille, soit les familles monoparentales, les familles élargies ou les couples de lesbiennes et d'homosexuels, représentent une menace à l'intégrité et au maintien de la force de la famille nucléaire hétérosexuelle.

En fait, des changements énormes se sont opérés dans la famille au cours des deux derniers siècles, des changements tellement profonds que de nombreux chercheurs mettent maintenant le terme « famille » entre guillemets pour bien marquer le fait qu'il n'y a pas et qu'il n'y a jamais eu une seule forme de famille. Que l'on pense aux grosses familles rurales à plusieurs générations du temps des pionniers ou aux familles nucléaires d'aujourd'hui plus petites dirigées par un ou deux parents, la famille a changé tant par sa taille, que par les membres qui la composent et la fonction qu'elle joue tout au long de l'histoire. De plus, à différents moments de l'histoire, des observateurs de divers milieux, consternés par ces changements, soutenaient qu'ils représentaient une « crise » menaçant le fondement même de la famille. Les débats actuels, alors, loin d'être uniques à la fin du 20e et au début du 21e siècles, s'inscrivent dans le processus permanent de changement historique.

Le présent document fera le point sur l'histoire du mariage et de la famille en se concentrant sur deux périodes historiques : la première période allant de la fin du 19e siècle au début du 20e siècle, et, la deuxième, allant de la fin des années 1960 jusqu'à l'an 2000. Si j'ai choisi ces deux périodes historiques comme « fenêtres » , c'est qu'il s'agit de périodes marquées par des changements sociaux et juridiques importants. Pour chacune de ces périodes, je me pencherai sur les questions suivantes : le mariage; les lois régissant les biens; le divorce; et la maternité (y compris la garde des enfants et le droit de visite aux enfants, ainsi que le traitement réservé aux mères célibataires et aux enfants « nés hors mariage » ). Dans cette démarche, je tracerai le changement dramatique qui s'est opéré au cours du 20e siècle, le mariage passant d'une institution patriarcale à une relation qui, à bien des égards, ressemble davantage à un partenariat égalitaire.

II.     Une nation de familles : 19e et début du 20e siècle au Canada

Dans les débats sur le sort de la famille, le mariage a une importance spéciale, à la fois sacré et romantique, il s'agit d'un événement social et intensément privé. Tout au long de l'histoire de la colonisation et du développement du Canada, le mariage a sans doute été le rapport le plus privilégié et le plus hautement coté entre les hommes et les femmes. En sa qualité d'historien, James Snell a indiqué que « le mariage, en tant que pierre d'angle juridique de la maison et de la famille, était un moyen fondamental dont se servait l'État pour influencer le caractère et la conduite du foyer » .[v] Au début du 20e siècle, au Canada « on ne pouvait dissocier le mariage de l'idéal familial et on le considérait également comme étant au coeur de la société canadienne. C'était, selon G. S. Holmested, un avocat de Toronto, « le fondement même de la société civilisée » .[vi] Les rapports sexuels, les grossesses et les enfants n'étaient acceptables que dans les liens du mariage. Les mariages hétérosexuels et la vie familiale s'accompagnaient de nombreux avantages et gratifications. Plusieurs sanctions, dont l'ostracisme de l'église et de la communauté, attendaient ceux qui s'écartaient du droit chemin.

Plus important peut-être que la force pure et simple des gratifications et des sanctions, il y avait ce pouvoir que ceux-ci avaient de rendre les autres options inimaginables. Comme l'a si bien dit R.W. Gordon : « Le pouvoir exercé par un régime juridique réside moins dans la force dont il peut se servir contre les personnes qui contreviennent à ses règles que dans sa capacité de persuader les gens que le monde décrit dans ses images et catégories est le seul dans lequel une personne saine d'esprit puisse vouloir vivre. » [vii]

Le statut spécial accordé au mariage ne se limitait pas au royaume des idées. Qualifiant la famille nucléaire hétérosexuelle qui en vint à prédominer à la fin du 19e et au début du 20e siècles de « famille conjugale » , Snell précise que « l'idéal de la famille conjugale était beaucoup plus qu'une idéologie. Il était soutenu, en fait produit, par des structures économiques et des relations politiques dominantes. » [viii] « Soutenu par l'État, les églises et l'opinion publique, le mariage était le rempart de l'ordre social. » [ix]

Au sein du mariage, les rôles des hommes et des femmes sont clairement définis sous le régime de la protection maritale. Comme William Blackstone, le fameux commentateur du 18e siècle des lois de l'Angleterre l'a signalé : « En se mariant, le mari et la femme ne font plus qu'une personne au sens de la loi : c'est donc dire que l'existence proprement dite ou juridique de la femme est suspendue pendant toute la durée du mariage, ou tout au moins incorporée et consolidée avec celle du mari : sous l'aile et avec la protection duquel, elle fait toute chose. » [x] Le rôle du mari en était un de pourvoyeur et de protecteur. En échange, la femme était responsable du fonctionnement du mariage. Comme James Snell l'explique, « elle avait la charge du foyer marital, et à elle seule assumait l'obligation de rendre le foyer (et donc le mariage) heureux et confortable. » Par conséquent, « c'est à la femme qui était tenue pour principale responsable de l'échec du mariage. » [xi]

Avant le 20e siècle, le mariage était non seulement profondément enraciné dans les traditions religieuses et juridiques, mais était également fondé dans une grande mesure sur une interdépendance des hommes et des femmes. Au sein de l'économie familiale qui caractérisait la plupart des sociétés occidentales avant l'industrialisation, les hommes et les femmes dépendaient du partenariat économique offert dans le contexte du mariage et de la famille. Au 19e et au début du 20e siècles au Canada, par exemple, les colons, hommes et femmes, ne pouvaient survivre tout seuls sans difficulté. Les fermiers avaient besoin de femmes qui allaient leur donner des enfants, nourrir, vêtir la famille et prendre soin de tout ce beau monde. Dans l'histoire, nombreux sont les cas de veufs qui peu de temps après le décès de leur femme partaient à la recherche d'une nouvelle épouse.[xii] Pour les femmes, qui ne jouissaient pas de droits juridiques et qui n'avaient pas accès à l'emploi, le mariage constituait la seule solution si elles ne voulaient ni prendre le voile ni rester célibataires. En qualifiant ce genre de rapports de rapports interdépendants, on ne veut pas dire bien sûr que le mariage était un partenariat égalitaire. Comme je l'expliquerai plus loin, le droit marital s'appuyait surtout sur des idées et des règles patriarcales, les femmes renonçant pratiquement à tous leurs droits à la propriété et à une identité individuelle en échange de la « protection » que leur garantissait le mariage.

Avec l'avènement de l'industrialisation, et le remplacement de la société principalement rurale par une société urbaine, l'interdépendance entre maris et femmes a subi certaines transformations. Le virage de la production domestique à la production industrielle, par exemple, signifiait que de nombreuses tâches traditionnellement exécutées par les femmes se sont déplacées des maisons vers les usines. Tout d'abord dans les villes, puis graduellement dans les petites villes et les villages, les magasins ont commencé à distribuer toute une gamme de biens produits en série. Les articles « du commerce » , allant du savon et du pain aux robes et aux aliments en conserve, ont vite fait de remplacer les versions « maison » pour les familles en mesure de se permettre les dépenses supplémentaires. Comme les historiens l'ont rapporté, ce virage n'a toutefois pas entraîné une réduction de travail pour les femmes, car leurs tâches de mère leur demandait tout leur temps libre. Malgré ces changements, la division du travail selon le sexe, combinée avec les faits biologiques de la grossesse, de l'accouchement et de l'allaitement et les taux élevés de mortalité infantile et maternelle, ont confiné de nombreuses femmes dans leurs tâches ménagères, laissant aux hommes le rôle de pourvoyeurs. Même si pour de nombreuses familles pauvres de la classe ouvrière, cette division du travail est demeurée plus fictive que réelle, des restrictions juridiques, conjuguées avec des facteurs de santé et de fertilité, ont renforcé cette dépendance des femmes du revenu de leurs maris pour une bonne partie du 20e siècle.

Pour appuyer et soutenir cette division du travail selon le sexe au sein de la famille conjugale, on a adopté un grand nombre de politiques et de lois. Comme James Snell le mentionne : « Dans toutes les politiques, une après l'autre, on conçoit que les hommes et femmes adultes vivent dans une famille idéalisée, et le statut familial est perçu comme quelque chose à encourager et à conserver. » [xiii] Ces politiques comportaient deux volets : elles étaient conçues pour encourager les hommes et les femmes à vivre (et à demeurer) dans des unités conjugales et pour punir ceux qui vivaient en dehors de ces unités.

Dans les sections suivantes du présent document, je parlerai des cinq secteurs dans lesquels les lois et les politiques sociales ont servi à soutenir et renforcer la famille conjugale : le mariage; la propriété ; le divorce; la garde des enfants et le droit de visite aux enfants; et le traitement des mères célibataires et des enfants illégitimes. Même si le mandat du présent document est d'examiner l'histoire du mariage au 20e siècle, un tel examen doit commencer au 19e siècle, car de nombreux événements ont leurs racines dans le « long siècle » .[xiv] C'est tout particulièrement vrai pour le Canada, un pays dans lequel l'industrialisation et le statut de nation sont arrivés relativement tard. Un grand nombre de lois canadiennes de base portant sur le mariage et la famille ont été adoptées au 19e siècle et sont demeurées pratiquement inchangées jusqu'à la fin des années 60. Je commencerai donc avec le 19e siècle.

A.      Lois et pratiques matrimoniales

1.        Compétence

Aux termes de la Loi constitutionnelle de 1867 (R.-U.), le Parlement était investi de l'autorité législative exclusive à l'égard du mariage et du divorce.[xv] Aux États-Unis, par contre, le mariage et le divorce relevaient de la responsabilité de l'État. L'article 92(12) de la Loi constitutionnelle de 1867 (R.-U.) conférait aux législatures provinciales le pouvoir d'adopter des lois relatives à la « célébration du mariage dans la province » .[xvi] Même si la compétence à l'égard du mariage et du divorce restait avec le gouvernement fédéral, ce dernier n'a jamais exercé ce pouvoir de manière substantielle avant l'adoption de la Loi sur le divorce en 1968.

2.        Le rôle de la religion

Tout au long de l'histoire canadienne, la religion a été intimement liée aux lois et pratiques matrimoniales. Au début de la colonie, la religion exerçait un pouvoir bien plus grand sur la vie des gens : presque tous les citoyens pratiquaient une religion et les églises étaient beaucoup plus fréquentées qu'aujourd'hui. Dans les petites communautés, les églises constituaient le noyau de la collectivité, offraient les services sociaux si nécessaires et contrôlaient les méfaits et les comportements immoraux. De même, la loi investissait les représentants de l'Église du pouvoir de célébrer les mariages. Au départ, le droit de célébrer des mariages dans le Canada anglais n'était conféré qu'aux ministres de l'Église anglicane, pour finalement être étendu aux autres confessions religieuses. On a toutefois fait exception à cette règle pour les prêtres de l'Église catholique, dont les droits de célébrer des mariages étaient protégés par les Articles de la capitulation (1760). [Pour plus de détails, voir Lois matrimoniales, ci-après.]

Les règles fondamentales du mariage étaient enracinées dans la doctrine religieuse. Comme l'écrit l'historien Peter Ward : « Selon le dogme chrétien, le mariage est permanent, exclusif et sacré; l'érotisme n'a sa place que dans le mariage. Dans le Canada du 19e siècle, toutes les confessions chrétiennes avaient cette même doctrine. » Même si elles n'étaient pas d'accord sur certains points d'enseignement, elles étaient toutes d'accord sur l'importance de la « sauvegarde des principes chrétiens du mariage et de la vie sexuelle. » [xvii] Le mariage était également une institution exclusivement hétérosexuelle. Comme en fait état Lord Penzance dans une procédure britannique de divorce de 1866 souvent citée : « Je conçois que le mariage, comme le voit le christianisme, peut à cette fin être défini comme l'union volontaire pour la vie d'un homme et d'une femme, à l'exclusion de tous les autres. » [xviii]

Au Québec, les traditions matrimoniales étaient enracinées dans les traditions juridiques de la France et dans les rites et traditions catholiques. L'exercice libre de la religion catholique avait été garanti aux termes des Articles de la capitulation (1760), de l'Acte de Québec (1774), et de la Loi sur la constitution (1791). Alors que l'Église décourageait activement les mariages entre Catholiques et Non-Catholiques ( « mariages mixtes » ), le pouvoir de célébrer des mariages entre des membres de leur propre confession religieuse était conféré aux ministres anglicans à Québec en 1795. Ce droit s'est éventuellement étendu aux autres confessions religieuses.[xix]

Au Québec, l'Église catholique était une force puissante et « omniprésente » . L'historienne Andrée Lévesque mentionne que « dans une société où les relations entre l'Église et l'État étaient si étroites, où le taux d'assistance aux célébrations religieuses était très élevé, indépendamment de la classe sociale, du sexe ou de la région géographique, et où une seule religion réunissait une population entière, l'Église catholique est devenue la principale agence normative. » L'Église a conservé son rôle d' « interprète du bien et du mal » et d' « arbitre des comportements approuvés et réprouvés » jusqu'à la Révolution tranquille dans les années soixante.[xx]

3.        Lois et exclusions matrimoniales

À l'extérieur du Québec, les lois matrimoniales étaient fondées sur une combinaison de la Common Law britannique et de deux lois anglaises clés.[xxi] La première était une loi adoptée sous Henry VIII, qui reconnaissait « deux principales raisons pour annuler un mariage : une raison civile et une raison canonique. Les motifs civils comprenaient le bas âge, la folie, le non-consentement, ou l'existence d'un mariage précédent. Les motifs canoniques référaient à des incapacités comme l'impotence, la consanguinité et les affinités. » [xxii] La deuxième loi était la Lord Hardwicke's Act de 1753,[xxiii] qui « rendait les cérémonies religieuses obligatoires et fixait des exigences officielles comme le consentement des parents, l'inscription et la publication des bans pour toutes les unions légales. » [xxiv] Seuls les ministres de l'Église anglicane étaient habilités à célébrer des mariages reconnus légalement et sanctionnés par l'État. Afin de prévenir les mariages clandestins, les bans devaient être publiés les trois dimanches précédant la célébration du mariage.[xxv]

Le Haut-Canada a adopté sa première Loi du mariage en 1793. Cette loi ne venait que confirmer la validité des mariages anglicans célébrés avant 1792 et d'une « manière irrégulière » par une personne autre qu'un ministre de l'Église anglicane en raison de la situation frontalière. La question de savoir si les ministres non anglicans étaient habilités ou non à célébrer des mariages valides entre membres de leur confession revenait constamment dans tous les secteurs qui avaient adopté la Lord Hardwicke's Act (qui limitait la célébration du mariage aux seuls ministres anglicans).[xxvi]

La suite d'affaires portant sur le mariage dans le Haut-Canada (Ouest du Canada/Ontario) témoigne de la persistance et de l'importance de ce débat. En 1798, après que les autres confessions religieuses eurent exercé des pressions considérables, la législature coloniale a ratifié une loi qui permettait aux ministres presbytériens, luthériens et calvinistes de célébrer les mariages de leurs ouailles. Pour se qualifier toutefois, ces ministres devaient se soumettre à une procédure d'accréditation, ce que les ministres anglicans n'avaient pas à faire. Les Méthodistes, vus avec suspicion en raison de leurs sentiments républicains, étaient explicitement exclus de la loi. Ils ont continué d'exercer des pressions pour obtenir le droit de célébrer des mariages et en 1829, on a adopté une loi permettant aux ministres congrégationalistes, baptistes, indépendants, mennonites, tunkers, moraviens et méthodistes de célébrer le mariage de leurs adeptes.[xxvii] Ces ministres devaient quand même obtenir une accréditation juridique et prononcer un serment d'allégeance, ce qui n'était pas exigé des ministres anglicans. À cause des pressions continues exercées par les diverses confessions religieuses, le droit de célébrer des mariages s'est étendu aux ministres de toutes les confessions chrétiennes, à condition que ceux-ci prêtent un serment d'allégeance et que l'on vérifie leurs titres.[xxviii] Finalement, en 1857, ce droit a été étendu aux ministres de « toutes les confessions religieuses du Haut-Canada » dont les rabbins juifs, conformément à leurs propres « rites, cérémonies et usages » . Aucun processus d'accréditation n'était nécessaire.[xxix]

   Avec l'adoption des modifications de 1857 aux lois touchant la célébration des mariages dans le Haut-Canada, les législateurs provinciaux se sont mis à surveiller de plus près les mariages non autorisés et à imposer des sanctions plus graves. On n'arrive à comprendre les lois sur le mariage successives que si l'on reconnaît que les mariages civils n'existaient pas en Ontario (ni dans de nombreuses autres provinces) avant 1950. Comme Annalee Lepp l'explique, « dans la perspective de l'État... comme le mariage n'était pas seulement défini comme un contrat religieux mais également comme un contrat civil pour les questions des droits conjugaux privés, de la succession familiale et de la disposition des biens, il était nécessaire d'imposer aux représentants religieux une forme quelconque de réglementation juridique. » En Ontario, signale Lepp, « plutôt que de se concentrer sur qui pouvait célébrer des mariages en fonction des seules allégeances religieuses, les efforts de réglementation de l'État visaient à établir des mécanismes juridiques pour prévenir la constitution de contrats de mariage prétendus, illégaux et en fait viciés. » [xxx]

Les exclusions maritales, soit l'identification des personnes et des couples à qui il était interdit de se marier -- constituaient une partie cruciale des lois matrimoniales aux 19e et 20e siècles. Les exclusions maritales visaient à prévenir la célébration de « mariages indésirables » .[xxxi] Dans une nation qui résistait fermement à la mise en oeuvre du divorce judiciaire, la prévention était un facteur clé pour assurer la stabilité du mariage. Dans les périodes de crises sociales, les exclusions maritales étaient fortement contestées et répandues. Par exemple, les historiens James Snell et Cynthia Comacchio Abeele nous informent de la croissance d'un mouvement visant à resserrer les restrictions à l'égard du mariage au début du 20e siècle.[xxxii] En raison des énormes changements sociaux résultant de l'industrialisation, de l'urbanisation et de l'immigration, on a commencé à se préoccuper « de la stabilité et du caractère traditionnel du mariage. » [xxxiii] Les mariages entre adolescents, la prolifération de la maladie (en particulier des maladies vénériennes) et la reproduction chez les « dégénérés » et les « inaptes » ont amené les autorités à exiger le consentement parental pour le mariage (pour les personnes âgées de moins de 21 ans) ainsi que l'éducation prémaritale, des examens et l'évaluation des futurs époux. « Le mariage allait devenir un privilège pour les éléments de la société qui démontraient les qualités les plus souhaitables dans le futur Canada : qualité génétique, stabilité émotive et mentale, bonne santé et maturité. » [xxxiv] Ces efforts ont remporté un succès considérable, car les législatures provinciales ont augmenté l'âge minimum au mariage (par ex., en Saskatchewan, l'âge a été porté à 15 ans; en Alberta, à 16 ans) et décidé d'exiger le consentement parental pour les personnes âgées de moins de vingt et un ans.[xxxv] Même si un nombre considérable de personnes auraient aimé qu'il y ait une loi obligeant les couples à obtenir un certificat de santé attestant qu'ils n'étaient pas atteints d'une maladie vénérienne, aucune loi de ce genre n'a jamais été adoptée au Canada. Comme Snell et Abeele l'indiquent, un grand nombre de personnes se sont opposées à l'imposition d'autres règles concernant le mariage en invoquant que « même non améliorée la situation matrimoniale était encore préférable à une sexualité non réglementée contraire au comportement social prescrit pour la classe moyenne. » [xxxvi] Les législateurs se sont donc trouvés « coincés entre le désir d'améliorer la qualité du mariage sans que son caractère fondamental ne soit affecté et sans que les restrictions n'encouragent les relations extramaritales. » [xxxvii] Même si le gouvernement de la Colombie-Britannique a imposé des tests sanguins pour détecter les maladies vénériennes aux couples désireux de convoler, les autorités ont vite fait de découvrir que la province ne disposait pas des installations suffisantes pour mettre ce règlement en oeuvre, et, par conséquent, cette portion de la loi n'a jamais été promulguée.[xxxviii]

Il existe de nombreux exemples des efforts déployés par l'État pour réglementer, voire même interdire, le mariage entre personnes de races différentes. Le mariage entre femmes des Premières Nations et hommes euro-canadiens était tout particulièrement une source de préoccupation. Les mariages « à la façon du pays » entre femmes des Premières Nations et commerçants de fourrures ont favorisé des liens commerciaux importants pendant le 18e siècle et au début du 19e siècle. Les femmes autochtones cumulaient les fonctions de guides et de traductrices, d'épouses et de partenaires, pour les commerçants de fourrures français et britanniques. Même si les agents des sauvages et les missionnaires chrétiens « s'opposaient rigoureusement » à la poursuite des « pratiques de mariage des Premières Nations en dehors de l'église » [xxxix] avant le 20e siècle, les juges et autres dirigeants avaient tendance à accepter de tels mariages, étendant les droits de légitimité et d'héritage aux enfants issus de ces unions. Malgré cette « tolérance juridique équivoque à l'égard des rites de mariage autochtones » , les dirigeants de l'État et de l'Église ont toutefois continué d'exercer des pressions pour étendre les rites de mariage chrétiens aux réserves et d'encourager le travail des missionnaires chrétiens auprès des peuples autochtones.

Vers le milieu du 19e siècle, comme l'agriculture commençait à avoir une plus grande importance économique que le commerce des fourrures, les maris européens ont commencé à abandonné leurs épouses autochtones et leurs enfants pour prendre des épouses britanniques ou françaises. De leur côté, les représentants de l'Église et de l'État ont commencé à mettre davantage l'accent sur les rites de mariage protestants et catholiques, essayant d'éliminer les pratiques « barbares » et « païennes » , et d'imposer le mariage patriarcal monogame aux peuples autochtones.[xl]

Avec l'adoption de la Loi sur les Indiens en 1869, les femmes des Premières Nations ont vu leurs droits encore diminuer. Aux termes de l'alinéa 12(1)b) de la Loi, toute femme des Premières Nations épousant un homme n'appartenant pas à une Première Nation perdait son « statut d'Indien » . Ce règlement avait pour effet de faire perdre à la femme et à ses descendants leur droit à la propriété, au logement et à tous les autres avantages que leur conférait le statut d'Indien. Cette perte était permanente, même si le mariage se terminait par un abandon ou un divorce. Cette pratique discriminatoire est demeurée en place jusqu'en 1985. Pendant des décennies, les femmes autochtones ont contesté la disposition de la Loi sur les Indiens qui accordait le statut d'Indien aux épouses blanches des hommes indiens et aux enfants issus de tels mariages mixtes, mais qui enlevait ce statut aux femmes indiennes et à leurs enfants si elles épousaient un homme non indien. Ce n'est qu'avec l'adoption du projet de loi C-31 en 1985 que le gouvernement fédéral a révisé la Loi sur les Indiens et retiré ces dispositions discriminatoires. Toutefois, même alors, les femmes réinscrites n'avaient aucune garantie quant à leurs droits et leurs enfants ne pouvaient transmettre leur statut d'Indien à leur progéniture.

Les 19e et 20e siècles ont été les témoins de dénonciations similaires de mariages entre blancs et non-blancs. Ce sont les relations entre des femmes blanches et des hommes noirs ou asiatiques qui préoccupaient surtout les gens. Même si le Canada n'avait aucune loi contre les mariages inter-raciaux, les autorités de l'État ont trouvé de nombreux autres moyens, allant de la déportation aux accusations de séduction, pour prévenir de telles unions « non naturelles » . Souvent, il suffisait simplement de refuser à un couple inter-racial d'accéder aux rites du mariage. Lepp a décrit les efforts déployés en 1913 par un couple américain, vivant à Sarnia en Ontario et désireux de se marier. La future épouse (une « fille blanche » ) aurait fait remarquer aux autorités de l'immigration, avant sa déportation, qu'elle croyait que « le mariage entre noirs et blancs était assez commun au Canada. » Dans l'article paru dans un journal de l'époque, on dit que l'agent de l'immigration aurait répondu, « Je crois que vous allez vous rendre compte de votre erreur. » [xli]

Les communautés se sont également dotées de moyens pour punir les couples qui ne voulaient pas respecter cette barrière raciale. Lors des « charivaris » , c'est-à-dire des événements communautaires conçus pour imposer « des normes de comportement, des codes moraux et des coutumes maritales communautaires par le biais d'humiliations ou de punitions » , les futurs maris étaient torturés et parfois même assassinés pour prévenir un mariage inter-racial.[xlii]

Des efforts similaires ont été déployés pour décourager la formation de familles à l'intérieur de la population chinoise canadienne et pour prévenir les mariages entre hommes chinois et femmes blanches. La taxe d'entrée imposée aux immigrants chinois en 1886 a effectivement découragé les hommes chinois d'amener avec eux leurs épouses ou leurs futures épouses et prévenu l'immigration de femmes chinoises célibataires au Canada. En 1923, la Loi de l'immigration chinoise (la Loi d'exclusion) interdisait aux immigrants chinois d'entrer au Canada. Par conséquent, de nombreuses épouses et de nombreux enfants se sont trouvés dans l'incapacité de rejoindre leurs maris et leurs pères au Canada. Ces règlements visaient à prévenir l'établissement de colonies chinoises permanentes au Canada. Pour prévenir les mariages entre hommes chinois et femmes blanches, les législateurs de l'Ontario, du Manitoba, de la Saskatchewan et de la Colombie-Britannique ont adopté des lois aux termes desquelles il était illégal d'embaucher des femmes blanches dans des buanderies et des restaurants appartenant à des Chinois. Tous ces efforts visaient à empêcher les immigrants asiatiques de s'établir en permanence au Canada.[xliii]

Du début au milieu du 20e siècle, la question des mariages civils et des mariages religieux a soulevé beaucoup de litiges. Alors que trois provinces de l'ouest avaient adopté des dispositions à l'égard du mariage civil depuis un certain temps (C.-B., 1888; Territoires du Nord-Ouest, 1898; Manitoba, 1932)[xliv], l'Ontario n'a pas adopté de loi autorisant le mariage civil avant 1950; et les autres provinces ont attendu jusqu'aux années 1960 et 1970 pour adopter de telles lois (Québec, 1968; Nouvelle-Écosse, 1962; Nouveau-Brunswick, 1963; Î.P.-É., 1969; Terre-Neuve, 1974).[xlv]

B.      Lois sur la propriété

Les lois sur la propriété constituaient l'un des principaux mécanismes juridiques pour assurer la stabilité de la famille conjugale.[xlvi] Comme je l'ai déjà signalé, aux termes du régime de protection maritale, l'identité juridique d'une épouse était oblitérée au mariage et la femme était complètement sous le contrôle de son mari.[xlvii] Les femmes mariées étaient incapables de gérer les biens ou d'en disposer, ou de contrôler le salaire qu'elles pouvaient gagner. Une femme mariée ne perdait pas dans les faits la propriété de ses biens, mais « elle renonçait à son pouvoir de gérer les biens ou de recevoir les loyers ou les profits qui y étaient associés, pouvoir qui revenait de droit à son mari pendant le mariage. » [xlviii] Comme le signale Lori Chambers, « le mariage, pour les femmes, représentait leur mort civile. » [xlix] Donc, les femmes mariées devenaient complètement dépendantes de leurs maris, incapables de se sortir d'un mariage, même si celui-ci était abusif ou violent.[l]

Il n'est donc pas surprenant que le mouvement féministe qui s'organisait au Canada et à l'étranger ait choisi comme chevaux de bataille l'obtention du droit de vote et la réforme des lois sur la propriété pour les femmes mariées. Une réforme par étape des lois sur la propriété s'est opérée au cours du 19e siècle pour se terminer au début du 20e siècle. Ces réformes se sont imposées parce qu'il a bien fallu reconnaître que les femmes mariées étaient souvent en détresse et que les hommes profitaient d'elles. L'intention des législateurs et des réformateurs n'était pas d'encourager les femmes à laisser leur mari mais plutôt de les aider si leur mari ne s'acquittait pas de ses obligations de protection maritale, par exemple s'il les abandonnait.     « Lorsqu'un mari ne s'acquittait pas de ses obligations maritales, une femme mariée était autorisée à obtenir une protection équivalente d'un système juridique paternaliste. » [li] La réforme des lois sur la propriété s'inscrivait dans un mouvement de plus en plus important de reconnaissance du rôle des femmes comme mères et de la nécessité de les aider à assumer leur rôle maternel pour le mieux-être de leurs enfants et de la société en général.

Constance Backhouse identifie trois vagues de réforme pour les lois sur la propriété des femmes mariés dans le Canada anglais. La première phase, qui s'est déroulée pendant les années 1850 et au début des années 1860, visait à « offrir un soulagement provisoire aux familles en crise. » [lii] La deuxième vague de mesures législatives, mises en oeuvre partout au Canada entre 1851 et 1884, visait à étendre à toutes les femmes mariées les droits auparavant accordés seulement aux femmes abandonnées. Aux termes de ces lois, les biens d'une épouse lui appartenaient en propre et n'étaient donc pas susceptibles d'être saisis pour payer les dettes contractées par son mari. Cependant, cette loi ne donnait pas aux femmes « le pouvoir de disposer de leurs biens » . « L'intention était de protéger les biens contre un mauvais usage de la part du mari, car les biens ne pouvaient être saisis par le mari ou ses créanciers. Cette mesure avait pour objectif de sauver au moins certains des biens familiaux des créanciers en période de précarité économique. » [liii]

La troisième vague, qui s'est produite dans les années 1870 et 1880, faisait suite à l'adoption par l'Angleterre en 1870 de la première Married Women's Property Act. L'Ontario a adopté une loi similaire en 1872, loi qui permettait aux épouses de contrôler leurs propres     « salaires et gains personnels » et tout profit découlant d'une entreprise leur appartenant. Backhouse soutient que, dans une large mesure, cette loi visait « à régulariser les droits des créanciers, en assujettissant les femmes mariées aux lois sur la propriété applicables à quiconque. » [liv] Cette loi a été élargie aux termes de la Married Women's Property Act de 1884, qui « abolissait le rôle du mari comme fiduciaire des biens appartenant à sa femme. » [lv]

Malgré ces réformes juridiques importantes, les juges n'ont pas toujours appliqué les lois sur la propriété avec grand enthousiasme. Tout en étant sympathiques à la nécessité de protéger les femmes en détresse, ils éprouvaient des réserves considérables à l'égard de la question de l'indépendance financière des femmes. Comme Backhouse le signale, « Méprisant les objectifs législatifs et manifestement préoccupés par le danger que de telles mesures de réforme posait pour la famille canadienne, la majorité des juges ont délibérément mené une campagne en faveur de l'annulation de la loi. » [lvi]

Même si les lois n'allaient pas jusqu'à favoriser la « libération » de la femme, elles représentaient « un écart radical du concept de l'unité maritale au sens de la common law » et étaient donc « un symbole puissant de la citoyenneté des femmes mariées et une composante fondamentale de la réforme féministe à venir. » [lvii] Il faut toutefois signaler qu'étant donné que la plupart des biens appartenaient aux hommes, la majorité des femmes sont demeurées sans biens ni pouvoir économiques. De même, pour de nombreuses familles de la classe moyenne qui n'avaient aucun bien, les Lois n'étaient pas vraiment pertinentes. Comme Chambers le précise, « la Married Women's Property Act de 1884, qui accordait aux femmes mariées des droits sur leurs biens propres similaires aux droits dont jouissaient les hommes et les femmes célibataires, soit l'égalité juridique officielle, n'apportait aucune solution au déséquilibre fondamental du pouvoir économique à l'intérieur de la plupart des mariages ni ne démolissait la croyance sociale dans l'unité maritale, l'autorité de l'homme et l'obéissance de la femme, pour permettre d'atteindre une égalité plus significative entre les conjoints. » « Sans une reconnaissance juridique de la valeur économique du travail domestique, la plupart des femmes ne pouvaient se prévaloir des avantages liés à la propriété de biens. » [lviii]


C.      Le divorce

La question du divorce est fondamentale dans toute étude portant sur le mariage. Comme le signale Backhouse, « fait ironique, c'est en examinant les lois sur le divorce que l'on trouve les meilleures informations sur la manière dont les Canadiens du 19e siècle voyaient l'institution du mariage. » [lix] Les efforts pour restreindre l'accès au divorce en disent long sur les préoccupations sociales et politiques plus larges à l'égard de la fragilité de l'institution du mariage en soi. En examinant la question du divorce, nous devons nous rappeler que, indépendamment de l'accessibilité du divorce judiciaire ou parlementaire, les gens trouvaient toujours un moyen pour mettre un terme à leur mariage. À l'époque, comme aujourd'hui d'ailleurs, le divorce n'était pas l'unique moyen à la disposition des gens. L'histoire nous rapporte de nombreux cas de séparation (officieuse et officielle), d'abandon, de bigamie,[lx] de meurtre de conjoint et de suicide.[lxi]

Au Canada, les lois sur le divorce étaient fondées sur les lois et les pratiques juridiques britanniques et très influencées par celles-ci. Au Royaume-Uni, avant 1857, une personne désireuse d'obtenir un divorce devait demander au Parlement d'adopter une loi d'intérêt privé qui mettait un terme au mariage.[lxii] Une telle démarche était onéreuse, publique et demandait beaucoup de temps. Donc, l'adoption en Angleterre de la première loi sur le divorce en 1857 a été un fait marquant.[lxiii] Cette Loi fut l'aboutissement de trois siècles de pression pour obtenir une mesure législative. En termes simples, la loi de 1857 a transféré la compétence à l'égard du divorce du Parlement (qui avait le pouvoir d'adopter des lois d'intérêt privé pour les cas de divorce) à une cour spéciale (la Cour des divorces). Avec sa loi de 1857, le Royaume-Uni a codifié un sexisme explicite avec des conditions d'accès au divorce différentes pour les hommes et les femmes : en effet, les maris pouvaient obtenir le divorce en invoquant seulement l'adultère simple, tandis que les femmes devaient démontrer qu'il y avait eu adultère aggravé (c'est-à-dire, adultère combiné avec cruauté, bigamie, etc.). En Angleterre, la situation est demeurée telle jusqu'en 1923 (et jusqu'en 1925 au Canada).

Après l'adoption de la loi de 1857, on a exhorté les colonies britanniques à adopter leurs propres lois. C'est ce qu'ont fait les Antilles, l'Australie et la Nouvelle-Zélande, mais le Canada a attendu jusqu'en 1968 pour adopter une loi fédérale sur le divorce. Toutefois, les Canadiens avaient effectivement accès au divorce par d'autres moyens, selon leur lieu de résidence. Même si la compétence pour les questions liées au mariage et au divorce avait été confiée au gouvernement fédéral aux termes de l' Acte de l'Amérique du Nord britannique, l'article 29 de la Loi conférait aux provinces la compétence de facto à l'égard du divorce, car il stipulait le maintien des lois déjà en vigueur à la Confédération et des tribunaux ayant juridiction civile et criminelle. De même, les lois provinciales et territoriales existantes pouvaient continuer d'être appliquées après l'admission de tout nouveau territoire.[lxiv] Les trois provinces maritimes ont adopté des lois sur le divorce avant la Confédération (Nouvelle-Écosse, 1758; Nouveau-Brunswick, 1791; Î.P.-É., 1833)[lxv] et ces lois, ainsi que les cours des divorces établies pour les appliquer, sont demeurées en vigueur.[lxvi]

Les motifs invoqués pour le divorce dans les provinces maritimes varient légèrement, même s'ils sont tous fondés sur les délits conjugaux. L'adultère était un motif de divorce dans les trois provinces. De plus, le Nouveau-Brunswick et l'Î. P.-É. ajoutaient à ces motifs la frigidité et l'impotence, tandis que la Nouvelle-Écosse considérait la cruauté comme un délit conjugal. Il n'y avait pas de mesures sexistes dans ces lois : les hommes et les femmes avaient un accès égal à tous les motifs de divorce disponibles.

Lorsque la Colombie-Britannique s'est jointe à la Confédération en 1871, elle avait déjà ses propres cours habilitées à accorder des divorces. La loi de la Colombie-Britannique s'inspirait de la Loi de 1857 du Royaume-Uni, qui prévoyait des mesures sexistes. Ne disposant ni d'une loi ni d'un tribunal pour les cas de divorce, les résidents de l'Ontario, du Manitoba et des Territoires du Nord-Ouest devaient s'adresser au Parlement pour obtenir un divorce après la Confédération.[lxvii] Ce n'est qu'en 1930 que le divorce judiciaire a fait son apparition en Ontario.[lxviii] L'adoption de la Loi sur le divorce de l'Ontario a doté cette province d'une loi similaire à celles de l'Alberta, de la Colombie-Britannique, du Manitoba, des Territoires du Nord-Ouest, de la Saskatchewan et du Yukon. Jusqu'à l'adoption par le gouvernement fédéral de sa Loi sur le divorce en 1968, les résidents du Québec et de Terre-Neuve ne pouvaient obtenir un divorce que par une Loi d'intérêt privé du Parlement.[lxix]

Même si le divorce était accessible presque partout, il est demeuré plutôt rare pour une bonne partie du 20e siècle. En fait, on ne déployait pas vraiment d'effort pour réformer les lois sur le divorce au Canada, car on s'inquiétait beaucoup de la pathologie morale que représentait le divorce. Comme le précise James Snell, « Les États-Unis nous donnaient un exemple effrayant de l'immoralité qui sévissait, après toute une série de réformes des lois sur le divorce. Au Canada, par contre, le divorce était difficile à obtenir, et une « attitude saine » consistait à refuser les personnes divorcées dans les cercles sociaux. » [lxx] Pour les Canadiens, « le divorce était intolérable en raison du rôle crucial du mariage dans la structure familiale. Traiter le divorce comme une solution possible à un mariage malheureux venait non seulement ébranler le fondement de la structure familiale mais remettait en question la validité de la notion idéalisée de la famille. Le divorce était une menace car il attirait l'attention sur le fossé entre l'idéal de la famille conjugale et la réalité de la vie quotidienne. » [lxxi]

Tout au long de la période à l'étude dans la présente section, les Églises catholique et anglicane se sont toutes deux opposées fermement au divorce pour quelque motif que ce soit. (En fait, l'Église catholique continue encore de s'y opposer de nos jours). Même si d'autres « confessions importantes ont fait preuve d'une certaine souplesse » à l'égard de la question, elles n'ont pas réussi à influencer le cours des débats.[lxxii] Donc, « un sérieux débat sur le divorce et toutes les questions connexes a été étouffé dans l'oeuf par une réaction simpliste à l'appui de l'idéal dominant de la famille et du mariage et par les règles que cet idéal commandait dans la société canadienne. La plupart des Canadiens n'étaient pas prêts à se pencher sur les questions fondamentales associées au divorce, préférant s'accrocher fermement au rocher sûr et stable de l'idéal de la famille conjugale. » [lxxiii] Même les féministes ont arrêté de chercher à obtenir un meilleur accès au divorce. Comme en fait état Backhouse, les féministes ont plutôt choisi « d'exiger des relations plus justes au sein du mariage » ainsi que le retrait des conditions sexistes régissant l'accès au divorce.[lxxiv]

D.      Garde des enfants et droits de visite

Même s'il est clair que ce sont les adultes qui sont au centre de l'étude des rapports de nature personnelle entre adultes de la Commission du droit, nous ne pouvons laisser de côté le rôle que jouent les enfants dans les rapports entre adultes. En fait, l'un des principaux objets du mariage et du droit familial a toujours été de promouvoir et d'encourager la procréation au sein de la famille conjugale. Donc, il est impératif que nous tenions compte du sort réservé aux enfants tant à l'intérieur des familles « intactes » qu'après la dissolution du mariage de leurs parents.

Contrairement à la perception populaire de l'universalité de la « présomption maternelle » (c'est-à-dire que, tout bien considéré, on devrait accorder la garde des enfants à la mère parce que c'est elle qui est le plus apte à s'occuper des enfants), jusqu'à la fin du 19e siècle, les pères avaient en fait des droits pratiquement illimités à l'égard de la garde de leurs enfants mineurs légitimes. Aux termes de la Common Law britannique, la famille fonctionnait selon des normes hiérarchiques et patriarcales strictes. Tout comme les épouses n'avaient aucun droit juridique à l'égard de leurs biens ou de leur personne, les enfants appartenaient essentiellement à leurs pères, et pouvaient être protégés ou rejetés selon le bon vouloir de ce dernier. (Ils pouvaient par exemple être vendus, ou échangés pour travailler comme domestiques ou apprentis). Ces règles relatives à la garde agissaient comme un puissant moyen de dissuasion pour les femmes qui envisageaient de laisser le foyer conjugal, aussi insatisfaisants que pouvaient être leurs rapports matrimoniaux, car elles ne pouvaient ni avoir la garde de leurs enfants ni les visiter. Fait peu surprenant, les féministes du 19e siècle ont mené des campagnes vigoureuses pour obtenir des droits de garde et de visite en cas de dissolution du mariage. En fait, la réforme du droit familial a fait l'objet d'une campagne féministe importante à la fin du 19e siècle et au début du 20e siècle, tout comme les droits liés à la propriété et le droit de vote.[lxxv]

Le mouvement d'abandon des droits automatiques des pères à la garde s'est amorcé lentement pendant le 19e siècle, à cause des pressions exercées par les féministes et des énormes changements sociaux et économiques provoqués par l'industrialisation. Comme les notions d'instinct maternel et de division du travail selon le sexe ont commencé à devenir de plus en plus populaires au 19e siècle, et comme le taux de natalité à la baisse chez les femmes blanches de la classe moyenne,[lxxvi] ainsi que la santé et le bien-être des enfants du pays sont devenus une source de plus en plus grande de préoccupation, les arguments féministes appuyant le droit des femmes à la garde de leurs enfants ont commencé lentement à l'emporter.

Graduellement, tout au long du 19e et jusqu'au début du 20e siècle, des changements ont été apportés aux dispositions touchant la garde des enfants. Ce mouvement s'appuyait sur « la doctrine du bas âge » . On partait du principe que pour les enfants très jeunes, la présence aimante de la mère était ce qu'il y avait de mieux. Les nouvelles mesures législatives visaient au départ les enfants de moins de sept ans,[lxxvii] pour ensuite inclure les enfants d'au plus 12 ans, et pour finalement s'étendre jusqu'à l'âge de la majorité, rendant les droits de garde des mères égaux à ceux des pères.[lxxviii] En 1925, le principe de l'égalité juridique officielle entre les parents était appliqué dans les lois régissant la famille en Grande-Bretagne et en Amérique du Nord,[lxxix] principe qui s'applique toujours aujourd'hui dans les différends touchant la garde et la visite des enfants.

Les changements apportés aux mesures législatives régissant la garde des enfants ne se voulaient pas un moyen de reconnaître les droits des femmes. Ils reflétaient plutôt le consensus social selon lequel les enfants avaient besoin des soins et de la protection que seules leurs mères pouvaient leur donner. Comme je le montrerai dans la section suivante, ce ne sont pas toutes les mères qui étaient jugées aptes à offrir une telle protection.

E.      Le traitement des mères seules et des enfants illégitimes

Comme je l'ai déjà signalé, le mariage, tout au long de l'histoire, a eu pour objectif fondamental de fournir un cadre juridique et religieux pour soutenir la reproduction et le soin des enfants. Jusqu'à récemment, la seule unité socialement et juridiquement sanctionnée pour la procréation était la famille nucléaire hétérosexuelle résultant d'un mariage légitime. Différents types de soutiens étaient offerts aux familles et à leurs enfants, que l'on pense au soutien religieux (l'église accueillait les enfants dans la communauté de Dieu grâce à des sacrements comme le baptême) ou au soutien offert par les lois sur l'héritage. Ces soutiens étaient liés de manière inextricable au statut légitime des enfants, statut que seul le mariage pouvait garantir.

Comme je le montrerai dans la présente section du document, les politiques législatives et sociales n'offraient que peu d'aide financière aux mères seules, de crainte qu'une telle aide ne soit perçue comme un encouragement à divorcer ou à avoir des enfants « hors mariage » . De plus, des sanctions sévères attendaient ceux qui osaient rejeter le mariage et la famille biparentale. Leurs enfants étaient jugés illégitimes et étaient montrés du doigt par la communauté; même la terminologie utilisée pour définir ces enfants (bâtards) était conçue pour décourager les grossesses et les naissances hors mariage. Comme l'avortement et le contrôle des naissances étaient illégaux aux termes du Code criminel de 1892, de telles sanctions décourageaient fortement les rapports sexuels en dehors du mariage.

Une méthode pour appuyer la norme sociale de la procréation au sein de l'unité conjugale consistait à établir une distinction nette entre les « bonnes » et les « mauvaises » mères seules. Une mère devenue monoparentale à la suite du décès de son mari était jugée comme méritant le soutien de l'État. Les femmes qui devenaient monoparentales à la suite d'un divorce ou parce qu'elles avaient abandonné le foyer conjugal, ou encore parce qu'elles étaient tombées enceintes sans être mariées, étaient inadmissibles à toute forme de soutien social ou financier.

Même s'il y a toujours eu des mères seules, parce que veuves, épouses abandonnées ou mères célibataires, leur nombre a augmenté pendant la Première guerre mondiale. Il fallait avoir pitié des veuves des soldats morts au champ d'honneur et les fonctionnaires de la nouvelle bureaucratie d'après-guerre leur accordaient un soutien (même si parfois à contre-coeur). Les mouvements féministes avaient exercé des pressions pendant des décennies pour obtenir des pensions pour les mères, mais leurs efforts n'ont été finalement récompensés que dans les années vingt avec l'adoption de mesures législatives sur les allocations maternelles partout au pays. Ces mesures prévoyaient un tout petit soutien financier, moyennant le respect de critères d'admissibilité très restrictifs (soutien offert au départ uniquement aux veuves et non aux femmes abandonnées, divorcées ou mères célibataires). On passait au crible la moralité des bénéficiaires en les encourageant activement à se remarier dès que possible pour donner un foyer « normal » à leurs enfants.[lxxx]

Dans un article paru récemment, Lori Chambers soutient qu'en Ontario « l'État récompensait les gens qui se conformaient au lieu de punir explicitement la cohabitation non maritale. » [lxxxi] Donc, en 1921, par exemple, l'Ontario a adopté la Loi sur la légitimation aux termes de laquelle l'enfant devenait automatiquement légitime au mariage de ses parents. Lorsque le mariage n'était pas possible, les agences de services sociaux encourageaient les femmes à donner leurs enfants en adoption, plutôt qu'à les élever toutes seules. Ces deux mécanismes étaient conçus pour encourager le mariage, la reproduction et la garde des enfants au sein de l'unité conjugale hétérosexuelle.[lxxxii]

F.      Autres politiques appuyant la famille conjugale

De nombreuses autres politiques et lois ont été mises en oeuvre pour appuyer la famille conjugale en plus de celles dont j'ai déjà parlé. Par exemple, en réponse aux pressions exercées par les groupes de femmes de la classe moyenne, les gouvernements ont institué des mesures pour importer des domestiques de l'étranger et donner aux « filles » canadiennes de la classe ouvrière une formation en économie domestique. De cette manière, les programmes gouvernementaux ont permis aux femmes de la classe moyenne d'embaucher une servante pour les aider à assumer leurs responsabilités liées à l'entretien et au soin des enfants. Sauf pendant les deux Guerres mondiales, époques où les femmes ont dû remplacer les hommes partis à la guerre, on décourageait les femmes mariées (quand on ne leur interdisait pas) de faire partie de la population active rémunérée. Des limites strictes étaient imposées à l'égard de l'emploi rémunéré des femmes et en particulier des femmes mariées. L'expansion rapide de la fonction publique fédérale pendant les deux premières décennies du 20e siècle, et l'influx de jeunes employées de bureau ont été une source de préoccupation pour les bureaucrates masculins, qui craignaient que la présence des femmes « ne décourage les brillants jeunes hommes de faire carrière au gouvernement. » En 1921, suite à une série de restrictions imposées pour l'emploi des femmes, « les femmes étaient pratiquement exclues de tous les postes permanents dans la fonction publique fédérale. » Les fonctionnaires féminins qui se mariaient devaient immédiatement donner leur démission. Des règles similaires étaient appliquées aux enseignantes de l'élémentaire et du secondaire.[lxxxiii] Même si l'on n'est jamais allé jusqu'à adopter une loi interdisant aux femmes mariées d'occuper un emploi, une telle loi a été proposée à l'assemblée législative du Québec pendant la Dépression, parce que les femmes mariées faisaient augmenter le taux de chômage.[lxxxiv] Les politiques d'immigration ont encouragé l'immigration de familles conjugales dans le cadre de programmes de parrainage qui permettaient aux pourvoyeurs masculins de venir accompagnés de leurs épouses (et de leurs enfants).[lxxxv]

De plus, tout au long du 20e siècle, une foule de politiques de prestations ont été adoptées qui étaient reliées à la famille conjugale hétérosexuelle. Certaines, comme la loi fédérale de l'impôt sur le revenu, adoptée pour la première fois en 1917, prévoyaient une exonération fiscale pour les couples mariés qui était le double de l'exonération applicable aux célibataires.[lxxxvi] D'autres comme le Régime de pensions du Canada et le programme de la sécurité de la vieillesse prévoyaient des allocations au conjoint. Malgré les changements radicaux qui se sont opérés au niveau social et familial au cours du 20e siècle, un grand nombre de ces dispositions sont toujours appliquées dans des secteurs aussi variés que l'impôt, les pensions et la propriété.

III.    Un profond changement : de 1968 à 2000

Même si le mariage et la famille sont en constante évolution, le rythme de ce changement s'est beaucoup accéléré depuis les années soixante. Comme le mentionne Jillian Oderkirk, « Des débuts de la colonie jusqu'aux années soixante, la plupart des Canadiens voyaient le mariage comme un engagement à vie, et comme la seule façon pour un couple de vivre ensemble et d'élever une famille. Au cours des vingt-cinq dernières années, toutefois, les attitudes à l'égard du mariage ont changé profondément. Le mariage n'est plus nécessairement un engagement pour la vie, car une forte minorité des couples divorcent de nos jours. » [lxxxvii] Ces changements sont tout particulièrement évidents dans le domaine du droit familial. Comme Julian et Marilyn Payne le soulignent : « On peut dire sans risquer de se tromper qu'aucun autre domaine du droit n'a connu des changements aussi radicaux. » [lxxxviii]

   Au Canada, dans les années soixante, des changements importants ont commencé à s'opérer dans la situation des femmes au sein du mariage et de la famille. L'ampleur du mouvement des femmes dans les années soixante et soixante-dix a donné la force nécessaire au lobbying exercé pour obtenir des changements juridiques au statut de subalterne que conférait le mariage aux femmes. La légalisation du contrôle des naissances et de l'avortement, l'augmentation de l'indépendance économique des femmes attribuable à leur accession rapide à la population active, et l'adoption de mesures législatives libéralisées pour le divorce comptent parmi les principaux développements sociaux, juridiques et politiques des quatre dernières décennies. Chacun d'eux a eu des répercussions importantes sur l'institution du mariage. La pilule contraceptive et la légalisation du contrôle des naissances et de l'avortement, par exemple, ont doté les femmes, pour la première fois dans l'histoire, de moyens leur permettant d'exercer un contrôle sur leur fertilité, de déterminer à quel moment elles auraient des enfants et de choisir d'en avoir ou non. L'acquisition de cette liberté à l'égard de la reproduction a eu deux répercussions majeures : les femmes ont commencé à avoir moins d'enfants et elles ont pu envisager la possibilité de dissocier l'activité sexuelle hétérosexuelle de la grossesse. Ces nouveautés, conjuguées avec la libéralisation du divorce, ont donné aux femmes beaucoup plus d'options quant à la manière de mener leur vie.

La présente section du document portera sur les changements qui ont eu lieu dans les secteurs suivants : le mariage (dont les unions libres et les unions homosexuelles); les lois sur les biens; le divorce; la garde et la visite des enfants; et le traitement des mères seules et des enfants illégitimes.


A.      Le mariage et les unions libres

Au cours des trente dernières années, le Canada a été le témoin d'une diversité de plus en plus grande dans les rapports familiaux. L'augmentation fulgurante du nombre d'unions libres, tant hétérosexuelles qu'homosexuelles, et l'augmentation marquée du nombre d'enfants issus de femmes seules et de couples hétérosexuels et homosexuels en union libre ne constituent que deux exemples des changements intervenus.

1. Le mariage

a) Changements démographiques

Le mariage et la famille ont été touchés par des changements démographiques formidables au cours des trois décennies qui ont suivi l'adoption de la Loi sur le divorce en 1968. Comme le taux de divorce a augmenté, les remariages sont devenus de plus en plus populaires. Dans les années 50 et 60, 90 p. cent des mariages étaient entre célibataires, tandis que moins de 10 p. cent touchaient des personnes veuves ou divorcées. En 1991, seulement 75 p. cent des mariages étaient entre célibataires; environ 20 p. cent des nouveaux mariés étant divorcés. Parmi les autres changements démographiques, notons les suivants :[lxxxix] un déclin dans la durée moyenne du mariage; une augmentation du nombre de familles à double revenu; une augmentation de l'espérance de vie, ce qui a pour effet de prolonger de beaucoup la période pendant laquelle les couples mariés se retrouvent seuls une fois les enfants partis de la maison;[xc] des familles plus petites;[xci] et une augmentation du nombre et du pourcentage d'unions libres.[xcii]

b) Changements juridiques

En 1990, le Parlement a adopté la Loi sur le mariage (degrés prohibés),[xciii] selon laquelle « est prohibé le mariage entre personnes ayant des liens de parenté en ligne directe, par consanguinité ou adoption; en ligne collatérale, par consanguinité, s'il s'agit de frère et soeur ou de demi-frère et demi-soeur; ou en ligne collatérale, par adoption, s'il s'agit de frère et soeur. Les autres personnes ayant des liens de parenté, comme un oncle et une nièce, ou un beau-père dont le mariage s'est terminé par le décès de sa conjointe ou le divorce et sa belle-fille, sont maintenant libres de se marier. » [xciv] Sauf pour les degrés prohibés énumérés dans la Loi de 1990, la common law a préséance (sauf au Québec où le Code civil s'applique). La professeure de droit Martha Bailey décrit la Loi de 1990 comme « un exemple du retrait explicite des valeurs religieuses de la législation matrimoniale, » [xcv] puisque la plupart des interdictions qui ont été abolies avaient leurs racines dans les traditions et lois religieuses.

2. Les unions libres

Dans les années 80 et 90, les unions libres ou de fait sont devenues une « question sociale » et un fait démographique qui a pris rapidement de l'expansion. Cela s'est produit en partie parce que les questionnaires de recensement de 1981 et 1986 ont été les premiers à faire une place aux unions libres.[xcvi] Les personnes qui vivaient en union libre étaient auparavant inscrites comme vivant avec des personnes non apparentées. Dans les questionnaires des recensements de 1981 et 1986, ces réponses ont été intégrées au nombre total de couples mariés. L'Enquête sur la famille de 1984, envoyée à 14 000 répondants, est allée plus loin que le recensement, demandant des renseignements sur les unions maritales précédentes et actuelles (dont les unions libres).[xcvii] Les données de l'enquête de 1984 révèlent que « 16,5 p. cent des Canadiens adultes âgés de 18 à 65 ans avaient à un moment ou l'autre de leur vie vécu en union libre. » Ce pourcentage passait à 22 p. cent lorsque l'on tenait compte de la population âgée de 20 à 24 ans.[xcviii] En 1991, pour la première fois, les unions libres ont été comptées séparément. Cette année-là, 1 534 000 unions libres ont été signalées.[xcix] En 1995, Statistique Canada rapportait que 2 millions de personnes vivaient en union libre, soit un couple canadien sur sept.[c]

Les données varient toutefois beaucoup d'une province à l'autre. Dans un article paru en 1988, on indiquait que le taux de cohabitation au Québec était de 15,5 p. cent, taux le plus élevé au Canada.[ci] En 1991, ce chiffre était passé à 19 p. cent de tous les couples québécois, « plus du double de la proportion dans toutes les autres provinces combinées. » [cii] En 1996, l'Institut Vanier a indiqué que le Québec continuait d'avoir la proportion la plus élevée de couples vivant en union libre avec ses 24 p. cent.[ciii]

Il est important de se rappeler que ces chiffres représentent un profond changement dans les rapports intimes. Même si les couples mariés sont encore en majorité, ils sont maintenant rejoints par un nombre important de couples hétérosexuels en union libre. Même si les gens ne partagent pas tous le même enthousiasme à leur égard, les unions libres sont de plus en plus acceptées, et nous sommes loin des attitudes négatives des années cinquante à l'endroit des « accotés » . De plus, l'augmentation du nombre de couples en union libre s'est accompagnée de plusieurs changements juridiques et de l'élimination graduelle de la plupart des distinctions entre les couples mariés et les couples en union libre.[civ]

3.        Les unions homosexuelles

Comme Statistique Canada n'a pas jusqu'ici inclus les unions homosexuelles dans le questionnaire du recensement, nous ne pouvons dénombrer avec exactitude le nombre de couples homosexuels (hommes et femmes) au Canada. Les estimations varient énormément. Toutefois, que les couples homosexuels représentent 10 ou 3 p. cent des couples au Canada, leur nombre est clairement trop important pour que nous n'en tenions aucun compte.[cv] Même si les couples homosexuels seront inclus pour la première fois dans le questionnaire du recensement de 2001, il faudra attendre un certain temps avant de disposer d'un dénombrement exact de ces couples. Malgré cette omission, les tribunaux ont été saisis d'un grand nombre d'affaires au cours des deux dernières décennies, surtout depuis l'entrée en vigueur de la Charte.[cvi] Un certain nombre de ces affaires portaient sur l'exclusion des couples homosexuels du mariage. Le Code civil du Québec restreint expressément le mariage aux couples de sexe opposé.[cvii] Partout ailleurs, la définition de longue date de la common law a préséance, c'est-à-dire « l'union d'un homme et d'une femme à l'exclusion de toute autre personne. » [cviii]

Dans un certain nombre d'affaires portant sur des couples homosexuels, les juges citent l'objectif de procréation du mariage comme principale raison pour refuser aux couples homosexuels le droit de se marier.[cix] Comme un nombre croissant de familles homosexuelles ont des enfants (adoptés, eus par insémination artificielle par donneur, ou issus d'un mariage hétérosexuel précédent), cet argument devient de plus en plus difficile à soutenir. Une source largement citée estime le nombre de parents homosexuels comme suit : « Les meilleures estimations que nous avons aujourd'hui nous permettent de dire qu'il y a entre 3 et 8 millions de parents homosexuels aux États-Unis, qui élèvent entre 6 et 14 millions d'enfants. » [cx] Les chercheurs canadiens ont établi que les proportions seraient similaires au Canada.[cxi]

Le mariage homosexuel pose des dilemmes pour les principales confessions religieuses. L'Église unie du Canada, tout en affirmant la dignité de tous les êtres humains indépendamment de leur orientation sexuelle, a de la difficulté à accepter le mariage entre personnes du même sexe.[cxii] En 1997, l'Église unie a voté pour inclure une liturgie pour les cérémonies d'unions homosexuelles dans son livret de services religieux, liturgie que les ministres pourront utiliser à leur discrétion.[cxiii] L'Église anglicane du Canada se porte également à la défense de la dignité de tous les êtres humains, mais considère que l'activité sexuelle homosexuelle est inacceptable, et donc ne pardonne pas le mariage entre personnes du même sexe. Le Judaïsme conservateur établit la même distinction. L'Église catholique et l'Église anglicane exigent toutes deux le célibat des homosexuels.[cxiv] Les lesbiennes et les homosexuels appartenant aux principales confessions religieuses continuent toutefois d'exercer des pressions pour obtenir la reconnaissance juridique et religieuse du mariage entre personnes du même sexe.

B.      Les biens

Malgré les réformes qui ont eu cours à la fin du 19e et au début du 20e siècles, il y a encore aujourd'hui des injustices dans le partage des biens matrimoniaux. Alors que les réformes ont donné aux femmes mariées le droit de gérer leurs propres biens et gains et d'en disposer à leur guise, tout comme les hommes mariés ou les femmes célibataires, le régime de la « séparation des biens » ne donnait aucun moyen d'évaluation et d'estimation de la valeur du soin des enfants, du travail domestique ou du travail non rémunéré dans une entreprise familiale comme une ferme ou une ferme d'élevage. Dans les années 70, Irene Murdoch a découvert cette dure réalité lorsqu'elle a demandé une compensation adéquate pour sa part de la ferme d'élevage au moment de la dissolution de son mariage. Le juge de première instance a établi que Madame Murdoch n'avait pas droit à une part de « la propriété de son mari » parce que « ce que la partie appelante avait fait, pendant la période de vie commune avec le répondant, était le travail effectué par toute épouse de fermier. » Aux termes des lois existantes, le travail de Madame Murdoch, qui comprenait « faire la corvée des foins, râteler, faucher, déplacer des objets, conduire camions, tracteurs et chevaux, calmer les chevaux, conduire le bétail et le ramener à la réserve, écorner, vacciner, marquer le bétail, » ainsi que la gestion de la ferme cinq mois par année lorsque son mari s'absentait, ne lui donnait pas droit à une part de la propriété qui était inscrite au seul nom de son mari. La Cour suprême a accepté ce raisonnement et la demande de Madame Murdoch a été rejetée.[cxv]

L'affaire Murdoch a donné un second souffle aux féministes qui exerçaient des pressions pour obtenir une réforme des lois sur la propriété pour les femmes mariées et les femmes vivant en union libre. L'ère qui a suivi l'affaire Murdoch a été marquée par une reconnaissance accrue des contributions des femmes au foyer et des désavantages qui ont été leur lot au niveau des finances et de l'emploi. [Pour en savoir plus long, voir la section portant sur le soutien sous Divorce, un peu plus loin.] Même si la loi prévoit maintenant le partage des biens matrimoniaux dans toutes les provinces et territoires du Canada, elle ne s'applique qu'aux couples mariés. Les couples qui vivent en union libre, hétérosexuels ou homosexuels, doivent s'en remettre à la doctrine du common law sur l'enrichissement injustifié ou aux dispositions du Code civil portant sur les partenariats, les contrats et l'enrichissement injustifié pour régler les différends liés à la propriété.

C.      Le divorce

Même si de nombreux facteurs ont contribué à l'accroissement de la diversité des rapports et des formes familiales, on peut soutenir que le facteur le plus important a sans doute été la disponibilité étendue du divorce. Dans un récent ouvrage sur le divorce, Karla Hackstaff soutient que le divorce touche non seulement les divorcés eux-mêmes mais tous les membres de la société, car il change la façon dont les gens voient le mariage. Qualifiant ce changement de « culture du divorce » , Hackstaff soutient que cette culture s'appuie sur trois croyances fondamentales : « le mariage est une option, le mariage est contingent, et le divorce est une solution. » [cxvi] On ne parle pas ici que du nombre de divorces mais bien « des différentes significations » [cxvii] qu'on peut donner à ce mot. Les gens constatent maintenant que le mariage monogame à vie n'est pas la seule option. Il s'agit là d'un changement remarquable qui s'est opéré dans une période relativement courte. Nous ne devons pas oublier que l'histoire nous a donné un nombre impressionnant d'exemples de personnes qui ont laissé derrière eux un mariage malheureux, violent ou sans amour, même lorsque la loi semblait rendre la chose impossible. Bien trop souvent, l'absence de mesures législatives régissant le divorce a donné lieu à l'abandon plutôt qu'à des mariages plus stables, comme l'avaient voulu les législateurs. De nombreux maris ont laissé leur épouse et leurs enfants dans le besoin et la loi a refusé à ces femmes abandonnées la capacité de se remarier. Au milieu des années 60, avant l'adoption de la Loi sur le divorce, on estimait qu'il y avait environ 60 000 personnes abandonnées au Canada, nombre d'entre elles étant des femmes, qui étaient incapables d'obtenir un divorce. Par conséquent, le nombre d'unions libres au Canada a augmenté, et les enfants nés de ces unions étaient jugés illégitimes.[cxviii] Nous ne devrions donc pas surestimer le pouvoir coercitif de la loi et sa capacité de contrôler et d'interdire les abandons de foyers conjugaux.[cxix]

1.        Changements législatifs

Comme je l'ai déjà signalé, la réforme du divorce a mis beaucoup de temps à arriver au Canada. La Loi sur le divorce de 1968,[cxx] premier projet de loi sur le divorce au Canada, a abrogé toutes les lois provinciales antérieures sur la question. La réforme était l'aboutissement d'années de pressions exercées par divers éléments, dont la communauté juridique, les chefs religieux et les activistes du mouvement féministe naissant. Ce n'est qu'après l'adoption de la Loi que le divorce est devenu facilement accessible dans toutes les provinces du Canada. Le changement le plus important figurait à l'article 4 de la Loi, où l'échec du mariage était ajouté à la liste des motifs justifiant le divorce. On y énumérait plusieurs moyens de démontrer l'échec permanent d'un mariage : consommation abusive d'alcool et de stupéfiants; disparition depuis trois ans; non-consommation du mariage; séparation et abandon. Un conjoint abandonné pouvait demander le divorce après trois ans; le conjoint qui quittait le foyer devait pour sa part attendre cinq ans. À l'article 3 de la Loi étaient toujours énoncés les délits matrimoniaux : adultère, sodomie, bestialité, viol, acte(s) d'homosexualité, bigamie, cruauté physique ou mentale.

Même si la Loi représentait une percée décisive, elle n'a pas permis de régler tous les problèmes et de nombreux organismes dont la Commission royale d'enquête sur la situation de la femme et la Commission de réforme du droit du Canada ont recommandé des réformes substantielles à la Loi sur le divorce[cxxi]. De nombreuses personnes ont avancé que l'échec du mariage devait être le seul motif du divorce. Les réformes ont été présentées dans la Loi sur le divorce de 1985.[cxxii] Aux termes de la nouvelle Loi, l'échec du mariage devenait le seul motif du divorce. Un requérant pouvait prouver l'échec du mariage en invoquant seulement deux motifs : une séparation d'au moins un an ou un délit matrimonial (l'adultère ou la cruauté physique ou mentale). Par la suite, la grande majorité des divorces ont été obtenus en invoquant seulement une séparation d'au moins un an.[cxxiii]

2.        Soutien et mesures de redressement provisoires

Pour la première fois, la Loi sur le divorce de 1968 établissait des critères nationaux pour les « mesures de redressement provisoires » y compris le soutien du conjoint et des enfants lorsque ceux-ci étaient visés par le divorce. Les questions de soutien ou de garde survenant au cours des procédures de divorce relevaient de la compétence fédérale; si ces questions étaient distinctes ou indépendantes du divorce, elles relevaient alors de la compétence provinciale.

En 1992, une affaire a porté sur les contributions non monétaires des épouses à l'économie familiale et sur le désavantage économique dont souffrent souvent les femmes en raison de toutes les années consacrées à l'éducation des enfants.[cxxiv] Madame Moge a demandé une modification à l'ordonnance alimentaire fondée sur la présomption de sa capacité d'assumer son indépendance financière. Se prononçant pour la majorité dans l'affaire, la juge L'Heureux-Dubé a fait l'observation suivante :

Attribuer un rôle prédominant à l'indépendance économique serait incompatible non seulement avec les principes d'interprétation législative, mais aussi avec le contexte social dans lequel s'inscrivent les ordonnances alimentaires. Il n'y a pas de doute que le divorce et ses répercussions économiques jouent un rôle dans la féminisation de la pauvreté au Canada. Dans la plupart des mariages, c'est l'épouse qui est la partie économiquement désavantagée.[cxxv]

La juge L'Heureux-Dubé a explicitement rejeté le critère établi, énoncé dans la trilogie de soutien de 1987,[cxxvi] un critère qui insistait sur l'indépendance économique et un divorce net.

3.        Taux de divorce

Fait peu surprenant, les taux de divorce au Canada ont accusé une forte hausse à la suite de l'adoption de la Loi sur le divorce de 1968.[cxxvii] Une augmentation encore plus sensible a été enregistrée à la suite de l'adoption de la Loi de 1985. Les analystes attribuent l'incroyable augmentation qui a suivi l'adoption de la loi de 1985 au fait que les gens attendaient l'entrée en vigueur des nouvelles règles pour divorcer. Le nombre de divorces a atteint des sommets jamais égalés en 1987, avec 96 200 divorces, nombre qui a diminué depuis lors.[cxxviii] Ce déclin est attribuable au taux de mariage plus bas, à l'augmentation du nombre de séparations juridiques, et à la plus grande popularité des unions libres. Aujourd'hui, on estime qu'un mariage sur trois au Canada se termine par un divorce.[cxxix] Aux États-Unis, c'est plutôt un mariage sur deux qui connaît un tel dénouement.

4.        Le divorce et les principales confessions religieuses

Depuis les années 60, les principales confessions religieuses du Canada accordent plus facilement des dissolutions de mariage. L'Église unie du Canada a été la première confession à faire campagne en faveur des réformes aux lois sur le divorce : en 1966, cette Église a exhorté le gouvernement à reconnaître que l'échec du mariage était un motif suffisant de divorce.[cxxx] Lors de la Conférence générale de 1968, les chefs de l'Église ont reconnu le droit au divorce et au remariage. L'Église catholique et l'Église anglicane ont également commencé à instituer des réformes pendant la même période. Le deuxième concile du Vatican (de 1962 à 1965), par exemple, a approuvé des changements qui allaient faciliter l'accès à l'annulation du mariage (seule méthode de dissolution du mariage acceptée à part le décès de l'un des conjoints). À la suite de Vatican II, le nombre d'annulations a augmenté et les mariages mixtes (entre Catholiques et Non-Catholiques) ainsi que les remariages sont devenus moins scandaleux.[cxxxi] La position de l'Église anglicane sur le divorce a commencé à changer à la suite du Congrès anglican mondial qui a eu lieu à Toronto en 1963. À la suite de l'adoption de la Loi sur le divorce en 1968, l'Église a assoupli ses interdictions face au divorce et au remariage.[cxxxii] Finalement, les Juifs, orthodoxes comme réformés, ont revu leurs politiques sur le mariage et le divorce. Les féministes juives ont exercé des pressions pour que soient acceptées les demandes de divorce émanant des femmes, même dans la communauté orthodoxe. Le droit civil peut maintenant être invoqué si le mari refuse d'autoriser le bref de divorce exigé par la religion juive.[cxxxiii]

D.      Garde des enfants, droits de visite et pensions alimentaires

Contrairement au Royaume-Uni, où la situation parentale est explicitement reliée au mariage,[cxxxiv] la situation parentale et l'état matrimonial sont bien distincts au Canada. Les questions reliées à la garde des enfants, aux droits de visite et aux pensions alimentaires sont comprises dans les procédures de divorce si elles sont soulevées au moment du divorce; autrement, ces questions relèvent de la compétence provinciale.

Au cours de la dernière décennie, un certain nombre de changements ont été enregistrés dans le domaine de la garde des enfants, des droits de visite et des pensions alimentaires. La mise en oeuvre de directives fédérales sur les pensions alimentaires pour enfants, le retrait de l'impôt sur le revenu dans le cas des versements pour le soutien d'un enfant, et le Rapport du comité mixte du Sénat et de la Chambre des communes sur la garde des enfants et les droits de visite sont trois de ces changements

E.      Le traitement des mères seules et des enfants illégitimes

Au cours des années 70 et 80, de nombreuses provinces canadiennes ont adopté des lois pour abolir la distinction entre les enfants nés d'un mariage et ceux nés hors mariage. Le paragraphe 1(4) de la Loi portant réforme du droit de l'enfance (1978) de l'Ontario, par exemple, se lit comme suit : « La distinction faite par la common law entre le statut des enfants nés d'un mariage et celui des enfants nés hors mariage est abolie. Aux fins de la common law, la filiation et les autres liens de parenté qui en découlent sont établis conformément au présent article."[cxxxv] L'Alberta, Terre-Neuve, la Nouvelle-Écosse et la Saskatchewan ont retenu la distinction entre enfants légitimes et illégitimes. L'Alberta est la seule province dont la loi portant sur les pensions alimentaires pour enfants exclut les enfants illégitimes.

En 1994, Statistique Canada a signalé que la proportion de naissances hors mariage était six fois plus élevée qu'en 1961. Cette augmentation est attribuable en grande partie à l'émergence des unions libres comme autre option que le mariage. C'est au Québec que la proportion des naissances hors mariage est de loin la plus élevée. Ce n'est bien sûr pas surprenant, car c'est au Québec que l'on retrouve le plus grand nombre de couples en union libre.[cxxxvi] Comme les unions libres sont de plus en plus populaires, elles sont beaucoup moins stigmatisées, de même que les naissances hors mariage. Il s'agit sans doute d'un changement heureux pour les enfants nés de ces unions.

III.    2001 et les années à venir

On peut dire sans risquer de se tromper que l'histoire et l'évolution du mariage et de la famille sont marquées par « le changement et la continuité » .[cxxxvii] Les gens disposent de plus en plus de choix pour organiser leur vie personnelle. Aujourd'hui, la famille nucléaire avec un pourvoyeur masculin n'est plus la norme, elle a été supplantée par la famille à double revenu et un nombre croissant de familles monoparentales. Il demeure que de nombreuses politiques sont encore fondées sur ce modèle, comme s'il s'agissait du seul modèle légitime. Une myriade de lois et de politiques sont encore liées au mariage et aux rapports de nature personnelle entre adultes. Il existe plus de 1 800 dispositions législatives fédérales dans lesquelles on aborde les rapports de nature personnelle entre adultes (sans compter la Loi de l'impôt sur le revenu). La Loi sur la modernisation de certains régimes d'avantages et d'obligations identifie plus de 60 lois dans lesquelles des termes comme mari, femme et mariage sont utilisés.

L'histoire nous a démontré que malgré les efforts de l'État pour contrôler et réglementer le mariage et la famille, un grand nombre de personnes ont choisi, pour toute une gamme de raisons, de vivre autrement que dans une famille nucléaire hétérosexuelle. Malgré l'absence de lois sur le divorce avant 1968, un grand nombre d'hommes et de femmes ont laissé des mariages malheureux, pour vivre d'autres formes d'unions, illégales celles-là. Faisant fi de la désapprobation de la collectivité, de la discrimination et des moyens législatifs de dissuasion, des personnes de races différentes se sont mariées et ont élevé leurs enfants. Les lesbiennes et les homosexuels vivent des unions à long terme, un grand nombre d'entre eux ont des enfants, malgré l'absence de soutien social et de protections juridiques. Tous ces gens ont trouvé amour et soutien au sein de familles qui par le passé n'étaient pas vraiment reconnues. Toutefois, comme mes travaux de recherche m'ont permis de le constater, au cours des trois dernières décennies, les lois se sont lentement adaptées à ces réalités démographiques. De plus en plus, la loi aide et appuie les personnes dans leurs rapports de nature personnelle ou lorsqu'elles décident de mettre un terme à de tels rapports. Ces changements législatifs, loin d'être la cause du démantèlement de la famille, ont en fait favorisé la formation de milliers et de milliers de familles canadiennes.

En dépit des changements énormes dont fait état le présent rapport, la continuité est demeurée un thème. La plupart des Canadiens continuent de se marier et pratiquement tout le monde vit dans une forme de famille quelconque. Ces faits sont la preuve que la famille et les rapports de nature personnelle continuent d'occuper des places importantes dans la vie des gens. De plus, lorsque nous posons sur ces changements un regard neutre, nous constatons qu'indépendamment de la situation matrimoniale ou du sexe des partenaires, les formes réelles de ces rapports individuels sont remarquablement similaires. Malgré les préoccupations morales et religieuses des années 60 et 70, par exemple, les unions libres hétérosexuelles ressemblent de plus en plus à des mariages hétérosexuels, ce qui témoigne d'un degré d'engagement et de longévité auquel les commentateurs sociaux des décennies précédentes étaient loin de s'attendre. Même s'il semble encore aujourd'hui que de tels rapports soient moins stables que les mariages hétérosexuels, il est clair qu'il ne s'agit pas non plus de simples « liaisons » temporaires.[cxxxviii] Un grand nombre de couples en union libre aujourd'hui élèvent des enfants et s'occupent l'un de l'autre en cas de maladie et de difficultés personnelles, souvent jusqu'à un âge avancé voire même jusqu'à la mort. En reconnaissance de ces tendances sociales en évolution, au cours des deux dernières décennies, les tribunaux et les législatures ont aboli un grand nombre de distinctions juridiques entre les couples mariés et les couples en union libre (partenaires de même sexe ou de sexes opposés). De plus, les preuves sont là pour démontrer que les couples de lesbiennes et d'homosexuels tendent de plus en plus à avoir des enfants, issus d'unions hétérosexuelles antérieures, ou grâce à l'adoption ou à l'insémination par donneur. Même si nous ne disposons pas encore de statistiques, il semble que les unions de lesbiennes et d'homosexuels soient marquées d'une longévité, d'une stabilité, d'un engagement et d'un dévouement qui soutiennent bien la comparaison avec les unions libres hétérosexuelles. C'est là une constatation importante étant donné la discrimination et l'absence de soutiens sociaux et financiers avec lesquelles doivent composer ces familles.

En somme, malgré les énormes changements sociaux, juridiques et politiques dont j'ai parlé dans le présent rapport, la plupart des Canadiens continuent de vivre en famille. La plupart des Canadiens se marient et un nombre croissant de ceux qui n'étaient pas habilités à se marier cherchent à obtenir l'accès à l'institution du mariage. Comme le débat entourant le mariage de partenaires de même sexe l'illustre bien, le mariage continue d'avoir une signification symbolique énorme dans la société contemporaine. Qu'ils exigent le droit d'accéder à l'institution du mariage ou qu'ils se battent pour exclure des personnes de cette institution, les intervenants des deux camps voient dans le mariage un symbole d'acceptation et de reconnaissance sociales et culturelles.

Les tranches d'histoire que j'ai examinées dans le présent document démontrent que de nombreux avantages et responsabilités étaient traditionnellement liés au mariage et à la famille conjugale. Au cours des trois dernières décennies, un grand nombre de ces avantages et responsabilités ont été dissociés du mariage ou étendus aux couples en union libre ou aux couples homosexuels. Cependant, comme de nombreux rapports et études en témoignent, un grand nombre de politiques sont encore reliées au mariage, à dessein ou par omission. En outre, l'énorme importance symbolique demeure : le sentiment d'être un citoyen ayant accès à tous les droits et responsabilités d'un citoyen; la signification qui peut être attachée à la reconnaissance publique de ses rapports personnels, dans la communauté, par la loi. Comme la juge L'Heureux-Dubé le signale dans son désaccord dans l'affaire Egan c. Canada, « La reconnaissance officielle par l'État de la légitimité et de l'acceptation dans la société d'une situation ou relation particulière peut revêtir plus de valeur et d'importance aux yeux de ceux qui sont touchés que tout gain pécuniaire découlant de cette reconnaissance. » [cxxxix]

L'importance symbolique du mariage peut avoir de l'importance pour les enfants issus de ces unions également, vu leur besoin de stabilité, de sécurité et d'acceptation par la société dans son ensemble. En fait, si l'objet du droit familial consiste en partie à soutenir et appuyer les engagements à long terme, que des enfants soient en cause ou non, on pourrait alors dire que la pleine reconnaissance des unions libres et des unions homosexuelles représenterait un pas de plus dans cette direction.


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[i]    Sénateur Robert Gowan, Débats du Sénat, 28 février 1888, 58-9. Cité dans Christina Burr, Letters to Mike: Personal Narrative and Divorce Reform in Canada in the 1960s, dans Family Matters: Papers in Post-Confederation Canadian Family History, éd. Lori Chambers et Edgar-André Montigny (Toronto: Canadian Scholars Press, 1998), 411

[ii]   E.A. Lancaster, député conservateur, pour Lincoln Ontario (1900-1916), Débats de la Chambre des communes, LXII, 4 (1905), 6276, 6283, 6347-49, 6357. Cité dans James Snell, 'The White Life for Two': The Defence of Marriage and Sexual Morality in Canada, 1890-1914, Histoire Sociale/Social History 16 (1983), 114-115.

[iii]   Canadian Youth Commission, Youth, Marriage and the Family (Toronto: Ryerson Press, 1948), iii.

[iv]   Youth Commission, vii

[v]   James G. Snell, 'The White Life for Two': The Defence of Marriage and Sexual Morality in Canada, 1890-1914. Histoire sociale/Social History 16 (1983), 112.

[vi]   James G. Snell, In the Shadow of the Law: Divorce in Canada, 1900-1939, (Toronto: University of Toronto Press, 1991), 22. La citation est de G.S. Holmested, The Marriage Laws of Canada, Canadian Law Review 2 (1903), 527.

[vii] R.W. Gordon, Critical Legal Histories, Stanford Law Review 36 (1984), 109, cité dans Snell, In the Shadow of the Law, 7.

[viii] Snell, In the Shadow of the Law, 28.

[ix]   Snell, In the Shadow of the Law, 22.

[x]   William Blackstone, Commentaries on the Laws of England: Book the First, chapitre 15, (1765), 430, 433.

[xi]   Snell, In the Shadow of the Law, 24.

[xii] Pour une discussion de l'économie familiale en Europe, voir Roderick Phillips, Putting Asunder: A History of Divorce in Western Society (Cambridge: Cambridge University Press, 1988), 364-7.

[xiii] Snell, In the Shadow of the Law, 30.

[xiv] Ward définit cette période comme allant des années1780 jusqu'à la fin de la Première guerre mondiale. Peter Ward, Courtship, Love, and Marriage in Nineteenth-Century English Canada (Montréal et Kingston: McGill-Queen's University Press, 1990), 5.

[xv]   Loi sur la constitution de 1867 (R.-U.), 30 & 31 Vict., c.3, par. 91 (26).

[xvi] Loi sur la constitution de 1867 (R.-U.), 30 & 31 Vict., c. 3., par. 92(12). La signification de ce paragraphe a été examinée dans une affaire dont a été saisie la Cour suprême du Canada en 1912. La Cour a décidé que l'autorité de la « célébration » était suffisamment large pour interdire au gouvernement fédéral d'adopter une loi matrimoniale susceptible de toucher les cérémonies de mariage.

[xvii] Peter Ward, Courtship, Love and Marriage in Nineteenth-Century English Canada (Montréal : McGill Queen's, 1990), 31.

[xviii] Hyde v. Hyde and Woodmansee (1866), L.R. 1 P. & D. 130, 35 L.J.P. & M. 57.

[xix] Voir The Marriage Reference Act, pour une discussion approfondie de ces procédures : In the Matter of the Authority of the Parliament of Canada to Enact a Proposed Measure Amending "The Marriage Act" [Reference re Marriage Act (Canada)] (1912), 46 S.C.R., 175. Au Québec, comme tous les mariages doivent être inscrits aux registres de la paroisse, tout représentant autorisé à célébrer un mariage devait être autorisé à garder les registres de l'état civil.

[xx]   Andrée Lévesque, Making and Breaking the Rules: Women in Quebec, 1919-1939 (Toronto : McClelland et Stewart, 1994), 13.

[xxi] Le droit civil anglais a été officiellement introduit dans le Haut-Canada en 1792. (1792) "An Act Introducing the English Civil Law into Upper Canada," 32 Geo. III, c. 1, art. 3. Pour une excellente discussion des lois matrimoniales au 19e siècle en Ontario, voir Annalee E. Lepp, Dis/Membering the Family: Marital Breakdown, Domestic Conflict and Family Violence in Ontario, 1830-1920, thèse de doctorat, Department of History, Queen's University, 2001. Je me suis beaucoup appuyée sur son chapitre portant sur le contrat de mariage pour cette partie du document. Voir sa thèse pour des citations complètes. Je suis très reconnaissante à Annalee d'avoir bien voulu me fournir des parties de sa thèse.

[xxii] Michael Grossberg, Governing the Hearth: Law and the Family in Nineteenth-Century America (Chapel Hill : University of North Carolina Press, 1985), 103-4.

[xxiii] Lord Hardwicke's Act, (1753) 26 Geo. II, c. 33.

[xxiv] Michael Grossberg, Governing the Hearth, 66.

[xxv] Lepp signale qu'une solution de rechange profane à la lecture des bans était une licence de mariage, que l'on pouvait acheter à un représentant autorisé du gouvernement. Cette procédure, instituée en 1798, a été controversée tout au long du 19e siècle. Comme les mariages civils n'étaient pas possibles, le couple devait quand même avoir son mariage célébré par un représentant d'une institution religieuse autorisée.

[xxvi] Dans le Haut-Canada, les représentants de l'Église catholique romaine pouvaient célébrer des mariages aux termes des Articles de la capitulation (1760), de l'Acte de Québec (1774), de la Loi sur la constitution (1791), et des mesures législatives subséquentes.

[xxvii] Cette loi était controversée; elle n'allait recevoir la sanction royale que deux ans plus tard.

[xxviii]        An Act to extend the Provisions of the Marriage Act of Upper Canada to Ministers of all denominations of Christians, 10 & 11 Vict., c. 18. (1847)

[xxix] (1857) An Act to amend the Laws relating to the solemnization of Matrimony in Upper Canada, 20 Vict., c. 66.

[xxx] Lepp, 51. An Act respecting Offences relating to the Law of Marriage. Statuts révisés du Canada 1886, Vol 2. Chapitre 161, par exemple, les sanctions établies pour quiconque célèbre illégalement un mariage ou procure une célébration illégale. Aux termes de cette loi, la bigamie était un acte délictueux grave punissable de 7 années d'emprisonnement.

[xxxi] Grossberg, Governing the Hearth, 103.

[xxxii] James G. Snell et Cynthia Comacchio Abeele, Regulating Nuptiality: Restricting Access to Marriage in Early Twentieth-Century English-Speaking Canada, Canadian Historical Review 69, 4 (1988), 468.

[xxxiii]        Snell et Abeele, 468.

[xxxiv] Snell et Abeele, 469-70. Sur la stérilisation eugénique, voir Angus McLaren, The Creation of a Haven for 'Human Thoroughbreds': The Sterilization of the Feeble-Minded and the Mentally Ill in British Columbia, Canadian Historical Journal 67 (Juin 1986), 127-50, et Our Own Master Race: Eugenics in Canada, 1885-1945 (Toronto : McClelland et Stewart, 1990).

[xxxv] Voir Snell et Abeele, Regulating Nuptiality, pour des détails sur cette loi. En common law, l'âge minimal pour le mariage était de douze ans pour les jeunes filles et de quatorze ans pour les jeunes hommes. Cet âge a été porté à quatorze ans pour les deux sexes aux termes de la Loi du mariage de 1896. (1896) 59 Vict., c. 39, s. 16.

[xxxvi] Snell et Abeele, 477

[xxxvii]        Snell et Abeele, 479

[xxxviii]        Snell et Abeele, 485

[xxxix] Anne McGrath et Winona Stevenson, Gender, Race, and Policy: Aboriginal Women and the State in Canada and Australia, Labour/le travail 38 Automne 1996), 45-6, cité dans Annalee Lepp, 38.

[xl]   Même si la décision judiciaire dans l'affaire Connolly c. Woolrich a confirmé la validité d'un mariage entre une femme Crie et un commerçant de fourrures anglais, vers la fin du 19e siècle, une telle reconnaissance était de plus en plus difficile à obtenir. Voir Connie Backhouse, Petticoats and Prejudice, pour une discussion détaillée de ces affaires. Connolly c. Woolrich et Johnson et al. (1867) 11 L.C. Jur. 197. La décision du juge Monk dans l'affaire Connolly a été infirmée en 1885 par la décision rendue dans l'affaire Meadows, une autre affaire portant sur une femme des Premières Nations et un commerçant de fourrures blanc. Dans cette affaire, la majorité du tribunal a refusé la validité du mariage mixte célébré à la façon du pays.

[xli] White Girl and Big Negro Deported at Sarnia. Had Lived Together, Though Not Married For Three Years, Toronto Globe, 5 avril 1913. Cité dans Lepp, 96 et fn. 166.

[xlii] Lepp, 58. Plusieurs rapports, dont un fourni par Susannah Moodie, donnaient des détails sur la torture et le meurtre d'hommes noirs qui voulaient épouser des femmes blanches.

[xliii] Pour une excellente discussion des mariages inter-raciaux, voir Constance Backhouse, Colour-Coded: A Legal History of Racism in Canada, 1900-1950 (Toronto : University of Toronto Press, 1999), Chapitre 5.

[xliv] Voir Snell et Abeele pour les citations complètes.

[xlv] Voir Snell et Abeele, 483.

[xlvi] Constance Backhouse a effectué un excellent examen de la loi et de la réforme dans ce secteur : Married Women's Property Law in Nineteenth-Century Canada, Law and History Review 6, 2 (1988), 211-57. Pour l'Ontario, voir Lori Chambers, Married Women and Property Law in Victorian Ontario (Toronto : University of Toronto Press, 1997).

[xlvii] Lori Chambers, Married Women and Property Law in Victorian Ontario (Toronto : University of Toronto Press, 1997), 3.

[xlviii] Constance Backhouse, Married Women's Property Law in Nineteenth-Century Canada. Law and History Review 6, 2 (1988), 213.

[xlix] Chambers, Married Women and Property Law in Victorian Ontario, 3.

[l]    Il est intéressant de noter que, du point de vue de Blackstone, et de celui de ses contemporains, la position des femmes dans le régime de protection maritale n'était pas désavantageuse, mais bien privilégiée. Blackstone a conclu que « même les inconvénients vécus par la femme sont pour la plupart voulus pour sa protection et son avantage. Le sexe féminin est à ce point le préféré dans les lois d'Angleterre. » [traduction] William Blackstone, Commentaries on the Laws of England: Book the First chapitre 15, (1765), 433.

[li]   Constance Backhouse, Married Women's Property Law in Nineteenth-Century Canada, Law and History Review 6, 2 (1988), 221.

[lii] La première loi canadienne dans ce secteur a été adoptée dans les provinces maritimes, à commencer par le Nouveau-Brunswick en 1851. An Act to Secure to Married Women Real and Personal Property Held in Their Own Right, 14 Vict. (1851), c. 24 (N.B.). L'Île-du-Prince-Édouard a adopté une loi similaire en 1860. La Nouvelle-Écosse a adopté une loi inspirée de la loi anglaise en 1866. Voir Constance Backhouse, Married Women's Property Law, 218-19, et les notes en fin de document pour des citations complètes.

[liii] Backhouse, Married Women's Property Law, 222.

[liv] Backhouse, Married Women's Property Law, 241.

[lv]   An Act respecting the property of Married Women(1884), 47 Vict., c. 19. Voir Chambers, Married Women and Property Law in Victorian Ontario, 10.

[lvi] Backhouse, Married Women's Property Law, 241.

[lvii] Chambers, Married Women and Property Law in Victorian Ontario, 5.

[lviii] Chambers, Married Women and Property Law in Victorian Ontario, 179.

[lix] Constance Backhouse, Pure Patriarchy: Nineteenth-Century Canadian Marriage, McGill Law Journal 31 (1986), 265-6.

[lx]   La cohabitation et même la bigamie étaient des pratiques beaucoup plus communes au 19e et au début du 20e siècles - une personne qui abandonnait le foyer conjugal pouvait simplement déménager dans un autre état ou une aute province et se dire mariée (sans que personne ne le sache). Voir Peter Ward, Courtship, Love, and Marriage, 21.

[lxi] Pour une discussion des alternatives au divorce, voir Michael Grossberg, Governing the Hearth, Roderick Phillips, Putting Asunder: A History of Divorce in Western Society, (Cambridge: Cambridge University Press, 1988), et Hendrik Hartog, Man and Wife in America: A History (Cambridge, Mass.: Harvard University Press, 2000).

[lxii] Entre 1670 et 1857, les femmes n'ont obtenu que 4 des 325 divorces accordés par le Parlement.

[lxiii] An Act to Amend the Law relating to Divorce and Matrimonial Causes 20 et 21 Victoria, C 85 (1857, 1858) Phillips fait la déclaration suivante : « L'une des nouveautés législatives les plus importantes en Europe au 19e siècle a été l'adoption de la première loi sur le divorce en Angleterre en 1857. » [traduction] R. Phillips, Putting Asunder, 412.

[lxiv] Voir Backhouse, Pure Patriarchy, 276-7. De même, le paragraphe 92 (13) donnait aux provinces le pouvoir d'adopter des lois concernant « la propriété et les droits civils dans la province » (qui peut comprendre le partage des biens au moment du divorce, dont les biens et le soutien matrimoniaux).

[lxv] Au départ, les gouverneurs et les conseils des maritimes étaient investis du pouvoir d'accorder des divorces, mais par la suite, des cours matrimoniales ont été chargées d'entendre les requêtes. Ces cours ont poursuivi leur travail après la Confédération car il n'y avait pas de cour fédérale. Le Nouveau-Brunswick a établi une cour des divorces et des causes matrimoniales en 1860. La Nouvelle-Écosse a emboîté le pas en 1866. L'Île-du-Prince-Édouard avait établi sa propre cour en 1835, mais celle-ci était plutôt inactive, et au début du 20e siècle, la loi était lettre morte. Snell, In the Shadow of the Law, 50.

[lxvi] Constance Backhouse signale que ces trois « lois sur le divorce des maritimes dérogeaient complètement à la tradition juridique anglaise. » [traduction] Backhouse, Petticoats and Prejudice: Women and Law in Nineteenth Century Canada (Toronto : Women's Press, 1991), 187. Elle suggère qu'elles tirent peut-être leur origine des pratiques plus libérales en vigueur dans les états de la Nouvelle-Angleterre, d'où de nombreux colons des Maritimes provenaient.

[lxvii] Les résidents de l'Île-du-Prince-Édouard étaient effectivement dans la même position.

[lxviii] La loi sur le divorce (Ontario) S.C. 1930, c. 14. Cette Loi est en fait le miroir de la English Matrimonial Causes Act de 1857. Matrimonial Causes Act, 1857, (20-21 Vict., c. 85), telle que modifiée par la Loi sur le divorce, S.C. 1925, c. 41.

[lxix] Le droit français, transporté au québec, ne permettait pas le divorce. Le Code civil du Bas-Canada (1865) stipulait que, « le mariage ne peut être dissolu que par le décès naturel de l'une ou l'autre des parties; tant que les deux vivent il est indissoluble. » [traduction] Code civil du Bas- Canada 29 Vict. (1865) c. 41, art. 185. Cité dans Backouse, Petticoats and Prejudice, 166.

[lxx] Snell, In the Shadow of the Law, 35.

[lxxi] Snell, In the Shadow of the Law, 33.

[lxxii] Snell, In the Shadow of the Law, 41.

[lxxiii] Snell, In the Shadow of the Law, 47.

[lxxiv] Constance Backhouse, Petticoats and Prejudice: Women and the Law in Nineteenth-Century Canada (Toronto : Women's Press, 1991), 179. Nellie McClung a commencé à exercer des pressions pour libéraliser le divorce dans les années 20 et 30.

[lxxv] Pour une excellente discussion des lois sur la garde des enfants au 19e siècle au Canada, voir Constance Backhouse, Shifting Patterns in Nineteenth-Century Canadian Custody Law, dans David H. Flaherty, éd. Essays in the History of Canadian Law vol. 1 (Toronto : University of Toronto Press, 1981), 212-48. Voir également Katherine Arnup, Mothers Just Like Others: Lesbians, Divorce, and Child Custody in Canada, Revue juridique La femme et le droit 3, 1 (1989), 18-32, d'où est tirée cette section du rapport.

[lxxvi] Des observateurs contemporains, qu'il s'agisse de réformateurs sociaux, de politiciens ou de membres de la Women's Christian Temperance Union, ont exprimé leurs préoccupations quant au déclin de la population dans les classes moyennes anglo-celtes. Utilisant les termes « suicide de la race » , les observateurs craignaient que la population fondatrice blanche et anglo-saxonne soit « supplantée » par les immigrants qui selon eux avaient un taux de natalité bien plus élevé. C'est pour cette raison qu'ils ont encouragé les femmes à se consacrer davantage à leur rôle de mère. Voir Mariana Valverde, When the Mother of the Race is Free: Race, Reproduction, and Sexuality in First-Wave Feminism, dans Gender Conflicts: New Essays in Women's History, éd. Franca Iacovetta et Mariana Valverde (Toronto : University of Toronto Press, 1992), 3-26.

[lxxvii]        En Grande-Bretagne, la 1839 Custody of Infants Act permettait à une mère d'avoir la garde physique de ses enfants jusqu'à l'âge de sept ans. La loi stipulait qu'une mère ayant commis l'adultère se voyait refuser la garde de ses enfants et même les visites. Il est important de noter que les juges tendaient à appliquer cette loi avec beaucoup d'hésitation et qu'ils refusaient généralement d'exercer leur pouvoir discrétionnaire en faveur des mères sauf dans les cas vraiment horribles. Tout au long du 19e siècle, les mères n'avaient généralement droit à la garde de leurs enfants que si elles vivaient sous la protection d'un homme adulte comme leur frère ou leur mari.

[lxxviii]        Ces droits maternels de garde ont été étendus en 1855 pour inclure les enfants jusqu'à l'âge de 12 ans, et vers le milieu des années 1880, la limite d'âge maximale a été retirée. En Ontario, en 1887, la loi a retiré la limite d'âge maximale et l'empêchement pour adultère qui ne s'appliquaient qu'aux femmes. Aux termes de cette loi, les juges devaient tenir compte du « bien-être de l'enfant » , de « la conduite des parents » et des « désirs... de la mère et du père » pour déterminer à qui revenait la garde des enfants.

[lxxix] En Grande-Bretagne, la Guardianship of Infants Act (1925) stipulait qu'aucun parent n'était supérieur à l'autre et que les décisions devaient être prises dans le meilleur intérêt des enfants. L'Ontario a adopté une loi similaire en 1923 : Infants Act (Amendment), Lois de l'Ontario, c. 33. Le Manitoba aadopté une loi similaire en 1921.

[lxxx] Pour une discussion de ces politiques, voir Margaret Hillyard Little, No Car, No Radio, No Liquor Permit: The Moral Regulation of Single Mothers in Ontario, 1920-1997 (Toronto : Oxford University Press, 1998).

[lxxxi] Lori Chambers, Illegitimate Children and the Children of Unmarried Parents Act. Dans Ontario Since Confederation: A Reader, éd. Edgar-André Montigny et Lori Chambers, (Toronto : University of Toronto Press, 2000), 235.

[lxxxii]        Pour une discussion détaillée de cette loi, voir Chambers, Illegitimate Children and the Children of Unmarried Parents Act.

[lxxxiii]        Pour une discussion des restrictions liées à l'emploi des femmes mariées, voir Alison Prentice, Paula Bourne, Gail Cuthbert Brandt, Beth Light, Wendy Mitchinson et Naomi Black, Canadian Women: A History (Toronto : Harcourt, Brace, Jovanovich, 1988), 224-5.

[lxxxiv]        Voir Collectif Clio, L'Histoire des femmes au Quebec depuis quatre siecles (Montréal : Quinze, 1982), 255.

[lxxxv] Cette disposition n'était pas accessible aux Chinois ni aux autres hommes asiatiques. Avec cette fameuse taxe d'entrée, on les décourageait activement d'amener avec eux leurs femmes (et leurs enfants) au Canada.

[lxxxvi]        Voir Claire Young, La fiscalité la « famille » et le sexe : quel rapport ? (Ottawa : Commission du droit du Canada, 2000) pp. 26-27 [version anglaise].

[lxxxvii]        Jillian Oderkirk, Le mariage au Canada : Évolution des croyances et des comportements, 1600-1990, Tendances sociales canadiennes (Été 1994), 7 [version anglaise].

[lxxxviii]       Julien D. Payne et Marilyn A. Payne. Introduction to Canadian Family Law (Scarborough, Ontario : Carswell, 1994), 6.

[lxxxix]        Pour ces statistiques et d'autres statistiques sur la famille, voir Institut Vanier de la famille, Profil des familles canadiennes II (Ottawa : Institut Vanier de la famille, 2000).

[xc] Dans le recensement de 1996 : 35 % de toutes les familles étaient des couples mariés sans enfant, un chiffre qui tenait compte des couples sans enfant et de ceux dont les enfants avaient quitté la maison.

[xci] C'est là le résultat d'une augmentation du nombre des familles de deux personnes, d'une diminution du nombre et de la proportion des grosses familles, et d'une baisse du taux de natalité.

[xcii] En 1996, 86,5 % de toutes les unions conjugales étaient des mariages; 13,5 % étaient des unions libres.

[xciii]       Une Loi portant sur les règles interdisant le mariage entre personnes apparentées (Loi sur le mariage (Degrés prohibés), Statuts du Canada (1990), Vol. 11, Chapitre 46. Aux termes de la loi : Est prohibé le mariage entre personnes auyant des liens de parenté a) en ligne directe, par consanguinité ou adoption; (b) en ligne colatérale, par consanguinité, s'il s'agit de frère et soeur ou de demi-frère et demi-soeur; ou (c) en ligne collatérale, par adoption, s'il s'agit de frère et soeur.

[xciv] Martha Bailey, Le mariage et les unions libres (Ottawa : Commission du droit du Canada, 1999), note en bas de page 30.

[xcv] Martha Bailey, Le mariage et les unions libres, 17 [version anglaise].

[xcvi] Même si les unions libres étaient comprises dans le questionnaire du recensement, les réponses étaient intégrées au nombre total des couples mariés. Les analystes du recensement ont essayé d'isoler les couples en union libre dans les recensements de 1981 et 1986 mais leurs calculs (comme ceux utilisés dans l'article de Craig McKie, cité à la note 82) étaient fondés sur l'inférence, car en 1981 et en 1986 on avait dit aux couples en union libre de se rapporter comme mariés.

[xcvii] Supplément de l'Enquête sur la famille dans le cadre de l'Enquête sur la population active, Février 1984.

[xcviii]        Craig McKie, Union libre : la vie de couple sans les liens du mariage, Tendances sociales canadiennes (Automne 1986), 39-41 [version anglaise].

[xcix] François Nault et Alain Bélanger, Le déclin du mariage au Canada de 1981 à 1991, Statistique Canada: Section de la statistique de la santé et de l'état civil, Juillet 1996, 18-21 [version anglaise].

[c]   Ce nombre a été calculé à partir du recensement et de l'enquête sociale générale de 1995. Voir Pierre Turcotte et Alain Bélanger, La formation d'une première union libre : le premier pas dans la vie commune, Tendances sociales canadiennes 47 (Hiver 1997), 7-9 [version anglaise].

[ci]   Pierre Turcotte, Les unions libres : près d'un demi-million en 1986, Tendances sociales canadiennes (Automne 1988), 35-39 [version anglaise].

[cii] Les auteurs ont également constaté que 8 % de tous les couples du Québec étaient en union libre en 1981 comparativement à 19% en 1991. Jo-Anne Belliveau, Jillian Oderkirk et Cynthia Silver, Les unions libres : le cas du Québec, Tendances sociales canadiennes (Été 1994), 9 [version anglaise].

[ciii] Institut Vanier de la famille, Profil des familles canadiennes II, (Ottawa, 2000), 37 [version anglaise].

[civ] Voir, en particulier, Pettkus c. Becker 19 R.F.L. (2d) 165, [1980] 2 R.C.S. 834; Miron c. Trudel, [1995] 2 R.C.S. 418.

[cv] Pour une discussion de cette question, voir Kathleen Lahey, Counting Queers, dans Are We Persons Yet? Law and Sexuality in Canada (Toronto : University of Toronto Press, 1999); Martha Bailey, Le mariage et les unions libres, 67; Katherine Arnup, Still Hidden in the Household, document présenté à l'occasion de la réunion annuelle de la Canadian Lesbian and Gay Studies Association, 1995 et Counting Us Out: Same-Sex Households and the Canadian Census, document présenté lors de la réunion annuelle de l'Association canadienne droit et société, Université d'Ottawa, 2 juin 1998.

[cvi] Objet : North et Matheson (1974), 20 RFL 112, 52 DLR (3d) 280 (Man. Co. Ct.); Layland c. Ontario (1993), 14 O.R. (3d) 658 (Cour divisionnaire);Egan c. Canada, [1995] 2 R.C.S. 513; M c H (1999), 46 R.F.L. (4th) 32 (S.C.C.).

[cvii] Code civil du Québec, S.Q. 1991, c. 64 article 365 « Il [mariage] ne peut l'être [contracté] qu'entre un homme et une femme qui expriment publiquement leur consentement libre et éclairé à cet égard. »

[cviii] Pour une discussion de cette définition et des tentatives juridiques de contestation de cette définition, voir Égale, Le partage des pouvoirs et l'analyse des compétences en matière de mariage (Ottawa : Commission de droit du Canada, 2000) p. 39-40 [version anglaise].

[cix] Layland c. Ontario (1993), 14 O.R. (3d) 658 (cour divisionnaire) La majorité a déclaré qu' « il est vrai que certains couples mariés sont incapables d'avoir des enfants ou ne désirent pas en avoir et que l'incapacité ou la non-volonté de procréer n'est pas un empêchement au mariage ou un motif de divorce. Malgré ces circonstances dans lesquelles le couple demeure sans enfant, les États, les religions et la société voient dans l'institution du mariage un moyen d'encourager la procréation. » . [traduction]

[cx] April Martin, The Gay and Lesbian Parenting Handbook: Creating and Raising Our Families (New York : HarperCollins, 1993), 6, citant Charlotte Patterson, Children of Lesbian and Gay Parents, Child Development 63, 5 (1992).

[cxi] Voir Katherine Arnup, éditeur, Lesbian Parenting: Living with Pride and Prejudice (Charlottetown : gynergy, 1995; 1997).

[cxii] Michael O'Riordan, Homosexuality and the United Church (Toronto : McClelland et Stewart, 1990), 153-6.

[cxiii] Parker T. Williamson, The Presbyterian Layman 33, 6 (22 novembre 2000). Ces cérémonies n'auraient bien sûr aucune valeur juridique.

[cxiv] Pamela Dickey Young, The Debate over Same-Sex Relationships in Religious Traditions, document présenté à la Domestic Partnerships Conference, Queen's University, du 21 au 23 octobre 1999, 213.

[cxv] Murdoch c. Murdoch (1973), 41 DLR (3d) (SCC) 367, à 371

[cxvi] Karla B. Hackstaff, Marriage in a Culture of Divorce, (Philadelphia : Temple University Press, 1999), 2.

[cxvii] HACKSTAFF, 2.

[cxviii]        Débats de la Chambre des communes, 12 mai 1967, 153. Cité dans Christina Burr, Letters to Mike: Personal Narrative and Divorce Reform in Canada in the 1960s, 400, et note 33.

[cxix] Pour une discussion intéressante de cette question, voir Elaine Tyler May, Great Expectations: Marriage and Divorce in Post-Victorian America (Chicago : University of Chicago Press, 1980). Madame May soutient que les gens ont l'illusion qu'il est possible d'empêcher les gens de quitter leur conjoint en imposant des contrôles plus stricts. Si l'on empêche le divorce, on risque plutôt de se retrouver avec des gens qui laissent leur conjoint, sans entente, sans soutien adéquat et sans la capacité de se remarier.

[cxx] Loi sur le divorce, 1968 S.C. 1967-68, c. 24. La Loi est entrée en vigueur le 2 juillet 1968.

[cxxi] Rapport de la Commission royale sur la situation de la femme au Canada (Ottawa: Information Canada, 1970); Commission de réforme du droit du Canada, Report on Family Law (Ottawa, 1976).

[cxxii] Loi sur le divorce, 1985, L.R.C. 1985 (2e Supp.), c. 3. Elle est entrée en vigueur le 1er juin 1986. Le projet de loi avait été à l'origine déposé par le gouvernement libéral, mais il n'a pas dépassé l'étape du Feuilleton avant le déclenchement des élections. Les Progressistes conservateurs l'ont ramené à l'ordre du jour et la loi a reçu la sanction royale le 13 février 1986.

[cxxiii]        La Loi a également beaucoup simplifié les procédures pour permettre aux gens (dans toutes les provinces à l'exception de Terre-Neuve) d'obtenir un divorce incontesté sans audition orale.

[cxxiv]        Moge c. Moge [1992] 3 R.C.S. 813

[cxxv] Moge c. Moge [1992] 3 R.C.S. à 815

[cxxvi]        Pelech c. Pelech, [1987] 1 R.C.S. 801; Caron c. Caron, [1987] 1 R.C.S. 892; et Richardson c. Richardson, [1987] 1 R.C.S. 857.

[cxxvii]        Nous ne devons pas oublier lorsque nous examinons ces données qu'avant 1969, « nous ne disposions au niveau national que de statistiques très rudimentaires » [traduction] Jean Dumas et Yves Peron, Mariage et vie conjugale au Canada : La conjoncture démographique. (Ottawa: Statistique Canada, 1992), 52 [version anglaise]. « Depuis 1969, le nombre annuel de divorces est rapporté en fonction de l'âge des nouveaux divorcés, de leur situation matrimoniale au moment du mariage, de la durée de leur mariage, etc. »

[cxxviii]       Ces chiffres proviennent de l'Institut Vanier de la famille, Profil des familles canadiennes II (Ottawa, 2000) 52 [version anglaise].

[cxxix]        Pour une excellente analyse des taux de divorce, voir Anne-Marie Ambert. Le divorce au Canada : Faits, chiffres et conséquences. (Institut Vanier, 1998).

[cxxx] William Kilbourn, Religion in Canada: The Spiritual Development of a Nation (Toronto : McClelland et Stewart, 1968), 72.

[cxxxi]        Hans Mol, Faith and Fragility: Religion and Identity in Canada (Burlington : Trinity Press, 1985), 209.

[cxxxii]        Mol, 217.

[cxxxiii]       Michael Shapiro, éd., Divisions between Traditionalism and Liberalism in the North American Jewish Community (UK : Edward Mellen Press, 1991), 61-3.

[cxxxiv]        U.K., Children's Act (1989), c. 41.

[cxxxv]        Canadian Family Law Guide, Volume 1 (Toronto : CCH Canadian Limited, 1997), 7020. Une loi similaire a été adoptée au Nouveau-Brunswick (1981), au Manitoba (1983), au Yukon (1984), en Colombie-Britannique (1985), dans les Territoires du Nord-Ouest (1987), et à l'Île-du-Prince-Édouard (1988). L'Alberta, Terre-Neuve, la Saskatchewan et la Nouvelle-Écosse ont conservé la distinction entre enfants légitimes et illégitimes.

[cxxxvi]        Marilyn Belle et Kevin McQuillan, Les naissances hors mariage : un choix de plus en plus fréquent. Tendances sociales canadiennes (Été 1994), 14-17 [version anglaise].

[cxxxvii]       Anne Milan, Les familles : 100 ans de continuité et de changement, Tendances sociales canadiennes 56 (Printemps 2000), 14 [version anglaise].

[cxxxviii]       On peut soutenir que le relatif manque de stabilité de ces relations peut en partie réfléter la situation inégale des couples en union libre comparativement aux couples mariés (p. ex., moins de soutien social et communautaire, moins d'avantages et de gratifications). De plus, cela peut également être le résultat d'un libre-choix : c'est-à-dire que les personnes moins engagées dans une relation peuvent choisir de ne pas se marier; car si elles se mariaient elles ne tarderaient peut-être pas à rejoindre les rangs des personnes divorcées.

[cxxxix]        Egan c. Canada, [1995] 2 R.C.S. 513, au par. 86.


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