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Rapport

Document de recherche

LES SÛRETÉS ET LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE :

Un point de vue comparatif international

9E CONFÉRENCE ANNUELLE DE FORDHAM SUR LA POLITIQUE ET LE DROIT EN MATIÈRE DE PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE

New York (N.Y.), Les 19 et 20 avril 2001
Howard P. KNOPF[1]
knopf@canada.com
- Ébauche de document de travail - datée du 12 avril 2001 et sujette à révision

1. INTRODUCTION

2. LE PROBLÈME


     a. Quel est exactement le problème?
     b. La mondialisation
     c. Le problème de l'incertitude
     d. L'évaluation de la propriété intellectuelle
     e. La nature des marchés financiers pour les entités fondées sur la propriété intellectuelle
     f. Des cultures contradictoires et isolées
     g. Des concepts contradictoires
     h. Gestion comparative

3. LA PROPRIÉTÉ, LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE, ET PLUS


     a. Qu'est-ce que la propriété et qu'est-ce que la propriété intellectuelle?
     b. Qu'est-ce qu'un avis implicite et pourquoi est-ce important?

4. PRÉOCCUPATIONS RELATIVES AU DROIT COMMERCIAL


     a. L'objet et l'historique des lois sur les sûretés mobilières au Canada
     b. Les concepts clés de la législation relative aux sûretés mobilières au Canada
     c. L'interrelation des sûretés, de la propriété intellectuelle et de la législation en matière de faillite
     d. Le processus d'emprunt/sûreté proprement dit

5. Le CANADA


     a. La législation fédérale sur les sûretés
     b. Qu'est-ce qu'une cession en vertu de la loi fédérale?
     c. Licences
     d. Questions relatives aux faillites
     e. Questions de compétence
     f. Autres anomalies présentes dans les régimes fédéraux et provinciaux de propriété intellectuelle
     g. Biens postérieurement acquis
     h. Exemples d'hypothèses difficiles
     i. Les questions de rétroactivité et de délai
     j. Questions de nature constitutionnelle
     k. Le droit d'auteur
     l. Droits des marques de commerce
     m. Le nouveau Code civil du Québec
     n. Quelques orientations de réforme proposées antérieurement
     o. [...]
     p. [...]
          i. La proposition de l'ABC
          ii. La liste succincte de propositions d'El Sissi concernant le droit d'auteur
          iii. Zimmerman et ses collaborateurs

6. LES ÉTATS-UNIS


     a. Le droit de la propriété intellectuelle aux États-Unis et les causes connexes
          i. Marques de commerce
          ii. Brevets
          iii. Droit d'auteur
          iv. Secrets commerciaux
     b. Quelques questions concernant le UCC
     c. Mesures de révision prises par le gouvernement fédéral des États-Unis
          i. Mesures de révision prises en 1993
          ii. Les audiences tenues en 1999 sur l'avant-projet de loi de l'ABA
          iii. L'approche de la Commercial Finance Association (CFA)
          iv. Le document de 1996 de Haemmerli
          v. La proposition Franklin Pierce

7. LE ROYAUME-UNI

8. L'AUSTRALIE

9. LA NOUVELLE-ZÉLANDE

10. LA CHINE

11. ÉLÉMENTS NOUVEAUX


     a. Mécanismes européens
     b. OMPI
     c. Aéronautique

12. LE CLIMAT DE RÉVISION AU CANADA


     a. Pressions économiques
     b. Questions politiques nationales et internationales
     c. Questions de nature opérationnelle
     d. Les options
          i. Une approche centralisée à l'échelon fédéral
          ii. Une approche centralisée à l'échelon provincial

13. UNE APPROCHE INTERNATIONALE?

14. CONCLUSION GÉNÉRALE



1. INTRODUCTION

Il n'y a pas longtemps de cela, la propriété intellectuelle était un aspect qui considérait-on, faisait simplement l'objet d'une note complémentaire, d'une clause type ou d'une autre forme de réflexion faite après coup dans la plupart des transactions d'entreprise. De nos jours, la propriété intellectuelle est souvent la principale raison pour laquelle ont lieu les transactions les plus importantes. Comme l'indique M. Simensky, dans les transactions de nature commerciale, la propriété intellectuelle faisait autrefois office de wagon de queue; aujourd'hui, elle est la locomotive[2].

Les fusions des sociétés AOL et Time-Warner, de Seagram et Vivendi, ainsi que de BCE et CTV sont toutes une affaire de propriété intellectuelle. La convergence concerne surtout le droit d'auteur. L'incroyable capitalisation boursière de sociétés telles que Microsoft et Nortel dénote la valeur (et la volatilité) de la propriété intellectuelle. Aussi curieux que cela puisse paraître face aux sommes renversantes d'argent que l'on paie essentiellement pour des brevets, des droits d'auteur et des marques de commerce au moyen du cours des actions, l'emploi de la propriété intellectuelle comme garantie dans ce qui devrait être des mesures ordinaires de financement d'entreprises est semé d'incertitudes structurelles. Il est donc possible que des entreprises de toutes tailles soient inutilement entravées dans la capacité qu'elles ont de réunir efficacement des capitaux, et dans un tel contexte les actionnaires perdent de l'argent et la croissance économique en souffre.

Au Canada et ailleurs, y compris aux États-Unis, au Royaume-Uni et en Australie, la loi dresse des obstacles devant les entreprises en général - et l'industrie de la haute technologie en particulier - qui veulent avoir accès à des capitaux, en ce sens qu'elle les empêche d'emprunter des fonds en affectant en garantie des biens qui se composent d'éléments de propriété intellectuelle. Selon l'expérience acquise et les recherches menées à ce jour, il y a peut-être sous-utilisation de la propriété intellectuelle en tant que bien donné en garantie pour avoir accès à du financement par emprunt. La propriété intellectuelle est le seul élément d'actif d'un grand nombre d'entreprises nouvelles, et l'élément d'actif principal d'un grand nombre d'entreprises de grande envergure et bien établies.

Cet aspect est susceptible de revêtir une importance fort considérable. D'aucuns pourraient faire valoir que l'avènement de systèmes juridiques permettant de prêter de l'argent en se fondant sur des biens immobiliers et des biens personnels classiques, comme le stock et le matériel, a donné lieu à un grande part du développement de la richesse industrielle au 20e siècle. De tels systèmes ont également permis de généraliser la possession de maisons et d'automobiles, ce qui, par ricochet, a généré une richesse au niveau macro-économique. À ce jour, il n'existe pas réellement de tels systèmes pour la propriété intellectuelle, qui, aux yeux de bien des gens, sera indispensable au développement économique dans le nouveau millénaire.

Au chapitre de l'obtention de capitaux, la disponibilité du financement par actions, grâce à l'émission de titres (actions) au public, qui alimente l'explosion des entreprises de haute technologie depuis les dix dernières années, est subordonnée dans une large mesure à la santé du marché boursière ou aux attitudes face à des secteurs tels que les sociétés « dot com » . Un tel financement n'est donc pas toujours disponible. Le financement par emprunt garanti, basé sur des terrains, du matériel, des comptes clients, etc., constitue un outil classique dans le secteur du financement des entreprises. Il semble nécessaire de se demander s'il existe des obstacles ou des mesures désincitatives juridiques systémiques à l'utilisation de ce genre de transactions par ailleurs normales en ce qui concerne la propriété intellectuelle, qui est aujourd'hui considérée comme l'un des éléments importants de la richesse mondiale mais qui, ironiquement, semble, dans bien des cas, inacceptable pour garantir un emprunt.

Au Canada, les recherches préliminaires donnent à penser qu'il y a, tant dans la législation fédérale que dans la législation provinciale, des incertitudes qui peuvent faire en sorte que ces opérations sont plus coûteuses qu'il ne le faut et qui font qu'un grand nombre d'entre elles sont soumises à un degré d'incertitude qui peut être inacceptable dans les milieux traditionnels du droit commercial et du crédit. Il peut également y avoir un manque de connaissances quant à la façon de structurer et d'exécuter de telles opérations, même au sein du cadre existant. Dans l'ensemble, il semble que l'on recoure à de telles opérations nettement moins souvent que l'on pourrait s'y attendre. Si l'on a, d'une part, des emprunteurs sérieux, qui possèdent des éléments de propriété intellectuelle de valeur, et, d'autre part, des prêteurs sérieux, qui voudraient prêter des fonds à ces emprunteurs, et que les opérations n'ont pas lieu, il y a là un signe important d'échec du marché. Il est possible que certains aspects de l'infrastructure juridique soient la cause de ce problème et, en outre, ce dernier paraîtrait toucher davantage la petite et moyenne entreprise que la grande entreprise.

Fait intéressant, il semble que les États-Unis et l'Australie se préoccupent également beaucoup de questions analogues, et soient eux aussi aux prises avec un grand nombre des complexités de gestion qui s'appliquent au Canada, et surtout avec des rapports difficiles et incertains entre la législation fédérale et la législation provinciale ou étatique. Même le Royaume-Uni - que l'on ne considère habituellement pas comme un État fédéral - a certaines affinités avec le Canada sur ce plan à cause du statut spécial important du droit écossais, lequel découle de la tradition du « droit civil » continental, comme le Code civil du Québec.

Le présent document, quand il sera terminé, représentera la première étape d'un projet[3] de la Commission du droit du Canada (CDC) qui analysera la question des sûretés et de la propriété intellectuelle au Canada. Il s'agit là d'un sujet qui intéresse la CDC pour un certain nombre de raisons. Les auteurs de nombreux documents ont relevé plusieurs conflits et contradictions éventuels et réels entre la législation fédérale et la législation provinciale dans ce domaine au Canada, ce qui suscite une grande incertitude. La jurisprudence est restreinte, mais importante. Cette situation donne lieu à un degré de complexité et d'incertitude qui fait peut-être en sorte que les prêts et les emprunts basés sur des éléments de propriété intellectuelle affectés en garantie sont plus difficiles, incertains et donc plus coûteux qu'il ne le faut. Ce fait peut avoir une incidence sur la compétitivité du Canada, notamment dans le secteur de la haute technologie où les marchés financiers sont d'une envergure mondiale et mobile et où les investisseurs n'ont aucune loyauté nationale.

Il est élémentaire mais vrai de dire que de nombreuses entreprises de haute technologie possèdent relativement peu de choses en fait de biens de valeur qui puissent servir de garantie, hormis leur propriété intellectuelle, et cela est tout aussi vrai pour les géants du milieu que pour les entreprises émergentes. Dans le domaine de la haute technologie, un éventuel emprunteur - même s'il évolue dans les « ligues majeures » - qui fait des démarches auprès d'une banque ou d'une société d'investissement en capital de risque peut se retrouver dans la même situation qu'Oscar Wilde qui, en se présentant un jour à un poste douanier, a déclaré : « Je n'ai rien à déclarer, à part mon génie » . Le problème qui se pose est de savoir comment titraliser (c'est-à-dire utiliser comme garantie) de manière efficace ce capital intellectuel de façon à réaliser les souhaits commerciaux des parties. Un brevet, un droit d'auteur, une marque de commerce ou un secret commercial peut valoir des millions, voire des milliards de dollars. Toutefois, rares sont les prêteurs qui comprennent ce principe et plus rares encore sont ceux qui traduisent ce dernier en la certitude que les avocats d'affaires tentent, à juste titre, d'obtenir pour leurs clients.

Même s'il existe des problèmes manifestes en termes de législation lacunaire ou désuète, il est particulièrement ardu pour les gouvernements de traiter des questions de ce genre. Non seulement ces dernières sont-elles excessivement complexes d'un point de vue technique, mais elles recoupent aussi plusieurs disciplines et cultures juridiques et commerciales. Dans le cas qui nous intéresse ici, les questions englobent le droit commercial, le droit de l'insolvabilité, le droit de la propriété intellectuelle (ainsi que ses propres sous-spécialités diversifiées), de même que le droit constitutionnel. Les secteurs commerciaux touchés vont du secteur bancaire au secteur de la biotechnologie, en passant par les studios de cinéma. Dans la conjoncture actuelle, peu de ministres ou de hauts fonctionnaires, et cela se comprend, souhaitent être mêlés à de telles questions à moins que ce ne soit absolument nécessaire ou à moins qu'il existe une issue manifestement positive, qui soit de même mesure que les efforts qu'il est possible de déployer à court et à moyen terme.

Étant donné qu'au Canada les opérations garanties sont l'apanage presque exclusif de la législation provinciale et que la propriété intellectuelle relève uniquement de l'échelon fédéral, ce sujet comporte des aspects de nature constitutionnelle potentiellement complexes et délicates. Cependant, la question générale est suffisamment circonscrite et, peut-être, suffisamment importante et immédiate d'un point de vue économique pour que la CDC soit peut-être non seulement en mesure d'aider à trouver une solution au problème mais aussi de se servir du processus comme paradigme pour régler d'autres questions de « saine gestion » .

Les objectifs du présent projet consistent à répondre aux questions suivantes :

$     Existe-t-il, au sein des marchés financiers canadiens, des problèmes liés à l'utilisation d'éléments de propriété intellectuelle[4] pour garantir des transactions et imputables à la législation, à un manque de sensibilisation ou à d'autres motifs?

$     Dans quelle mesure ces problèmes sont-ils sérieux?

$     Est-il nécessaire de les régler?

$     Dans l'affirmative, quels changements faut-il apporter sur le plan de la conduite des affaires publiques et/ou sur le plan législatif pour les régler?

$     Y a-t-il des mesures utiles qui peuvent être prises et qui ne nécessitent pas de dispositions législatives, de dispositions réglementaires, voire d'interventions de la part de l'appareil gouvernemental?

$     Quelle est la meilleure façon de procéder pour atteindre cet objectif?

Les buts immédiats du présent document sont les suivants :

$     Exposer les principaux sujets de préoccupation de nature commerciale et économique

$     Exposer les principaux problèmes juridiques qui se posent au Canada ainsi que dans d'autres pays, aux États-Unis surtout, relativement au droit commercial ainsi qu'au droit de la propriété intellectuelle

$     Indiquer l'état de la réforme du droit dans certaines administrations comparables

$     Déterminer quelles administrations étrangères doivent être étudiées de plus près parce que cela pourrait être instructif pour le Canada

$     Déterminer quelles questions doivent être étudiées de manière plus intensive au Canada

$     Identifier certains des principaux analystes du domaine, tant au pays qu'à l'étranger.

2. LE PROBLÈME        a. Quel est exactement le problème?

Depuis nombre d'années, un groupe formé d'avocats et d'universitaires spécialisés dans le domaine de la propriété intellectuelle et du commerce soulignent les difficultés et les incertitudes qui sont inhérentes à l'utilisation de la propriété intellectuelle comme garantie de financement. Cet aspect est un sous-ensemble important d'un problème de plus grande envergure, c'est-à-dire la façon dont la loi peut contribuer le mieux possible à faciliter l'obtention de capitaux pour les entreprises, tant établies que nouvelles, qui possèdent des biens de valeur autres que des biens immobiliers.

Dans les années 90, les marchés financiers ont évolué de manière telle qu'il était possible de réunir rapidement et à peu de frais, au moyen de premiers appels publics à l'épargne, de grandes quantités d'argent. L'assouplissement des lois sur les sûretés elles-mêmes ainsi que celui de leur exécution ont contribué à faire des premiers appels publics à l'épargne la méthode de choix pour la capitalisation de nouvelles entreprises, notamment les entreprises de haute technologie et les entreprises dites « dot com » . Dans bien des cas, on accordait peu d'attention aux éléments de propriété intellectuelle dans les prospectus ou d'autres documents à production obligatoire. Des éléments de propriété intellectuelle d'une valeur parfois douteuse semblaient suffisants pour réunir des fonds, et les litiges en instance n'étaient pas toujours divulgués en temps opportun ou convenablement évalués lorsqu'on finissait par en faire état. Les organismes de réglementation et les investisseurs considéraient les choses d'un oeil fort peu critique, tant que le marché haussier était en pleine effervescence.

La fin du marché haussier des années 90 aura pour effet de rendre nettement plus difficile à l'avenir le financement par premier appel public à l'épargne, et les assises de propriété intellectuelle d'un grand nombre d'entreprises axées sur le savoir bénéficieront enfin de l'examen minutieux qu'il aurait fallu mener il y a plusieurs années de cela. Il est possible que ce manque d'examen soit un élément du problème qui provoque l'effondrement de la valeur des sociétés « dot com » et des sociétés axées sur Internet. Pour un grand nombre de ces entreprises, la propriété intellectuelle était - et est - leur seul actif réalisable, et parfois cet actif est obscurci par les difficultés dont nous traiterons plus loin.

Un problème auquel pourraient se heurter dans l'avenir les entreprises méritoires, tant existantes que nouvelles, peut être un effet de ressac contre les entreprises à base de propriété intellectuelle en général, en raison de l'effet d'éclatement potentiel de la haute technologie. L'idée selon laquelle un accroissement de la propriété intellectuelle créerait davantage de richesse pourrait revenir hanter ceux qui en faisaient l'éloge sans comprendre tout à fait la situation.

Un autre problème que l'on peut prévoir sans se tromper est qu'il sera difficile ou impossible durant un certain temps d'obtenir du financement par la voie d'un premier appel public à l'épargne, et que les dettes ou les dettes convertibles[5] seront les seuls moyens d'obtenir des capitaux pour démarrer, prendre de l'expansion, voire survivre.

Il est peu sensé de s'attaquer à une série aussi complexe de questions juridiques en la considération comme une solution possible à un problème peut-être temporaire. Il faudrait plutôt que la série actuelle de questions soit clairement axée sur le fait de savoir si un climat juridique plus propice à l'utilisation de la propriété intellectuelle comme garantie serait utile aux prêteurs, aux investisseurs et aux emprunteurs à long terme, en tant que solution de rechange au financement par actions, ou en tant que caractéristique d'un financement par emprunt convertible pouvant être transformé en avoir.

En Amérique du Nord, les prêteurs exigent presque toujours une garantie pour le remboursement des créances. Cette pratique, a-t-il été indiqué, est moins systématique dans l'Europe continentale qu'au Royaume-Uni et certainement en Amérique du Nord, et il s'agit là d'une question de différence culturelle. Si cette observation au sujet de l'Europe est exacte, et découle d'un fondement ancré dans des relations personnelles et familiales et d'autres aspects qui ne sont pas fondés sur les données des bilans, cela dénote que la taille et les contacts comptent et que, dans de tels cas, les relations juridiques sont peut-être plus simples. Il se peut qu'une poignée de mains soit un antidote efficace à des frais de transaction élevés et un substitut à des garanties, avec la sanction convenue d'un certain ostracisme ou, au moins, d'une grave tache à la réputation si l'affaire tourne mal. Bien que cette façon de faire permette d'économiser des frais de transaction, il s'agirait d'un système qui pourrait s'avérer discriminatoire à l'endroit des nouveaux venus.

L'utilisation de la propriété intellectuelle comme sûreté dans le cadre de transactions commerciales est une pratique qui, lentement, devient de plus en plus fréquente et importante. Le monde a finalement pris conscience que la propriété intellectuelle a une grande valeur et peut servir de garantie dans les transactions financières des entreprises.

L'émission des « actions Bowie » , par le musicien et entrepreneur innovateur et célèbre dont elles portent le nom et qui sont garanties par les revenus découlant de son imposant portefeuille de droits d'auteur, a suscité récemment beaucoup d'attention[6]. À une échelle encore plus grande, il ne serait pas très exagéré de souligner que 90 p. cent ou plus de la valeur qu'accorde le marché à une entreprise comme Microsoft repose sur des avoirs « incorporels » qui n'apparaissent pas dans son bilan[7]. Même ses ventes, attributions de licences et sources de redevances considérables pourraient aller jusqu'à perdre toute valeur s'il était jugé que ses principaux droits de propriété intellectuelle sous-jacents n'étaient pas valides ou exécutoires. Il va sans dire que Microsoft n'a pas besoin d'emprunter de l'argent, mais tout nouveau concurrent aura vraisemblablement à le faire.

Tout le monde sait que l'immobilier peut servir à garantir un emprunt. C'est ce que l'on appelle une hypothèque. La raison pour laquelle on recourt fréquemment aux hypothèques pour un large éventail de transactions allant de l'achat d'une maison privée et la restructuration de dettes à des opérations commerciales hautement complexes est qu'elles offrent un haut degré de certitude pour ce qui est de l'évaluation de la garantie, du rang qu'occupe le détenteur de la garantie, de la vérification du titre de propriété du bien en question, de la réalisation de la garantie en cas de besoin, ainsi que de la réification de l'opération elle-même sur le plan des frais et des procédures dans la quasi-totalité des cas.

Il y a d'autres facteurs qui rendent les hypothèques immobilières attrayantes. Un bien immobilier ne peut être volé ou perdu. Sa valeur ne tombera habituellement pas en deçà d'un certain niveau mesurable par suite de la négligence ou de l'incompétence du propriétaire. Même si une maison est entièrement détruite par un incendie ou s'effondre, le terrain a d'habitude une valeur positive de base (à moins d'être fortement pollué). S'il existe des risques d'incendie, d'inondation, de pollution, etc., il existe une industrie de l'assurance bien établie pour réifier les mesures de protection contre de tels dangers, et les intérêts du créancier hypothécaire sont subrogés. Si le propriétaire oublie d'acquitter les taxes ou se trouve dans l'impossibilité de le faire, le créancier hypothécaire est protégé. Hormis les risques inhérents à une baisse de l'évaluation en raison des conditions du marché, l'opération est habituellement très sûre et simple. Mais les choses n'ont pas toujours été ainsi.    Avant l'avènement de la réforme moderne du droit des biens, de l'élaboration du concept du « fief simple absolu » , de l'évolution du régime moderne des titres fonciers Torrens[8] ou des variantes de ce dernier, ainsi que d'innombrables autres améliorations supplémentaires, les hypothèques n'étaient pas nécessairement simples. Aujourd'hui, grâce à de telles opérations, des quantités énormes d'activités économiques sont financées en toute sécurité, à un prix très bas. Des emprunts d'une valeur de plusieurs centaines de milliers ou millions de dollars peuvent être contractés rapidement en échange de frais de transaction de quelques centaines ou milliers de dollars.

Les biens immobiliers ont leurs « bornes et limites » . Il est possible de les identifier de manière très précise. Des systèmes bien établis permettent aujourd'hui à deux parties ou plus de partager les biens immobiliers de nombreuses façons, allant de simples servitudes jusqu'à des modalités condominiales, coopératives et locatives complexes. La propriété est encore clairement vérifiable, sous une forme qui peut être facilement transigée. La propriété intellectuelle par contre est loin d'être aussi bien développée.

À peu près rien de ce qui précède ne s'applique aux emprunts basés sur la propriété intellectuelle. Rares sont les prêteurs et les emprunteurs qui savent que l'on peut aujourd'hui se servir de la propriété intellectuelle pour garantir un emprunt. En outre, fort peu d'avocats savent comment structurer une telle opération et comment protéger les intérêts de l'emprunteur ou du prêteur. Il peut aussi y avoir de tierces parties en cause, comme des donneurs ou des preneurs de licence liés à l'emprunteur. Les évaluations sont incertaines et peuvent dépendre de la collaboration active, de la participation et, parfois, d'une divulgation risquée de la part de l'emprunteur.

L'octroi de licences, par ailleurs, est un processus parfois fort complexe. De nombreuses entreprises technologiques s'adonnent à la « concession réciproque de licences » , souvent avec des concurrents. Il est possible qu'elles aient besoin de leurs brevets ou de leurs droits d'auteur réciproques. À l'évidence, la situation peut être encore plus complexe si les droits de tiers sont en cause, non seulement au strict point de vue du « transfert » , mais aussi au point de vue commercial et stratégique.

Tous les droits de propriété intellectuelle, même enregistrés, sont en soi sujets à des attaques contre leur validité même. Il ne s'agit pas seulement là de l'instinct réflexif des spécialistes en litige concernant la propriété intellectuelle. Cela est profondément ancré dans la nature et dans l'objet du droit de la propriété intellectuelle, qui consiste à conférer des monopoles restreints mais puissants de manière à accroître le bien-être général des consommateurs. Lorsqu'il s'avère, par exemple, qu'un brevet n'aurait pas dû être octroyé parce qu'il existait une invention similaire antérieure, ou que l'on a permis qu'une marque de commerce devienne générique, ou que l'on revendique un droit d'auteur sur une oeuvre non originale, l'affaire est rompue et le « droit » est vulnérable lorsqu'une tentative quelconque est faite pour l'exercer. Les droits de propriété intellectuelle que l'on ne peut pas exercer sont essentiellement inutiles.

Dans le régime de la common law, un bien qui n'est pas réel (immobilier) est généralement qualifié de bien personnel[9]. En droit civil (et dans le régime écossais), c'est entre les biens immeubles et les biens meubles que l'on fait une nette distinction. Ces derniers termes sont en fait plus descriptifs de la nature de cette distinction. Un terrain n'est pas mobile. Tout le reste est mobile ou n'a peut-être aucun « emplacement » ou aucune existence corporelle. Malgré la taxonomie peut-être préférable du droit civil, il sera généralement question dans le présent document des « biens mobiliers » , pour la simple raison que la common law est plus répandue au Canada ainsi que dans les autres pays que nous avons pris en considération.

L'évolution du droit des « sûretés sur les biens mobiliers » a contribué à libérer les prêteurs et les emprunteurs de la complexité des formes anciennes d' « hypothèques mobilières » , de « ventes sous condition » , de privilèges et de charges de divers types, de divers genres de débentures ainsi que d'autres formes spécialisées de transactions qui, souvent, relevaient de lois différentes et de régimes d'enregistrement différents, même au sein d'une même administration. Au tout début, le mot « administration » signifiait, dans certains cas, un simple comté. Les opérations qui recoupaient diverses administrations, ou le simple fait qu'un débiteur change d'endroit, pouvaient rendre la vie des prêteurs commerciaux très compliquée.

De nos jours, la plupart des prêts aux consommateurs et un grand nombre de prêts commerciaux sont nettement plus simples. Un consommateur peut facilement financer l'achat d'une automobile. Il n'est pas nécessaire de recourir aux services d'un avocat. Un fabricant peut effectuer des ventes en obtenant une garantie sur des éléments de stock ou de matériel, sans avoir à faire affaire à un avocat. De nombreuses opérations ordinaires qui comportent des opérations garanties concernant des biens mobiliers sont aujourd'hui chose courante et tout à fait prévisibles.

C'est donc dire que la plupart des opérations conclues avec des consommateurs et un grand nombre d'opérations commerciales mettant en cause des maisons, des automobiles et des éléments de stock et de matériel traditionnels sont aujourd'hui monnaie courante. Il ne fait aucun doute que la réduction des frais d'opération et l'élimination quasi complète de l'incertitude juridique dans ces transactions ont favorisé la croissance d'industries tout entières, ainsi que celle de l'économie occidentale dans son ensemble. Des industries tout entières, allant de l'automobile au mobilier en passant par le matériel de bureau, le secteur de la fabrication et le matériel industriel, agricole et de transport, prennent appui sur des systèmes de financement garanti hautement évolués, qui fonctionnent bien à prix modique.

Comme l'évolution du droit permet d'exécuter des transactions simples, ordinaires et juridiquement sûres, qui mettent en cause la formation de capital fondée sur la propriété intellectuelle, il n'est pas irréaliste de croire qu'il sera possible de trouver de nouvelles sources de richesses.

       b. La mondialisation

Un grand nombre de transactions sont d'une envergure internationale et mettent parfois en cause des portefeuilles de propriété intellectuelle qui sont enregistrés dans de nombreux pays, ou qui peuvent exister dans de nombreux pays sous forme de droits d'auteur ou de marques de commerce non enregistrés. Il existe, bien sûr, plusieurs conventions internationales d'importance qui traitent des droits de propriété intellectuelle. Cependant, il n'existe à ce jour aucun mécanisme international qui permet d'enregistrer centralement un changement de propriété à l'égard de brevets délivrés, mais uniquement des dispositions restreintes concernant les marques de commerce en vertu de l'Arrangement et du Protocole de Madrid qui ne s'appliquent pas aux sûretés. Il n'existe non plus aucun mécanisme international qui traite de la propriété du droit d'auteur ou des sûretés connexes.

Indépendamment de la commodité et des économies possibles que représente un mécanisme d'enregistrement international centralisé où déposer les changements de propriété ou de sûreté, il peut y avoir des motifs juridiques réels pour étudier la création d'un tel mécanisme. En effet, même si les droits de propriété intellectuelle sont d'une nature principalement nationale et territoriale, leur propriété et, partant, leur exercice dépassent aujourd'hui, inévitablement, les frontières et surtout, mais pas exclusivement, à cause d'Internet[10]. Une décision canadienne récente, sauf si elle soit infirmée en appel, illustre très clairement la responsabilité potentiellement énorme d'un négociant situé dans une administration à l'égard de l'utilisation d'une marque de commerce qui, soutient-on, crée de la contrefaçon dans une autre administration, et ce, même si cet usage met en cause un site Web « passif » [11]. Bien qu'il existe des moyens de procéder à des recherches internationales (souvent à prix fort), les questions que soulèvent les activités d'une envergure de plus en plus mondiale des multinationales contre la toile de fond de régimes d'enregistrement de propriété intellectuelle de nature essentiellement nationale deviendront de plus en plus sérieuses.

Un autre aspect connexe de la mondialisation est celui de la compétitivité. Si un pays précise ses lois et s'il devient plus facile de réunir des capitaux dans ce pays, le capital à la fois intellectuel et pécuniaire quittera rapidement ses pays d'origine moins évolués. Des pays de plus petite taille mais innovateurs, comme Israël, distancent depuis peu des économies de plus grande envergure en attirant des capitaux de risque et des talents, et ce, grâce à des mesures plus propices aux investissements.

       c. Le problème de l'incertitude

Dans les principaux pays du monde occidental qui sont soumis à la common law, la question d'établir un régime efficace pour la titrisation de la propriété intellectuelle suscite un intérêt marqué depuis les dix à vingt dernières années. Cependant, tous ces pays, soit l'Australie, le Canada, le Royaume-Uni et les États-Unis, sont aux prises avec des problèmes découlant pour la plupart des incertitudes que présente le régime juridique. Au nombre de ces dernières figure, notamment, le manque de connaissances des praticiens. S'il ne s'agissait là que du seul problème, le marché le règlerait sûrement. Mais ce n'est pas le cas.

Dans tous ces pays, et particulièrement ceux qui sont soumis à un régime fédéral, il existe un degré très élevé d'incertitude quant aux questions fondamentales que suscite le fait de savoir comment fonctionne le simple cadre juridique. Dans certains cas, ce dernier ne fonctionne essentiellement pas. Il peut être impossible de fournir à une banque une opinion suffisamment confiante. Des faits identiques peuvent produire des résultats contradictoires ou imprévisibles en vertu des lois fédérales et des lois provinciales ou étatiques. Il existe souvent des conflits et des difficultés entre les régimes de propriété intellectuelle et les régimes de propriété mobilière, et, en outre, entre ces régimes et les régimes législatifs en matière de faillite et d'insolvabilité. Dans les régimes fédéraux, ces trois piliers sont de compétence différente (compétence fédérale par opposition à compétence provinciale ou étatique). Même au Royaume-Uni - un État censément unitaire - ces questions se présentent sous une forme qui reflète certains des problèmes fédéraux que l'on note ailleurs. En Nouvelle-Zélande, un État unitaire, on a adopté le régime des lois sur les sûretés relatives aux biens personnels que l'on applique dans l'Ouest du Canada, mais l'on reconnaît qu'il est nécessaire d'harmoniser ce régime avec le pays voisin, l'Australie, qui est aux prises, dans ces secteurs, avec des problèmes constitutionnels plus complexes encore qu'au Canada.

Au Canada, la législation en matière de propriété intellectuelle est traitée à l'échelon fédéral, et les lois applicables ne traitent que de façon minime, sinon pas, des questions de propriété, de transfert, de cession ou du rang d'intérêts opposés. Bien que le gouvernement fédéral canadien dispose d'une certaine compétence et de dispositions explicites au sujet des sûretés relatives aux navires, au matériel ferroviaire et à certaines opérations régies par la Loi sur les banques, aucune disposition ne traite directement et explicitement de la titrisation de la propriété intellectuelle en vertu des lois du Canada en matière de propriété intellectuelle.

À l'autre extrémité de la gamme, les lois provinciales en matière de « sûretés mobilières » qui traitent des sûretés relatives aux biens mobiliers ou des sûretés relatives aux biens « immatériels » n'ont à rien à dire explicitement au sujet de la propriété intellectuelle. Résultat, la plupart des avocats spécialisés en droit commercial et la plupart des praticiens du domaine de la propriété intellectuelle qui sont confrontés à ces questions procèdent, dans toute la mesure du possible, à un double enregistrement (à l'échelon à la fois provincial et fédéral), et adoptent une attitude des plus prudentes, ce qui semble être souvent le cas dans d'autres pays aussi.

On relève aussi des signes de cet état d'incertitude dans le domaine des faillites, où le gouvernement fédéral canadien dispose de pouvoirs nettement plus clairs, en vertu de la Loi constitutionnelle, qu'en ce qui concerne les sûretés[12]. Il existe aussi des problèmes potentiellement sérieux d'harmonisation et de conflits de lois, relativement aux opérations transfrontalières menées avec les États-Unis.

Il est tentant, pour les responsables de l'élaboration des politiques et même ceux qui participent au système, de faire abstraction de ces problèmes, et de laisser aux banques fortunées ainsi qu'à leurs gros clients emprunteurs institutionnels le soin de faire face aux questions d'inefficacité et de dépenses (que l'État peut percevoir comme insignifiantes). Cependant, indépendamment de l'effet économique général de l'incertitude, même si l'on prend la précaution de procéder à un double enregistrement, les coûts directement inutiles d'une telle démarche ne sont peut-être pas tout à fait insignifiants. Lorsqu'une opération comporte de nombreux droits d'auteur ou de nombreuses marques de commerce (comme c'est souvent le cas), les dépenses potentiellement inutiles que l'on engage pour préparer et enregistrer des documents, mener des recherches et obtenir des opinions, ainsi que les débours gouvernementaux en cause, peuvent être considérables. Il est possible que les clients se demandent, avec raison, si cette abondance de prudence est nécessaire ou utile[13].

   d. L'évaluation de la propriété intellectuelle

Que ce soit à ce niveau de « transaction » particulier, au niveau du bilan ou au niveau du marché boursier, l'évaluation de la propriété intellectuelle est plus un art qu'une science. Par exemple, les principes comptables généralement reconnus (PCGR) en particulier font preuve d'une très grande prudence pour ce qui est de refléter la valeur de la propriété intellectuelle dans les états financiers d'une entreprise. Il a été montré que, par exemple, la capitalisation boursière de la société Coca-Cola était de 145 195 millions de dollars à une époque où sa valeur comptable, d'après les actifs comptabilisés dans ses états financiers, n'équivalait qu'à environ 13 p. cent de ce montant, soit 19 145 millions de dollars. La différence, pourrait-on dire, est la valeur des avoirs incorporels de la société Coca-Cola dans ses marques de commerce ainsi que dans sa formule secrète[14]. Dans maintes sociétés de haute technologie, la différence aurait été nettement supérieure, du moins dans un marché haussier.

Le milieu des affaires et des investissements a examiné les ratios « valeur marchande-valeur comptable » de diverses entreprises et a constaté - et cela n'a rien d'étonnant - que bien des entreprises ont une capitalisation boursière plusieurs fois supérieure à leur valeur comptable. Dans bien des cas, la différence tend à être plus marquée dans les entreprises de haute technologie, mais ces ratios élevés ne se limitent pas à ces dernières. Le ratio est attribuable au fait que les « avoirs intellectuels » , c'est-à-dire la propriété intellectuelle, n'apparaissent essentiellement pas dans les bilans des entreprises[15].

Microsoft est peut-être l'exemple le plus marquant d'une entreprise bien établie et « solide » dont le ratio « valeur marchande-valeur comptable » est élevé. En 1998, sa capitalisation boursière était d'environ 535 milliards de dollars US, en prenant pour base un prix de 108,38 $ l'action. Ce montant était supérieur au produit intérieur brut (PIB) de 200 pays, et ce, même si sa valeur comptable était de 15 milliards de dollars et si ses immobilisations ne s'élevaient qu'à 1,5 milliard de dollars. Sur son avoir total de 22,4 milliards de dollars, la somme de 13,9 milliards de dollars (ce qui représente plus de 60 p. cent), ne comprenait que des espèces[16]. C'est donc dire qu'en 1998, la capitalisation boursière de Microsoft était presque la même que le PIB du Canada en 1999, qui était de 570 milliards de dollars US[17].

À un niveau plus transactionnel fondé sur des éléments de propriété intellectuelle particuliers, une évaluation peut être une tâche fort complexe. Comme il est indiqué ailleurs dans le présent document, n'importe quel élément de propriété intellectuelle, même enregistré, est vulnérable à une attaque fondée sur sa validité. Dans le cas des brevets, l'attaque sera habituellement basée sur des allégations selon lesquelles l'invention n'était pas nouvelle, était évidente ou était anticipée par ce qu'on appelle des antériorités. La recherche d'antériorités est aujourd'hui devenue une sorte d'entreprise de destruction en soi, où l'on offre « en ligne » des récompenses à ceux qui peuvent aider à invalider le brevet d'un rival[18].

En outre, de nombreux droits de propriété intellectuelle peuvent perdre une grande part, sinon la totalité, de leur valeur, sans la participation et la collaboration permanentes du « créateur » ou du propriétaire proprement dit du fonds commercial. Un brevet permet théoriquement à n'importe quelle personne normalement « versée dans l'art » de mettre en pratique l'invention, mais il existe souvent des nuances qui, pour les personnes en cause, sont personnelles. Une marque de commerce peut être réduite à néant, perdre une grande partie de sa valeur ou même devenir invalide si elle est dissociée de son fonds commercial et de sa source réelle, encore la gravité de ce danger varie selon les pays. Mais, quoi qu'il en soit, une marque de commerce naguère réputée que l'on retire de sa source (à cause, peut-être, de la faillite de cette dernière) et que l'on applique par la suite à des produits ou des services de qualité inférieure peut avoir fort peu de valeur.

Même un droit d'auteur, qui, ironiquement (vu son association artistique), constitue habituellement la forme de propriété intellectuelle la plus facile à transférer et « liquide » [19], peut perdre sa valeur si, par exemple, l'auteur original ne souhaite pas participer à des adaptations, des oeuvres dérivées ou des suites. En outre, l'auteur original aura toujours normalement des droits moraux[20] qui ne peuvent tout simplement pas être cédés et auxquels il est possible seulement de renoncer. Les droits moraux peuvent être, et devraient être en fait, une source de crainte pour un banquier, à moins que l'auteur ait renoncé irrévocablement et entièrement à son droit. Dans un film ou dans un programme informatique, il peut y avoir de nombreuses douzaines ou centaines d' « auteurs » , sinon plus. Il peut y avoir aussi des droits de réversion dans le cas du Canada, ou des droits de résiliation ou de transfert dans le cas des États-Unis, qui peuvent sérieusement compromettre la valeur d'un droit d'auteur ancien.

De nombreux droits d'auteur dépendent aussi d'une mise en marché énergique de la part des éditeurs ou des sociétés discographiques. Bien que de nombreux anciens droits d'auteur afférents à des catalogues soient devenus des vaches à lait établies qui représentent des sources de redevances prévisibles, il est très difficile de savoir ce que vaudront dans deux ans les éléments de propriété intellectuelle de Britney Spears.

Dans le domaine de la haute technologie, un certain nombre de droits de propriété intellectuelle sont particulièrement vulnérables à l'évolution de la jurisprudence. Les brevets commerciaux et les brevets liés à des logiciels peuvent être plus sensibles que de coutume à des attaques, car, pourrait-on faire valoir, ils ont été délivrés de manière trop généreuse dans certains pays.

L'incertitude fondamentale que suscitent des catégories entières de propriété intellectuelle ou de propriété intellectuelle présumée peut perdurer pendant de nombreuses années. Par exemple, au Canada, la brevetabilité de formes de vie supérieures est douteuse, en attendant que la Cour suprême du Canada se penche sur la question si l'autorisation d'interjeter appel est accordée dans l'affaire « Harvard Mouse » [21]. Dans cette affaire, en 2000 la Cour d'appel fédérale, rendant une décision partagée qui était fondée sur le droit américain, a confirmé le brevet relatif à la « Harvard Mouse » , qu'avaient rejeté la cour d'instance inférieure et le Commissaire aux brevets. La demande originale avait été déposée en 1985. Même si la Cour suprême du Canada entend cette affaire - et l'on s‘attend généralement qu'elle le fasse, il est probable que l'incertitude qu'elle suscite persistera durant un certain temps. Si l'autorisation d'interjeter appel est accordée, il y a peu de chances qu'une décision soit rendue avant 2002, voire 2003, et même là, il est des plus probables qu'en tout état de cause, l'affaire finira par être soumise au Parlement. Il s'agit donc là d'un exemple bien net d'un secteur commercial énergique particulier où, manifestement, la propriété intellectuelle n'est pas ce que l'on peut utiliser de mieux comme sûreté.

Un autre exemple, qui touche la plupart des pays, est le secteur des bases de données. La portée de la propriété intellectuelle concernant les bases de données demeure fort incertaine et très controversée au Canada et aux États-Unis. Il n'est pas sûr que la législation puisse régler cette incertitude[22]. Curieusement, cependant, le secteur des bases de données est florissant dans ce milieu. Les sociétés les plus importantes dans ce domaine n'ont probablement pas besoin d'emprunter de l'argent en se fondant sur les avoirs que procurent leurs bases de données. Cependant, les entités de petite taille peuvent avoir besoin de le faire.

Un autre problème d'évaluation qui a été relevé[23] est inhérent au processus de négociation lui-même qui se déroule au stade du financement de début de croissance. Cela comporte le souhait raisonnable pour les prêteurs ou les investisseurs d'en savoir le plus possible sur la technologie avec laquelle ils ont affaire, par opposition à l'anxiété raisonnable qu'éprouve l'entrepreneur à la recherche de capitaux à l'idée du fait de divulguer à d'autres ce qui peut être une technologie non brevetée ou des secrets commerciaux. Certaines affaires échouent, et les secrets commerciaux, après avoir été dévoilés, ne peuvent habituellement pas être remis dans leur « bouteille » .

       e.La nature des marchés financiers pour les entités fondées sur la propriété intellectuelle

Les entreprises nouvelles, et surtout dans le secteur de la haute technologie, passent par un cycle de croissance qui est aujourd'hui devenu assez prévisible[24]. Ce cycle comporte une progression partant d'une poignée d'investisseurs « providentiels » qui fournissent des fonds d'amorçage ou de lancement de l'ordre de 100 000 $ à 1 million de dollars. Ensuite, la prochaine étape comporte un investissement de la part d'une société d'investissement en capital de risque, d'un montant de 8 à 10 millions de dollars (tous ces chiffres sont exprimés en dollars américains).

Bien que ces premières étapes et même l'étape finale du premier appel public à l'épargne puissent comporter un certain degré de diligence raisonnable quant aux préoccupations relatives à la propriété intellectuelle, elles ne comprennent pas forcément et habituellement des transactions garanties. Cependant, il se pourrait, selon des preuves anecdotiques, que les choses changent si les marchés des actions s'assèchent et si le scepticisme que suscitent les entreprises de haute technologie prend racine.

Les dettes convertibles sont une formule que l'on pourrait utiliser plus souvent. Selon ce genre d'instrument, une créance peut être transformée en avoir dans des circonstances définies. Si de telles transactions deviennent plus fréquentes, il y aura davantage de demandes pour la titrisation des éléments de propriété intellectuelle sous-jacents. Au début, il s'agira habituellement des seuls éléments d'actif.

Il n'est toutefois pas nécessaire que les transactions de financement soient aussi « dramatiques » que le nouveau financement d'une nouvelle entité. Une entité existante pourrait vouloir effectuer un gros investissement dans un logiciel d'entreprise, ou dans un nouveau réseau, ou dans une installation de serveur importante en vue d'exploiter ses activités commerciales électroniques. Un grand nombre de ces transactions seront financées par le fournisseur ou par un tiers. La sûreté comporte nécessairement des intérêts de propriété intellectuelle, habituellement sous la forme d'une licence. Comme nous le verrons dans les pages qui suivent, il existe des incertitudes considérables pour le donneur comme que pour le preneur d'une licence de propriété intellectuelle en vertu des lois sur les sûretés mobilières et des lois régies par l'article 9, de même qu'en vertu des lois sur la faillite.

       f. Des cultures contradictoires et isolées

Un problème généralisé qui se pose dans tout ce secteur est le conflit d'objet et le conflit de culture. Les lois sur les sûretés mobilières ont toujours eu pour objet principal de protéger les intérêts des prêteurs commerciaux qui souhaitent avancer des fonds en obtenant en contrepartie une sûreté sur un bien mobilier et, souvent, incorporel. Leur souci est de garantir la prévisibilité, des frais de transaction raisonnables ainsi qu'une garantie de rang en cas d'insolvabilité ou de cession frauduleuse. Il existe bien des incertitudes qui peuvent mener à la fourniture d'opinions juridiques nuancées au prêteur[25].

En revanche, le droit de la propriété intellectuelle s'est développé dans une voie essentiellement distincte de celle du droit des prêts commerciaux, et vise principalement la création, l'exploitation et l'exécution des droits. Les cultures juridiques sont fort distantes l'une de l'autre, mais il y a toujours eu peu de raisons pour que les deux se combinent. Ce n'est que depuis relativement peu de temps que l'on a pris conscience de la valeur potentielle immense de la propriété intellectuelle en tant que garantie, ainsi que des problèmes consécutifs que pose le fait de l'utiliser efficacement à cette fin.

Comme si ces deux cultures commerciales et juridiques distinctes n'étaient pas suffisamment distantes l'une de l'autre, le troisième front - le droit de la faillite - est aujourd'hui reconnu comme de plus en plus important et pertinent aux deux autres secteurs. Les avocats d'affaires qui sont actifs au stade prospère de la croissance d'une entreprise veulent s'assurer, notamment, que les biens garantis sont à l'abri de la portée d'un syndic de faillite, au cas où les choses tourneraient mal. C'est vraiment là tout l'objet des transactions garanties. Cependant, une faillite est un événement de plus en plus normal, surtout dans le secteur des « dot com » et l'on a peu réfléchi aux problèmes qui surviennent dans de nombreux cas, soit sur le plan des transactions soit sur le plan des politiques.

La propriété intellectuelle est un aspect dont on traite habituellement aujourd'hui dans le cadre de l'attribution de licences. Le mouvement lancé par l'UCITA[26] vise à étendre la pratique de l'octroi de licences en veillant à ce que les contrats d'adhésion par déballage ou par « cliquage » soient pleinement exécutoires d'après leurs conditions, sans égard, essentiellement, au manque de choix ou de consentement éclairé de la part de l'utilisateur. Si certains fabricants de logiciels de grande taille obtiennent ce qu'ils désirent, et si le mouvement de l'UCITA tient bon, les licences deviendront la façon normale de traiter la propriété intellectuelle dans la quasi-totalité des transactions qui se rapportent à des logiciels ou à des produits intégrant des logiciels. Les « contrats » remplaceront les lois pour ce qui est de définir les relations économiques, et cette façon de faire pourrait s'étendre également aux livres et aux produits de divertissement[27]. Les répercussions qu'aurait la faillite d'un donneur de licence, advenant l'adoption de lois du type UCITA, sont inconnues.

Un exemple récent de l'incertitude qui naît au point d'intersection de divers régimes juridiques est celui de la société Everex, aux États-Unis. Dans cette affaire datant de 1996, la Cour d'appel du 9e Circuit a confirmé l'opposition d'un donneur de licence à la cession, par un débiteur, de son droit en vertu d'une licence non exclusive d'exploitation d'un brevet[28]. En se fondant sur une analyse de la différence entre les principes régissant les contrats et les licences (les premiers étant essentiellement un accord visant à ne pas intenter de poursuite), la Cour a confirmé le contrôle exercé par le donneur de licence. Cette décision, considère-t-on, a un « effet paralysant sur les restructurations » . Des restrictions analogues peuvent également s'appliquer aux licences non exclusives d'exploitation d'un droit d'auteur[29].

Les lois canadiennes, tant fédérales que provinciales, comportent de sérieuses lacunes, ou de simples incertitudes, en ce qui a trait aux licences. Il existe de sérieuses questions à propos des aspects exécutoires des licences relatives à des éléments de propriété intellectuelle, advenant une faillite. Ces questions peuvent créer des conflits entre les attentes des créanciers garantis et non garantis, des syndics ainsi que des preneurs de licence eux-mêmes, sans compter les franchiseurs et les franchisés, ainsi que leurs prêteurs. En outre, la question apparemment simple de savoir si certains types de droits fondés sur l'octroi d'une licence sont régis ou non par les lois sur les sûretés mobilières est loin d'être claire, comme nous le verrons plus loin, du moins en ce qui concerne la loi ontarienne.

       g. Des concepts contradictoires

Les bureaux d'enregistrement des éléments de propriété intellectuelle s'occupent principalement de consigner l'octroi de droits, l'identité du détenteur original et, dans certains cas mais non dans tous, le cessionnaire contemporain. Les systèmes d'enregistrement de la propriété intellectuelle ont été conçus pour le dépôt de transactions plutôt que pour le dépôt d'avis[30].

Bien que les régimes de brevets fassent généralement un bon travail pour ce qui est de décrire l'étendue des droits qui sont revendiqués, le registre public concernant les marques de commerce et les droits d'auteur n'est pas très utile. Les enregistrements de marques de commerce peuvent être d'une portée excessive ou insuffisante en ce qui concerne les produits et les services qui sont réellement utilisés et pour lesquels l'enregistrement peut être valide. Une non-utilisation générale, ou concernant des produits et des services particuliers, durant une période d'au moins trois ans, peut mener à l'invalidité. Aux États-Unis, l'enregistrement du droit d'auteur est étayé par le dépôt d'une oeuvre, mais dans le cas des logiciels informatiques, il est peut probable que cet enregistrement comporte une quantité utile de codes de source proprement dits. Au Canada, l'oeuvre peut ne pas être déposée du tout. Aucun des systèmes existants au Canada n'est fiable pour ce qui est de montrer de manière concluante la propriété actuelle. Quoi qu'il en soit, il n'existe pas au Canada de système de droit d'auteur consultable « en ligne » .

Le problème des systèmes d'enregistrement de la propriété intellectuelle est que ces derniers sont de la nature d'un système d'enregistrement de « pistes » [31]. Ces systèmes sont basés sur la propriété. Mais, même dans un tel cas, ces systèmes n'établissent pas nécessairement la propriété. De façon caractéristique, il n'est pas obligatoire de déposer les cessions (encore qu'il soit toujours prudent de le faire) et, comme nous le verrons, la législation sur la propriété intellectuelle peut comporter un aspect d' « octroi annulable » , ce qui annule censément les intérêts antérieurs non enregistrés dans le cas d'une cession déposée par la suite.

Ces régimes varient de par leur nature dans la façon dont les recherches peuvent être menées. Dans le cas des marques de commerce, les recherches peuvent être effectuées par marques identiques, par marques similaires, ou par détenteurs. La recherche de marques de commerce similaires mais non identiques exige parfois beaucoup d'habileté. L'évaluation des résultats des recherches de marques de commerce est également un art. Dans le cas des brevets, il est possible de faire les recherches par sujet, mais ce travail, s'il est effectué par un non-expert, n'est pas fiable. Les bases de données sur les brevets et même sur les marques de commerce, entre les mains de non-experts, constituent essentiellement des systèmes d'extraction de renseignements qui sont déjà plus ou moins connus.

Il n'existe que deux systèmes d'enregistrement de droits d'auteur au sein des grands pays, et il s'agit du Canada et des États-Unis. Le système américain permet d'effectuer « en ligne » des recherches utiles, mais il n'existe pas de service équivalent au Canada et aucun dépôt sous-jacent d'oeuvres dans ce pays.

Par contraste, les systèmes régis par les lois sur les sûretés mobilières et l'article 9[32] sont axés sur le fait de fournir des avis concernant les obligations d'un débiteur particulier. Un aspect essentiel de la version moderne des lois sur les sûretés mobilières et de l'article 9 est un accès « en ligne » rapide et sûr à des renseignements très récents, sans craindre que des renseignements enregistrés par la suite fassent en sorte que les renseignements antérieurs sont inexacts.

Un autre conflit de concepts connexe est que la législation découlant des lois sur les sûretés mobilières et de l'article 9 a évolué au point d'englober la possibilité qu'une sûreté garantisse des biens « acquis ultérieurement » . Des choses telles que des comptes débiteurs, des éléments de stock, des dépôts, etc. changent et se transforment d'un jour à un autre. Il est manifestement peu pratique d'exiger un nouvel enregistrement chaque fois qu'il survient un changement dans les éléments d'actif.

Par contre, le régime de la propriété intellectuelle est fondamentalement hostile à l'idée des droits « acquis ultérieurement » . Même s'il est possible d'améliorer un brevet, si une marque de commerce peut être utilisée pour de nouveaux produits ou services, ou si une oeuvre protégée par le droit d'auteur peut être adaptée ou constituer le fondement d'une « oeuvre dérivée » [33], aucune de ces créations ne sera parfaite, et encore moins englobée, au sens des lois sur les sûretés mobilières et de l'article 9, par le premier enregistrement de la propriété intellectuelle. En fait, dans le cas du brevet, la protection disparaîtra si une nouvelle demande n'est pas déposée en temps opportun.

Il existe un problème de taille dans l'industrie des logiciels, où les oeuvres évoluent sans cesse et où l'on note une hésitation intrinsèque à présenter une demande d'enregistrement de droit d'auteur aux États-Unis, à cause des dispositions en matière de divulgation, et ce, quelle que soit la facilité avec laquelle il est possible de les éviter. Il s'agit là d'un inconvénient de taille dans l'industrie cinématographique, mais d'un inconvénient dont s'accommodent les studios de Hollywood comme étant un prix à payer pour faire des affaires, et peut-être parce que cela représente une sorte d'obstacle pour les sociétés de production indépendantes de moindre envergure.

Certains laissent entendre qu'un autre problème connexe est l'incapacité du système d'enregistrement de la propriété intellectuelle d'englober dans un seul document une multitude d'enregistrements. Les enregistrements de propriété intellectuelle concernent exclusivement des biens particuliers. C'est là, croit-on, un problème potentiel pour les éditeurs, les sociétés discographiques, etc. qui possèdent d'importants catalogues. Cependant, on pourrait se demander tout d'abord si les sociétés qui possèdent de très gros catalogues de propriété intellectuelle auront vraisemblablement besoin de financement par emprunt. La question suivante peut se résoudre simplement à peine plus que le paiement de déboursés gouvernementaux additionnels pour les enregistrements multiples. En principe, il ne devrait pas être très difficile d'adapter un ou plusieurs documents pour qu'ils couvrent des enregistrements multiples essentiellement répétitifs, et ce, même s'il est nécessaire d'avoir des enregistrements et des déboursés distincts. Cela se fait tout le temps.

Un autre conflit est celui que pose le traitement, dans les régimes, du problème de la « rétrospective » ou du délai de grâce, ainsi que celui du délai administratif. Il en sera question plus loin, mais en voici un bref aperçu. Certains régimes de propriété intellectuelle permettent de déposer des enregistrements ou des documents de cession qui prennent effet à partir de leur date de signature, et ce, même s'ils sont enregistrés longtemps après le fait. Cela peut surprendre tous ceux qui font des recherches diligentes dans un registre en prenant pour base une date précise, et qui espèrent se fier aux résultats obtenus. En outre, il y a toujours, dans bien des systèmes, un long délai d'enregistrement, qui, parfois, peut atteindre plusieurs mois. Il y a des exceptions informelles, et des exceptions dans la façon d'imposer des frais nettement supérieurs pour court-circuiter la file d'attente, mais le fait demeure qu'au Canada et aux États-Unis, il est probable que la situation du registre, à quelque date que ce soit, au sujet d'un droit de propriété intellectuelle quelconque, sera en retard de plusieurs semaines ou mois. Les régimes relevant des lois sur les sûretés mobilières et de l'article 9 sont conçus pour éviter ces délais.

       h. Gestion comparative

Le Canada, les États-Unis et l'Australie sont tous des États fédéraux, c'est-à-dire qu'ils sont dotés d'un gouvernement « fédéral » central et de provinces ou d'États qui revêtent un caractère plus régional. Dans ces trois pays, la propriété intellectuelle et la faillite sont des sujets de compétence fédérale, tandis que le droit des biens et le droit des sociétés sont des sujets de compétence provinciale ou étatique, ou des sujets qui comportent, d'une certaine façon, des aspects communs.

Dans tous ces pays, il y a un manque de cohérence entre les divers régimes relativement aux questions qui sont analysées ici.    Il s'avère que les États-Unis ont des problèmes similaires à ceux du Canada, et des problèmes parfois pires à certains égards. Le cadre législatif et constitutionnel américain est suffisamment comparable à celui du Canada pour susciter un intérêt potentiel considérable aux fins du présent exercice. Comme c'est habituellement le cas, il y a aux États-Unis nettement plus de jurisprudence pertinente pour prodiguer des conseils - et susciter aussi de la confusion - qu'au Canada. Les efforts faits pour régler ces questions aux États-Unis sont allés jusqu'à la rédaction d'un projet de loi que le comité judiciaire de la Chambre des représentants a examiné en 1999. Les audiences ont donné lieu à d'excellents mémoires, et il sera question de certains de ces derniers dans le présent document. Des projets de loi introduits en 1993 et en 2000 (ni l'un ni l'autre n'ont dépassé le stade de l'introduction) seront brièvement examinés. Une étude importante du Franklin Pierce Law Center, (FPLC), commandée par le United States Patent and Trademark Office (USPTO), est sur le point d'être publiée, et ses auteurs recommandent que l'on établisse un régime d'enregistrement centralisé qui fournirait aux personnes participant à ces genres de transactions des avis implicites efficaces.

Au Canada et aux États-Unis, les principales lois régissant les biens de propriété intellectuelle concernent les brevets, les marques de commerce et le droit d'auteur. D'autres droits législatifs fédéraux concernent les circuits intégrés, les obtentions végétales ainsi que les dessins industriels (ou les « dessins et modèles » , comme on les appelle aux États-Unis).

Au Canada, toutes les provinces soumises à la common law sont aujourd'hui dotées de lois sur les sûretés mobilières. Le Québec, qui est assujetti au Code civil, a récemment révisé les dispositions du Code civil du Québec (CCQ) de 1994 qui traitent des « hypothèques » et qui sont influencées par l'article 9. Les provinces de l'Ouest, les Maritimes et les nouveaux territoires suivent la loi type des provinces de l'Ouest, qui a d'abord pris racine en Saskatchewan. L'Ontario a son propre modèle (Loi sur les sûretés mobilières), laquelle paraît peu encline à céder à la version plus répandue de l'Ouest. Aux États-Unis, on trouve le Uniform Commercial Code ( « UCC » ), adopté avec de légères variations dans tous les États, et dont l'article 9 est celui qui concerne le plus les questions examinées dans le présent document. Cet article a été récemment révisé, et comporte quelques répercussions positives au chapitre de la propriété intellectuelle. L'article 9 a inspiré, dans une mesure plus ou moins grande, la législation canadienne.

Les lois sur les sûretés mobilières qu'appliquent les États américains et les provinces du Canada ont toujours évolué de manière à atteindre l'objectif consistant à permettre et à faciliter les transactions de financement concernant des biens qu'il est habituellement possible de situer à un endroit particulier (lex situs), comme une machine, des éléments de stock ou d'autres biens meubles. Un progrès important et récent est l'idée selon laquelle un bien peut être réputé situé au principal lieu d'affaires ou au bureau central du débiteur. Cette mesure amoindrit l'incertitude et les dépenses que peuvent susciter les recherches d'information.

L'Australie est dotée d'un mécanisme coopératif unique, qui consiste à centraliser le pouvoir des États sous un mécanisme de « commonwealth » fédéral, tout en laissant le contrôle à l'échelon des États. Cette situation fait actuellement l'objet de litiges importants et complexes, ainsi que de récentes décisions de la part de la Haute Cour de justice.

Le Royaume-Uni, comme nous l'avons signalé, n'est pas un état fédéral mais, à bien des égards importants, comporte réellement deux « paliers » ou au moins deux façons distinctes de traiter les questions importantes, pour ce qui est du droit écossais et au droit anglais.

3. LA PROPRIÉTÉ, LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE, ET PLUS

La profusion récente de nouvelles richesses associées à la propriété intellectuelle ainsi que les controverses en cours, allant de préoccupations antitrust à Napster, ont donné lieu à une abondante réflexion concernant la nature de la propriété (les biens) en général et de la propriété intellectuelle en particulier. Certaines métaphores, parfois évidentes, continuent d'évoluer. La tension philosophique de base s'exerce entre la conception « lockéenne » et la conception « jeffersonienne » . Locke était d'avis que l'admissibilité à des droits de « propriété » était le résultat de l'accomplissement d'un travail. Jefferson croyait pour sa part que les idées et les inventions ne conviennent pas bien à la notion d'un droit de propriété exclusif parce que le partage de ces idées et de ces inventions ne les amoindrit pas, tout en concédant cependant qu'il serait possible de conférer des droits exclusifs sur les bénéfices en découlant, afin d'encourager à les poursuivre :

[traduction] « S'il est une chose que la nature rend moins susceptible d'un droit de propriété exclusif que toutes les autres, c'est l'action du pouvoir de réflexion que l'on appelle une idée, chose qu'un individu peut posséder en exclusivité tant qu'il la garde pour lui; cependant, dès qu'elle est dévoilée, cette idée entre en la possession de chacun, et celui qui la reçoit ne peut s'en départir. Sa caractéristique particulière est aussi le fait que nul n'en possède le moins, car tous les autres en possèdent la totalité. Celui qui reçoit de moi une idée n'amoindrit pas celle que je possède, à l'instar de la personne qui, allumant sa chandelle à la mienne, acquiert de la lumière sans m'en priver. Le fait que les idées doivent se propager de l'un à l'autre autour du globe, à l'appui de l'instruction morale et mutuelle de l'homme, et l'amélioration de sa condition, semble avoir été conçu de manière particulière et bienveillante par la nature, lorsque celle-ci les a créées, comme le feu, qui peut s'étendre partout, sans perdre de sa densité à un endroit quelconque, et comme l'air dans lequel nous respirons, nous nous déplaçons et nous situons notre être physique, incapable de confinement ou d'appropriation exclusifs. Les inventions ne peuvent donc pas, de par leur nature, être l'objet d'une propriété. La société peut accorder un droit exclusif aux bénéfices qui en découlent, afin d'encourager les hommes à poursuivre des idées qui peuvent s'avérer utiles, mais cela peut être fait ou non, selon le vouloir et la commodité de la société, et sans revendication ou sans plainte de la part d'une entité quelconque[34].

Il n'est plus facile aujourd'hui de séparer le brillant du banal dans le discours moderne. Parfois, il n'est même pas facile de distinguer les libertariens des communistes. Il est possible que les législateurs et les plaideurs imposent de force des droits de propriété là où il ne devrait pas y en avoir. Il est possible aussi qu'ils n'en ont peut-être pas fait assez. Cependant, nous devons nous limiter, dans le présent document, à des questions plus pratiques au sujet de la propriété, dans le contexte de ce qui peut être transigé d'une manière prévisible et sûre, avec tous les pouvoirs inhérents de la propriété, c'est-à-dire que celle-ci peut être achetée, vendue, louée, autorisée par une licence, donnée en garantie et par ailleurs contrôlée de manière telle que son propriétaire peut en retirer et en transférer une gratification économique quelconque et ne pas souffrir du fait qu'elle soit entièrement et complètement consommée.

       a. Qu'est-ce que la propriété et qu'est-ce que la propriété intellectuelle?

Les divers régimes de titrisation s'appliquent aux biens dits personnels ou meubles. Les régimes couvrent également les biens « immatériels » , lesquels comprennent généralement les éléments de propriété intellectuelle. En principe, selon les modèles fondés sur les lois sur les sûretés mobilières ou l'UCC, il est possible de présumer que les biens existent là où est situé le débiteur. Même si les biens sont mobiles, comme un camion ou une grue, il faut qu'ils existent à un endroit particulier, à quelque moment que ce soit. Même un certificat d'actions ou une obligation peut avoir une existence à un endroit particulier, et à un moment particulier, dans un coffre de sécurité. Il est manifestement possible de donner un tel bien en garantie.

En revanche, la propriété intellectuelle - un exemple de bien immatériel - n' « existe » nulle part en particulier. N'importe quel « certificat » lié à un élément de propriété intellectuelle que décerne une instance gouvernementale ne constitue qu'une preuve prima facie de l'existence de certains droits. Il ne s'agit pas d'instruments négociables et ils n'ont pas de valeur intrinsèque, comme un certificat d'actions ou une obligation. Ces biens peuvent être facilement remplacés s'ils sont perdus ou volés et, en tout état de cause, sont inutiles à toute personne autre que leur détenteur.

Une partie importante du problème conceptuel général qui se pose dans ce domaine est liée à la question fondamentale suivante : « qu'est-ce qu'un bien? » . Une réponse toute simple à cette question pourrait être qu'un bien est tout ce que l'on peut acheter, vendre, autoriser par licence ou louer, ou négocier de toute autre manière. Une réponse plus complexe serait que la définition dépend du contexte dans lequel on pose la question.

Par exemple, un commentaire énigmatique de la part de l'un des anciens juges les plus énigmatiques de la Cour suprême du Canada, est la source de constants commentaires et d'une fréquente consternation depuis qu'il a été formulé :

« Le droit d'auteur n'est pas régi par les principes de la responsabilité délictuelle ni par le droit de propriété mais par un texte législatif. Il ne va pas à l'encontre des droits existants en matière de propriété et de conduite et il ne relève pas des obligations et droits existant autrefois en common law. La loi concernant le droit d'auteur crée simplement des droits et obligations selon certains conditions et circonstances établies dans un texte législatif[35]. »

Par surcroît, bien que le droit des brevets, des marques de commerce et du droit d'auteur (et dans une moindre mesure, celui des dessins, des circuits intégrés et des obtentions végétales) soit inscrit dans des lois, il existe d'autres « droits de propriété » bien établis qui ne sont pas codifiés de cette façon, dont les droits à la bonne réputation, le droit de publicité et la « substitution » ou la « concurrence déloyale » . Bien que ces doctrines de la common law soient habituellement liées davantage au droit de la responsabilité délictuelle, certaines ont été traitées comme des « droits » et considérées comme héritables, et d'autres ont même été codifiées dans des lois, par exemple dans certaines administrations étatiques. Au Canada, pour faire valoir une marque de commerce non enregistrée, on recourt habituellement à une action pour « substitution » au sein des tribunaux provinciaux, ou d'une action en substitution « légale » en vertu de l'alinéa 7b) de la Loi sur les marques de commerce. En principe, certains de ces droits, ou la totalité d'entre eux, peuvent être titralisés, si l'on prend bien soin de les rédiger et de les conceptualiser sous forme d'intérêts de propriété.

Les catégories de « biens » vont en s'étendant. Cependant, le débat qui entoure la question de savoir si une chose constitue un bien ou non est fort important pour ce qui est de savoir si ce bien peut être titralisé[36].

Une question particulièrement opportune et contrariante pour les fins qui nous occupent ici est le fait de savoir si les noms de domaine constituent un bien. Ces derniers sont achetés et vendus contre d'importantes sommes d'argent, et utilisés jusqu'à un certain point comme instrument d' « extorsion » par ce que l'on appelle les « cybersquatters » . Dans le même ordre d'idées, certains détenteurs de marques de commerce pratiquent le « détournement inverse » de noms de domaine que d'autres emploient en se fondant sur des théories parfois douteuses d'admissibilité en vertu du droit des marques de commerce (c'est-à-dire des biens). L'aspect prépondérant est que la plupart des noms de domaine, sinon tous, résultent d'un contrat conclu entre le déposant et un registraire. Bien qu'une « vente » ait lieu, le fondement juridique de ces noms est douteux et le mieux est peut-être de les considérer comme une cession de droits contractuels. Les théories à cet égard abondent et sont quelque peu inconcluantes, voire contradictoires[37]. Diverses décisions judiciaires ont suscité bien des doutes à propos du fait de savoir si les noms de domaine peuvent être considérés comme un bien, par exemple, aux fins d'une saisie en vue de régler une créance résultant d'un jugement[38].

Il est bien établi en droit canadien qu'un droit d'auteur peut être saisi en vue d'exécuter un jugement[39]. Cependant, on ne peut pas dire qu'un droit d'auteur ou un brevet est situé à Toronto, pas plus qu'on ne peut dire qu'il est situé à Vancouver. Si un droit afférent à un droit d'auteur ou à un brevet existe au Canada, il existe dans tout le Canada et est exécutoire sur tout le territoire de ce dernier au sein de la Cour fédérale, ou dans n'importe quelle province par l'entremise d'une cour de cette province. Il y a des différences au sujet des marques de commerce, et même des marques de commerce enregistrées, car en principe il peut y avoir des limites géographiques à leur caractère exécutoire ainsi qu'à la portée territoriale de l'enregistrement fédéral[40]. Il est possible que les marques de commerce non enregistrées qui sont protégées par le principe de la substitution en common law aient une portée géographique relativement restreinte parce que l'achalandage et la réputation peuvent être localisés.

À un autre égard, important et pertinent celui-là, les marques de commerce diffèrent des autres éléments de propriété intellectuelle. En principe, une marque de commerce ne peut être dissociée de l'achalandage qui s'y rattache ou de la source à laquelle le public l'identifie. En fait, l'objet fondamental du droit des marques de commerce est d'identifier les produits ou les services que vise la marque de commerce à l'entité qui constitue la source de ces produits ou de ces services. Un établissement de prêt qui prend les titres des biens, y compris les marques de commerce, d'un fabricant de chaussures failli ou insolvable ne peut guère être considéré comme la source de chaussures.

Comme l'a indiqué le lord Shaw of Dunfermline dans l'affaire Bowden Wire[41] :

[TRADUCTION] Après tout, vos Seigneuries, une marque de commerce est une simple indication que des biens sont les biens du détenteur de la marque. Telle est, en une phrase concise, l'ensemble du droit des marques de commerce.

Les tribunaux anglo-américains considèrent donc avec beaucoup de scepticisme les opérations qui séparent de manière effective une marque de commerce de sa source, et tendent à conclure que, dans de telles circonstances, les droits afférents à une marque de commerce sont invalides. En conséquence, une entente commerciale grossièrement formulée qui vise à conférer à un prêteur une sûreté sur une marque de commerce ou qui mène au transfert de cette sûreté sans l'achalandage ou l'utilisation nécessaire, ou à sa licenciation sans protections écrites convenables quant à la qualité et à la préservation du caractère distinctif, peut mener inexorablement à l'invalidité de la marque de commerce, c'est-à-dire si le prêteur intervient simplement à titre de « détenteur » ou d' « utilisateur » , ou de séquestre/liquidateur. Cela sera particulièrement le cas si la marque de commerce est cédée à la légère en vue de liquider une créance garantie. Il existe au sein des tribunaux une longue tradition d'opposition au « trafic de marques de commerce » , et la réparation est une conclusion d'invalidité. Au Canada, l'exemple peut-être le plus marquant de cette situation (bien que ce soit manifestement dans le contexte d'une restructuration d'entreprise plutôt que dans le contexte d'intérêts garantis) est celui de la vente d'une marque de commerce légendaire - Heintzman - un distributeur de pianos de piètre qualité, fabriqués à l'étranger, et sans rapport aucun avec la célèbre marque. Il a été conclu en fin de compte que la marque de commerce était invalide[42].

Toute tentative visant à extrapoler les principes généraux liés à l'utilisation de la propriété intellectuelle en tant que bien affecté en garantie à partir du droit des marques de commerce est en principe un geste assez dangereux. Pour des raisons dont il est question dans tout le présent document, les marques de commerce sont probablement au nom des formes de garantie les moins appropriées. Leur situation juridique est souvent incertaine, parce qu'elles sont sujettes à des conclusions d'invalidité, surtout si la propriété juridique de la marque de commerce est séparée de l'achalandage qui s'y rattache. En outre, par définition, la valeur d'une marque de commerce pour une entreprise en démarrage sera habituellement très faible, tandis qu'un brevet ou un droit d'auteur - s'il est « solide » - peut être d'une très grande valeur, et moins dépendre de la réputation, de l'achalandage ou d'autres biens « incorporels » de l'entreprise.

Il convient de noter que les droits afférents à une marque de commerce et à un droit d'auteur naissent « automatiquement » et qu'il n'est pas nécessaire qu'ils soient enregistrés pour être valides et « exister » . L'enregistrement procure toutefois un certain nombre d'avantages, y compris au chapitre des transactions garanties.

Il est à noter aussi que le Canada et les États-Unis ont tous deux la distinction unique d'être les seuls grands pays au monde à être encore doté de systèmes d'enregistrement de droits d'auteur. C'est là un point dont un grand nombre d'analystes font en grande partie abstraction. Ces systèmes d'enregistrement sont à la fois la source et une partie d'une solution possible d'un grand nombre des problèmes qui existent dans ce domaine au Canada et aux États-Unis.

Le principe le plus important de la Convention de Berne sur le droit d'auteur - qui est, aujourd'hui, le traité international le plus important au sujet du droit relatif au droit d'auteur et auquel les États-Unis ont finalement accédé en 1989 - est que les droits relatifs au droit d'auteur prennent automatiquement naissance au moment de leur création et ne peuvent être subordonnés à des formalités telles que leur enregistrement. Quoi qu'il en soit, le Canada et les États-Unis préservent leurs systèmes d'enregistrement. Il ne fait aucun doute qu'au départ, l'objectif de ces systèmes n'avait rien à voir avec les prêts garantis. Dans la présente étude, nous examinerons les similitudes et les différences entre ces systèmes, ainsi que les répercussions possibles qui découlent de la Convention de Berne (laquelle est aujourd'hui intégrée par voie de référence au régime de l'OMC[43]).

Les brevets, par contre, à moins d'être délivrés par l'Office de la propriété intellectuelle du Canada (OPIC), n'existent tout simplement pas au Canada. Bien qu'il y ait des conventions internationales qui traitent des niveaux fondamentaux de la protection par brevet[44] et des procédures relatives aux demandes qui sont présentées dans de multiples pays[45], les droits afférents aux brevets sont encore octroyés pays par pays. Il est possible que l'on accorde un brevet à un inventeur dans un pays mais qu'on le lui refuse dans un autre pour la même invention, et ce, pour diverses raisons, dont des différences dans le droit de la brevetabilité. Par exemple, l'OPIC a refusé un brevet pour la souris Harvard, mais les Américains l'ont accordé[46].

Il n'existe pas de brevets en common law. Une invention, si elle est divulguée et publiée pendant plus d'un an sans qu'une demande de brevet ait été déposée est irrémédiablement du domaine public. L'objet d'un brevet peut parfois, mais pas forcément, être protégé en common law comme un secret commercial. Cependant, il doit s'agir, de par sa nature, d'un « secret » et ne pas être facile à approprier. C'est la raison pour laquelle la formule du Coca-Cola est un secret commercial depuis si longtemps, car personne n'est parvenu à la « désosser » . Par contre, quelques inventions fort valables, comme les essuie-glace à fonctionnement intermittent, peuvent être facilement « désossés » . D'autres sortes d'invention, comme les préparations pharmaceutiques, deviennent à la longue « publiques » par suite du processus de réglementation et de recherche, et même s'il serait possible en principe de les tenir secrètes, une protection par brevet est toujours exigée et le « secret » sera donc dévoilé de toute façon.

Cependant, au Canada, la Cour suprême a décrété qu'une liste de noms (qui, dans les circonstances était certes une « information confidentielle » ) ne constituait pas un « bien » suffisant pour fonder une déclaration de culpabilité en vertu des dispositions du Code criminelen matière de fraude[47]. Dans une décision plus récente portant sur une rupture de contrat et la divulgation de renseignements confidentiels, la Cour suprême a refusé de déclarer que des renseignements confidentiels visés par un accord de licenciation comportaient des droits de « propriété » , parce qu'un secret commercial n'est pas soumis à la négociation avec le public qui est inhérente au régime des brevets[48]. S'il est bien clair qu'une information confidentielle peut valoir une somme d'argent énorme et que son usage abusif peut donner lieu à des dommages considérables[49], il n'est pas évident à ce stade-ci au Canada que cette information comporte des droits de « propriété » et que l'on puisse s'en servir comme sûreté avec autant de confiance que les brevets, les droits d'auteur et les marques de commerce. Comme il est fort peu probable dans l'avenir prévisible que l'on procède à une réforme législative, à l'échelon fédéral ou à l'échelon provincial, pour clarifier le statut des secrets commerciaux ou des informations confidentielles (à moins qu'une décision judiciaire importante crée un échec du marché, ce qui n'est pas arrivé à ce jour), cet aspect ne sera pas examiné de manière détaillée dans le présent document.

       b. Qu'est-ce qu'un avis implicite, et pourquoi est-ce important?

L' « avis implicite » est une doctrine qui concerne à la fois les avocats spécialisés en droit commercial et les avocats spécialisés en propriété intellectuelle. Essentiellement, cette doctrine impute la connaissance à une partie qui aurait dû ou aurait pu faire certaines recherches au sujet de l'information, qui, si les recherches en question avaient été menées, aurait été manifeste. La partie est ensuite soumise aux intérêts quels qu'ils soient, que mettent au jour les recherches [TRADUCTION] « appropriées et habituelles » de ce genre[50].

Le droit de la propriété intellectuelle dépend absolument des avis implicites. Plaider l'ignorance d'un droit enregistré n'est pas un moyen de défense que l'on peut invoquer face à la contrefaçon d'un brevet ou d'une marque de commerce. En théorie, il s'agit d'une défense complète face à une violation du droit d'auteur, du moins selon le droit américain, que d'être en mesure de prouver avec succès l'existence d'une « création indépendante » ; c'est-à-dire que deux personnes différentes, tout à fait indépendantes l'une de l'autre, ont créé des oeuvres similaires ou identiques. Cependant, ce moyen de défense n'est presque jamais fructueux parce que même l' « accès » suffit pour fonder la responsabilité, et la copie n'a peut-être été exécutée que de façon inconsciente[51]. Comme nous le verrons plus loin, la doctrine n'est pas aussi limpide lorsqu'il est question de la propriété. Cependant, d'après la loi sur le droit d'auteur, il n'est pas obligatoire d'enregistrer quoi que ce soit pour qu'un droit d'auteur prenne naissance, encore que les recours disponibles puissent être restreints jusqu'à un certain point au Canada et aux États-Unis, en l'absence de tout enregistrement. Par exemple, lorsqu'un défendeur n'est pas au courant de l'existence d'un droit d'auteur au moment de la violation et n'a pas de motifs disponibles de soupçonner qu'il existait un droit d'auteur sur l'oeuvre en question, une injonction est le seul recours disponible au Canada. À l'évidence, ce moyen de défense sera rarement disponible dans le cas des oeuvres distribuées commercialement, et il disparaît de toute façon s'il existe un enregistrement[52].

Aux États-Unis, la doctrine est clairement énoncée dans la Copyright Act, dans le contexte des cessions et des transferts, encore qu'elle soit quelque peu nuancée dans ses applications :

[TRADUCTION]

17 USC 205:

c) Inscription en tant qu'avis implicite - L'inscription d'un document au Copyright Office (Bureau du droit d'auteur) donne à tous un avis implicite des faits déclarés dans le document inscrit, mais seulement si :

1) le document, ou les pièces qui y sont jointes, désignent expressément l'oeuvre à laquelle ils se rapportent de sorte que, après que le document a été indexé par le registre des droits d'auteur, l'oeuvre serait révélée par une recherche raisonnable menée sous le titre ou le numéro d'enregistrement de l'oeuvre;

2) l'oeuvre a été enregistrée.

En vertu des lois sur les sûretés mobilières, l'enregistrement n'est pas considéré comme un avis implicite, ou la connaissance de l'existence d'un état de financement ou de la teneur de ce dernier[53]. Ziegel fait remarquer que la doctrine n'est tout simplement pas essentielle ou pertinente au fonctionnement des régimes découlant des lois sur les sûretés mobilières à des fins internes. La « perfection » s'obtient à la suite d'un enregistrement, et c'est de là que découlent les droits et les priorités. Tel est l'objet de l'enregistrement, pas la notification de tierces parties. Cependant, comme le régime donne manifestement « avis de quelque chose à quelqu'un » , la doctrine connaît une « carrière en dents de scie » au Canada[54].

En Australie, la doctrine de l'avis implicite bénéficie d'une attention détaillée. L'un des points de vue est que l'enregistrement d'une sûreté en vertu de la Corporations Law ne devrait pas servir d'avis implicite de manière à priver d'un titre valable un acheteur ou un cessionnaire de bonne foi en vertu de la Patent Act. Quoi qu'il en soit, l'auteur recommande que les détenteurs de garanties « avisés » devraient faire des recherches dans les deux registres[55].

La doctrine de l'avis implicite est d'une importance cruciale pour les ébauches de proposition de la FPLC, comme nous le verrons plus loin. Ces propositions donneraient lieu à l'établissement d'un registre américain centralisé des garanties dans le domaine de la propriété intellectuelle, qui fournirait un avis implicite à tous les intéressés. Nous analyserons plus loin la proposition du FPLC.

4. PRÉOCCUPATIONS RELATIVES AU DROIT COMMERCIAL        a. L'objet et l'historique des lois sur les sûretés mobilières au Canada

La législation en matière de sûretés mobilières permet aux prêteurs de garantir les prêts qu'ils accordent de diverses façons, et ce, au moyen d'accords de sûreté créant des droits de sûreté qui grèvent des biens mobiliers identifiables et qui sont parfaits de manière telle qu'il est possible de fixer des rangs et de clarifier le ressort à des fins d'exécution. Nous expliquerons certains de ces concepts plus loin.

Avant l'ère moderne, qui a commencé par le mouvement lié à l'article 9 du Uniform Commercial Code (UCC) aux États-Unis, l'Amérique du Nord était plus ou moins aux prises avec une approche fragmentaire, fondée sur diverses théories qui traitaient de manière différente les nombreuses formes vétustes d'accords commerciaux et qui « localisaient » les systèmes d'enregistrement même à l'échelon des comtés ou des municipalités, manifestement sans l'avantage de l'informatique.

L'une des raisons pour laquelle le UCC avait tant d'attraits pour le Canada était qu'il offrait la possibilité de mettre de côté les doctrines et les pratiques préexistantes et d'adopter une approche nouvelle et cohésive[56]. L'analyse qui suit du régime canadien des lois sur les sûretés mobilières dans les provinces soumises à la common law découle de l'introduction des lois actuellement en vigueur, annotées par les professeurs Cuming et Wood pour les provinces qui ont adopté le modèle de l'Ouest[57] et par les professeurs Ziegel et D. Denomme pour la loi de l'Ontario[58]. L'Ontario a rapidement pris l'initiative en examinant la réforme de la législation sur les sûretés mobilières sous l'angle de l'uniformisation et de la simplification. D'importants progrès avaient été réalisés aux États-Unis sous la forme de l'article 9 du UCC. En 1959, le Procureur général de l'Ontario a demandé à l'Association du Barreau canadien (ABC) de formuler des recommandations sur la réforme des lois sur les sûretés mobilières, ce qui a été fait en 1963. L'Ontario a adopté la première loi canadienne sur les sûretés mobilières en 1967, mais celle-ci n'est pas entrée en vigueur avant 1976.

Dans l'intervalle, l'ABC travaillait sur une forme de loi type pour les autres provinces soumises à la common law, et le comité de l'ABC a publié en 1969 la Uniform Personal Property Security Act. Cette dernière a servi de modèle pour la loi manitobaine de 1973, dont l'entrée en vigueur a été proclamée en 1978. Les leçons tirées de la loi ontarienne et de la révision - récente à cette époque-là - du UCC en 1972 a mené à un second projet de loi uniforme qui a servi à son tour de fondement à la loi que la Saskatchewan a adoptée en 1980. La loi de la Saskatchewan exerce une certaine influence depuis cette époque, à titre de modèle au Canada et même en Nouvelle-Zélande. En 1982, l'ABC et la Conférence sur l'uniformisation des lois du Canada ont adopté une nouvelle version de la Uniform Personal Property Security Act, où figurait un grand nombre des innovations figurant dans la loi de la Saskatchewan.

En 1984, le Western Canada Personal Property Security Act Committee a été créé [TRADUCTION] « quand il est devenu évident...que l'Ontario n'était pas particulièrement intéressée à prendre la Uniform Personal Property Security Act de 1982 comme modèle de réformes additionnelles...ou à collaborer avec d'autres provinces en vue d'uniformiser la législation régissant les sûretés mobilières...[59].

En Ontario, le Comité Catzman a recommandé que l'on révise la Loi sur les sûretés mobilières de cette province (LSMO) en 1983, ce qui a finalement été fait en 1989, mais sans suivre le modèle de l'ABC/CLU de 1982. Cette province est également en voie de mettre en oeuvre d'autres modifications. Cependant, comme le fait remarquer le professeur Ziegel, qui fait oeuvre de pionnier dans le domaine de la législation canadienne en matière de sûretés mobilières, dans la préface de son tout récent ouvrage annoté, les modifications et la proposition récentes, si elles sont mises en oeuvre, rétréciront l'écart - mais sans le combler entièrement - qui existe avec le modèle de l'Ouest et laissera encore en suspens de nombreuses incertitudes jurisprudentielles :

[TRADUCTION] Tout en favorisant la plus grande harmonisation possible entre la loi ontarienne et celles des autres provinces, le Comité [CBAO] n'a pas pensé qu'il était réaliste de s'attendre à ce que l'Ontario abroge sa loi en faveur de la loi type des provinces de l'Ouest, pas plus qu'il n'a favorisé une telle mesure[60].

Il est entendu qu'à ce stade-ci, la quasi-totalité des provinces soumises à la common law et les nouveaux territoires ont adopté des lois sur les sûretés mobilières qui s'inspirent du modèle de l'Ouest, à l'exception de l'Ontario. Les provinces maritimes ont fait un pas de plus en mettant en commun leurs registres et leurs installations informatiques.

Bien qu'il n'entre pas dans le cadre du présent document de relever les moindres différences qui existent entre le régime de l'Ouest et celui de l'Ontario, l'existence de ces différences est notée ainsi que leur historique long et manifestement complexe. C'est là un signe que n'importe quelle proposition susceptible d'avoir une incidence sur la législation régissant les sûretés mobilières aurait peut-être à clarifier deux régimes de la common law, plutôt qu'un.

Le Québec est une province qui est soumise à un régime juridique fondé sur la notion du « code civil » . Nous passerons brièvement en revue ci-après le traitement distinct que l'on réserve aux sûretés au Québec. Qu'il suffise de dire à ce stade-ci que des modifications apportées en 1994 ont modernisé un code datant de 1866[61]. Il s'agit d'un régime qui a introduit, pour les « biens meubles » une notion générique d'hypothèque non possessoire, et qui fait montre d'une forte influence de l'article 9, mais sans y être tout à fait « assimilé » . Les aspects notamment différents sont que le nouveau code ne considère pas que les conventions de vente conditionnelle, les baux de matériel et les dispositifs de quasi-sûreté créent une hypothèque, même s'ils sont assujettis à des exigences d'enregistrement[62].

        Les concepts clés de la législation relative aux sûretés mobilières au Canada

Voici certains des principaux concepts de la législation canadienne relative aux sûretés mobilières.

Les termes « contrat de sûreté » et « sûreté » sont des notions relativement simples dans la présente analyse en ce sens qu'il n'y a pas vraiment de doute qu'ils peuvent englober la propriété (encore qu'il ne s'agisse pas, dans tous les cas, d'un intérêt autorisé) à l'égard des droits afférents aux brevets, au droit d'auteur et aux marques de commerce. Les définitions que donne la Loi sur les sûretés mobilières (LSM) de l'Ontario devraient suffire pour illustrer ces propos :

« contrat de sûreté » Convention qui constitue une sûreté ou qui en prévoit la constitution. S'entend en outre d'un document attestant une sûreté. ( « Security Agreement » )

« sûreté » Intérêt sur des biens meubles qui garantit le paiement, ou l'exécution d'une obligation. S'entend en outre de l'intérêt du cessionnaire d'un compte ou d'un acte mobilier, que l'intérêt garantisse ou non le paiement, ou l'exécution d'une obligation ( « security interest » )

Ainsi qu'il est noté ailleurs, la question réciproque de celle de savoir si ces notions correspondent au sens d'une « cession » en vertu de la loi fédérale est bien moins claire. Il est à noter que la législation moderne en matière de sûretés mobilières consiste à s'éloigner des distinctions désuètes entre les hypothèques mobilières, les privilèges de construction et de nombreux autres types d'instruments et de procédés, pour se concentrer plutôt sur la fonction de l'instrument. Cependant, la question de savoir si - et dans quelles circonstances - des documents tels que les baux devraient être considérés ou non comme des sûretés suscite encore un vif débat, surtout en Ontario, semble-t-il.

Un autre problème qui se pose actuellement, qui concerne potentiellement la propriété intellectuelle et dont on n'a pas encore traité entièrement en Ontario, est de savoir si les licences peuvent être l'objet d'une sûreté. Nous en reparlerons plus loin.

Le « grèvement » est l'idée qu'une sûreté n'est opposable à un tiers que si elle est « grevée » . Aux termes de la LSMO :

11.    (1)    La sûreté n'est opposable aux tiers que si elle grève le bien.

Moment où le bien devient grevé

(2)    La sûreté, y compris celle qui tient de la charge flottante, ne grève le bien qu'à compter du moment où les conditions suivantes ont été remplies :

a) le créancier garanti ou, pour le compte de ce dernier, une personne autre que le débiteur ou le mandataire du débiteur entre en possession du bien grevé, ou le débiteur signe un contrat de sûreté qui contient une description du bien grevé suffisante pour en permettre l'identification;

b) une contrepartie est fournie;

(c)         le débiteur a des droits sur le bien grevé.

Toutefois, si les parties ont convenu que la sûreté ne grèvera le bien que plus tard, la sûreté ne grève celui-ci qu'au moment convenu.

Dans le langage de la propriété intellectuelle, cela veut dire qu'une sûreté est grevée lorsqu'un débiteur signe un contrat de sûreté qui comporte une description du droit faisant l'objet du bien grevé qui est suffisante pour identifier ce droit, que la contrepartie a été fournie et que le débiteur a des droits sur le bien grevé.

La première et la troisième de ces conditions ne sont pas forcément évidentes dans le cas de la propriété intellectuelle. Les droits afférents aux doits d'auteur, surtout ceux qui ne sont pas enregistrés, sont difficiles à identifier en vertu de la loi et de la pratique canadiennes, comme nous le verrons plus loin.

Les marques de commerce non enregistrées, et même celles qui sont enregistrées, peuvent aussi comporter un flou considérable. Lorsqu'une marque de commerce est utilisée d'une manière qui s'éloigne nettement de sa forme, telle qu'enregistrée, il est possible que l'enregistrement devienne invalide[63], et ce, même si la nouvelle forme d'utilisation peut être enregistrable en principe.

La « perfection » est un concept qui peut s'avérer délicat lorsqu'on l'applique aux droits de propriété intellectuelle dans le contexte de la législation relative aux sûretés mobilières. En général, ce mot désigne la notion qui consiste à maximiser tout ce qui peut être fait pour protéger la sûreté, pour obtenir le plus haut degré de protection possible contre des intérêts opposés, ou [TRADUCTION] « un état relatif de Nirvana » [64], ce qui, d'un point de vue pratique, signifie un enregistrement en vertu de la loi appropriée. La perfection constitue manifestement le fondement de l'établissement de rangs selon les régimes provinciaux.

Cependant, comme nous allons le voir, il peut surgir des questions intéressantes et peut-être insolubles à propos de ce qui se passe quand une sûreté relative à un élément de propriété intellectuelle est « parfaite » (c'est-à-dire enregistrée), d'abord par une partie dans le cadre d'une loi provinciale concernant les sûretés mobilières, et d'abord par une autre partie en vertu d'une loi fédérale régissant la propriété intellectuelle.

Qu'est-ce qui est enregistré?

Les régimes que prévoient les lois relatives aux sûretés mobilières n'exigent habituellement pas que le contrat de sûreté proprement dit soit enregistré. Tout ce qui est exigé est un avis connexe, présenté en la forme prescrite, qui, de façon caractéristique, n'a même pas besoin de porter la signature du débiteur. Les régimes provinciaux comportent des mesures pour faire face aux risques évident de fraude et d'abus qui sont inhérents à ce genre de régime, mais qui sont manifestement considérés comme acceptables du fait de la disponibilité de mesures correctives, ainsi que par souci de commodité et de simplicité du point de vue des créanciers. L'état de financement peut même être enregistré avant que le débiteur signe le contrat de sûreté[65].

En revanche, dans les régimes fédéraux, le contrat de sûreté proprement dit doit être enregistré. Il est entendu que, comme dans le cas des licences conventionnelles aujourd'hui abrogées, certaines parties peuvent préférer enregistrer une version simplifiée et moins étoffée du document principal proprement dit, ne serait-ce que parce qu'il n'existe aucun mécanisme pour déposer un simple « avis » de contrat de sûreté. On ne sait si cette situation peut causer des complications sur le plan de l'exécution.

Les droits de propriété intellectuelle en tant que bien grevé

Les créanciers insistent naturellement sur des conventions pour préserver leur bien grevé, et les droits de propriété intellectuelle requièrent une attention spéciale. En voici quelques exemples :

-    les brevets nécessitent le paiement de taxes périodiques pour assurer leur validité; au Canada, ces taxes sont payées d'avance au début, ce qui se fait souvent dans le cas d'un brevet qui, pendant toute sa période de validité, sera vraisemblablement d'une grande valeur;

-    les enregistrements des marques de commerce doivent être renouvelés aux 15 ans et sont susceptibles d'être radiés si ils ne sont pas utilisés durant trois ans, en vertu d'un recours administratif souvent employé à l'article 45 de la Loi sur les marques de commerce du Canada;

-    une marque de commerce, si elle fait l'objet d'une licence concédée négligemment peut devenir invalide et, si elle n'est pas appliquée avec vigueur, peut devenir « générique » ;

-    les droits afférents à un logiciel risquent d'être relativement inutiles, sauf si le créancier a le code de source, ou si une entente d'entiercement adéquate est en vigueur en vue de l'obtenir en cas de défaut;

-    des ententes doivent être convenues au sujet de la façon dont on traitera les attaques menées contre la validité des biens de propriété intellectuelle grevés et la façon dont on traitera les violations;

-    dans le cas des marques de commerce, il est nécessaire de prendre des mesures prudentes, comme il en sera question ailleurs dans le présent document, pour veiller à ce que toute réalisation à l'égard du bien grevé ne contribue pas en soi à l'invalidité de l'enregistrement ou au caractère non exécutoire de la marque de commerce elle-même.

Éléments de propriété intellectuelle acquis ultérieurement

La législation concernant les sûretés mobilières peut en général s'appliquer aux biens acquis ultérieurement. En voici un exemple :

Biens acquis après la date du contrat de sûreté

12.    (1)    Le contrat de sûreté peut viser des biens acquis après la date du contrat.

Exception

2)    Même si le contrat de sûreté contient une clause relative aux biens acquis après la date du contrat, aucune sûreté ne grève :

a) les récoltes qui deviennent telles plus d'un an après la passation du contrat de sûreté. Toutefois, si les parties en conviennent, la sûreté sur des récoltes consentie dans le cadre d'un bail, d'une acquisition ou d'une hypothèque de bien-fonds peut grever les récoltes qui pousseront sur le bien-fonds visé pendant la durée du bail, de l'acquisition ou de l'hypothèque;

b) les biens de consommation, à l'exclusion des accessoires, sauf si le débiteur acquiert des droits sur ces biens dans les dix jours qui suivent le jour où le créancier garanti fournit une contrepartie[66].

Ce concept peut toutefois susciter des difficultés dans le domaine du droit de la propriété intellectuelle. À l'échelon fédéral, aucun des régimes d'enregistrement n'autorise un enregistrement général contre un débiteur particulier, et encore moins contre les enregistrements ultérieurs auxquels procède ce dernier. Chaque enregistrement particulier doit faire l'objet d'un instrument particulier. Un enregistrement en instance peut faire l'objet d'une cession ou d'une sûreté, mais non une demande inexistante. Non seulement cela augmente les frais que supporte le créancier, mais cela signifie aussi que le débiteur doit accepter de grever les enregistrements ultérieurs et que le créancier doit vérifier le registre approprié pour s'assurer que le tout est conforme. Cette situation est exacerbée dans certains cas par de longs délais d'enregistrement.

Conflits de lois

En général, on détermine le ressort applicable pour ce qui est de déterminer la validité, la perfection et l'effet de la perfection ou de la non-perfection d'une sûreté sur un bien incorporel (comme un élément de propriété intellectuelle) en se reportant à la « loi du ressort où se trouve le débiteur au moment où la sûreté grève le bien » [67]. En outre, pour les besoins de l'article 7 de la Loi sur les sûretés mobilières de l'Ontario, « le débiteur est réputé se trouver à son bureau d'affaires, le cas échéant et, s'il en a plusieurs, à son principal établissement. Autrement il est réputé se trouver à sa résidence principale » [68]. Du fait des dispositions de ce genre, il est assez simple de déterminer où est situé le débiteur, et cela évite d'avoir à procéder à un enregistrement dans de multiples administrations provinciales.

Au point de vue de la propriété intellectuelle, nous verrons que la question de savoir si la loi fédérale doit être déterminante pour certains aspects, comme la « perfection » et le « rang » , suscite un certain débat.

       c. L'interrelation des sûretés, de la propriété intellectuelle et de la législation en matière de faillite

Le droit de la propriété intellectuelle concerne le jalonnement et la protection des intérêts propriétaux sur les fruits des oeuvres créatives, scientifiques et commerciales des humains. Pour le meilleur ou pour le pire, la plupart des régimes juridiques doivent traiter une chose comme un « bien » pour que celle-ci puisse être achetée, vendue ou par ailleurs traitée conformément au règne de la loi.    Comme il est noté ailleurs, certaines « choses » de valeur, comme les noms de domaine, ne sont pas forcément assortis de droits de propriété à toutes fins, et ce n'est certes pas le cas de la propriété intellectuelle. Lorsqu'une « chose » possède une étiquette de propriété, c'est à ce moment, et en général à ce moment seulement, que le droit commercial est capable d'en traiter.

La législation relative aux sûretés mobilières ou le droit des prêts garantis est un régime qui permet de donner en gage des biens en vue de garantir le remboursement d'un prêt. Ce régime est conçu pour créer une « sûreté » sur le bien. D'une façon ou d'une autre, le but visé est que le prêteur garanti peut, en cas de défaut défini, assumer directement la propriété du bien garanti, de préférence sans avoir à recourir à une procédure judiciaire et sans égard aux créanciers non garantis du débiteur défaillant et peut-être insolvable. Ce domaine du droit vise donc l'étape du développement et de la formation du capital d'une entreprise lorsque celle-ci est « en bonne santé » et que les prêteurs veulent lui prêter des fonds, sous réserve des mesures de prudence habituellement prises pour garantir le remboursement de ces fonds.

Entre les prêteurs garantis, les droits sont en principe déterminés par un système de « rangs » . Pour dire les choses simplement, la première sûreté « parfaite » sur un bien particulier a préséance sur les sûretés subséquentes, ou les sûretés non garanties ou non parfaites antérieures.

Lorsqu'une entité devient insolvable - qu'elle ne peut acquitter ses créances - les principes de la faillite et de l'insolvabilité entrent en jeu. Quand un débiteur déclare faillite ou est l'objet d'une requête de mise en faillite, ses biens se retrouvent entre les mains d'un syndic dont la tâche consiste à en disposer au profit des créanciers non garantis. Ce qui reste après que les créanciers garantis (et les créanciers ayant le premier rang, comme l'État pour certaines obligations) ont pris ce qu'ils avaient à prendre est « réparti au pro rata » (ou proportionnellement) entre les créanciers. L'idée de « rang » ne s'applique pas aux créanciers non garantis. Un créancier garanti peut devenir un créancier non garanti pour ce qui est du montant de tout déficit qui subsiste après la réalisation de sa sûreté.

Pour les fins des présentes, le principe prépondérant est que les créanciers garantis veulent être vraiment sûrs que leur bien grevé est bel et bien « garanti » et qu'il ne peut tomber entre les mains d'un syndic de faillite ou d'un autre créancier garanti dont le rang est antérieur. Aux États-Unis, il existe une importante masse de droit, surtout dans le domaine de la faillite, qui porte sur la question de savoir quand une sûreté sur un élément de propriété intellectuelle a été convenablement « parfaite » en vertu de l'article 9 de l'UCC. Essentiellement, si la sûreté n'a pas été convenablement parfaite, le bien qu'elle vise tombera entre les mains du syndic de faillite plutôt qu'entre celles du créancier apparemment garanti car le syndic sera en mesure d'éviter la sûreté, en vertu de l'article 544 du U.S. Bankruptcy Code. Nous analyserons plus loin certains éléments de cette jurisprudence et ses répercussions.

Une grande part de la difficulté concerne les licences, qui suscitent beaucoup d'incertitude tant dans le droit des transactions garanties que dans celui de la faillite aux États-Unis. Les questions sont différentes, selon que le débiteur est le détenteur de la licence ou le donneur de cette dernière.

Il existe aussi, aux États-Unis, des questions importantes qui pourraient être soulevées au Canada, quant à savoir si une cession des redevances découlant d'une oeuvre protégée par le droit d'auteur comprend bel et bien un intérêt sur le droit d'auteur lui-même et doit donc être enregistrée à l'échelon fédéral pour être parfaite[69].

Au Canada, la création de droits de propriété intellectuelle est une affaire purement fédérale, tout comme le droit substantiel en matière de faillite. La procédure et l'application du droit de la faillite mettent en cause, aussi, la compétence des provinces. Le droit des sûretés mobilières est un champ essentiellement provincial, bien qu'il existe d'importants exemples où le gouvernement fédéral a réalisé des sûretés, dans le secteur, par exemple, du transport maritime, du matériel ferroviaire, etc.

Évidemment, la ligne de démarcation entre ces trois domaines n'est pas nécessairement claire. Le droit de la propriété intellectuelle peut régir la création et l'application des droits de propriété intellectuelle, mais il ne traite pas de tous les aspects liés aux redevances découlant des droits de propriété intellectuelle. Il ne concerne pas tous les aspects des licences et des contrats en rapport avec les droits de propriété intellectuelle, lesquels, à leur, peuvent être traités différemment selon la loi sur les sûretés mobilières et la loi sur la faillite. Ces différences de traitement peuvent déterminer si certains « biens » peuvent être l'objet d'une sûreté, ou s'ils se rangent dans les éléments d'actif relevant du pouvoir d'un syndic de faillite. Ce dernier peut-il faire abstraction de contrats exécutoires concernant des licences ou des redevances de propriété intellectuelle, de la même façon qu'un syndic peut ne pas être lié par de nombreuses autres obligations contractuelles? Une partie garantie peut-elle se retrouver dans la situation où elle capable d'obtenir une sûreté, mais pas de la rendre exécutoire? C'est ce qui semble être le cas à propos d'une licence d'utilisation d'un logiciel, aux termes de l'alinéa 9-408d) révisé de l'UCC (1999)[70].

       d. Le processus d'emprunt/sûreté proprement dit

En théorie, il devrait être assez simple de se présenter à la banque et d'emprunter des fonds en se basant sur des éléments de propriété intellectuelle. Ce processus, a-t-il été clairement décrit, comporte quatre étapes :

-    une recherche diligente de la part du prêteur pour déterminer le titre, la propriété et le statut du bien dans le pays où a lieu la transaction ainsi que dans d'autres pays, s'il est utile de le faire, de même que des recherches en vertu de l'UCC ou l'équivalent;

-    un contrat de sûreté distinct, concernant les éléments de propriété intellectuelle, peut être négocié indépendamment d'autres biens pouvant être utilisés comme garantie, en raisons des représentations, des garanties, etc. différentes et particulières qui peuvent s'avérer nécessaires;

-    il peut être demandé à l'avocat de l'emprunteur de donner un avis au sujet de la situation du bien en question afin d'étayer les « représentations et garanties » ;

-    la sûreté est mise à effet en la consignant dans les registres appropriés, c'est-à-dire en la « parfaisant » [71].

Il va sans dire qu'il y aura, dans certains cas, des documents d'évaluation, voire des opinions indépendantes, quant à la validité des éléments de propriété intellectuelle.

5. LE CANADA

Au Canada, les lois fédérales en matière de propriété intellectuelle ne traitent que minimalement des « biens » et des questions contractuelles. En fait, les « droits civils et de propriété » sont du ressort des provinces, et toute incursion fédérale inutile dans ce secteur pourrait créer des problèmes évidents, même si l'on pourrait faire valoir (comme nous le verrons ci-dessous) que le gouvernement fédéral peut parfois emprunter et copier le droit provincial jusqu'à un certain point. Cependant, les lois fédérales ont été conçues longtemps avant qu'ait cours la pratique des prêts garantis comportant des éléments de propriété intellectuelle. Ces transactions sont également essentielles aujourd'hui au commerce international et au commerce interprovincial, ainsi qu'à de nombreuses transactions commerciales et d'entreprises transfrontalières, de quelque complexité que ce soit. Des arguments de moindre poids que ces derniers soutenaient auparavant le pouvoir fédéral dans le droit canadien.

      a. La législation fédérale sur les sûretés

Parmi les trois principaux textes de loi qui régissent la propriété intellectuelle, seules la Loi sur les brevets et la Loi sur le droit d'auteur comportent des dispositions qui peuvent se rapporter directement aux questions relatives aux sûretés. Ces dispositions concernent l'enregistrement et le rang des cessionnaires et des détenteurs de licence (dans le cas du droit d'auteur). La Loi sur les marques de commerce[72] ne dit rien sur le sujet, sauf pour ce qui est de la possibilité d'enregistrer un « transfert » . Il sera question plus loin de ces dispositions.

Le professeur Roderick Wood, l'un des principaux analystes de la législation sur les sûretés mobilières au Canada et sur l'approche de « l'Ouest » en particulier, présente un cadre d'analyse fort utile[73] des « sûretés fédérales » . Le professeur Wood analyse quatre secteurs qui, selon lui, font intervenir la loi fédérale dans le secteur des sûretés. Il traite des dispositions en matière de sûretés de la Loi sur les banques et des dispositions en matière d'hypothèques de la Loi sur la marine marchande du Canada en tant que dispositions législatives fédérales créant des sûretés. Il examine ensuite la Loi sur les transports au Canada ainsi que la législation en matière de brevets et de droits d'auteur sous l'angle de la façon dont elles « évincent » d'importants éléments de la législation concernant les sûretés mobilières.

Nous reviendrons plus loin, en parlant d'autres aspects, de l'analyse du professeur Wood, mais il vaut la peine de citer son résumé général de la relation qui existe entre la loi fédérale et la législation concernant les sûretés mobilières à l'égard de la propriété intellectuelle.

[TRADUCTION] Il semble donc probable qu'au Canada, les lois fédérales régissant la propriété intellectuelle et les lois provinciales concernant les sûretés mobilières opèrent simultanément. Il est nécessaire d'enregistrer un état de financement dans le registre de la loi sur les sûretés mobilières pour protéger la sûreté contre un syndic de faillite. Avec un enregistrement unique, une partie garantie sera également en mesure de parfaire sa sûreté dans un vaste éventail de droits de propriété intellectuelle, y compris les droits acquis ultérieurement. Un enregistrement effectué en vertu seulement de la loi sur les sûretés mobilières comportera un degré de risque supérieur. La sûreté sera défaite par une partie garantie ou un cessionnaire concurrent qui s'est inscrit auprès du registre fédéral. Pour pouvoir profiter de cette règle de priorité fédérale, la partie concurrente doit être « sans connaissance » . Cependant, un enregistrement en vertu de la loi sur les sûretés mobilières ne constitue pas un avis implicite. Il sera donc nécessaire que la partie garantie d'effectuer l'enregistrement auprès du registre fédéral et des registres provinciaux pour jouir du maximum de protection[74].

Ce résumé reflète la sagesse prédominante de la plupart des praticiens et des universitaires. Lorsque l'on agit pour un prêteur garanti, il est préférable de s'enregistrer à l'échelon fédéral et à l'échelon provincial, peu importe la nature de la sûreté. Il existe toutefois certains types d'instruments, comme des cessions claires et définitives, qui doivent - ou devraient à tout le moins - être enregistrés à l'échelon fédéral mais qui ne confèrent peut-être pas nécessairement au premier inscrit un rang absolu, en raison du problème de l' « octroi annulable » dont il est question ci-après, ainsi que du jeu possible des lois provinciales.

Nous verrons ci-dessous si une « cession » (quoi que ce mot veuille dire) doit ou simplement devrait être enregistrée à l'échelon fédéral, dans le contexte du domaine substantiel approprié. Il suffit de signaler, pour les besoins des présentes, que dans le cas des brevets certaines cessions doivent être enregistrées (encore que la loi ne précise pas s'il existe une pénalité en cas de défaut).

Dans l'analyse du professeur Wood, le point général important est que le gouvernement fédéral possède certains pouvoirs au sujet de la création de sûretés et de l'établissement d'un régime plus ou moins complet pour leur application. Cependant, cela n'a pas été fait dans le cas de la propriété intellectuelle. Quant à la question générale de la participation du gouvernement fédéral dans les sûretés, le professeur Wood déclare [TRADUCTION] qu « il est très difficile d'échapper à la conclusion selon laquelle la loi fédérale régissant les sûretés se trouve dans un grave état de délabrement » [75].

Si cela peut consoler les praticiens du domaine de la propriété intellectuelle, la situation concernant d'autres aspects du droit commercial n'est pas nécessairement plus limpide. La Cour d'appel de l'Ontario a créé deux grands éléments d'incertitude au sujet des intérêts faisant l'objet d'une licence et aussi de la question de savoir si les sûretés, en vertu de la Loi sur les banques, sont assujetties à la LSMO. Nous traiterons plus loin de ce premier point. Le second est intéressant dans le présent contexte car il montre que les intentions les meilleures et apparemment claires des rédacteurs, des juges, des avocats d'affaires, des plaideurs et des universitaires ne mènent pas toujours, en combinaison, à une certitude. Dans l'affaire Bank of Nova Scotia v. International Harvester[76], la Cour a décrété que la LSM s'appliquait aux garanties données en vertu de l'article 78 (aujourd'hui l'article 427) de la Loi sur les banques, malgré la disposition fédérale selon laquelle la garantie en question était nulle et que cette conclusion suscitait un conflit opérationnel évident entre la loi fédérale et la loi provinciale[77]. Le professeur Ziegel fait remarquer que le problème que pose l'affaire Bank of Nova Scotia est réglée par l'approche dite de l'Ouest, qui exclut explicitement l'application de la législation concernant les sûretés mobilières dans certains cas, y compris la disposition applicable de la Loi sur les banques et d'autres dispositions fédérales[78]. En Colombie-Britannique, la PPSA indique en des termes encore plus forts son intention claire de se soustraire à l'application de certains secteurs visés par la loi fédérale[79].

Sont encore plus marquées les propositions les plus récentes qu'ont faites les professeurs Cuming et Walsh à la Conférence de 2000 sur l'uniformisation des lois du Canada, au sujet des réformes possibles de l'alinéa 4k) de la loi type concernant les sûretés mobilières de l'Ouest :

[TRADUCTION] 19. Le changement qu'il est proposé d'apporter à l'alinéa k) est conçu pour confirmer que seules les sûretés réglementées par le gouvernement fédéral qui sont exclues de la loi sur les sûretés mobilières sont celles qui sont assujetties à un régime fédéral de priorité (rangs). Dans sa forme actuelle, le libellé donne à penser que la loi sur les sûretés mobilières ne s'applique à aucune transaction garantie à laquelle s'applique la loi fédérale, et ce, même si la loi fédérale applicable ne réglemente que les droits inter partes. La nouvelle formulation proposée préciserait que les sûretés fédérales sont assujetties à la loi sur les sûretés mobilières en l'absence de toute loi fédérale réglementant le rang de la sûreté. Cependant, les dispositions de la PPSA concernant les droits inter partes seront inopérantes en vertu du droit constitutionnel si elles sont en conflit réel avec n'importe quelle disposition fédérale applicable : Bank of Montreal c. Hall [1990] 1 R.C.S. 121[80].

Cela conférerait nettement plus de certitude à la question de savoir quand il n'est pas nécessaire de recourir à la législation provinciale concernant les sûretés mobilières, mais cela pose toujours la question - parce qu'il s'agit d'une « question » fédérale - de savoir si le libellé actuel des dispositions en matière de rangs de la Loi sur les brevets et de la Loi sur le droit d'auteur englobe réellement les sûretés, comparativement aux cessions traditionnelles. Comme nous le verrons plus loin, cela paraît incertain, mais cela pourrait être clarifié, en principe.

      b. Qu'est-ce qu'une « cession » en vertu de la loi fédérale?[81]

Le texte du paragraphe 57.3 de la Loi sur le droit d'auteur est le suivant :

Tout acte de cession d'un droit d'auteur ou toute licence concédant un intérêt dans un droit d'auteur doit être déclaré nul à l'encontre de tout cessionnaire du droit d'auteur ou titulaire de l'intérêt concédé qui le devient subséquemment à titre onéreux sans connaissance de l'acte de cession ou licence antérieur, à moins que celui-ci n'ait été enregistré de la manière prévue par la présente loi avant l'enregistrement de l'instrument sur lequel la réclamation est fondée.

L'article 51 de la Loi sur les brevets prévoit ce qui suit, en des termes assez semblables :

Toute cession en vertu des articles 49 ou 50 est nulle et de nul effet à l'égard d'un cessionnaire subséquent, à moins que l'acte de cession n'ait été enregistré, aux termes de ces articles, avant l'enregistrement de l'acte sur lequel ce cessionnaire subséquent fonde sa réclamation.

La question de savoir si ces deux dispositions de rang fondamentales de la Loi sur le droit d'auteur et de la Loi sur les brevets peuvent s'appliquer aux cessions de garantie suscite un débat considérable[82]. Il est à noter qu'il n'existe pas de disposition comparable dans la Loi sur les marques de commerce.

Les questions qui se posent sont les suivantes :

-    quand une cession n'est-elle pas une cession?

-    que se passe-t-il lorsque les résultats entrent en conflit en vertu de la loi fédérale et en vertu de la loi provinciale? (Voir ci-après ce qui est dit sur la décision Poolman).

      c. Licences

Dans des commentaires récents, Adams et Takach[83] et Mercier et Haigh[84] mettent l'accent sur les problèmes que posent les transactions d'octroi de licences. Par exemple, a) lorsque le bien grevé d'un créancier se compose de la propriété intellectuelle d'un débiteur, le bien que transfère un débiteur au preneur d'une licence en vertu d'un contrat d'octroi de licence technologique peut être l'objet de la sûreté antérieure du créancier, et b) dans le cas de la faillite d'un donneur de licence, il est possible que le preneur de licence soit incapable de faire appliquer les conditions du contrat d'octroi de licence qui date d'avant la faillite, comme celles qui traitent d'exclusivité et de redevances à l'encontre du syndic de faillite ou d'acheteurs subséquents[85].

Un analyste a exposé sa théorie à propos de la manière dont les détenteurs de licence d'exploitation de logiciels d'entreprise - des logiciels dont dépend leur organisation toute entière - disposent de presque aucun droit en equity si le donneur de licence fait faillite ou devient insolvable et si le produit faisant l'objet de la licence est vendu par un syndic de faillite par application d'une loi ou par un séquestre en vertu d'un contrat de sûreté, peut-être même à un concurrent du donneur de la licence[86]. Cet analyste suggère que l'on recoure au mécanisme d'une « cession partielle » du droit d'auteur de sorte que l'instrument qui en découle puisse être enregistré à l'échelon fédéral et réalisable en fonction de son rang. Adams et Takach laissent entendre que l'on devrait modifier les lois provinciales concernant les sûretés mobilières de manière à inclure les licences dans les exceptions qui permettent de protéger les transactions menées dans le cours ordinaire des affaires[87], de pair avec un système d'enregistrement fédéral[88].

Il semble que les licences posent d'autres problèmes. Une longue liste d'éléments jurisprudentiels découlant de la décision National Trust v. Bouckhuyt[89] a laissé des doutes quant à la question de savoir si les licences peuvent même être garanties par la législation provinciale sur les sûretés mobilières. Selon le professeur Ziegel, de récentes affaires ont miné cette décision[90], mais il subsiste manifestement une certaine incertitude.

L'effet des problèmes conceptuels que posent les licences ne se limite pas à leurs titulaires. Mercier et Haigh font état des préoccupations des prêteurs, tant en ce qui concerne la situation où le débiteur est lui-même le détenteur d'une licence que celle où il en est le donneur. Fait intéressant, ils laissent entendre que dans le cas où l'emprunteur est un donneur de licence, il devrait être tenu d'obtenir des détenteurs de licence une reconnaissance appropriée de la sûreté[91].

Au vu de ce qui précède, il vaut la peine de signaler les récentes propositions de réforme des professeurs Cuming et Walsh[92] :

[TRADUCTION] Sûretés sur les licences : conformément au texte actuellement en vigueur de la PPSA de la Saskatchewan (ainsi que du nouvel article 9), il est proposé d'étendre la définition d'un bien « incorporel » que l'on trouve dans la loi type pour inclure expressément une « licence » , définie séparément. Cette solution effacerait tout doute selon lequel le « bien personnel » sur lequel une sûreté peut être prise en vertu de la PPSA inclut les droits y afférents, comme un quota de production agricole, et ce, même si le transfert du droit est restreint ou est subordonné à l'autorisation préalable de l'instance qui l'octroie. Le besoin d'obtenir une confirmation explicite est particulièrement marqué en Ontario, à cause de l'approche restrictive que l'on a adoptée vis-à-vis du sens des mots « bien » et « incorporel » , dans le contexte de la LSM, au sein de la jurisprudence dans cette province.

Selon le professeur Ziegel, l'ABC-O a recommandé en 1998 que l'on reconnaisse que les sûretés relatives aux licences relèvent de la LSM de cette province[93].

En Saskatchewan, la loi traite aujourd'hui expressément des licences[94].

      d. Questions relatives aux faillites

Ainsi qu'il a été mentionné plus tôt, la faillite ou l'insolvabilité d'un débiteur peut avoir des conséquences imprévisibles et malvenues pour les détenteurs de licence d'un débiteur (ou même pour les donneurs de licence).

Les modifications apportées en 1997 à la Loi sur la faillite et l'insolvabilité (LFI) ne traitaient des licences qu'en rapport avec un titulaire de licence insolvable qui avait donné avis de son intention de déposer une proposition ou qui avait déposé une proposition de faillite[95]. Toute réforme possible dans les domaines considérés devrait comprendre des consultations avec les fonctionnaires fédéraux qui sont chargés des politiques en matière de faillite. Heureusement, ces fonctionnaires font rapport par les mêmes voies que ceux qui sont chargés de la politique relative à la propriété intellectuelle.

      e. Questions de compétence

Les lois provinciales sur les sûretés mobilières traitent des sûretés, des grèvements, de la perfection et de l'ordre de priorité (rang) des intérêts. Les lois fédérales traitent en général de façon fort restreinte des questions de propriété et de priorité de « cession » . L'article 8 de la LSM traite des conflits de lois à des fins à la fois procédurales et substantielles. Dans le cas de la législation fédérale en matière de propriété intellectuelle, aucune méthode de perfection n'est expressément prescrite[96]. La loi substantielle principale n'est peut-être pas claire. S'agira-t-il ou devrait-il s'agir de la loi du Canada?

Il vaut peut-être la peine d'examiner s'il convient de faire en sorte que la loi fédérale s'applique aux transactions qui mettent en cause des éléments de propriété intellectuelle en apportant des modifications aux régimes des lois provinciales concernant les sûretés mobilières[97].

      f. Autres anomalies présentes dans les régimes fédéraux et provinciaux de propriété intellectuelle

La question de l' « octroi annulable » est un problème que l'on mentionne souvent en rapport avec les dispositions de la Loi sur le droit d'auteur et leur interaction avec la législation provinciale. Il s'agit du problème des priorités opposées en vertu de la loi fédérale en matière de droits d'auteur et de la loi provinciale concernant les biens. Dans l'affaire Poolman v. Eiffel[98], la Cour fédérale (par la voix du juge Pinard) a examiné la situation dans laquelle Poolman soutenait qu'en 1964, un auteur lui avait cédé certains droits cinématographiques, qu'il n'avait enregistrés à l'échelon fédéral qu'en 1991. Le défendeur, Eiffel, avait acquis ces droits en 1989, sans être au courant des transactions antérieures. Les dispositions applicables du Code civil du Québec (article 1488) qui protégeaient les achats authentiques faits de bonne foi à titre onéreux et sans connaissance préalable l'emportaient, soutenait-on, sur les dispositions d' « octroi annulable » que comportait l'article 57 de la Loi sur le droit d'auteur. Voici ce que la Cour a déclaré :

À l'audience, l'avocat du demandeur a fait valoir que le paragraphe 57(3) de la Loi sur le droit d'auteur, L.C. (1985), ch. C-42, réfute tout à fait l'argument fondé sur l'article 1488 du Code civil. Je ne suis pas d'accord. Cette disposition de la Loi sur le droit d'auteur indique seulement qu'une cession antérieure d'un intérêt dans un droit d'auteur doit être déclarée nulle à l'encontre de tout cessionnaire subséquent à moins qu'une cession antérieure n'ait été dûment enregistrée avant l'enregistrement de l'instrument sur lequel la réclamation est fondée. Cela ne veut pas dire que l'intérêt du premier cessionnaire dans un droit d'auteur, même s'il est enregistré avec l'enregistrement de l'instrument sur lequel le cessionnaire subséquent fonde sa réclamation, est à l'abri d'une contestation juridique en vertu des lois générales qui s'appliquent aux droits civils et de propriété dans les provinces du Canada. En principe, l'enregistrement de l'instrument en vertu duquel un intérêt dans un droit d'auteur est accordé n'est pas obligatoire et, à moins d'être expressément prévu pour l'avantage d'un cessionnaire subséquent au paragraphe 57(3) ci-dessus, ne crée rien de plus qu'une présomption de propriété d'un tel intérêt, qui est réfutable[99].

Même si l'arrêt Poolman concernait le Code civil du Québec, sa ratio decidendi inhérente peut s'appliquer aussi aux provinces soumises à la common law[100]. En fait, cette affaire était une décision de la Cour fédérale, motivée avec grand soin. Elle a certainement attiré l'attention de la plupart des analystes de la législation régissant les sûretés mobilières[101].

       g. Biens postérieurement acquis

Un autre thème qui revient souvent et qui découle du mauvais ajustement entre les lois provinciales sur les sûretés mobilières et le droit de la propriété intellectuelle est celui des sûretés sur les biens postérieurement acquis[102]. Les créateurs de propriété intellectuelle s'occupent habituellement de créer d'autres éléments de propriété, qui peuvent améliorer ou remplacer les éléments initialement grevés. Ces nouveaux éléments peuvent mettre en cause d'autres parties. Ils peuvent nécessiter de nouvelles demandes dans le cas des brevets ou des marques de commerce, que les examinateurs de l'État ont peut-être approuvés ou pas, ainsi que la participation et la collaboration actives des dirigeants des débiteurs et, dans le cas des brevets, de différents inventeurs.

Les lois fédérales en matière de propriété intellectuelle sont, bien sûr, tout à fait incapables à l'heure actuelle de traiter du concept des éléments de propriété intellectuelle acquis postérieurement. Les régimes des lois provinciales sur les sûretés mobilières et de l'article 9, sont en mesure, cependant, de traiter de ce concept, qui est des plus importants pour les prêteurs[103].

Le problème est particulièrement aigu dans l'industrie du cinéma et des logiciels, où n'importe quel bien évoluera probablement à la longue. Un programme informatique n'est souvent jamais « fini » . Des versions plus récentes sont adaptées, ou s'ajoutent aux versions antérieures. Un film à grand déploiement, tant que le « dernier montage » n'est pas effectué, peut être constitué de centaines et de centaines d'éléments brevetables séparément. Les répercussions de ces difficultés sont analysées de manière plus détaillée à la section portant sur le droit américain.

       h. Exemples d'hypothèses difficiles

L'hypothèse la plus simple et la plus fréquente qui illustre le problème possible d'un conflit entre la loi fédérale et les lois provinciales, du moins en ce qui a trait aux brevets et aux droits d'auteur (la loi sur les marques de commerce ne comporte aucune disposition d' « octroi annulable » ) est la suivante :

Un débiteur (D) accorde une sûreté sur un brevet ou un droit d'auteur à un créancier (C), qui l'enregistre aussitôt en vertu d'un régime provincial de sûretés mobilières. Plus tard, D donne en gage le même bien grevé à un autre créancier C2, qui l'enregistre ensuite à l'échelon fédéral mais pas à l'échelon provincial. C2 n'a aucune connaissance réelle de l'entente passée avec CI. Lequel des deux a préséance, C1 ou C2?

Tay laisse entendre que la réponse à cette question serait C2 à cause de la prépondérance[104]. Cependant, au vu de la décision Poolman dont il est question ci-dessus, cela n'est pas clair. Le résultat fondé sur la prépondérance semblerait toutefois compatible, au point de vue du résultat sinon du raisonnement, avec la décision américaine Peregrine, qui repose sur la doctrine quelque peu similaire de la préemption.

Les professeurs Cuming et Wood analysent en détail les répercussions de la décision Poolman, ainsi que plusieurs hypothèses utiles[105].

      i. Les questions de rétroactivité et de délai

Le problème de la rétroactivité (ou du délai de grâce) désigne le fait qu'un droit de propriété intellectuelle peut courir à partir d'une date d'effet qui est nettement antérieure à la date à laquelle le public peut raisonnablement vérifier l'existence du droit. Cette doctrine, en droit américain, sert à protéger le premier transfert exécuté, tant que ce dernier est enregistré dans un délai de grâce (de rétroactivité) généreux[106].

Il s'agit là d'un problème juridique conceptuel et pratique sérieux aux États-Unis[107], mais peut-être pas autant au Canada parce qu'il n'existe pas de dispositions de ce genre dans les lois canadiennes sur la propriété intellectuelle, au chapitre des transferts ou des cessions. Selon le droit canadien, la date d'entrée en vigueur, aux fins de la loi, sera habituellement la date du dépôt, indépendamment de la date du document.

Le problème connexe, toutefois, peut-être être plus grave au Canada qu'aux États-Unis à bien des égards, est celui du délai. Malgré les avantages de l'informatique, il faut habituellement beaucoup de temps avant que la bureaucratie fédérale traite les documents portant sur les intérêts enregistrables, surtout en ce qui concerne les marques de commerce. Cette situation est vraisemblablement imputable aux arriérés ainsi qu'à une intensification de la charge de travail. Bien que la date d'effet puisse fort bien être la date du dépôt, il peut s'écouler un temps considérable avant que le dépôt apparaisse dans une base de données quelconque que le public peut consulter.

Par exemple, le dépôt d'une demande de marque de commerce - lequel ne confère en soi aucun droit absolu qui ne peut être défait par un usage antérieur ou par une autre partie en vertu de la Convention de Paris - prend plusieurs semaines avant d'apparaître dans la base de données de l'OPIC. Le processus d'examen et d'autorisation d'une demande standard de marque de commerce au Canada, où il n'y a « aucun problème » , aucune mesure à prendre par l'Office et aucune opposition , dure nettement plus qu'un an - un délai à peu près deux fois plus long qu'aux États-Unis. En fait, l'examen lui-même comporte un délai qui est habituellement d'un an, ou plus.

Cela est inacceptable au point de vue des normes internationales. Au point de vue de la planification moderne des activités commerciales, cela signifie que, dans ce contexte particulier, une société émergente - ou n'importe quelle société, quant à cela - n'aura aucune certitude qu'une marque est enregistrable ou pas pendant un délai d'au moins un an au Canada. Très souvent, pour une même marque de commerce, l'enregistrement peut être fait plus rapidement aux États-Unis. Et l'écart se creuse.

Dans le cas des brevets, le dépôt même est secret de par la nature même du processus, pendant un délai d'au moins 18 mois à compter de la date du dépôt. Dans le cas d'un droit d'auteur, un enregistrement très rapide (en un jour) peut être fait, moyennant le paiement de frais additionnels de 65 $ . Cependant, l'oeuvre n'est pas précisément identifiable et il n'existe à l'heure actuelle aucune base de données consultable en ligne. Rien n'indique que l'on ait dressé au Canada des plans quelconques pour établir une base de données consultable en ligne où trouver des informations concernant l'enregistrement des droits d'auteur.

      j. Questions de nature constitutionnelle

Il y a plusieurs façons possibles d'aborder les questions constitutionnelles inévitables qui peuvent survenir si le gouvernement fédéral prend des mesures en vue d'établir une sorte de loi type similaire aux lois provinciales sur les sûretés mobilières, ou si les gouvernements des provinces traitent de manière plus explicite de la propriété intellectuelle.

La question de la « prépondérance » peut se poser, car il existe deux régimes, tous deux valables semble-t-il. En cas d'incohérence, le résultat normal serait que la loi fédérale aurait préséance[108].

Il convient de signaler que le gouvernement fédéral dispose manifestement d'une certaine latitude pour adopter des dispositions législatives concernant les sûretés dans des domaines qui relèvent clairement de sa compétence, et qu'il l'a fait dans une mesure plus ou moins grande, dans le cas des banques et des navires. Il semblerait toutefois que le gouvernement fédéral n'ait pas voulu mettre à l'épreuve ces capacités d'intervenir davantage dans le domaine de la propriété intellectuelle, bien que les aspects de fond soient manifestement et exclusivement de son ressort.

Dans un document récent, le professeur Wood fait remarquer que le gouvernement fédéral peut incorporer les biens en common law, les contrats et les notions de fiducie dans une loi fédérale au moyen d'une « loi supplétive » ou de la « common law fédérale » [109]. Il convient de prendre très au sérieux l'évaluation généreuse du pouvoir constitutionnel du gouvernement fédéral que fait le professeur Wood, un ardent défenseur des régimes provinciaux de protection des sûretés mobilières. En fait, ce dernier fait remarquer que les provinces soumises au système de l'Ouest contiennent des dispositions plus ou moins détaillées qui, essentiellement, « libèrent » le domaine où le gouvernement fédéral traite des droits des parties au contrat ou des droits des tiers[110].

Il est à noter qu'il y a eu au Canada une affaire relativement récente qui mettait en cause des éléments de propriété intellectuelle, la gestion publique et des préoccupations d'ordre opérationnel - niveau tant fédéral que provincial. Il s'agit de l'affaire « Brick » - un dossier controversé qui est survenue en 1987 à la suite d'un litige en apparence ordinaire, opposant deux parties privées à propos d'une marque de commerce[111]. Il convient de garder cette affaire à l'esprit pour les nombreuses leçons qu'il est possible d'en tirer, relativement au fait d'agir précipitamment et inutilement face à des questions interdisciplinaires et intergouvernementales complexes.

1. Solutions pratiques - Manière dont les entreprises font aujourd'hui face aux problèmes au Canada

Devant cette incertitude, l'approche plus ou moins universelle des praticiens consiste à conseiller à leurs clients prêteurs d'enregistrer la sûreté à l'échelon provincial et fédéral et d' « espérer pour le mieux » [112].

Les opinions diffèrent quant aux détails de rédaction et d'autres questions d'ordre pratique. Certains analystes[113] recommandent de prendre des cessions conditionnelles en cas de défaut, qu'il est ensuite possible d'enregistrer à l'échelon fédéral. D'autres semblent recommander de ne pas recourir à cette pratique, qui consiste à garder une cession « dans son tiroir » . Selon cette école de pensée, il est préférable d'obtenir, dans le contrat de sûreté, [TRADUCTION] « une procuration générale irrévocable en faveur du créancier garanti, permettant de prendre toutes les mesures nécessaires en cas de défaut, dont la cession de n'importe quel élément de propriété intellectuelle » [114].

2. Le droit des brevets

Le droit des brevets est l'instrument qui, parmi toutes les lois fédérales principales en matière de propriété intellectuelle, est celui qui comporte les dispositions les plus détaillées en matière de cessions et de rang[115].

Le traité faisant autorité sur le droit canadien des brevets, qu'a rédigé M. Fox, signale que les dispositions en matière de cession comportent un certain nombre d'anomalies :

-    lorsque la cession est liée à une demande en instance ou à un intérêt sur une invention pendant qu'une demande est en instance, la disposition de cession est permissive;

-    lorsque la cession est liée à un intérêt total ou partiel sur un brevet délivré, ou à l'octroi et au transfert d'un droit exclusif sur ce brevet, les dispositions sont obligatoires;

-    lorsque l'octroi ou le transfert d'un droit ou d'un intérêt se fait sur une base non exclusive, les dispositions sont permissives;

-    une cession faite avant la délivrance d'un brevet doit être accompagnée d'un affidavit attestant de sa signature par le cessionnaire seulement, tandis qu'après la signature, l'attestation doit également être faite par toutes les autres parties en cause;

-    il n'y a pas de sanctions apparentes, même en cas d'inobservation des dispositions obligatoires, sauf peut-être une perte de rang (ce qui, bien sûr, peut être assez sérieux)[116].

Un autre analyste du droit canadien des brevets, écrivant peu après Fox, a déclaré ce qui suit au sujet de l'enregistrement et des rangs concernant les brevets :

[TRADUCTION] L'article 53 de la Loi sur les brevets suscite toute une série de problèmes. Il convient de rendre hommage à l'honnêteté de ceux qui traitent des brevets pour qu'il y ait si peu de litiges en vertu de cette disposition.

Il est obligatoire d'enregistrer une cession et une licence exclusive. Rien n'est dit au sujet des licences non exclusives. Le paragraphe 53(4) prévoit une sanction pour les cessions, en ce sens qu'une cession enregistrée antérieurement a préséance (sauf en cas de fraude). Aucune sanction n'est prévue, à quelque endroit que ce soit, si le titulaire d'une licence non exclusive omet de l'enregistrer. Est-il privé du droit de poursuivre? Un enregistrement constitue-t-il un avis implicite d'une licence exclusive puisqu'il est obligatoire de l'enregistrer? L'enregistrement constitue-t-il un avis de licence non exclusive même s'il n'est pas obligatoire de l'enregistrer? S'il s'agit d'un avis, une licence devrait être enregistrée. S'il ne s'agit pas d'un avis, cela signifie-t-il que la date importante qui détermine les rangs est la date de l'acquisition de la sûreté? Ces questions, ainsi que d'autres, sont plus faciles à poser qu'à régler[117].

Il semblerait que le fait de ne pas enregistrer une cession ne prive pas le titulaire d'un brevet du droit de poursuivre, mais touche uniquement la question du rang. Cette question a finalement été examinée par la Cour fédérale qui, à des fins interlocutoires au moins, a décrété dans la décision University Patents de 1986 que le défaut d'enregistrer une licence de brevet exclusive ne privait pas le porteur de la licence et le porteur d'une sous-licence du droit d'intenter des poursuites en vertu du droit canadien[118].

La quasi-totalité des personnes qui ont analysé ces questions font référence à une décision de 1927, appelée Colpitts[119], dans laquelle un second cessionnaire ayant connaissance d'une cession antérieure a été empêché de tirer profit de son enregistrement antérieur en vertu de ces dispositions, et ce, parce que, même si le paragraphe 53(4) (tel qu'il était libellé à l'époque) ne contenait aucun mot d'exception, la Cour a refusé de permettre au cessionnaire frauduleux de tirer profit de la disposition et de sa propre fraude.

Henderson fait également état de certains problèmes concernant l'octroi des licences et des rangs en vertu de la Loi sur les brevets, un sujet qui est aujourd'hui soulevé une fois de plus en rapport avec le droit d'auteur (voir plus loin). Selon Henderson, l'acquéreur d'un brevet en prend le titre sous réserve de toute licence non exclusive préexistante, qu'il en ait eu connaissance ou pas et que cette licence ait été enregistrée ou pas. Il laisse également entendre que ce principe s'appliquerait aux licences exclusives, même si la loi semble exiger que ces dernières soient enregistrées. Il fonde ses conclusions sur une décision de la Chambre des lords, rendue en 1936, par le lord juge Romer[120].

Henderson conclut son exposé sur le sujet en déclarant ce qui suit :

[TRADUCTION] Il est bien évident que l'article 53 [aujourd'hui l'article 51] est inadéquat en tant que disposition législative pour définir les droits des cessionnaires, des titulaires d'une licence exclusive ou des titulaires d'une licence non exclusive. Il convient donc de clarifier la loi[121].

Un jugement relativement récent, qui semble cadrer avec la décision Colpitts, mais n'y fait pas référence, est la suivante : Saskatchewan Economic Development Corp. v. Westfalia DME, Inc.[122]. Dans cette affaire, la défenderesse avait donné un brevet en gage à la partie demanderesse et la sûreté avait été enregistrée en vertu de la Loi sur les sûretés mobilières de la Saskatchewan. La société Westfalia avait par la suite fait défaut et la partie demanderesse avait pris des mesures en vue de saisir le bien. Cependant, peu avant la saisie, la partie défenderesse avait donné en garantie le même brevet à une société soeur, pour un prêt dont le remboursement avait été exigé presque aussitôt, sur préavis de 24 heures. La société soeur avait ensuite tenté de saisir les brevets applicables sans en aviser la partie demanderesse ou les autres créanciers. La Cour fédérale (Section de première instance) a prononcé sans hésitation une injonction interlocutoire interdisant de céder les brevets à la société soeur. La Cour a fait remarquer ce qui suit :

[TRADUCTION] À l'évidence, les parties ne s'entendent pas sur certains des points en question, y compris les droits de rang des parties à l'égard des brevets en question. Il s'agit là d'une question qu'il faudra régler au procès[123].

Malheureusement, la décision publiée ne donne pas d'autres détails sur, par exemple, ce qui a été enregistré à l'échelon fédéral, si enregistrement il y a eu lieu, en termes de contrat de sûreté. Un avis d'appel a été déposé mais il n'y a pas eu de jugement subséquent publié. D'après ce que l'on sait, l'appel a été rejeté et l'action a finalement été abandonnée. Une recherche dans la base de données publiquement disponible de l'OPIC, au sujet des brevets en question, n'indique rien de pertinent.

Le système d'enregistrement en ligne dont dispose l'OPIC pour les cessions se situe à un stade de transition entre les brevets assujettis à l' « ancienne loi » (avant le 1er octobre 1989) et ceux qui sont assujettis à la nouvelle loi (après le 1er octobre 1989)[124]. Même dans le cas des brevets récents et des cessions récentes, il faut environ six semaines avant que les informations sur la cession apparaissent dans la base de données consultable en ligne. De ce fait, en général, les informations sur les cessions s'obtiennent ou se confirment manuellement dans les locaux mêmes de l'OPIC.

Quoi qu'il en soit, la base de données sur les brevets qui est consultable en ligne, telle que structurée et utilisée présentement, n'est d'aucune utilité pour ce qui est de la connaissance de droit ou de fait de l'existence d'un contrat de sûreté qui peut avoir été enregistré aux bureaux de l'OPIC en vertu de l'article 51 de la Loi sur les brevets. L'auteur a été informé que les contrats de sûreté ne sont pas inscrits dans la base de données consultable en ligne parce que l'on ne considère pas qu'ils font partie de la chaîne des titres de propriété. Selon les fonctionnaires de l'OPIC, seuls sont enregistrés dans la base de données une cession ordinaire, un transfert ou un changement de propriété ordonné par un tribunal. On ignore quelles peuvent être les préoccupations opérationnelles que pourrait susciter la communication de ce genre d'information et si cela pourrait être fait pour des dépôts antérieurs. On pourrait peut-être envisager la possibilité de le faire, dans le cadre actuel, en incluant simplement une annotation telle que « contrat de sûreté » (C.S.), le cas échéant, ainsi que des informations sur la propriété.

      k. Le droit d'auteur

Fait intéressant, la Loi sur le droit d'auteur[125] du Canada a été (et est toujours à certains égards importants) partiellement modelée sur la loi du Royaume-Uni de 1911. Les questions de partage de pouvoirs n'ont jamais été un facteur en Angleterre. (Nous traiterons brièvement ci-après du cas spécial de l'Écosse.)

Les principales dispositions applicables de la Loi sur le droit d'auteur[126] du Canada sont les suivantes :

Enregistrement d'une cession ou d'une licence

57(1) Le registraire des droits d'auteur enregistre, sur production du document original ou d'une copie certifiée conforme ou de toute autre preuve qu'il estime satisfaisant et sur paiement de la taxe dont le montant est fixé par les règlements ou déterminé conformément à ceux-ci, l'acte de cession d'un droit d'auteur ou la licence accordant un intérêt dans ce droit.

(2) [Abrogé, 1992, ch. 1, art. 51]

Annulation de la cession ou de la concession

(3) Tout acte de cession d'un droit d'auteur ou toute licence concédant un intérêt dans un droit d'auteur doit être déclaré nul à l'encontre de tout cessionnaire du droit d'auteur ou titulaire de l'intérêt concédé qui le devient subséquemment à titre onéreux sans connaissance de l'acte de cession ou licence antérieur à moins que celui-ci n'ait été enregistré de la manière prévue par la présente loi avant l'enregistrement de l'instrument sur lequel la réclamation est fondée.

Il est à noter que le projet de loi C-32 de 1997 a changé le libellé de cette disposition. Celle-ci se lisait auparavant comme suit :

57(1) Enregistrement d'une concession d'un intérêt dans d'un droit d'auteur - Toute concession d'un intérêt dans un droit d'auteur, par concession ou licence, peut être enregistrée dans le registre des droits d'auteur, sur production de l'acte original ou d'une copie certifiée conforme de cet acte, et sur paiement de la taxe fixée par règlement ou calculée de la manière prévue par règlement. [1992, ch. 1, par. 51(1)]

Les conséquences de ce changement ne sont pas évidentes et pourraient être importantes. Bien des choses ont été écrites sur le sens des mots « cession » et, particulièrement, les mots « concession d'un intérêt dans un droit d'auteur » . Ce point est depuis toujours source de préoccupation, pour ce qui est de savoir si le titulaire d'une licence exclusive peut intenter une poursuite en son propre nom. Ce problème a été réglé au moyen de la modification apportée à l'article 13 par suite du projet de loi C-32, en 1997. Les modifications apportées à l'article 57 étaient peut-être destinées à faire simplement suite à celles qui étaient apportées à l'article 13. Cependant, ces changements n'ont suscité aucune discussion ou attention au sein du public.

Le professeur Vaver analyse en détail l'historique du paragraphe 57(3) avant les modifications apportées en 1997 (à propos desquelles il était conseiller auprès du gouvernement) et conclut que l'intention voulue était de faire en sorte que les licences exclusives tombent sous le coup de cette disposition, sur le plan de l'ordre de priorité. Il analyse également le lien étroit qui existe entre les objets de la disposition et le contexte historique du système d'enregistrement canadien, ainsi que ses antécédents dans d'autres administrations[127]. Cependant, il ne dit rien au sujet de l'applicabilité de cette disposition à la question des sûretés. Fait intéressant, il ne fait pas état non plus de la recommandation qu'a formulée la Commission royale Ilsley en 1957 au sujet d'une licence qui confère un intérêt dans le droit d'auteur du titulaire de la licence, c'est-à-dire :

[TRADUCTION] Il n'y a pas de raison convaincante, selon nous, pour laquelle ce droit ne devrait pas être traité pour l'application de la loi comme un droit ou un intérêt légal et avoir priorité de rang sur une cession faite subséquemment, et ce, que le cessionnaire soit ou non un acquéreur de bonne foi à titre onéreux et sans connaissance préalable - de sorte qu'une licence ne puisse pas être invalidée rétroactivement par une action du donneur[128].

Pour les questions qui nous intéressent ici, le paragraphe 57(3) laisse bien des questions en suspens. Il y a avant tout celle qui consiste à savoir si cette disposition s'applique même aux sûretés, un aspect qu'a récemment soulevé le professeur Wood[129], mais aussi El Sissi[130] et Tay[131].

La question de l'applicabilité du paragraphe 57(3) aux sûretés a été reprise de manière assez détaillée par El Sissi, dans un article publié peu après celui du professeur Vaver. El Sissi conclut que cette disposition s'applique bel et bien aux cessions de sûreté mais que l'on n'est pas sûr de la décision que rendrait un tribunal s'il avait à trancher entre disposition et une loi provinciale sur les sûretés mobilières[132]. El Sissi soulève un point peut-être utile en exposant un obscur mystère de la rédaction législative, à savoir pour quelle raison le mot « débiteur hypothécaire » (qui s'emploie en plus du mot « cédant » ) figure à l'article 58 (qui porte sur l'exécution d'instruments) mais pas à l'article 57 (qui porte sur les rangs), alors que les deux dispositions ont été considérées ensemble dans les modifications apportées en 1931. Ce fait soulève la possibilité que le paragraphe 57(3) ne s'applique pas aux instruments qui sont de la nature d'une hypothèque, mais il conclut que la disposition d' « octroi annulable » s'applique ;a la situation où une partie qui « accorde un intérêt » dans un droit d'auteur est un débiteur hypothécaire de cet intérêt[133].

Il convient de rappeler que les dispositions en matière de rang que comportent la Loi sur le droit d'auteur et la Loi sur les brevets ont été ébauchées à la fin de l'ère victorienne et au début du XXe siècle, où la différence officielle entre les hypothèques, les contrats de vente conditionnelle et d'autres documents de nature commerciale étaient très importantes et où les mots étaient choisis avec grand soin. Toute l'approche des lois modernes sur les sûretés mobilières consiste à ne plus se fier à la forme et à la nomenclature mais plutôt à se concentrer sur le fond.

Un autre aspect intéressant et potentiellement fondamental a été soulevé par le professeur Gold, dans un récent article portant sur l'article 57 de la Loi sur le droit d'auteur, sous l'angle du titulaire commercial d'une licence d'exploitation d'un logiciel; il conclut que cette disposition ne protège pas ce titulaire contre un tiers acheteur qui acquiert le titre du logiciel par l'intermédiaire d'un syndic de faillite[134].

Il va sans dire qu'un contrat de licence commercial concernant un logiciel comporte habituellement des modalités nettement plus complexes qu'une simple licence d'exploitation d'un droit d'auteur, et il convient de faire une distinction conceptuelle entre le contrat de licence, avec les divers aspects exécutoires et de service qu'il comporte, et la notion plus restreinte de l'octroi d'une autorisation fondée sur un droit d'auteur, ou du moins le non-exercice d'un droit de poursuite.

D'après le professeur Gold, les contrats d'entiercement relatifs aux codes de source des logiciels (ces contrats font partie de la plupart des licences d'exploitation de logiciels et confèrent au preneur de licence un intérêt limité dans le code de source du donneur de licence en cas de faillite) pourraient être enregistrés par les preneurs de licence en vertu des lois provinciales sur les sûretés mobilières, mais les praticiens sont généralement d'avis que cette mesure serait inefficace pour protéger le preneur. Il semble suggérer, dans une note de bas de page, que si l'article 57 de la Loi sur le droit d'auteur protégeait les preneurs de licence contre les cessionnaires d'un titre de droit d'auteur, il y aurait un « conflit manifeste » entre la loi fédérale et les lois provinciales[135]. À l'évidence, il s'agit là d'un point potentiellement important, qui mérite qu'on l'analyse plus en détail. Gold signale que la loi du Royaume-Uni, qui date de 1988, traite expressément de la protection des intérêts en equity des preneurs de licence, au paragraphe 90(4), dont le texte est le suivant :

[traduction] (4) Une licence qu'octroie le titulaire d'un droit d'auteur lie tous les ayants cause à l'intérêt que celui-ci détient dans ce droit, sauf un acheteur de bonne foi à titre onéreux et sans connaissance préalable (de droit ou de fait) de la licence ou une personne acquérant le titre d'un tel acheteur, et les références faites, dans la présente partie, aux mesures prises avec ou sans la licence du titulaire du droit d'auteur, seront interprétées en conséquence[136].

Selon Gold, cette disposition [traduction] « met clairement en équilibre les droits des preneurs de licence et ceux des cessionnaires subséquents » [137]. Selon Vaver, la disposition signifie que les licences découlant d'un droit d'auteur sont exécutoires pour [traduction] « tous, sauf les acheteurs de bonne foi qui n'étaient pas au courant de ces licences et qui n'auraient pas pu l'être » [138]. Ces éléments soulèvent la question - sans y répondre toutefois - du degré de diligence raisonnable auquel on s'attendrait de la part de l'acquéreur d'un droit d'auteur qui ne voudrait peut-être pas savoir quels sont les droits entre le titulaire précédent et ses preneurs de licence et qui pourrait vouloir repartir à zéro.

Le professeur Gold signale que les États-Unis traitent mieux les preneurs de licence en vertu de ses lois sur la faillite que ne le fait le Canada[139], notant que, par suite de l'effet conjugué des lois américaines sur la faillite et sur la propriété intellectuelle, les [traduction] « cessionnaires d'un droit d'auteur sont liés par les licences antérieures, qu'ils en aient connaissance ou pas » [140].

La solution que propose Gold au problème des preneurs de licence au Canada est pratique. Il préconise que les praticiens représentant les preneurs de licence tentent d'obtenir une entente qui associe une licence à un octroi, une « cession partielle » , qu'il serait vraisemblablement possible d'enregistrer de manière effective en vertu du paragraphe 57(3) de la Loi sur le droit d'auteur[141].

Il convient de souligner qu'au Canada, le régime d'enregistrement des droits d'auteur ne permet pas de déposer, voire d'examiner, les oeuvres proprement dites. Les seuls renseignements consignés sont le nom du ou des auteurs, le titulaire, le titre, ainsi qu'une description succincte (un texte d'un nombre maximal de 115 caractères de l'oeuvre peut être consigné dans le registre canadien des droits d'auteur)[142]. Détail intéressant, le Bureau du droit d'auteur enregistrera un contrat réel de cession ou de licence, lequel peut comprendre nettement plus de détails dans le corps du document.

Il est utile de réitérer que la base de données du Bureau canadien du droit d'auteur - aussi restreinte qu'elle soit - n'est pas consultable en ligne. À l'heure actuelle, il n'y a pas eu de plans annoncés à cet effet.

Le régime d'enregistrement des droits d'auteur, dans le contexte des transactions garanties, comporte un certain nombre d'ironies réelles. D'une part, les régimes liés à la législation provinciale sur les sûretés mobilières recèle d'exemples de la façon dont des sûretés ont échoué à cause d'erreurs commises dans l'inscription d'un numéro de série ou d'une erreur ou d'une omission dans l'initiale du nom du débiteur[143], et pourtant, ces régimes ne donnent généralement avis que de l'existence d'un contrat, le contrat lui-même n'étant pas déposé. Par contraste, le système d'enregistrement du droit d'auteur comporte peu d'informations sur l'identité d'une oeuvre, mais un document de cession peut être déposé en totalité, et sert vraisemblablement d'avis implicite jusqu'à un certain point[144].

Le manque de certitude à l'égard de l'identification, dans le régime canadien, est un problème potentiel. Les oeuvres protégées par le droit d'auteur ont tendance à changer constamment de « titre de travail » (c'est-à-dire le nom d'un film ou d'une chanson). En outre, les titres sont essentiellement non protégeables par la loi sur le droit d'auteur. Les titres peuvent aussi se répéter souvent ou être source de confusion. Par exemple, il existe de nombreuses chansons en anglais où le mot « sunrise » est un élément important. C'est donc dire que le fait d'effectuer une recherche d'après le titre de l'oeuvre au Canada est une méthode fort insatisfaisante, à moins de pouvoir vérifier d'une certaine façon l'identité de l'oeuvre. Ce fait doit être mis en contraste avec les dispositions de l'article 205 de la Copyright Act[145] des États-Unis, qui garantit que l'on identifie convenablement l'oeuvre cédée.

Une solution possible à cette énigme de l'identification du point de vue du prêteur serait d'effectuer l'enregistrement à l'encontre de tous les droits d'auteur que détient un débiteur, en supposant que ce dernier est disposé à souscrire à un tel contrat de sûreté. Cependant, dans le système actuel, le Bureau canadien du droit d'auteur ne peut enregistrer un tel document. Il doit être fait en référence à des titres particuliers[146]. Il y aurait peut-être lieu d'examiner si cela pourrait être changé sans procéder par voie législative, et peut-être en adoptant des dispositions réglementaires en vertu de l'alinéa 54(1)c) ou du paragraphe 54(4).

Il est à noter que les conditions d'enregistrement relatives aux cessions et aux licences ne sont pas obligatoires. En fait, pourrait-on faire valoir, un enregistrement obligatoire serait contraire à l'article 5(2) de la Convention de Berne, dont le texte est le suivant :

Article 5

(1) Les auteurs jouissent, en ce qui concerne les oeuvres pour lesquelles ils sont protégés en vertu de la présente Convention, dans les pays de l'Union autres que le pays d'origine de l'oeuvre, des droits que les lois respectives accordent actuellement ou accorderont par la suite aux nationaux, ainsi que des droits spécialement accordés par la présente Convention.

(2) La jouissance et l'exercice de ces droits ne sont subordonnés à aucune formalité; cette jouissance et cet exercice sont indépendants de l'existence de la protection dans le pays d'origine de l'oeuvre. Par suite, en dehors des stipulations de la présente Convention, l'étendue de la protection ainsi que les moyens de recours garantis à l'auteur pour sauvegarder ses droits se règlent exclusivement d'après la législation du pays où la protection est réclamée[147].

À ce qu'il semble, on pourrait se demander si une disposition d'une loi quelconque qui exige une « formalité » , dont l'enregistrement est un exemple[148], comme condition préalable à la « jouissance » ou à l' « exercice » du droit (par un créancier garanti) pourrait susciter des difficultés en vertu de la Convention de Berne. Bien que l'article 5 semble s'appliquer aux auteurs, il n'a pas grand sens s'il ne s'applique pas aussi aux cessionnaires et aux preneurs de licence des auteurs; sans cela, comment les auteurs peuvent-ils jouir de leurs droits et les exercer si ces derniers ne peuvent être cédés d'une manière commerciale ordinaire? Il faudrait garder ce point à l'esprit si l'on examine une proposition quelconque au sujet de l'enregistrement obligatoire d'une sûreté en tant que condition préalable à son exercice ou à sa jouissance. Créer des mesures incitatives est une chose. Faire en sorte qu'un enregistrement soit essentiel pour parfaire et réaliser une sûreté de manière effective en est une autre. Un régime de rang et de perfection constitue-t-il une incitation à enregistrer une sûreté, ou s'agit-il d'une formalité d'enregistrement qui peut franchir la ligne de démarcation qui fixe la Convention de Berne?

Enfin, il convient de signaler que l'on discute actuellement de la question de savoir s'il faut étendre ou abolir le système d'enregistrement du droit d'auteur au Canada. En 1984, le gouvernement avait annoncé, dans son Livre blanc sur la révision du droit d'auteur, son intention d'abolir le système d'enregistrement[149]. Cependant, les titulaires de droit d'auteur avaient persuadé le gouvernement suivant de garder le système parce que celui-ci était considéré comme un aspect intégrant d'un mécanisme de préemptions qui était fort utile aux demandeurs dans les litiges relatifs au droit d'auteur. La valeur de ces présomptions a été tranchée au couteau par les tribunaux depuis lors, mais a été rétablie en partie par des modifications apportées à l'alinéa 34(2)c) dans les modifications du projet de loi C-32 de 1997.

Le débat entourant le système d'enregistrement au Canada consiste depuis toujours à savoir s'il faut l'étayer (ce qui est difficile, vu la Convention de Berne) ou l'abolir. La question des présomptions de preuve est soulevée parce que toute tentative visant à modifier le système d'enregistrement suscitera une résistance énorme si l'on vient à considérer que cette tentative amoindrira l'utilité actuelle de ces présomptions dans les litiges relatifs au droit d'auteur.

Il est bien sûr concevable en théorie qu'il existe un registre des sûretés sur les droits d'auteur sans un registre de base des droits d'auteur, ou un registre qui soit distinct de ce dernier. L'Australie et le Royaume-Uni consignent tous deux ces renseignements en vertu de mécanismes liés au droit des sociétés, comme nous allons le voir plus loin.

        Droit des marques de commerce

Les dispositions pertinentes de la Loi sur les marques de commerce[150]du Canada sont les suivantes :

TRANSFERT

Une marque de commerce est transférable

48.(1) Une marque de commerce, déposée ou non, est transférable et est réputée avoir toujours été transférable, soit à l'égard de l'achalandage de l'entreprise, soit isolément, et soit à l'égard de la totalité, soit à l'égard de quelques-uns des services ou marchandises en liaison avec lesquels elle a été employée.

Dans le cas de deux ou plusieurs personnes intéressées

(2) Le paragraphe (1) n'a pas pour effet d'empêcher qu'une marque de commerce soit considérée comme n'étant pas distinctive si, par suite de son transfert, il subsistait des droits, chez deux ou plusieurs personnes, à l'emploi de marques de commerce créant de la confusion et si ces droits ont été exercés par ces personnes.

Inscription du transfert

(3) Le registraire inscrit le transfert de toute marque de commerce déposée, une fois que lui a été fourni une preuve du transfert qu'il juge satisfaisante et les renseignements qu'exigerait l'alinéa 30g) dans une demande, par le cessionnaire, d'enregistrer cette marque de commerce.

La loi et son règlement comportent aussi d'autres dispositions concernant la tenue d'un registre[151].

L'important est que l'enregistrement d'un transfert n'est pas obligatoire et qu'il n'y a pas de système de rang établi en vertu de la Loi sur les marques de commerce. Le registraire enregistrera toutefois un instrument grevant une marque de commerce, en application d'un avis de pratique datant de 1973[152]. Il inscrira une note dans le dossier. L'effet de cet enregistrement n'est pas clair, et on y recourt souvent par excès de prudence. Il n'a pas été déterminé si cela équivaudrait à une connaissance de droit, et cela semblerait incertain[153].

En fait, la Cour fédérale a indiqué que le registre des marques de commerce ne vise pas à traiter de toutes les questions qui se rapportent à la propriété effective de marques de commerce, ou de questions connexes telles que les sûretés :

[Traduction]L'objet du registre tenu en vertu de la Loi sur les marques de commerce, S.R.C. (1970), ch. T-10, n'est pas de démontrer ou d'authentifier par ailleurs la propriété effective de la marque de commerce. Il a pour but d'inscrire le nom du titulaire nominatif, la marque de commerce précise revendiquée, ainsi que la nature des biens ou des services à l'égard desquels cette dernière sera utilisée.

Mais, selon moi, le registre n'a pas pour objet de démontrer ou d'authentifier par ailleurs la propriété effective de la marque de commerce, mais plutôt d'inscrire le nom du titulaire nominatif, la marque de commerce précise qui est revendiquée, ainsi que la nature des biens ou des services à l'égard desquels celle-ci sera utilisée. Toute autre conclusion signifierait que le registraire devrait accepter d'inclure avec l'enregistrement d'une marque de commerce divers documents indiquant les droits à titre de bénéficiaire de titulaires non inscrits à l'égard de la marque de commerce, comme les détenteurs de privilèges, d'oppositions, d'hypothèques, de conventions de vente conditionnelle, etc. Tel n'est pas, selon moi, l'objet du registre et je ne puis trouver, dans la Loi sur les marques de commerce, aucune indication que le registraire est tenu d'inscrire de tels instruments sous le titre du titulaire inscrit. S'il n'est pas tenu de le faire, il ne conviendrait pas la Cour, en application du paragraphe 57(1), ordonne que l'on apporte au registre des « modifications » de cette nature[154].

Curieusement, malgré l'absence de dispositions précises à l'échelon fédéral au sujet du rang des cessions, ou peut-être à cause de cette absence, la question des marques de commerce et des sûretés revient assez souvent devant les tribunaux. Certaines de ces affaires soulèvent peut-être des questions qui, à tout le moins, pourraient se rapporter d'une certaine façon au présent exercice.

Dans Synergism v. Parkwood[155], il a été conclu que certaines marques de commerce ayant fait l'objet d'un contrat de sûreté général avaient été acquises de façon valide par une partie apparentée à un franchiseur failli, de même que les contrats de franchise et d'autres droits. Les défendeurs ont invoqué plusieurs arguments en vertu de la loi sur les sûretés mobilières ainsi qu'en vertu du droit de la faillite et des contrats, à savoir qu'ils n'étaient pas liés par les conditions de licence, de même que d'autres arguments selon lesquels ils n'étaient pas coupables de la contrefaçon d'une marque de commerce. Dans une sorte de situation inverse de la préoccupation du professeur Gold à propos des droits des preneurs de licence qui désirent faire exécuter des contrats avant faillite (du donneur de licence), le défendeur dans cette affaire a été tenu responsable de s'y conformer.

Dans Hydrotech v. Min-Chem[156], un créancier garanti (l'intimé) qui détenait une sûreté sur une marque de commerce s'est vu céder cette dernière. Un créancier de l'intimé avait acquis d'un syndic de faillite le droit de procéder contre l'intimé, qui a fait valoir que la cession était nulle à toutes fins pratiques et que le contrat de sûreté et le rang demeuraient intacts, faisant ainsi échec au créancier. S'appuyant sur la Loi sur les cessions en fraude des droits des créanciers de l'Ontario, la Cour d'appel de cette province a décrété que la cession était valable entre les parties seulement, ce qui empêchait donc de remettre en vigueur le contrat de sûreté. Là encore, l'interrelation de la LIF et de la LSM était en jeu. Comme dans l'affaire Synergism, il n'est fait référence à aucun enregistrement fédéral de documents de sûreté. Une mention des transferts, mais non des documents de sûreté, apparaît dans la base de données de l'OPIC, qu'il est possible de consulter via Internet.

En général, la base de données publique de l'OPIC, qui est consultable en ligne, signale dans les « notes complémentaires » qui accompagnent parfois une inscription l'existence d'un contrat de sûreté, ainsi que son retrait. Cependant, aucun autre détail n'est fourni, et la partie qui effectue les recherches ne peut trouver des détails que dans le dossier physique que tient l'OPIC. On ignore si toutes les sûretés déposées finissent par se retrouver ou pas dans la base de données Internet.

Il est ironique que le système des marques de commerce est celui des trois systèmes qui comporte le plus de renseignements consultables en ligne sur la propriété et les sûretés, même s'il n'est pas exigé dans la loi que cela soit fait. Dans le cas des brevets et des droits d'auteur, où la question se rapporte beaucoup plus à la loi, il n'existe aucun mécanisme permettant au public de trouver facilement quoi que ce soit.

Il y a un autre point qu'il convient de noter au sujet du registre des marques de commerce et de la politique qui sous-tend l'exigence du « caractère distinctif » . Lorsqu'il existe une famille de marques de commerce qui sont similaires et qui appartiennent à la même entité et qui, n'eut été de la propriété commune, seraient manifestement source de confusion les unes avec les autres, le Bureau des marques de commerce ne permettra pas de transférer l'une de ces marques seulement[157]. Ce fait pourrait manifestement présenter le risque de causer une certaine confusion au sein du public. Il convient donc d'agir avec grand soin dans certaines situations et dans certaines transactions. Cela pourrait occasionner des complications sérieuses, voire fatales, à la fourniture de sûretés grevant moins que l'ensemble d'une famille d'enregistrements associés.

        Le nouveau Code civil du Québec

Le nouveau Code civil du Québec ( « CCQ » ) est entré en vigueur le 1er janvier 1994. Il inclut, dans le sixième tome, le concept de l' « hypothèque » , qui englobe potentiellement la majorité des intérêts, mais pas tous, que viseraient les lois sur les sûretés mobilières. Les conventions de vente conditionnelle, les baux de matériel et d'autres dispositifs de quasi-sûreté analogues sont traités de manière différente, même s'ils sont soumis à des exigences d'enregistrement. À l'évidence, tous ces changements ont été fortement influencés par le UCC[158].

Le nouveau CCQ comporte une anomalie possible, c'est-à-dire que la loi provinciale donnerait droit à une « hypothèque » sur une partie d'une marque de commerce (c'est-à-dire les vêtements mais pas les produits de beauté) ou sur l'une d'une série de marques de commerce liées, alors que cela ne serait pas autorisé en vertu de la loi fédérale à cause du paragraphe 15(3) de la Loi sur les marques de commerce, dont il a été question plus tôt[159].

        Quelques orientations de réforme proposées antérieurement

Il convient de mentionner quelques suggestions de réforme qui ont été formulées antérieurement.

        i.      La proposition de l'ABC

L'ABC, par l'entremise d'un sous-comité, a rédigé un « projet de loi » qui a été l'objet d'une résolution officielle de l'ABC en 1998 :

[traduction]

IL EST RÉSOLU QUEl'Association du Barreau canadien exhorte le gouvernement du Canada à adopter une loi sur les sûretés relatives à la propriété intellectuelle qui établisse un régime national permettant d'enregistrer les sûretés grevant la propriété intellectuelle, dont les caractéristiques sont les suivantes :

<     Un registraire pour administrer le registre;

<     l'application de la loi à n'importe quelle transaction, indépendamment de sa forme ou de l'entité détenant le titre du bien affecté en garantie qui crée une sûreté;

<     des dispositions appropriées en matière de conflits de loi;

<     l'exécution des droits des biens affectés en garantie que régit la loi du contrat conclu entre la partie garantie et le débiteur;

<     des ententes concernant les biens ultérieurement acquis et les contrats de sûreté à l'égard d'avances futures;

<     la perfection des sûretés grevant la propriété intellectuelle et la manière d'établir le rang de sûretés opposées;

<     un régime par lequel le registraire peut certifier l'existence d'une sûreté enregistrée;

<     la réalisation des sûretés en vertu de la Loi.

Le projet de l'ABC semble être une version plus ou moins parallèle, mutatis mutandis, de la LSMO, sauf qu'il concerne la propriété intellectuelle fédérale. Quelques changements ont été apportés entre la version de 1995 et celle de 1998.

Il convient de signaler un certain nombre de caractéristiques, par exemple (en rapport avec la version de 1998 que l'ABC a fournie), qui montrent de quelle façon le texte suit essentiellement les principes énoncés dans la LSMO :

Dans les définitions :

« bien grevé » Élément de propriété intellectuelle grevé d'une sûreté;

« propriété intellectuelle » :

(i) toute marque officielle;

(ii) tout droit d'auteur ou toute marque de commerce, enregistré ou non;

(iii)        tout brevet d'invention, dessin industriel, obtention végétale ou topographie visé par une demande ou un brevet ou un enregistrement délivré;

« tribunal » La Cour fédérale du Canada et n'importe quelle cour provinciale ayant compétence sur les litiges mentionnés dans la présente loi et concernant les réparations qui peuvent être sollicitées en vertu de la présente Loi.

Il est à noter que la proposition de l'ABC s'applique également aux biens acquis ultérieurement (art. 6), tout comme la LSMO (art. 12). Cependant, il s'agit là d'une notion incommode, cadrant mal avec les lois fédérales, et surtout celles qui régissent les brevets et les marques de commerce, où chaque demande est déterminée sur le fond et peut être accueillie ou non, et nécessiter une participation et une collaboration active de la part du débiteur.

L'article 46 du projet de l'ABC suit en parallèle le paragraphe 46(5) de la LSMO en prévoyant que la loi ne prévoit pas de connaissance de droit, ce qui constitue un « concept non pertinent » à l'égard du régime de la LSMO, d'après le professeur Ziegel, et dont il a été spécifiquement question dans les modifications apportées en 1989 à la LSMO[160]. On peut également signaler que la doctrine de la « connaissance de droit » , dont il a été question plus tôt dans le présent document, soulève de nombreuses questions, qui restent encore sans réponse, dans le droit canadien de la propriété intellectuelle[161], mais qui sembleraient fondamentales aux régimes fédéraux d'enregistrement des priorités, au Canada comme aux États-Unis.

Il semble que cette proposition n'ait attiré presque aucune attention à l'échelon fédéral et que l'ABC n'y ait pas donné suite. En fait, il paraît que le sous-comité en question a été démantelé et que les fonctionnaires fédéraux actuellement responsables du sujet ne soient pas au courant du projet.

1.   La liste succincte de propositions d'El Sissi concernant le droit d'auteur

Le document qu'El Sissi a publié en 1995 résume ce qui constituait, selon lui, à cette époque-là, les cinq moyens de régler les conflits de priorité apparents entre la LSM et la Loi sur le droit d'auteur :

(1)        Une loi fédérale exclusive

(2)        Une loi fédérale exclusive quant aux priorités

(3)        Une loi fédérale exclusive quant aux priorités dans le cas d'un enregistrement en vertu de la Loi sur le droit d'auteur

(4)        La loi fédérale et la loi provinciale sont concurrentes

(5)        La loi fédérale est exclusive au sujet de l'enregistrement seulement[162]

2.   Zimmerman et ses collaborateurs

Zimmerman et ses collaborateurs[163] ont demandé que l'on établisse un registre fédéral unique ainsi qu'un régime législatif régissant les sûretés grevant la propriété intellectuelle, de même que l'ordre de priorité de sûretés opposées.

6. LES ÉTATS-UNIS

Les États-Unis sont confrontés à des problèmes similaires à ceux du Canada, encore que les causes détaillées et les résultats soient bien différents et nettement plus complexes, ne serait-ce que du fait de l'ampleur de la jurisprudence.

Comme c'est le cas au Canada, la Constitution américaine confère elle-même un pouvoir exclusif au gouvernement fédéral à l'égard des brevets et des droits d'auteur. La clause applicable figure à l'article 1 8 :

[TRADUCTION] Favoriser le progrès de la science et des arts utiles, en accordant aux auteurs et aux inventeurs, pendant une durée limitée, le droit exclusif à leurs écrits et découvertes respectifs.

Bien qu'elle ne dise rien au sujet du droit des marques de commerce, la clause relative au commerce étaye la compétence du gouvernement fédéral dans le domaine des marques de commerce enregistrées. Les États offrent également cet enregistrement, applicable au sein de leurs frontières.

Les commentaires qui suivent portent sur les aspect généraux de la fourniture et de la prise de sûretés dans les principaux secteurs du droit substantiel de la propriété intellectuelle[164].

        Le droit de la propriété intellectuelle aux États-Unis et les causes connexes

        i.      Marques de commerce

Aux États-Unis, les marques de commerce peuvent être enregistrées à l'échelon fédéral en vertu de laLanham Act[165], de la même façon, ou presque, qu'au Canada. Depuis 1989, les États-Unis autorisent aussi les demandes d' « intention d'utiliser » , comme cela se fait au Canada de puis 1954. Les cessions peuvent - et, en fait, doivent - être enregistrées à l'échelon fédéral, de manière à préserver le « caractère distinctif » , faute de quoi il est possible que la marque de commerce ne soit plus valide.

Un délai de grâce est toutefois prévu pour enregistrer une cession :

[TRADUCTION] Une cession est nulle à l'encontre de tout acquéreur subséquent à titre onéreux et sans connaissance préalable, à moins que les renseignements prescrits faisant état de la cession soient enregistrés au Brevet des brevets et des marques de commerce dans les trois mois qui suivent la date de l'achat postérieur, ou avant ce dernier[166].

Il faut souvent plusieurs semaines ou mois avant que l'information soit publiquement disponible, un problème que l'on retrouve là aussi au Canada. Par conséquent, les recherches informatiques mène dans les fichiers du United States Patent and Trademarks Office ( « USPTO » ), même lorsqu'elles sont complétées par des recherches approfondies effectuées sur place, ne sont pas particulièrement à jour ou fiables pour ce qui est de la vérification des dépôts antérieurs ou de la détermination d'un ordre des priorités.

Le transfert effectif d'une marque de commerce nécessitera un transfert d'achalandage et, peut-être, d'autres éléments d'actif de l'entreprise qui concrétisent cet achalandage ou sont essentiels à ce dernier, dont les secrets commerciaux, les listes de fournisseurs et de clients, les droits d'auteur, les brevets, etc.[167].

La cession valide d'une marque de commerce doit inclure tous les aspects de l'entreprise à laquelle cette marque se rapporte. Une cession « simple » ou « brute » peut mener à l'invalidité de la marque de commerce[168]. La question de savoir s'il faut déposer la sûreté d'un créancier du UCC à l'égard d'une marque de commerce semble incertaine, car le titulaire peut bénéficier de droits de propriété à la fois en vertu de la Lanham Act fédérale et de la common law de l'État[169].

Selon le principal traité américain sur le droit des marques de commerce, toutes les transactions garanties mettant en cause des marques de commerce doivent être structurées comme une « cession conditionnelle » afin d'éviter les pièges de la jurisprudence relative aux cessions brutes et la règle contre le trafic de demandes d'intention d'utiliser[170]. La préoccupation relative à l' « intention d'utiliser » découle de l'article 10 de la Lanham Act et de l'affaire Clorox[171], dans laquelle la marque de commerce enregistrée d'un débiteur a été invalidée parce que la demande d'intention d'utiliser dont elle émanait avait été cédée directement à une banque en vertu des clauses d'un contrat de prêt garanti.

Il existe une importante question théorique, qui consiste à savoir si un contrat de sûreté relatif à une marque de commerce enregistrée à l'échelon fédéral doit être déposée à l'échelon étatique du UCC en vue de le « parfaire » . La question se pose parce que l'alinéa 9-104(a) du UCC crée une dérogation à l'application du UCC à toute « sûreté » soumise à n'importe quelle loi des États-Unis [TRADUCTION] « dans la mesure où celle loi régit les droits des parties envers les tiers touchés par des transactions effectuées à l'égard de types de biens particuliers » [172]. La question a été réglée par la décision Roman Cleanser[173] de 1984, selon laquelle les dispositions fédérales en matière d'enregistrement de cession ne déclenchent pas la dérogation que prévoit le UCC. En conséquence, il faut aujourd'hui que les transactions garanties concernant des marques de commerce soient parfaites au moyen d'un dépôt au UCC. Comme nous le verrons, la situation des droits d'auteur est nettement différente.

McCarthy signale qu'une tentative faite au cours de l'adoption de la Trademark Law Revision Act de 1988 pour établir l'enregistrement fédéral des sûretés grevant des marques de commerce s'est avéré vaine[174].

        ii.       Brevets

Le droit des brevets est visé par le titre 35 du U.S. Code. Un brevet est habituellement traité comme un « bien incorporel général » aux fins de l'article 9 du UCC. Comme dans le cas des marques de commerce, il existe un délai de grâce de trois mois pour déposer une cession, ainsi que d'importants délais administratifs pour les enregistrer et pour rendre l'information publiquement disponible.

L'arrêtPeregrine[175], une décision controversée et mentionnée ci-après en rapport avec les droits d'auteur, a décrété par voie d'obiter dicta que les sûretés grevant les brevets et les demandes de brevet sont parfaites en en faisant le dépôt auprès du USPTO. Cependant, d'après une décision antérieure, une sûreté grevant un brevet pouvait être parfaite en vertu du UCC[176]. Postérieurement à la décision Peregrine, une décision d'appel du 9e Circuit a statué qu'étant donné que la Patent Act n'est pas suffisamment exhaustive pour exclure les méthodes étatiques de perfection des sûretés, et que l'enregistrement des sûretés en vertu de la Patent Act est discrétionnaire, les lois étatiques du UCC sont suffisantes pour constituer la seule méthode de perfection[177]. C'est donc dire que, bien que le dépôt d'un contrat de sûreté en vertu du UCC puisse suffire pour protéger un prêteur garanti contre un autre détenteur de privilège ou un syndic de faillite, du moins au sein du 9e Circuit, il semblerait qu'il faille encore procéder à un dépôt auprès du USPTO pour parfaire une sûreté grevant un brevet à l'encontre d'un acheteur subséquent à titre onéreux[178].   

Cependant, quelques spécialistes croient que la voie de la prudence, là encore, est une approche dite « de la ceinture et des bretelles » et un double dépôt auprès du USPTO et en vertu de la UCC. De l'avis de Susan Barbieri Montgomery, laquelle a présidé le Comité de la propriété intellectuelle de l'ABA qui a introduit en 1999 la proposition concernant la FIPSA que nous analyserons plus loin, l'idéal serait d'obtenir la perfection d'une sûreté grevant un brevet en déposant les états de financement en vertu du UCC. Cependant, compte tenu de la loi et de la jurisprudence, elle recommande qu'un double dépôt pourrait s'avérer nécessaire pour parfaire une sûreté grevant un brevet à l'encontre de certaines parties[179].

iii.   Droits d'auteur

La plupart des problèmes que comporte le régime américain découlent de la jurisprudence relative au droit d'auteur, ou ont été mis en lumière dans cette dernière. Comme il a été dit plus tôt, il n'est pas nécessaire qu'un droit d'auteur soit enregistré pour être valide. Cela n'a pas toujours été le cas aux États-Unis, qui n'a modernisé sa loi à cet égard qu'en 1989 pour pouvoir enfin adhérer à la Convention de Berne, déjà vieille de 103 ans à l'époque. Cette convention évite d'avoir à se soumettre à des formalités telles qu'un enregistrement comme condition à la subsistance d'un droit d'auteur. Néanmoins, le régime américain est encore profondément enraciné dans sa tradition d'enregistrement, et la loi contient encore suffisamment d'incitations à procéder à un enregistrement (honoraires d'avocat, présomptions, etc.) pou qu'il s'agisse d'une pratique répandue.

Il n'y a pas d'aspect négatif ou de risque juridique à déposer un enregistrement de droit d'auteur aux États-Unis. Toutefois, le processus est long et coûteux. À moins de payer des frais supplémentaires, l'examen et l'enregistrement durent au moins six mois. Les formulaires de demande sont détaillés et recèlent de pièges pour qui n'est pas sur ses gardes. Pour cette raison, la plupart des cabinets juridiques américains exigent au moins 500 $US pour préparer et déposer ces demandes. Les frais gouvernementaux ne sont que de 30 $US (contre 65 $CAN pour le Canada), mais même ce montant peut augmenter s'il y a de nombreux enregistrements à effectuer. Chaque oeuvre nécessite un enregistrement distinct. C'est donc dire que l'enregistrement d'un portefeuille de droits d'auteur pour le compte d'une entreprise de quelque complexité que ce soit, et surtout l'une de celles qui sont actives dans les « industries du droit d'auteur » , peut s'avérer fort coûteux. Le processus dure aussi de six à huit mois, à moins de payer des frais supplémentaires élevés pour activer l'enregistrement des droits d'auteur ou des documents connexes[180].

Il est à noter qu'aux États-Unis, le régime d'enregistrement des droits d'auteur est fondamentalement différent de celui qui est en vigueur au Canada. Aux États-Unis, l'oeuvre DOIT être déposée. Au Canada, elle NE PEUT PAS être déposée. Aux États-Unis, le Copyright Office fait partie de la bibliothèque du Congrès. En tant qu'institution du Congrès, ce bureau ne fait pas partie de l'Exécutif et jouit d'une grande indépendance au point de vue juridique, opérationnel et stratégique. Il s'agit en fait d'un intervenant de premier plan dans le secteur des politiques législatives concernant le droit de la propriété intellectuelle sur le plan national et international. À ces égards, cet organisme diffère là aussi du Bureau du droit d'auteur canadien, qui ne joue presque aucun rôle dans les questions de politiques.

Le régime américain d'enregistrement des droits d'auteur offre deux grands avantages. Il a donné lieu à l'acquisition « gratuite » d'une grande partie du fonds documentaire de l'énorme bibliothèque du Congrès, qui est peut-être la bibliothèque la plus vaste du monde moderne. Il fournit aussi un moyen réel et utile de déterminer la teneur et l'identité des oeuvres à des fins de preuve, en cas de litige. De ce fait, les présomptions faites en vertu de la Copyright Act des États-Unis ont bel et bien un fondement réel, alors qu'elles ont peu d'importance ou de fondement au Canada.

La jurisprudence américaine concernant la perfection des sûretés grevant le droit d'auteur s'intéresse au régime d'enregistrement, ce qui n'est guère surprenant. L'état actuel du droit, selon S. Barbieri Montgomery est le suivant :

[TRADUCTION] ...un dépôt fait en vertu du UCC n'est ni nécessaire ni suffisant pour parfaire une sûreté grevant un droit d'auteur. Pour ce faire, il faut plutôt déposer un contrat de sûreté ou une hypothèque sur un droit d'auteur auprès du United States Copyright Office. En outre, le droit d'auteur sous-jacent doit être enregistré auprès du Copyright Office. Une sûreté grevant un droit d'auteur ne peut pas être parfaite si le droit d'auteur n'est pas enregistré. Il est toutefois avisé de procéder par prudence à un dépôt en vertu du UCC à titre de bien incorporel général, à moins qu'il existe un contrat connexe ou quelque chose d'autre parmi les biens grevés que le droit d'auteur ne vise pas d'une manière effective[181].

La décision américaine faisant autorité à propos de la perfection des sûretés relatives au droit d'auteur est In re Peregrine Entertainment Ltd[182]. Selon cette décision, la loi fédérale a priorité sur les méthodes étatiques de perfection des sûretés grevant le droit d'auteur. Cette décision a eu un effet marqué sur l'industrie cinématographique, ainsi que sur le Copyright Office, car elle a donné lieu à une nette augmentation des activités d'enregistrement[183].

Peu après Peregrine, In re AEG Acquisition Corp.[184], il a été décrété que les droits d'auteur doivent être enregistrés auprès du Copyright Office pour parfaire une sûreté s'y rapportant. C'est donc dire que, d'après cette décision, il semblerait qu'il ne puisse pas y avoir de sûreté parfaite dans un droit d'auteur non enregistré. Cette décision a été suivie dans In re Avalon Software Inc.[185]. Cependant, en 1999, un tribunal de la faillite a refusé de s'y conformer, décrétant dans la décision Aerocon Engineering Inc. v. Silicon Valley Bank[186] qu'il n'est pas nécessaire qu'un droit d'auteur soit enregistré auprès du Copyright Office pour qu'une sûreté soit parfaite, et qu'il est possible de parfaire un droit d'auteur non enregistré en procédant à un dépôt en vertu du UCC. Voilà un résultat qui ferait vraisemblablement plaisir à certains membres de l'industrie des logiciels, qui n'apprécient pas les exigences en matière de dépôt et d'information de la Copyright Act, aussi évitables qu'elles puissent être.

Par conséquent, en ce qui concerne la perfection des sûretés grevant le droit d'auteur aux États-Unis, la voie la plus sûre consiste à enregistrer le droit d'auteur de façon accélérée et à enregistrer la sûreté en même temps ou juste après[187].

iv.   Secrets commerciaux

Aux États-Unis, le droit des secrets commerciaux est fondé sur le droit des contrats et de la responsabilité civile délictuelle en common law, s'ils s'appliquent entre des parties privées. Il n'y a aucune loi fédérale en cause. Les secrets commerciaux sont, dit-on, souvent traités comme des « biens incorporels généraux » pour fins de garanties en vertu de l'article 9 du UCC[188]. Étant donné que les secrets commerciaux peuvent parfois comporter des sujets brevetables ou protégeables par le droit d'auteur, il est parfois conseillé d'acquérir une sûreté en recourant au mécanisme de la double protection. Cependant, ainsi qu'il a été mentionné plus tôt, l'obtention d'une sûreté grevant un droit d'auteur non enregistré comporte de graves problèmes.

L'enregistrement d'un droit d'auteur sur un programme informatique peut toutefois se faire de manière à ce que la majeure partie, ou la totalité, du secret commercial demeure « secrète » . Cependant, une demande de brevet devient habituellement publique après un délai de 18 mois, ce qui fait que le sujet en question n'est plus secret. Il est toutefois possible de grever la demande de brevet[189].

        Quelques questions concernant le UCC

En 1998, l'article 9 du UCC a subi quelques révisions, qui entreront en vigueur le 1er juillet 2001. Les révisions ont été adoptées dans 22 États et introduites dans 16 de plus à dater du mois de mai 2000.

L'opinion de Mme Montgomery est que la NCCUSL[190], qui est responsable du UCC et est le pendant de la Conférence sur l'uniformisation des lois du Canada ( « CULC » ), a changé fort peu de choses dans cette révision parce que les problèmes que pose l'interface avec la loi fédérale se situent à l'échelon fédéral :

[TRADUCTION] ...le degré d'ajustement difficile des lois fédérales et de l'article 9 ont donné lieu à une certaine incertitude au sujet des exigences de dépôt à remplir en vue d'assurer la perfection des sûretés grevant la propriété intellectuelle, ainsi qu'à un manque d'uniformité dans les lois et les pratiques concernant les sûretés grevant les différents types d'éléments de propriété intellectuelle fédérale. Ce fait est principalement imputable au manque de clarté ou de cohérence dans les lois fédérales pertinentes - et la réforme de ces dernières n'est donc pas du ressort de la NCCUSL. Comme il fallait s'y attendre, les dispositions applicables de l'article 9 révisé sont en grande partie inchangées[191].

Un changement positif que Mme Montgomery et d'autres[192] ont signalé est que certaines questions relatives à l'octroi des licences, y compris l'interface avec la loi sur les faillites, sont aujourd'hui plus claires :

[TRADUCTION] De nombreux contrats de licence comportent aussi l'interdiction expresse d'effectuer une cession ou d'accorder une sous-licence sans le consentement du donneur. L'article 9 révisé reconnaît l'efficacité des lois et des dispositions contractuelles qui interdisent le transfert d'une licence de propriété intellectuelle ou qui obligent à y consentir. Voir Rev. 9-408, Official Comment 4. Cela est compatible avec le paragraphe 365c)(1) du Bankruptcy Code et, par exemple, la décision du 9e Circuit de confirmer le refus d'un donneur de licence de consentir à la description d'une licence de brevet faite par un débiteur en possession. Voir In re Catapult Engineering, 165 F.3d, à la p. 751. Par ailleurs, lorsque le bien grevé inclut une licence de propriété intellectuelle, aux termes de l'article 9 révisé une disposition contractuelle par ailleurs valide qui restreint le transfert est valable pour éviter que la partie garantie réalise la sûreté. Voir la section Rev. 9-408d)[193].

En outre, Mme Montgomery signale que le créancier peut procéder à son dépôt en vertu du UCC dans l'État où le débiteur s'est constitué en société, plutôt qu'à l'endroit où se trouve l'entreprise ou les éléments d'actif de ce dernier. Cela conférera vraisemblablement plus de certitude à de nombreuses transactions et amoindrira les frais d'opération.

L'étude du FPLC signale que l'article 9 révisé simplifie le processus de détermination de l'endroit où effectuer le dépôt de manière à parfaire une sûreté fondée sur un élément de propriété intellectuelle.

[TRADUCTION] Le choix des règles de droit qu'offre l'article 9 révisé simplifie considérablement la perfection inter-étatique dans les causes qui concernent la propriété intellectuelle. L'article 9-301(1) révisé fait en sorte que la loi du ressort où « un débiteur est situé » régit la perfection dans les cas où celle-ci s'obtient par voie de dépôt. Cette approche élimine le problème d'avoir à faire la distinction entre la propriété intellectuelle dans son état naturel en tant que « bien incorporel général » et les formes intégrées de propriété intellectuelle dont les caractéristiques de « produits » sont suffisants pour qu'elles soient classées comme des « biens » [194].

Mesures de révision prises par le gouvernement fédéral des États-Unis

Les auteurs d'une étude savante américaine conceptuelle et détaillée, datant de 1991, ont demandé que l'on examine la possibilité d'établir un système fédéral central, mais uniquement si celui-ci s'adapte considérablement de façon à passer d'un système de dépôt transactionnel à un système de dépôt d'avis. Le système pourrait ainsi englober la réalité commerciale que représente la nécessité d'un financement permanent et de biens grevés nouvellement disponibles, sans avoir à procéder à des dépôts nouveaux et importants[195].

        i.      Mesures de révision prises en 1993

Une tentative de révision a été effectuée en 1993, sous la forme de H.R. 897, 103rd Cong. 1 st Session. Cette tentative a été analysée par Marybeth Peters (Register of Copyright), dans son témoignage devant le Coble Judiciary Committee en 1999[196], ainsi que la raison pour laquelle il n'y a pas eu de suite à cette révision. Il s'agissait d'une tentative pour réformer la décision Peregrine susmentionnée. Les prêteurs se concentraient à l'époque sur le maintien d'un rôle important pour le UCC.

        ii.       Les audiences tenues en 1999 sur l'avant-projet de loi de l'ABA

En 1999, le représentant Coble et le Comité judiciaire de la Chambre (House Judiciary Committee) qu'il présidait ont tenu des audiences sur la question des sûretés grevant la propriété intellectuelle[197].

Le Comité et les témoins se sont concentrés sur un avant-projet de loi que l'ABA avait préparé sous le nom de « Federal Intellectual Property Security Act (FIPSA » ). La proposition de l'ABA était axée sur un système double (une « approche mixte » ), doté d'un registre fédéral centralisé qui donnerait « avis » au moyen d'un état de financement, mais sans exiger l'enregistrement proprement dit de documents quelconques. Comme l'a indiqué Mme Montgomery, qui a présidé le Comité 457 de l'ABA :

[TRADUCTION] La FIPSA adopte ce que l'on appelle l' « approche mixte » des dépôts fédéraux et étatiques à l'égard des sûretés grevant les types de propriété intellectuelle que vise la loi fédérale. La loi proposée indique que la propriété intellectuelle fédérale inclut les droits d'auteur (enregistrés ou non), les marques de commerce enregistrées à l'échelon fédéral et les marques de commerce faisant l'objet d'une demande d'enregistrement fédéral en instance et les arrangements de masque. Selon l'approche mixte, un dépôt effectué en vertu du UCC d'un État détermine l'ordre de priorité par rapport à d'autres parties garanties et créanciers titulaires d'un privilège, tandis que le fait de procéder au dépôt auprès de l'organisme fédéral compétent établit l'ordre de priorité par rapport aux acheteurs de bonne foi et à d'autres cessionnaires[198].

Les studios de cinéma indépendants, représentés par l'American Film Marketing Association (AFMA) se sont fortement opposés à la FIPSA, invoquant des arguments apocalyptiques de perte d'emplois et d'autres conséquences néfastes. Les studios ont fait valoir que la FIPSA ne fera pas disparaître le fardeau du double dépôt que crée la décision Peregrine. Ils ont reconnu que les privilèges flottants et les biens acquis ultérieurement présentent des difficultés. La MPAA s'est également opposée à la FIPSA au nom des grands studios de cinéma qui trouvaient que le système en vigueur était d'une grande valeur et qu'il n'y avait pas lieu de le changer.

Les objections du Copyright Office étaient axées sur la proposition de couvrir tous les droits d'auteur appartenant au débiteur et la proposition de coordonner les enregistrements faits à l'échelon fédéral comme n'étant pas conseillés au vu des différences entre la loi sur le droit d'auteur, le droit des brevets et le droit des marques de commerce. Marybeth Peters a présenté à la suite des propres consultations du Copyright Office un mémoire détaillé portant sur les sujets suivants : 1) les changements au régime fondé sur l'article 205 pour enregistrer les transferts de droit d'auteur autres que des sûretés; 2) permettre de parfaire les contrats de sûreté sans exiger que l'on identifie les oeuvres de manière précise par leur titre ou leur numéro d'enregistrement; 3) prévoir une exception, pour les contrats de sûreté, à l'obligation de présenter pour fins d'enregistrement le document réel intégrant le transfert d'un droit d'auteur; 4) l'interdépendance entre les systèmes étatiques du UCC et le régime fédéral; 5) la possibilité d'une administration conjointe du système d'enregistrement des sûretés grevant la propriété intellectuelle fédérale, ainsi que la nécessité d'une telle administration; 6) les fardeaux administratifs imposés par le régime proposé[199].

L'opposition du USPTO portait principalement sur des questions d'ordre administratif. L'ancien commissaire aux brevets, Q. Todd Dickinson a témoigné[200]. Les principales questions mentionnées ont été les suivantes :

-    il ne devrait exister qu'une seule base de données fédérale, plutôt que trois bases de données d'information;

-    il devrait y avoir un financement suffisant;

-    il faudrait assouplir la législation afin de pouvoir mettre en oeuvre divers aspects : frais, délais d'exécution, etc.

Il a estimé les frais de démarrage à 7 millions de dollars et les frais annuels à 5 millions de dollars pour la tenue d'une base de données sous forme imprimée et électronique. Il a souligné également l'anomalie possible que pouvaient créer les dispositions en matière de demandes d'intention d'utiliser une marque de commerce, lesquelles étaient susceptibles de laisser entre les mains d'un prêteur des biens grevés qui, en cas de défaut, ne vaudraient rien de plus que la taxe de dépôt de 245 $ qui était exigée à cette époque-là. Dans son témoignage, le USPTO a fait référence aussi à l'étude en cours que cet organisme avait commandée au Franklin Pierce Law Center, et dont il est question ailleurs dans le présent document.

iii.   L'approche de la Commercial Finance Association (CFA)

La CFA, qui représente les prêteurs, a tenté de formuler sa propre solution axée sur le droit d'auteur sous la forme du H. R. 4351, un projet de loi intitulé Security Interests in Copyrights Financing Preservation Act (SICFPA), qui a été déposé durant le 106e Congrès, le 2 mai 2000. Le but de cet instrument était le suivant :

[traduction] Modifier le titre 17 du United States Code, préserver le financement commercial, à faible coût et efficace des entreprises en prenant en garantie leurs droits d'auteur et leurs actifs protégeables par le droit d'auteur en confirmant qu'une sûreté parfaite par les voies appropriées, pratiques et classiques aura préséance sur les créanciers titulaires d'un droit de rétention.

Comme l'a indiqué Mme Montgomery,

[traduction] La SICFPA modifierait les articles 101 et 205 de la Copyright Act, 17 USC 101 et 205. L'article 101 modifié indiquerait que la Copyright Act n'a pas préséance sur le UCC pour ce qui est de la perfection d'une sûreté grevant un droit d'auteur ou le produit d'un droit d'auteur. Cela signifie que la priorité sur les cessionnaires rivaux continuerait d'être régie par les dépôts à l'échelon fédéral ainsi que par la Copyright Act..., mais que la perfection et la priorité sur un privilège opposé obtenu par une partie garantie ou un autre « créancier titulaire d'un droit de rétention » , tel qu'un syndic de faillite, seraient déterminés par l'article 9 du UCC. C'est donc dire que l'intention de la SICFPA est d'annuler les décisions Peregrine, AEG Acquisition et d'autres causes analysées dans les paragraphes figurant sous la rubrique III.F.1 ci-dessus, relativement aux sûretés grevant les droits d'auteur enregistrés et non enregistrés et le produit en découlant. La SICFPA suit l'orientation prise dans Aerocon... en ce qui a trait aux droits d'auteur non enregistrés, ainsi qu'au produit de ces derniers[201].

La CFA espérait vraisemblablement qu'une approche plus restrictive, fondée sur le droit d'auteur, réussirait là où échouait l'approche plus générale suivie par la FIPSA. Quoi qu'il en soit, le projet de loi (SICFPA) a été déposé, mais sans plus. Il est maintenant « mort » avec l'avènement du 107e Congrès.

iv.   Le document de 1996 de Haemmerli

Un document exhaustif[202], publié en 1996 par la doyenne des études supérieures de la Columbia University comporte un certain nombre de suggestions de réforme assez précises. Elle a fait remarquer que l'effet préemptif de la loi fédérale est de 100 p. cent pour le droit d'auteur, de 0 p. cent pour les marques de commerce et de 50 p. cent pour les brevets. Elle se soucie des problèmes de « rétroactivité/délai de grâce » , et elle signale aussi le dilemme des « documents réels » par opposition à la simple connaissance[203]. En résumé, elle préconise une réforme afin de faire de l'enregistrement en vertu des trois lois fédérales sur la propriété intellectuelle le seul et unique moyen de parfaire les sûretés grevant des éléments de propriété intellectuelle enregistrés à l'échelon fédéral, laissant à l'article 9 du UCC le soin de parfaire les sûretés grevant les droits d'auteur non enregistrés, les secrets commerciaux, les marques de commerce non enregistrées, etc.[204]

v.    La proposition Franklin Pierce

Les éléments essentiels de la proposition du Franklin Pierce Law Centre (un document provisoire, non officiellement reçu et encore moins avalisé par le USPTO, qui l'a commandé), dont les principaux auteurs étaient le professeur Bill Murphy du FPLC et le professeur Tom Ward de la University of Maine, sont les suivants.

Essentiellement, le rapport du FPLC présente trois variations sur le thème d'un registre centralisé qui fournirait un avis implicite aux personnes sollicitant des informations sur les sûretés grevant la propriété intellectuelle :

[traduction] La création d'une certaine structure juridique pour créer des sûretés grevant la propriété intellectuelle procurerait des systèmes d'information plus efficaces et un meilleur accès au capital à ceux qui détiennent des éléments de propriété intellectuelle. Le présent rapport propose trois lois types qui créeraient un registre centralisé ou intégré pour parfaire les sûretés grevant la propriété intellectuelle. Un tel registre permettra aux praticiens, aux créanciers et aux autres intéressés de découvrir, dans le cadre d'une seule recherche exhaustive, les sûretés enregistrées antérieurs et de prendre une décision au sujet du statut garanti d'un créancier. Le registre ne supplanterait pas les lois fédérales ou étatiques substantielles qui sont en vigueur, mais les compléterait plutôt en offrant un mécanisme d'information central, mis à la disposition de tous ceux qui cherchent des informations sur les sûretés grevant la propriété intellectuelle[205].

Les trois modèles en question comportent les caractéristiques suivantes :

[traduction]

1. Un engagement à l'égard du dépôt d'avis et de la structure de perfection de l'article 9.

2. L'intégration de renseignements critiques sur les états de financement exigés par l'article 9, indexés d'après le nom du débiteur, dans le système de numérotation des biens qui constituent la prémisse des lois fédérales en matière d'enregistrement de propriété intellectuelle.

3. Une base de données unifiée unique, ou un méta-site, pour tous les dépôts de propriété intellectuelle fédérale, le tout au sein d'un seul organisme compétent, chargé des activités d'établissement et de tenue à jour[206].

La principale différence entre les trois régimes est le degré de participation de l'administration fédérale à un système intégré de dépôt d'avis.

Une autre caractéristique commune marquante des trois modèles est que ces derniers créent [traduction] « une règle de priorité selon l'enregistrement et la connaissance qui donne la priorité au premier transfert "exécuté" de propriété du droit d'auteur s'il est enregistré de manière à procurer une connaissance de droit avant d'enregistrer de cette façon le transfert ultérieur[207].

Les trois systèmes, essentiellement, [traduction] « élimineraient les sûretés des dossiers fédéraux existants » , comme le préconisait l'ABA dans la FIPSA[208]. Les trois systèmes adopteraient la suggestion de Q. Todd Dickinson à propos de la création d'une base de données unifiée unique, plutôt que trois bases de données distinctes pour les brevets/marques de commerce, les droits d'auteur et les obtentions végétales[209].

7. Le Royaume-Uni

Les professeurs Bridge, Macdonald, Simmonds et Walsh ont récemment publié une comparaison utile entre le système appliqué au Royaume-Uni et l'approche fondée sur l'article 9. Il ressort de ce document que le système du Royaume-Uni favorise les prêteurs institutionnels au détriment des prêteurs privés[210].

Le Royaume-Uni est encore doté d'un système généralement désuet pour ce qui est de l'octroi de sûretés fondées sur la propriété intellectuelle. Ce système est apparemment encore fondé sur des notions anciennes, comme les hypothèques mobilières, les nantissements et d'autres structures officielles bien précises. Bien que le Royaume-Uni ne soit manifestement pas un État fédéral, il existe au sujet de ces questions des différences de taille entre le droit écossais et le droit anglais. Les nombreuses différences entre ces deux types de droit sont un sujet qui se situe hors du cadre du présent document mais elles revêtent un intérêt particulier pour les Canadiens car le droit écossais comporte de nombreuses affinités avec le droit civil et est fortement influencé par ce dernier[211]. Les différences entre le droit écossais et le droit anglais sont importantes pour ce qui est des questions sur lesquelles portent la présente étude.

En général, les charges grevant les actifs d'une entreprise sont enregistrées en vertu de la partie XII de la Companies Act de 1985, dont l'application relève du Department of Trade and Industry (DTI).

L'une des différences très pratiques, pour ce qui est des questions qui nous intéressent ici, est que les charges qu'il est nécessaire d'enregistrer pour les entreprises enregistrées en Écosse comprennent un brevet ou une licence octroyée en vertu d'un brevet, une marque de commerce, et un droit d'auteur ou une licence octroyée en vertu d'un droit d'auteur[212].

Il subsiste encore, semble-t-il, une question discutable, à savoir si la Law of Property Act de 1925 s'applique aux transactions garanties mettant en cause des éléments de propriété intellectuelle. La différence entre une hypothèque et une charge (la deuxième étant une forme équitable de la première) est encore très marquée[213].

Il y a, dit-on, trois différences de taille entre le droit écossais et le droit anglais quant à la façon dont on obtient une sûreté à l'égard d'un élément de propriété intellectuelle :

-    en vertu du droit écossais, une cession n'est pas complète avant que les tiers en aient été avisés, par voie d'enregistrement, sauf dans le cas du droit d'auteur où le cessionnaire prend livraison du document de cession;

-    toute charge grevant une entreprise écossaise doit être enregistrée dans les 21 jours suivant la création de cette charge;

-       lorsque l'emprunteur souhaite utiliser l'élément de propriété intellectuelle après la cession, il doit y avoir une rétro-licence[214].

Les lois sur la propriété intellectuelle elles-mêmes donnent aussi quelques conseils, mais pas beaucoup, à l'intention de ceux qui souhaitent se servir d'éléments de propriété intellectuelle comme garantie.

En ce qui concerne les brevets :

-    une « hypothèque » sur un brevet est nulle à moins que les deux parties l'aient signée par écrit;

-    il n'y a pas d'obligation légale d'enregistrer des intérêts légaux, mais un défaut pourrait occasionner une perte de rang au titulaire d'un droit postérieur incompatible, ainsi que l'incapacité de réclamer des dommages-intérêts ou un compte des bénéfices en cas de contrefaçon entre l'admissibilité et l'enregistrement;

-    il semble y avoir un manque de clarté quant à savoir si les intérêts équitables à l'égard d'un brevet peuvent être enregistrés en vertu du régime des brevets, même si, selon d'anciens éléments jurisprudentiels, ils devrait l'être[215].

La législation relative au droit d'auteur ne fait aucune référence explicite aux « hypothèques » , encore qu'elle le fasse, et cela est assez intéressant, à l'égard de certains dessins enregistrés[216]. Il n'y a bien sûr aucun système centralisé ou autre système d'enregistrement pour le droit d'auteur au Royaume-Uni.    Le système a finalement été éliminé en 1924[217]. Les règles régissant les cessions sont les suivantes[218] :

-    une cession n'a lieu que si le cédant l'a signée par écrit;

-    les cessions sont opposables à tous les preneurs subséquents de sûretés opposées;

-    le seul recours dont dispose un cessionnaire subséquent contre un intérêt antérieur dont il n'avait pas connaissance est à l'encontre du cédant.

Quant aux marques de commerce, la Trade Marks Act de 1994 est l'instrument législatif sur la propriété intellectuelle qui est le plus à jour au Royaume-Uni.    Cette loi contient la disposition parfaitement explicite, semble-t-il, selon laquelle les sûretés grevant les marques de commerce doivent être enregistrées, de même qu'un système de priorités :

[traduction]

« 25.C (1) Sur demande soumise au registraire par :

a) une personne revendiquant un droit sur une sûreté grevant une marque de commerce enregistrée ou en vertu de cette dernière par suite d'une transaction enregistrable; ou

b) toute autre personne soutenant être visée par une telle transaction, les détails prescrits de la transaction sont consignés dans le registre.

(2) Les éléments qui suivent sont des transactions enregistrables :

a) la cession d'une marque de commerce enregistrée ou de tout droit s'y rapportant;

b) l'octroi d'une licence en vertu d'une marque de commerce enregistrée;

c) l'octroi de toute sûreté, fixe ou flottante, grevant une marque de commerce enregistrée ou de tout droit s'y rapportant;

d) l'assentiment de représentants personnels à l'égard d'une marque de commerce enregistrée ou de tout droit s'y rapportant;

e) une ordonnance d'un tribunal ou d'une autre instance compétente, transférant une marque de commerce enregistrée ou tout droit s'y rapportant.

(3) Tant qu'une demande n'est pas soumise en vue de l'enregistrement des détails prescrits d'une transaction enregistrable :

a) ladite transaction est inopposable à une personne qui acquiert une sûreté concurrente grevant une marque de commerce enregistrée ou en vertu de cette dernière à son insu;

b) une personne prétendant être titulaire d'une licence par suite de la transaction ne jouit pas de la protection des articles 30 ou 31 (droits et recours du titulaire de licence en rapport avec l'usurpation).

(4) Une personne qui devient titulaire d'une marque de commerce enregistrée ou d'une licence s'y rapportant par suite d'une transaction enregistrable n'a pas droit aux dommages-intérêts ou à un compte des bénéfices à l'égard de toute usurpation de la marque de commerce enregistrée pouvant survenir après la date de la transaction et avant l'enregistrement des détails prescrits de cette dernière, sauf si :

a) une demande d'enregistrement des détails prescrits de la transaction est soumise avant la fin des six mois qui suivent la date de cette dernière, ou

b) le tribunal est convaincu qu'il était impossible qu'une telle demande soit soumise avant la fin de cette période et qu'une demande l'a été dès que possible par la suite.

(5) Des dispositions peuvent être prises, par voie de règles, au sujet des mesures suivantes :

a) la modification des détails enregistrés concernant une licence, de manière à refléter toute modification des conditions de cette dernière;

b) la suppression de ces détails du registre;

(i) lorsqu'il semble, d'après les détails enregistrés, que la licence a été octroyée pour une période fixe et que cette dernière est échue; ou

(ii) lorsque aucune période de ce genre n'est indiquée et qu'après la période prescrite le registraire a informé les parties de son intention de supprimer les détails du registre.

(6) Il peut aussi être prévu, par voie de règles, de modifier ou de supprimer du registre les détails relatifs à une sûreté à la demande ou avec l'assentiment de la personne ayant droit à l'avantage de cette sûreté.

D'autres réformes importantes apportées à la loi de 1994 comportent un assouplissement de la règle « Holly Hobbie » [219] contre le trafic de marques de commerce, qui présentait quelques problèmes potentiellement sérieux à l'égard de la possession d'une marque de commerce par une institution telle qu'une banque, qui n'aurait pas d'achalandage associé à cette marque.

En outre, l'Union européenne (UE) a maintenant reconnu qu'il peut exister une sûreté grevant une marque de commerce de la Communauté[220]. L'article 19 de la directive 40/94 de l'UE est libellé comme suit :

[traduction]

Article 19 : Droits réels

1. Une marque de commerce de la Communauté peut, indépendamment de l'opération, être donnée en garantie ou faire l'objet de droits réels.

C'est donc dire que le système des marques de commerce, au moins, semble avoir été mis à jour afin de pouvoir mieux servir les intérêts des prêteurs et des emprunteurs. En fait, on considère que les réformes apportées en 1994 ont [traduction] « émancipé les marques de commerce enregistrées de la tyrannie du formalisme transactionnel et permis de s'en servir dans toutes les formes d'activités commerciales » [221].

Il subsiste toutefois quelques doutes à propos de la question de savoir si le cadre juridique amélioré, pour les emprunts basés sur des éléments de propriété intellectuelle affectés en garantie, mènera à une augmentation des transactions de cette nature. En 1997, trois ans à peine après les réformes liées aux marques de commerce, il y avait des preuves que peu de propriétaires d'éléments de propriété intellectuelle se servaient de ces derniers pour emprunter des fonds en Angleterre. Un document d'opinion[222] paru dans une publication influente (European Intellectual Property Review) a avancé plusieurs raisons, dont les suivantes :

-    lors des périodes où les taux d'intérêts sont bas et où les prêteurs sont à la recherche d'emprunteurs, les demandes de sûretés seront moindres;

-    tant les avocats des prêteurs que ceux des emprunteurs sont peu familiers avec les principes juridiques et les détails transactionnels pertinents;

-    de nombreux droits de propriété intellectuelle sont, comme Excalibur, l'épée du roi Arthur, plus utiles entre les mains de leurs titulaires originaux qu'entre celles d'autres personnes;

-    les droits de propriété intellectuelle sont difficiles à évaluer;

-    il manque de précédents commodes et de clauses types dont les avocats peuvent se servir;

-    les marchés financiers anglais, dans ce secteur, ne sont pas poussés dans le dos par la concurrence de Tokyo, Francfort, Hong Kong ou Wall Street.

La conclusion de M. Phillips était que, à court terme, il n'y avait rien à faire et que, à moyen terme, il était nécessaire de disposer de précédents pour que les transactions deviennent monnaie courante. À long terme, après 2000 selon lui, [traduction] « après que ce qui est remarquable sera devenu courant, il sera nécessaire de faire état de l'étendue du financement par emprunt fondé sur la propriété intellectuelle pendant que son impact sismique secouera le milieu bancaire » [223].

L'ensemble du système traitant des sûretés au Royaume-Uni attire lentement l'attention des réformateurs. Depuis 1971, il y a eu trois rapports importants - Crowther, Cork et Diamond - qui sont mentionnés dans la dernière série de consultations du Department of Trade and Industry (DTI). Ce dernier a publié un sommaire utile des mesures de réforme prises à ce jour et a demandé qu'on lui fasse parvenir des commentaires avant le 5 janvier 2001[224], dans le cadre d'un mandat confié en 1998 au Company Law Review Steering Group.

En ce qui concerne les analyses précises de la propriété intellectuelle en tant que sûreté, le professeur Townend a publié non seulement le rapport d'experts-conseils mentionné plus tôt mais aussi un document conceptuel qui étudie la nature des transactions commerciales et l'actuel régime de [traduction] « chaos » que provoque la multiplicité de mécanismes de garantie[225]. Fait intéressant, le professeur Townend demande que l'on rétablisse un système de registre de droits d'auteur en tant qu'élément de solution à l'incertitude inhérente qui règne au Royaume-Uni.    Le registre original et l'obligation d'effectuer un enregistrement ont, bien sûr, été abolis en 1911. Le professeur Townend soulève également la possibilité d'une solution européenne et propose que l'on fasse référence au UCC des États-Unis[226].

8. L'AUSTRALIE

L'Australie est dotée d'une structure fédérale, et certaines de ses préoccupations concernant les sûretés grevant la propriété intellectuelle sont similaires à celles du Canada et des États-Unis. Ces dernières années, dans le secteur de la réforme du droit, on s'est montré vivement intéressé par les dispositions législatives régissant les sûretés mobilières en général et les intérêts de propriété intellectuelle en particulier. Certaines des préoccupations que l'on trouve en Australie seront bien connues des Canadiens et des Américains. Il existe cependant quelques différences très marquantes dans le cadre constitutionnel de l'Australie. En outre, dans ce pays, le climat qui y règne actuellement semble être dans un état d'incertitude considérable à la suite d'un certain nombre de décisions de la Haute Cour (mentionnée plus loin) qui mettent en doute le rôle du Commonwealth (l'équivalent du gouvernement fédéral au Canada et aux États-Unis) en ce qui concerne le droit des sociétés.

En bref, le cadre législatif australien est le suivant. La Corporations Law est une loi uniforme qui est en fait une loi étatique, bien qu'elle soit appliquée à l'échelon fédéral[227] au moyen d'un mécanisme fédéral adopté de manière concertée et d'un mécanisme complexe, brièvement décrit plus loin. Il s'agit, pour l'heure, de la législation équivalant aux lois provinciales sur les sûretés mobilières du Canada et au UCC des États-Unis, encore qu'elle soit fondamentalement différente des deux. La fonction d'enregistrement est exercée par un organisme appelé « Australian Securities and Investment Commission (ASIC), dans le cadre de ce mécanisme. Cela ressemble, à certains égards, aux mécanismes que l'on retrouve actuellement au Royaume-Uni ainsi qu'à d'anciens mécanismes qui existaient en Ontario, comme le système d'enregistrement des valeurs mobilières.

L'expérience australienne est marquée par une aventure longue et complexe dans des régimes coopératifs et des lois étatiques uniformes, menant à une administration et à une coordination à l'échelon du Commonwealth (fédéral). Les détails de cette aventure n'entrent nullement dans le cadre du présent document[228]. La nature des modalités actuelles a été potentiellement mise en doute par deux affaires récentes de nature constitutionnelle, qui pourraient mener à un nouveau transfert de pouvoir de la part des États, sinon une modification constitutionnelle[229].

Aux termes de l'article 262 de la Corporations Law, cette loi s'applique [traduction] « à l'enregistrement des charges et des priorités concernant... l'achalandage, un brevet ou une licence accordés en vertu d'un brevet, une marque de commerce ou une marque de service ou une licence d'utilisation d'une marque de commerce ou de service, un droit d'auteur ou une licence accordés en vertu d'un droit d'auteur, ou un dessin enregistré ou une licence d'utilisation d'un tel dessin » .

Par ailleurs, la Patents Act prescrit ceci :

[traduction]

189 Pouvoir du titulaire de brevet

(1) Le titulaire d'un brevet peut, sous réserve seulement des droits qui, d'après le registre, sont dévolus à une autre personne, prendre des mesures à l'égard du brevet en tant que propriétaire absolu de ce dernier, et accorder pour de telles mesures des décharges valables à titre onéreux.

(2) Le présent article ne protège pas une personne qui fait affaire avec le titulaire d'un brevet autrement qu'à titre d'acheteur de bonne foi à titre onéreux et sans connaissance préalable de toute fraude de la part du titulaire.

(3) Les droits relatifs à un brevet sont opposables au titulaire de ce dernier à moins de causer préjudice à un acheteur de bonne foi à titre onéreux[230].

Un certain nombre de questions fort complexes peuvent survenir à propos de l'interaction de ces deux régimes, indépendamment des complications constitutionnelles récentes qui sont mentionnées ci-après.

Selon un éminent praticien de l'Australie, la législation fédérale en matière de brevets aura préséance sur la législation étatique dans le cas d'une situation de conflit :

[traduction] Permettre qu'une charge antérieure, enregistrée à l'échelon de l'État, ait priorité sur une charge postérieure, enregistrée à l'échelon fédéral, ferait obstacle à la réalisation et à l'exécution de tous les buts et objectifs du chapitre 19 de la Patents Act[231].

En Australie, la loi étatique s'efforce de se démêler du régime de la propriété intellectuelle du Commonwealth. Selon Swinson :

[traduction] Les conflits de priorités en rapport avec des charges enregistrées sont tranchés conformément aux articles 280 à 282 de la Corporations Law. Ces dispositions n'ont toutefois pas d'effet sur l'application de la Patents Act, et ce, pour les motifs suivants :

-   en vertu de l'alinéa 279(5)(d), les articles 280 à 282 de la Corporations Law n'ont pas d'effet sur l'application de la Patents Act de 1952;

-   la Corporations Lawest une loi étatique et toute incompatibilité entre la Corporations Law d'un État et la Patents Act est réglée en faveur de la Patents Act;

-   le paragraphe 273(1) de la Corporations Law, qui a préséance sur n'importe quelle disposition d'une [TRADUCTION] « loi précisée de ce ressort concernant les priorités »    ne s'applique qu'à une loi d'un État en vigueur dans ce dernier, et non à une loi fédérale telle que la Patents Act[232].

À ce qu'il semble, l'interaction entre les régimes d'État et du Commonwealth est de nature telle que le titulaire d'une sûreté enregistrée à l'échelon fédéral et sans connaissance préalable d'une sûreté antérieure enregistrée en vertu de la loi de l'État aura préséance. De l'avis de Swinson, la doctrine de la connaissance de droit (avis implicite), relativement aux enregistrements effectués à l'échelon de l'État, ne devrait pas servir à faire échec à la protection que confère la loi fédérale, [traduction] « à moins que cette dernière l'autorise » [233].

Il semblerait donc que lorsqu'une recherche menée à l'échelon fédéral ne révèle aucune cession ou sûreté antérieure, il y a peu de raisons de faire des recherches à l'échelon de l'État. Si Swinson a raison, la connaissance de droit ne peut être imputée à partir d'enregistrements effectués à l'échelon étatique seulement. Swinson recommande toutefois ce qui suit :

[traduction] ... la voie prudente à suivre est la suivante : un fournisseur de sûreté doit faire des recherches à la fois auprès du Patent Office et du Register of Company Charges avant d'accepter une sûreté grevant un brevet, et consigner cette sûreté dans les deux registres[234].

Dans une étude datant de 1993, l'Australian Law Reform Commission (ALRC) est arrivée à la conclusion qui suit[235] :

[traduction] Il devrait y avoir un régime juridique unique pour attribuer les rangs parmi toutes les garanties personnelles. Il faudrait que le régime soit élaboré à partir du Register of Company Charges de l'Australie et comporte deux types d'index : l'un fondé sur les noms et l'autre sur les actifs.

Le rapport annuel de l'ALRC pour 1999 fait référence à un certain nombre de commentaires faits dans cette étude[236]. Il y a également d'autres documents et ouvrages sur le sujet[237].

Selon des renseignements obtenus d'interlocuteurs[238], la proposition de l'ALRC n'a pas eu de suite en tant que telle, mais a donné l'élan nécessaire pour que le milieu bancaire propose d'aller de l'avant. Une série de conférences ont eu lieu en 1995 et plus tard, dans un effort pour obtenir un consensus au sujet d'une approche précise. La Nouvelle-Zélande a manifestement opté pour l'approche de la Saskatchewan, mais on ne sait pas clairement si celle-ci prévaudra en Australie. Quoi qu'il en soit, le fait que la Nouvelle-Zélande ait mis en oeuvre une législation fondée sur ce modèle pourrait exercer une forte influence en Australie, car le milieu bancaire australien et d'autres intervenants souhaitent qu'il y ait une certaine compatibilité entre les deux pays. Les professeurs Cuming et Walsh du Canada, qui sont mentionnés à plusieurs reprises dans tout le présent document, ont contribué de prêt, semble-t-il, aux mesures de réforme australiennes.

À l'heure actuelle, le comité des lois sur les sûretés mobilières de l'Australia New Zealand Banking & Financial Services Law Association a entrepris des efforts pour préparer un projet de loi visant à apporter en Australie des réformes concernant les sûretés mobilières. Il semble que ce projet de loi soit imminent, qu'il s'inspirera du modèle canadien de l'Ouest et qu'il s'efforcera d'être compatible avec la Nouvelle-Zélande. La loi sur les sûretés mobilières de cette dernière sera brièvement analysée ci-dessous. Les dirigeants du mouvement de réforme australien sont également en contact étroit avec divers spécialistes et homologues anglais et canadiens.

Il semble donc que l'Australie soit prête à s'orienter vers un modèle canadien de loi sur les sûretés mobilières, mais, avec en toile de fond, un mécanisme de sûreté du genre de celui que l'on trouve au Royaume-Uni.    Ce mécanisme est coordonné et administré à l'échelon fédéral, mais la compétence connexe se situe essentiellement au niveau de l'État.

9. LA NOUVELLE-ZÉLANDE

La Nouvelle-Zélande a adopté récemment[239] une version de la loi sur les sûretés mobilières qui est modelée sur celle qu'applique la Saskatchewan, et cette loi est censée entrer en vigueur en 2001.

Un guide clair sur la législation appliquée en Nouvelle-Zélande, et comportant des renvois utiles aux efforts de rédaction faits en Australie, a récemment été publié[240]. Les auteures de ce document signalent que les Australiens songent à introduire la notion de « perfection par contrôle » , qui figure dans la version révisée du UCC[241]. Cette notion comporterait l'idée qu'un grèvement suffit, sans enregistrement, pour parfaire la sûreté lorsque le détenteur du bien grevé (et non le débiteur) accepte de se conformer aux instructions de la partie garantie concernant la disposition du bien, sans autre consentement de la part du débiteur auquel appartient ce dernier. Cette formule s'applique à des éléments d'actifs comme des biens de placement, un compte de dépôt, un droit à une lettre de crédit, ou à un acte mobilier électronique selon la version révisée de l'article 9-314 du UCC. Certains se demandent si ce nouveau concept pourrait s'appliquer à la propriété intellectuelle, mais le lien n'est pas évident.

10. LA CHINE

Les États-Unis ont entrepris de convaincre les Chinois d'adopter un système convenable pour la titrisation de la propriété intellectuelle, notamment en ce qui concerne les logiciels[242].

11. ÉLÉMENTS NOUVEAUX

Les éléments nouveaux qui suivent visent à faire un survol mondial du sujet. Ils servent à montrer qu'il y a des progrès d'accomplis dans n'importe quelle solution transnationale, mais aussi des difficultés considérables.

        Mécanismes européens

À ce jour, rares sont les signes concrets d'intérêt à l'égard de la question des sûretés et de la propriété intellectuelle au sein de l'Union européenne (UE), voire du continent[243]. On pourrait supposer qu'il s'agit là d'un secteur qui susciterait l'intérêt de l'UE, mais il s'avère que les Européens ont beaucoup de difficulté à en arriver à une collaboration transnationale dans le domaine des brevets.

La Convention sur le brevet européen (CBE)[244], signée à Munich en 1973, a établi dans cette ville l'Office européen des brevets. Il ne s'agit pas d'un mécanisme de la Communauté, et plusieurs pays n'appartenant pas à l'UE ont ratifié la CBE. Cependant, cette dernière (à l'instar du PCT, dont il est question plus loin en rapport avec l'OMPI), facilite l'obtention d'une [traduction] « série de brevets nationaux » [245]. La CBE a créé un registre européen des brevets (REB) qui permet d'enregistrer les transferts, les licences et les droits réels, y compris un pignus voluntarium in vivos (pignus conventionale), ou gage ou nantissement[246]. Il convient toutefois de souligner que cela n'est possible qu'au stade de la demande et sous une forme purement volontaire, et d'intéressantes questions se posent en rapport avec le fait de savoir s'il sert à fournir un avis implicite[247].

La CBC[248] a été signée en 1975, deux ans après la CBE, mais n'est pas encore en vigueur. Ce mouvement vers un brevet de la Communauté créerait un mécanisme d'octroi de brevets véritablement transnational, de même qu'un registre qui serait ouvert pendant toute la durée d'un brevet de la Communauté. À ce qu'il paraît, la CBC éprouve des difficultés considérables, principalement à cause de désaccords entourant le régime linguistique approprié, autrement dit la question de la [traduction] « crise de Babel qui menace l'UE » [249]. L'article 39 de la CBC prévoit que les transferts enregistrés lient les tiers et que les transferts non enregistrés lient ceux qui [traduction] « étaient au courant du transfert à la date d'acquisition des droits » .

Le conflit linguistique qui règne dans le contexte de la CBC devrait servir de mise en garde à tous ceux qui songent à établir un registre international des sûretés. Il semblerait, à tout le moins, que la langue soit un aspect qu'il convient de régler, et que celle-ci causerait des difficultés particulières si un mécanisme quelconque obligeait à déposer des documents réels autres qu'un simple avis ou état.

        OMPI

À l'heure actuelle, l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI) ne s'intéresse pas officiellement aux sûretés grevant la propriété intellectuelle, mais il convient de souligner qu'il pourrait être justifié que cet organisme intervienne un jour dans ce domaine.

En ce qui a trait aux marques de commerce, l'OMPI administre l'Arrangement de Madrid et le Protocole de Madrid, qui offrent essentiellement un endroit unique où enregistrer une marque de commerce dans plusieurs pays. Il convient de noter tout d'abord que le mécanisme initial de l'Arrangement de Madrid n'a pas été bien accueilli dans des pays tels que les États-Unis et le Canada, qui ont de strictes exigences en matière d'examen et dont les régimes ne sont pas axés principalement sur le principe dit du « premier déposant » . Le Protocole de Madrid - un instrument plus récent - assure une plus grande égalité entre les pays qui ont facilement accès à l'enregistrement et ceux, comme le Canada, les États-Unis et le Royaume-Uni, où une demande fait l'objet d'un examen rigoureux. Le Royaume-Uni adhère aujourd'hui au Protocole et lui a donné effet dans ses modifications de 1994[250]. Les États-Unis et le Canada s'y intéressent maintenant de plus près, mais les progrès sont lents. La principale caractéristique qui nous intéresse ici, à propos du système de Madrid, est que ce dernier permet en principe de déposer en un lieu central (à l'OMPI) un changement de propriété. Il semble que ce ne soit possible que pour les transferts faits par voie de cession, de fusionnement, de décision judiciaire ou d'application de la loi, comme dans le cas d'un héritage ou d'une faillite. Les bureaux nationaux peuvent, dans certains cas, refuser de reconnaître un transfert, et il semblerait que la procédure ne puisse pas s'appliquer à un contrat de sûreté. Il est possible cependant que le mécanisme opérationnel qui permet de déposer à l'échelon international des sûretés fondées sur des marques de commerce soit aujourd'hui implanté, au moins en partie, et ce, même si le fondement juridique de ce mécanisme à l'échelon des traités internationaux et de la mise en oeuvre nationale puisse nécessiter une révision du traité.

À l'OMPI, le secteur des brevets est moins prometteur. Bien que cet organisme administre le Traité de coopération en matière de brevets (PCT), qui sert de mécanisme d'économie de coût pour le dépôt d'une demande dans plusieurs pays, le régime du PCT semble dans certains cas n'être doté d'aucun mécanisme pour tenir à jour un registre permanent de brevets octroyés. Le rôle de l'OMPI se borne à faciliter les demandes nationales. Il y aurait eu quelques discussions au sujet d'un rôle plus permanent que jouerait cet organisme à l'égard de l'établissement d'un registre des brevets octroyés, mais cette possibilité est encore fort éloignée.

En ce qui concerne les droits d'auteur, l'OMPI ne tient aucun mécanisme d'enregistrement international. Comme il a été noté ailleurs, le Canada et les États-Unis sont seuls parmi les principaux pays à être dotés d'un tel mécanisme.

L'OMPI ne semble pas donc pas équipé à l'heure actuelle pour s'équiper d'un type quelconque de registre international, sauf peut-être pour les marques de commerce. Quoi qu'il en soit, la célérité, l'agilité, l'efficacité et le succès dont l'OMPI a fait preuve sur le plan de la prestation de services d'arbitrage de conflits entourant les noms de domaine - en l'absence complète de tout traité ou de toute législation nationale - montrent que cet organisme est en mesure de s'adapter rapidement pour fournir des services si la demande s'en fait sentir. Le centre de médiation et d'arbitrage de l'OMPI a traité près de 2000 dossiers dans sa première année de fonctionnement. Le système fonctionne rapidement et à peu de frais, et les questions sont souvent fort complexes et délicates. Par comparaison, la nature plus ou moins opérationnelle d'un registre des sûretés semblerait beaucoup plus simple.

Il pourrait être intéressant d'examiner si l'OMPI pourrait tenir un registre international conçu pour fournir des avis implicites ou même constituer une « perfection » , et quels mécanismes, c'est-à-dire un traité et une législation de mise en oeuvre nationale, pourraient s'avérer nécessaires.

        Aéronautique

L'établissement d'un registre international pour les sûretés grevant les aéronefs est un exercice intéressant et potentiellement instructif. Ce projet est parrainé conjointement par Unidroit[251] et l'OACI (Organisation de l'aviation civile internationale)[252]. La caractéristique principale de la convention proposée est la création d'un registre international pour les sûretés grevant le matériel aéronautique. Des projets de protocoles similaires sont en voie d'élaboration au sujet de questions liées expressément aux biens spatiaux (satellites) et au matériel ferroviaire.

Le Canada joue dans ce domaine un rôle de chef de file, fondé sur l'expérience qu'il a acquise dans les registres électroniques créés dans le cadre des lois sur les sûretés mobilières, sur les rapports simultanés avec le droit civil et la common law, et sur la présence sur son territoire de l'OACI et de l'IATA (Association du transport aérien international)[253].

Ce projet est censé faire l'objet d'une conférence diplomatique en octobre 2001. Il se pourrait que cette activité s'avère instructive à bien des égards, s'il est songé de mettre sur pied un registre international pour les sûretés grevant la propriété intellectuelle. Certes, ce registre a déjà fait l'objet d'une grande réflexion, de même que les aspects liés à une « clause fédérale » du projet de « convention sur les intérêts internationaux à l'égard du matériel mobile » .

12. LE CLIMAT DE RÉVISION AU CANADA

Il sera utile de déterminer tout d'abord jusqu'à quel point et à quelle vitesse il convient de donner suite à ce projet. Le présent document a pour but de cerner les questions commerciales et juridiques de base qui se posent au Canada et dans des pays comparables, et de déterminer à quel endroit les travaux de révision ont commencé, ainsi que le succès obtenu.

Il pourrait être fascinant, mais pas forcément utile, de se demander ce qui se passerait s'il était possible de faire table rase de tous ces problèmes. On pourrait se demander pourquoi il est logique de disposer dans n'importe quel pays d'une multiplicité de régimes d'enregistrement des biens mobiliers. On pourrait même se demander pourquoi il faudrait que le droit des biens mobiliers soit traité à l'échelon étatique dans la plupart des pays, sauf peut-être dans des pays comme le Canada et le Royaume-Uni, qui comportent au sein de leurs frontières des régimes de biens enchâssés dans la constitution et historiquement distincts. Même dans un tel cas, serait-il possible d'harmoniser le droit des sûretés?

Le mécanisme coopératif qui existe en Australie est fort intéressant et vaudrait peut-être la peine d'être poursuivi au Canada, comme moyen d'atteindre une certaine uniformité et une certaine efficacité administrative. Cependant, comme il a été signalé, de la jurisprudence récente en Australie met en doute le fondement de ce système.

        Pressions économiques

Il est possible que les pressions exercées en faveur d'une révision, ou à l'encontre de cette dernière, soient quelque peu, voire beaucoup, asservies au temps et se rapportent à des situations précises. Il ressort de preuves anecdotiques que les prêts fondés sur des éléments d'actif n'étaient pas des plus importants dans les marchés boursiers très haussiers qui ont alimenté l'émergence des sociétés « dot com » à la fin des années 90. Cela fait contraste avec le début des années 90, qui avaient été marquées par la récession et le besoin de recueillir des fonds en se basant sur les éléments d'actif disponibles, parce qu'à cette époque on s'intéressait peu au financement par actions. C'est aussi au cours de cette période - et cela n'est peut-être pas surprenant - que les demandes en faveur d'une réforme législative dans ces domaines a atteint son dernier point culminant.

Il semblerait donc que les demandes relatives à l'amélioration du cadre juridique applicable à ce secteur s'intensifieront si l'état de l'économie s'aggrave et s'il y a résurgence du financement fondé sur l'actif. Par ailleurs, les questions connexes qui se posent dans le cas des faillites et de l'insolvabilité revêtiront plus d'importance si les temps à venir sont difficiles, surtout dans le domaine de la haute technologie, qui dépend dans une large mesure de l'octroi de licences.

Si les marchés boursiers continuent de trébucher, il est fort possible que les survivants qui voudront poursuivre leur route et prendre de l'expansion doivent recourir une fois de plus à des emprunts reposant sur l'actif. Quoi qu'il en soit, il semble que les pressions en faveur d'une révision de cette question s'intensifieront, au lieu de fléchir.

        Questions politiques nationales et internationales

Il semble que dans les provinces canadiennes de l'Ouest, on s'intéresse de près à une amélioration constante de la législation sur les sûretés mobilières de l'Ouest, qui a maintenant été adoptée en grande partie elle aussi.    La Conférence canadienne sur le droit des sûretés mobilières s'efforce aujourd'hui de mettre à jour sa loi type de l'Ouest en tenant compte des révisions récemment apportées au UCC des États-Unis. Le rapport 2000 de Cuming et Walsh a été signalé ailleurs dans le présent document. Les provinces maritimes ont également entrepris de mettre en commun leurs installations informatiques et de disposer d'un administrateur commun. Cependant, dans la série de révisions qui se déroule actuellement en Ontario, il paraît [traduction] « irréaliste de s'attendre à ce que l'Ontario abroge sa loi en faveur de la loi type des provinces de l'Ouest » [254].

En outre, comme il a été indiqué, le Québec a récemment modernisé sa loi (1994) et celle-ci montre qu'elle a été [traduction] « nettement influencée » par l'article 9 du UCC[255].

Comme nous l'avons vu plus tôt, l'Australie est de plus en plus active dans le domaine de la réforme des lois sur les sûretés mobilières en général, ainsi que de leur rapport avec la propriété intellectuelle. À la suite de la mise à jour récente de l'article 9 du UCC, les efforts déployés aux États-Unis semblent également se concentrer davantage sur les aspects de la réforme qui concernent la propriété intellectuelle.

Au Canada, les deux administrations les plus inactives sur le plan de la réforme semblent être le gouvernement fédéral canadien et l'Ontario.

Au meilleur de la connaissance de l'auteur, il n'y a eu ces derniers temps presque aucune activité véritable de la part des autorités fédérales compétentes en rapport avec les questions examinées dans le présent document[256]. Cela pourrait être fonction de plusieurs facteurs et changer rapidement aussi, si la demande était plus marquée. Les facteurs qui militent contre l'intérêt du gouvernement fédéral sont les suivants :

-    le sujet est hautement technique;

-    aucune pression politique n'est exercée sur les ministres et, par conséquent, aucun des hauts fonctionnaires actifs dans ces domaines;

-    les questions exigent potentiellement beaucoup de temps et d'expertise aux niveaux décisionnels supérieurs;

-    toute révision de la législation sur le droit d'auteur ou du droit des brevets, où se situent principalement les problèmes, est considérée à première vue comme un exercice « à somme nulle » , qui ne peut conduire qu'à de la controverse et qui ne pourrait profiter à aucun ministre ou gouvernement du jour;

-    en ce qui concerne la révision du droit des marques de commerce, les ministres et les fonctionnaires successifs ont refusé d'examiner des questions sérieuses et nettement plus complexes, telles que l'utilisation abusive du système des « marques officielles » , et ce, malgré l'appui considérable du milieu de la propriété intellectuelle;

-    toute activité concernant le droit d'auteur - et c'est manifestement dans le secteur du droit d'auteur que cet exercice pose le plus de problèmes - met en cause deux grands ministères dont les mandats sont différents et qui, parfois, ont des points de vue très différents sur les politiques et les révisions relatives au droit d'auteur; en outre, leurs priorités sont aujourd'hui axées sur des questions à plus grand retentissement concernant Internet;

-    dans l'ensemble, au cours des vingt dernières années, le gouvernement fédéral s'est montré peu intéressé à s'occuper d'une réforme du droit de la propriété intellectuelle axée sur une « bonne gérance » , à moins que ce soit dans le contexte d'un traité commercial ou face à d'intenses pressions de la part des Américains et à des intérêts canadiens favorables dans le cas du droit d'auteur et des brevets.

S'il est nécessaire de procéder à une réforme à l'échelon fédéral, la seule chance de l'accomplir dans le contexte politique et bureaucratique actuel sera de persuader les principaux ministres que :

-    la réforme est essentielle si l'on veut que les entreprises exercent une concurrence à l'échelon international au sein des marchés financiers;

-    la réforme est essentielle pour que la communauté artistique du Canada puisse recueillir des fonds pour les industries culturelles canadiennes;

-    les changements, en fin de compte, sont en fait succincts, simples et non controversés (comme l'a dit le professeur Allan de l'Australie : [traduction] « Plus économique, plus rapide, plus facile, plus simple, plus sûr » ;

-    si le Canada ne bouge pas, d'autres pays le feront, et le Canada verra ainsi disparaître son expertise dans le domaine financier ou dans celui de l'innovation, ou les deux, et ce, à un degré important et politiquement démontrable.

        Questions de nature opérationnelle

Tout examen d'une intensification du rôle que joue le gouvernement fédéral dans les questions qui comportent un enregistrement doit tenir compte de ce que cela implique, sur le plan opérationnel, pour l'Office de la propriété intellectuelle du Canada (OPIC), l'organisme qui assume la responsabilité opérationnelle de la tenue de services d'examen et d'enregistrement en matière de propriété intellectuelle.

L'OPIC est aujourd'hui un organisme de service spécial (OSS). À ce titre, il tend à se concentrer davantage sur les exigences opérationnelles que sur les questions de principe. Il a consacré beaucoup d'argent à un certain nombre de projets d'automatisation controversés - particulièrement au Bureau des brevets - qui auraient pu faire l'objet d'un traitement plus efficace sur le plan de l'assouplissement futur des activités d'introduction et d'extraction de renseignements. Ces dernières années, l'arriéré du traitement des demandes de marques de commerce a nettement augmenté, avec le résultat qu'il faut à un Canadien deux fois plus de temps pour obtenir un enregistrement ordinaire d'une marque de commerce au Canada qu'il ne lui en faut pour la même opération aux États-Unis.

Les services de consultation en ligne qu'offre l'OPIC au public - qui pourrait vouloir chercher des renseignements de base - sont meilleurs que dans la plupart des pays mais probablement pas aussi bons que ceux que l'on trouve aux États-Unis. En particulier, il n'y a pas de renseignements consultables en ligne sur la propriété du droit d'auteur - même si le Canada perçoit des frais supérieurs à ceux que l'on demande aux États-Unis pour l'enregistrement d'un droit d'auteur - le processus est superficiel et la base de données est relativement restreinte. Les renseignements qu'il serait facilement possible d'obtenir en principe sure les cessions de brevets et l'enregistrement de documents de sûreté ne sont pas consultables en ligne. Ainsi qu'il a été noté plus tôt, c'est le registre des marques de commerce qui est le plus utile, même si, ironiquement, il semblerait que la loi l'oblige le moins à l'être.

Un aspect exemplaire des activités de l'OPIC est la gratuité de ses banques de données de base consultables en ligne. Il existe des bases de données plus évoluées, mais celle de l'OPIC est adéquate à bien des égards et est offerte en tant que bien collectif (comme le sont les bases de données américaines comparables).

Malheureusement peut-être, les bases de données liées aux lois sur les sûretés mobilières ne sont généralement pas considérées comme un « bien collectif » . En Ontario, par exemple, les frais de recherche minimaux sont de 24 $ et il ne s'agit même pas d'un service offert en ligne ou fourni nécessairement le même jour[257].

Il sera vraisemblablement important de savoir dans quelle mesure l'OPIC est apte et, ensuite, prêt à assumer des responsabilités peut-être accrues en matière d'enregistrement et à mettre d'autres renseignements à la disposition du public. L'OPIC a toujours profité de n'importe quel changement de responsabilités pour solliciter des ressources additionnelles importantes.

Il vaudrait peut-être la peine d'examiner s'il serait utile de disposer d'une base de données privatisée et centralisée, exploitée dans le cadre d'un mandat législatif et d'une supervision réglementaire. Le Canada jouit d'une expérience fructueuse à cet égard, avec le système NUANS qui sert à effectuer des recherches sur les noms d'entreprise.

Enfin, il convient d'examiner les coûts et les recettes éventuelles de tout nouveau mécanisme. Dans le contexte actuel, il y a nettement plus de chances qu'un système reposant sur les principes des « frais d'utilisation » soit plus acceptable.

       Les options

        i.      Une approche centralisée à l'échelon fédéral

La nature des efforts faits à ce jour aux États-Unis et au Canada, de même que les commentaires formulés sur le sujet, indiquent un certain nombre d'approches possibles, fondées sur l'établissement d'un registre fédéral centralisé qui traiterait, à tout le moins, du droit d'auteur (et peut-être aussi des autres secteurs faisant l'objet d'un registre fédéral) et qui servirait de pendant fédéral à un registre d'une LSM pour ce qui est, au moins, des questions de perfection et d'avis implicite.

Cela oblige à préciser à l'échelon fédéral l'endroit exact où les sûretés sont censées être créées et à établir un système explicite d'ordre de priorité et un registre adéquat, de sorte que les lois provinciales puissent alors abandonner leur compétence en faveur de la législation fédérale et qu'il n'y ait pas, dans le système, de graves lacunes. C'est ce que les Américains appellent une disposition de « retrait » [258].

L'opération pourrait être aussi simple que le fait de modifier la loi sur le droit d'auteur et les brevets pour indiquer que les dispositions en matière de priorité s'appliquent aux contrats de sûreté, et de veiller à ce qu'il existe un moyen approprié de les enregistrer. Pour éviter d'éventuels problèmes avec la Convention de Berne ainsi que pour d'autres raisons, il serait bon d'envisager d'exclure du système fédéral les droits d'auteur non enregistrés. Il serait probablement utile d'envisager d'établir une série minimale de dispositions, fondées sur un ordre de priorité, à l'égard des cessions et des sûretés dans la Loi sur les marques de commerce, relativement aux marques de commerce enregistrées.

Il faudrait régler diverses questions opérationnelles ou de principe concernant les registres, y compris celle de savoir s'il serait utile de disposer d'un registre sur les sûretés qui serait centralisé et consultable en ligne. Toute solution de nature uniquement prospective est manifestement plus facile à mettre en oeuvre que celle qui doit traiter des enregistrements antérieurs. Cette formule pourrait être acceptable.

Les provinces, pour leur part, pourraient juger bon d'exclure de manière plus explicite de leurs lois sur les sûretés mobilières et du CCQ du Québec les champs d'activité fédérale qui fournissent des systèmes d'enregistrement fondés sur un ordre de priorité et satisfaisants afin de parfaire et de protéger les sûretés grevant la propriété intellectuelle, comme le fait au moins une province au sujet de la Loi sur les banques.

Voici un certain nombre d'autres questions à régler :

-    Une solution fédérale même relativement modeste comme celle qui précède serait-elle valable d'un point de vue constitutionnel au Canada?

-    Vaut-il la peine de faire cet exercice s'il ne vise pas les brevets, les marques de commerce et le droit d'auteur, ainsi que d'autres secteurs de la propriété intellectuelle fédérale?

-    Les préoccupations relatives aux brevets, aux marques de commerce et aux droits d'auteur sont-elles suffisamment différentes pour qu'un système de registre central soit irréaliste?

-    Quelle est l'incidence sur ces questions des problèmes que pose le système d'enregistrement du Bureau du droit d'auteur canadien?

-    Faudrait-il abolir l'actuel registre du Bureau du droit d'auteur et faudrait-il prévoir d'enregistrer les sûretés uniquement dans un registre distinct ou centralisé?

-    Peut-on ou devrait-on traiter le problème de Poolman (résultat contradictoire de cessions en vertu de la loi fédérale et de la loi provinciale) comme une question distincte à l'échelon fédéral, sans traiter directement de l'aspect des sûretés?

-    Existe-t-il des réformes utiles qu'il est possible d'effectuer uniquement à l'échelon des lois sur les sûretés mobilières, comme cela a été fait dans le cas de la révision de l'article 9 du UCC?

        ii.       Une approche centralisée à l'échelon provincial

Le professeur Wood recommande, au sujet de la propriété intellectuelle, que l'on modifie la législation fédérale de manière à préciser que seules les cessions absolues doivent être enregistrées. Les contrats de sûreté ou toute autre forme de sûreté grevant la propriété intellectuelle pourraient alors être régis par la législation sur les sûretés mobilières de la province où est situé le débiteur[259].

13. UNE APPROCHE INTERNATIONALE?

Il est utile de signaler qu'en Australie, au Canada, aux États-Unis et au Royaume-Uni et même, ne serait-ce que de loin, à l'échelon de l'UE, la réforme du droit dans ces secteurs suscite un intérêt simultané et spontané. Il est possible de se demander s'il ne devrait pas y avoir une solution véritablement internationale, qui pourrait consister en un registre centralisé permettant de fournir des avis implicites et de parfaire les sûretés grevant la propriété intellectuelle. La justification d'une telle solution serait qu'il y a des transactions comportant des ramifications internationales pour lesquelles un tel registre serait utile. On note déjà un mouvement en faveur de l'établissement de systèmes internationaux de dépôt « à guichet unique » pour les brevets et les marques de commerce, même si ces systèmes se développent fort lentement.

En principe, il faudrait envisager de recourir à la formule d'un registre international. Des progrès sont réalisés sur ce plan, relativement aux sûretés grevant le matériel aéronautique. Un squelette de mécanisme existe déjà pour les marques de commerce, et peut-être même pour les brevets.

Il est intéressant que le secteur privé et l'OMPI aient traité du problème des « cybersquatters » tout à fait en marge de n'importe quel mécanisme de traité ou de n'importe quelle législation nationale. De nombreux gouvernements nationaux réfléchissent encore à des questions très fondamentales, comme la différence entre un nom de domaine et une marque de commerce, tandis que le problème a déjà été abordé (même si ce n'est pas de manière parfaite) sans aucune loi nationale ou aucun traité. Le monde a évolué.

Il serait peut-être bon de faire des démarches auprès de l'OMPI pour déterminer si ce dernier serait intéressé à examiner la question de la création d'un système international pour les sûretés relatives à la propriété intellectuelle et à étudier comment ce système fonctionnerait. L'OMPI aurait tout ce qu'il faut pour entreprendre une étude sur une telle initiative, compte tenu de sa capacité existante à l'égard des mécanismes de Madrid et du PCT, et de sa situation générale en tant que tribune au sein de laquelle examiner la plupart des questions internationales relatives à la propriété intellectuelle. Vu la nature hautement technique des questions en cause, l'OMPI pourrait examiner plusieurs options liées à la manière de mettre en place des mécanismes efficaces en ayant le moins besoin d'établir des lois nationales.

14. CONCLUSION GÉNÉRALE

Ce n'est probablement pas une coïncidence si, ces dernières années, les commissions du droit et d'autres parties intéressées à effectuer des réformes dans divers pays se sont toutes concentrées sur la question des sûretés grevant la propriété intellectuelle. Il semble y avoir de nombreux facteurs en commun. Il y a maintenant des chances que la conjoncture économique et la compétitivité internationale intensifient rapidement le degré d'activité. Cependant, il n'y a pas eu jusqu'ici de coordination des efforts. Une prochaine conférence de la Commission du droit du Canada permettra de réunir des experts de même esprit, qui feront état de leurs recherches et de leurs expériences.

Un dénominateur commun dans les efforts diversifiés qui sont faits semble être la question de savoir de quelle façon obtenir de l'État l'appui nécessaire pour un sujet extrêmement complexe et important, mais qui ne suscite au départ qu'un intérêt fort restreint. C'est peut-être pour cela que les commissions du droit et d'autres parties s'intéressant à la saine gestion publique ont gravité vers ce sujet. En cette époque où les politiques sont principalement guidées par des campagnes de relations publiques, des lobbyistes et des sondages d'opinion, il est important que les rouages fondamentaux réels et essentiels de la propriété intellectuelle et d'autres éléments infrastructurels du droit commercial puissent fonctionner de manière efficace et évoluer au besoin. Il est possible que le secteur des sûretés grevant la propriété intellectuelle soit l'un de ceux où l'on puisse réaliser de légers progrès à l'échelon tant national qu'international.



[1]    Howard P. Knopf 2001. Shapiro, Cohen, Ottawa (Canada). L'auteur tient à remercier les personnes qui lui ont transmis des documents difficiles à obtenir ou inédits et/ou qui ont fait généreusement don de leur temps avec cet enthousiasme dont font preuve les initiés dans un secteur nouveau et quelque peu mystique. Ces personnes sont : de l'Australie, David Allan, Jacqui Lipton, John Swinson et Craig Wappett; du Canada, Ron Cuming, Marc Mercier et Rod Wood; de l'Angleterre, David Townend; de la Nouvelle-Zélande, Laurie Mayne et Linda Widdup (également membre du Barreau de la Saskatchewan); des États-Unis, Warren Agin, Larry Engel, Susan Barbieri Montgomery, Bill Murphy, Niels Schaumann et Tom Ward. Je remercie tout spécialement le Franklin Pierce Law Centre (FPLC) et Bill Murphy pour avoir mis à notre disposition leur importante étude, encore inédite et au stade d'ébauche, qu'ils mènent pour le compte de l'USPTO. Robert M. Hendry m'a aidé avec enthousiasme pour les recherches. Les erreurs, s'il y en a, sont le fait de l'auteur. Je voudrais avant tout remercier Nathalie Des Rosiers, présidente de la Commission du droit du Canada, qui est animée de l'esprit d'initiative et de la vision nécessaires pour s'attaquer à un sujet important et difficile - un sujet qui, presque à coup sûr, ne susciterait pas une réponse mesurable dans un sondage d'opinion publique quelconque - et qui a confié la responsabilité de ce projet à l'auteur. Le présent document, auquel il reste encore à mettre la dernière main et qui pourrait être révisé, ne reflète pas nécessairement les vues de la Commission du droit du Canada.

[2]    M. Simensky, The New Role of Intellectual Property in Commercial Transaction, Licensing Economics Review, V. 2, no 8 (mai 1982), cité dans G. Smith et R. Parr, Valuation of Intellectual Property and Intangible Assets, Wiley, New York, 2000, p. 439.

[4]    Le présent document se limite surtout au droit des brevets, des marques de commerce et du droit d'auteur. Il existe bien sûr d'autres lois concernant la propriété intellectuelle au Canada et ailleurs, sur le plan de la protection des circuits intégrés, des obtentions végétales, des dessins, de l'utilité ou des petits brevets.

[5]    Une structure par laquelle des instruments d'emprunt peuvent être transformés en avoir dans des circonstances définies.

[6]    The Economist, le 11 septembre 1999.

[7]    Voir les commentaires faits plus loin au sujet de l'évaluation.

[8]    Ce régime accorde un titre foncier concluant qu'une instance gouvernementale certifie, par opposition à un régime d'enregistrement dans lequel les intérêts sont simplement consignés et où on laisse aux acheteurs et à d'autres personnes le soin de déterminer ce qu'ils peuvent signifier. Des comparaisons avec certains des aspects de l'enregistrement foncier sont analysées dans les documents suivants : Ralph Simmonds, Towards a More Perfect Security: From New Bullas Trading to RE Brumark Investments, and Beyond, Insolvency Law Journal - Volume 8, 2000, p. 4, à la p. 9; David Townend, Intellectual Property as Security Interests: Technical Difficulties Presented in the Law, [1997] IPQ no 2, p. 168, à la p. 183.

[9]    Ce dernier, considère-t-on en général, se compose de biens matériels et immatériels.

[10]   Parallel Imports, Exhaustion & the Internet: Bits, Borders & Barriers: Document présenté à la 8e Conférence annuelle de l'université Fordham sur la politique et la législation en matière de propriété intellectuelle, New York, le 28 avril 2000.

[11]   Pro-C Ltd. v.    Computer City Inc., 7 C.P.R. (4th) 193 (30 juin 2000) (affaire appelée ci-après « PRO-C » ). L'auteur fera sur cette dernière un bref commentaire dans l'EIPR (en mai ou en juin 2001).

[12]  W. Adams et G. Takach, Insecure Transactions: Deficiencies in the Treatment of Technological Licences in Commercial Transactions Involving Secured Debt or Bankruptcy, (2000) 33 C.B.L.J 321, à la p. 348 (appelé ci-après « Adams et Takach » ).

[13]   D. Tay et K. Moffatt, Protecting Security Interests in Intellectual Property, Intellectual Property Law Update, 5 mars 1992, Association du Barreau canadien, Ottawa.

[14]   Carmen Eggleston et Susan Barbieri Montgomery, Intellectual Property Collateral: an Emerging Financing Tool, Managing Intellectual Property, septembre 1999, p. 83 et suivantes.

[15]   D. Robertson et C. Lanfranconi,Financial Reporting: Communicating Intellectual Property, Ivey Business Journal, mars-avril 2001, p. 8 et suivantes.

[16]   G. Smith et R. Parr, Valuation of Intellectual Property and Intangible Assets, Wiley, New York, 2000, p. 135.

[17]   The Economist Pocket World in Figures 1999

[18]   http://www.bountyquest.com

[19]   Chaque année des licences générales, valant des milliards de dollars, sont délivrées par des « sociétés de gestion collective » et des catalogues entiers de livres, de musique, de films et d'enregistrements sonores sont régulièrement achetés et vendus.

[20]   Sauf peut-être aux États-Unis qui, à cet égard, se conforment de manière douteuse à la Convention de Berne.

[21]   Harvard College c. Canada (Commissaire aux brevets), (2000) 7 C.P.R. (4th) 1 annulant 79 C.P.R. (3d) 98 (Cour d'appel fédérale).

[22]   H. Knopf, The Database Dilemma in Canada : Is « Ultra » Copyright Required? (1999) 48 U.N.B.L.J. 163; H. Knopf, Debating Database Protection in Canada : Is « Ultra » Copyright Required? (1999) 16 C.I.P.R. 307.

[23]   Security Interests in Intellectual Property : Overview of Current Perfection and Priority Rules and Structures,ébauche d'étude menée par la Franklin Pierce Law School pour le compte de l'USPTO (ci-après appelée « FPLC » ); ébauche datée d'octobre 2000, p. 17. Cette étude n'est pas encore terminée, n'a pas été officiellement présentée et ne représente pas nécessairement les vues de l'USPTO.

[24]   FPLC, p. 13 et suivantes.

[25]   Voir, par exemple, Wilfred M. Estey, Legal Opinions in Commercial Transactions, deuxième édition, Butterworths, Toronto, p. 463 et suivantes. M. Estey recommande essentiellement que l'on procède au Canada à un double enregistrement dans toute la mesure du possible, mais signale que cela peut occasionner des difficultés et qu'il peut quand même subsister des incertitudes.

[26]   Uniform Computer Information Transactions Act ( « UCITA » , auparavant appelée l'alinéa 2b de l'UCC), ébauchée par la National Conference of Commissioners on Uniform State Laws (NCUSSL).

[27]   L'UCITA est une initiative qui fait suite à l'effondrement du projet controversé de l'alinéa 2b, qui visait à modifier l'UCC. Nombreux sont ceux qui ont formulé des commentaires sur l'UCITA. En voici deux qu'il vaut la peine de signaler : Pamela Samuelson, Intellectual Property and Contract Law for the Information Age : Foreword to a Symposium, (1999) 87 California Law Review no. 1, p. 1; Lawrence Lessig, Sign it And Weep, The Industry Standard, 1998, http://www.thestandard.com/article/article_print/0,1153,2583,00.asp

[28]   Everex Systems Inc. v. Cadtrak Corp. 89 F. 3d. 673, 679-680 (1996).

[29]   W. Agin, Reconciling Commercial Law and Information Technology: An Essay on Bankruptcy Practice during the Next Business Cycle

http://www.agin.com/articles/reconcile.asp

[30]   H. Weinberg et W. Woodward, Easing Transfer and Security Interest Transactions in Intellectual Property: An Agenda for Reform, 79 Ky. L.J. 61, 75 (1991).

[31]   FPLC, p. 8.

[32]   Article 9 du UCC (Uniform Commercial Code, en vigueur, avec de légères variations, dans tous les États américains). Le UCC uniformise de nombreux aspects du droit commercial soumis à la compétence des États.

[33]   Selon la terminologie américaine.

[34]   Lettre de Thomas Jefferson à Isaac McPherson, Monticello, le 13 août 1813.

[35]   Compo Co. Ltd. v. Blue Crest Music Inc. et Al. (1979) 45 C.P.R. (2d) 1 modifiant 30 C.P.R. (2d) 14, modifiant 30 C.P.R. (2d) 11, modifiant 17 C.P.R. (2d) 149, le juge Estey.

[36]   J. Lipton, Security Over Intangible Property, LBC Information Services, Sydney, 2000, p. 7 et suivantes.

[37]   Lipton, op. cit. p. 101 et suivantes et 128 et suivantes.

[38]   Network Solutions inc. v.    Umbro International 259 Va. 529 S.E. 2d 80 (Va. 2000)

[39]   Planet Earth Productions Inc. v. Rowlands, (1990) 30 C.P.R. (3d) 129 (Cour suprême de l'Ontario).

[40]   Molson Breweries, a Partnership v. John Labatt Ltd. (2000) 5 C.P.R. (4th) 180 Modifiant 82 C.P.R. (3d) 1 Annulant 66 C.P.R. (3d) 227.

[41]   Bowden Wire Ltd. v. Bowden Brake Company Ltd. (1914), 31 R.P.C. 385, à la p. 395.

[42]   Heintzman v. 751056 Ontario Ltd. 34 C.P.R. (3d) 1 (Cour fédérale, Section de première instance).

[43]   Organisation mondiale du commerce

[44]   Convention de Paris et OMC (ADPIC)

[45]   Traité de coopération en matière de brevets

[46]   Cette affaire est actuellement devant les tribunaux. Voir Harvard College c. Canada (Commissaire aux brevets), (2000) 7 C.P.R. (4th) 1, annulant 79 C.P.R. (3d) 98 (Cour d'appel fédérale). Autorisation d'interjeter appel soumise à la Cour suprême du Canada.

[47]   R. c. Stewart, (1988) 21 C.P.R. (3d) 289 (C.S.C.).

[48]   Cadbury Schweppes Inc. c. FBI Foods Ltd., (1998) 83 C.P.R. (3d) 289, modifiant 69 C.P.R. (3d) 22.

[49]   Lac Minerals Ltd. c. International Corona Resources Ltd. (1989) 26 C.P.R. (3d) 97, confirmant 18 C.P.R. (3d) 263, confirmant 9 C.P.R. (3d) 7 (C.S.C.).

[50]   Jowitt's Dictionary of English Law, London, London, Sweet and Maxwell, 1977, v. II, p. 431.

[51]   ABKO Music v. Harrisongs Music, 420 F. Supp. 1777 (1976), confirmé par 722 F. 2d. 988 (2d Cir. 1983)

[52]   Loi sur le droit d'auteur, L.C. (1985), ch. C-42, 2. 39.

[53]   Loi sur les sûretés mobilières de l'Ontario, art. 46, PPSA de l'Alberta, art. 47.

[54]   J. Ziegel et David Denomme, The Ontario Personal Property Security Act: Commentary and Analysis, Toronto, Butterworths, 200, p. 419

[55]   John Swinson, Securities Over Personal Property, Butterworths, Sydney, 1999, p. 133

[56]   R.C. Cuming, An Overview of a Canadian Personal Property Security System, http://www.natlaw.com/pubs/overview.htm

[57]   R.C. Cuming et R. Wood, Alberta Personal Property Security Act Handbook, Carswell, 3e édition, 1996; J. Ziegel et D. Denomme,Ontario Personal Property Act Commentary and Analysis, 2e édition, Carswell, 2000.

[58]   J. Ziegel et D. Denomme,Ontario Personal Property Act Commentary and Analysis, 2e édition, Carswell, 2000.

[59]   Cuming, op. cit., p. 3.

[60]   Ziegel et Denomme, op. cit., p. lvi.

[61]   John B. Claxton, Security on Property and the Rights of Secured Creditors under the Civil Code of Québec, Éditions Yvon Blais, Cowansville, 1994 p. xv.

[62]   Ziegel et Denomme, p. lviii.

[63]   Canada (Registraire des marques de commerce) c. Cie Internationale pour l'Informatique CII Honeywell Bull (1985), 4 C.P.R. (3d) 523, [1985] 1 C.F. 406, 4 C.I.P.R. 309, 61 N.R. 286 ; Promafil Canada Ltée c. Munsingwear Inc. (1992) 44 C.P.R. (3d) 59, annulant 29 C.P.R. (3d) 391 (C.A.F.)

[64]   Ziegel et Denomme, op. cit. 157.

[65]   Voir, par exemple, la Loi sur les sûretés mobilières de l'Ontario, par. 45(3)

[66]   Loi sur les sûretés mobilières de l'Ontario, art. 12

[67]   Loi sur les sûretés mobilières de l'Ontario, par. 7(1)

[68]   Loi sur les sûretés mobilières de l'Ontario, par. 7(4)

[69]   In re Peregrine Entertainment, Ltd., 116 Bankr. 194, 16 U.S.P.Q.2d 1017 (C.D. Cal. 1990); In re Avalon Software Inc.,209 Bankr. 517 (Bankr. D. Ariz. 1997); Broadcast Music v. Hirsch, 104 F. 3d 1163 (9th Cir. 1997)

[70]   W. Agin,The Internet Bankruptcy: What Happens When the Bell Tolls for the eCommerce Industry?, document présenté au Norton Institute on Bankruptcy Law Institute II, le 29 mars 2001.

[71]   Smith and Parr, op. cit. p. 438.

[72]   L.C. (1985), ch. T-13, dans sa version modifiée.

[73]   R.J. Wood, The Nature and Definition of Federal Security Interests, (2000) 34 C.B.L.J., 65 (appelé ci-après « Wood, Nature » ).

[74]   Wood, Nature and Definition, 106.

[75]   Wood, Nature, p. 107.

[76]   Bank of Nova Scotia v. International Harvester Credit Corp. of Canada Ltd.,(1990) 74 O.R. (2d) 738 (C.A.)

[77]   Wood, Nature, p. 81

[78]   Saskatchewan, PPSA, 1993, al. 4j) et k).

[79]   Colombie-Britannique, PPSA, R.S.B.C., 1996, ch. 359, art.4.

    [TRADUCTION]

4Sauf disposition contraire dans la présente loi, sont exclus :

[...]

b) un contrat de sûreté régi par une loi fédérale traitant des droits des parties au contrat ou des droits des tiers touchés par une sûreté créée par le contrat, y compris, notamment...

(i) une hypothèque en vertu de la Loi sur la marine marchande du Canada;

(ii) tout contrat régi par la partie V, Section B de la Loi sur les banques (Canada);

[80]   R.C. Cuming et C. Walsh, A Discussion Paper On Possible Changes to the Model Personal Property Security Act of the Canadian Conference on Personal Property Security Law Part 1 (covering sections 1 to 41), Conférence sur l'uniformisation des lois du Canada, Victoria, du 13 au 17 août 2000 (ci-après appelée Cuming et Walsh, 2000).

[81]   Derrick Tay, Law of Personal Property Security, Carswell, Toronto, 1993, Chapitre XII.1, laisse entendre qu'il s'agit là de la question fondamentale. Celle-ci est certainement importante.

[82]   R. El Sissi,Security Interests in Copyright, (1995) 10 I.P.J. 35

[83]   W. Adams et G. Takach, Insecure Transactions:Deficiencies in the Treatment of Technological Licences in Commercial Transactions Involving Secured Debt or Bankruptcy, (2000) 33 C.B.L.J 321

[84]   R. Mercier et R. Haigh,High Tech Lending: Maintaining Priority in an Intangible World, (1998) 14 B.F.L.R. 45

[85]   Adams et Takach, p. 323. Voir aussi Gold, Partial Copyright Assignments. Voir aussi R. Gold, Partial Copyright Assignments: Safeguarding Software Licensees Against Bankruptcy of Licensors, (200) 33 CBLJ 194.

[86]   R. Gold, Partial Copyright Assignments: Safeguarding Software Licensees Against Bankruptcy of Licensors, (200) 33 CBLJ 194

[87]   Loi sur les sûretés mobilière de l'Ontario, art. 28.

[88]   Adams et Takach, p. 347.

[89]   (1987) 7 PPSAC 373, p. 285 (Cour d'appel de l'Ontario).

[90]   J. Ziegel,Ontario Personal Property Act Commentary and Analysis, 2e édition, Carswell, 2000, p. lvii.

[91]   Mercier, p. 61 et suivantes.

[92]   Cuming et Walsh, 2000.

[93]   Ziegel, op. cit. p. lv.

[94]   R. Cuming et R. Wood, Saskatchewan and Manitoba Personal Property Security Acts Handbook, Carswell, Toronto, 1994, p. 61, citant les al. 2(1)w) et z) et les par. 57(3) et 59(18) de la PPSA de la Saskatchewan.

[95]   Loi sur la faillite et l'insolvabilité, L.C (1985), ch. B-3 tel que modifié, par. 65(2) (ci-après appelée la « LFI » ). Voir Gold, op. cit., p. 199.

[96]   Mercier, p. 73.

[97]   Adams et Takach, p. 340.

[98]   Poolman v. Eiffel Productions S.A., (1991) 35 C.P.R. (3d) 384.

[99]   Ibidem, p. 392.

[100]   Mercier, p. 83.

[101]   Une analyse très détaillée figure dans R.C. Cuming, Alberta Personal Property Security Act Handbook, Carswell, 3e édition, 1996, p. 72 et suivantes.

[102]         Mercier, p. 60.

[103]         Par exemple, voir la LSM de l'Ontario, art. 12.

[104]         D. Tay et K. Moffatt, Protecting Security Interests in Intellectual Property, Intellectual Property Law Update, 5 mars 1992, Association du Barreau canadien, Ottawa, p. 17 et suivantes.

[105]         R. Cuming et R. Wood, Alberta Personal Property Security Act Handbook, Carswell, Toronto, 1996, p. 72 et suivantes.

[106]         FPLC, p. 40, et 35 U.S.C. ' 261 (1994); 15 U.S.C. 1060 (1994); 17 U.S.C. ' 205(d) (1994). Voir aussi 17 U.S.C. ' 903 (1994).

[107]         FPLC, p. 40.

[108]         Mercier, p 78, citant Hogg.

[109]   Wood, Nature, p. 68.

[110]   Ibidem, p. 70.

[111]  Essentiellement, une importante entreprise nationale de fabrication de meubles, ayant des droits de marque de commerce enregistrés sur THE BRICK ( « Big Brick » ) a tenté de faire valoir sa marque de commerce à l'encontre d'une entité d'une envergure nettement moindre, appelée BRICK'S FINE FURNITURE ( « Little Brick » ), une entreprise locale, sise au Manitoba et appartenant à M. et à Mme Fred et Cynthia Brick; ces derniers utilisaient leur nom de famille dans leur entreprise depuis de nombreuses années mais ne l'avaient pas enregistré à l'échelon fédéral. Même s'il existait dans la Loi sur les marques de commerce des dispositions conçues pour protéger les entreprises telles que « Little Brick » et qui auraient pu s'appliquer en l'occurence, le gouvernement fédéral a réagi aux pressions politiques qu'exerçait « Little Brick » et est intervenu dans une cause célèbre mettant en doute un certain nombre de questions constitutionnelles et gestionnelles fondamentales liées aux échanges et au commerce, quant à savoir si le droit fédéral en matière de marques de commerce peut avoir préséance sur le droit provincial concernant les noms d'entreprise et plusieurs autres questions connexes. En fin de compte, le litige privé a débouché sur une issue manifestement satisfaisante (et prévisible) pour « Little Brick » , et fondée sur la législation en vigueur. Outre les questions constitutionnelles soulevées, une série de questions opérationnelles ont été étudiées, dont le fonctionnement de la base de données NUANS et la façon dontles données fédérales et provinciales sont alimentées dans cette dernière. Les décisions publiées auxquelles cette affaire a donné [Brick's Fine Furniture Ltd. c. Brick Warehouse Corp., 25 C.P.R. (3d) 89; Reference re: Constitution Act, 1867 ss. 91 and 92 (Man.), 35 C.P.R. (3d) 289; Brick Warehouse Corp. v.    Brick's Fine Furniture Ltd., 42 C.P.R. (3d) 158] n'étaient que la pointe d'un iceberg illustrant les difficultés qui peuvent survenir quand des politiciens et des bureaucrates bien intentionnés tentent de se mêler d'une question qui, d'après les experts, ne nécessite aucune intervention. Le résultat a été peu concluant et coûteux, et aurait pu être catastrophique sur le plan de la gestion publique si les tribunaux avaient tiré certaines des conclusions qu'on leur avait soumises ou si le gouvernement fédéral était parvenu à donner suite à ses allusions selon lesquelles il était justifié de modifier la loi.    La Cour d'appel du Manitoba a sagement décidé de s'en tenir à ce qui était abolument nécessaire dans ce dossier. Le litige privé a finalement été réglé, et la question a finalement disparu.

[112]   R. El Sissi,Security Interests in Copyright, (1995) 10 I.P.J. 35, à la p. 59.

[113]   Mercier, p. 81 et suivantes.

[114]   C. Zimmerman, L. Bertrand, L. Dunlop,Intellectual Property in Secured Transactions, (1991) 8 C.I.P.R. 74, à la p. 85 (ci-après : « Zimmerman » ).

[115]   Loi sur les brevets, L.C. (1985), ch. P-4, art. 49 à 52 (anciennement 52 à 55).

[116]   H.G. Fox, Canadian Patent Law, Carswell, Toronto, 1969, 4e édition, p. 316 et suivantes.

[117]   G.F. Henderson, Problems Involved in the Assignment of Patents and Patent Rights, (1966) 60 C.P.R. 237.

[118]   University Patents Inc. et autres c. Sports Maska, Inc., (1986) 13 C.P.R. (3d) 537.

[119]   Colpitts v. Sherwood, [1927] 2 D.L.R. 670, infirmée par [1927] 3 D.L.R. 7(C.A. Alb.)

[120]   National Carbonising Co. Ltd. v. British Coal Distillation Ltd., [1936] 2 All E.R. 101.

[121]   Henderson, op.cit, p. 251.

[122]   Saskatchewan Economic Development Corp. v. Westfalia DME, Inc., 46 C.P.R. (3d) 322

[123]   Ibidem, p. 324.

[124]   La base de données sur les brevets canadiens qu'il est possible de consulter en ligne à l'adresse www.cipo.gc.ca n'indiquera pas nécessairement le cessionnaire d'un brevet. Avant le 1er octobre 1989, seul le cédant est enregistré. Pour obtenir des renseignements définitifs, il faut procéder manuellement, au Bureau des brevets lui-même. Voir l'adresse http://patents1.ic.gc.ca/content-e.asp#assn.

[125]   L.C. (1985), ch. C-42, dans sa forme modifiée.

[126]   L.C. (1985), ch. C-42, dans sa forme modifiée.

[127]   D. Vaver, The Exclusive Licence in Copyright, (1995) 9 I.P.J. 163, p. 196.

[128]  Commission royale sur les brevets, le droit d'auteur, les marques de commerce et les dessins industriels, Rapport sur le droit d'auteur,Imprimeur de la Reine, Ottawa, 1957, p. 115.

[129]   Wood, Nature, p. 102.

[130]   R. El Sissi,Security Interests in Copyright, (1995) 10 I.P.J. 35.

[131]   Derrick Tay, Law of Personal Property Security, Carswell, Toronto, 1993, chapitre XII.

[132]   R. El Sissi,Security Interests in Copyright, (1995) 10 I.P.J. 35, à la p. 59.

[133]   El Sissi, op. cit., p. 42.

[134]   E.R. Gold Partial Copyright Assignments: Safeguarding Software Licensees

Against the Bankruptcy of Licensors, (2000) 33 C.B.L.J 193

[135] Ibidem, note 33.

[136] Copyright, Designs and Patents Act ( « CDPA » ) 1988 (R.-U.).

[137] Gold, Partial Copyright Assignments, p. 210.

[138] Vaver, Exclusive License, p. 193.

[139] Gold, p. 210

[140] Gold, p. 210.

[141] Gold, p. 208, p. 218 et suivantes.

[142] Voir le témoignage de M. Peters, devant le Comité Coble.

[143] Voir Re Lambert, (1994) 20 O.R. (3d) 108 (C.A.) Cf. Kelln (Trustee of) v.    Strassbourg Credit Union (1992) D.L.R. (4th) 427 (C.A. Sask.). Cité dans J. Ziegel,Ontario Personal Property Act Commentary and Analysis, 2e édition, Carswell, 2000, p. lvii.

[144] En principe, les parties pourraient inclure l' « oeuvre » dans une annexe au document de cession, une solution que le Bureau du droit d'auteur accepterait probablement, tant que l'oeuvre figure sur papier. Cependant, un livre, une disquette, une cassette ou tout support autre que du papier seraient rejetés.

[145] Supra.

[146] G. Wall, « Security in Intellectual property in Canada » , Trademark Wold, mai 1991, à la p. 32.

[147] Convention de Berne, 1971.

[148] C. Masouyé, Guide to the Berne Convention, OMPI, Genève, 1978, p. 33.

[149] De Gutenberg à Télidon : Livre blanc sur le droit d'auteur, Ministre des Approvisionnements et Services, 1984, p. 74.

[150] Loi sur les marques de commerce, L.C. (1985), ch. T-13.

[151] Article 26.

[152] Journal des marques de commerce, v.    134, no 1693, le 8 avril 1973.

[153] Il semble évident que le fait de ne pas enregistrer un transfert n'invalide pas en soi une marque de commerce. Voir Meredith & Finlayson v.    Canada (Registrar of Trade Marks), (1992) 43 C.P.R. (3d) 473, infirmée pour d'autres motifs 54 C.P.R. (3d) 444; Kightley v.    Registrar of Trade Marks et al. (1982) 65 C.P.R. (2d) 36.

[154] Long c. Pacific Northwest Enterprises Inc. et al. (1985) 7 C.P.R. (3d) 410 (C.F., 1re inst.), le juge Strayer).

[155] Synergism Arithmetically Compounded Inc. v. Parkwood Hills Foodland Inc et al, (200) 8 C.P.R. (4th) 135. Voir aussi Synergism Arithmetically Compounded Inc. v. 1130163 Ontario Inc. et al, (1997) 81 C.P.R. (3d) 25.

[156] Hydrotech Chemical Corporation v. Min-Chem Canada Ltd. [Indexed as: Lawrason's Chemicals Ltd. (Re)], (1999) 87 C.P.R. (3d) 213 (C.A. Ont.)

[157] Loi sur les marques de commerce, par. 15(3).

[158] Ziegel et Denoome, op. cit., p. lviii.

[159] L. Carrière,The New Civil Code of Québec and Intellectual Property: Preliminary Reflections and Comments, http://www.robic.com/set-e.asp

[160] J. Ziegel et D. Denomme, Bthe Ontario Personal Property Security Act Commentary and Analysis,Butterworths, Toronto, 2000, p. 420.

[161] G. F. Henderson, Problems Involved in the Assignment of Patents and Patent Rights, (1966) 60 C.P.R. 237.

[162] R. El Sissi,Security Interests in Copyright, (1995) 10 I.P.J. 35

[163] C. Zimmerman, L. Bertrand, L. Dunlop,Intellectual Property In Secured Transactions, (1991) 8 C.I.P.R. 74

[164]   L'auteur tient à souligner la courtoisie de Susan Barbieri Montgomery, du Cabinet Foley, Hoag & Eliot, à Boston; Mme Barbieri Montgomery est l'ancienne président du Comité 457 de l'American Bar Association ( « ABA » ), qui joue un rôle très actif dans ce domaine. Les références faites à « Montmogomery ALI-ABA » renvoient à un document récemment publié sous le titre suivant : Security Interests in Intellectual Property, dans le ALI-ABA Business Law Course Materials Journal, v. 25, n ° 1(février 2001, p. 23 à 64).

[165]   15 U.S.C. 1501 et ss.

[166]   15 U.S.C. '1060

[167]   In re Roman Cleanser Co. 43 B.R. 940 (Bankr. E.D.Mich. 1984), confirmé par 802 F. 2d 207 (6th Cir. 1986).

[168]   D. Chisum, World Intellectual Property Guidebook: United States, New York, Matthew Bender, 1992, p. 5-374 (ci-après appelé « Chisum » )

[169]   Chisum '5G[2][d]. Particulièrement dans In re Roman Cleanser.

[170]   McCarthy on Trademarks and Unfair Competition, West Group, 2000, Vo. 2, '18:7.

[171]   Clorox Co. v. Chemical Bank, 40 U.S.P.Q.2d 1098 (TTAB 1996).

[172]   McCarthy signale (ibidem, note 14) que le commentaire relatif au UCC se rapporte aux brevets et aux droits d'auteur, mais pas aux marques de commerce.

[173]   In re Roman Cleanser Co., 43 B.R. 940, 225 U.S.P.Q. 140 (Bankr. E.D. Mich. 1984)

[174]   McCarthy, loc. cit.

[175]   In re Peregrine Entertainment, Ltd., 116 Bankr. 194, 16 U.S.P.Q.2d 1017 (C.D. Cal. 1990) (les sûretés grevant les droits d'auteur et les droits conférés par ces derniers doivent être parfaites par voie de dépôt auprès du Copyright Office - arrêt faisant autorité en ce domaine).

[176]   City Bank & Trust Co. v. Otto Fabric Inc., 83 Bankr. 780, 7 U.S.P.Q.2d 1719 (D. Kan. 1988) (perfection des sûretés grevant les brevets en vertu du UCC, infirmant une décision de la Bankruptcy Court selon laquelle il est obligatoire de procéder à un enregistrement auprès du USPTO.

[177]   In re Cybernetic Services Inc., (1999) 239 B.R. 917

[178]   In re Transportation Design and Technology, Inc., 48 B.R. 635 (Bankr. S.D. Cal. 1985). Voir aussi A. Haemmerli, Insecurity Interests: Where Intellectual Property and Commercial Law Collide, 96 Colum. L. Rev. 1645, 1703 (1996).

[179]   S. Barbieri Montgomery, Security Interests in Intellectual Property, ALI-ABA Business Law Course Materials Journal, exposé présenté les 8 et 9 mars 2001 à Coral Gables, Florida, v. 25, n ° 1 (février 2001), p. 23-64). (ci-après appelé « Montgomery ALI-ABA » , p. 24.

[180]   Les frais qu'exige le Copyright Office pour ces services accélérés sont de 500 $ US et de 330 $US, respectivement. Les services accélérés sont disponibles dans des circonstances restreintes, qui incluent [TRADUCTION] « les délais de conclusion de contrats ou de publication qui requièrent la délivrance accélérée d'un certificat » . Voir Copyright Office Circular 10 « Special Handling » .

[181]   Montgomery, ALI-ABA, p. 21

[182]   127 B.R. 34 (Bankr. C.D. Cal. 1991)

[183]   Montgomery cite également deux articles qui se rapportent à cet effet. Montgomery, ALI-ABA, p. 27. Voir la note, Transfers of Copyright under the New Copyright Act, 88 Yale L.J. 125 (1978); Weinberger, Perfection of Security Interests in Copyrights: The Peregrine Effect on the Orion Pictures Plan of Reorganization, 11 Cardoza Arts & Ent. L. J. 959 (1993).

[184]   127 B.R. 34 (Bank. C.D. Cal. 1991)

[185]   209 B.R. 517 (Bank. D. Ariz. 1997)

[186]   244 B.R. 149 (Bank. N.D. Cal. 1999). Selon Montgomery, dans une version préalable à la publication de son document, la décision Aerocon a été confirmée par la Cour du district fédéral en juillet 2000 (Adv. Proc. No. 98-4755 AT) et est actuellement en appel devant le 9e Circuit (Décision n ° 00-16550).

[187]   Montgomery, ALI-ABA, p. 22.

[188]   United States v. Antenna Systems, 251 f. Supp. 1013, 1016 (D. N.H. 1966). Montgomery ALI-ABA, p. 3.

[189]   Montgomery, ALI-ABA, p. 3.

[190]   The National Conference of Commissioners on Uniform State Laws. Voir http://www.nccusl.org/

[191]   Montgomery, ALI-ABA, p. 26.

[192]   Adams et Takach, p. 334. Voir aussi S. Weise, the Financing of Intellectual Property under the Revised UCC Article 9, (1999) 74 Chicago-Kent Law Review 1077 pour une bonne analyse concernant l'effet de l'article 9 révisé sur l'octroi des licences et le moment où l'on peut considérer qu'une licence crée en substance une sûreté.

[193]   Montgomery, ALI-ABA, p. 27.

[194]   FPLC p. 36

[195]   H. Weinberg et W. Woodward, Easing Transfer and Security Interest Transactions in Intellectual Property: An Agenda for Reform, 79 Ky. L.J. 61, 75 (1991). Curieusement, ce document par ailleurs détaillé et novateur ne dit rien au sujet des questions relatives au droit d'auteur.

[196]   Vide infra.

[197]   La liste des témoins et les notes sténographiques sont présentées à l'adresse http://www.house.gov/judiciary/4.htm

[198]   Montgomery, ALI-ABA, p. 28.

[199]         http://lcweb.loc.gov/copyright/docs/regstat62499r.asp

[200] http://www.ogc.doc.gov/ogc/legreg/testimon/106f/dickinson0624.htm

[201] Montgomery, document inédit § V.C.2.

[202] A. Haemmerli,Insecured Interests: Where Intellectual Property and Commercial Law Collide, [1996] 96 Columbia Law Review, 1645.

[203] Haemmerli (Doyenne des études supérieures - Faculté de droit de l'Université Columbia), p. 1723.

[204] Ibidem,, 1730 et suivantes

[205] FPLC, p. 10

[206] FPLC, p. 63

[207] FPLC, p. 68

[208] FPLC, p. 63

[209] FPLC, p. 64

[210] M. Bridge, R. A. Macdonald, R. L. Simmonds et C. Walsh, Formalism, Functionalism, and Understanding the Law of Secured Transactions, (1999) 44 McGill L.J. 567-664, par. 144 et suivants.

[211] Voir http://www.abdn.ac.uk/~law113/

[212] Companies Act 1985, art. 413.

[213] Michael Henry,Mortgages of intellectual property in the United Kingdom, [1992] 5 EIPR 158.

[214] Tom Guthrie et Alastair Orr,Fixed Security Rights over Intellectual Property in Scotland, [1996] 11 EIPR 597.

[215] W.R. Cornish, Intellectual Property: Patents, Copyright, Trade Marks and Allied Rights, London, Sweet and Maxwell, 4e éd. 1999, p. 275 et suivantes (ci-après appelé Cornish, Intellectual Property).

[216] Registered Designs Act 1949 as amended,art. 19.

[217] http://www.pro.gov.uk/leaflets/ri2152.htm

[218] Cornish, op. cit., p. 465.

[219] 1984 All E.R. 426

[220] Council Regulation (EC) No 40/94 of 20 December 1993 on the Community trade mark http://oami.eu.int/EN/aspects/reg/reg4094.htm

[221] Jeremy Phillips, Intellectual Property as Security for Debt Finance - a Time to Advance?, [1997] 6 EIPR 276.

[222] loc. cit. Cette analyse était fondée sur deux rapports de consultants antérieurs : David Townend, Using Intellectual Property as Security (The Intellectual Property Institute, 1996) et Mark Bezant et Richard Punt, The Use of Intellectual Property as Security for Debt Finance, (Arthur Andersen, The Intellectual Property Institute, 1997)

[223] Phillips, op. cit., p. 277.

[224] Modern Company Law for a Competitive Economy: Registration of Company Charges, (2000) http://www.dti.gov.uk/cld/charges.pdf

[225] David Townend, Intellectual Property as Security Interests: Technical Difficulties Presented in the Law, [1997] IPQ no 2168 à la p. 170.

[226] Ibidem, 194.

[227] Jacqueline Lipton, Security Over Information Products, (2000) Australian intellectual property Journal, v.    11 p. 23, à la p. 333.

[228] Cette aventure est relatée dansFord's Principles of Corporations Law, Butterworths, Adelaïde, 1977 p. 45 et suivantes.

[229] Re Wakim; Ex Pare McNally (1999) 163 ALR 270 (HCA); The Queen v.    Hughes [2000] HCA 22

[230] Patents Act 1990, art. 189 (Australie).

[231] J. Swinson, Securities Over Personal Property, Butterworths, Sydney, 1999, p. 134.

[232] Swinson, op. cit., p. 132

[233] Swinson, op. cit. p. 133.

[234] Swinson, op. cit., p. 134

[235] ALRC 64

[236] S. Edwards, « Financial interests in non-real estate assets and the prospect of reforming personal property security law in Australia » (1997) 8(2) Journal of Banking, Finance Law & Practice 93; C.C. Wappett, « Reforming personal property security law in Australia » (1996) 7 Journal of Banking and Finance Law and Practice 189; I. Cameron, « Company charges and the Australian Law Reform Commission: scrutinising "The Department of Utter Confusion" » (1994) 12 Company and Securities Law Journal 357

[237] Au nombre des ouvrages récents qui sont pertinents figure un nouveau livre de J. Lipton, Brookers, 2000; divers articles de Lipton, comme (1998)26 ABLR 25, (1999)2 J. Information Law and Technology, et un chapitre dans Wappett and Allan (sous la dir. de), « Securities over Personal Property » , Butterworths, 1999.

[238] Y compris un document inédit du professeur David Allan, de la Bond University,The Promised Land: Cheaper, Faster Easier, Simpler, Safer, remis en juin 2000 après la conférence annuelle de la Banking Law Association.

[239] Personal Property Securities Act 1999

[240] Linda Widdup et Laurie Mayne, Personal Property Securities Act: A Conceptual Approach, Butterworths, Wellington, 2000.

[241]   Widdup et Mayne, op. cit. p. 327

[242] J. K. Winn, Commercial Lending in an Information Economy: Using Software as Collateral to Advance Intellectual Property Rights, Académie des Sciences sociales de Shanghaï, les 11 et 12 mai 1999.

[243] Cette question est mentionnée dans un rapport récent : The Intangible Economy Impact and Policy Issues Report of the European High Level Expert Group on the Intangible Economy, Clark Eustace, Commission européenne, octobre 2000, par. 54 et 84.

[244] http://europa.eu.int/eur-lex/en/lif/dat/1989/en_489A0695_01.asp

[245] Cornish, Intellectual Property, p. 123.

[246] Lise Dybdal, Transfer of Rights and Their Registration in the European Patent and Community Patent Registers, (1998) 29 IIC 387.

[247] loc. cit. p. 400

[248] http://europa.eu.int/eur-lex/en/lif/dat/1989/en_489A0695_01.asp

[249] Cornish,Intellectual Property, p. 125

[250] Cornish, Intellectual Property, p. 605

[251] Un organisme intergouvernemental indépendant situé à Rome et comprenant 58 pays membres. Voir http://www.unidroit.org

[252] Un organisme des Nations Unies, situé à Montréal. Voir http://www.icao.int

[253] http://www.iata.org

[254] Ziegel, OPPSA Commentary 2000, p. lvi.

[255] op. cit. p. lviii.

[256] Le rapport des la Commission royale sur les brevets, le droit d'auteur, les marques de commerce et les dessins industriels (1957-1958) contenait une série de recommandations visant à protéger le titulaire d'une licence relative à un droit d'auteur contre une cession postérieure, et ce, même à titre onéreux et sans connaissance préalable, et à prévoir (Rapport sur le droit d'auteur, p. 115) qu'en ce qui concerne les brevets, chaque transfert de droit serait nul à l'encontre de toute personne visée par un transfert postérieur de droit à moins que le transfert antérieur ait été enregistré avant le transfert postérieur de droit (Rapport sur les brevets d'invention, p.41).

[257] http://www.dyedurham.com/secS_ppsa.htm

[258] FPLC, p. 7, où l'on donne un exemple intéressant du mécanisme distinct qui s'applique aux aéronefs.

[259] R. J. Wood, The Nature and Definition of Federal Security Interest, (2000) 34 CBLJ 65, à la p. 110.


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