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Rapport

Document de recherche

TÉMOIGNAGE D'UN CONJOINT DANS LES CAUSES CRIMINELLES AU CANADA

Allan Manson
Septembre 2001

Introduction

Première partie : Le droit actuel

1. Contexte de la common law
     (a) La règle et sa justification
     (b) Exceptions
     (c) Divorce, séparation et R. c. Salituro
2. Le cadre législatif
3. Résumé des règles prévues par la loi et la common law
4. Privilège des communications conjugales
     (a) Historique et justification
     (b) Éléments pratiques du privilège
5. Développements connexes récents dans le droit de la preuve canadien
     (a) Confidentialité
     (a) Oui-dire
     (a) Exception concernant la démonstration de l'innocence

Partie II : Options for Reform

1. Autres ressorts
2. Évaluation des options disponibles

3. Conclusion

TÉMOIGNAGE D'UN CONJOINT DANS LES CAUSES CRIMINELLES AU CANADA

Introduction

La règle de droit qui s'applique actuellement au témoignage d'un conjoint fonctionne de manière à empêcher l'admission de certains témoins et de certaines preuves à un procès criminel en se fondant sur l'existence d'un rapport juridique entre le témoin et une personne accusée. Il n'y a rien de nouveau ni de profond à dire que le droit canadien relatif au témoignage d'un conjoint est anachronique et ne s'appuie pas sur des principes[1]. Il est anachronique parce que l'interdiction du témoignage des personnes intéressées dans la procédure, justification qui a été à son origine, n'existe plus depuis la moitié du XIXe siècle. De plus, plusieurs décisions en matière de common law ont été influencées par le fait qu'une personne accusée n'était pas un témoin habile à témoigner jusqu'à tard au cours de ce siècle. La réforme d'origine législative effectuée au coup par coup depuis la moitié du XIXe siècle a conduit à des efforts d'improvisation de la justification d'une nouvelle politique fondée sur la valeur que constitue la préservation de l'harmonie conjugale. Au fil du temps, cet argument a perdu de sa force en raison de l'évolution des attitudes à l'égard des relations conjugales.

Les règles ne sont pas fondées sur des principes pour différentes raisons. Premièrement, elles ne s'appliquent qu'aux personnes mariées légalement. De toute évidence, il existe, au sein de notre collectivité, différentes formes de relations intimes autres que le mariage légal entre un homme et une femme qui sont valorisées et qui méritent une protection contre toute intrusion. Deuxièmement, s'il y a des exceptions prévues par la loi, la liste des infractions qui entraînent une contraignabilité est incomplète.


Les tensions que produit le régime actuel sont évidentes. Si elles visent à préserver l'harmonie dans les relations familiales, elles le font de manière incohérente, inefficace et incomplète. Qui plus est, lorsque les règles s'appliquent de manière à rendre une personne inhabile à témoigner ou non contraignable, il en résulte vraisemblablement une exclusion du procès d'une preuve pertinente et probante. Pour ces raisons, il semble y avoir un accord presque universel sur le fait qu'il faut réformer ce régime. Toutefois, tout effort visant une réforme doit résoudre une question d'orientation fondamentale : (a) la protection devrait-elle être étendue pour comprendre d'autres relations; ou (b) devrait-elle être éliminée ou réduite pour permettre qu'une preuve pertinente soit présentée au procès.

Dans ce rapport, je veux examiner le régime actuel et les orientations possibles d'une réforme pour établir les principes pertinents les répercussions. Les règles de droit sont une combinaison de lois et de common law qui ont trait à trois questions fondamentales : l'habilité à témoigner, la contraignabilité et le privilège. Ces dernières années, des améliorations ont été apportées par les moyens de l'interprétation judiciaire et de l'application de la Charte. Cependant, le rôle du pouvoir judiciaire se limite aux changements qui se produisent dans la réalité sociale[2]. Ce pouvoir judiciaire n'est donc pas en mesure de produire une réforme générale. La réforme législative devrait promouvoir les principes acceptés, et ce, de façon fonctionnelle et intrinsèquement cohérente. Dans le même ordre d'idées, avant de discuter des trois options pour la réforme, je vais tenter de présenter les politiques et les principes pertinents pour que nous puissions les intégrer à un cadre qui illustrera les avantages et les désavantages de ces options.

Première partie : Le droit actuel 1. Contexte de la common law :

(a)        La règle et sa justification :

En common law, un conjoint n'était pas habile à témoigner en faveur ou contre l'autre conjoint dans un procès criminel. Il est possible de retracer l'origine de la règle en remontant au XVIe siècle. Coke en a fait mention en 1628[3]. La justification, à l'origine, était simple. À l'époque, toute personne qui avait un intérêt dans une poursuite n'était pas habile à témoigner en raison de sa partialité apparente. Comme les conjoints étaient considérés, en droit, comme une entité une et inséparable, le concept d'intérêt réglait la question : ni la personne accusée ni son conjoint ou sa conjointe ne pouvaient témoigner. En Angleterre, l'exclusion pour motif d'intérêt a été abolie par l'Evidence Act de 1843. Cette loi prévoyait qu'aucune personne n'était frappée d'inhabilité à témoigner pour motif d'intérêt[4]. Une réforme semblable, de nature législative, est entrée en vigueur au Canada quelques années plus tard[5]. Avec la disparition de l'interdiction pour cause d'intérêt, les causes de l'époque moderne se sont appuyées sur les buts que sont la préservation de l'harmonie conjugale et la promotion des « confidences conjugales » en tant que justification fonctionnelle de la préservation de la norme de l'inhabilité à témoigner[6]. Cette vision a été complétée par la préoccupation complémentaire au sujet de ce que laisserait à penser (apparence) le fait de forcer l'un des conjoints à témoigner contre l'autre.[7]


La règle s'applique seulement aux personnes mariées devant la loi. Elle ne s'applique pas aux personnes qui peuvent être considérées comme des « conjoints de fait » en raison de la nature de leur relation[8]. Sur le plan du témoignage tel que couvert par la règle de la common law, cette règle s'appliquait sans égard au moment où l'événement était survenu tant que, au moment du procès, le témoin concerné était un conjoint de la personne accusée[9]. Autrement dit, un conjoint ne pouvait témoigner au sujet d'un événement, que celui-ci ait eu lieu avant le mariage ou durant celui-ci. La question était déterminée par la situation de conjoint au moment du procès[10].


La question était relativement simple en common law. Cependant, il faut apporter deux autres éléments. Premièrement, en ce qui concerne une personne coaccusée, la common law établissait très clairement que le conjoint d'une personne accusée ne pouvait témoigner au nom d'une autre personne accusée conjointement. Presque sans exception, les sources, tant anglaises que canadiennes, appuient la conclusion qu'un témoin ne peut en aucun cas témoigner en faveur d'une personne coaccusée lorsque le conjoint de ce témoin est une des personnes coaccusées[11]. Il semble n'y avoir qu'une seule source contradictoire, la cause R. c. Bartlett[12], qui remonte à 1844, dans laquelle une épouse a eu la permission de présenter un témoignage qui disculpait une personne accusée conjointement avec son mari. Toutefois, le juge qui a admis son témoignage a signalé qu'il le faisait tout en conservant « [traduction] un grand doute » .

(b) Exceptions : La seule exception prévue par la common law survenait lorsque l'accusation concernait la personne, la vie ou la santé du conjoint[13]. Même si cette exception assurait qu'un conjoint qui était la victime pouvait présenter un témoignage pour la poursuite si elle était consentante, elle ne répondait pas en soi à la question de la contraignabilité. Dans R. c. McGinty[14], la juge McLachlin, qui était juge d'appel à l'époque, a conclu que l'habilité à témoigner incluait la contraignabilité et a ajouté un nouvel élément à l'analyse. Elle a signalé :


[traduction] Il ressort clairement de l'examen des sources que le principe directeur tient une part importante dans la résolution de la question de la contraignabilité d'une épouse ou d'un mari pour ce qui est de témoigner contre son conjoint dans une cause découlant d'un acte violent contre le conjoint du témoin[15].

Après avoir mentionné les préoccupations pertinentes sur le plan du bris de « l'harmonie conjugale » et de l'aspect « répugnant » qu'il y a à forcer un conjoint à témoigner contre l'autre conjoint, elle a conclu que les intérêts des principes directeurs favorisaient la contraignabilité du témoignage dans les cas de violence familiale. Premièrement, ces infractions étaient habituellement commises en privé en l'absence d'autres témoins. Dans le même ordre d'idées, le témoignage du conjoint ou de la conjointe est essentiel. Ce qui est encore plus important, puisque la contraignabilité élimine toute question de choix, le témoin ne serait pas assujetti à une violence additionnelle en vue de manipuler ce choix. La juge a conclu que l'habilité à témoigner sans la contraignabilité engendrerait vraisemblablement « [traduction] la discorde familiale plutôt que de la prévenir » . Pour ce qui est de la question de l'apparence, elle a observé que les « [traduction] personnes de bonne foi pensent généralement qu'il est répugnant que des personnes qui commettent des crimes ne soient pas poursuivies » . Le « [traduction] devoir de l'État qui consiste à protéger la sécurité de ses citoyens » , qui est sous-jacent à l'habilité à témoigner dans les causes de violence contre un conjoint, exige aussi que le conjoint soit contraignable.

(c) Divorce, séparation, et R. c. Salituro :

Nonobstant une jurisprudence anglaise tout à fait contraire[16], les cours canadiennes ont conclu que l'inhabilité du conjoint à témoigner ne se prolonge pas après le divorce. Dans R.c. Baile[17], le juge d'appel Morden a déclaré :


[traduction] Sur le plan des principes directeurs, la justification moderne de la règle en question est qu'elle soutient l'harmonie conjugale. Il est difficile de voir comment ce principe directeur a quelque application visible dans une situation où le mariage n'existe plus. L'inhabilité à témoigner ne devrait pas se prolonger au-delà de la dissolution du mariage. Un conjoint divorcé ne devrait pas se voir refuser de témoigner au sujet d'événements qui sont survenus durant le mariage[18].

En 1991, dans R. c. Salituro[19], la Cour suprême à modifié la règle de la common law dans les cas où les conjoints sont séparés de façon irrémédiable. La Cour voulait adapter la common law à la réalité moderne et aux valeurs de la Charte. Un homme a été accusé d'avoir forgé la signature de sa femme sur un document. Au moment du procès, le couple était séparé de façon irrémédiable. Cette femme a témoigné pour la Couronne et l'homme a été reconnu coupable. En appel, on a allégué qu'elle, comme tout autre conjoint, n'était pas habile à témoigner pour la Couronne. L'appel a été rejeté en statuant que la common law, qui frappait les conjoints d'inhabilité à témoigner, devrait être modifiée de manière à traiter les conjoints séparés irrémédiablement comme des conjoints divorcés. En Cour suprême, le juge Iacobucci a traité du rôle des tribunaux dans l'élaboration de la common law à l'époque postérieure à l'adoption de la Charte :

Les juges peuvent et doivent adapter la common law aux changements qui se produisent dans le tissu social, moral et économique du pays. Ils ne doivent pas s'empresser de perpétuer des règles dont le fondement social a depuis longtemps disparu. D'importantes contraintes pèsent cependant sur le pouvoir des tribunaux de changer le droit[20].


Le juge a souligné ceci : « ... lorsque les circonstances s'y prêtent, les juges peuvent et doivent changer la common law. C'est le cas en l'espèce. La common law doit être au service de la société.[21] » Il a aussi examiné la règle de la common law relative à l'inhabilité des conjoints à témoigner. Il a conclu que toute justification fondée sur l'harmonie conjugale disparaît nécessairement avec le divorce ou la séparation irrémédiable des conjoints. Il a aussi souligné que le fait de perpétuer l'inhabilité à témoigner serait contraire aux valeurs de la Charte puisque cela équivaudrait à favoriser une règle historique « qui découlait naturellement de la place juridique que l'épouse occupait à cette époque » au détriment du droit de la femme de choisir. Subséquemment, la Cour suprême a refusé de modifier la common law dans R. c. Hawkins[22], dans laquelle l'accusé et le témoin s'étaient mariés après que la femme eut présenté une preuve contre l'homme lors de l'enquête préliminaire. La Cour suprême a signalé les arguments en faveur de nouvelles approches, tant pour rendre les conjoints habiles à témoigner pour la Couronne, mais non contraignables, que pour aller plus loin et les rendre habiles à témoigner et contraignables. Cependant, la majorité a conclu comme suit :

Même si ces autres conceptions de la règle de l'inhabilité du conjoint à témoigner peuvent favoriser l'autonomie et la dignité d'une personne en tant que conjoint, nous sommes d'avis qu'il n'appartient pas aux tribunaux, mais plutôt au législateur fédéral, d'apporter des changements importants à la règle[23].

2. Le cadre législatif :

L'article 4 de la Loi sur la preuve au Canada est la réponse législative moderne à la question du témoignage des conjoints. Il a évolué au fil du temps et il ne représente donc pas une approche unifiée et cohérente. Il a préservé la common law, au moins dans la mesure où elle n'est pas touchée par la loi.

Voici ce que dit l'article 4 :

4.(1) Toute personne accusée d'infraction, ainsi que, sauf disposition contraire du présent article, le conjoint de la personne accusée, est habile à témoigner pour la défense, que la personne ainsi accusée le soit seule ou conjointement avec une autre personne.


            (2) Le conjoint d'une personne accusée soit d'une infraction visée au paragraphe 50(1) de la Loi sur les jeunes contrevenants, ou à l'un des articles 151, 152, 153, 155 ou 159, des paragraphes 160(2) ou (3) ou des articles 170 à 173, 179, 212, 215, 218, 271 à 273, 280 à 283, 291 à 294 ou 329 du Code criminel, soit de la tentative d'une telle infraction, est un témoin habile à témoigner et contraignable pour le poursuivant sans le consentement de la personne accusée.

            (3) Nul ne peut être contraint de divulguer une communication que son conjoint lui a faite durant leur mariage.

           (4) Le conjoint d'une personne accusée d'une infraction visée à l'un des articles 220, 221, 235, 236, 237, 239, 240, 266, 267, 268 ou 269 du Code criminel, lorsque le plaignant ou la victime est âgé de moins de quatorze ans, est un témoin habile à témoigner et contraignable pour le poursuivant sans le consentement de la personne accusée.

                                                                            

           (5) Le présent article n'est pas applicable au cas où le conjoint d'une personne accusée d'une infraction peut, d'après la common law, être appelé à témoigner sans le consentement de cette personne.

            (6) Le défaut de la personne accusée, ou de son conjoint, de témoigner ne peut faire le sujet de commentaires par le juge ou par l'avocat du poursuivant.

Les infractions prévues au paragraphe 4(2) à l'égard desquelles un conjoint est habile à témoigner et contraignable sont :

Loi sur les jeunes contrevenants :

par. 50(1) : incite ou aide sciemment un adolescent à enfreindre ou à ne pas respecter une clause de la décision visant celui-ci, ou à quitter illicitement le lieu de garde

Code criminel :

art. 151 : touche, à des fins sexuelles, un enfant de moins de 14 ans

art. 152 : incite un enfant de moins de 14 ans à des attouchements sexuels

art.153 : l'exploitation sexuelle d'une personne de 14 à 17 ans

art. 155 : l'inceste


art. 159 : les relations sexuelles anales[24]

par. 160(2) : forcer une personne à commettre un acte de bestialité

par. 160(3) : commettre un acte de bestialité en présence ou avec un enfant de moins de 14 ans

art. 170 : un parent qui incite une personne de moins de 18 ans à commettre des actes sexuels

art. 171 : un maître de maison qui permet à une personne de moins de 18 ans de commettre des actes sexuels

art. 172 : corrompre des enfants (adultère, immoralité sexuelle, ivrognerie habituelle)

art. 173 : l'action indécente

art. 179 : le vagabondage

art. 212 : le proxénétisme

art. 215 : ne pas fournir les choses nécessaires à l'existence

art. 218 : abandonner un enfant

art. 271-273 : l'agression sexuelle, l'agression sexuelle armée, et l'agression sexuelle grave

art. 280-283 : l'enlèvement (personne de moins de 16 ans, de moins de 14 ans, en contravention avec une ordonnance de garde)

art. 291-294 : la bigamie, le mariage feint, la polygamie, la célébration illicite ou sans autorisation du mariage

art.329 : le vol par un conjoint qui vit séparé

Les infractions incluses au paragraphe 4(4) à l'égard desquelles un conjoint est habile à témoigner et contraignable lorsque la victime est âgée de moins de 14 ans sont :

art. 220 : la négligence criminelle causant la mort

art. 221 : la négligence criminelle causant un préjudice corporel

art. 235 : le meurtre

art. 236 : l'homicide involontaire

art. 237 : l'infanticide

art. 239 : la tentative de meurtre

art. 240 : la complicité de meurtre après le fait

art. 266 : les voies de fait

art. 267 : l'infliction de lésions corporelles

art. 268 : les voies de fait graves

art. 269 : torturer


Bien que les préoccupations au sujet de la sécurité des enfants et de l'intégrité sexuelle des enfants et des adultes soient sous-jacentes à la plupart des infractions incluses, on ne peut considérer qu'il s'agit d'une logique entièrement fonctionnelle et efficace. La plupart, mais pas toutes, les infractions incluses au paragraphe 4(2) sont de nature sexuelle et portent sur les jeunes personnes et les enfants. Les autres infractions de ce groupe ont trait aux relations au sein de la famille ou d'un couple. Le paragraphe 4(4) comprend des infractions de violence et couvre une grande part du sous-ensemble d'infractions qui peuvent être commises contre une personne de moins de 14 ans. Cependant, dans les deux paragraphes, il n'est pas fait mention de : l'article 264 (harcèlement criminel); le paragraphe 264.2 (menace de mort); l'article 279 (enlèvement); l'article 343 (vol qualifié); l'article 346 (extorsion)[25]. D'un autre côté, l'inclusion d'une infraction comme le vagabondage dans le paragraphe 4(2) est difficile à expliquer, bien que la raison puisse être qu'il puisse se produire en relation avec une culpabilité passée en matière d'infraction sexuelle lorsque la personne est trouvée « flânant sur un terrain d'école, un terrain de jeu, un parc public ou une zone publique où l'on peut se baigner ou à proximité de ces endroits[26] » .


Il reste certaines questions au sujet de la portée du paragraphe 4(1). Premièrement, est-ce que le fait d'être « habile à témoigner pour la défense » comporte la notion de contraignabilité ? Bien que la cause R. c. Gosselin, discutée (voir version anglaise) laisse à penser que c'est le cas, cette décision s'appliquait à une disposition libellée différemment et qui ne comprenait pas la notion restrictive « pour la défense » . Bien que l'on puisse favoriser une interprétation judiciaire large, puisque l'interprétation à l'époque semblait large et représenter un nouveau départ radical de l'interdiction prévue par la common law, la modification subséquente qui limite au témoignage « pour la défense » émousse la plus grande part de cet argument. Plus récemment, la Cour suprême a traité du paragraphe 4(1) dans R. c. Amway Corp.[27], une cause où on cherchait à savoir si une société peut être contrainte à produire un de ses dirigeants pour fin de divulgation dans une poursuite en cour fédérale pour confiscation. Voici l'un des arguments que comporte la question générale de l'effet du paragraphe 4(1) sur la common law. Le juge Sopinka, au nom de la cour, a affirmé :

[traduction] Il est clair, d'après le libellé de l'article, qu'il ne porte que sur l'un des deux éléments des droits et obligations d'un témoin : l'habilité à témoigner. Il ne traite pas de la contraignabilité. En common law une personne accusée n'était ni habile à témoigner ni un témoin contraignable. En vertu du paragraphe 4(1) de l'Acte de la preuve en Canada, adopté en 1893 et modifié par S.C. 1906, c. 10, art. 1, la common law a été modifiée pour qu'une personne accusée soit habile à témoigner pour la défense. Ces modifications ont laissé la common law intacte en ce qui concerne la non-contraignabilité d'une personne accusée sur l'initiative de la Couronne[28].

Cela semble être la fin de toute tentative de s'appuyer sur la cause Gosselin pour affirmer que l'habilité comporte la notion de contraignabilité en ce qui concerne l'article 4.


Une autre question a trait à l'applicabilité de l'article 4 dans les causes qui impliquent des coaccusés. La Cour d'appel de la Colombie-Britannique a confirmé que le paragraphe 4(1) n'apporte aucune aide à la Couronne lorsqu'elle tente d'obtenir le témoignage d'un conjoint contre une personne accusée conjointement avec l'autre conjoint[29]. La question la plus difficile est de savoir si le paragraphe 4(1) affecte l'habilité d'une personne coaccusée à recourir au témoignage du conjoint de l'autre personne coaccusée. En common law, la femme d'un coaccusé ne pourrait pas être appelée à témoigner par une personne accusée conjointement avec le conjoint de cette femme[30]. Cependant, une interprétation des mots « pour la défense » du paragraphe 4(1) fondée sur la décision dans la cause Amway laisserait à entendre qu'un conjoint pourrait être habile à témoigner pour une personne coaccusée, mais ne pourrait jamais être contraignable, ce qui est la situation exacte recommandée dans la Loi uniforme sur la preuve qui n'a jamais été promulguée[31]. Ainsi, le fait de savoir si un conjoint peut témoigner pour une personne coaccusée relève du choix du conjoint témoin. Cette situation est différente de celle qui prévaut au Royaume-Uni où le conjoint témoin est habile à témoigner pour toutes les infractions, mais aussi contraignable par une personne coaccusée pour les mêmes infractions particulières qui rendraient le témoin contraignable pour la poursuite[32]. Au Canada, quelle que soit l'infraction, une personne coaccusée ne peut contraindre un témoin à présenter une preuve de disculpation lorsqu'il est un conjoint d'une personne accusée conjointement si le témoin choisit de ne pas le faire. Compte tenu des tentatives récentes de la Cour suprême pour reconnaître une exemption pour la « démonstration de l'innocence » dans le cas du privilège relatif aux indicateurs de police[33] et, même, dans le cas du privilège de secret professionnel de l'avocat[34], discutés ci-dessous, la non-contraignabilité du conjoint d'une personne coaccusée soulève des questions intéressantes.

3. Résumé des règles prévues par la loi et la common law :

Cette compilation des règles prévues par la loi et la common law produit l'ensemble des conséquences qui suit :

- Elle maintient la position générale de la common law que les conjoints ne sont pas habiles à témoigner ni contraignables pour la poursuite, à l'exception du sous-ensemble d'infractions reconnues en common law [quand la sécurité ou la personne du conjoint ont été mises en cause].

- La protection ne s'applique qu'aux personnes mariées devant la loi.

- Les personnes mariées qui ont divorcé ou qui sont séparées de façon irrémédiable ne sont couvertes ni par l'article 4 ni par les règles de la common law en matière d'inhabilité à témoigner.

- Les conjoints sont habiles à témoigner pour la défense [voir le paragraphe 4(1)].

- Les conjoints sont habiles à témoigner et contraignables pour la poursuite lorsque la personne accusée fait face à des accusations reliées à des infractions spécifiques [voir la liste reliée au paragraphe 4(2) ci-dessus] ou à certaines infractions spécifiques lorsque la victime a moins de 14 ans [voir la liste reliée au paragraphe 4(4)].


- Les conjoints habiles à témoigner ne peuvent être contraints à divulguer les communications qu'ils ont eues avec l'autre conjoint durant le mariage [voir le paragraphe 4(3)].

- Ni le juge ni le procureur ne peuvent faire un commentaire au jury au sujet du refus du conjoint de témoigner [voir le paragraphe 4(6)].

4. Privilège des communications conjugales : (a) Historique et justification :

Comme en common law la position de base était l'inhabilité à témoigner, il n'y avait aucune considération de quelque privilège que ce soit applicable aux communications conjugales. Ce développement est survenu au XIXe siècle après que la législation eut fait des conjoints des personnes habiles à témoigner, jusqu'à un certain point, dans les causes criminelles.

En Angleterre, la disposition fut promulguée en 1853. Elle prévoyait ceci :

[traduction] Aucun mari ne peut être contraint à divulguer une communication qui lui a été faite par sa femme durant le mariage, et aucune femme ne peut être contrainte à divulguer une communication qui lui a été faite par son mari durant le mariage[35].

Dans l'édition de 1950 du Phipson's Manual of Evidence, l'on décrit l'objectif de la législation comme étant le « [traduction] besoin de garantir la confiance absolue durant le mariage[36]. Rupert Cross, dans des éditions ultérieures de ce texte, a présenté la discussion qui suit de cette justification :


[traduction] En ce qui concerne la justification du privilège, nous présumons qu'il s'appuie sur le bien-fondé de promouvoir la candeur et la confiance les plus entières dans les relations conjugales, et sur le caractère non désirable qu'il y aurait à choquer l'opinion publique en contraignant un conjoint à divulguer des communications confidentielles faites par l'autre conjoint même si ce conjoint pourrait absolument ne pas vouloir le faire. Peut-être est-il discutable de savoir s'il y a un véritable fondement au premier élément. En effet, il est difficile de croire que les couples mariés auraient eu l'impression d'être contraints de quelque façon dans leurs échanges de confidences en pensant que celles-ci pourraient être divulguées en cour; mais, si l'argument au sujet de la promotion de la candeur est valide, l'on pourrait soutenir une interprétation large des lois de manière à protéger les veufs, les veuves et les personnes divorcées de la nécessité de divulguer des communications qui leur ont été transmises durant leurs mariages respectifs. Il n'est pas certain que le public demande un tel prolongement, tout comme il n'est pas certain qu'il serait pratique de limiter le privilège aux communications confidentielles conformément aux suggestions qui sont émises parfois pour améliorer cet aspect du droit. Dans l'ensemble, il semble plus sage de conserver le privilège sous sa forme atténuée actuelle ou de l'abolir entièrement[37].

L'acte de la preuve en Canada de 1893, promulguée à l'époque du premier Code criminel, contenait une forme de privilège. Toutefois, ce privilège était incorporé dans l'article qui traitait de l'habilité à témoigner et qui ne limitait pas cette habilité pour la défense :

art. 4. Compétence de l'accusé et de la femme et du mari ----- Toute personne accusée d'une infraction, ainsi que la femme ou le mari, selon le cas, de la personne accusée, sera compétente à rendre témoignage, que la personne ainsi accusée le soit seule ou conjointement avec quelque autre personne ; pourvu, néanmoins, qu'un mari ne puisse être compétent à dévoiler aucune communication qui lui aura été faite par sa femme pendant leur mariage ; et qu'une femme ne puisse être compétente à dévoiler aucune communication qui lui aura été faite par son mari pendant leur mariage[38]

Remarquez la différence dans les libellés : « contraignable » dans la loi anglaise et « compétente à rendre témoignage » dans la loi canadienne. Cela a été modifié subséquemment par le terme actuel, « contraignable » .

(b) Éléments pratiques du privilège :

(i) Non applicable aux observations : La disposition canadienne, dans sa forme originale de 1893, a fait l'objet d'un examen par la Cour suprême en 1903 dans R. c. Gosselin[39]. La Couronne avait appelé l'épouse à témoigner relativement au fait qu'elle avait observé des taches de sang sur le pantalon de l'accusé. La Cour suprême a signalé que la législation ne comprenait pas la restriction « pour la défense » qui se trouvait dans la loi anglaise de 1898 et que sa signification « simple et sans ambiguïté » était de rendre les conjoints généralement habiles à témoigner, sous réserve seulement du privilège prévu par la loi. Le juge Davies, au nom de la majorité, a conclu que « [traduction] l'altération par interpolation » des mots « pour la défense » dans la disposition irait « [traduction] à l'encontre du texte de l'article » [40]. Dans le même ordre d'idées, l'habilité à témoigner des conjoints « [traduction] n'était pas limité » . Le juge a poursuivi en statuant que le prolongement de l'habilité à témoigner comprenait la contraignabilité. Il ne restait plus que la question du privilège des communications conjugales. Le juge Davies a fait la distinction entre les observations et les communications :

[traduction] Je ne crois pas non plus que le témoignage présenté par l'épouse du prisonnier correspondait à ce qui, dans la loi, conserve l'inhabilité de cette dernière à divulguer quelque communication qui lui a été faite par son mari durant le mariage. Les faits au sujet desquels elle a témoigné étaient des faits indépendants obtenus par sa propre observation et connaissance et non pas de quelque communication faite par son mari. Elle a vu le sang sur les vêtements après que son mari eut quitté la maison pour se livrer. Elle les a lavés plus tard pour faire disparaître les taches de sang comme l'avocat lui a demandé de faire et elle a contredit le témoignage de son mari selon lequel elle n'était pas bien au moment où, a-t-il juré, il a eu un rapport sexuel avec elle[41].

Peu après que cette décision eut été rendue, l'article 4 a été modifié pour y inclure la restriction « pour la défense » [42].


(ii) Renonciation possible par le témoin : Le droit canadien établit clairement que le privilège appartient au témoin et non pas à la personne accusée[43]. Il en découle que c'est la personne qui écoute et non pas celle qui communique qui décide si celle-ci doit être divulguée. Plusieurs ont questionné la raison pour laquelle le privilège appartient à la personne qui écoute plutôt qu'à celle qui communique[44]. Si le conjoint est habile à témoigner et accepte de le faire, ou s'il est un témoin contraignable assigné à comparaître, le témoin décide ce qu'il divulguera et ce qui sera protégé[45]. La Cour d'appel du Québec a établi une jurisprudence contraire lorsqu'elle a conclu qu'un témoin qui est contraignable par la Couronne ne peut s'appuyer sur le privilège pour résister à répondre à une question pertinente[46]. Cette décision pragmatique a reçu un certain appui[47].


(iii) Privilège du divorce ou de la fin du mariage : Certaines causes canadiennes, qui s'appuient sur la cause R. c Kanester[48], laissent à entendre que le paragraphe 4(3) ne s'applique plus après le divorce ou le décès. Cela correspond au mot particulier « conjoint » de ce paragraphe 4(3) qui semble exclure le veuf, la veuve et l'ancien conjoint. Toutefois, cela peut rester un sujet de controverse[49]. Dans R c. Bailey[50], le juge d'appel Morden, au nom d'un tribunal qui comprenait le juge d'appel Martin, a dit qu'il avait lu le mémoire de la Cour suprême dans la cause Kanester et que ce point n'avait pas été soulevé devant cette cour. Il a donc signalé que cette question n'était pas encore réglée.

(iv)Communications interceptées : Les lettres écrites par l'un des conjoints à l'autre et qui sont ouvertes avant d'être livrées, puis remises à la police ont été considérées admissibles sans égard au privilège[51]. Cependant, l'écoute électronique fait l'objet d'un traitement différent. Dans R. c. Lloyd[52], la Cour suprême a examiné si les conversations entre conjoints qui sont sous écoute électronique sont assujetties au privilège en vertu du paragraphe 4(3). Cela enclencherait alors la protection prévue à ce qui était alors le paragraphe 178.16(5) du Code criminel [se reporter maintenant au paragraphe 189(6)]; celui-ci prévoyait que les renseignements privilégiés interceptés demeuraient sous privilège et inadmissibles. La Cour d'appel de la Colombie-Britannique avait conclu que le paragraphe 4(3) ne s'appliquait pas puisqu'il s'agissait d'un « privilège attaché à un témoin et non pas à l'information » . Au nom de la majorité, le juge Laskin, CCM, a rejeté ce point de vue trop étroit de l'interaction entre le paragraphe 4(3) et les dispositions sur l'écoute électronique. Dans le même ordre d'idées, les conversations conjugales interceptées n'ont pas été déclarées admissibles.

5. Développements connexes récents dans le droit de la preuve canadien :

(a) Confidentialité Au début des années 1990, la Cour suprême a exprimé des réserves au sujet des privilèges génériques et a favorisé l'analyse cas par cas. La question a été soulevée dans le contexte d'une déclaration faite par une paroissienne à son pasteur[53]. En rejetant un « privilège du secret de la confession » , la cour a accepté que certaines communications confidentielles devaient être protégées contre toute divulgation lors de procédures judiciaires si elles répondent au critère qui suit (connu sous l'appellation de critère Wigmore[54] ) :

1         1. les communications ont été transmises confidentiellement avec l'assurance qu'elles ne seraient pas divulguées;

2         le caractère confidentiel est un élément essentiel au maintien complet et satisfaisant des rapports entre les parties;

3         les rapports sont de la nature de ceux qui, selon l'opinion de la collectivité, doivent être entretenus assidûment;

4         le préjudice permanent que subiraient les rapports par la divulgation des communications est plus considérable que l'avantage à retirer d'une juste décision.

Dans Gruenke, la cour a conclu que la communication ne répondait pas au premier critère (les communications ont été transmises confidentiellement avec l'assurance qu'elles ne seraient pas divulguées). Dans une cause subséquente, A.(M.) c. Ryan[55], la Cour suprême a examiné la question inhabituelle suivante : les notes d'un psychiatre sont-elles l'objet d'un privilège et, par conséquent, sont-elle protégées contre la divulgation dans une poursuite au civil engagée par un ancien patient contre le psychiatre. La patiente, partie plaignante, s'objectait à la divulgation en tentant de conserver la confidentialité des communications qu'elle avait eues avec son ancien thérapeute. Au nom de la majorité, la juge McLachlin, c'était son titre alors, a fait les observations suivantes au sujet du privilège et des changements dans la réalité sociale :

Les principes de common law qui sous-tendent la reconnaissance d'un privilège interdisant la divulgation sont simples. Ils découlent de la proposition fondamentale selon laquelle toute personne a une obligation générale de faire un témoignage pertinent quant à la question dont le tribunal est saisi, de manière à ce que la vérité puisse être découverte. La common law permet d'apporter, à cette obligation fondamentale, certaines exceptions connues sous le nom de privilèges, lorsqu'on peut démontrer qu'elles sont requises par un [TRADUCTION] « intérêt public qui transcende le principe normalement prépondérant du recours à tous les moyens raisonnables pour découvrir la vérité » : Trammel c. United States, 445 U.S. 40 (1980), à la p. 50.


Même si on a déjà cru que les circonstances à l'origine d'un privilège étaient désignées par des catégories définies au cours des siècles précédents - des catégories qui ne comprennent pas les communications entre une psychiatre et sa patiente - il est maintenant reconnu que la common law permet l'existence d'un privilège dans de nouvelles situations où la raison, l'expérience et l'application des principes qui sous-tendent les privilèges traditionnels le requièrent : Slavutych c. Baker, [1976] 1 R.C.S. 254; R. c. Gruenke, [1991] 3 R.C.S. 263, à la p. 286.

.

Il s'ensuit que le droit en matière de privilèges peut évoluer de manière a refléter la réalité sociale et juridique contemporaine. L'un des éléments de cette réalité est le fait que le droit se préoccupe de plus en plus des torts causés par les agressions sexuelles et des graves répercussions que ces agressions ont sur la santé et la productivité des nombreux membres de la société qui en sont victimes. Un autre élément de la réalité contemporaine est le fait que le traitement médical n'est plus limité aux répercussions physiques, mais vise les séquelles mentales et émotionnelles au moyen de techniques comme la consultation d'un psychiatre. Et il y a encore un autre élément récent qui peut être pris en considération relativement aux nouvelles revendications de privilège, soit la Charte canadienne des droits et libertés adoptée en 1982.

Je prends ici le temps de souligner qu'en examinant la Charte il importe de garder à l'esprit la distinction que notre Cour a établi entre appliquer la Charte à la common law, d'une part, et garantir que la common law reflète les valeurs de la Charte, d'autre part[56].

La juge a conclu qu'il « est loisible à un juge de statuer que les dossiers d'un psychiatre concernant un patient sont des documents privilégiés, lorsque cela est indiqué[57] » Elle a alors appliqué le critère de la cause Gruenke en signalant que la plupart des causes répondraient aux trois premiers éléments, laissant ainsi la décision à l'équilibre exigé par le quatrième. En définitive, la majorité a confirmé l'ordonnance qui permettait une divulgation restreinte de certains documents aux avocats et aux experts de défense.



(b) Ouï-dire : Un changement important est survenu dans le droit de la preuve en 1990 lorsque la Cour suprême a reconnu que la preuve par ouï-dire pouvait être admise même si elle n'était pas considérée comme une des exceptions reconnues, pourvu qu'elle soit fiable et nécessaire[58]. Cette expansion de la preuve admissible est pertinente à la question de l'habilité à témoigner et au témoignage de conjoints. Dans une cause subséquente, R c. K.G.B[59], la Cour suprême faisait face à une situation où les témoins se rétractaient relativement à leurs témoignages antérieurs en disant qu'ils avaient menti lorsqu'ils avaient incriminé la personne accusée. En se fondant sur la nouvelle catégorie discrétionnaire que constituent la « fiabilité et la nécessité » pour établir l'admissibilité, la cour a statué que les témoignages incohérents antérieurs pouvaient être invoqués comme étant vrais dans ces circonstances s'il y avait des garanties suffisantes de vérité pour justifier un « seuil » [60] de fiabilité. Le juge Lamer, CCM, au nom de la majorité, a signalé que certaines faiblesses traditionnelles du ouï-dire (absence, pas d'assermentation et pas de contre-interrogatoire) pouvaient se régler par des techniques comme l'enregistrement sur bande vidéo et l'assermentation des témoignages. De plus, le témoin qui se rétracte est à la barre et peut faire l'objet d'un contre-interrogatoire. À la suite de cette décision, les « applications de K.G.B. » , comme on les connaît, sont communes dans les causes de violence familiale lorsqu'un conjoint ne se présente pas à titre de témoin. Bien sûr, dans de telles causes, le conjoint est un témoin habile à témoigner et contraignable en raison de l'exception prévue par la common law. Même si un témoin n'est pas contraignable, il est possible d'admettre une déclaration hors-cours antérieure si elle répond au critère que constituent la « fiabilité et la nécessité » . Dans R c. Hawkins[61], la Cour suprême a conclu que l'inhabilité du conjoint répondait au critère de la nécessité. Voici ce que cela signifie : que les conjoints soient contraignables ou non, la possibilité du témoignage du conjoint, témoignage assujetti à un privilège conjugal, existe dans la mesure où la police a interrogé et enregistré la déclaration de manière à refléter les « garanties circonstancielles de vérité » . Dans certains ressorts canadiens, cette nouvelle catégorie de causes, combinée à un désir de poursuivre efficacement dans les causes de violence familiale, a conduit à des pratiques d'interrogatoire policier améliorées en vue d'améliorer la possibilité d'une admissibilité future. Il faut trouver des substituts aux faiblesses traditionnelles du ouï-dire (absence, non -assermentation et pas de contre-interrogatoire) qui peuvent fournir les garanties circonstancielles de vérité[62]. Bien que l'expansion des situations dans lesquelles les personnes sont contraignables puissent produire des problèmes de rétractation ou de dérobade, la nouvelle catégorie de causes offre des mécanismes de réaction en favorisant de meilleures pratiques d'interrogatoire.


(c) Exception concernant la démonstration de l'innocence La Cour suprême a rendu récemment deux décisions qui jettent un nouvel éclairage sur l'habilité d'une personne accusée de présenter une preuve absolutoire même en présence d'un privilège reconnu. Dans R.c. Leipert[63], la Cour suprême a examiné si une personne accusée a droit aux détails d'une indication d' « Échec au crime » dans le cadre de son droit à une réponse et à une défense entières. La Couronne a refusé de divulguer l'information en s'appuyant sur le privilège relatif aux indicateurs de police que prévoit la common law. Le juge de première instance a biffé le nom de l'informateur de la fiche d'indication et a ordonné la divulgation du reste de la fiche. La Couronne a plutôt clôturé sa preuve et la personne accusée a été acquittée. La Cour d'appel a renversé ce jugement et ordonné la tenue d'un nouveau procès. En Cour suprême, la juge McLachlin, ce qu'elle était alors, au nom de la majorité, a réaffirmé l'importance fondamentale du privilège relatif aux indicateurs de police pour les enquêtes criminelles. Contrairement aux autres formes de privilèges comme le privilège de la Couronne ou le privilège de confidentialité, qui existaient, il n'y a pas à le soupeser par rapport à d'autres intérêts. Il ne dépend pas de la discrétion du juge. Le privilège appartient à la Couronne, mais on ne peut y renoncer, ni explicitement ni implicitement, sans le consentement de l'indicateur. Il n'est assujetti qu'à une seule exception, celle de la « démonstration de l'innocence » qui survient lorsqu'il y a un « motif de conclure que la divulgation de l'identité de l'indicateur est nécessaire pour démontrer l'innocence de l'accusé » . La spéculation relative à l'utilité pour la défense est insuffisante. En définitive, la cour a conclu que l'exception ne s'appliquait pas et que la divulgation n'aurait pas dû être ordonnée.

Dans sa discussion du principe de justice fondamentale reconnu par la Charte, selon lequel une personne innocente ne doit pas être reconnue coupable, la juge McLachlin a statué :

Dans la mesure où des règles et privilèges empêchent une personne innocente d'établir son innocence, ils doivent céder le pas au droit à un procès équitable garanti par la Charte. En permettant de faire exception au privilège dans le cas où l'innocence d'une personne est en jeu, la règle de common law du privilège relatif aux indicateurs de police ne contrevient pas à ce principe[64].


Bien sûr, cet argument général a des incidences sur tous les types de privilèges ou de protections. La cause R. c. McClure[65] l'a confirmé quand la Cour suprême a étendu l'exception concernant la démonstration de l'innocence de l'accusé à la communication avocat-client, même si le critère utilisé est plus rigoureux. Pour éclipser le privilège, l'accusé doit démontrer que les renseignements recherchés « ne peuvent pas être obtenus ailleurs et qu'il est incapable de susciter de quelque autre façon un doute raisonnable quant à sa culpabilité[66] » . Il ne peut s'agir d'un exercice spéculatif. Le juge de première instance doit d'abord déterminer s'il existe un élément de preuve privilégié qui « pourrait » susciter un doute raisonnable. Dans l'affirmative, le juge examine cet élément pour déterminer s'il « suscitera probablement un doute raisonnable » . L'élément de preuve doit se rapporter directement à un aspect de l'infraction et il ne peut avoir pour seule utilité de fournir un outil d' « attaque accessoire » comme, par exemple, un renseignement pouvant servir à attaquer la crédibilité d'un témoin de la Couronne. C'est seulement si l'élément de preuve répond à ce critère qu'un juge peut ordonner sa production, même si elle enfreint le secret professionnel de l'avocat.

L'analogie avec la situation actuelle d'un conjoint témoin et d'un coaccusé est claire. En se référant à l'argument de la démonstration de l'innocence de l'accusé, un coaccusé peut assigner à témoigner un conjoint qui s'oppose à la contraignabilité en vertu du paragraphe 4(1) ou même qui invoque le privilège des communications conjugales en vertu du paragraphe 4(3). En s'appuyant sur les causes Leipert et McClure, le coaccusé possède un argument puissant pour contraindre le conjoint à témoigner, s'il peut démontrer que celui-ci possède des renseignements susceptibles de prouver l'innocence du coaccusé. Si le juge de premièreinstance a ordonné au conjoint de témoigner pour le compte du coaccusé, le point intéressant est de savoir si, lors du contre-interrogatoire par le ministère public, il sera possible de poser des questions à propos du conjoint du témoin, lui aussi accusé. Le paragraphe 4(3) pourra certainement être invoqué si une communication faite pendant le mariage est en cause. Toutefois, qu'en sera-t-il si l'objet de la question concerne l'observation antérieure d'un fait pertinent? Cet élément n'est pas visé par le paragraphe 4(3). L'avocat de la défense pourra faire objection en alléguant que le témoignage peut mettre en danger l'harmonie conjugale et qu'il est déplacé d'obliger un conjoint à présenter un témoignage incriminant. On ne peut qu'émettre des hypothèses sur la décision que prendra le juge[67].

Partie II : Options en vue d'une réforme 1. Autres ressorts :

a) Etats-Unis : Dans les causes pénales fédérales aux États-Unis, les conjoints sont habiles à témoigner, mais ne peuvent y être contraints. Cette situation est souvent décrite comme un privilège du témoin. Autrement dit, le témoin peut s'opposer à être appelé à la barre par la poursuite, mais l'accusé ne le peut pas[68]. Cette manière de procéder ne s'applique toutefoisqu'aux couples légalement mariés[69]. La protection de l'harmonie conjugale est le principe généralement invoqué dans ces cas. Dans certains États pourtant, les lois traitent les conjoints de la même façon que les autres témoins[70], conformément à la règle 601 des Federal Rules of Evidence selon lesquelles « toute personne est habile à témoigner, à moins d'indication contraire dans les présentes règles » [71].

On a décrit le privilège des communications conjugales comme la « repousse tardive d'un vieil arbre[72] » . Les efforts entrepris aux États-Unis pour accorder un privilège spécial aux conversations et aux communications entre conjoints remontent à 1842[73]. Ce privilège visait à encourager et à protéger les confidences conjugales. En 1999, on trouvait dans presque tous les États une disposition qui interdisait la divulgation des communications entre des conjoints, même si le conjoint était habile à témoigner[74]. La plupart des ressorts exigent que la communication soit confidentielle[75]; or, les communications privées entre conjoints sont présumées confidentielles[76]. Conformément au point de vue de Wigmore, la plupart des ressorts estiment que le détenteur du privilège est le communicateur, et non le témoin[77].

b) Royaume-Uni : Le régime en vigueur au Royaume-Uni est exposé à l'article 80 de la Police and Criminal Evidence Act[78] de 1984; il s'inspire en grande partie d'un avant-projet recommandé par le Comité de révision du droit pénal[79]. Légèrement modifié en 1999, ce régime stipule que les conjoints sont habiles à témoigner pour le compte de la poursuite et d'un coaccusé, à moins que le conjoint qui témoigne soit aussi un coaccusé[80]. Un conjoint peut être contraint à témoigner pour le compte de l'accusé, à moins que le conjoint soit aussi coaccusé[81]. Les conjoints sont seulement contraignables par la poursuite ou par un coaccusé en cas d' « infraction spécifiée » consistant :

[traduction]

a) en des voies de fait, une blessure ou une menace de blessure à l'endroit de l'épouse ou du mari [de l'accusé] ou d'une personne qui avait moins de 16 ans à l'époque pertinente;

b) en une infraction sexuelle présumément commise contre une personne qui avait moins de 16 ans à l'époque pertinente;

c) en une tentative ou une conspiration en vue de commettre une infraction visée aux paragraphes a) ou b) ci-dessus, ou consistant à se faire complice, à conseiller, à amener ou à inciter à commettre cette infraction[82].

Deux éléments méritent d'être soulignés. Premièrement, il s'agit d'un code complet qui ne conserve rien de la common law. Deuxièmement, tout privilège préexistant relatif aux communications conjugales a été annulé par le paragraphe 80(9) de la loi de 1984.

On peut résumer brièvement la situation en disant qu'au Royaume-Uni, le conjoint est habile à témoigner pour le compte de la poursuite dans presque tous les cas, mais qu'il est seulement contraignable pour le groupe d'infractions avec violence et d'infractions sexuelles où les victimes sont le conjoint ou une personne de moins de 16 ans. Dans le cas d'un coaccusé, le conjoint d'une personne accusée conjointement est habile à témoigner, mais il n'est contraignable que pour le groupe d'infractions où la poursuite peut aussi contraindre le conjoint à témoigner. La loi stipule explicitement qu'une personne divorcée est habile et contraignable à témoigner « comme si elle n'avait jamais été mariée avec l'accusé[83] » .

c) Australie : Jusqu'à récemment, le régime de la plupart des ressorts australiens stipulait que le conjoint d'un accusé n'est pas contraignable par la poursuite. Ce régime a toutefois été modifié dans deux États[84] où le conjoint est devenu contraignable sous réserve du pouvoir discrétionnaire du juge de première instance de le dispenser de témoigner. À Victoria, un juge peut dispenser un conjoint, un parent ou un enfant de témoigner si « [traduction] a) la probabilité d'un préjudice aux relations entre l'accusé et le témoin prévu, b) la rudesse de contraindre le témoin prévu à témoigner ou c) l'effet combiné de a) et de b) l'emportent sur l'intérêt que l'obtention de la preuve présente pour la collectivité » [85]. La loi énumère les facteurs dont le juge doit tenir compte :

- nature de l'infraction;

- importance de la preuve;

- disponibilité d'autres preuves pour établir les faits;

- nature « de droit et de fait » de la relation;

- « effet probable sur la relation et conséquences affectives, sociales et économiques probables si le témoin prévu est contraint à témoigner » ;

- existence d'un abus de confiance[86].

Après avoir examiné la question, la Commission de réforme du droit australien a été impressionnée par cette approche. Elle a alors recommandé qu'un conjoint, y compris un conjoint de fait, ainsi que les parents et les enfants d'un accusé soient contraignables sous réserve du pouvoir discrétionnaire du juge de les en dispenser s'il conclut que le « préjudice directement ou indirectement causé au témoin ou à la relation entre le témoin et l'accusé [...] l'emporte sur l'opportunité de recevoir le témoignage[87] » . Après avoir sollicité des commentaires sur son projet provisoire, la Commission a reçu un appui substantiel. Dans son rapport final, elle a ajouté la crainte d'un « risque grave de préjudice » aux raisons possibles de dispenser un témoin[88]. Même si la Commission a recommandé un privilège discrétionnaire général pour les communications confidentielles quand il existe une obligation légale, déontologique ou morale de ne pas les divulguer, elle n'a pas préconisé de privilège spécifique pour les communications conjugales. Le critère recommandé pour définir le privilège relatif à la confidentialité est semblable à celui que la Cour suprême du Canada a adopté dans Gruenke.

Les recommandations de la Commission ont abouti à l'Evidence Act de 1995[89]. Selon l'article 12 de cette loi, toute personne est habile à témoigner et toute personne habile est également contraignable, à moins d'indication contraire. L'article 7 stipule que les personnes accusées ne sont pas habiles à témoigner pour la poursuite et qu'un coaccusé n'est pas contraignable, sauf s'il subit un procès distinct. L'article 18 traite des conjoints et des personnes parentes qui seraient normalement habiles et contraignables à témoigner. Le paragraphe 18(2) stipule que le conjoint, le conjoint de fait, le parent ou l'enfant d'un accusé peut s'objecter à l'obligation de témoigner ou de divulguer une communication avec l'accusé. Même si le témoin doit présenter son objection avant de témoigner, le tribunal doit être convaincu qu'il est au courant de son droit de faire objection[90]. Le tribunal doit autoriser une personne à ne pas témoigner de façon générale ou au sujet d'une communication particulière s'il prévoit :

[traduction]

(a) qu'un préjudice (direct ou indirect) risque d'être causé à cette personne ou à sa relation avec l'accusé;

(b) que la nature et l'importance du préjudice l'emportent sur l'opportunité d'obtenir le témoignage[91].

La loi énumère les facteurs à prendre en considération :

a)       nature et gravité de l'infraction pour laquelle l'accusé est poursuivi;

b) nature et importance de la preuve que la personne peut présenter et poids probable de cette preuve;

c) possibilité raisonnable que le procureur dispose d'une autre preuve à propos des questions auxquelles le témoignage de la personne est censé se rapporter;

d) nature de la relation entre l'accusé et la personne;

e) obligation pour le témoin de dévoiler des renseignements qui lui ont été communiqués à titre confidentiel par l'accusé[92].

Une exemption limitée rend le régime de l'article 18 inapplicable à un petit nombre d'infractions dans le territoire de la capitale australienne (Australian Capital Territory), notamment des infractions liées aux enfants ou à la violence familiale[93].

Cette approche constitue un compromis intéressant à trois égards. Premièrement, elle porte sur un éventail plus large de témoins susceptibles d'entretenir des relations intimes avec l'accusé. Deuxièmement, même si, au départ, elle présume que tout le monde est contraignable, elle permet de dispenser une personne dont le témoignage risque de nuire au témoin ou à la relation. Troisièmement, elle tient compte du fait que le témoignage prévu inclut un abus de confiance.

2. Évaluation des options disponibles

Il est essentiel qu'un projet de réforme ait une cohérence intrinsèque, c'est-à-dire qu'il s'appuie sur des principes solides et que ses différentes facettes contribuent à promouvoir les principes, et non à les miner. En conséquence, il vaut la peine d'essayer d'établir une liste des principes susceptibles d'entrer en jeu.

(i) Principes et valeurs pertinents :

- le droit de la preuve canadien est fondé sur le concept voulant que tous les éléments de preuve pertinents soient admis, à moins qu'une règle ou un principe de droit clairs ne les excluent[94];

- un des aspects du respect de la dignité humaine exprimé dans la Charte canadienne des droits et libertés est le respect du droit d'une personne de faire des choix[95];

- les personnes qui composent notre milieu entretiennent différentes relations qui, à des degrés divers, sous-entendent un certain degré d'intimité et de dépendance. La plupart de ces relations présentent une valeur intrinsèque et doivent être protégées des intrusions injustifiées de l'État. Le mariage légal n'est qu'une de ces relations;

- les infractions pénales présentent différents degrés de gravité, de préjudice et de risque;

- le droit de la preuve canadien protège les communications confidentielles, sauf quand leur divulgation présente une importance prédominante pour l'intérêt public;

- quand il s'agit vraiment de démontrer l'innocence de l'accusé, les règles de preuve et le privilège relatif à la preuve tendent à s'estomper.


Compte tenu de ces principes, nous pouvons commencer à évaluer les différentes options.

(ii) Habilité : Rien ne semble justifier le maintien d'un régime dans lequel, en raison de sa situation juridique, une personne se voit refuser la possibilité de choisir de présenter des preuves. L'idée d'inhabilité est inconciliable avec le respect universel et elle abaisse la personne qui peut être contrainte à garder le silence malgré son désir de témoigner. L'habilité est une marque d'autonomie personnelle. Les enfants qui témoignent ne sont pas réputés inhabiles; si un enfant a mois de 14 ans, le juge de première instance doit entreprendre une recherche pour déterminer s'il est capable de témoigner[96]. Si un conjoint choisit de témoigner, son choix devrait passer avant toute affirmation présomptive voulant que l'inhabilité protège l'harmonie conjugale. Pour la même raison, il n'est pas fondé d'étendre l'inhabilité à d'autres relations. La question des mobiles du témoin peut être examinée pendant le témoignage à des fins de crédibilité, mais elle ne doit pas influer sur l'habilité.


(iii) Contraignabilité : Cet aspect soulève des questions délicates sur les circonstances où il est pertinent de contraindre une personne à présenter des preuves qui peuvent incriminer un proche et mener à sa condamnation. Les paragraphes 4(2) et (4) actuels autorisent une telle contrainte pour un éventail d'infractions pas entièrement homogène, axé sur diverses infractions sexuelles et infractions contre des enfants. La common law ajoute à cette liste les infractions où le conjoint est victime de violence. Dans certaines causes visées par la contraignabilité élargie, il existera toujours une pénurie de témoins vu la nature de l'infraction. Toutefois, la liste n'inclut pas certains des délits les plus graves (meurtre, tentative de meurtre, voies de fait graves), à moins que la victime ait moins de 14 ans. Il subsiste par conséquent des cas graves où on ne peut contraindre le conjoint à témoigner. Comme il importe de poursuivre vigoureusement les délits graves, on peut alléguer que la poursuite ne doit pas être privée de témoignages probants et pertinents.

Le principe contraire consiste à dire qu'il est inconvenant de contraindre des personnes à participer à l'incarcération de leurs proches et que cette démarche est préjudiciable à leur relation. Cet argument ne s'applique pas seulement aux personnes légalement mariées. Des personnes non mariées, mais entretenant des relations avec l'accusé peuvent se voir contraintes de témoigner sans qu'on tienne compte de l'intégrité de leurs relations ou de la gravité de l'infraction. Chacun peut se rappeler l'image d'époux, de conjoints de fait, d'enfants et de parents en larmes et torturés par un sentiment de culpabilité, que l'on a avisés du pouvoir de sanction pour outrage au tribunal s'ils refusent de répondre aux questions concernant leur proche. Est-ce un spectacle que nous souhaitons encourager ? Malgré les apparences, est-il juste de contraindre un jeune enfant à témoigner contre sa mère ou son père ?

Les options sont les suivantes :

(A) Élargir le champ d'application de la protection actuelle afin d'inclure d'autres relations. Cette option éviterait de façon générale qu'on puisse contraindre des personnes placées dans une situation comparable à celle d'un conjoint, mais elle maintiendrait leur contraignabilité pour les infractions dont elles sont les victimes et pour les infractions visées aux paragraphes 4(2) et (4). Cette option soulèverait des problèmes de définition : qui ferait partie de la catégorie des relations assez intimes pour justifier cette protection ? De plus, la poursuite devrait renoncer au témoignage des personnes inscrites dans cette catégorie, quelle que soit la gravité de l'infraction.

(B) Abroger toute exemption et rendre toutes les personnes contraignables sur l'ordre du ministère public ou d'un coaccusé, quels que soient le préjudice possible et la nature de l'infraction. Certains estiment que cette option place la fonction de recherche de la vérité au premier plan dans un procès criminel. On doit toutefois noter que le système de justice canadien reconnaît d'autres privilèges (privilège juridique, raisons d'intérêt public, privilège relatif aux indicateurs de police) et fixe un seuil très élevé avant qu'on puisse les écarter pour rechercher la vérité. D'autres règles d'exception fondées sur l'injustice (confessions involontaires par exemple) interviennent aussi pour tenir les éléments pertinents hors de la portée du juge des faits. Il est donc un peu exagéré de dire que la recherche de la vérité éclipse toujours les autres considérations.

(C) S'inspirer du modèle de compromis australien et prévoir une exception discrétionnaire adaptée aux faits de la cause : nature de l'accusation, nature des relations, nature de la preuve, possibilité de conséquences dommageables du témoignage.

(iv) Privilège relatif aux communications conjugales :

Le droit canadien pose problème pour plusieurs raisons. L'argument qui justifie ce privilège est le désir d'encourager et de protéger les confidences entre conjoints, mais il peut être rompu par le divorce ou le décès d'une des parties. De plus, il est exercé par la personne qui écoute et non par celle qui communique. S'il est fondé d'assurer une certaine protection aux confidences, le privilège ne devrait pas être réservé aux personnes mariées légalement. Même si le privilège relatif aux communications conjugales subsiste à divers degrés aux États-Unis, il s'applique seulement aux communications faites à titre confidentiel. Or, de nombreux ressorts américains considèrent les communications privées comme confidentielles. La protection est fondée sur le caractère confidentiel, considération plus étroite que celle du droit canadien qui s'applique à toutes les communications.

Il ressort clairement que la situation actuelle n'est pas défendable. Comme on l'a vu précédemment, ce privilège a été abrogé au Royaume-Uni, alors qu'en Australie, le respect de la confidentialité a été intégré au critère du pouvoir discrétionnaire. Voici les options possibles au Canada :

(A) maintenir le privilège, mais le raffiner afin de lui donner une cohérence intrinsèque;

(B) élargir l'éventail de personnes auquel il s'applique afin d'accroître sa cohérence;

(C) l'abroger et faire en sorte que toutes les questions concernant la confidentialité soient réglées à l'aide du critère Gruenke;

(D) s'inspirer du modèle australien qui intègre le souci de la confidentialité à la décision discrétionnaire générale.

Si on examine les quatre options, on se rend compte qu'à des degrés divers, le modèle australien semble répondre à tous les objectifs. Le seul argument en faveur du maintien du privilège est sa valeur intrinsèque d'encourager les confidences dans les relations conjugales ou les autres relations intimes. Si, pourtant, les tribunaux et les assemblées législatives du Canada ne sont pas prêts à accorder une immunité générique au secret professionnel du psychiatre et au secret de la confession, il est difficile d'alléguer que le mariage se situe à un niveau plus élevé. Pour qu'une relation soit viable et heureuse, est-il indispensable que chaque partenaire révèle tous ses secrets à l'autre partie ? Selon moi, c'est une affirmation difficile à accepter. En conséquence, le modèle australien est très attrayant.

(v) Évaluation du modèle australien :

Selon Jeffrey Schnoor[97], auteur d'un document préparé dans le cadre de la Conférence sur l'harmonisation des lois au Canada, l'inconvénient de cette approche est l'incertitude qu'elle risque de susciter. Le fait que les procureurs doivent attendre la décision du juge de première instance avant de savoir s'ils peuvent s'appuyer sur le témoignage d'un conjoint ou d'un autre intime, complique la planification du procès. Ce point n'est pas certes négligeable. Toutefois, nous vivons à une époque où le pouvoir discrétionnaire des juges joue un rôle accru dans les causes fondées sur des preuves. La nouvelle exception résiduelle à l'exclusion du ouï-dire fondée sur la nécessité et la fiabilité, - parfois nommée l'approche fondée sur des principes -, crée une incertitude à propos des éléments à forte valeur probante, tant que le voir-dire et la prise de décision ne sont pas terminés. L'admission de preuves factuelles similaires, récemment décrite comme une « conduite désuète et indigne[98] » , peut constituer une question décisive dans un procès. Il s'agit là aussi d'une question régie par une décision discrétionnaire plutôt que par une règle absolue[99]. Mentionnons également la confidentialité au cas par cas mise en oeuvre par Gruenke et Ryan et examinée précédemment, de même que la reconnaissance récente du pouvoir discrétionnaire résiduel du juge d'exclure une preuve si son effet dommageable surpasse sa valeur probante[100]. Certes, la reconnaissance du pouvoir discrétionnaire accru des juges rend de nombreuses questions incertaines jusqu'à la tenue du procès et jusqu'à la prise de décision par le juge de première instance, mais cela est devenu une réalité dans le contexte canadien des procès criminels et les parties semblent s'y être adaptées.

La Commission australienne de réforme du droit a souligné que ses propositions, présentées dans un rapport préliminaire, ont reçu un appui substantiel, mais qu'elles se sont principalement heurtées à l'opposition des procureurs qui craignaient de perdre du temps et des preuves pertinentes. Pour répondre à ces préoccupations, la Commission a fait enquête à Victoria et dans le sud de l'Australie où des propositions similaires sont déjà implantées depuis quelque temps. Voici ses conclusions :

[traduction]

Selon les renseignements obtenus, l'approche suscite la satisfaction générale; la question est rarement soulevée et, si cela arrive, les interrogations ne durent pas longtemps[101].

La question de la perte de preuves pertinentes prête à la controverse et on lui a peut-être accordé trop d'importance. Vu la dynamique des relations personnelles, la perspective de s'appuyer sur les preuves fournies par une personne étroitement liée à l'accusé présente toujours un certain élément d'incertitude. Le procureur se heurte à un problème si un témoin contraignable se rétracte ou se dérobe ou s'il est dispensé de témoigner. Dans les deux cas, l'élargissement de l'admissibilité des déclarations extrajudiciaires antérieures dans le sillage des causes Khan/Smith/K.G.B. examinées précédemment[102], règle la question. Si une déclaration a été recueillie antérieurement dans des circonstances jugées suffisamment dignes de foi pour répondre au critère de fiabilité, la déclaration antérieure peut être admissible. La question de la nécessité est certainement plus facile à trancher s'il est décidé que le témoin n'est pas contraignable[103]. En conséquence, la perte de preuves pertinentes ne devrait pas constituer une préoccupation importante, et l'Australie semble s'en être rendu compte.

La loi australienne présente toutefois une déficience : elle s'applique seulement aux époux, aux conjoints de fait, aux parents et aux enfants, mais n'inclut pas les frères et soeurs ou les autres personnes qui peuvent entretenir des relations intimes avec l'accusé. On pourrait envisager l'ajout d'un membre de phrase comme « ou toute personne entretenant des relations intimes avec l'accusé » , ces relations pouvant être définies comme un lien affectif et économique assorti d'une dépendance mutuelle. La disposition engloberait ainsi les frères et soeurs qui cohabitent, et peut-être d'autres personnes répondant à ce critère. Elle ne mentionne pas non plus la contrainte par un coaccusé, ce qui empêche de recourir au mécanisme d'objection prévu par la loi quand un époux ou une épouse, un conjoint de fait, un parent ou un enfant sont contraints de témoigner pour le compte d'un coaccusé.

3. Conclusion Il existe de nombreuses raisons de recommander le modèle australien qui constitue un compromis réel dans de nombreux domaines. Le terme « compromis » n'est peut-être pas le meilleur, car il peut sembler présenter une connotation négative. Peut-être serait-il plus exact de dire que le modèle concilie des intérêts opposés et fournit un cadre très fécond qui entraîne peu de sacrifices. Lorsqu'un cas le justifie, il protège les confidences et évite les situations difficiles, sans toutefois perdre de vue l'importance de permettre au système de justice de recueillir des preuves pertinentes. Il élimine en outre bon nombre des situations anormales et contradictoires qui caractérisent actuellement le droit canadien. Outre ces avantages, il permet de définir de façon avisée les relations intimes pertinentes, de même que l'éventail de facteurs dont le tribunal doit tenir compte lorsqu'il aborde la question de la contraignabilité.

En ce qui concerne la situation du coaccusé, il se pourrait que le droit canadien à venir cesse de rejeter des preuves disculpatoires pour la simple raison que le détenteur de ces preuves est le conjoint d'un coaccusé. Il serait facile d'adapter le modèle australien de manière à y inclure cette situation, tout en veillant à éviter les abus liés à l'élargissement du mécanisme d'exemption discrétionnaire. L'ajout de mots tels que « à titre de témoin de la poursuite ou d'un coaccusé » dans le processus initial permettrait au pouvoir discrétionnaire des juges de limiter l'utilisation de ce groupe de témoins par un coaccusé. La décision judiciaire corrélative pourrait aussi traiter du besoin de limiter l'interrogatoire concernant le conjoint du témoin. Même si la question du coaccusé peut sembler ésotérique et d'une application limitée, il importe de l'aborder dans le cadre d'une réforme législative, quitte à attendre qu'une décision ait été prise au sujet de l'orientation générale de la réforme.

Le modèle australien est en harmonie avec l'approche plus fonctionnelle et moins catégorique que la Commission du droit semble avoir adoptée dans le reste de son rapport préliminaire. Il reconnaît la valeur des différentes relations et encourage l'évaluation équitable de leur nature et du degré d'interdépendance affective, économique ou sociale qui les caractérise. Il a aussi l'important avantage d'être déjà implanté dans un autre ressort.



[1] La Cour suprême a utilisé les termes descriptifs « arbitraire » et « archaïque » , voir R. c. Hawkins (1996), 111 C.C.C. (3e) 129 (C.S.C.) à la p. 146.

[2] Voir les commentaires du juge Iacobucci dans R. c. Salituro, [1991] 3 R.C.S. 654 à la p. 670, où celui-ci explique quand le tribunal devrait entreprendre de réformer la common law pour se conformer aux valeurs de la Charte et à l'évolution de la réalité sociale.

[3]    Voir les commentaires du juge d'appel Blair dans R. c. Salituro (1990), 56 C.C.C. (3e) 350 (Ont. C.A.) aux pp. 353-354, selon lesquels la règle « remonte au XVIe siècle, mais a été soulignée pour la première fois par Lord Coke en 1628; Co. Litt., 6b » .

[4] Également connue sous le nom de Lord Denman's Act, 6 & 7 Vict., c. 85. L'inhabilité des époux s'est toutefois poursuivie jusqu'en 1984, année où l'article 80 de la Police and Criminal Evidence Act a rendu les conjoints habiles à témoigner pour le compte de la poursuite ou de l'accusé à moins qu'ils ne soient accusés conjointement, et contraignables par la poursuite ou par un coaccusé à moins que l'infraction ne concerne des voies de fait ou des menaces à l'endroit du conjoint, ou encore des voies de fait ou une infraction sexuelle à l'endroit d'une personne de moins de 16 ans; voir infra la discussion aux pp. 26-27.

[5] (1849), 12 Vict., c. 70.

[6] Voir Hawkins, supra note 1 aux pp. 146-147.

[7] Voir par exemple R. c. Sillars (B.C. C.A.) à la p. 286, où le juge d'appel Craig s'appuie sur Wigmore pour cet argument secondaire. On retrouve aussi cet élément dans le English Criminal Law Revision Committee's 11th Report, Evidence (General), Cmnd. 4991 (1972) cité par le juge d'appel McLachlin dans R. c. McGinty, infra à la note 14.

[8] Voir par exemple R. c. Cote (1972), 5 C.C.C. (2e) 49 (Sask. C.A.).

[9] Voir Pedley c. Wellesley (182), 3 C & P 558; Hoskyn c. Metropolitan Police Commissioner, [1979] AC 474.

[10] Voir R. c. Kobussen (1995), 130 Sask. R. 147 (QB) à la p. 153; voir aussi R. c. Lonsdale (1973), 15 C.C.C. (2e) 201 (Alta. C.A.) à la page 203, M. le juge d'appel Sinclair.

[11] Pour ce qui est de la jurisprudence britannique, voir R. c. Thompson (1872), 12 Cox C.C. 202 (C.C.C.R.), M. le juge Bovill, où l'on peut lire : « nous sommes tous d'avis qu'en ce qui concerne l'admissibilité de sa preuve au procès, l'épouse d'un des prisonniers se trouve dans la même position que son mari » . Cette décision s'appuyait toutefois sur R.. c. Payne (1872), 12 Cox C.C. 118, selon laquelle un coaccusé ne peut témoigner pour le compte d'une personne accusée conjointement, puisque les personnes accusées ne sont pas habiles à témoigner. Au Canada, on se reportera à R. c. Thompson et Conroy (1870), 2 Hannay 71, M. le juge Ritchie, où il est dit que l'épouse d'un des prisonniers ne peut témoigner pour le compte de l'autre prisonnier.

[12] (1844), 1 Cox C.C. 105, M. le juge Wightman. Dans une autre cause, R. c. Sills (1840), 1 C. & K. 494, 174 E.R. 908, le juge Tindal a autorisé une épouse à présenter un témoignage qui exonérait un coaccusé en disant qu'elle avait apporté les biens volés au domicile du coaccusé. Cette décision a été prise sans s'appuyer sur un précédent ou une discussion et elle ne mentionne pas le cas antérieur R. c.Smith (1826), 1 Moo. C.C. 289, 168 E.R. 1275, où une épouse avait été déclarée inhabile à témoigner à propos d'un alibi pour le compte d'un coaccusé. B. Bramwell, dans R. c. Thompson, supra note 11, et le juge Ritchie dans la décision du Nouveau-Brunswick R. c. Thompson et Conroy, supra note 11, se sont appuyés sur la cause Smith.

[13] Voir la cause de Lord Audley (1631), 3 State Tr. 401, Hutton 115, 123 E.R. 1140, dans laquelle une épouse a reçu l'autorisation de témoigner contre son mari accusé d'avoir été partie à un viol commis par un de ses serviteurs.

[14] (1986), 52 C.R. (3e) 161 (Y.T. C.A.); désistement de la demande d'autorisation d'interjeter appel devant la C.S.C.

[15] Ibid. à la p.186.

[16] R. c. Algar, [1954] 1 Q.B. 279, dans laquelle Ld. Goddard s'est appuyé sur un précédent civil très ancien, Monroe c. Twisleton (1802), 170 E.R. 250 où le juge Ld. Alvaney avait décidé qu'une femme divorcée ne pouvait être appelée à témoigner pour prouver un contrat conclu pendant le mariage.

[17] (1983), 4 C.C.C. (3e) 21 (Ont. C.A.).

[18] Ibid. à la p. 23, s'appuie sur R. c. Marchand (1980), 55 C.C.C. (2e) 77 (N.S.S.C. App.Div.).

[19] Supra note 2.

[20] Ibid. à la p. 670.

[21] Ibid.

[22] Supra note 1.

[23] Ibid. à la p. 148.

[24] Cette infraction ne s'applique pas à des actes exécutés en privé par un mari et son épouse ou des personnes de plus de 18 ans. On a toutefois décidé qu'elle contrevenait à la Charte et elle a été jugée inconstitutionnelle; voir R.. c. M.C. (1995), 41 C.R. (4e) 134 (Ont. C.A.); R. c. Roy (1998), 125 C.C.C. (3e) 442 (C.A. Qué.).

[25] La Cour suprême a affirmé que l'extorsion peut inclure la demande de faveurs sexuelles; voir R.. c. Davis, [1999] 3 R.C.S. 759.

[26] Voir alinéa 179(1)b) auquel on peut peut-être reprocher d'être beaucoup trop large.

[27] [1989] 1 R.C.S. 20.

[28] Ibid. à la p. 29.

[29] Voir R. c. Singh et Amar, [1970] 1 C.C.C. 299 (B.C. C.A.) aux pp. 302-303, M. le juge d'appel Bull au nom du tribunal.

[30] Voir la discussion supra aux pp. 4-5.

[31] Voir le paragraphe 92(2) de la Loi uniforme sur la preuve, annexe 4 au Rapport du Groupe de travail fédéral-provincial sur l'uniformisation des règles de preuve, Carswell, Toronto, 1982, et la discussion aux pp. 250-262.

[32] Voir Cross and Tapper on Evidence, 9e éd., Butterworths, Londres, 1999 aux pp. 222-223; voir aussi la discussion supra aux pp. 26-27.

[33] R.. c. Leipert, [1997] 1 R.C.S. 281 aux pp. 295-296.

[34] R. c. McClure (2001), 151 C.C.C. (3e) 321 (R.C.S.) aux pp. 334-336.

[35] Voir article 3, 1853 Evidence Amendment Act; paragraphe 1d), Criminal Evidence Act, 1898. En Angleterre, ce privilège ne survivait pas au décès ou au divorce : Shenton c. Tyler, [1939] ch. 620. Il ne s'appliquait pas non plus aux communications avant le mariage.

[36] R. Burrows, Phipson's Manual of Evidence, 7e éd, Sweet & Maxwell, Londres, 1950, aux pp. 80-81.

[37] R. Cross, Evidence, Butterworth & Co., Londres, 1958 à la p. 237.

[38] 56 Vict., c. 31.

[39] R. c.Gosselin (1903), 33 R.C.S. 255.

[40] Ibid. à la p. 273.

[41] Ibid. aux pp. 277-78.

[42] Voir C.S. 1906, c.10.

[43] Voir Rumping c. D.P.P., [1962] 3 All E.R. 256 (H.L.); voir aussi R. c. Zylstra (1995), 41 C.R. (4e) 130 (Ont. C.A.) à la p. 133.

[44] Rumping, ibid. à la p. 259, M. le juge Ld Reid.

[45] Voir R. c . Jean et Piesinger (1979), 46 C.C.C. (2e) 176 (Alta. C.A.); affirmé solennellement par la C.S.C. dans (1980), 55 C.C.C. (2e) 193 (C.S.C.).

[46] Voir R. c. St-Jean (1976), 32 C.C.C. (2e) 438 (C.A. Qué.).

[47] Voir Mailloux (1980), 55 C.C.C. (2e) 193 (Ont. C.A.); le juge Donnelly s'est appuyé sur cette décision lorsqu'il a décidé de ne pas casser un renvoi après une enquête préliminaire où le juge s'était servi de la décision St-Jean pour contraindre la divulgation. En appel, le juge d'appel Martin a tranché la question en disant que la décision du juge concernant l'admissibilité était isolée de l'examen destiné à discerner le vrai du faux. Il n'a pas réglé expressément la question des communications conjugales, mais s'est contenté de souligner le précédent contraire.

[48] Voir R. c. Kanester, [1966] 4 C.C.C. 231 (B.C. C.A.), dissidence, M. le juge d'appel MacLean; ministère public accueilli en raison de motifs dissidents, M. le juge Taschereau, C.C.M., [1967] 1 C.C.C. 97n (sans discussion). Voir remarques incidentes des juges d'appel Cooper et Hart dans R. c. Marchand (1980), 55 C.C.C. (2e) 77 (N.S. S.C., App.Div.).

[49] Voir discussion dans Sopinka, Lederman et Bryant, The Law of Evidence in Canada (2e éd.) aux pp. 774-775.

[50] Supra note 17 à la p. 24, M. le juge d'appel Morden.

[51] Voir Rumping, supra note 41; voir aussi R. c. Armstrong (1970), 1 C.C.C. (2e) 106 (N.S. C.A.).

[52] [1981] 2 R.C.S. 645.

[53] Voir R. c. Gruenke [1991] 3 R.C.S. 263.

[54] Voir 8 Wigmore, Evidence (McNaughton Rev.) au paragraphe 2285, appliqué antérieurement par la Cour suprême dans un contexte disciplinaire concernant un emploi dans une université dans Slavutych c. Baker [1976]1 R.C.S. 254.

[55] [1997] 1 R.C.S. 157.

[56] Ibid. aux pp. 170-171.

[57] Ibid. à la p. 179.

[58] Voir R. c. Khan, [1990] 2 R.C.S. 531; R. c.Smith, [1992] 2 R.C.S. 915.

[59] [1993] 1 R.C.S. 740.

[60] Ce terme n'a pas été utilisé dans K.G.B., mais il a été superposé à l'analyse dans le cadre de causes subséquentes.

[61] Supra note 1.

[62] Voir par exemple la décision du juge MacDonnell, JCP, dans R.c. Mohamed, [1997] O.J. No 1287 (Q.L.) où la combinaison d'un enregistrement sonore sur bande magnétique et l'explication claire de l'importance de dire la vérité à propos d'une question grave ont suffi à rendre admissible une déclaration antérieure après que la conjointe se fut rétractée.

[63] Supra note 33. La décision Leipert réunit plusieurs décisions antérieures sur la question, y compris Bisaillon c. Keable, [1983] 2 R.C.S. 60 et R. c. Scott, [1990] 3 R.C.S. 979.

[64] Ibid. à la p. 297.

[65] Supra note 34.

[66] Ibid. à la p. 335. Le tribunal a établi que l'exception ne s'applique que dans les « cas les plus inhabituels » . Il doit exister un « véritable risque de condamnation injustifiée » .

[67] Généralement, même si un témoin est appelé à la barre pour une raison donnée, des questions touchant d'autres raisons pertinentes peuvent lui être posées dans la mesure où elles n'enfreignent pas un privilège. Les cas où des coaccusés subissent un procès distinct et où l'un d'eux est contraint de témoigner contre un autre sont un exemple intéressant de raisons multiples. Le principe interdisant l'auto-incrimination entre en jeu pour protéger le témoin contre l'utilisation subséquente de son témoignage, entre autres à titre de preuve dérivée : voir R. c. S. (R.J.), [1995] 1 R.C.S. 451. Si, au départ, le but prédominant de la contrainte à témoigner n'est pas la procédure en cours, mais l'obtention d'une preuve auto-incriminante contre le témoin, ce témoignage ne peut être utilisé subséquemment dans le procès du témoin et aucune preuve ne peut être obtenue à la suite du témoignage forcé : voir R. c. Z. (L.) (2001), 54 O.R.(3e) 97 (Ont. C.A.).

[68] Voir Trammel c. United States (1980), 445 U.S. 40.

[69] Voir U.S. c. Snyder (1983), 707 F.2e 139 (5e cir.)

[70] Voir McCormick on Evidence, 5e éd., West Group, St. Paul, 1999 à la p. 281.

[71] Dans Trammel, supra note 68, la Cour suprême a appliqué la règle 501 (qui maintient les privilèges jurisprudentiels dans le contexte fédéral) plutôt que la règle 601 pour décider de la contraignabilité du conjoint. Dans les poursuites au palier des États, le droit de l'État régit les questions de privilège.

[72] McCormick, supra note 70 à la p. 323.

[73] Ibid. à la p. 324.

[74] Ibid.

[75] Ibid. aux pp. 329-330.

[76] Voir Blau c. U.S.(1951), 340 U.S. 332.

[77] McCormick, supra note 59 à la p. 336. Les auteurs notent toutefois qu'il existe des États où les deux conjoints peuvent invoquer le privilège.

[78] Police and Criminal Evidence Act, 1984 (c.33)

[79] Voir 11th Report, Evidence (General), Cmnd. 4991, paragraphes 143-157 et annexe 1, paragraphe 9.

[80] Depuis 1999, cette disposition résulte de la combinaison du paragraphe 80(2) et de l'exception figurant au paragraphe 80(4).

[81] Paragraphes 80(2) et (4).

[82] Paragraphes 80(2A) et (3) de la Police and Criminal Evidence Act, 1984 (c. 33) tels que modifiés par la Youth Justice and Criminal Evidence Act, 1999 (c. 23), annexe 4, paragraphe 13.

[83] Paragraphe 80(5).

[84] Victoria et Australie du Sud. La loi de Victoria intitulée An Act to amend the law relating to the competence and compellability of married persons, no 9230 (1978), sanctionnée le 19 décembre 1978 stipule que « le mari, l'épouse, la mère, le père ou l'enfant » peuvent demander à être dispensés de témoigner.

[85] Ibid. au paragraphe 3(3).

[86] Ibid. au paragraphe 3(4).

[87] Law Reform Commission Report No 38, Evidence, au paragraphe 79.

[88] Ibid. au paragraphe 82.

[89] No 2 de 1995.

[90] Ibid. au paragraphe 18(4).

[91] Ibid. au paragraphe 18(6).

[92] Ibid. au paragraphe 18(7). Tout au long du texte, j'ai employé le terme « accusé » , alors que la loi utilise le terme « défendeur » .

[93] L'article 19 précise :

[traduction]

L'article 18 ne s'applique pas aux instances concernant une infraction visée dans les dispositions qui suivent :

a) infraction à une disposition de la partie III ou IIIA de la Crimes Act 1900 of the Australian Capital Territory, si cette infraction est commise contre une personne de moins de 16 ans;

b) infraction aux articles 133, 134, 135 139 ou 140 de la Children's Services Act 1986 of the Australian Capital Territory;

c) infraction de violence familiale au sens de la Domestic Violence Act 1986 of the Australian Capital Territory ou infraction en vertu de l'article 27 de cette loi.

Les délits visés au paragraphe 19(a) de la Crimes Act 1900 sont des délits avec violence et des infractions sexuelles. Les infractions visées dans la Children Services Act 1986 portent sur l'emploi d'enfants dans des activités dangereuses et sur la négligence ou les mauvais traitements contre des enfants.

[94] Voir R. c. Morris (1983), 36 C.R. (3e) 1 (C.S.C.) à la p.13, M. le juge Lamer; voir aussi R. c. Corbett (1988), 64 C.R. (3e) 1 (C.S.C.) aux pp. 33-34, M. le juge La Forest.

[95] La liberté de choisir, l'autonomie et la protection contre la coercition de l'État ont été reconnues comme des aspects de la sécurité de la personne protégés par l'article 7, quand l'affaire en cause touche l'intégrité physique ou le stress psychologique : voir R. c. Morgentaler (1988), 62 C.R. (3e) 1 (C.S.C.) et Rodriguez c. Attorney General of B.C. [1993] 3 R.C.S. 519. Pour ce qui est du droit de garder le silence, la liberté de choisir a aussi joué un rôle primordial : voir R. c. Hebert, [1990] 2 R.C.S. 151.

[96] Voir Loi sur la preuve au Canada aux paragraphes 16(1) et (3) et les cas interprétant cet aspect : R. c. Marquard, [1993] 4 R.C.S. 223; R. c. Farley (1995), 40 C.R. (4e) 190 (Ont. C.A.), M. le juge d'appel Doherty.

[97] J. Schnoor, c.r., Les témoignages des conjoints dans les poursuites pénales, 1999, à l'adresse http://www.law.ualberta.ca/alri/ulc/criminal/espouse.htm.

[98] Voir R. c. B. (L.) (1997), 9 C.R. (5e) 38 (Ont. C.A.).

[99] Voir R. c. B. (L), ibid., de même que R. c. Arp [1998], 3 R.C.S. 339.

[100] Voir R. c Potvin (1989), 68 C.R. (3e) 193 (C.S.C.) aux pp. 236-237; R. c. Corbett, [1988] R.C.S. 670.

[101] Voir ALRC Report No 38, supra note 87 au paragraphe 81.

[102] Examiné précédemment aux pp. 20-22.

[103] Voir Hawkins, supra note 1.


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