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Page d'accueil À propos de nous Rapport Document de recherche 2001 RELATIONS PERSONNELLES DE SOUTIEN ENTRE ADULTES

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Rapport

Document de recherche

RELATIONS PERSONNELLES DE SOUTIEN ENTRE ADULTES : LE CAS DE L'INVALIDITÉ

Par : L'Institut Roeher

Mars 2001


SOMMAIRE

L'amélioration de l'état de santé de la population, le vieillissement de celle-ci de même que les technologies assurant la survie et le maintien de la vie font que les adultes qui vivent avec une invalidité représentent une proportion croissante de la population du Canada. De plus, ils forment l'un des groupes les plus exclus et marginalisés de la société canadienne. Cela s'explique principalement par le fait que ces personnes et leurs familles sont souvent incapables d'obtenir les mesures d'aide personnelle dont elles ont besoin et à l'égard desquelles elles doivent pouvoir exiger des comptes, et de façons qui les aident à poursuivre leurs aspirations et qui favorisent leur participation à la vie tant économique que sociale.

Pour de nombreux adultes qui vivent avec une invalidité, la nature des rapports personnels par lesquels ils obtiennent le soutien nécessaire détermine la mesure de leur bien-être et de leur égalité. Conscient de cet état de fait, le présent document dresse les grandes lignes d'un cadre conceptuel permettant d'examiner la reconnaissance juridique et sociale des rapports étroits d'aide personnelle qui concernent des adultes ayant une invalidité. Ce document explore la manière dont les concepts juridiques et sociaux qui régissent ces rapports situent à la fois les fournisseurs et les bénéficiaires de mesures de soutien. Il conclut que, dans une large mesure, ces concepts situent les parties à ces rapports dans des positions différentes de celles des autres adultes de la société canadienne et inégales à celles-ci.

Examen des rapports

Cinq types courants de rapports d'aide personnelle concernant des adultes ayant une invalidité sont examinés; il s'agit des rapports :

1.          avec des membres de la famille- Lorsqu'un membre de la famille biologique (père, mère, frère, soeur, fils ou fille adulte) ou le (la) conjoint(e) fournit des soins à un membre de la famille sans recevoir de rémunération (le type de rapport le plus répandu en ce qui concerne les adultes ayant une invalidité).

2.          avec des fournisseurs de soutien rémunérés (ou des « personnes soignantes » fournissant des soins personnels à domicile ou hors domicile) - Lorsqu'une personne est rémunérée pour fournir des soins personnels (peut inclure le fait d'aider la personne à faire sa toilette ou à prendre son bain, à entretenir sa maison, à occuper un emploi et à participer aux activités communautaires). Le rapport qui doit être examiné en est un où la personne rémunérée a un rapport personnel étroit avec la personne ayant une invalidité (qu'il s'agisse d'un rapport à domicile ou à l'extérieur de celui-ci) et passe beaucoup de temps avec elle.

3.          avec un réseau d'aide à la prise de décisions - Lorsqu'une ou plusieurs personnes font partie du réseau personnel d'une personne ayant une invalidité afin de l'aider à prendre des décisions relatives à sa personne, à ses finances et à ses soins de santé, particulièrement lorsque la capacité juridique de cette personne pourrait être mise en question si ce n'était l'aide à la prise de décisions que le réseau fournit (ce type de réseau est maintenant reconnu par la loi de quelques ressorts au Canada).

4.          avec une famille de substitution - Lorsqu'un adulte ayant une invalidité vit dans une famille qui n'est pas la sienne et que les membres de cette famille sont rémunérés pour lui fournir du soutien (ce modèle est de plus en plus utilisé comme solution de rechange aux soins dispensés en établissement ou dans des foyers de groupe). Bien que le mécanisme de financement puisse être semblable à celui des soins fournis par une famille d'accueil, le rapport qui doit être analysé est celui d'un adulte ayant une invalidité qui vit avec une famille et qui est considéré par celle-ci comme un membre de la famille.

5.                   dans le cadre du partage d'un logement par des adultes - Lorsque deux ou trois adultes, dont au moins un a une invalidité, choisissent de vivre ensemble, et qu'un adulte qui n'a pas d'invalidité reçoit une certaine rémunération en contrepartie de sa disponibilité à offrir de l'aide personnelle à l'adulte qui a une invalidité, selon les besoins de ce dernier. Il s'agit d'un rapport plus informel que celui du fournisseur d'aide qui est rémunéré.

Conclusions

L'étude conclut que ces rapports d'aide sont hautement valorisés tant par les fournisseurs d'aide que par les adultes qui vivent avec une invalidité. Il conclut par ailleurs que les adultes ayant une invalidité sont généralement considérés, des points de vue social et juridique, comme des bénéficiaires de soins passifs et dépendants. La recherche démontre que, en réalité, dans le cadre des rapports d'aide auxquels ils sont partie, ils contribuent de façon significative à la vie économique, familiale et émotionnelle. Lorsque ces rapports d'aide se définissent en termes d'interdépendance, de réciprocité, de dignité et de respect mutuel, ils apportent la santé et le bien-être aussi bien aux adultes ayant une invalidité qu'aux personnes qui fournissent les soins et le soutien.

Pourtant, ces rapports sont soumis à une tension importante. Les membres de la famille assument un énorme fardeau de responsabilités, sans aucune reconnaissance, rémunération ni aide. Cela entraîne des conséquences, dont une moins bonne santé, l'isolement social et la perte de l'indépendance financière et de possibilités de développement économique. Il n'existe pas de dispositions fiscales, de mesures d'accommodation en milieu de travail ni de mesures de soutien communautaire pour répondre de façon adéquate à leurs besoins qui découlent du rôle de soutien qu'ils assument. Ces désavantages touchent un nombre significatif de Canadiennes et de Canadiens. En 1991, près de 900 000 adultes vivant avec une invalidité et ayant besoin de soutien se fiaient exclusivement à des membres de leur famille. Ce nombre est vraisemblablement plus élevé aujourd'hui. Les rapports avec les fournisseurs d'aide qui sont rémunérés sont également soumis à des tensions, car le salaire de ces fournisseurs est bas et leurs avantages sociaux, insuffisants; de plus, le financement pour l'achat des services nécessaires de ces fournisseurs d'aide est limité.

Les rapports avec les réseaux d'aide à la prise de décisions, les membres de famille de substitution et les personnes qui partagent un logement souffrent d'un manque de reconnaissance juridique et, par conséquent, de clarté au sujet des responsabilités et des obligations qui découlent de ces rapports. Les réseaux d'aide à la prise de décisions peuvent aider à maintenir la capacité juridique et l'autodétermination de personnes qui, autrement, verraient diminuer leurs droits reconnus par la loi. Mais le statut de ces réseaux demeure imprécis et sans fondement juridique au niveau fédéral de même que dans bon nombre de compétences provinciales et territoriales (bien que certaines compétences comme la Colombie-Britannique, la Saskatchewan, le Manitoba et les Territoires du Nord-Ouest vont dans cette direction).

Aux fins du présent document, le cadre juridique et politique, qui a un effet sur ces rapports et qui, dans certains cas, les régit et les reconnaît, est défini dans quatre domaines :

                                                                                               

C          soutien du revenu de base pour les adultes ayant une invalidité et les membres de leur famille (dispositions fiscales, aide sociale, RPC/RRQ, indemnisation des accidentés du travail)

C          financement et prestation de services d'aide relatifs à l'invalidité (dispositions fiscales, programme provincial et territorial et financement individuel pour les services d'aide)

C          dispositions concernant le statut juridique des individus et des membres de leur réseau personnel qui prennent des décisions personnelles et qui aident à la prise de ces décisions (dans certaines lois provinciales sur la prise de décision au nom d'autrui, qui ont été adoptées pour réformer le droit de la tutelle)

C          législation et réglementation du travail (régissant la négociation collective en ce qui concerne le paiement de mesures de soutien, de prestations parentales ou pour obligations familiales et de congés, et l'obligation de tenir compte qui est prévue dans les codes sur les droits de la personne)

À ce jour, ce cadre législatif et réglementaire inadéquat n'a pas permis de s'attaquer à la situation désavantageuse des adultes ayant une invalidité et des personnes avec lesquelles ils ont des rapports étroits d'aide personnelle.

Orientations à envisager

Un cadre de principes devrait guider l'élaboration d'options permettant de corriger les insuffisances actuelles de la loi et de la politique. L'autodétermination, la citoyenneté à part entière et l'égalité sont avancées à cette fin. L'analyse fait clairement ressortir que les rapports personnels étroits qu'elle décrit sont une condition importante à l'application de ces principes dans la vie quotidienne des personnes. À partir de ces principes, on suggère un certain nombre d'orientations visant une reconnaissance plus adéquate des rapports étroits d'aide personnelle concernant des adultes ayant une invalidité :

C          Reconnaître et défendre le droit à la citoyenneté à part entière et à l'autodétermination des personnes vivant avec une invalidité dans une série de lois et de politiques fédérales et provinciales. En reconnaissant le lien entre la capacité de communication et l'autodétermination, on pourrait envisager une meilleure reconnaissance par la loi du droit à une « communication efficace » (comme dans l'affaire Eldridge) et du rôle des réseaux de soutien dans l'application de ce droit.

C          Établir des options plus claires en vue de la reconnaissance légale des réseaux de soutien et des rapports d'aide familiale (famille, famille de substitution et logement partagé). La création d'un registre des rapports d'aide familiale n'offrirait pas un cadre juridique approprié pour accorder à ce type de rapport le statut qu'il mérite. Pas plus que la reconnaissance par le Code criminel de la responsabilité d'une personne de « fournir les choses nécessaires à l'existence d'une personne à sa charge » ne constitue un modèle adéquat de responsabilité et d'obligation. Cela nie la réciprocité qui définit les rapports qui ont été examinés, la nature de l'aide fournie et les contributions mêmes des adultes ayant une invalidité. L'option qui consiste à enregistrer différents types de rapports personnels significatifs - comme le réseau d'aide à la prise de décisions - devrait être prise en considération.

C          Renforcer l'indépendance économique des deux parties aux rapports de soutien (p. ex. des mesures visant le marché du travail pour les adultes ayant une invalidité et des mesures de soutien et de remplacement du revenu; des mesures fiscales plus équitables et globales reconnaissant aussi bien les fournisseurs de soins familiaux que les fournisseurs de soins hors famille; des mesures concernant le salaire et les avantages sociaux des fournisseurs de soins rémunérés; admissibilité des fournisseurs de soins familiaux comme fournisseurs de soins rémunérés).

C          Prévoir un accès plus approprié aux mesures de soutien direct et d'appoint - des soins à domicile financés, des services auxiliaires, etc. - au moyen de dispositions fiscales et de transferts directs aux personnes.

C          Reconnaître et appuyer le statut d'emploi rémunéré des fournisseurs de soins familiaux, des familles de substitution et des adultes qui partagent des logement lorsqu'ils s'engagent dans un rapport d'aide significatif. Des mesures d'accommodation en milieu de travail, les avantages sociaux et le droit à des congés sont essentiels à la viabilité des rapports d'aide. Des modifications à l'assurance-emploi, aux normes de travail fédérales et provinciales et aux codes des droits de la personne (concernant l'interdiction d'exercer de la discrimination dans l'emploi et le devoir d'accommoder un(e) employé(e) sur le fondement de rapports de soutien) pourraient être envisagées de manière à étendre l'objet au-delà du rapport d'aide parent-enfant.

C          En ce qui concerne les dispositions sur les droits de la personne, étendre clairement aux personnes qui assument d'importantes responsabilités de soins envers un membre de leur famille ayant une invalidité les protections contre la discrimination dans les pratiques d'emploi fondée sur la situation de famille.

C          Afin de guider la négociation sectorielle et collective concernant les fournisseurs de soins rémunérés, établir des principes communs (ou « ententes cadres » ) qui affirment le statut et la primauté du droit de décider des personnes vivant avec une invalidité ainsi que des processus de négociation collective qui représentent pleinement les intérêts individuels et familiaux, tout en affirmant aussi les droits en matière de travail.

Le présent rapport n'a pas élaboré de propositions détaillées à l'égard de ces options. Son but était d'analyser si les rapports d'aide concernant des adultes ayant une invalidité méritaient ou non d'être examinés sous l'initiative de la Commission du droit du Canada. L'analyse suggère nettement qu'ils le méritent. Maintenant qu'elles peuvent être énoncées dans leurs grandes lignes, ces options attendent une analyse plus détaillée. Assurément, l'élaboration et la mise en oeuvre des options requièrent une intervention du Parlement et des législatures provinciales et territoriales. Toutefois, le Parlement peut prendre l'initiative dans certains domaines - des options d'enregistrement en vue d'accorder un statut à différents rapports d'engagement et de soutien, le droit à une communication efficace, les dispositions des codes des droits de la personne, etc. Cet esprit d'initiative pourrait constituer un message selon lequel, au Canada, l'État est résolu à inscrire l'autodétermination, la citoyenneté et l'égalité dans la définition des rapports personnels étroits de l'ensemble des Canadiennes et des Canadiens.



REMERCIEMENTS

Les études relatives au présent rapport ont été dirigées et menées par Michael Bach ¾vice-président de l'Institut Roeher et directeur de la recherche à cet organisme ¾ avec la collaboration d'une équipe de recherche. L'Institut Roeher est un institut national de recherche sur la politique publique, l'invalidité et les droits de la personne. Le projet a bénéficié des travaux d'Anna Sestita et de Mary Bunch, chercheuses à l'Institut Roher. Le chapitre sur l'examen de la jurisprudence a été rédigé par Simon Archer. Celui-ci s'est aussi chargé des recherches sous-tendant ce chapitre. Cameron Crawford, présidente de l'Institut, a procédé à l'analyse démographique présentée dans le rapport. Michael Bach a rédigé le document avec l'aide de l'équipe de recherche.

Les premières ébauches du présent document ont été révisées par Catherine Frazee et Orville Endicott. Ces personnes ont formulé d'importants commentaires, qui ont enrichi la version finale du rapport. La recherche relative au document, et une version préliminaire de celui-ci, ont également été analysées par un groupe de discussion. La réflexion menée par ce groupe et les observations qu'il a formulées se sont avérées fort utiles.



TABLE DES MATIÈRES

INTRODUCTION

PREMIÈRE PARTIE - EXAMEN DES RAPPORTS PERSONNELS DE SOUTIEN

I. Avec des membres de la famille
II. Avec des fournisseurs de soutien rémunérés
III. Famille de substitution et partage d'un logement par des adultes
IV. Réseau d'aide à la prise de décisions

PARTIE DEUX - FORMES DES SERVICES DE SOUTIEN FOURNIS PAR L'ÉTAT ET RÉGLEMENTION

I. Soutien du revenu de base
II. Le financement et la prestation de services de soutien relatifs à l'invalidité
III. Statut relatif aux prises de décisions
IV. Législation liée au travail
V. Sommaire

PARTIE TROIS - REVUE DE LA JURISPRUDENCE

I. Décisions et analyse
II. Questions liées aux régimes prévoyant des avantages
III. Questions liées au droit de la famille
IV. Questions liées à la responsabilité délictuelle et contractuelle, au droit des biens et au droit pénal
V. Règles de common law régissant les rapports de confiance ou les rapports de type fiduciaire
VI. Questions relevant du droit du travail
VII. Droit privé par opposition au droit public
VIII. Sommaire

PARTIE QUATRE - LIENS ENTRE LES RAPPORTS PERSONNELS ET LES INTÉRÊTS DE L'ÉTAT

I. Autodétermination
II. Citoyenneté
III. Égalité
IV. Cadre conceptuel permettant de relier les mesures publiques, les rapports personnels et les intérêts de l'État

CONCLUSION

INTRODUCTION

La Commission du droit du Canada a lancé une initiative visant à examiner la façon dont le Parlement reconnaît et appuie les rapports de soutien personnel étroits entre adultes[1]. Cette initiative fait suite à une préoccupation selon laquelle lorsque le droit canadien se penche sur les rapports personnels entre membres du public, il tend à privilégier les rapports conjugaux de personnes de sexe opposé comme constituant l'essentiel des rapports humains justifiant une reconnaissance par l'État. Bien entendu, le droit commence à reconnaître aussi les unions de fait ainsi que les unions de personnes du même sexe, mais les règles dans ce domaine sont encore marquées de contradictions et d'insuffisances. Or, nous assistons à une croissance notable du nombre de rapports de soutien domestique non conjugaux, rapports dont il n'existe pratiquement pas de reconnaissance officielle. Même s'il reste de nombreuses questions à résoudre quant aux modalités de reconnaissance juridique de ces rapports, il reste encore passablement de chemin à faire pour bien saisir toute l'ampleur de la situation.

Le présent rapport fait partie des travaux de la Commission du droit axés sur l'examen des rapports personnels portant sur l'aide naturelle ou les services de soutien personnel à un adulte ayant une invalidité. De fait, la plupart de ces différents types de rapports personnels demeurent curieusement absents du débat de société sur les grandes orientations de l'heure. Le droit canadien, quant à lui, en fait peu de cas, voire les passe sous silence. Le présent rapport a donc pour objet de mieux cerner les rapports de soutien avec un adulte ayant une invalidité qui méritent de retenir l'attention de la Commission du droit, afin de les faire entrer dans un cadre conceptuel utile. Il a également pour objet de dégager l'intérêt de l'État à appuyer et à réglementer ces types de rapports, et d'offrir une analyse critique des différentes formes que cette fonction d'appui et de réglementation occupe au sein des règles de droit en vigueur et au sein des politiques publiques actuelles.

Le présent rapport n'a pas pour ambition d'étudier la reconnaissance par l'État des difficultés avec lesquelles sont au prise les adultes ayant une invalidité, notamment en ce qui concerne le mariage, les unions de fait et les unions de personnes du même sexe, même s'il s'agit là de situations fondamentalement déterminées par la question des services de soutien personnel. Un examen plus approfondi de la problématique propre à l'invalidité physique ou mentale telle que mise évidence par ces rapports de soutien est certes justifié. Le présent rapport fait bien mention des adultes vivant au sein d'une relation domestique conjugale mais ne s'attarde pas sur cette situation particulière. En effet, son but est plutôt de faire valoir d'autres formes de rapports personnels étroits de soutien qui n'ont pas été jusqu'à présent pris en compte.

Pourquoi une étude des rapports personnels avec des adultes ayant une invalidité?

Le pourcentage d'adultes ayant une invalidité augmente sans cesse au Canada en raison du vieillissement de la population et des progrès de la médecine. Or ces adultes constituent un segment important de la société canadienne et contribuent de façon significative aux rapports dont ils font partie, à leur collectivité et à la société en général. Et pourtant, ils continuent d'éprouver des difficultés à atteindre la pleine égalité et une citoyenneté à part entière, de sorte qu'ils constituent toujours une catégorie de personnes vulnérables au sein de notre société. De fait, les personnes ayant une invalidité ont de tout temps connu l'exclusion, l'institutionalisation et la stérilisation forcée. Ces personnes continuent également d'éprouver différents problèmes, notamment une plus grande pauvreté, un niveau d'alphabétisation inférieur, la mise à l'écart du marché du travail, des agressions violentes, l'isolement social, un état de santé précaire et, de façon générale, une difficulté plus grande que la population dans son ensemble à obtenir des services de soutien. Ces difficultés sont bien exprimées par la Cour suprême du Canada dans l'arrêt récent Eldridge où figure le passage suivant:

56. Il est malheureusement vrai que l'histoire des personnes handicapées au Canada a été largement marquée par l'exclusion et la marginalisation. Trop souvent, elles ont été exclues de la population active, elles se sont vues refuser l'accès aux possibilités d'interaction et d'épanouissement sociales et elles ont été exposées à des stéréotypes injustes en plus d'être reléguées dans des établissements (...) Ce désavantage historique a, dans une large mesure, été créé et perpétué par l'idée que la déficience est une anomalie ou un défaut. En conséquence, les personnes handicapées n'ont généralement pas obtenu « l'égalité de respect, de déférence et de considération » que commande le par. 15(1) de la Charte. Au lieu de cela, elles ont fait l'objet d'attitudes maternalistes inspirées par la pitié et la charité, et leur intégration à l'ensemble de la société a été assujettie à leur émulation des normes applicables aux personnes physiquement aptes (...) Une conséquence de ces attitudes est le désavantage social et économique persistant dont souffrent les personnes handicapées. Les statistiques indiquent que ces personnes, si on les compare aux personnes physiquement aptes, sont moins instruites, sont davantage susceptibles de ne pas faire partie de la population active, ont un taux de chômage beaucoup plus élevé et se retrouvent en nombre disproportionné dans les rangs des salariés les moins bien rémunérés....[2]

Bon nombre des désavantages énumérés dans l'extrait ci-dessus se manifestent au sein de rapports personnels de soutien mettant en cause un adulte ayant une invalidité et mériteraient d'être examinés à la lumière de ce contexte seul. Et pourtant de nombreuses formes de rapports personnels propres à des adultes ayant une invalidité ne bénéficient pas de toute la reconnaissance qui leur est due. Par ailleurs, les politiques sociales en vigueur ne contribuent pas davantage à rehausser l'aptitude des personnes vivant dans certains types de rapports à renforcer l'aspect réciprocité des services dans toute la mesure du possible.

Les personnes ayant une invalidité participent à des rapports personnels au même titre que leurs concitoyens. Comme eux, ils remplissent différents rôles : conjoint, ami de coeur ou ami tout court, mère, père, soeur, frère, fils ou fille. On en voit aussi grands-parents, oncles ou tantes, cousins ou cousines, et ainsi de suite. Comme n'importe qui d'autre, ils cultivent des amitiés à différents degrés d'intimité. Comme n'importe qui d'autre aussi, ils adaptent leurs rapports en fonction de leur culture, de leurs préférences personnelles, de la collectivité dont il font partie, et de tant d'autres facteurs. Les difficultés éprouvées par la population en général quant à la reconnaissance accordée par l'État à certains rapports personnels étroits comme, par exemple, les mariages entre personnes de même sexe, les unions de fait, les rapports domestiques non conjugaux, et autres se comparent aux difficultés particulières éprouvées les personnes ayant une invalidité.

Par contre, contrairement à la population canadienne en général, de nombreuses personnes ayant une invalidité se trouvent dans des rapports personnels caractérisés, du moins en partie, par l'aide personnelle ou les services de soutien reçus du fait de leur invalidité. Cela tient à ce que les personnes ayant une invalidité nécessitent souvent des services de soutien personnel et une aide personnelle que les membres de la population en général ne reçoivent pas ou, du moins, qui diffèrent des services personnels reçus par les membres de la population en général. Or, pour bon nombre de ces personnes, les rapports personnels dans le cadre desquels elles reçoivent l'aide personnelle et le soutien nécessaires sont à la base même de leur bien-être et de leur situation d'égalité.

Et pourtant, il convient d'observer que ces rapports personnels sont soumis à des tensions périodiques, notamment lorsque ce sont des membres de la famille qui fournissent les soins nécessaires sans service de relève, ou lorsque les soignants fournissent des soins moyennant une rémunération et des avantages sociaux insuffisants. Dans le cas de personnes ayant une invalidité, cette situation a pour effet de limiter les opportunités sociales et économiques qui leur sont offertes, de limiter leurs possibilités de contrôler pleinement leur vie ainsi que de les exposer à des risques élevés d'abus. Quant aux personnes qui fournissent les services de soutien personnel, contre rémunération ou non, les conséquences peuvent apparaître non seulement sous forme de stress et de frustrations, mais également sous forme d'isolement et de perte d'opportunités économiques et sociales. C'est pourquoi il importe de bien comprendre la nature de ces rapports ainsi que la façon dont ils sont entretenus, d'autant plus que le pourcentage d'adultes ayant une invalidité ne cesse de croître.

En abordant l'étude des rapports spécifiques de soutien personnel, il convient d'entrée de jeu d'insister sur le fait que les adultes ayant une invalidité et bénéficiant de tels rapports ne peuvent être considérés tout simplement comme les bénéficiaires passifs de soins. Effectivement, selon les travaux de recherche consultés, ces personnes contribuent également de façon significative à ces rapports, sans pour autant toutefois que leur contribution soit reconnue. La reconnaissance nécessaire ne leur est pas accordée en raison du nombre de stéréotypes puissants et négatifs véhiculés dans notre culture, stéréotypes qui tendent à réduire la dignité de ces gens, les faisant passer pour des personnes non productives et non participatives, incapables de se prendre en main (Tremain, 1996a; Barnes et Mercer, 1995; Silvers,1995; Rioux, 1994). Ces stéréotypes perpétuent un réflexe culturel de différentiation entre les gens, créant par là des barrières à l'épanouissement des rapports personnels d'aide naturelle et de soutien qui, justement, se caractérisent par leur réciprocité et la reconnaissance de la contribution d'un et chacun. Comme l'a exprimé Lutfiyya (1988):

les personnes ayant une invalidité sont séparées de leurs familles et de leurs collectivités, enfermées dans des rôles de dépendance et de passivité, et même lorsqu'elles sont présentes physiquement dans certains aspects de la vie communautaire, se trouvent tenues socialement à distance des autres membres de la collectivités (p. 2).

Cette méprise populaire sur l'état de dépendance des gens ayant besoin de services personnels de soutien se reflète également au niveau du droit et des politiques sociales. Parmi ces politiques figurent celles qui, par exemple, exigent des adultes ayant une invalidité et reçoivent des prestations de l'aide sociale d'être identifiés en tant que personnes « inaptes à l'emploi » comme condition d'admissibilité. En réalité, selon certains travaux de recherche il existe souvent une situation d'interdépendance au sein des rapports personnels mettant en cause des personnes ayant une invalidité. Par exemple, dans l'une de ces études, des femmes ayant une invalidité ont déclaré que les rapports entre adultes grâce auxquels elles recevaient des soins étaient caractérisés par la réciprocité et de l'interdépendance. Autrement dit, ces femmes recevaient des services de soutien mais, en retour, en donnaient également (Walmsley, 1993). Ainsi que l'explique Walmsley, de nombreuses femmes ayant une invalidité jouent elles-mêmes le rôle de dispensatrices de services (soit en tant que mères ou en tant que soignantes pour leur propre père ou mère ayant une invalidité).

Qu'entendons-nous par des « rapports personnels de soutien » ou par « l'aide naturelle » ?

Il existe plusieurs types de rapports selon lesquels des personnes s'occupent d'une autre ou fournissent des services de soutien. Un père, par exemple, peut cuisiner pour son enfant, une femme peut prêter une oreille attentive à la personne avec qui elle cohabite et qui est en situation de crise au point de vue émotif. Un homme peut par ailleurs faire plus que sa part pour laver la vaisselle pendant que son partenaire homosexuel s'efforce de respecter une échéance importante. On trouve, au sein des familles, des collectivités et entre des amis tout un réseau d'échange de services et de transactions. Souvent, ces échanges visent la prestation de services de soutien pratique ou affectif, comme dans les exemples donnés ci-dessus. Par ailleurs, ces échanges peuvent également porter sur la fourniture d'un soutien financier ou économique. Ainsi, une mère peut aider sa fille adulte à payer ses frais de scolarité ou son loyer, ou un frère peut inviter sa soeur qui vient de perdre son emploi à habiter avec lui jusqu'à ce qu'elle redresse sa situation financière.

La notion de soutien social englobe une vaste gamme d'activités reliées à l'échange de ressources. Dans le collectif Dunst (1989), l'expression « soutien social » est définie comme étant « l'ensemble des ressources - sous forme d'informations et de matériel utiles - fournies à des individus ou à des groupements de personnes (exemple : une famille) en réponse au besoin d'obtenir de l'aide et de l'assistance » (p. 124). Des services de soutien social comprennent notamment « une assistance physique et instrumentale, un transfert d'attitude, un partage de ressources et d'informations, ainsi qu'une aide émotionnelle et psychologique » (p. 124). Selon O'Brien et O'Brien (1991), les services de soutien social existent dans au moins quatre situations distinctes : « un sentiment de rattachement à des personnes émotivement significatives, la possibilité de participer à des activités partagées, la participation à un réseau de personnes auprès desquelles on peut obtenir des informations et de l'aide, le fait d'occuper une place et de jouer des rôles variés au sein de la vie économique et civique » (p. 11).

Tout le monde bénéficie d'une façon ou d'une autre de différentes formes de soutien concret et affectif que procurent les rapports personnels étroits que nous entretenons les uns avec les autres. Dans le cadre des rapports entre adultes sans invalidité, ces différentes formes de soutien social sont reconnues comme allant de soi et comme étant intrinsèques à ces rapports. Toutefois, lorsque ces mesures de soutien font partie de rapports personnels mettant en cause des adultes ayant une invalidité, elles deviennent beaucoup plus visibles. Les gens ayant une invalidité peuvent, de fait, nécessiter des mesures de soutien accrues, notamment au niveau de l'aide personnelle, comparativement à des adultes sans invalidité. En outre, on observe chez les personnes ayant une invalidité une tendance à l'isolement social; d'où la nécessité pour ces personnes de chercher activement à obtenir des services de soutien personnel auprès d'autres personnes, services qui sont le plus souvent payants, réglementés et « livrés » et, du fait même, beaucoup plus visibles. Les adultes sans invalidité vivent dans un monde conçu pour répondre à leurs besoins. En conséquence, les mesures de soutien qu'ils reçoivent sont en général perçues comme étant « universelles » et, partant, « naturelles » . L'escalier qui mène à l'entrée d'un bâtiment n'est pas perçu comme étant un dispositif spécial ou une aide technique au yeux des adultes sans invalidité. Par contre, les rampes d'accès à cette même porte d'entrée le sont aux yeux de l'adulte en chaise roulante. Les services de secrétariat ne sont pas perçus en général comme étant « une mesure de soutien personnel rémunérée » , tandis que le fait d'épauler au travail une femme ayant une déficience intellectuelle l'est. Une voiture n'est pas considérée comme étant une aide technique pour faciliter les déplacements, mais une chaise roulante l'est bien.

Le présent rapport repose sur l'hypothèse selon laquelle les différents concepts juridiques et sociaux applicables à la façon dont les mesures de soutien sont fournis aux adultes ayant une invalidité situent à la fois les fournisseurs et les bénéficiaires de ces mesures, les plaçant dans des rôles très différents et dans une position d'inégalité par rapport au reste de la population adulte canadienne. C'est donc à la lumière de cette hypothèse que le présent rapport effectue un examen critique de cinq différents types de rapports personnels. Ces types de rapports ont été choisis en raison du fait qu'ils reflètent les rapports les plus significatifs par lesquels des soins sont conférés à des adultes en dehors des établissements spécialisés. On observe parmi certains de ces types de rapports entre adultes une tendance notamment au développement de ceux qui favorisent particulièrement l'égalité, la dignité et l'inclusion des personnes ayant une invalidité (comme, par exemple, l'aide à la prise de décisions).

1.                   Avec des membres de la famille- Lorsqu'un membre de la famille biologique (père, mère, frère, soeur, fils ou fille adulte) ou le (la) conjoint(e) fournit une aide naturelle à un membre de la famille sans recevoir de rémunération (le type de rapport le plus répandu pour ce qui est des adultes ayant une invalidité).

2.          Avec des fournisseurs de soutien rémunérés (ou des « personnes soignantes » fournissant des soins personnels à domicile ou hors domicile) - Lorsqu'une personne est rémunérée pour fournir des soins personnels (peut inclure le fait d'aider la personne à faire sa toilette ou à prendre son bain, à entretenir sa maison, à occuper un emploi et à participer aux activités communautaires). Le rapport qui doit être examiné en est un où la personne rémunérée entretient un rapport personnel étroit avec la personne ayant une invalidité (qu'il s'agisse d'un rapport à domicile ou à l'extérieur de celui-ci) et passe beaucoup de temps avec elle.

3.          Avec un réseau d'aide à la prise de décisions - Lorsqu'une ou plusieurs personnes font partie du réseau personnel d'une personne ayant une invalidité afin de l'aider à prendre des décisions relatives à sa personne, à ses finances et à ses soins de santé, surtout lorsque la capacité juridique de cette personne pourrait être mise en question si ce n'était de l'aide à la prise de décisions obtenue grâce au réseau (ce type de réseau est maintenant reconnu par la loi dans plusieurs ressorts au Canada).

4.          Avec une famille de substitution - Lorsqu'un adulte ayant une invalidité vit dans une famille qui n'est pas la sienne et que les membres de cette famille sont rémunérés pour lui fournir un soutien (ce modèle est de plus en plus utilisé comme solution de rechange aux soins dispensés en établissement ou dans des foyers de groupe). Bien que le mécanisme de financement puisse être semblable à celui des soins fournis par une famille d'accueil, ce type de rapports s'apparente davantage à celui d'un adulte ayant une invalidité et vivant dans une famille qui le considère comme un des leurs.

5.          Dans le cadre du partage d'un logement par des adultes - Lorsque deux ou trois adultes, dont au moins un a une invalidité, choisissent de vivre ensemble, et qu'un adulte qui n'a pas d'invalidité reçoit une certaine rémunération en contrepartie de sa disponibilité à offrir de l'aide personnelle à l'adulte qui a une invalidité, selon les besoins de ce dernier. Il s'agit d'un rapport plus informel que celui du fournisseur d'aide qui est rémunéré.

S'inspirant des travaux de recherche récents, le présent rapport examine les cinq types de rapport susvisés en mettant l'accent sur leur nature, leur poids démographique, leur importance aux yeux des parties en cause ainsi que sur les défis et les problèmes actuels propres à leur maintien. Il convient de noter que ces types de rapports ne s'excluent pas mutuellement. Au contraire, une personne peut obtenir des mesures fondamentales de soutien auprès de sa famille naturelle, cohabiter avec une autre famille, tout en recevant des soins rémunérés et en faisant partie d'un réseau de services de soutien formé de membres de sa famille, d'amis et de représentants au service de la collectivité. Les chevauchements que présentent ces différents types de rapports font qu'il est plus difficile de discerner les rôles de soutien des rôles de prise de décisions, et de départager les différentes responsabilités entre les parties à ces rapports et de percevoir la façon dont s'effectue la répartition des avantages et des ressources entre elles. L'analyse qui suit fait état des caractéristiques, des valeurs et des défis propres à chaque type de rapports, ceci afin de bien en faire ressortir la nature et d'éviter de donner l'impression que chaque type de rapports constitue une solution étanche, très distincte de l'autre, pour les intéressés. De fait, les adultes ayant une invalidité ordonnent leurs vies en adoptant une combinaison de différents types de rapports.

Dans les parties suivantes du présent rapport, l'intérêt de l'État et le rôle de la réglementation relativement à ces rapports personnels sont abordés au moyen d'une analyse des politiques et des programmes pertinents, et en puisant dans la jurisprudence disponible à leur sujet. Dans les dernières parties du présent rapport, nous présentons un cadre conceptuel visant à réunir l'action des politiques publiques, les caractéristiques désirables des rapports personnels étudiés ainsi que les intérêts de l'État dans l'autodétermination, dans la citoyenneté à part entière et dans l'égalité des membres du public.


PREMIÈRE PARTIE - EXAMEN DES RAPPORTS PERSONNELS DE SOUTIEN I.      Avec des membres de la famille

A.      Nature des rapports

1.        Les parties en cause

Le soutien personnel fourni par un membre de la famille constitue le type le plus courant de rapports par lesquels des soins sont donnés à des adultes ayant une invalidité. Suite au mouvement de désinstitutionalisation des services sociaux et à la tendance à recourir à des services communautaires pour la fourniture des soins, les familles sont de plus en plus mises à contribution pour faire en sorte que leurs membres ayant une invalidité reçoivent les soins nécessaires. Les travaux de recherche font état particulièrement du rôle grandissant que le public reconnaît aux familles en tant que source première de prestation de services de soutien aux personnes ayant une invalidité de longue durée (Francell, Conn et Gray, 1988; Hatfield et Lefley, 1987; Seltzer et Kraus, 1997).

Les membres de la famille qui exercent un rôle de soignant sont considérés en général comme étant les membres de la famille biologique de la personne ayant une invalidité, c'est-à-dire l'un des parents, un enfant adulte ou un frère ou une soeur. Selon certaines définitions, le conjoint ou la conjointe peut également être considéré comme des membres soignants de la famille. La portée du terme « soignant » peut cependant devoir être remise en question. Effectivement, la notion même de famille est mouvante, vu le débat actuelle sur les droits de partenaires de même sexe et vu, également, le nombre croissant de familles recomposées par suite d'un divorce ou d'un deuxième mariage, de l'évolution du rôle des sexes, de la mobilité des membres d'une même famille et des nouvelles formes que prennent en général la vie de famille. Ainsi que le note Carpenter (1998), de nombreuses familles avec des enfants ayant une invalidité se regroupent pour former des familles étendues dont les membres ne sont pas nécessairement apparentés par le sang, afin d'assurer des tâches typiques auparavant dévolues au modèle traditionnel de la famille. Ces nouvelles formes de familles improvisées englobent notamment des voisins, des amis, des collègues de travail, des membres d'un même groupement religieux, des professionnels de l'éducation et des bénévoles.

2.        Activités de soutien personnel

L'aide naturelle suppose la participation de membres d'une famille qui adoptent différents rôles et prennent part à différents événements dans le contexte de la vie de famille (Singer et Irwin, 1989). Les auteurs Turnbull et Turnbull (1986), et Zetlin (1986) dénombrent une série d'activités d'aide naturelle axés sur le bien-être économique, les soins domestiques et les soins de santé, les loisirs, les relations sociales, l'épanouissement du soi, l'affection ainsi que l'éducation et la formation professionnelle (Singer et Irwin, 1989; Turnbull et Turnbull, 1986; Zetlin, 1986).    Parmi les tâches particulières recensées figurent :

·                      l'aide à exécuter des tâches quotidiennes, comme, par exemple, la préparation des repas, les courses, le ménage, les corvées particulièrement exigeantes, les finances personnelles, les soins personnels (toilette, soins du corps, habillement et alimentation) ou aider la personne à se déplacer à l'intérieur de son domicile;

·                      les services d'intercession;

·                      la planification personnelle et l'aide à la prise de décisions;

·                      le transport;

·                      l'aide pour participer à des activités éducatives, sociales et économiques.

3.        Structure

Les rapports familiaux grâce auxquels est assuré un soutien à un membre de la famille ayant une invalidité présentent une structure variée. Celle-ci peut effectivement dépendre du lieu d'habitation des différentes personnes participant à ces rapports. Ces personnes occupent-elles le même domicile? Vivent-elles dans le même bâtiment? Vivent-elles au contraire dans des logements séparés? S'agit-il d'un réseau de services de soutien officialisé ou au contraire d'un réseau informel qui dépend de l'engagement des membres d'une famille? L'aide naturelle ou les services de soutien sont-ils assurés par un seul membre de la famille au profit d'un autre qui a une invalidité? S'agit-il d'une responsabilité partagée? Cette responsabilité nuit-elle à l'accomplissement d'autres tâches?

La structure des rapports familiaux servant à fournir une aide naturelle peut également dépendre de l'existence d'un réseau de rapports de soutien auquel la famille peut ou non appartenir. On définit généralement les réseaux familiaux de services de soutien personnel comme étant « l'ensemble des personnes ou des institutions qui sont en contact avec la famille et les membres individuels de celle-ci, et qui constituent la source primaire d'aide à ceux-ci » (collectif Dunst, 1989, p.124).

4.        Caractère évolutif

Les rapports familiaux servant à fournir une aide personnelle sont susceptibles de changement. Les besoins éprouvé par des adultes ayant une invalidité en matière de services de soutien de la part de leurs familles évoluent avec le temps en ce sens que la gravité même de l'invalidité en question peut évoluer, que leurs possibilités d'accès à d'autres formes de soutien comme, par exemple, des services de soutien rémunérés, peut varier. La capacité de la famille de fournir des services de soutien peut également varier à mesure que les parents prennent de l'âge ou que la composition de la famille évolue par suite d'un décès, d'un divorce ou d'un changement du lieu d'habitation.

Le caractère évolutif des rapports personnels servant à assurer une aide naturelle, notamment en raison du vieillissement des parents à même de fournir l'aide nécessaire à un enfant adulte ayant une déficience intellectuelle devient depuis peu une source de préoccupation pour les chercheurs et les partisans de l'intégration sociale[3]. Les familles commencent à se rendre compte que le besoin d'assistance chez des parents vieillissants tend à modifier la nature des rapports. De fait, le besoin de réciprocité au sein de ces rapports peut revêtir une importance croissante à mesure que les parents eux-mêmes éprouvent un besoin de soutien de la part de leur fils ou de leur fille ayant une invalidité. Le vieillissement des parent suscite aussi des questions en ce qui concerne les sources futures de soutien personnel pour le membre de la famille ayant une invalidité ainsi que pour les parents mêmes qui, eux aussi, s'exposent à des risques d'invalidité croissants avec l'âge.

5.        Réciprocité

Selon certains travaux de recherche, les rapports servant à fournir une aide naturelle revêtent souvent un caractère réciproque. Ainsi, Walmsley (1993), par exemple, a constaté que les rapports entre adultes servant à fournir des soins à des femmes ayant une invalidité étaient réciproques et interdépendants. Dans une document rédigé pour le compte de Condition féminine Canada, l'Institut Roeher (2001) constate que même si la réciprocité était parfois indirecte (exemple : le cas d'une femme recevant des services de soutien de sa soeur mais assurant des services de soutien à son frère lequel, à son tour, assure un soutien à sa soeur), quelle que soit la forme de cette réciprocité, elle comptait beaucoup et était perçue comme un élément nécessaire des rapports en question. La reconnaissance et la valorisation des liens de réciprocité faisaient en sorte que les rapports personnels servant à fournir des services de soutien créaient une situation d'interdépendance et non de dépendance.

Bien des adultes ayant une invalidité et cohabitant avec leurs familles fournissent un apport sous différentes formes. Cependant, peu de travaux de recherche ont permis jusqu'à présent à d'explorer l'apport d'adultes ayant une invalidité à leur famille soignante. Heller, Miller et Factor (1997) se sont penchés sur le rôle que jouent des adultes ayant une déficience intellectuelle dans les rapports servant à soutenir leurs parents. Ils ont constaté que ces adultes contribuent effectivement à soutenir leurs parents de par leur compagnonnage et en exécutant différentes tâches. Dans un survol qu'ils ont effectué des travaux de recherche portant sur ce sujet, ces auteurs ont mis en lumière les autres formes d'apport assuré par des adultes ayant une déficience intellectuelle ou une maladie mentale, y compris le soutien social (Greenburg, 1995; Greenburg, Greenly et Benedict, 1994; Horwitz, Reinhard et Howell-White, 1996), le renforcement des liens familiaux, le développement de sentiments de compassion accrue, de sentiments de joie et d'accomplissement (Abbott et Merideth, 1986; Turnbull, Guess et Turnbull, 1988), l'enrichissement de la vie de famille, l'exécution de tâches, la contribution au budget familial grâce au régime social des revenus garantis, et le simple fait de tenir compagnie aux parents (Heller et Factor, 1988). D'après les travaux de recherche que nous avons consultés, les gens ayant une invalidité contribuent de différentes façons aux rapports de soutien : en touchant des revenus d'un travail rémunéré, en appartenant à des organismes communautaires, en fournissant un soutien affectif à des amis et à des membres de la famille, en élevant des enfants, en effectuant des tâches ménagères et en cuisinant, en réparant des objets, en gardant des enfants et en fournissant des services de soutien à des membres plus âgés ou malades de la collectivité.


B.      Données démographiques relatives aux rapports personnels

L'analyse des données statistiques ayant servi aux travaux de recherche du présent rapport proviennent de données non publiées de l'Enquête sur la santé et les limitations d'activités - composante ménages - de Statistique Canada, ci-après appelée (ESLA). Les données tirées de l'enquête ESLA permettent d'identifier les personnes grâce auxquelles des gens ayant une invalidité se font aider dans les activités quotidiennes (comme par exemple la préparation des repas, les courses, les soins personnels, les tâches ménagères et les finances personnelles). Parmi les personnes assurant des services de soutien, on compte des membres de la famille, des amis ou voisins et des préposés aux services communautaires. En 1991, parmi les personnes ayant une invalidité qui cohabitaient avec une famille, étaient âgées d'au moins 15 ans et avaient besoin de services de soutien, près de 900 000 obtenaient ces services exclusivement auprès de membres de la famille (voir le tableau 1).

Tableau 1:     Source d'aide (adultes de 15 ans et plus nécessitant de l'aide pour l'exécution de tâches quotidiennes)

Soignants

Bénéficiaires de 15 ans et plus

Pourcentage

Famille exclusivement

892,834

48.8

Amis exclusivement

97,668

5.3

Famille et amis

119,299

6.5

Famille, amis et organisme de services

53.027

2.9

Famille et organisme de services

245,551

13.4

Amis et organisme de services

21,385

1.2

Organisme de services exclusivement

248,792

13.6

Aide nécessaire mais non reçue

150,153

8.2

Totaux

1,828,709

100

Source: Institut Roeher (sur base des données de l'ESLA de 1991)

Bien que le public ait l'impression que les gens ayant une invalidité et vivant en dehors d'établissements de soins prolongés reçoivent des services de soutien dans des foyers collectifs ou dans des logements supervisés, plus de 90% de ces gens, en réalité, vivent dans leurs propres domiciles de façon autonome avec des membres de la famille ou avec d'autres personnes, dans des logements dont ils sont propriétaires ou locataires (voir le tableau 2). La toute grande majorité de ces gens ont dû établir des rapports de soutien avec des personnes rémunérées ou non rémunérées afin de pourvoir à leurs besoins de base et à leur bien-être.

Tableau 2:     Logement (Personnes ayant une invalidité âgées de 15 ans et plus, données ESLA de 1991)

PROPRIÉTAIRES

Type de logement

Adulte de 15 ans et plus ayant une invalidité

Pourcen-tage

Propriétaires

2,190,075

64.3

LOCATAIRES

Type de logement

Adulte de 15 ans et plus ayant une invalidité

Pourcen-tage

Privé (appartement, maison de ville, condominium ou maison unifamiliale)

902,810

26.5

Pension

91,465

2.7

Logement public, sans but lucratif ou communautaire

132,935

3.9

Coopérative d'habitation

26,270

0.8

Foyer collectif

57,750

1.7

Logement provisoire, foyer de transition ou de refuge

5,370

0.2

Totaux

3,406,675

100.0

Les femmes jouent un rôle bien plus prépondérant que les hommes dans la prestation de services de soutien à des membres de la famille ayant une invalidité. Étant donné que l'enquête ESLA ne fait pas de distinction de genre entre les soignants qui sont frères ou soeurs, parents ou autres membres de la famille (comme, par exemple, des tantes, des cousines et des grands-mères), l'enquête sous-estime la participation des femmes dans la prestation de soins non professionnels au sein de la famille et ce, dans une proportion importante. (L'enquête ESLA ne tient compte du genre de la personne que dans le cas des conjoints et des enfants).

On peut, sans risque d'exagération, estimer à environ 650 000 personnes les gens ayant une invalidité qui reçoivent de l'aide de la part de femmes de la même famille en 1991 pour accomplir des activités quotidiennes. On estime à environ 720 000 le nombre de femmes qui assurent les services de soutien nécessaires à cette fin. (Voir le tableau 3). On trouve le plus grand nombre de soignantes parmi les conjointes, légalement mariées ou non, d'hommes ayant une invalidité. Viennent ensuite en deuxième place dans l'ordre d'importance les soignantes qui sont la fille d'une femme ayant une invalidité.

Tableau 3:     Personnes ayant une invalidité et recevant de l'aide non professionnelle pour l'exécution de tâches quotidiennes de la part de membres de leur famille (ESLA 1991)

Sexe du bénéficiaire

Lien entre le soignant et le bénéficiaire

Nombre de bénéficiaires

Nombre minimum de soignantes de sexe féminin

Sous-totaux

Hommes

conjointe exclusivement

247,350

247,350

247,350

fille(s) exclusivement

36,990

36,990

36,990

conjointe et fille

72,230

144,460

144,460

Femmes

conjoint exclusivement

325,410

fille(s) exclusivement

184,940

184,940

290,660

conjoint et fille

105,720

105,720

Totaux

972,640

719,460

719,460

* 325,410 femmes bénéficiaient d'une aide exclusive de la part de leur conjoint.


C.      Valeur des rapports

L'une des principales valeurs sociales de la prestation d'une aide naturelle de la part d'un membre de la famille réside dans l'économie de fonds publics pour les gouvernements grâce à l'action bénévole des membres de la famille apportant du soutien à d'autres adultes. Du point de vue des adultes ayant une invalidité, la valeur principale de ces rapports réside dans le soutien qu'ils leur apportent, dans la valorisation personnelle et dans l'autonomie relative que leur procurent les soins fournis par la famille même. À défaut d'avoir accès à une aide naturelle, ces personnes se trouvent effectivement obligées d'obtenir des services de soutien auprès d'établissements financés par l'État comme des établissements de soins actifs ou des établissements de soins de longue durée, voire en étant incarcérées par le système de justice pénale où les personnes ayant une invalidité sont d'ailleurs en surnombre.

Pour les participants, la valeur des rapports familiaux grâce auxquels est fournie de l'aide naturelle diffèrent d'une famille à l'autre. Comme dans toute famille, les familles qui comportent des membres ayant une invalidité sont soumises à des variables au niveau, par exemple, de l'harmonie des rapports familiaux, de la co-dépendance ou de l'interdépendance, des situations dysfonctionnelles, du degré de préoccupation et d'engagement réciproque des membres, et autres facteurs. Comme dans toute famille également, la solidité et la réciprocité des rapports de soutien qui existent entre un adulte ayant une invalidité et les membres de sa famille dépendent de conditions diverses comme, par exemple, le niveau de vie de la famille, son degré d'intégration à la collectivité et le degré d'épanouissement de ses membres.

Pour les gens ayant une invalidité et leurs familles, ces facteurs peuvent en outre être influencés par la facilité d'accès à des services de soutien reliés à l'invalidité en cause tant pour les membres de la famille ayant l'invalidité que pour les autres membres. La facilité d'accès à des services de soutien reliés à l'invalidité favorise l'égalité des rapports entre les personnes ayant une invalidité et les membres de la famille qui fournissent une aide naturelle axée sur l'invalidité. En effet, tant du point de la vue de la personne ayant l'invalidité que du point de vue des autres membres de la famille, l'accès à des services de soutien axés sur l'invalidité favorise l'interdépendance des membres de la famille, engendre des occasions d'épanouissement social et économique, leur offre une plus grande liberté de choix et réduit les risques de stress, d'abus et de difficulté de fonctionnement des rapports (Institut Roeher, 2000 1997).

Cela ne revient pas à dire que des rapports professionnels rémunérés devraient remplacer les rapports familiaux dans la vie des personnes ayant une invalidité. Ces deux types de rapports sont nécessaires; ils devraient être reconnus et appuyés par le droit et les politiques sociales. En outre, même si les services de soutien rémunérés sont disponibles, ceux fournis dans le cadre de rapports familiaux offrent certains avantages, dont l'affection et le compagnonnage qui sont plus difficiles à obtenir dans le cas de rapports rémunérés, voire totalement absents de ceux-ci ou du moins parfois présents sous une forme inappropriée.

1.        Sources d'affection et de compagnonnage

L'un des principaux avantages des rapports de soutien fournis dans un cadre familial réside en ce que les parties à ces rapports sont portées à manifester de l'affection l'une pour l'autre et à se préoccuper l'une de l'autre. En effet, dans le cadre familial, le soutien mutuel ne se résume pas à l'exécution de tâches quotidiennes ou à l'échange de ressources. Le soutien mutuel se produit au contraire dans un contexte où les membres de la famille se préoccupent l'un de l'autre en plus de se prêter mutuellement assistance (Qureshi et Walker, 1989 dans Walmsley, 1996, p.329). D'après plusieurs travaux de recherche, les rapports mutuels d'amour, d'affection, d'amitié et de compagnonnage constituent des qualités hautement prisées au sein de rapports de soutien familiaux et sont considérés par les familles en cause comme un véritable avantage des rapports de soutien (Singer, 1996; Lord et Ochnocka, 1995).    Comme l'indique Singer, les rapports personnels servant à fournir une aide naturelle permettent également d'offrir de l'amour, des sentiments de préoccupation des autres, un soutien affectif et psychologique, et, par conséquent, devraient être considérés comme formant partie du patrimoine national d'une société (p.19).

2.        Consolidation des liens familiaux

Les rapports familiaux sont devenus le mode préféré de prestations d'aide naturelle dans de nombreuses familles. D'après Singer (1996), l'avantage le plus important de ce mode de prestation de soins est « ...le sens de l'engagement qui unit les familles, les amis et les collectivités » . Cet avantage est « ...l'un des liens humains fondamentaux qui sous-tend l'existence de la société en général » (p. 19). Vus dans cette optique, les rapports de soutien contribuent à consolider les familles. Ils engendrent des occasions par lesquelles les membres de la famille peuvent démontrer leurs compétences. Ces rapports habilitent et autonomisent l'individu, d'après Hobbes (1984), avec pour effet de rapprocher des gens dans le cadre d'un véritable échange de ressources (collectif Dunst, 1984, p.127). Singer souligne la façon dont les familles qui entretiennent des rapports de soutien tissent des liens familiaux solides ou les maintiennent, développent un esprit de famille, ainsi qu'une attitude de collaboration et d'échanges positifs entre les membres de la famille (Singer, 1996, p.20-21).

3.        Valorisation des rôles

La participation à des rapports servant à fournir une aide naturelle et des services de soutien contribuent également à donner aux parties en cause le sentiment de jouer des rôles significatifs et utiles. Le survol des travaux de recherche effectué par Singer en 1996 sur les avantages des rapports d'aide naturelle au sein d'une même famille a permis de dégager entre autres les valeurs suivantes propres à ces rapports de soutien : meilleur épanouissement de soi dans la vie, sentiment d'utilité et impression personnelle positive de satisfaction et d'accomplissement (Singer, 1996, p.20-21).

Cette constatation s'applique aussi bien à la personne ayant une invalidité qu'aux autres membres de la famille. Dans les rapports de soutien réciproques, les enfants adultes ayant une invalidité assument souvent progressivement de nouveaux rôles à mesure que leurs parents vieillissent. D'après une étude, le fait d'aider un parent qui était malade ou devenu veuf depuis peu fournissait à l'enfant adulte en cause un sentiment de fierté fondé sur son sentiment de pouvoir aider. Pour les membres de la famille, l'aide naturelle suppose « l'apprentissage de nouvelles aptitudes et perceptions, la conscience de pouvoir se rendre utile et efficace, le sentiment de pouvoir créer des liens plus étroits fondés sur l'affection et l'espoir » (Singer, 1996).

4.        Facilitation de l'intégration sociale

Du point de vue des adultes ayant un besoin aigu de services de soutien, la présence de soignants est précisément ce qui leur permet de vivre dans leur propre domicile, soit seul ou en famille, plutôt que de devoir vivre dans un établissement tel un foyer spécialisé ou collectif. Ce constatation est particulièrement vraie pourvu, comme l'indiquent Singer et Irwin (1989), que les familles en cause aient accès à des ressources suffisantes.

Les familles jouent un rôle important dans la participation communautaire et l'intégration des enfants. Il en va de même des adultes. De fait, Lord et Ochocka (1995) laissent entendre que les familles constituent le moyen par excellence par lequel leurs membres ayant une invalidité peuvent participer à la collectivité et y assumer un rôle au niveau de la socialisation notamment en ce qui concerne le développement des loisirs, les activités récréatives et la participation (p.22).

5.        Degré d'autonomie accrue

Pour les personnes ayant une invalidité, la participation à des rapports de soutien familiaux, surtout dans le cas de rapports réciproques, est propice à l'acquisition d'une plus grande autonomie. Singer (1996) a constaté que le fait pour une personne ayant une invalidité de s'occuper de ses parents était considéré comme un moyen de favoriser l'autonomie de cette personne. De fait, il a observé que lorsque des personnes avaient dû recourir à des services de soutien de la part de membres de leurs familles, ils faisaient preuve d'une plus grande autonomie, de meilleures aptitudes sociales, courraient un risque moins élevé de se retrouver sans logis ou trop souvent à l'hôpital (Singer, 1996, pp.21-22).

Même si les travaux de recherche démontrent le caractère bénéfique de l'aide naturelle reçue en famille, certains auteurs par contre soulignent que le recours excessif à l'aide naturelle en famille peut en réalité créer une situation de dépendance au détriment de l'autonomie de l'intéressé (Institut Roeher, 2001). Les rapports de soutien entre membres d'une famille doivent être mis en équilibre avec les autres sources de soutien afin que tant les personnes qui fournissent du soutien que celles qui le reçoivent puissent librement décider du degré de participation à ces rapports.

D.      Défis et problèmes

1.        Multiplicité des rôles

Les travaux de recherche démontrent que les familles qui s'occupent fréquemment des membres de la famille ayant une invalidité doivent assumer un certain nombre de rôles exigeants et contradictoires comme, par exemple, remplir le rôle d'infirmier, de coordonnateur de services, de responsable de dossier, de représentant, de formateur et d'éducateur (Kirk, 1998; collectif Petr, 1995; Havestock, 1992). Or, l'exercice de ces responsabilités demandent beaucoup de temps et exigent des parents qu'ils diminuent leur présence sur le marché du travail ou le quittent complètement. L'absence de souplesse en milieu de travail, d'avantages sociaux et de congés suffisants met le membre de la famille chargé de soigner un autre dans l'impossibilité de répondre complètement aux besoins du membre ayant une invalidité (Institut Roeher, 1998). L'ampleur des responsabilités peut s'avérer très éprouvante pour l'état de santé physique, émotif et psychologique du parent en cause (Kirk , 1998; collectif Bradley, 1995).

2.        Le manque de soutien comme cause de stress pour les familles

Les études démontrent l'une après l'autre que les mesures de soutien dont bénéficient les personnes ayant une invalidité et leurs familles sont souvent insuffisantes. Cette insuffisance est source de tension pour les familles dont les membres sont alors censés remédier à l'insuffisance en jouant le rôle de soignant de façon non rémunérée et souvent sans reconnaissance officielle. Les études portant sur des parents (le plus souvent des mères de famille) qui assurent le plus gros de l'aide naturelle aux membres de la famille ayant une invalidité constatent souvent chez ces personnes un état de dépression, d'anxiété, de fatigue et en général une diminution de l'état de santé par suite de l'insuffisance des services d'assistance comme, par exemple, des soins de relève (Institut Roeher, 2000). On trouve également des tensions psychologiques assez fréquentes parmi des pères de famille, des frères ou soeurs. Plusieurs d'entre eux éprouvent un stress intermittent ou chronique et nombre de ces familles se considèrent comme n'étant pas heureuses de la situation (collectif Heller, 1997, p. 5).

D'après des travaux de recherche, il serait important que les parents vivant dans de telles situations bénéficient de services de relève professionnelle à titre de mesure d'assistance. Le recours à des services professionnels devrait entraîner une diminution du temps consacré à fournir une aide naturelle et à un allégement du fardeau ressenti par le soignant (collectif Haveman, 1997). Les auteurs de cette étude laissent entendre que le recours à des services professionnels peut entraîner une diminution du temps consacré par les familles à fournir des soins directs ce qui, en retour, leur donnerait plus de temps pour assurer un soutien émotif à tous les membres de la famille (p. 423). Cela est d'autant plus vrai dans le cas des familles vivant dans la pauvreté. Singer et Irwin (1989) font remarquer à quel point il y a « une surcharge imposée aux familles du fait de la concomitance de la pauvreté et de la nécessité de donner des soins » (p. 22).


3.        Responsabilités divisées selon le sexe

La question de la division des rôles selon le sexe s'est trouvée de nouveau au centre de travaux de recherche au cours des dernières décennies en ce qui concerne l'aide naturelle non rémunérée. Selon les données d'un recensement, les femmes continuent de fournir la plus grande partie de l'aide naturelle sans être rémunérées (Condition féminine Canada, 1998)[4], comme en témoignent les paragraphes précédents sur les aspects démographiques. Pour ce qui est de la prestation des services de soutien familiaux axés sur une invalidité, les travaux indiquent de façon constante que les femmes assument la plus large part des responsabilités de prestation d'aide naturelle, des tâches ménagères, de la représentation des personnes, des soins infirmiers et d'autres tâches (collectif Heller, 1997, p. 412). Cette constatation reste valable peu importe que les femmes en cause soient sur le marché du travail ou non (Marcenko et Meyer (1991) cité dans le collectif Heller, 1997). De fait, lorsqu'un membre de la famille présente une invalidité et que la responsabilité des tâches non rémunérées augmentent, les rôles sexuels traditionnels deviennent encore plus marqués (collectif Heller, 1997, p.407). Même dans les familles où le père passe une plus grande proportion de son temps à fournir de l'aide naturelle, d'après une des études en question, la proportion du temps consacré par la mère à fournir de l'aide ne change pas. Au contraire, il arrivait que la participation du père entraîne même une augmentation du temps consacré par la mère (collectif Heller, 1997, p. 414).

Nombre de chercheurs insistent sur la nécessité de trouver de nouvelles façons d'apporter un soutien aux familles étant donné « cette remise en question fondamentale qui de nos jours touche les rôles sexuels traditionnels » (Singer, 1996, p. 13). De nombreux théoriciens préoccupés par les questions de rôle sexuel et de travail non rémunéré (Rubin, 1975; Kramarae et Treichler, 1985; Haraway, 1991; Walmsley, 1993) soutiennent que les femmes ont été socialisées par une série de restrictions et d'attentes à caractère social et culturel qui les confinent à des rôles de soignantes et de ménagères sans compensation financière. Or c'est précisément ce rôle qui limite leurs occasions d'épanouissement social et économique. Le réaménagement des rôles sexuels incite également les femmes à se lancer sur le marché du travail avec pour conséquence de leur faire porter des responsabilités supplémentaires mais sans alléger leurs responsabilités traditionnelles. Il s'ensuit qu'à l'heure actuelle de nombreuses femmes se trouvent dans l'obligation d'assumer des rôles multiples en tant que soignantes et travailleuses rémunérées tout à la fois. Pour les femmes chargées d'apporter des soins à des enfants ayant une invalidité, le fardeau semble triple : les tâches ménagères, le travail rémunéré et finalement la nécessité de fournir une aide naturelle axée sur l'invalidité du membre de la famille en question.

Or, les politiques sociales tendent à passer sous silence l'apport non rémunéré des femmes. Les auteurs O'Brien et O'Brien (1991) affirment que les différentes formes de prestation d'aide naturelle sont réunies globalement sous l'expression « soutien naturel » par les concepteurs de politiques avec pour effet de minimiser l'apport de ces femmes soignantes au sein des familles (p. 14). D'après Finch (1989), les concepteurs de politiques sous-estiment l'apport des femmes « en prenant pour acquis que leur rôle est naturellement de venir en aide dans les problèmes privés touchant la famille et en ne tenant pas compte de la situation des femmes dans les décisions en matière fiscale et de dépenses publiques » (O'Brien et O'Brien, 1991, p.14).

4.        Rapports entre frères et soeurs

Les relations de soutien assurés entre frères et soeurs engendrent également des questions de politique. Une grande partie des travaux de recherche en matière d'aide naturelle traite du cas des rapports mettant en présence des parents et leurs enfants. Par contre, de plus en plus de travaux se penchent plus spécifiquement sur la situation de frères et soeurs. De fait, un frère ou une soeur est souvent présent dans la vie d'une personne ayant une invalidité. Pour de nombreux frères ou soeurs, et surtout les soeurs, le fait d'avoir grandi ensemble, les place naturellement dans une situation de parentage de substitution ou de soignants naturels (Stoneman, Brody, Davis et Crapps, 1987; Wilson, Balcher et Baker, 1989) (collectif Selzter, 1997).

Frères et soeurs connaissent, tout au long de leur existence, des rapports et des expériences en constante évolution (Begun, 1989; Johnson, 1998; Swados, 1991; Zetlin, 1986). D'après les travaux de recherche publiés, ces rapports dépendent de la façon dont la famille en cause considère l'invalidité, de la façon dont les parents réagissent aux défis suscités par l'invalidité et de la façon dont la famille s'adapte aux changements en général (collectif Selzter, 395).

Malgré l'importance des rapports entre frères et soeurs, surtout à la lumière du fait qu'en vieillissant les parents risquent de ne plus pouvoir continuer à offrir indéfiniment des services de soutien reliés à l'invalidité à leurs enfants, les politiques sociales n'accordent toujours pas assez d'attention aux besoins des frères et de soeurs qui s'apportent une aide naturelle (collectif Selzter, 1997, p. 395). Or, leurs responsabilités peuvent s'étendre sur une période qui dépasse de loin la vie de leurs parents.

5.        Divergences culturelles

Un autre aspect qui se dégage des travaux de recherche sur l'aide naturelle est l'importance d'aborder la question des divergences culturelles. Ainsi, dans une étude sur les besoins propres aux familles dont les membres sont plus âgés et d'origine ethno-raciale et culturelle variée, qui fournissent, à l'intérieur du foyer, une aide naturelle à des membres ayant une invalidité, McCallion, P.M., Janicki, M. et Grant-Griffin, L. (1997, p.347) ont classé certaines divergences culturelles selon les catégories suivantes :

·                      les perceptions de la famille au sujet de l'invalidité (soit le sentiment de honte)

·                      la composition de la famille (famille étendue ou noyau de famille)

·                      qui exactement fournit les soins (le sexe de la personne et son rôle au sein de la famille)

·                      la façon dont la famille prend des décisions au sujet des soins à donner

·                      les attentes de la famille

·                      la disponibilité de services de soutien pour la famille (professionnels et non professionnels)

·                      les raisons qui ont incité la famille à s'établir où elle réside (ou à y immigrer?)

·                      la capacité d'accepter des services professionnels

·                      la langue de communication usuelle de la famille

·                      les préoccupations de la famille au sujet des fournisseurs de services.

Les divergences culturelles observées d'une famille à l'autre justifient donc des politiques sociales flexibles pour répondre aux besoins variés des familles.

Les travaux de recherche font ressortir l'importance de faciliter l'accès à des services de soutien professionnels rémunérés afin de favoriser l'autonomie des intéressés, leur interdépendance et la réciprocité. Toutefois, ces mêmes travaux laissent entendre que l'apport fourni par les membres mêmes de la famille devrait être suffisamment récompensé lorsque le recours à des services de soutien professionnel ne constitue pas la solution préférée. D'après Doty (1986), la possibilité de recourir à long terme à des soignants non professionnels pour répondre aux besoins d'un fils ou d'une fille adulte ayant une invalidité est d'importance primordiale pour les familles dont les parents avancent en âge. Certaines familles évitent à tout prix de recourir à des services professionnels en raison d'expériences négatives avec des fournisseurs de services et en raison également de leurs réflexes culturels face à l'usage de services communautaires. D'après McCallion (collectif du même nom, 1997, p. 348), les interventions professionnelles en milieu familial peuvent heurter les traditions culturelles de ces familles et leur sens des responsabilité envers ceux de leurs membres qui nécessitent une aide naturelle.

6.        L'aide naturelle à long terme

Certains travaux de recherche présentent une analyse des incidences de l'aide naturelle à long terme, c'est-à-dire au cours des différentes étapes de la vie d'une personne. Les familles éprouvent des besoins variés à différentes étapes de la vie au niveau, notamment, des modalités d'accès à des services de soutien, à mesure qu'évoluent également les rapports des membres de la famille entre eux. Farber (1975) a constaté qu'au fur et à mesure de l'évolution d'un enfant vers le stade adulte, ses besoins en fait d'aide naturelle deviennent plus prononcés. Au moment où l'enfant arrive à l'adolescence ou à l'âge adulte, il arrive que les parents soient toujours occupés à lui fournir des soins parentaux typiques d'une famille ayant des enfants plus jeunes. Johnson et Catalano (1983) indiquent que, selon l'hypothèse de l'épuisement progressif, les besoins en aide personnelle à long terme et l'accumulation de stress entraînent l'épuisement des ressources physiques et psychologiques du milieu (collectif Haveman, 1997). Toutefois, d'après Townsend, Noelker, Deimling et Bass (1989), il ne faut pas sous-estimer non plus les facultés d'adaptation du milieu soignant avec le temps. Ces constatations, quoique contradictoires, laissent entendre que l'aide naturelle assurée au sein de la famille au profit d'un membre ayant une invalidité n'est pas, à elle seule, déterminante sur le bien-être global de la famille. C'est plutôt la nature et l'étendue des services d'assistance aux famille qui constituent les facteurs primordiaux de l'évolution du bien-être familial avec le temps.

La variation des conditions d'admissibilité aux services de soutien démontre qu'un certain nombre des critères établis par les politiques sociales ne sont pas réalistes pour de nombreuses familles. De fait, les services de soutien semblent plus faciles à obtenir, soit à domicile ou par l'intermédiaire de services d'éducation spécialisée, pour les familles ayant des jeunes enfants. À mesure que les enfants grandissent, on s'attend d'eux qu'ils deviennent plus autonomes car ils sont considérés comme étant davantage la responsabilité de la famille que celle de l'État. Une fois atteint l'âge adulte, beaucoup d'entre eux perdent l'accès au soutien et aux services dont ils bénéficiaient en tant qu'adolescents, le plus souvent à l'école (c'est-à-dire par l'entremise des services récréatifs ou de soins de santé auxiliaires offerts à l'école). En conséquence, ils sont réduits à obtenir de l'aide auprès de leurs familles et de leurs amis.

Parallèlement à cela, à mesure que les gens avancent en âge, la nature de leurs rapports avec d'autres changent. Il s'ensuit que leurs attentes quant au soutien disponible grâce à ces rapports changent aussi. Ainsi, peu d'adultes dans la vingtaine ou dans la trentaine préfèrent se faire donner le bain par leurs parents. Et pourtant les adultes ayant une invalidité et qui cohabitent avec leurs parents ont difficilement accès à des services auxiliaires. Or, s'ils décident de cohabiter avec un frère ou une soeur, ou avec un compagnon ou une compagne de logement, ou d'habiter seuls, ils ne peuvent pas être considérés comme « personne à charge » sous le régime fiscal actuel, même si la personne ou le parent en question avec qui ils ne cohabitent pas engage des ressources considérables en vue de fournir une aide pratique et financière. Selon une étude récente, un certain nombre de jeunes femmes auraient quitté le domicile parental afin de pouvoir avoir accès à des services de soutien rémunérés et ainsi alléger le fardeau de leurs mères ou de leurs frères ou soeurs (Institut Roeher, 2000b).

7.        Les obstacles à la réciprocité des services

Bien que la plupart des gens ayant une invalidité insistent sur l'importance de la réciprocité de l'aide fournie dans le cadre des rapports avec des membres de la famille et d'autres personnes (Walmsley, 1993; Institut Roeher, 2000), ils éprouvent néanmoins des difficultés à ce niveau. En effet, l'apport, dans le cadre de rapports d'aide naturelle, d'un adulte ayant une invalidité n'est pas nécessairement reconnu. Ainsi, certaines femmes interviewées dans le cadre d'une entrevue récente, se montraient préoccupées par le fait que leur contribution aux rapports d'aide n'était pas toujours reconnue. Même lorsqu'elles étaient surchargées de responsabilités en matière d'aide, elles étaient néanmoins considérées comme étant les personnes qui dépendaient exclusivement du soutien. Voici ce que dit à ce sujet l'une des femmes interviewées pour l'étude en question :

« C'est moi qui ait soutenu mon père tout le temps que la santé de ma mère se détériorait. C'est moi qui lui faisais la conversation et lui fournissais de l'aide. Mais, à bien y penser, il me considère dépendante de lui et sans ressources. En réalité, c'est lui qui dépend de moi. Si vous lui demandez son avis, il vous dira que sa femme vit dans un hospice et que sa fille, elle, est quadraplégique. Si l'un de mes frères lui rend visite et passe une heure à nettoyer ses gouttières, mon père considère cela tout simplement merveilleux. Tandis que moi, les heures de soutien que je lui fournies ne comptent pas » .

Les femmes interviewées dans le cadre de l'étude en question ont également fait savoir qu'il ne leur était pas toujours possible de contribuer elles-mêmes à des rapports d'aide naturelle de façon tangible ou significative. Les difficultés d'accès à des services de soutien reliés à l'invalidité, ou la rigidité même des structures de soutien, les empêchaient d'apporter à d'autres toute l'aide qu'elles auraient voulu leur fournir, tout en les plaçant dans des situations où elles étaient obligées de faire appel, plus qu'elles l'auraient voulu, à un membre de la famille ou à un ami. Cette situation avait pour effet de déséquilibrer leurs rapports personnels de sorte qu'elles se sentaient dépendantes, comme un fardeau pour les autres, et en éprouvaient de la culpabilité (Institut Roeher, 2000).

II.     Avec des fournisseurs de soutien rémunérés

A.      Nature des rapports

De nombreuses personnes participent à des rapports où l'une d'elles est rémunérée pour en faire partie comme, par exemple, élèves et professeurs, thérapeutes et patients ou encore des préposés aux services de ménage et leur employeur. Le présent document vise plus particulièrement les types de rapports rémunérés comportant des services de soutien axés sur une invalidité et assurés au titre de l'aide personnelle à long terme. Différents types de travailleurs et de travailleuses tombent dans cette catégorie, chacune de ces personnes adaptant leurs services aux besoins spécifiques d'individus ayant une invalidité. Nous songeons notamment aux préposés aux services auxiliaires, aux préposés aux soins à domicile et autres préposés aux services de soutien.

1.        Les préposés aux services auxiliaires

Ces auxiliaires sont des personnes engagées pour fournir de l'aide personnelle généralement à des individus ayant une invalidité physique et nécessitant de l'aide pour l'accomplissement de tâches quotidiennes soit personnelles ou reliées à leur travail. Les fonctions de ces auxiliaires varient selon les personnes à qui elles fournissent des services et selon les besoins de leur client ou de leur employeur. De façon générale, ces auxiliaires fournissent de l'aide personnelle pour aider une personne à se mettre au lit ou se lever, à s'habiller, à prendre son bain et prendre soin de sa personne en général, aller à la toilette et ainsi de suite. Il arrive aussi que ces auxiliaires aident la personne à manger, à conduire, à utiliser le guichet automatique d'une banque et autres tâches du genre. Bien que les activités de ces préposés aux soins auxiliaires comportent des limites inhérentes au niveau, par exemple, des charges maximales que ces préposés peuvent soulever, au niveau des soins spécifiquement exclus (nettoyage, cuisine) ou au niveau de l'assistance sexuelle, la plupart du temps ces professionnels se plient aux exigences des personnes ayant une invalidité et pour lesquelles ils travaillent, agissant ainsi comme leur bras droit.

Au Canada, les préposés aux services auxiliaires exercent des fonctions correspondant à plusieurs modèles d'activités professionnelles. Bien que l'appellation de ces services varie d'une province à l'autre, les modèles de base demeurent néanmoins comparables. Parmi ceux-ci :

·                      L'hébergement supervisé qui est assuré au sein d'immeubles à appartements ordinaires comportant un centre de services auxiliaires à l'intention des locataires ayant une invalidité. Ainsi, les auxiliaires travaillent comme employés du centre de services et fournissent des services aux clients dans leurs appartements mêmes, par quart de travail ou à la demande.

·                      Les centres de soins auxiliaires fournissent des services aux gens dans leurs propres foyers. Ces centres de services envoient des préposés pour fournir des services aux clients moyennant entente préalable.

·                      Les subsides directs permettent aux personnes ayant une invalidité de recruter elles-mêmes des auxiliaires. De cette façon, elles engagent, dirigent et paient des employés chargés de leur fournir des services. Il s'agit là d'une option relativement récente qui, en raison des conditions de financement bien particulières en cause, n'est disponible qu'à petite échelle.

Ces modèles de financement et de prestation de services déterminent la nature des rapports de soutien. Dans les deux premiers cas, les rapports sont triangulaires, c'est-à-dire que l'auxiliaire est employé d'un centre de service et la personne ayant une invalidité est cliente du centre. Ces rapports sont donc de consommateur, ou de client, à préposé. Selon le modèle de financement direct, les rapports sont d'employeur à employé entre les deux personnes en cause.

2.        Préposés aux soins à domicile

Alors que les services auxiliaires et les services de soutien professionnels peuvent être considérés comme faisant partie des soins à domicile, nous avons, pour les besoins du présent rapport, établi une distinction entre les deux premiers types de services d'une part et les soins à domicile de l'autre. De fait, les préposés aux soins à domicile peuvent être considérés, aux fins du présent rapport, comme étant des professionnels qui fournissent des services de ménage ou qui assurent des tâches pratiques chez quelqu'un, par opposition à des soins personnels. Parmi ces fonctions on compte, par exemple, les travaux de ménage, la cuisine, les réparations et les menus travaux à domicile.

La distinction entre les services auxiliaires à domicile et les soins à domicile n'est pas toujours facile à faire. L'organisme de services ou l'employeur bénéficiant de subsides directs fixe les tâches à accomplir et peut disposer d'une seule et même personne pour exercer les deux rôles. Dans d'autres situations, il y a un préposé distinct pour chaque rôle. Les différents modes de prestation de soins à domicile entrent également dans les mêmes modèles de services que ceux esquissés ci-dessus.

3.        Préposés aux service de soutien

Les préposés aux services de soutien travaillent en général avec les personnes ayant une incapacité intellectuelle ou une invalidité physique (problème développemental) ou autres types d'invalidité. Leurs tâches sont nombreuses et peuvent porter sur l'appui à l'autonomie, le développement de la débrouillardise, l'intégration communautaire, l'aide à la planification financière et budgétaire, l'éducation sexuelle, les services d'accompagnement aux rendez-vous, la planification personnalisée, les services d'approche communautaire, les relations avec la famille et les soins personnels. Les types et l'intensité des tâches assurées par un préposé aux services de soutien au profit d'une personne varient selon les besoins particuliers de cette personne en matière de soutien, ses conditions d'existence et ses possibilités d'accès à d'autres formes de soutien.

Les préposés aux services de soutien fonctionnent selon différents modèles de prestation de services. Parmi ceux-ci :

·                      Financement individualisé : ce modèle, comme dans le cas du financement direct, prévoit le versement direct de fonds aux personnes et à leurs familles pour qu'elles recrutent, renvoient et forment leurs propres préposés.

·                      Autonomie supervisée : selon ce modèle, les personnes ayant une invalidité vivent dans leur propre domicile et bénéficient de services d'approche fournis par un organisme de services. L'importance de services de soutien assuré varie d'une personne à l'autre, selon les besoins de celle-ci.

·                      Foyers collectifs : ce modèle permet d'offrir des soins 24 heures sur 24 dans un cadre partiellement désinstitutionalisé, c'est-à-dire au sein même de la collectivité.

4.        Services communautaires

Par le passé, les rapports de soutien entre personnes ayant une invalidité et des préposés rémunérés se produisaient en milieu institutionnel. Les institutions en cause avaient des effets très marqués sur la qualité des différents rapports possibles, et ceux-ci avaient tendance à être de nature clinique et distants, souvent entachés d'abus. Selon Dumaresq et Lawton (1999), depuis les années 70, les familles et les groupes de défense ont exercé des pressions énormes sur le gouvernement pour que celui-ci mette davantage l'accent sur le financement de soins communautaires plutôt qu'institutionnels. S'en est suivi un mouvement favorisant les soins communautaires qui a permis d'offrir des services désinstitutionalisés aux personnes ayant une invalidité. Ainsi, des fonds publics ont été affectés, d'une part, aux collectivités afin que celles-ci établissent des organismes de services et, d'autre part, à des professionnels chargés de fournir ces services et de venir en aide aux personnes ayant une invalidité et à leurs familles (p. 509). Les mêmes auteurs font, ci-dessus, allusion au mouvement d'intégration communautaire qui visait principalement les gens ayant une incapacité intellectuelle ainsi que leurs familles. À la même époque on assistait à l'éclosion du mouvement pour l'autonomie personnelle. Certains organismes de défense des droits des consommateurs intéressés plus particulièrement aux personnes ayant une invalidité ont commencé, eux aussi, à exercer des pressions sur le gouvernement pour qu'il fournisse des services de soutien à ces personnes en vue de les aider à atteindre une certaine autonomie dans leur existence.

À la suite de ces changements, on constate que la plupart des rapports de soutien visés dans la présente partie du document relative aux fournisseurs d'aide naturelle rémunérés prennent naissance effectivement au sein d'une collectivité et dans un contexte d'autonomie personnelle pour les personnes ayant une invalidité. Font exception à cette constatation, les services de soutien fournis en foyers collectifs, c'est-à-dire dans un milieu en partie désinstitutionalisé.

5.        Le proche parent fictif

Les rapports mettant en présence des préposés aux service de soutien se caractérisent par la nature particulière du rôle adopté par ces préposés et que certains chercheurs ont dénommé « rôle de proche parent fictif » . D'après Karner (1998, p. 3), les services de soutien assurés par un soignant rémunéré sont de nature à assurer le maintien des mêmes valeurs et des mêmes idéaux, que dans le cas des services fournis par les membres de la famille, même en ce qui concerne la qualité de la vie privée et de l'intimité. De ce point de vue, l'aide personnelle est considérée comme « un processus dynamique... qui se réalise dans un contexte culturel comportant ses propres éléments de sens, symboles, et rites, pour les participants » . Les soignants sont exposés à toute une gamme de rapports qui varient en fonction de facteurs tels que l'appartenance à une génération donnée, le sexe de l'intéressé et son vécu familial. Les tâches reliées à l'aide personnelle sont également déterminées par la sensibilité culturelle du préposé au processus en question. D'après Gubruim et Buckholdt (1992), cette sensibilité « a pour effet d'élargir le sens de la famille de façon à inclure des personnes qui, quoique n'étant pas au départ membres de la famille, entrent dans le moule familial » . Cette constatation porte ces auteurs à suggérer que des soignants rémunérés peuvent être considérés comme des « proches parents fictifs » lorsqu'ils s'acquittent de tâches typiques d'un membre de la famille dans le cadre de rapports de soutien, démontrent de l'affection pour une personne et l'aident à réaliser ses aspirations personnelles.

6.        Aide naturelle sur mesure

Peu importe le modèle selon lequel des services de soutien reliés à une invalidité sont fournis, on observe quant à ceux assurés en milieu communautaire (c'est-à-dire à domicile ou autrement), une tendance croissante à la personnalisation de ces services. Chaque personne éprouve des besoins différents en matière de services de soutien. Certains n'ont besoin de services auxiliaires que dix heures par semaine, tandis que d'autres ont besoin d'y avoir accès 24 heures sur 24. De même, dans le cas d'adultes ayant une invalidité, la tendance chez les fournisseurs de services est de travailler de plus en plus en équipe (Dumaresq et Lawton, 1999). Idéalement, ces professionnels sont appelés à travailler étroitement avec les gens ayant une invalidité et leurs familles, à personnaliser les ententes de services, à élaborer des programmes de services dynamiques qui tiennent compte des aspirations personnelles du client (p. 519).

7.        Le facteur temps

Les rapports comportant des soins rémunérés se produisent dans un laps de temps bien défini. La nature de ceux-ci est donc en grande partie déterminée par la durée du contrat d'emploi d'un soignant rémunéré et par la durée de sa présence au travail. D'après Tarlow, la prestation de soins devrait idéalement être considérée comme un processus à huit facettes se recoupant l'une l'autre : accorder du temps, être présent, parler, faire preuve de sensibilité, agir dans l'intérêt de la personne soignée, faire preuve de compassion, poser des gestes concrets et assurer la réciprocité des échanges (p. 57). Tarlow (1996) s'exprime comme suit :

« La prestation de soins suppose que le soignant se rende disponible envers l'autre, réserve le temps nécessaire pour fournir les soins et facilite le dialogue. Ensuite, le soignant doit faire preuve de sensibilité envers les besoins de l'autre, agir dans le meilleur intérêt de cette personne, investir de sa propre personne affectivement et, surtout, se rendre utile à l'autre personne. À son tour, le bénéficiaire de soins doit alors réagir d'une façon qui assure la continuation du processus et favorise la réciprocité des échanges » (p. 57).

Le temps consacré à fournir des soins constitue l'un des paramètres déterminants de l'aide personnelle en ce sens qu'il permet d'accorder de l'attention aux bénéficiaires des soins et ainsi de favoriser son épanouissement (p. 60-61). Le concept de la « présence physique » suppose que le soignant se rende disponible et bienveillant de différentes façons à l'égard du bénéficiaire. Ce sentiment de « disponibilité » diminue lorsque le temps consacré au bénéficiaire est structuré selon un contrat d'emploi qui détermine la nature des soins. La délimitation du temps consacré dans ces types de rapports sociaux a pour effet de limiter la disponibilité du soignant et la présence physique offerte au bénéficiaire.

8.        Motivation et attachement personnel

Il va de soi que les rapports personnels étroits sont fondés sur des sentiments mutuels d'affection et de souci réciproques entre individus. Dans des rapports de soins rémunérés, ceci n'est pas toujours le cas. Les particuliers ne s'engagent pas nécessairement dans ces rapports parce qu'ils s'y intéressent vraiment ni parce qu'ils se soucient véritablement de l'autre personne, mais parce que cette autre personne a besoin de soutien ou parce qu'ils sont payés pour le faire. Il n'en demeure pas moins que les travaux de recherche consacrés à l'aide personnelle et aux personnes ayant une incapacité intellectuelle attachent une importance considérable à toute la question des sentiments et de la motivation qui font partie de ces rapports. Tarlow, par exemple, a constaté que la nature de la motivation dans ces rapports dépend du contexte social. Ainsi, dit-il, la motivation des bénévoles tient à un sens de l'intérêt public. La motivation qui caractérise l'aide personnelle en milieu familial, par contre, tient à un sentiment d'attachement personnel et généralement décrit comme étant « ... des émotions intenses, physiques et passionnés » (p. 71).

Selon une autre étude, les femmes ayant une invalidité possèdent des points de vue et des préférences différentes en ce qui concerne l'importance des sentiments personnels au sein de leurs rapports avec des préposés aux services auxiliaires. Certaines voudraient que les rapports comportent des sentiments personnels de préoccupation et d'affection envers elles. D'autres voudraient au contraire éviter les interactions émotionnelles avec les auxiliaires et ne recevoir que l'aide personnelle dont elles ont besoin. La même étude note par ailleurs des points de vue semblables du côté des préposés aux services (Institut Roeher, 2001).

9.        Connaissance personnelle

Dans les rapports de soutien avec un soignant rémunéré, le fait de connaître personnellement l'adulte ayant une invalidité constitue un facteur d'importance. Cette constatation est particulièrement vraie lorsque les personnes en cause parviennent ainsi à communiquer autrement que dans l'une des langues dominantes de la culture et lorsque leur invalidité physique ou une incapacité intellectuelle en font la proie d'attitudes négatives et de stéréotypes dans la société en général. Une étude effectuée à l'échelon national sur la désinstitutionalisation au Canada a constaté que l'émergence d'attitudes favorables de la part des membres de la collectivité envers les personnes ayant une invalidité dépendait étroitement du fait que ces personnes étaient connues ou non personnellement. Cette même étude a permis de dégager l'existence d'une différence marquée au niveau de la valeur et du respect accordé à une personne ayant une invalidité selon le degré de connaissances personnelles que le soignant avait de cette personne (Institut Roeher, 1999). D'après une analyse de la jurisprudence pertinente, le fait de connaître personnellement un adulte ayant une invalidité constitue également un facteur lorsqu'il s'agit de déterminer si la personne peut être considérée comme étant capable (juridiquement parlant) ou non (Institut Roeher, 1993).

10.      Réciprocité

Noddings (1996) s'est penché sur le sens à donner à l'expression « professionnel de l'aide personnelle » . Son analyse porte sur les caractéristiques fondamentales du professionnalisme qui s'appliquent à toutes les professions d'aide personnelle. Elle y décrit l'aide personnelle comme étant « des rapports particuliers entre le soignant et le bénéficiaire de l'aide personnelle » (p. 161). Les rapports entre soignants et bénéficiaires de soins peuvent être réciproques, il peut y avoir échange de réciprocité, un partage de responsabilités en ce qui concerne l'action de donner et celle de recevoir. D'après elle, lorsque nous apportons de l'aide personnelle ou lorsque nous nous trouvons dans une situation de fournisseur d'aide personnelle, notre état d'esprit présente deux caractéristiques fondamentales : nous devenons attentifs (c'est-à-dire que nous sommes globalement tournés vers les projets, les épreuves et les espoirs d'une personne et y consacrons toute notre attention); nous sommes portés naturellement à aller au devant des besoins de cette personne du fait même de vouloir l'aider à réaliser ses projets, soulager ses douleurs ou réaliser ses espoirs (p. 161). Ces rapports donnent naissance à un échange de signes verbaux et non-verbaux qui aident le soignant à évaluer les conséquences de ses efforts et à les mener à terme (p. 161).

B.      Données démographiques des rapports

Les sources statistiques disponibles ne permettent pas de déterminer exactement le nombre d'adultes ayant une invalidité qui reçoivent de l'aide rémunérée. Toutefois, les quelques chiffres disponibles indiquent que ce nombre est important. Comme l'indique le tableau 1, à peine plus de 15% des gens ayant une invalidité qui ont 15 ans et plus (soit environ 570 000 personnes d'après les estimations de l'ELSA de 1991) et vivent dans leur collectivité font appel à des services de soutien rémunérés assurés par un organisme de services. Ce chiffre représente donc près de 30% de toutes les personnes ayant une invalidité qui ont indiqué avoir besoin d'aide à cause de leur invalidité. Or, il convient de comparer ce chiffre avec les statistiques plus récentes tirées de l'Enquête nationale sur la santé de la population (ENSP) de 1996 selon laquelle environ 520 000 adultes ayant une invalidité, de 18 ans ou plus, reçoivent une certaine forme d'aide personnelle de la part d'un organisme de services. Il existe un autre groupe de personnes pour lesquelles nous ne disposons pas de données statistiques à l'échelon national et qui utilisent des services de soutien rémunérés assurés par des personnes ne relevant pas d'un organisme de services. Il s'agit donc d'un groupe de personnes qui engagent des soignants à leurs propres frais ou qui bénéficient de programmes d'aide sur mesure ou de subsides directs.

Les sources statistiques disponibles ne fournissent aucune indication sur l'importance de ces rapports ni ne permettent de savoir s'ils constituent « des rapports personnels étroits » . Selon les tendances observées, il y a lieu de croire que ces rapports sont susceptibles de connaître une essor considérable au cours de la prochaine décennie en raison notamment du vieillissement de la population (et, partant, de l'accroissement du nombre d'adultes ayant une invalidité) ainsi qu'en raison de la tendance à la désinstitutionalisation des services et de la croissance des services de soins à domicile et finalement en raison du fait que de nombreux membres soignants d'une famille sont eux mêmes en train de vieillir et seront moins en mesure de fournir le même niveau de soutien qu'à l'heure actuelle.

C.      Valeur des rapports

Selon des recherches effectuées sur les rapports rémunérés, ceux-ci peuvent avoir des incidences positives tant pour les bénéficiaires de services de soutien que pour les fournisseurs.

1.        Nécessité du soutien

L'importance primordiale des services de soutien rémunérés pour les intéressés et leurs familles réside tout simplement en ce qu'ils les aident à satisfaire leurs besoins et leur permettre d'éviter les problèmes inhérents au manque de services de soutien. Ce qui compte surtout dans ces rapports c'est le mode de prestation des services et le degré de responsabilité manifesté envers les bénéficiaires et leurs familles. Dumaresq et Lawton (1999) ont mis en lumière un certain nombre de caractéristiques du soignant professionnel qui sont prisées par les bénéficiaires et leurs familles : l'honnêteté, la souplesse, la capacité d'être à l'écoute, la sensibilité aux besoins du bénéficiaire, la capacité de répondre positivement aux préoccupations et aux besoins, la capacité de respecter les connaissances des parents soignants au sujet de la situation de leurs propres enfants et de leurs familles, reconnaître les aptitudes personnelles des autres, faire preuve de compassion face au sentiment d'isolement du bénéficiaire, avoir des attentes réalistes, se montrer sensible au désir de bonheur et d'épanouissement de soi du bénéficiaire, savoir respecter les droits de la personne et posséder une attitude bienveillante et non critique (p. 514).

2.        Bâtisseurs de ponts

D'après Lord et Ochnocka (1997), les fournisseurs d'aide personnelle rémunérés peuvent jouer un rôle important de par leur capacité de jeter des ponts entre la collectivité et les adultes à qui ils fournissent des services de soutien, à partir du moment où ils prennent sur eux de faire participer leurs clients à des activités communautaires ou de les mettre en contact avec des membres de la collectivité.

3.        Promouvoir la prise en charge de soi

D'après le collectif de Jones (1996), les rapports avec des fournisseurs d'aide personnelle rémunérés peuvent favoriser chez leurs clients la prise en charge de soi, c'est-à-dire :

·                      permettre à une personne d'avoir une emprise sur les décisions de nature personnelle;

·                      la possibilité d'influencer son milieu;

·                      l'appui à la participation à des partenariats et à des efforts collaboratifs entre le client, sa famille et le professionnel;

·                      la participation à la vie communautaire et le leadership au sein d'organismes.

Pour y arriver, les fournisseurs d'aide personnelle rémunérés doivent :

·                      faire preuve de compassion et de souci du bien-être d'autrui (entendons par là : le souci réel du bien-être d'autrui, la compréhension, la sensibilité, une attitude non sentencieuse, l'aptitude de se mettre à la place des membres de la famille);

·                      faire preuve de souplesse (en ce qui concerne la façon de faire des membres de la famille, de la valeur et de l'importance du point de vue des membres de la famille, la sensibilité aux besoins et à la culture de la famille, compte tenu du besoin d'autonomie des personnes en cause, tout en évitant d'imposer ses propres valeurs);

·                      favoriser le développement d'attitudes positives (l'humilité, une attitude pédagogique et non critique, le respect des connaissances de chaque famille quant à ses propres besoins, la capacité d'apprendre en retour, le maintien de rapports équilibrés) (collectif Jones, 1996, p. 95-96).

Parmi les rôles et les activités que peuvent assurer les professionnels de l'aide personnelle rémunérés en vue de favoriser la prise en charge de soi, on compte :

·                      le rôle de collaborateur (engendrer de nouvelles idées et des solutions de rechange pour les familles);

·                      le rôle de porte-parole, d'intercesseur (tant à l'intérieur qu'à l'extérieur de la famille);

·                      offrir un soutien émotionnel et de l'encouragement (donner de l'importance aux sentiments et aux choix individuels);

·                      créer une atmosphère de soutien et de confiance.

D.      Défis et problèmes

1.        Violence et abus

Les personnes ayant une invalidité connaissent des taux de violence et d'abus extrêmement élevés aux mains de soignants rémunérés (Institut Roeher, 1995). Près de 60% des femmes ayant une incapacité intellectuelle et 40% des hommes ont subi des abus sexuels soit durant leur enfance ou à l'âge adulte. Pour les malentendants, le chiffre est de 50% chez les femmes et de 50% chez les hommes. Pour les gens ayant d'autres types d'invalidité et des problèmes de santé mentale, les chiffres sont comparables. D'après les travaux de recherche, leur vulnérabilité tient à plusieurs facteurs, notamment l'isolement social des gens ayant une invalidité, le déséquilibre de forces physiques entre les fournisseurs de soins, rémunérés ou non, et les gens ayant une invalidité, ainsi que le stress occasionné par le fait de donner des soins professionnels sans rémunération adéquate et bénéficier des ressources d'appoint nécessaires.

2.        Le statut des fournisseurs de soins rémunérés

Même si la notion de « proche parent fictif » peut contribuer à mettre en évidence les caractéristiques positives de l'aide naturelle rémunérée, ce terme peut d'un autre côté obscurcir notre compréhension de la nature des rapports en cause. Effectivement, les rapprochements entre des types de rapports de soutien récents, comme l'aide naturelle rémunérée, et le modèle traditionnel des relations familiales, peuvent en réalité avoir pour effet de propager certains aspects peu propices de ces relations, compte tenu des objectifs d'autodétermination, d'autonomie et d'égalité entre, d'une part, les adultes ayant une invalidité et, de l'autre, les fournisseurs de services de soutien. Ainsi, le modèle du proche parent fictif risque de nous faire voir l'adulte ayant une invalidité comme une personne totalement démunie plutôt que comme un élément actif de la société qui fait appel à des soignants rémunéré à titre de ressources. En outre, ce même modèle peut contribuer à perpétuer la répartition des travaux selon le sexe, phénomène qui caractérise en général les situations où l'aide personnelle est assurée par les membres de la famille. Or, cette répartition inégale des tâches semble se retrouver précisément dans les situations d'aide naturelle rémunérée (en ce sens qu'on y trouve un nombre disproportionné de femmes qui s'occupent de travaux de ménage et autres services personnels de soutien connexes). Or, d'après Cantor (1991), « il ne faudrait pas s'attendre à ce que les femmes qui sont au bas de l'échelle économique continuent de subventionner les soins à domicile assurés aux personnes âgées » (p. 343).

3.        Salaires et avantages sociaux

Selon certains chercheurs, les soignants spécialisés dans l'aide naturelle aux personnes ayant une invalidité ont subi une baisse de statut par suite de la désinstitutionalisation des services. On constate effectivement que les préposés aux services communautaires de soutien aux personnes ayant une invalidité ont tendance à toucher des salaires moindres et à bénéficier d'avantages sociaux moins bien définis. Et il en va de même de leurs possibilités de formation, d'indemnisation des accidents de travail et de la régulation des heures de travail.

4.        Facteurs limitant l'accès aux services de soutien rémunérés

L'accès aux services de soutien rémunérés dépend de l'existence d'autres rapports auxquels participent, dans la vie de tous les jours, les personnes ayant une invalidité. Lorsque ces personnes vivent en famille, elles sont moins portées à avoir accès à des services de soutien. De fait, l'admissibilité à des services de soutien rémunérés est fonction du soutien naturellement disponible auprès des membres de la famille qui peuvent agir à titre bénévole. Par ailleurs, les contraintes fiscales ont poussé les familles à accepter des responsabilités, au chapitre de l'aide naturelle, qu'elles ne peuvent tout simplement plus assumer, du moins d'une façon propre à favoriser l'autodétermination, la citoyenneté à part entière et l'inclusion des membres ayant une invalidité.

5.        limites du rôle des soignants rémunérés

Les modalités de financement et de prestation actuelles de services d'aide naturelle incitent de plus en plus les soignants rémunérés à se montrer attentifs aux choix de leur clientèle. Par contre, cette tendance met en cause la possibilité pour une personne d'imposer ses exigences aux soignants qu'elle recrute.

Par exemple, d'aucuns s'interrogent sur le rôle des soignants en matière d'assistance sexuelle. Étant donné l'importance de la sexualité au bien-être et à l'autodétermination d'une personne, quelles exigences peut-on imposer aux soignants rémunérés? Devrait-on s'attendre des soignants qu'ils aident physiquement une personne dépourvue d'habilités physiques à s'exprimer sexuellement par la masturbation ou par des rapports sexuels avec des partenaires? Quel contrôle une personne peut-elle exercer sur un soignant et comment devrait-on, le cas échéant, circonscrire les limites de son autorité[5]?

III.    Famille de substitution et partage d'un logement par des adultes

Les personnes qui ont une invalidité sont nombreuses à ne pas pouvoir mener une vie autonome. Il est possible qu'elles ne veuillent pas ou qu'elles ne puissent pas vivre avec des membres de leur famille ou obtenir une aide adéquate d'eux. Selon l'étude démographique qui fait l'objet d'un bref compte rendu plus haut, un bon nombre de ces personnes ne veulent pas ou ne peuvent pas avoir accès aux foyers de groupe financés par les gouvernements et les organismes d'aide sociale. En effet, certaines provinces investissent très peu dans cette option. Pour ce qui est des personnes qui requièrent des soins personnels très exigeants ou prodigués jour et nuit, elles n'ont peut-être pas les fonds pour se procurer les mesures de soutien dont elles ont besoin pour être autonomes. Ces tendances font que les services offerts par une « famille de substitution » et le partage d'un logement par des adultes sont d'autres options auxquelles ont de plus en plus recours les adultes vivant avec une invalidité. Ces deux options sont brièvement exposées ci-dessous.

A.      La famille de substitution

Conçu principalement pour des adultes ayant une déficience intellectuelle ou des troubles du développement, le modèle de la famille de substitution repose sur l'idée que tout le monde devrait avoir la possibilité de vivre au sein d'une unité familiale et de voir ses besoins en matière de soutien satisfaits dans ce milieu, plutôt que de se retrouver dans un milieu plus restreint, c'est-à-dire dans un établissement. Selon le régime provincial de Terre-Neuve par exemple, on s'attend généralement à ce qu'une famille de substitution soit formée d'un couple marié, hétérosexuel et ayant des enfants de sang. Les critères applicables aux familles qui sont prêtes à accueillir un adulte incluent la motivation, la réputation dans la collectivité et un revenu stable et suffisant. Tant l'éducation, les pratiques religieuses que le voisinage sont examinés afin de favoriser des « jumelages » convenables.

Le modèle de la famille de substitution équivaut à bien des égards à celui de la famille d'accueil pour les enfants, la principale distinction étant qu'en principe, les adultes choisissent leur propre famille de substitution parmi celles qui veulent jouer ce rôle et qui sont jugées en mesure de le faire. Ce modèle vise à favoriser des rapports et un sentiment d'appartenance qui correspondent à un milieu familial positif et naturel. On s'attend à ce que les familles de substitution considèrent une personne ayant une invalidité comme leur propre membre, et à ce qu'elles lui fournissent les mesures de soutien requises, notamment du soutien social, tout en respectant le droit de cette personne à la vie privée et son droit de prendre ses propres décisions.

Habituellement, le ministère provincial des services sociaux joue un rôle en acceptant les auteurs de demande, en orientant les personnes et en déterminant l'admissibilité à la fois de l'adulte et de la famille de substitution concernés. On verse à la famille de substitution des fonds qui couvrent le logement et les repas, de même que des allocations, selon la nature et le niveau de soutien social et comportemental qui pourrait être requis. Les mesures de soutien qu'une famille s'engage à fournir ne sont pas toutes rétribuées, comme dans le cas des rapports avec un soignant rémunéré - même si certaines tâches peuvent être très semblables.

Une fois qu'un arrangement a été autorisé, un contrat formel est habituellement signé entre la famille de substitution et la province ou l'organisme de services qui facilite cet arrangement, et l'adulte concerné. Ce contrat précise les droits et responsabilités de la famille de substitution et de l'adulte.

B.      Partage d'un logement par des adultes

Le partage d'un logement par des adultes est depuis longtemps un arrangement informel dont conviennent des adultes qui n'ont pas de lien entre eux pour s'apporter un soutien réciproque. Ce type d'arrangement concerne souvent une personne âgée qui peut ne pas vouloir quitter sa résidence principale, mais qui, après le décès de son conjoint, en plus d'avoir besoin d'aide a de l'espace pour loger quelqu'un; il concerne également les conjoints qui, au fur et à mesure qu'ils vieillissent et qu'ils ont des invalidités, ont besoin d'une aide supplémentaire qui ne requiert pas un service officiel de soins à domicile (par exemple, pour pelleter des marches, aider à l'entretien de l'éclairage). Les organismes de services prennent de plus en plus souvent des arrangements pour aider les jeunes adultes qui ont une incapacité à mener une vie autonome au sein de la collectivité; ils les mettent en relation avec un adulte qui n'a pas d'invalidité en vue du partage d'un appartement ou d'une maison.

Bien que les arrangements informels aient évolué de façon à fournir de l'aide aux adultes à l'extérieur de leur famille biologique, au cours des 15 à 20 dernières années, certains organismes communautaires ont intentionnellement commencé à procéder à des « jumelages » en mettant des gens qui cherchent un endroit pour vivre en relation avec des gens qui cherchent de façon informelle une aide à domicile ou de la compagnie. Ces organismes de « jumelage » effectuent des entrevues préliminaires avec les gens qui « demandent » de l'aide et ceux qui la « fournissent » afin de recommander des jumelages convenables; ils peuvent en outre vérifier les antécédents criminels. Ils peuvent aider à créer le jumelage, à établir les attentes et les responsabilités, et ils peuvent, dans le cas d'un jumelage créé expressément pour aider un adulte ayant une invalidité, prévoir une allocation pour la personne qui offre le soutien - il ne s'agit pas d'un salaire, mais plutôt d'une rétribution pour le temps consacré à la personne avec laquelle elle partage le logement.

Cet arrangement n'est pas encore bien compris des décideurs, comme le montre clairement une décision récente du Québec, soit l'affaire Brunette c. Quebec. Cette affaire concernait une femme âgée souffrant d'invalidités graves et chroniques et vivant de l'aide sociale qui avait pris des dispositions pour louer une chambre à un homme ayant une déficience intellectuelle en contrepartie d'un loyer peu élevé et de sa participation aux travaux ménagers. La province a exigé de la dame qu'elle rembourse un montant de plus de 55 000 $ au titre des prestations d'aide sociale après qu'il a été déterminé qu'elle avait reçu des prestations alors qu'elle vivait une relation maritale avec l'homme qui lui fournissait de l'aide, et ce, même si ce dernier avait une petite amie. Cette décision a finalement été renversée par les tribunaux.. Elle est un bon exemple d'une approche qui est qualifiée de « compartimentation » dans une révision de la jurisprudence ci-dessous, lorsque, pour interpréter, en fait, un très large éventail de rapports et d'arrangements, les gouvernements et les tribunaux utilisent des modèles très restrictifs de rapports personnels entre adultes.

C.      Données démographiques sur les rapports

Il n'existe pas de données précises sur le nombre d'adultes ayant une invalidité qui, aux termes d'arrangements, vivent dans une famille de substitution ou partagent un logement avec d'autres adultes. L'ESLA de 1991 suggère qu'au cour de cette année-là, environ 140 000 adultes ayant une invalidité vivaient dans des familles économiques (vivaient avec des adultes autres que des membres de la famille biologique, ou dans un foyer de groupe). Cette variable est, à ce point, celle qui se rapproche le plus d'une statistique nationale sur les arrangements prévoyant le partage d'un logement par des adultes ou la vie dans une famille de substitution. Le tableau 4 établit une comparaison entre la famille économique et la famille de recensement (ou les adultes qui vivent avec des membres de leur famille biologique) qui compte un ou plusieurs adultes ayant une invalidité.


Tableau 4 :       Adultes ayant une invalidité dans les familles économiques ou de recensement

Famille de recensement

Vivant avec la mère ou le père (ou les deux) et/ou la fratrie

275 000

Partenaire masculin avec un frère ou une soeur

1 050 000

Partenaire féminin ayant une invalidité

915 000

Familles monoparentales ayant un chef masculin

32 000

Familles monoparentales ayant un chef féminin

155 000

Total

2 427 000

Famille économique

Vie partagée avec un ou plusieurs adultes ayant une invalidité (arrangements autres qu'un foyer de groupe)

140 000

Total

140 000

           

D.      Valeur des rapports

                                   

Même si peu de recherche a été effectuée sur les arrangements qui prévoient le partage d'un logement par des adultes ou la vie dans une famille de substitution, elle relève bon nombre des valeurs attribuées aux rapports qui découlent tant des arrangements qui visent les soins dispensés par un membre de la famille que ceux qui visent les soins fournis contre rémunération. Ces arrangements incitent la personne à devenir autonome dans la collectivité; ils peuvent permettre des rapports de réciprocité et de soutien mutuel et ils peuvent assurer la liaison entre la collectivité élargie et la personne ayant une invalidité. Ils permettent à un adulte ayant une invalidité d'établir des rapports autres que des rapports avec la famille et des rapports rémunérés, lesquels ont été pour certains une source d'isolement social dans la collectivité.


E.      Défis et questions

Les personnes qui, aux termes d'arrangements, offrent des services dans le cadre du partage d'un logement ou d'une famille de substitution font face à certains des défis que doivent relever les aidants naturels et les soignants rémunérés. Bien que ces arrangements n'aient pas fait l'objet de recherches approfondies, quatre principaux défis ressortent de cette expérience limitée (l'Institut Roeher 1999, 1997).

Premièrement, les attentes relatives au soutien peuvent être très élevées, et les besoins peuvent changer avec le temps, sans que les fournisseurs aient besoin de services d'appoint. Une grande souplesse et l'engagement de la part de la famille de substitution et de l'adulte qui offre des services dans le cadre du partage d'un logement sont habituellement nécessaires au fonctionnement de ces arrangements. L'absence de services d'appoint laisse souvent ces fournisseurs de soins dans une situation semblable à celle des aidants naturels. Le fait de devoir satisfaire aux besoins en matière de soutien peut créer des tensions et mener à la rupture des rapports. Dans le cas des familles de substitution et du partage d'un logement par des adultes, les engagements ne sont habituellement pas pour une longue durée comme c'est le cas pour les membres de la famille biologique, et les liens affectifs ne sont pas non plus aussi profonds - bien qu'ils puissent l'être à l'occasion. Par conséquent, ces derniers arrangements peuvent être modifiés par les fournisseurs de soins plus facilement que lorsque les soins sont dispensés principalement par des aidants naturels. Les familles de substitution et les adultes qui partagent un logement peuvent mettre fin à ces rapports.

Deuxièmement, les personnes qui reçoivent du soutien d'une famille de substitution ou d'adultes qui partagent un logement avec elles bénéficient souvent d'un réseau de défense de leurs intérêts ou d'un réseau d'aide, ou de l'un et l'autre, en dehors de la famille de substitution; elles sont ainsi assurées de recevoir de l'aide pour prendre des décisions et pour négocier des conflits qui peuvent surgir au sein de la famille de substitution, de recevoir le soutien auquel elles ont droit et d'être protégées contre toute forme de négligence et de mauvais traitements. La réussite à assurer la disponibilité de ces mesures de soutien a été variable.

Troisièmement, les familles de substitution et les adultes qui partagent un logement sont également des soignants rémunérés. Toutefois, la rétribution est souvent minime, ne comporte pas d'avantages, et, comme les fournisseurs ne sont pas des employés, les arrangements ne prévoient habituellement pas de garantie d'indemnisation en cas d'accident du travail. Une rétribution minime combinée à des services d'appoint souvent inadéquats de la part des organismes ou d'autres fournisseurs de services signifient que cette option est plus limitée qu'elle devrait l'être.

Quatrièmement, il est très rare que le statut des soignants dans les familles de substitution et des adultes qui partagent un logement soit clairement établi. Est-ce que la personne qui partage un appartement avec un adulte ayant une invalidité a l'obligation de fournir plus de soins que ceux qui ont été négociés, afin de satisfaire aux besoins qui peuvent émerger dans le cadre de leurs rapports? Est-ce que le fait qu'une personne a choisi de partager un logement avec un adulte ayant une invalidité, précisément parce que cet adulte a une invalidité, en échange de certains revenus et prestations en nature, impose certaines obligations, dont des obligations fiduciaires?    Ou si une personne ayant une invalidité fournit, en échange, des services souvent non rétribués (entretien ménager, soins personnels, etc. comme dans l'affaire Brunette), et perd ainsi une possibilité économique, devrait-elle pouvoir réclamer une forme de soutien une fois les rapports terminés? En ce qui concerne la durée des rapports ou la quantité des services fournis, y a-t-il un seuil qui déterminerait la validité d'un tel droit? Est-ce que l'imposition de telles obligations menace la viabilité de ces mesures de soutien - qui se sont avérées rentables pour aider des gens ayant une invalidité d'une manière qui peut améliorer leur autonomie et leur intégration dans la collectivité?

IV.    Réseau d'aide à la prise de décisions

Les réseaux d'aide à la prise de décisions ont été mis sur pied par des personnes ayant une déficience intellectuelle et des organisations de défense de la famille comme modèles visant à aider des adultes à prendre des décisions concernant leurs soins de santé, leurs affaires personnelles et leurs finances, et à empêcher ainsi les tiers (par exemple les médecins, conseillers financiers, fournisseurs de services) de demander que les décisions soient prises par autrui, au motif que la personne est légalement incapable de prendre elle-même ses décisions. De nombreuses personnes ont reconnu que les dispositions sur le remplaçant ou la tutelle étaient aux antipodes des principes sous-jacents à l'autonomie et à l'intégration communautaire - autonomie personnelle et autodétermination. Les gens ayant une invalidité et leurs organismes de défense prétendent que du point de vue des droits de la personne, la tutelle nie les droits fondamentaux et crée de la discrimination fondée sur l'invalidité. Par contre, ils reconnaissent aussi que les gens ont souvent besoin d'aide pour prendre leurs propres décisions[6]. Les approches traditionnelles à la prise de décisions n'ont pas apporté de solutions à ceux qui veulent maintenir leur statut de personne juridique, mais qui veulent et requièrent de l'aide pour prendre leurs décisions.

L'institution de la tutelle a été remise en question en raison des préoccupations soulevées par la facilité avec laquelle la tutelle peut être obtenue, les frais et la procédure judiciaire qui y sont associés, et le fait qu'elle devient un moyen d'exercer un contrôle social. L'hypothèse selon laquelle la tutelle protégera la personne qui est placée sous son régime n'est pas fondée, étant donné les mauvais traitements infligés par certains tuteurs. De plus, la présumée protection fournie par un tuteur est empreinte de paternalisme (Herr et Hopkins, 1994). Les dispositions sur la tutelle ont été en outre critiquées parce qu'elles appliquent des critères vagues et contradictoires à la nomination des tuteurs, ne restreignent ni ne contrôlent leur pouvoir, nient le droit à l'application régulière de la loi, et confondent l'inhabilité avec l'incapacité de prendre des décisions (Gordon et Verdun-Jones, 1992).

A.      Modèle d'aide à la prise de décisions

Un modèle d' « aide à la prise de décisions » a été élaboré au Canada par suite d'un certain nombre de consultations effectuées au début des années 90. Ce modèle va considérablement plus loin que les solutions de rechange à la tutelle qui ont été exposées plus haut, car il supprime la distinction entre la personne capable et la personne incapable comme fondement à l'exercice du droit de prendre des décisions. Les consultations publiques menées en Colombie-Britannique ont donné lieu à l'élaboration du mécanisme des conventions de représentation, que certains considèrent comme le point de départ pour la mise en oeuvre d'une forme d'aide à la prise de décision[7]. Des consultations communautaires ont été tenues dans un certain nombre de ressorts en vue de trouver des solutions de rechange à la tutelle. Un modèle d'aide à la prise de décisions a été clairement établi consécutivement à ces consultations[8]. Étant donné la visible urgence de procéder à une réforme dans les provinces et territoires, en 1991, l'Association canadienne pour l'intégration communautaire a nommé un groupe de travail pour qu'il étudie des solutions de rechange à la tutelle. Ce groupe de travail a rédigé un rapport exposant les grandes lignes d'un modèle d'aide à la prise de décisions et les types de dispositions législatives qui devraient être incorporées dans le but de réformer les exigences et pratiques actuelles relatives à la prise de décisions[9]. Au cours de la même période, l'Association ontarienne pour l'intégration communautaire a également entrepris de rédiger un rapport sur l'aide à la prise de décisions, pour fonder une présentation concernant un projet de loi ontarien sur l'aide à la prise de décisions[10]. Ces différentes propositions convergent vers un nombre d'éléments communs à l'émergence d'un modèle d'aide à la prise de décisions.

Premièrement, l'aide à la prise de décisions repose sur une série de principes directeurs qui mettent l'accent sur le droit des personnes à l'autodétermination et à l'autonomie, la présomption de capacité et le droit de recevoir de l'aide pour prendre des décisions, afin de favoriser l'égalité devant et selon la loi, sans discrimination fondée sur l'incapacité.

Un deuxième élément essentiel du modèle est la reconnaissance que la volonté et l'intention d'une personne peuvent fonder un processus décisionnel éclairé qui ne retire pas à cette personne le droit de prendre ses décisions. Cette reconnaissance garantit que la volonté et l'intention de cette personne demeurent au centre du processus décisionnel, et exige que la responsabilité de la décision éclairée et basée sur la volonté de cette personne incombe au processus et non à celle-ci.

Troisièmement, l'aide à la prise de décisions nécessite que soit reconnue l'aide d'autrui. Cette aide peut prendre différentes formes, soit l'interprétation, la défense, l'information et la consultation. Ces services de soutien contribuent à faire du processus décisionnel un processus éclairé dans le cadre duquel des personnes ne sont pas tout à fait capables de prendre des décisions sans l'aide d'autrui. Selon le modèle d'aide à la prise de décision, lorsque l'aide est fournie à une personne dans le contexte de rapports personnels, et que cette personne a exprimé sa confiance, l'aide devrait être reconnue comme valide.

Quatrièmement, un nouveau système de responsabilisation est nécessaire pour que l'aide à la prise de décisions soit efficace, et compatible avec les principes de l'autodétermination et de la présomption de capacité. L'intérêt des tiers, les personnes qui aident à la prise de décisions et l'État ont tous un rôle à jouer pour assurer un processus décisionnel éclairé et le principe de la responsabilité.

Toutes les propositions qui favorisent l'aide à la prise de décisions soulignent que d'autres normes d'aide à la prise de décisions éclairées doivent être élaborées, si le droit à l'autodétermination des personnes qui ont une déficience intellectuelle doit être protégé. Aussi longtemps que les normes traditionnelles prévalent - c'est-à-dire que les gens doivent être capables de comprendre parfaitement la nature et les conséquences de leurs décisions, et d'évaluer le rapport relatif entre les avantages et les préjudices rattachés à différentes options - les personnes ayant une déficience intellectuelle continueront d'être susceptibles de perdre leurs droits fondamentaux. Le modèle d'aide à la prise de décisions ne repose pas sur les normes traditionnelles de prise de décisions éclairées. Ce modèle repose plutôt sur l'établissement des conditions d'un processus décisionnel éclairé, un processus dans le cadre duquel les décisions prises respectent la volonté et l'intention de la personne dont la capacité de prendre elle-même ses décisions est remise en question.

B.      Données démographiques

Il n'existe pas de sources de données nationales sur l'étendue des réseaux d'aide à la prise de décisions. Certaines questions dans l'Enquête sur la santé et les limitations d'activités et l'Enquête nationale sur la santé de la population font mention des mesures de soutien social d'une personne, mais elles n'offrent pas de données indirectes pertinentes à la notion de réseau d'aide à la prise de décisions.

L'évaluation de la politique et des programmes laisse voir que cette forme de rapport est en pleine expansion, car les gens sont de plus en plus nombreux à choisir des services communautaires dans le cadre desquels des décisions sur les soins de santé, les finances, le personnel de soutien, etc. doivent être prises. C'est particulièrement le cas lorsqu'une certaine forme de financement individualisé des mesures de soutien est établie - accordant aux personnes les fonds leur permettant de se procurer le soutien dont elles ont besoin relativement à leur invalidité et, par conséquent, le pouvoir de décider qui leur fournira de l'aide, à quel endroit, à quel moment et selon quelles modalités. Les réseaux d'aide à la prise de décisions ont été activement encouragés dans le cadre des initiatives où ces mécanismes de financement sont prévus pour des adultes ayant une déficience intellectuelle. Dans ces initiatives, la majorité des personnes qui sont concernées ont tendance à mettre sur pied de tels réseaux (l'Institut Roeher, 2000, 1999, 1997).

La recherche qualitative et la recherche par enquêtes qui ont été menées sur ces initiatives montrent que les mères jouent un rôle crucial dans les réseaux d'aide, mais que les pères et les frères et soeurs aussi y participent activement, même si leur contribution est moins importante. La composition des réseaux est variée : elle comporte des membres de la famille, des amis, des bénévoles, des intervenants communautaires et quelquefois du personnel rémunéré (l'Institut Roeher, 2000, 1999).

C.      Valeur des rapports

La recherche indique que les réseaux de soutien prennent leur valeur dans quatre domaines. Premièrement, ces réseaux ont été mis sur pied pour aider les gens à prendre des décisions, et ce, de manières qui empêchent que soient rendues des ordonnances de tutelle et des ordonnances enjoignant la prise de décisions par autrui, lesquelles ordonnances constituent un retrait du droit à l'autodétermination, à tout le moins en ce qui concerne la prise de décisions dans certains secteurs. Les réseaux peuvent aider à garantir que les droits civils plus étendus d'une personne - le droit de se marier, d'avoir des enfants et de les éduquer, de siéger aux conseils d'administration d'organisations communautaires - sont exercés. Ces droits civils continuent d'être remis en question car des tiers s'inquiètent au sujet de la capacité juridique des personnes qui les exercent. Les adultes qui ont une déficience intellectuelle, en particulier, se heurtent aux profondes inquiétudes - peut-être légitimes - des tiers concernant par exemple l'éducation des enfants, inquiétudes qui ont amené les services de bien-être de l'enfance à intervenir pour retirer des enfants de la garde de leurs parents pour le seul motif de la déficience intellectuelle de la mère ou du père. Les réseaux de soutien sont une façon légitime d'aider une personne et de répondre à l'intérêt de l'État en ce qui concerne l'éducation et les soins des enfants.               

Deuxièmement, ces réseaux jouent un rôle en offrant des services de planification et en créant une vision relative à la vie de la personne au sein de la collectivité. En tant que groupe engagé envers une personne, le réseau entretient et communique cette vision. On a constaté que la formation d'une vision partagée en ce qui a trait à l'avenir d'une personne, vision qui est entretenue par les gens qui ont des liens étroits avec cette personne, est directement liée à une augmentation de ses rapports personnels (et, par conséquent, à une diminution de son isolement social); au développement de sa communication personnelle et de ses aptitudes, notamment ses aptitudes physiques; à sa participation accrue à la vie sociale et économique et à l'estime et au respect grandissants de la collectivité élargie pour elle (l'Institut Roeher, 2000, 1999, 1997).

Troisièmement, les réseaux de soutien assurent la liaison entre la collectivité élargie et la personne en introduisant celle-ci dans la collectivité et en lui créant d'autres rapports personnels et des possibilités d'activités sociales et économiques. Les membres d'un réseau de soutien jouent un rôle en interprétant les désirs de la personne et en les communiquant à la collectivité élargie et, ainsi, aident à briser les barrières sociales qui tendent à stigmatiser et à dévaloriser les personnes en raison de leur déficience intellectuelle ou d'autres incapacités.

Quatrièmement, on a constaté que les réseaux de soutien assurent la rentabilité du financement et de la prestation des services de soutien aux adultes ayant une invalidité, car ils jouent, bénévolement, un rôle majeur dans le soutien à l'administration et à la gestion relatives aux conditions de vie et aux services de soutien d'une personne (Bell, 1998; l'Institut Roeher, 1999).

D.      Défis et questions

Quatre principaux défis ont été décrits en ce qui concerne la promotion et le maintien des réseaux de soutien.

Premièrement, la charge pour les réseaux de soutien d'administrer les mécanismes de soutien et d'aider à leur gestion peut être considérable. Dans certaines situations, cela peut mener à la rupture du réseau. Le fait de recruter, de gérer et de coordonner le personnel de soutien, d'offrir une planification et une aide à la prise de décisions à des personnes, ainsi que de gérer le financement des mécanismes de soutien requiert du temps et des ressources. Lorsque ces services sont fournis bénévolement, la tension qu'ils peuvent exercer sur le réseau de soutien peut être trop forte pour maintenir sa viabilité sans que le réseau lui-même puisse bénéficier de services d'appoint.

Deuxièmement, les réseaux de soutien subissent divers changements et transformations au fur et à mesure que de nouvelles personnes s'y joignent, que les besoins et désirs individuels changent, et que les possibilités du réseau lui-même augmentent ou se trouvent réduites. Le fait d'aider les réseaux à passer à travers ces transitions requiert des services d'appoint qui ne sont pas toujours disponibles.

Troisièmement, les obligations des membres des réseaux de soutien ne sont pas clairement établies. Engagent-ils leur responsabilité à l'égard des contrats et des ententes qu'une personne a conclues avec leur aide, et à l'égard des décisions que prend une personne et qui peut représenter pour celle-ci et d'autres personnes un risque inacceptable? Est-ce que les membres des réseaux de soutien sont des employeurs de fait dans le cadre des mécanismes de financement individualisés lorsque Revenu Canada détermine que des particuliers ne sont pas capables de conclure des contrats d'emploi pour des soignants rémunérés (l'Institut Roeher, 1999)? Ces situations ont évolué et ont fait que certains membres de réseaux de soutien ont renoncé à leur statut de membres officiels de ces réseaux.

Quatrièmement, on s'est inquiété du fait que les réseaux de soutien puissent empêcher l'autonomie individuelle dans certains domaines et s'approprier le rôle de décideurs eux-mêmes, faisant ainsi échec à l'objectif visé. De même, certaines personnes qui appuient l'autonomie dans les activités quotidiennes sont préoccupées par le fait que le modèle puisse être mal appliqué aux personnes qui ont des handicaps physiques et avoir pour conséquence de restreindre leur autonomie. Il est nécessaire de prendre des mesures garantissant que les membres des réseaux de soutien reçoivent de la formation, que le choix individuel d'avoir un réseau est protégé, et qu'un mécanisme d'équilibre est en place pour prévenir la négligence et les abus par les réseaux.

E.      Résumé des caractéristiques et valeur des rapports personnels

Les résultats de recherche examinés révèlent que les cinq types de rapports personnels décrits brièvement plus haut ont des caractéristiques communes. Ces rapports :

·                      permettent que soient dispensés l'aide et les soins personnels nécessaires d'une manière individualisée et respectueuse des choix de la personne (contrairement aux soins fournis en établissement qui ont constitué le seul choix de beaucoup de gens ayant une invalidité qui ne pouvaient recevoir de l'aide de leur famille)

·                      aident les gens à former un plan de vie et à développer une identité qu'ils partagent avec les autres et que ceux-ci valorisent

·                      apportent des connaissances personnelles qui permettent de combattre les stéréotypes négatifs

·                      permettent la formation de rapports personnels dans le cadre desquels des adultes ayant une invalidité sont respectés et valorisés

·                      favorisent les liens amicaux et affectifs, le respect mutuel et la dignité

·                      constituent une source d'aide relativement à la défense des droits, permettant de combattre les barrières sociales et la discrimination bien ancrée

·                      offrent une gamme de services de soutien qui s'adaptent aux changements des besoins et des désirs des personnes concernées.

Ces caractéristiques sont propres à différents cadres, concernent les gens qui vivent à domicile ou hors domicile et s'étendent à tous les aspects de la vie d'une personne.

Pour les personnes concernées, ces rapports sont valorisés lorsqu'ils :

·                      permettent la réciprocité

·                      reconnaissent l'interdépendance et les droits tant des adultes ayant une invalidité que des soignants

·                      permettent à une personne d'apporter sa contribution

·                      offrent un réseau de communication aux personnes qui ne connaissent pas les langues dominantes de la culture

·                      font la promotion de la valeur et du respect de la personne

·                      aident les gens à faire leurs propres choix (autodétermination, renforcement de l'autonomie)

·                      permettent à une personne de créer des liens avec la collectivité - participation à la vie sociale, économique, politique et culturelle

·                      encouragent les liens affectifs, la camaraderie, l'amour

·                      permettent une vision partagée concernant l'avenir de la personne

·                      encouragent la participation aux activités sociales, économiques et politiques

·                      renforcent les liens familiaux - grâce aux soins et au soutien mutuels

·                      rendent possible et facilitent la vie au sein de la collectivité

·                      encouragent l'autonomie.



PARTIE DEUX - FORMES DES SERVICES DE SOUTIEN FOURNIS PAR L'ÉTAT ET RÉGLEMENTION

Les cinq types de rapports personnels résumés plus haut sont façonnés par un certain nombre de dispositions de lois et de politiques. Comme l'objet de la présente étude n'est pas de procéder à l'examen complet des dispositions qui influencent ces rapports, nous avons choisi celles qui donnent un bon aperçu de l'éventail des dispositions qui portent sur ces rapports.

Quatre types de dispositions influencent les rapports qui font l'objet du présent examen - elles portent sur les questions suivantes :

·                      le soutien du revenu de base pour les adultes ayant une invalidité et les membres de leur famille

·                      le financement et la prestation des mesures de soutien destinées aux personnes ayant une invalidité

·                      l'établissement du statut relatif à la prise de décisions - dispositions conférant la capacité juridique aux personnes et aux membres de leur réseau personnel afin de leur permettre de prendre des décisions personnelles et de recevoir de l'aide à cette fin.

·                      la législation et la réglementation sur le travail

L'exposé sommaire qui suit montre que nombre des questions et des défis actuels que la recherche sur les rapports personnels a permis de cerner prennent racine dans les facteurs de dissuasion que contiennent les politiques et les programmes concernant les quatre volets susmentionnés. La mesure dans laquelle les rapports personnels sont caractérisés par les qualités qui ont été jugées souhaitables dans le cadre de la recherche est directement influencée par ces politiques et programmes.

I.      Soutien du revenu de base

Les dispositions sur le soutien du revenu de base influent directement sur la nature et la qualité des rapports que les adultes ayant une invalidité entretiennent avec d'autres adultes. Dans la mesure où les gens peuvent obtenir un revenu suffisant pour acquitter leurs frais de subsistance, ils soustraient leurs aidants naturels et d'autres personnes avec lesquelles ils ont des liens étroits de l'obligation de régler ces frais pour leur compte. De même, dans la mesure où les régimes de revenu public créent des incitatifs pour les membres de la famille qui ont ce genre de rapports en leur accordant un certain revenu (par l'intermédiaire de fiducies privées par exemple), ces rapports peuvent améliorer la sécurité financière des adultes ayant une invalidité.

En plus de leurs gains personnels, les adultes ayant une invalidité bénéficient, comme bien d'autres Canadiens, du soutien du revenu de base, par l'entremise de différentes sources - l'aide sociale des provinces et des territoires pour ceux qui sont dans le besoin, le Régime de pensions du Canada, le Régime de rentes du Québec, la Sécurité de la vieillesse et le Supplément de revenu garanti du gouvernement fédéral, le crédit d'impôt personnel, le crédit pour la taxe de vente au détail et le crédit d'impôts fonciers des gouvernements fédéral et provinciaux, les prestations de retraite du secteur privé -, par l'entremise de leurs employeurs ou de leur propre régime d'épargne-retraite, et des fonds en fiducie dont ils sont bénéficiaires. Selon la cause et la date du début de l'invalidité et du lien avec le marché du travail rémunéré, les adultes qui ont une invalidité obtiennent aussi un revenu de subsistance grâce aux indemnités d'accident du travail, aux allocations d'anciens combattants, aux prestations d'assurance privées et aux règlements portant sur leur invalidité.

Il existe certaines dispositions fiscales précises pour aider les aidants naturels et encourager l'épargne des particuliers qui aident un membre de la famille qui a une invalidité :

·                      Le crédit d'impôt personnel d'une « personne entièrement à charge » peut être demandé, lorsque la personne est entièrement à charge du particulier (dans la mesure où cette personne est un parent).

·                      Un « crédit d'impôt pour personnes handicapées à charge » peut être demandé pour l'aide apportée à la personne qui a plus de 18 ans (dans la mesure où cette personne est un parent).

·                      Un « crédit d'impôt aux aidants naturels » peut être demandé lorsqu'une personne partage un logement avec un parent qui a plus de 18 ans et qui est à sa charge en raison d'un handicap physique ou mental (dans la mesure où cette personne est un parent).

·                      Pour encourager l'épargne des personnes à charge ayant une invalidité, des taux d'imposition inférieurs sont appliqués aux fiducies lorsqu'un « bénéficiaire privilégié » est désigné; les personnes admissibles à cet avantage sont celles qui sont admissibles au crédit d'impôt pour personne handicapée, ou qui sont à la charge d'un autre particulier en raison d'un handicap physique ou mental.

·                      Au décès d'une personne, son régime enregistré d'épargne-retraite (REER) et son fond enregistré de revenu de retraite (FERR) peuvent être transférés à un enfant ou petit-enfant qui a plus de 18 ans, s'il est une personne à charge en raison d'un handicap physique ou mental - sans que le bénéficiaire se voit imposer de montant de taxe à payer.

Par les crédits d'impôt qu'elles accordent, ces dispositions visent à reconnaître la contribution personnelle des soignants et à permettre à une personne de recevoir de l'aide financière toute sa vie durant, même si les membres de sa famille sont décédés.

A.      Facteurs décourageant la promotion de rapports personnels valorisés

Malgré différentes dispositions fiscales, les adultes qui ont une invalidité ont tendance à être pauvres, à toucher un revenu fixe (selon les chiffres, environ 30 p. 100 des adultes qui bénéficient de l'aide sociale ont une invalidité) et à n'avoir aucun lien sécurisant avec le marché du travail rémunéré (Axworthy, 1994). Plus de 365 000 adultes ayant une invalidité payent de leur poche des dépenses liées à leur invalidité qui ne leur sont pas remboursées. Leur grande pauvreté et l'importance des frais qu'ils engagent constituent un fardeau pour les membres de la famille, lequel fardeau peut ajouter à la tension exercée sur leurs rapports de soutien et mener à la rupture de la réciprocité et du respect manifesté à l'endroit de la personne. Dans les politiques et programmes actuels, il existe un nombre de facteurs décourageant la promotion de la sécurité financière des adultes ayant une invalidité et la reconnaissance de la contribution des familles et d'autres personnes, de même que la contribution que les adultes ayant une invalidité apportent à leurs rapports de soutien.

·                      Les crédits d'impôt pour les aidants naturels sont minimes et sont loin de constituer une indemnité pour la perte de possibilités économiques ou pour le coût des soins, lorsque les membres de la famille sont la principale ou la seule source de soins. De plus, ces crédits d'impôt n'étant pas remboursables, ils n'apportent aucun avantage aux aidants naturels qui vivent dans la pauvreté et dont le revenu est sous le seuil du revenu imposable.

·                      Les critères d'admissibilité pour obtenir les crédits d'impôt aux aidants naturels requièrent qu'un adulte ayant une invalidité soit considéré comme « entièrement à charge » ; ces critères renforcent donc l'idée que les adultes ayant une invalidité ne sont pas autonomes, et que les rapports d'aide sont à sens unique et non réciproques et qu'ils ne sont pas définis en partie par les différentes formes de contributions, notamment la contribution économique, de la personne ayant une invalidité.

·                      L'admissibilité des soignants aux crédits d'impôt est restreinte à des parents précis. Cela limite la reconnaissance fiscale des rapports personnels de soutien aux membres de la famille et aux soignants rémunérés (par exemple, la reconnaissance des soins auxiliaires par le crédit d'impôt pour frais médicaux). Les soins qui sont fournis dans une famille de substitution, par des adultes qui partagent un logement ou dans le cadre d'un rapport où la personne soignante n'est ni rémunérée ni un membre de la famille ne sont pas reconnus ni rétribués.

·                      La cause de l'invalidité demeure un critère majeur et discriminatoire pour déterminer l'accès au soutien du revenu, et ce, en dépit du fait que les conséquences et les coûts sont très semblables, quelle que soit cette cause. Par exemple, les personnes qui deviennent incapables sur les lieux de leur travail rémunéré ont habituellement un revenu garanti grâce aux régimes d'indemnisation des accidentés du travail, au RPC, au RRQ ou aux régimes d'assurance-invalidité. Les personnes nées avec une invalidité ne sont pas admissibles à de tels avantages.

·                      Les critères d'accès à l'aide sociale sont souvent susceptibles de limiter un adulte ayant une invalidité dans sa recherche d'occasions d'emploi, réduisant ainsi la contribution financière qu'il peut apporter dans les rapports personnels auxquels il est partie.

·                      Dans certains ressorts, il est difficile pour les adultes ayant une invalidité qui sont bénéficiaires d'un fonds en fiducie, établis par les parents ou d'autres personnes, d'être admissibles à des prestations d'aide sociale tout en protégeant leur placement financier. Cette situation est en train de changer. Par exemple, aux termes de réformes qui ont été adoptées en 1996 en Colombie-Britannique, les fonds en fiducie ne dépassant pas 100 000 $ ne sont plus considérés comme des éléments d'actif aux fins de déterminer l'admissibilité à l'aide sociale des adultes ayant une invalidité. Les paiements effectués sur les fonds en fiducie sont soustraits de l'évaluation des revenus, lorsqu'ils sont utilisés pour obtenir des mesures de soutien relatives à l'invalidité.

·                      En raison principalement de la participation à l'emploi, il existe des écarts considérables entre les régimes de soutien du revenu auxquels ont accès les personnes âgées de plus de 65 ans qui ont ou non une invalidité. L'ensemble des personnes qui ont plus de 65 ans ont accès à plus de mesures de soutien, d'avantages et de prestations de retraite si elles ont occupé des emplois rémunérés. Toutefois, la majorité des gens qui ont un handicap physique ou une déficience intellectuelle ont eu très peu d'occasions de faire partie de la population active. En 1998, la réforme du RPC a réduit l'admissibilité aux prestations des personnes ayant une invalidité, directement et indirectement, en imposant comme condition d'admissibilité un lien plus important avec la population active. Ce désavantage est encore plus marqué si les personnes concernées sont des femmes, des personnes de couleur ou des Autochtones. Les conséquences sont une pauvreté ancrée et des tensions supplémentaires exercées sur les rapports de soutien.

II.     Le financement et la prestation de services de soutien relatifs à l'invalidité

Le financement des services de soutien destinés aux personnes ayant une invalidité tend à relever principalement de la compétence des provinces et des territoires. Divers mécanismes de partage des coûts ont été mis en place afin que le gouvernement fédéral exerce son pouvoir d'application des ressources pour aider à financer ces mesures de soutien. Ces mécanismes ont été en grande partie regroupés dans le Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux, qui prévoit un transfert global par le gouvernement fédéral aux provinces, auquel peu de conditions sont rattachées. Grâce à diverses dispositions fiscales, par exemple le crédit d'impôt pour personne handicapée et le crédit d'impôt pour frais médicaux, le gouvernement fédéral procède au transfert direct de fonds pour aider à couvrir le coût des services de soutien aux personnes qui ont une invalidité et aux membres de leur famille[11].

Au niveau provincial, les mesures de soutien qui ont été brièvement exposées dans l'examen des cinq types de rapports personnels sont financées, prévues par contrat ou fournies par les gouvernements des provinces et des territoires, les organismes quasi gouvernementaux et le secteur de l'assurance privée. Le financement et les services sont fournis principalement par l'intermédiaire d'organismes communautaires, quoique le financement soit de plus en plus individualisé.

A.      Organismes communautaires

Les types d'organismes d'aide sociale suivants jouent un rôle dans la prestation des services :

·                      Les organismes communautaires qui sont habituellement financés par le secteur public (par exemple les organismes s'occupant précisément des personnes ayant une invalidité comme les services d'extension pour les soins auxiliaires, les associations locales pour l'intégration communautaire, les services d'aide à la vie autonome, de même que des organismes qui dispensent des services plus généraux comme les organismes de services aux familles, les services de protection de l'enfance, etc.)[12]

·                      les organismes de santé et de services sociaux (par exemple les travailleurs sociaux et les spécialistes de la gestion du comportement qui exercent leurs activités dans des bureaux locaux ou régionaux de ministères provinciaux des services sociaux, les organismes de soins à domicile du secteur public dans certaines provinces ou certains territoires, de même que les établissements plus importants financés par les deniers publics - les centres de réadaptation, les établissements psychiatriques, les établissements pour les personnes qui ont une déficience intellectuelle, les établissements de soins prolongés)

·                      les organismes bénévoles (ils incluent par exemple un grand nombre des organismes communautaires subventionnés pour fournir des services, mais ils comprennent également les organismes caritatifs locaux qui, dans certaines collectivités, accordent des fonds pour aider les personnes ayant une invalidité - Le Club Lions, le Club Rotary)

·                      les organismes de défense des droits des personnes ayant une invalidité (par exemple les centres locaux de vie autonome, les associations pour les troubles d'apprentissage, les associations pour l'intégration communautaire (qui, souvent, fournissent aussi des services) et les coalitions et réseaux officieux).

Ensemble, ces organisations procurent des mesures de soutien aux personnes qui sont engagées dans les rapports personnels décrits plus haut. Les mesures de soutien peuvent inclure des appareils et des aides techniques, des logements dotés de services de soutien, des services de réadaptation, des services auxiliaires et d'autres mesures d'aide personnelle, du counseling, des services de réadaptation professionnelle et d'autres services d'information, des services de défense des droits, du soutien par les pairs, des mesures d'accommodation dans leur milieu. Bien que la plupart des organismes qui fournissent ces services de soutien aux personnes ayant une invalidité soient à but non lucratif, quelques-uns sont des entreprises à but lucratif, par exemple les organismes qui passent des contrats avec les commissions d'indemnisation des accidentés du travail, les sociétés d'assurance, les employeurs et des particuliers pour fournir des services de réadaptation.

Ces organismes ont d'importantes responsabilités : ils déterminent qui obtient de l'aide, quel type d'aide est apporté et selon quelles modalités; ils ont ainsi une influence décisive sur la qualité de vie des gens qui ont une invalidité (par exemple, la mesure dans laquelle ils peuvent se déplacer dans la société, communiquer avec d'autres personnes, avoir accès à l'éducation ou à des possibilités de formation, au marché du travail, etc.).

B.      Financement direct et individualisé

En plus de la prestation de services de soutien par l'intermédiaire d'organismes, un nombre croissant de mécanismes de financement sont établis pour fournir des fonds directement aux particuliers et aux familles, afin qu'ils puissent se procurer les mesures de soutien dont ils ont besoin. Le « contrôle par le client » est un principe directeur de plus en plus important en ce qui concerne les mécanismes de financement et de prestation de services. La plupart des gouvernements provinciaux ont maintenant quelques politiques et programmes qui prévoient le financement individualisé, bien que la portée de ces mécanismes varie d'un bout à l'autre du pays. L'Alberta est probablement la province qui est allée le plus loin dans l'élaboration d'une politique et d'un système de prestation en ce sens.

Comme il est indiqué dans la recherche examinée plus haut, ces mécanismes offrent aux gens beaucoup plus de contrôle sur des décisions essentielles qui concernent leur vie, améliorent la responsabilité des fournisseurs de soutien à l'endroit des personnes et de leurs familles, favorisent une participation accrue des gens à la vie sociale et économique, multiplient les rapports personnels, améliorent les aptitudes personnelles, favorisent une plus grande estime et un plus grand respect à l'endroit des personnes et procurent aux soignants plus de satisfaction au travail[13].

C.      Facteurs décourageant la promotion de rapports personnels valorisés

Un nombre de facteurs dissuasifs persistent dans les politiques et les programmes visant la promotion de rapports personnels de soutien comportant les qualités qui ont été jugées souhaitables dans la partie précédente. Ces facteurs se trouvent à limiter le choix individuel et à restreindre l'accès aux services de soutien requis, laissant ainsi les gens dans l'obligation de s'en remettre aux membres de leur famille, ce qui mine et menace leurs rapports avec eux, ou ne leur donnent pas l'accès à toutes les mesures de soutien payées dont ils ont besoin (les laissant par ce fait même sans possibilité d'établir de liens avec la collectivité, sans aide personnelle et sans source d'estime et de respect pour assurer leur citoyenneté à part entière et leur intégration communautaire). Les facteurs dissuasifs incluent :

1.        Les dépenses occasionnées par l'invalidité ne sont pas prises en charge

Actuellement, le régime de soutien du revenu et les mesures de soutien destinées aux personnes ayant une invalidité ne traitent pas de façon satisfaisante du problème des dépenses occasionnées par l'invalidité, lesquelles comprennent les appareils et accessoires fonctionnels, les accompagnateurs et autres travailleurs dispensant des mesures de soutien. Il en résulte que les besoins des personnes qui dispensent des services de soutien demeurent insatisfaits ou que leur rémunération est insuffisante. Ces conditions nuisent à la possibilité d'assurer, dans le cadre des rapports personnels, l'équité pour les soignants et la qualité des services pour les bénéficiaires. Les conditions d'admissibilité contraignantes sont les principaux facteurs qui restreignent l'accès. Les règles d'admissibilité limitent souvent l'accès aux services et aux mesures de soutien au lieu d'assurer aux gens le soutien dont ils ont besoin. Dans le cadre du système complexe de santé et de services sociaux actuel, les qualités requises pour recevoir de l'aide reposent sur différents facteurs dont l'âge, la cause de l'invalidité et le niveau de revenu.

2.        Restrictions relatives à l'âge et à l'invalidité

Lorsqu'il s'agit de déterminer l'admissibilité à des mesures de soutien, on tend à accorder de l'importance aux aspects biologiques et chronologiques du vieillissement. Toutefois, pour ce qui est de certains types d'invalidité, le processus du vieillissement se manifeste plus tôt que pour la plupart des gens. Par exemple, les auteurs Puccio, Janicki, Ottis et Rettig (1983) affirment que les personnes ayant une incapacité intellectuelle commencent à montrer des signes de vieillesse dans la quarantaine. En outre, on a démontré une incidence accrue et l'apparition considérablement précoce de la maladie d'Alzheimer chez les personnes atteintes du syndrome de Down (Lott et Lai, 1982; Lendon et autres, 1997; Schupf et autres, 1998). D'autres critères d'admissibilité relatifs à l'invalidité restreignent l'accès aux services de soutien en se fondant sur l'invalidité même, sa gravité et sa persistance sur une longue période. Les personnes qui ont des problèmes de santé mentale chroniques par exemple peuvent n'avoir besoin que de services intermittents sur une courte période, mais les critères d'admissibilité limitent souvent les services de soutien dans ces circonstances. L'admissibilité fondée sur la catégorie d'âge ou d'invalidité ne répond pas à la situation et aux besoins réels des gens et restreint l'accès au soutien approprié.

Il existe de nombreux exemples dans le régime de services de soutien actuel où l'âge est un critère d'admissibilité à des services d'aide. Par exemple, le programme de santé albertain « Aids to Daily Living » rembourse la totalité du coût des appareils pour les personnes âgées de 65 ans et plus. Les personnes plus jeunes doivent contribuer financièrement. En Ontario, même si le programme des appareils et accessoires fonctionnels est offert aux personnes de tous âges, il comporte, pour certains articles, des restrictions en ce qui concerne l'âge. En Colombie-Britannique, l'admissibilité à des services d'aide spéciaux (par exemple les soins de jour pour adultes, les soins de relève et les services de diagnostic et de traitement) offerts par le ministère de la Santé, est déterminée non seulement par l'âge, mais également pas l'état de santé, le statut de résident et la citoyenneté (Colombie-Britannique, 1994b).

Les restrictions, notamment celles qui se rapportent à l'âge, ont comme conséquence d'empêcher les adultes ayant une invalidité d'acquérir une plus grande autonomie financière et de limiter ainsi leur contribution aux rapports personnels de soutien auxquels ils sont partie.

3.        Insuffisance des fonds destinés aux soignants rémunérés

Les politiques provinciales en matière de financement et de contrat concernant les services dispensés aux personnes ayant une invalidité ont tendance à maintenir à des niveaux bas les échelles des salaires et l'ensemble des avantages sociaux des soignants rémunérés. Les études sont nombreuses à faire ressortir l'insuffisance des fonds destinés aux soignants rémunérés, le roulement élevé de personnel qui en résulte et les conséquences liées à la diminution de la qualité des rapports personnels avec les adultes ayant une invalidité. Ces répercussions ne sont pas considérées dans les plans de financement visant l'attribution de fonds pour les services de soutien rémunérés.

4.        Exclusion des membres de la famille de la catégorie des soignants rémunérés

La majorité des lignes directrices provinciales concernant le soutien des personnes ayant une invalidité exclut les membres de la famille de la catégorie des soignants rémunérés en vertu des arrangements financés par les deniers publics. Les personnes qui fournissent des soins dans les familles de substitution et les adultes qui partagent un logement peuvent être rémunérés dans la mesure où ils ne sont pas des membres de la famille biologique. Cette distinction entre les soignants rémunérés soulève trois difficultés majeures :

·                      Le fait que les familles de substitution sont considérées plus dignes de recevoir des fonds publics que les familles biologiques qui dispensent des soins soulève des questions relatives à l'équité horizontale;

·                      Ceux qui sont susceptibles de mieux connaître une personne - ses moyens de communication particuliers, ses besoins et ses préférences - ne sont pas, dans le cadre de rapports de soutien, dans une position qui leur permet d'être rétribués selon la même mesure que les autres soignants qui sont rémunérés pour fournir des services semblables. Ce traitement discriminatoire met en péril la possibilité de développer des rapports personnels de soutien.

·                      Lorsqu'on a recours à des mécanismes de financement provincial individualisé et qu'une personne devient un employeur légal, les restrictions provinciales qui s'appliquent à l'embauche de membres de la famille peuvent constituer une règle injustifiée pour les employeurs qui reçoivent des fonds de la province, et contribuer au manque de clarté concernant la question de savoir qui est le véritable employeur.

5.        Financement axé sur les soignants rémunérés

Généralement parlant, le financement des soins rémunérés s'effectue en remettant les montants aux soignants, plutôt qu'aux clients. Ce mécanisme de financement donne aux organismes de services et aux soignants rémunérés le pouvoir de déterminer les modalités rattachées au mesures de soutien qu'ils fournissent. Nous avons vu que cela présente, en ce qui a trait au pouvoir, un déséquilibre qui nuit au pouvoir des rapports de soutien de promouvoir la réciprocité, l'apprentissage de l'autonomie et l'autodétermination des adultes ayant une invalidité, de même que leur développement personnel. Une bonne partie de la recherche sur les services dispensés aux personnes ayant une invalidité décrit ce déséquilibre du pouvoir comme la source majeure des difficultés dans les rapports de soutien rémunérés.

6.        Manque d'options en ce qui concerne le statut à accorder aux rapports de soutien

Une formule fondée sur un partenariat domestique ne règle pas la question des droits et des responsabilités découlant de la loi que soulèvent ces rapports. Le partenariat domestique est un nouveau statut civil institué dans un nombre croissant de ressorts, et on a proposé son adoption pour la compétence fédérale (Cossman et Ryder, 2000). Ce statut vise à assurer la reconnaissance légale des rapports intimes et économiquement interdépendants entre deux adultes qui vivent dans une situation assimilable ou non à une union conjugale en dehors du mariage. Il prévoit des droits et des responsabilités découlant de la loi qui équivalent au mariage. Certaines personnes qui, aux termes d'arrangements, forment une famille de substitution ou partagent un logement peuvent choisir de s'inscrire comme partenariat domestique si ce statut leur est proposé, mais la plupart d'entre elles ne trouveraient vraisemblablement pas dans ces rapports l'approche qu'elles recherchent en ce qui a trait à leurs droits et obligations.

La reconnaissance par le Code criminel (art. 215) de l'obligation d'une personne de « fournir les choses nécessaires à l'existence d'une personne à sa charge » n'offre pas non plus de modèle adéquat en ce qui a trait aux droits et obligations. Le Code se trouve à nier la réciprocité qui définit les rapports examinés au présent document, la nature de l'aide fournie et la contribution que les adultes qui ont une invalidité apportent eux-mêmes. S'il était utilisé comme modèle pour l'articulation légale des droits et obligations, il reconnaîtrait la notion selon laquelle les adultes qui ont une invalidité doivent être « à la charge » d'autrui, et que le terme « assistance » signifie que la personne capable fournit du soutien à la personne « incapable de pourvoir aux choses nécessaires à sa propre existence » . C'est précisément ce modèle de rapports personnels de soutien qui a nuit à l'autodétermination, à la citoyenneté à part entière et à l'égalité des adultes ayant une invalidité.

III.    Statut relatif aux prises de décisions

Les personnes qui ont une invalidité tendent à perdre leur possibilité juridique de prendre des décisions elles-mêmes. Cette perte de leur statut est institutionnalisée par diverses dispositions législatives fédérales, provinciales et territoriales qui portent sur la capacité et la prise de décisions. L'origine de ces dispositions remonte à des centaines d'années (Bach, 1999; Bach et autres, 1994; Savage et McCague, 1987). Elles énoncent les principes s'appliquant aux décisions, notamment celles qui concernent la personne, les finances et la santé; elles limitent certaines libertés sur la base de la capacité juridique (par exemple le droit de se marier); elles déterminent l'accès au système de justice et peuvent définir les obligations des soignants; de plus, elles énoncent les grandes lignes de la procédure qui s'applique à la détermination de la capacité juridique, à la demande visant à ce que l'ensemble ou une partie des décisions soient prises au nom d'autrui, et à l'attribution et au contrôle de ces pouvoirs décisionnels. Ces différentes dispositions structurent le statut de certains adultes qui ont une invalidité et des personnes qui sont parties à leur réseau de soutien.

Le terme anglais « incompetent » a été principalement utilisé dans les lois et la jurisprudence pour désigner l'incapacité juridique d'une personne. Au cours de la dernière décennie, le terme « incompetent » a progressivement fait place au terme « incapacity » dans les lois et la jurisprudence. Bien que ces deux termes aient des sens à peu près équivalents, l'usage est en train de changer, car selon un rapport de la commission de réforme du droit de la Nouvelle-Écosse, le terme « incompetent » est entre autres considéré comme offensant pour ceux qui sont réputés tel ou à qui on a attribué ce statut[14]. Le terme « incapacity » est peut-être moins offensant, car il laisse entendre que ce sont les capacities d'une personne qui font l'objet d'une appréciation alors que l'incompetence implique un jugement sur la personne elle-même. Cependant, cette distinction sémantique ne change aucunement le statut juridique de la personne désignée par l'un ou l'autre terme; le résultat est le même, soit le retrait du droit à l'autodétermination ou d'autres droits civils ou politiques.

Nombreuses sont les personnes ayant une déficience mentale qui voient leur capacité juridique remise en question et leur droit à l'autodétermination leur être retiré, mais l'un n'entraîne pas nécessairement l'autre. Comme le font remarquer des analystes juridiques, la déficience mentale ne doit pas équivaloir à l' « incompetency » ou à l' « incapacity » juridique (Robertson, 1987). Le premier terme renvoit à la détermination de la capacité intellectuelle, le dernier, au statut juridique. Toutefois, c'est en se fondant sur la déficience mentale ou intellectuelle que le droit reconnu par la loi à l'autodétermination est souvent retiré, et le statut juridique de l'incapacité attribué.

Il existe une grande quantité de lois relatives à la capacité. On a entrepris l'examen de cet ensemble de lois dans le contexte canadien (Robertson, 1987; Savage et McKague, 1987; Rozovsky et Rozovsky, 1990; Gordon et Verdun-Jones, 1992). Même une description de ces lois considérées dans leur ensemble ne fait pas partie de l'objectif du présent document. À travers l'histoire et dans la pratique courante du droit, ces domaines du droit législatif et jurisprudentiel établissent les mécanismes élémentaires par lesquels une personne est déclarée incapable ou n'ayant pas la capacité requise de prendre des décisions.

Des dispositions sur la tutelle ou la prise de décisions au nom d'autrui sont prévues dans différents textes réglementaires des provinces et des territoires. Ces dispositions établissent les normes de capacité applicables à la prise des décisions concernant les soins de santé, les biens, les finances et les soins personnels, et exposent brièvement la procédure à suivre pour présenter une demande en vue d'obtenir une ordonnance enjoignant la prise de décisions au nom d'autrui, et pour rendre ce type d'ordonnance. Dans la plupart des ressorts, les tribunaux peuvent rendre des ordonnances enjoignant la prise de l'ensemble ou d'une partie des décisions au nom d'autrui en précisant les domaines particuliers qui doivent être confiés à un décideur du secteur privé ou public.

Revenu Canada établit des règles aux termes desquelles il détermine qui peut être considéré comme un employeur et exercer les responsabilités nécessaires. Des décisions ont été rendues qui ont refusé à des adultes d'être inscrits comme employeurs parce qu'ils n'avaient pas la capacité. En conséquence, des réseaux de soutien ont été obligés d'adopter eux-mêmes un statut d'employeur au lieu de donner du soutien à des personnes qui auraient agi à ce titre.

Le droit civil relatif à la capacité inclut, entre autres, le droit des contrats où les règles relatives à l'incapacité n'interdisent pas expressément aux personnes ayant une déficience intellectuelle de passer des contrats, mais requièrent qu'elles soient capables de comprendre l'entente qu'elles concluent. Un contrat peut être considéré nul si l'autre partie est au courant, ou aurait dû soupçonner, que la personne avec qui elle a passé un contrat était incapable d'en comprendre les modalités[15]. Toutefois, si le contrat prévoit la fourniture des « choses nécessaires à l'existence » , on peut faire valoir des exceptions à cette défense d'incapacité.                                                                                       

En droit des délits, un défendeur se soustrait à sa responsabilité découlant d'un délit civil intentionnel, si, en vertu d'une déficience mentale, il est réputé incapable de former une intention et, par conséquent, d'agir volontairement, ou de comprendre que son acte était fautif. La déficience ou l'aliénation mentales sont des défenses qui peuvent également être utilisées dans les causes de négligence, s'il peut être prouvé que la santé mentale d'une personne a donné lieu à une incapacité de comprendre et d'exercer le devoir de diligence.

En droit de la famille, il existe des restrictions sur le droit de se marier lorsqu'une personne est considérée incapable en raison d'une déficience mentale; les droits des parents peuvent aussi être retirés pour cette même raison. À l'instar de tout autre contrat, les contrats de mariage et les accords de séparation peuvent être déclarés nuls, pour la raison qu'une partie était incapable de comprendre la nature et les conséquences de son action au moment de la conclusion du contrat ou de l'accord.

Relativement aux droits politiques, à venir jusqu'en 1984 pour ce qui est des élections ontariennes, après cette date dans d'autres provinces et territoires, et à venir jusqu'en 1989 pour ce qui est des élections fédérales, les personnes ayant une déficience mentale pouvaient se voir nier le droit de voter aux élections fédérales si elles vivaient dans un établissement.

Les personnes atteintes d'une déficience mentale peuvent aussi se voir nier la possibilité de siéger au conseil d'administration d'organisations constituées en personne morale si elles ont été reconnues comme « faibles d'esprit » (par exemple, la Loi canadienne sur les sociétés par actions) ou si leur déficience est considérée comme les rendant incapables d'exercer leurs responsabilités. En vertu des lois qui régissent les professions, les personnes reconnues temporairement ou définitivement inaptes peuvent perdre le droit d'exercer leur profession.


En droit criminel, la question de l'incapacité juridique et de la déficience mentale comporte différents aspects. Celle portant sur la crédibilité des témoignages rendus par des personnes ayant une déficience mentale dans des causes où il est allégué qu'elles ont subi des mauvais traitements, notamment de la violence physique ou sexuelle, a particulièrement préoccupé les collectivités de personnes ayant une incapacité et les collectivités juridiques. Proportionnellement, le pourcentage des mauvais traitements sous toutes leurs formes subis par ce groupe est très élevé, et relativement peu de cas sont amenés devant les tribunaux (l'Institut Roeher, 1995). Aux termes de la Loi sur la preuve au Canada, certains critères doivent être satisfaits en ce qui concerne la compréhension de ce que signifie le fait de dire la vérité et la capacité de communiquer les faits dans son témoignage (la capacité d'observer, de se souvenir et de communiquer[16]), sinon, la Couronne n'engage vraisemblablement pas de poursuites, et ces affaires ne sont donc pas susceptibles d'être entendues par les tribunaux. Certaines dispositions ont été adoptées dans le cadre de modifications apportées au Code criminel et à la Loi sur la preuve au Canada afin d'assurer que ces affaires aient une meilleure chance d'être entendues. Ces dispositions permettent à une personne de témoigner si elle ne comprend pas la nature d'un serment mais qu'elle comprend ce que signifie le fait de dire la vérité; elles permettent aussi le témoignage d'une personne par l'entremise d'une télévision en circuit fermé dans des affaires portant sur des sévices sexuels (avant 1992, seules les personnes de moins de 18 ans pouvaient témoigner de cette façon).

Il n'existe pas d'exigences législatives claires relativement à la fourniture d'aide à la communication dans les litiges en matières civile ou criminelle, quoique des protocoles sont en voie d'être établis pour garantir que la police, les procureurs de la Couronne et les juges offrent diverses mesures d'accommodation dans le cadre des enquêtes et des instances du tribunal - aide personnelle, aide technique, interprètes et intervenants, etc.[17] Au fur et à mesure que cet ensemble de dispositions législatives sera élaboré, il y aura sans aucun doute des restrictions concernant ce qui est considéré comme une aide à la communication. Toutefois, il s'agit d'un secteur où les réseaux de soutien pourraient avoir des répercussions majeures sur l'accès au système de justice pour les personnes ayant une invalidité, si leur aide à l'interprétation et à la prise de décisions était pleinement reconnue et appuyée.

Les normes traditionnelles qui s'appliquent à la prise de décisions éclairées sont formulées tant dans la législation que dans la jurisprudence. Quatre critères clés ont été établis à l'égard du consentement et de la prise de décisions éclairés : 1) les décisions sont prises volontairement; 2) les personnes ont la capacité juridique de prendre des décisions; 3) les personnes ont la capacité mentale; et 4) les personnes sont informées sur la nature, les avantages et les risques de toute option particulière qu'elles pourraient choisir (Rozovsky et Rozovsky, 1990). La capacité de recevoir et d'évaluer l'information de façon efficace, de communiquer les décisions, et de formuler des opinions raisonnables sont des critères applicables à la prise de décisions éclairées; ces critères se trouvent dans la législation sur la tutelle et la prise de décisions de la plupart des provinces et territoires.

           

Un certain nombre de modèles de prise de décisions ont été élaborés dans les lois et les politiques au cours des dernières années; ces modèles sont présentés comme solutions de rechange à la tutelle et remèdes à certaines restrictions imposées par l'institution de la tutelle. La plupart des approches, mais pas toutes, respectent entièrement la distinction entre les notions de capacité et d'incapacité sur lesquelles reposent les institutions décisionnelles traditionnelles. Néanmoins, elles vont un peu plus loin en rendant moins abusif et restrictif le retrait à certaines personnes de leur droit de prendre des décisions et l'attribution de ces droits à d'autres personnes. Ces approches confèrent plus ou moins un certain statut aux réseaux d'aide à la prise de décisions - c'est très clairement le cas en ce qui concerne les conventions de représentation en C.-B. et le modèle manitobain d'aide à la prise de décisions, résumé plus haut.

A.      Procuration

Certaines dispositions des lois canadiennes relatives à la tutelle autorisent la nomination, par une personne capable, d'un fondé de pouvoir aux fins des décisions relatives aux aspects financiers ou aux soins personnels. Ces dispositions permettent à des personnes de prendre des dispositions préalables en vue du moment où elles ne pourront peut-être plus être considérées par d'autres comme des personnes aptes à prendre leurs propres décisions. Le document autorisant une personne désignée à agir au nom de celle qui le remplit et le signe (le mandant ou l'auteur) est une procuration. Le document accorde au « fondé de pouvoir » le pouvoir ou la capacité juridique d'agir au nom du mandant et la procuration peut être restreinte ou générale. Le document peut en effet énoncer que le fondé de pouvoir est autorisé à faire certaines choses seulement, comme recevoir et déposer à la banque le revenu d'une personne et payer les factures de celle-ci, ou qu'il peut conclure toutes les transactions que le mandant pourrait lui-même conclure sans préciser la nature de celles-ci.

Sous sa forme originale, une procuration est un document visant à couvrir les cas où une personne mentalement capable a besoin des services d'une autre pour conclure certaines transactions ou pour prendre certaines décisions pendant qu'elle est temporairement indisposée. Le concept de la procuration perpétuelle constitue donc un écart par rapport au principe fondamental de la capacité du mandant. Une procuration perpétuelle peut demeurer en vigueur même lorsque le mandant devient mentalement incapable et ne peut plus diriger, surveiller et contrôler la conduite du mandataire ou fondé de pouvoir.

Tout en respectant les désirs d'une personne au sujet des individus qui exerceront des pouvoirs à titre de fondés de pouvoir, du moment où lesdits pouvoirs seront exercés et des fins pour lesquelles ils le seront, la procuration maintient la distinction entre la personne capable et celle qui ne l'est pas. Les fondés de pouvoir ne peuvent être nommés que par des personnes réputées « capables » et, lorsque des pouvoirs sont exercés en vertu d'une procuration, les décisions sont encore prises par une personne ayant des pouvoirs sur une autre qui n'est plus reconnue comme une personne en mesure d'exercer des droits de nature décisionnelle (Brock et Buchanan, 1991).

B.      Conseillers et intervenants bénévoles

Reconnaissant les restrictions liées à la tutelle traditionnelle, certains pays européens ont élaboré des lois prévoyant la nomination d'un conseiller chargé d'aider une personne à prendre certaines décisions. Ainsi, la Suède a remplacé le tuteur par deux types de personnes investies de pouvoirs décisionnels : le conseiller et l'administrateur. En vigueur depuis 1976, cette loi suédoise prévoit la nomination de conseillers qui fournissent de l'aide liée à la prise de décisions, agissent en qualité de représentants des personnes pour lesquelles ils sont nommés et peuvent prendre des décisions pour elles, pourvu qu'ils respectent les désirs de l'individu en question. Le conseiller possède des pouvoirs équivalents à ceux du fondé de pouvoir. En vertu de la loi sur la tutelle de la Suède, les conseillers sont nommés suivant le consentement de la personne qui recevra de l'aide et au nom de laquelle des décisions seront prises, pourvu que la personne concernée y consente dans le cas de certaines décisions. Les tribunaux peuvent également désigner des conseillers dans les cas où la personne est jugée incapable de donner son consentement. Dans ce genre de situation, le conseiller doit continuer à agir selon les désirs et les intentions de l'individu.

La législation prévoit également la nomination d'un « administrateur » lorsque l'individu s'oppose aux décisions du conseiller alors que ses propres décisions mettraient sérieusement en péril ses intérêts. L'administrateur joue un rôle semblable à celui du tuteur ou du subrogé ou mandataire spécial en vertu des lois canadiennes sur la tutelle et est investi de pouvoirs semblables à ceux qui sont prévus dans la législation relative aux adultes maltraités qui est en vigueur dans les provinces de l'Atlantique.

En Australie, l'intervenant bénévole possède des pouvoirs semblables à ceux du conseiller. L'intervenant bénévole est désigné par le tribunal pour aider les personnes qui sont réputées incapables de prendre des décisions ou dont la capacité à cet égard a été mise en doute. Le rôle de l'intervenant bénévole consiste à fournir de l'aide liée à la prise de décisions et à agir en qualité de subrogé ou de mandataire spécial au besoin, pourvu que les décisions respectent les désirs de l'individu.

Les dispositions législatives prévoyant la désignation du « conseiller » et de « l'intervenant bénévole » aux fins de la prise de décisions constituent de réels progrès dans la démarche devant mener à une prise de décision appuyée. Elles obligent les conseillers à agir selon les désirs des individus, même si ceux-ci sont jugés incapables de prendre leurs propres décisions, et reconnaissent également la validité de l'assistance fournie comme moyen d'aider les personnes à exercer leurs droits de nature décisionnelle. Néanmoins, les conseillers sont investis du pouvoir de prendre des décisions au nom d'autrui, bien que ce pouvoir soit assujetti à des restrictions plus importantes que celles du pouvoir du tuteur désigné en vertu des lois canadiennes sur la tutelle. Selon certaines recherches concernant ce type de conseillers, ces restrictions ne sont pas toujours respectées, surtout en ce qui concerne l'obligation de se conformer aux désirs et d'obtenir le consentement de l'individu. Ainsi, certains conseillers s'acquittent de leurs responsabilités comme le font les tuteurs traditionnels (Herr et Hopkins, 1994).

C.      Prise de décisions au nom d'autrui

L'État de New York a mis sur pied un « surrogate decision making program » (programme de prise de décisions au nom d'autrui) afin de permettre à des mandataires spéciaux de prendre des décisions concernant certaines interventions médicales, lorsque le patient est réputé incapable de donner un consentement éclairé ou que cette capacité est mise en doute. Le programme a été créé comme solution de rechange à la nomination par les tribunaux de mandataires spéciaux chargés de prendre des décisions pour les personnes frappées d'incapacité mentale dans les établissements exploités au nom ou avec l'autorisation de l'État. Certaines décisions médicales ne sont pas visées par ce programme, notamment les décisions liées aux traitements d'urgence, l'arrêt du traitement de survie, la stérilisation et l'arrêt de grossesse. L'application du programme est déclenchée lorsqu'un médecin dépose une déclaration indiquant qu'un psychiatre ou un psychologue a jugé la personne incapable de donner un consentement éclairé à un traitement donné, en précisant les avantages du traitement en question pour la personne ainsi que les opinions qu'elle aurait pu exprimer à ce sujet. Un groupe de bénévoles composé de professionnels de la santé, de membres de la famille, de conseillers juridiques et d'autres personnes spécialisées se réunit afin d'examiner la demande de nomination d'un mandataire spécial qui serait autorisé à consentir au traitement.

Le principal avantage de la prise de décisions au nom d'autrui par rapport à la tutelle réside dans le fait que cette méthode accorde des pouvoirs décisionnels très précis et retire par le fait même les droits liés aux décisions connexes pour un très court laps de temps. De plus, il est nécessaire dans le cas de chaque décision de prouver que l'individu est incapable et qu'une décision doit être prise en son nom. Bien que cette méthode soit plus coûteuse, notamment sur le plan administratif, elle protège davantage que la tutelle complète ou même partielle les droits liés à l'application régulière de la loi des individus en ce qui concerne les décisions qui les touchent. Néanmoins, à l'instar des autres solutions de rechange à la tutelle, la prise de décisions au nom d'autrui repose sur une distinction entre la personne capable et incapable et sur le retrait de droits de nature décisionnelle de cette dernière, ne serait-ce que pour un très court laps de temps.

D.      Dispositions juridiques concernant l'aide à la prise de décisions

Certains territoires canadiens ont adopté des lois visant à reconnaître les réseaux d'aide à titre d' « assistants » en matière de prise de décisions plutôt que de « subrogés » ou de « mandataires spéciaux » . En vertu de la loi de la Colombie-Britannique intitulée Representation Agreement Act, un individu peut conclure une entente avec une personne ou un groupe de personnes (comme un réseau d'aide) afin d'obtenir de l'aide en matière de prise de décisions. Cette loi prévoit l'enregistrement de ces personnes ou réseaux de manière à protéger leur statut lors de la prise des décisions liées, notamment, aux soins de santé ou aux aspects financiers. L'entente permet à une personne de choisir volontairement un ou plusieurs individus qui pourront l'aider, l'appuyer et agir ou prendre des décisions en son nom lorsqu'elle ne sera plus jugée capable de le faire de son propre chef. L'entente peut être rédigée de façon à préciser les conditions dans lesquelles le pouvoir de ces représentants entrera en vigueur ainsi que la nature de l'aide qui sera fournie. Pour conclure des ententes de représentation, les adultes doivent être considérés comme des personnes capables de donner leur consentement, c'est-à-dire comme des personnes qui comprennent la nature, l'objet et les conséquences de l'entente en question. Toutefois, il n'existe aucune disposition exigeant que la personne qui signe une entente de cette nature se soumette au préalable à des tests visant à évaluer sa capacité. La loi de la Colombie-Britannique énonce des normes plus souples que les normes habituelles en ce qui a trait à la capacité. Selon ces normes, l'individu doit avoir manifesté le désir d'obtenir l'aide d'un représentant lors de la prise de décisions, exprimé un choix indiquant l'approbation ou la désapprobation des autres, être au courant du rôle du représentant et avoir confiance en celui-ci.

Ces dispositions représentent un domaine du droit dans lequel les rapports personnels étroits qui mettent en cause une personne ayant une invalidité sont reconnus, et ce, d'une façon qui permet de promouvoir l'autodétermination de cette personne (en prévoyant des normes plus souples en ce qui a trait à la capacité requise pour prendre une décision et en reconnaissant que le trait marquant du rapport est davantage la confiance que simplement la dépendance ou la fourniture de soins).

Les ententes de représentation constituent un mécanisme permettant d'accorder des pouvoirs semblables à ceux du fondé de pouvoir. La principale différence réside dans le fait qu'elles permettent un éventail de mesures d'aide à la prise de décisions sans toutefois autoriser la prise de décisions pure et simple au nom d'autrui.

Au Manitoba, l'article 6 de la Loi sur les personnes vulnérables ayant une déficience mentale reconnaît le rôle de la « prise de décisions appuyées » dans « l'accroissement de l'autonomie, de l'indépendance et de la dignité de la personne vulnérable » . La Loi permet à une personne d'utiliser les ressources d'un « réseau de soutien » pour obtenir de l'aide aux fins des décisions à prendre à l'égard de ses biens ou des soins qu'elle doit recevoir, ce qui limite la nécessité d'utiliser les ententes sur la prise de décisions au nom d'autrui. Reconnaissant les défis à relever dans ce domaine, le gouvernement provincial met actuellement en oeuvre une politique visant à appuyer la création et le maintien de réseaux d'aide personnelle. Des dispositions semblables ont été ajoutées à la Loi sur la tutelle des Territoires du Nord-Ouest.

En Saskatchewan, la loi 48 intitulée The Adult Guardianship and Co-Decision Making Act a récemment été adoptée, mais n'a pas encore été promulguée. Cette loi reconnaît le statut du « personal co-decision-maker » (codécideur en matière personnelle), personne que le tribunal peut désigner en vertu du paragraphe 14(1) après avoir conclu que [TRADUCTION] « la capacité d'un adulte est affaiblie au point où il a besoin d'aide afin de prendre des décisions raisonnables » . Le codécideur conseille la personne , mais doit [TRADUCTION] « acquiescer à la décision prise par l'adulte » . C'est là un autre type de mécanisme de mise en application du modèle de la prise de décisions appuyées.

E.      Facteurs militant à l'encontre de la promotion de rapports personnels valorisés

Le statut juridique des réseaux d'aide n'est pas précisé dans l'ensemble des dispositions législatives existantes. Bien que certains territoires reconnaissent dans une loi le rôle des réseaux en question en ce qui a trait à l'aide à la planification individuelle et à la prise de décisions, cette reconnaissance n'est pas universelle. De plus, les lois et règlements fédéraux qui régissent les normes d'emploi (indiquant les personnes pouvant agir en qualité soignants rémunérés, par exemple), l'accès au système de justice et la responsabilité juridique ne décrivent pas la nature et le statut des réseaux de soutien de façon à permettre aux membres du réseau de fournir de l'aide sans être pleinement responsables des gestes et décisions d'une personne, ce qui correspond au rôle du mandataire spécial. À l'instar des rapports avec les familles de substitution ou avec les personnes qui partagent un logement, les rapports avec les réseaux d'aide à la prise de décisions ne seraient pas reconnus de façon satisfaisante au moyen du statut du partenariat domestique. De plus, le rapport ne respecterait pas non plus les critères de ce statut (deux adultes vivant ensemble dans une situation d'interdépendance économique).

IV.    Législation liée au travail

Les conditions de travail et le statut d'emploi des personnes soignantes sont touchés par les lois et règlements en vigueur dans trois domaines : les droits liés à la négociation collective; les politiques relatives aux prestations d'emploi et aux congés pour prendre soin d'un membre de la famille et les obligations d'accommodement fondées sur l'invalidité.

A.      Droits liés à la négociation collective

La négociation collective dans le domaine du soutien aux personnes ayant une invalidité est régie principalement par les codes du travail provinciaux, bien que le Code canadien du travail, qui couvre les organismes et industries sous réglementation fédérale, puisse s'appliquer dans certains contextes.

Les dispositions de ces codes reconnaissent aux salariés le droit de créer des syndicats et des unités de négociation collective et énoncent la procédure à suivre pour demander l'accréditation. Dans le cadre du système actuel de prestation de services d'appoint pour les personnes ayant une invalidité et de l'organisation de la négociation collective, la majorité des soignants rémunérés doivent avant tout respecter les dispositions des conventions collectives qui les régissent et sont donc tenus de rendre des comptes d'abord à leurs employeurs plutôt qu'à la personne ayant une invalidité (sauf en ce qui concerne les interdictions visant les agissements qui constituent une forme de négligence criminelle).

Les lois et règlements en matière de travail renferment relativement peu de dispositions au sujet du conflit possible entre les droits des personnes ayant une invalidité et ceux qui découlent du syndicalisme, malgré le déséquilibre de pouvoir évident entre ces deux catégories. Le conflit en question risque de s'intensifier au fur et à mesure que des mesures de soutien financées, dirigées et davantage axées sur l'individu seront créées.

B.      Prestations et congés parentaux et familiaux

La législation fédérale, provinciale et territoriale prévoit des prestations et congés parentaux. Bien que ces avantages ne couvrent pas les membres adultes de la famille, sauf dans un cas, il y aurait peut-être lieu d'en étendre la portée de façon à rendre plus viable la situation du soignant non rémunéré décrite dans le présent document. C'est pourquoi les dispositions en question sont brièvement résumées ci-après.

La Loi sur l'assurance-emploi fédérale prévoit un maximum de 30 semaines de prestations parentales, dont un maximum de 15 semaines de prestations de maternité et 15 semaines de prestations de paternité, ainsi que 10 semaines de prestations de maladie afin de permettre au père ou à la mère de s'occuper du nouveau-né ou de l'enfant adopté ou malade. Le gouvernement fédéral a proposé de prolonger l'octroi de ces prestations à une période maximale de 50 semaines.

Le Code canadien du travail accorde aux parents qui travaillent au sein d'une industrie ou d'un organisme sous réglementation fédérale un droit à 24 semaines de congé sans solde pour s'occuper de l'enfant qui vient de naître ou qu'ils viennent d'adopter. La législation provinciale et territoriale sur les normes d'emploi et de travail permet aux parents de prendre un congé sans solde pour s'occuper de leur enfant pour des raisons similaires. La Colombie-Britannique est la seule juridiction où ce droit couvre également le congé pour obligations familiales, ce qui permet à une personne de prendre un congé sans solde d'au plus cinq jours par année pour s'occuper de tout individu faisant partie de sa famille immédiate.

C.      Obligations d'accommodement fondées sur l'invalidité

En vertu de certains codes sur les droits de la personne, qu'il s'agisse du code fédéral ou des codes provinciaux et territoriaux, les employeurs et ceux qui offrent des services au public sont tenus de faire les accommodements nécessaires pour empêcher la discrimination fondée sur l'invalidité, le sexe, la religion et d'autres motifs interdits. Cette obligation est également reconnue dans la jurisprudence[18]. Selon la Commission ontarienne des droits de la personne, l'obligation d'accommodement en matière d'emploi [TRADUCTION] « peut naître lorsque la situation familiale d'une personne (c.-à-d. le lien parent-enfant) provoque ou occasionne un conflit avec une exigence, une restriction ou une pratique dans le milieu de travail » (l'Institut Roeher, 1998, p. 8). Lorsque les membres d'une famille prennent soin d'un membre ayant une invalidité, il s'agit d'une situation familiale spéciale, parce que les responsabilités et les soins à donner en pareil cas sont nettement différents de ceux qui caractérisent une autre famille. C'est pourquoi ces employés devraient bénéficier de congés supplémentaires et d'autres accommodements dans leur milieu de travail.

D.      Facteurs militant à l'encontre de la promotion de rapports personnels valorisés

1.        Enjeux liés aux droits à la négociation collective

Une revue des recherches concernant les rapports d'aide axés sur le respect et la dignité indique que la structure actuelle des responsabilités liées aux soins rémunérés est problématique à cet égard. En effet elle n'assure pas le respect du statut des personnes en ce qui a trait à la prise de décisions, ce qui constitue une condition essentielle à l'existence de rapports d'aide qui valorisent les adultes ayant une invalidité au sein de la société. Les intérêts de la main-d'oeuvre ont parfois été invoqués au détriment d'objectifs qui sont largement reconnus comme des objectifs sociaux et politiques valables, en l'occurrence, la désinstitutionnalisation des personnes ayant une invalidité. Dans bien des cas, les syndicats ont mené une lutte farouche contre la compression des effectifs et la fermeture des établissements en raison des pertes d'emploi et de la diminution des salaires qui risquaient d'en découler dans le domaine des services communautaires, et ce, malgré les impératifs liés à la désinstitutionnalisation et la preuve qu'un mode de vie axé sur les services communautaires et l'indépendance permettent bien davantage de respecter les droits civils fondamentaux des personnes et d'améliorer leur qualité de vie, indépendamment de leur niveau d'invalidité (l'Institut Roeher, 1999).

Plusieurs commentaires et études d'évaluation font ressortir un certain nombre de préoccupations qu'ont exprimées des individus, notamment des salariés, au sujet du cadre actuel des droits liés à la négociation collective. La main-d'oeuvre semble également de plus en plus préoccupée par le financement croissant dont les bénéficiaires des régimes qui permettent aux individus et aux familles de contrôler davantage la prestation de services de soutien aux personnes ayant une invalidité ainsi que les rapports avec les soignants rémunérés (l'Institut Roeher, 1999, 1997; Newfoundland and Labrador Association for Community Living, 1998; Syndicat national des employées et employés généraux du secteur public, 1998) :

·          Pour les individus et les familles

·                      Des ententes de financement personnalisées accordent aux personnes et aux familles le statut nécessaire pour prendre des décisions et pour obliger les soignants rémunérés à leur rendre des comptes, ce qui est souhaité depuis longtemps dans le domaine des services d'aide offerts aux personnes ayant une invalidité.

·                      Les conventions collectives accordent aux salariés le droit de déterminer les personnes auxquelles ils viendront en aide ainsi que les endroits et les moments où ils le feront et la façon dont ils procéderont sans que les individus et les familles soient présents à la table de négociation. Étant donné que les soignants rémunérés sont appelés à avoir des rapports personnels étroits avec la personne ayant une invalidité, les individus et leurs familles devraient être en mesure de choisir ces soignants et de fixer les conditions liées aux services qu'ils fournissent.

·                      Les individus et leurs familles ne devraient pas être tenus de négocier des conventions collectives de leur propre chef avec des unités de négociation. Les exigences liées à la prestation et à la coordination des services d'appoint sont déjà énormes et il n'y a pas lieu de les alourdir en imposant cette responsabilité et le stress qui l'accompagne. Une forme d'association représentant les intérêts des individus et de leurs familles pendant la démarche et agissant en leurs noms au cours des négociations est nécessaire.

·          Pour la main-d'oeuvre

·                      Le financement individualisé a pour effet de multiplier le nombre d'employeurs, les individus et leurs familles remplaçant le fournisseur de services à ce titre, ce qui rend la négociation collective beaucoup plus complexe, en plus d'affaiblir le pouvoir de négociation de la main-d'oeuvre et de créer un marché du travail comportant des conditions de travail à la fois variées et contradictoires.

·                      Ce modèle de financement introduit la privatisation dans un secteur où les gouvernements n'ont pas démontré un esprit d'initiative et un engagement marqués jusqu'à maintenant, de sorte qu'il est plus difficile de résoudre les problèmes que vivent à la fois la main-d'oeuvre et les personnes ayant une invalidité.

·                      Les salaires sont à la baisse et le marché du travail devient moins humain, parce que les individus et les familles cherchent à étirer le plus possible chacun de leurs dollars : s'ils peuvent engager une personne soignante à un salaire moins élevé, ils seront en mesure d'acheter un plus grand nombre d'heures de services d'appoint.

·                      Il devient de plus en plus difficile de régler les préoccupations de la main-d'oeuvre. La structure régissant le perfectionnement du personnel, les griefs, etc., est pour ainsi dire inexistante.

Ces problèmes ont pour effet de polariser les mouvements de la main-d'oeuvre et des groupes de personnes ayant une invalidité dans certaines régions, notamment à Terre-Neuve, où certains accords de financement ont donné lieu à une série de litiges devant le conseil des relations de travail et les tribunaux. Les questions à trancher étaient les suivantes : Qui est l'employeur (l'individu ou le gouvernement qui finance les services)? La main-d'oeuvre a-t-elle le droit d'organiser des unités de négociation collective lorsque le principal lieu de travail se trouve au domicile d'une personne? Est-il possible d'imposer une convention collective? Dans quelle mesure un individu peut-il changer de fournisseur en ce qui a trait aux services d'appoint qu'il reçoit? Certains organismes qui représentent des personnes ayant une invalidité ont milité en faveur du retrait du droit à la négociation collective dans le cas des soignants rémunérés qui oeuvrent dans le domaine.

En Saskatchewan, le débat semble s'orienter vers une direction davantage axée sur la collaboration, puisque l'association provinciale de fournisseurs de soins à domicile, le gouvernement de la Saskatchewan et le syndicat des fonctionnaires ont négocié une entente cadre devant guider la négociation collective dans ce domaine. L'entente énonce les principes de base qui constitueront le fondement de toutes les conventions collectives et reconnaît le droit des personnes ayant une incapacité de prendre des décisions concernant les personnes qui leur fourniront des soins ainsi que la façon dont ces services seront assurés et les endroits où ils le seront.

2.        Droits restreints liés aux congés et à des accommodements

Les personnes qui fournissent des soins et des services d'appoint aux enfants et aux adultes ayant une invalidité font face à des conditions de travail difficiles. Dans bien des cas, leur employeur n'est pas disposé à offrir la souplesse voulue pour leur permettre d'être présentes en cas d'urgence, de veiller à ce que l'enfant ou l'adulte se rende aux rendez-vous et participe à la réadaptation nécessaire, de fournir les soins directs et d'assurer la coordination des services qui s'imposent. Les droits liés à un horaire de travail souple, à des accommodements et à des congés ne sont pas clairs, lorsqu'ils existent. Par conséquent, afin de s'acquitter de leurs responsabilités auprès de la personne ayant une invalidité, les soignants réduisent leur participation au marché du travail, acceptent des emplois à temps partiel, refusent toute démarche de perfectionnement professionnel ou quittent tout simplement le marché du travail rémunéré (Lero et Irwin, 1997; l'Institut Roeher, 1998).

La Colombie-Britannique est la seule juridiction où les responsabilités liées à la prestation de soins à l'endroit d'autres adultes sont reconnues jusqu'à un certain point dans la loi régissant les normes de travail et même là, l'octroi d'un nombre maximal de cinq jours par année est minime et ne couvre que les membres de la famille immédiate. Les rapports avec la famille de substitution et avec les adultes partageant un logement ne sont pas couverts lorsqu'il ne s'agit pas de membres de la famille immédiate.

De plus, les prestations parentales sont versées, en vertu de la Loi sur l'assurance-emploi, aux parents naturels ou adoptifs qui s'occupent des nouveaux nés ou des enfants nouvellement adoptés. Toutefois, la venue d'un enfant n'est pas le seul événement donnant lieu à des rapports d'aide importants dans la société canadienne, comme l'indique clairement la présente étude. Les règles relatives aux avantages en matière d'emploi ne reconnaissent nullement la naissance de liens de cette nature mettant en cause des adultes (comme les rapports avec une famille de substitution ou les nouveaux rapports créés lorsqu'un frère ou une soeur joue un rôle de soignant en remplacement du père ou de la mère auprès d'un membre de la famille ayant une invalidité). Ces rapports nécessitent des adaptations personnelles et familiales semblables à celles qu'exige la venue d'un nouvel enfant. Pour que ces rapports d'aide et autres rapports familiaux soient viables, il importe de modifier les dispositions relatives aux avantages en matière d'emploi et aux congés dans le cas des soignants.

V.     Sommaire

En raison des critères d'admissibilité restrictifs en ce qui concerne l'accès aux mesures de soutien du revenu et aux services d'appoint (l'inemployabilité étant le critère clé), des avantages limités et de la rareté des stimulants favorisant la transition vers un emploi rémunéré, les personnes ayant une invalidité demeurent l'un des groupes d'adultes les plus pauvres de la société canadienne (l'Institut Roeher, 1994; Conseil des Canadiens avec déficiences, 1998; Rioux et Crawford, 1990). C'est ce qui explique que les frais supplémentaires découlant de cette invalidité doivent être supportés par les membres de la famille avec lesquels ils vivent.

Environ 25 p. 100 à 30 p. 100 des adultes (âgés d'au moins 15 ans) ayant une invalidité qui vivent dans une famille et qui ont besoin d'aide obtiennent des services de soutien rémunérés. Une importante majorité d'adultes doivent donc s'en remettre à la famille, aux amis et à d'autres sources de services de soutien non rémunérés. Conjuguée à l'accès insuffisant à des services de soutien rémunérés et à l'absence de statut reconnu dans le cas des personnes et des réseaux de soutien, la pauvreté des personnes ayant une invalidité crée un fardeau énorme, injustifiable et souvent trop lourd pour la famille et les soignants rémunérés.

L'existence de rapports personnels entre les membres de la famille, les amis, les soignants rémunérés et les personnes ayant une invalidité est essentielle pour assurer le respect et la valorisation de celles-ci par l'ensemble de la population et favoriser le bien-être et la participation de ces personnes au sein de la société. Toutefois, en l'absence de mesures de soutien satisfaisantes, sous forme de revenu pour l'individu et les membres de la famille, de services sociaux pour l'unité familiale, d'horaires de travail souples, d'avantages et de congés pour les soignants qui travaillent, de mesures de soutien supplémentaires pour les soignants rémunérée, d'un salaire et de conditions de travail décents ainsi que d'une reconnaissance du statut pour l'individu et le réseau d'aide qu'il a choisi, les rapports risquent d'être rompus. L'indépendance de l'adulte ayant une invalidité risque d'être minée, la santé des soignants risque de se détériorer et le renouvellement des soignants rémunérés risque d'augmenter, de même que le manque de respect à leur endroit, ce qui se traduit parfois par des rapports marqués par la violence et les mauvais traitements. Les droits fondamentaux des personnes ayant une invalidité sont de ce fait affaiblis tout comme le devoir de l'État d'assurer le respect de ces droits.


PARTIE TROIS - REVUE DE LA JURISPRUDENCE

Les recherches menées au sujet des rapports d'aide indiquent clairement à quel point ces rapports favorisent la reconnaissance d'un large éventail de valeurs dans la vie des personnes. Or, l'examen des politiques et programmes publics fait ressortir bon nombre de facteurs militant à l'encontre de la promotion des rapports personnels caractérisés par ces valeurs. Que nous enseigne la jurisprudence au sujet des intérêts publics et privés liés à la promotion de ces rapports et de la reconnaissance des valeurs qui les sous-tendent? Pour répondre à cette question, une étude de la jurisprudence canadienne (tous les paliers de tribunaux judiciaires et administratifs) visant à savoir comment les cinq types de rapports que peut vivre un adulte ayant une invalidité sont définis, interprétés et ignorés et à comprendre l'intérêt de l'État à leur égard a été menée[19].

Les cinq types de rapports d'aide concernant des adultes ne sont pas examinés en profondeur dans la jurisprudence actuelle : en fait, dans l'ensemble, ils semblent plutôt être ignorés. Les rapports des adultes ayant une invalidité ont été examinés le plus fréquemment dans le contexte d'un autre type de débat juridique. Les questions qui ont le plus souvent donné lieu à des litiges à leur sujet sont probablement les questions relevant du droit de la famille, suivies des questions découlant des avantages offerts par les régimes publics ou privés. Certains litiges portent sur le droit du travail (habituellement les litiges concernant un conflit de travail d'une personne soignante), tandis que d'autres touchent la responsabilité délictuelle et le droit des biens. Les décisions relevées dans ces deux dernières catégories traitent des rapports d'aide concernant des adultes sous deux aspects particuliers : les rapports fiduciaires et les obligations connexes (règles de common law) et les méthodes de reddition de comptes en ce qui concerne les frais de traitement des personnes lésées par suite de négligence.

I.      Décisions et analyse

Des cinq types de rapports examinés, ceux qui mettent en cause les aidants naturels et les familles de substitution toucheront probablement des questions relevant du droit de la famille; les rapports découlant du partage d'un logement par des adultes peuvent également mettre en cause le statut d'un individu en vertu de différents régimes d'avantages publics et privés. Les rapports avec les soignants rémunérés toucheront davantage des questions liées au droit du travail que des questions se rapportant au droit de la famille ou aux régimes d'avantages. Quant aux rapports avec les réseaux d'aide à la prise de décisions, ils peuvent concerner l'existence d'une obligation fiduciaire (dans les litiges portant sur la responsabilité délictuelle ou contractuelle et le droit des biens). Bien entendu, il y a chevauchement de toutes ces catégories de droit jusqu'à un certain point et, dans tout litige, le point central du débat réside dans un ou deux aspects d'un rapport complexe.

Ainsi, le soignant qui cohabite avec une personne ayant une invalidité dans le cadre d'une relation d'interdépendance économique peut être partie à un litige dont une des questions porte sur le droit de la famille (question de savoir s'il s'agit de « conjoints » ) ou sur les avantages (question de savoir s'il s'agit de « conjoints » qui sont de ce fait inadmissibles à des prestations en vertu d'un régime provincial). Subsidiairement, les règles des principaux aspects du droit privé régissent les rapports fiduciaires et la reddition de comptes à l'égard des frais des soignants (la réparation en pareil cas est une action en négligence). De plus, il est possible que ces rapports soient examinés dans le cadre d'un litige de nature constitutionnelle, mais habituellement comme question accessoire à la définition et à la portée de différents concepts, comme l'invalidité. Enfin, les tribunaux ayant compétence en matière fiscale interprètent le traitement fiscal de certains frais et crédits.

Les règles du droit de la famille régissent la façon dont les rapports personnels étroits sont formés et dissous et permettent de déterminer, au moyen de définitions comme celles des mots conjoint, famille et parent, les personnes qui sont visées par la réglementation et qui ont donc accès à certains avantages (ou qui sont exemptées de certains frai), en plus de créer des cadres de travail normatifs. En cas de dissolution de ces rapports, les personnes ayant une invalidité peuvent être touchées par certaines règles spéciales qui concernent le partage des biens et la pension alimentaire à verser au conjoint ainsi que par certains principes relevant de la responsabilité contractuelle et du droit des biens (bien que ces questions puissent également se poser séparément). Il arrive souvent que les tribunaux administratifs soient appelés à examiner la situation économique ou sociale de la personne ayant une invalidité ou du soignant. Ces litiges peuvent être considérés comme des conflits survenant pendant l'existence et dans le contexte du rapport. De la même façon, certaines définitions normatives ont pour effet d'accorder ou de refuser des avantages à certaines personnes, comme c'est le cas des règlements refusant les prestations familiales aux conjoints qui restent à la maison, qui sont suffisamment insensibles à l'indépendance économique dans le contexte de la cohabitation, et des dispositions définissant l'employé dans les relations de travail. Dans ces domaines, les problèmes sont semblables à ceux qui se posent en droit de la famille : la nature restrictive de certaines définitions de la famille ou de la cohabitation, le statut ambigu de l'employé, le manque de sensibilité face à la complexité et à la nature changeante des modes de vie. Les litiges constitutionnels et quasi constitutionnels (droits de la personne) portent principalement sur ces régimes législatifs et plus précisément sur les définitions et sur la portée de termes comme « invalidité » ou « conjoint » .

Les litiges liés à la responsabilité contractuelle ou délictuelle, au droit pénal et au droit des biens portent presque exclusivement sur les conflits de nature relationnelle qui deviennent ensuite explicites ou qui sont classés dans une catégorie de droit selon les faits (ainsi, il peut y avoir similitude entre certains délits intentionnels et certaines infractions pénales et certaines obligations reconnues en responsabilité délictuelle s'apparentent beaucoup à celles de la responsabilité contractuelle). Le litige débute par la question de savoir si une personne a un « droit d'action » , c'est-à-dire si elle peut invoquer un droit ou une obligation reconnu par les règles de droit, et s'il y a eu atteinte à ce droit ou manquement à cette obligation selon les règles de la common law[20]. Dans les décisions examinées aux fins de la présente recherche, ces droits sont le plus souvent considérés comme des droits de nature fiduciaire, qui sont présents dans les trois domaines juridiques et se rapprochent le plus du « rapport de confiance » dans le cadre duquel une personne aide l'autre à satisfaire ses intérêts. Dans un sens, ces droits constituent le fondement des règles de common law ou de « droit naturel » au même titre que les droits d'origine législative représentent la pierre d'assise du droit de la famille et du travail ainsi que du droit administratif. Ils ne semblent pas être aussi exhaustifs ou nuancés que les droits d'origine législative, mais ils sont souples en raison de leur généralité. (Les rapports fiduciaires existent dans de nombreux contextes.) Certaines décisions concernant la responsabilité délictuelle et la négligence présentent des exemples intéressants de « l'établissement des coûts » des soins fournis aux personnes ayant une invalidité.

Des exemples de ces classifications des règles de droit sont présentés ci-après ainsi qu'une analyse de l'interprétation de ces rapports entre adultes à la lumière des règles en question, notamment en ce qui a trait à l'ignorance de la complexité desdits rapports.

II.     Questions liées aux régimes prévoyant des avantages

Ces litiges concernent habituellement des appels interjetés à l'égard d'une décision par laquelle un tribunal a refusé des avantages ou y a mis fin dans un contexte lié au droit administratif, ou encore des contrats privés prévoyant des prestations d'assurance (assurance-emploi ou assurance privée). Les décisions sont fondées sur les principes de droit administratif, sauf lorsque l'assurance est privée, auquel cas les principes de la responsabilité contractuelle s'appliquent généralement et comportent des règles spéciales à l'endroit des assureurs, qui sont souvent régis par une loi. Habituellement, le droit à un avantage est défini par un règlement pris en application d'une loi dans laquelle les définitions et exclusions clés sont énoncées. (Étant donné que le nombre et le type de tribunaux et de régimes prévoyant des avantages varient considérablement dans l'ensemble du pays, il n'est pas utile de résumer les étapes particulières de chacun des litiges.)

Les principes juridiques qui sous-tendent ces régimes sont analysés sous deux grands aspects : d'abord, l'objet et la portée de la loi ou du contrat en question, que les tribunaux interprètent en cas de conflit habituellement de manière à favoriser la réalisation de l'objet visé. Les mots examinés dans ces litiges sont des mots qui désignent les parties à ces rapports, comme « conjoint » , « veuve » , « bénéficiaire » ou d'autres termes qui concernent la situation de famille et qui peuvent indiquer l'existence d'un rapport personnel étroit. La capacité de contracter peut également constituer un facteur dans les situations où une personne occupant une position de fiduciaire donne un conseil à une autre, lesquelles situations sont examinées plus loin.

Le second domaine d'analyse est celui des exigences techniques du contrôle judiciaire ou de l'appel des décisions administratives. Il s'agit de principes généraux du droit administratif qui énoncent le critère ou le seuil à respecter pour justifier l'appel ou le contrôle ainsi que la norme régissant la révision elle-même. Il se peut que la procédure d'appel soit définie dans la loi elle-même. Les décisions doivent habituellement respecter certains principes de « justice naturelle » ou « d'équité » , qui concernent fondamentalement des droits liés à la procédure et qui sont assujettis à l'interprétation des tribunaux. Cet ensemble d'exigences techniques couvrent principalement l'aspect procédural lié à la contestation des décisions administratives.

Les avantages le plus souvent contestés dans ces litiges sont les prestations de retraite et d'aide sociale que réclame une personne liée de près au bénéficiaire principal ou que celui-ci cherche à conserver. Les décisions rendues dans ces litiges reposent principalement sur l'interprétation de termes clés, comme « conjoint » [21], ou d'une condition préalable à l'existence du droit invoqué (le fait d'être célibataire, d'avoir une certaine invalidité) et sur l'examen d'allégations de discrimination fondées sur une disposition législative concernant les droits de la personne. La procédure joue un rôle important dans ces litiges, parce que même le droit du tribunal de réviser une décision , si inéquitable qu'elle soit, n'est pas reconnu d'emblée (voir, par exemple, les litiges concernant la réduction des taux de prestations d'aide sociale).

Il est intéressant d'examiner à des fins de comparaison les litiges portant sur le refus de certains avantages par suite des récents changements apportés aux régimes d'aide sociale en Ontario, au Québec, au Manitoba et en Nouvelle-Écosse. Ces changements traduisent un nouvel objectif général qui consiste à « réduire » les prestations d'aide sociale dans ces provinces, ou indiquent du moins une tendance en ce sens, et plusieurs arguments invoqués dans ces litiges sont semblables à ceux qui pourraient être utilisés pour l'examen des rapports personnels étroits que vivent les personnes ayant une invalidité. Deux décisions semblent pertinentes, soit Brunnette c. Québec (décrite précédemment) et Fernandez v. Manitoba[22].

Les litiges relatifs aux régimes prévoyant des avantages peuvent toucher trois types de rapports : les rapports avec les aidants naturels, les rapports avec une famille de substitution et les rapports avec d'autres adultes partageant un logement. Il appert nettement de ces décisions que :

·                      les définitions traditionnelles de la famille évoluent dans la jurisprudence;

·                      les objectifs liés aux « restrictions financières » révèlent la portée et la répartition des avantages (et expliquent la réticence des tribunaux à intervenir);

·                      lorsqu'une question se pose au sujet du statut d'une partie à ces rapports, cette question est tranchée, encore une fois de façon très générale, au moyen des définitions du texte de loi ainsi que des principes du droit de la famille.

De toute évidence, l'État s'intéresse activement à ces types de rapports et intervient principalement en adoptant des règlements généraux à leur sujet et en réduisant la portée des prestations d'aide sociale. Toutefois, les litiges indiquent que le fait de réserver les prestations aux personnes les « plus démunies » a pour effet de créer deux catégories de personnes ayant une invalidité, soit celles que l'État considère comme les personnes les « plus démunies » selon les critères élaborés dans les lois et celles qui n'appartiennent pas à cette catégorie. Cette sorte de ciblage plutôt arbitraire est survenue en Ontario, où les réformes apportées au règlement sur l'aide sociale ont nui aux personnes ayant une invalidité, même si tel n'était pas l'effet recherché.

C'est également en droit administratif que certains conflits opposant deux secteurs de l'État sont examinés, soit les conflits entre l'appareil judiciaire, qui doit reconnaître la primauté des régimes législatifs ou trouver des façons de les contourner en invoquant des principes de « droit naturel » délicats sur le plan politique, et le secteur exécutif (régime législatif), qui adoptent des lois publiques afin de faire valoir ses priorités. Même si le soutien qu'offre l'État aux personnes ayant une invalidité n'est pas contesté en théorie, les plus récents arguments et tendances ayant une certaine influence favorisent le maintien de la responsabilité du secteur privé à l'égard de ces frais ou l'examen des litiges connexes par des tribunes privées (c'est-à-dire dans le cadre de litiges civils).

III.    Questions liées au droit de la famille

Ce domaine du droit couvre une bonne partie des rapports déjà examinés, parce qu'il régit la création des familles (et, par conséquent, un grand nombre de soignants), la dissolution des familles (et, par conséquent, le traitement des soignants) ainsi que certaines questions connexes importantes, comme la garde des enfants, les soins à leur donner, le partage des biens, le travail domestique non rémunéré et la pension alimentaire à verser au conjoint. Ce domaine du droit est vaste et seules les affaires dans lesquelles un des membres d'une unité familiale ou quasi familiale avait une invalidité qui semblait avoir une importance aux fins des questions à trancher ont été examinées.

Généralement, la formation des familles est régie par la législation (provinciale) sur le mariage et la dissolution, par la Loi sur le divorce[23](fédérale) ainsi que par les lois provinciales sur le droit de la famille. Ces textes de loi codifient et améliorent (de façon générale) les règles de common law précédemment en vigueur. Bien entendu, ils sont généralement fondés sur les concepts occidentaux et traditionnels de la famille, surtout la famille nucléaire d'après-guerre, et n'affichent aucune souplesse à l'endroit des autres formes de rapports personnels étroits. La jurisprudence traduit l'évolution de l'application de ces textes législatifs et rarement les principes de common law, sauf dans les cas des intérêts liés aux fiducies judiciaires lors du partage des biens découlant d'un partenariat « équivalent pour ainsi dire à une société de conjoints » .

Les changements apportés à la définition de la famille, notamment la formation juridique de celle-ci, touchent l'éventail de personnes qui pourront invoquer des droits en vertu de ces régimes législatifs (voir à ce sujet l'ouvrage de Cossman et Ryder cité plus haut). Aujourd'hui, ces définitions sont interprétées principalement en fonction de l'inclusion de nouvelles formes de partenariats dans le mot « conjoint » et sur des conséquences qui en découlent pour les droits et obligations énoncés dans les lois où cette terminologie est utilisée. Ces changements se font particulièrement sentir dans le cas des rapports entre un individu et une personne ayant une invalidité lors de la dissolution du rapport en question. C'est la dissolution des liens familiaux qui donne lieu au plus grand nombre de litiges concernant les cinq rapports examinés dans le présent document. Trois grands aspects des règles de droit sont en cause : le partage des biens, qui peuvent comprendre des prestations d'invalidité; la pension alimentaire à verser au conjoint et la garde des enfants. De ces litiges, certains concernent la répartition des prestations de retraite et un peu plus la pension alimentaire à verser au conjoint. La pension alimentaire, la garde et le partage des biens sont régis par leurs propres textes de loi et principes de common law, qui sont trop détaillés et ne peuvent être résumés dans le présent document.

À titre d'exemple, les litiges concernant la pension alimentaire à verser au conjoint traitent d'un aspect intéressant et pertinent pour les aidants naturels. En effet, selon une règle de droit relativement nouvelle (et changeante), il est nécessaire de tenir compte du « besoin » d'un conjoint pour déterminer le montant de la pension alimentaire à lui verser après la dissolution du mariage ou de l'union. Généralement, la pension alimentaire doit être déterminée en fonction de tous les critères énoncés dans le texte de loi pertinent, soit la capacité de payer, le besoin et les autres facteurs découlant de ces partenariats (commentaires de Madame le juge L'Heureux-Dubé dans l'arrêt Moge c. Moge)[24]. Malgré la grande popularité qu'a connue le facteur de l'autonomie au cours des années 1980, le critère du besoin a refait surface, qu'il s'agisse d'un besoin découlant (de façon générale) de l'union ou du « fait du mariage » ou d'une condition qui existait déjà avant la création du partenariat. Bref, les tribunaux semblent disposés (aujourd'hui) à conclure qu'un ex-conjoint devrait continuer à verser des aliments à l'autre conjoint qui en a besoin après, parfois longtemps après, la dissolution de l'union, surtout lorsque ce « besoin » engendre des frais liés aux soins à donner à une personne dont l'invalidité est née pendant ou même avant la création d'un rapport personnel étroit. Par conséquent, toutes choses étant égales par ailleurs, l'invalidité (qui donne lieu aux besoins d'aide) constitue le facteur déterminant du maintien d'une forme d'allégeance économique en droit longtemps après la dissolution de tous les autres liens et est une conséquence de ce que Madame le juge McLachlin appelle « le fait du mariage » .

Il serait donc permis de conclure qu'à la dissolution d'un rapport avec le soignant, notamment un rapport caractérisé par des coûts de renonciation et du travail non rémunéré, les tribunaux semblent disposés à faire en sorte que les frais demeurent « privés » (entre les personnes concernées) et à éliminer le recours au secteur public (utilisation d'autres ressources) dans la mesure du possible, apparemment en raison du climat général de restrictions touchant les finances publiques. Effectivement, cet aspect semble avoir été un facteur important dans l'arrêt M. c. H.[25], qui a eu pour effet d'élargir la portée du mot « conjoint » , et dans d'autres litiges concernant la pension alimentaire à verser au conjoint.

À l'instar des « litiges relatifs aux régimes prévoyant des avantages » , les litiges relevant du droit de la famille concernent surtout les aidants naturels, les familles de substitution et, souvent à titre d'exclusion, les personnes qui partagent un logement avec d'autres adultes. Il y a lieu de conclure que, plus les rapports sont éloignés des définitions traditionnelles de la famille (lesquelles évoluent), moins ils sont susceptibles d'être visés par les droits énoncés dans les différentes lois. Cependant, les tribunaux semblent s'orienter vers la reconnaissance de formes d'associations plus larges, qu'elles soient familiales ou non, caractérisées par un soutien mutuel, pourvu qu'elles ne soient pas trop contraignantes pour les finances publiques.

IV.    Questions liées à la responsabilité délictuelle et contractuelle, au droit des biens et au droit pénal

Les litiges concernant la responsabilité délictuelle touchent les personnes ayant une invalidité à au moins deux égards. Ces personnes sont d'abord touchées par suite d'un manquement à une obligation fiduciaire dont elles sont bénéficiaires en raison du rapport de confiance qui les unit à d'autres personnes. Ce type d'obligation caractérise les rapports entre les médecins et les patients, entre les enseignants et les étudiants et entre les soignants et les bénéficiaires, dont il est question dans le présent document.

Les personnes ayant une invalidité sont également concernées dans les actions en négligence visant à obtenir des dommages-intérêts. Les questions examinées dans ces actions portent moins sur la définition des rapports que sur le calcul des frais qu'ils engendrent, notamment au titre des soins ultérieurs. Il serait intéressant, par exemple, de comparer les décisions que les tribunaux ont rendues dans les litiges relevant du droit privé avec les calculs de « prestations » et les autres mécanismes d'établissement des coûts des régimes publics actuellement en vigueur. Il convient à cet égard de consulter l'affaire Crane v. Worwood[26], où la Cour passe également en revue la jurisprudence antérieure concernant les dommages-intérêts accordés par suite d'une négligence causant une invalidité.

Quant aux règles relatives à la responsabilité contractuelle, elles sont concernées de façon indirecte, comme dans le cas des accords domestiques entre des familles ou, de façon plus générale, des contrats d'emploi (commentés plus loin à la section concernant le droit du travail) ou des contrats privés d'assurance. Ces règles ne constituent pas un aspect dominant des rapports visés par la présente étude dans les décisions examinées, mais pourraient jouer un rôle plus important pour deux raisons. D'abord, la capacité de contracter pourrait constituer une question en litige et mettre en cause des aspects fiduciaires, comme en témoignent certaines décisions portant sur des cas de fraude et de manquement à l'obligation fiduciaire, notamment en ce qui concerne les personnes âgées.

En second lieu, au moins trois et peut-être quatre des rapports examinés dans le présent document (rapports avec des soignants rémunérés, des réseaux d'aide à la prise de décisions, des familles de substitution et d'autres adultes partageant un logement) comportent vraisemblablement des liens contractuels découlant souvent, mais pas toujours, d'accords informels, ce qui nécessitera peut-être une intervention, notamment sous forme de réglementation (que cet accord soit considéré comme un contrat d'emploi ou un autre type de contrat).

Le droit des biens est généralement en cause dans les litiges concernant les testaments et les successions et, à l'instar des affaires relatives à la responsabilité contractuelle, les questions examinées portent principalement sur la capacité de conclure des ententes juridiques formelles ainsi que sur la nature fiduciaire des conseils donnés à ce sujet. Bien entendu, les avocats sont souvent au coeur de ces litiges, qui peuvent également concerner un délit (manquement à l'obligation fiduciaire ou au devoir de prudence). En fait, les questions liées au droit des biens concernent la capacité de conclure et d'exécuter des ententes, tandis que les questions relatives à la responsabilité contractuelle portent sur les conseils donnés par une deuxième ou une troisième partie.

La revue de la jurisprudence a fait ressortir deux ou trois affaires pénales intéressantes qui s'apparentent aux litiges relevant de la responsabilité délictuelle, soit deux affaires de fraude touchant, dans un cas, des personnes âgées vulnérables (R. v. Lush)[27], l'autre fraude étant apparemment imputable à l'impécuniosité de l'accusé (R. v. McIssac)[28] ainsi qu'un cas d'agression qui aurait été commise par un soignant (R. v. J.H.)[29], où le critère de base du consentement est examiné dans le milieu difficile de la fourniture de soins et où des mesures disciplinaires peuvent être justifiables.

V.     Règles de common law régissant les rapports de confiance ou les rapports de type fiduciaire

Une obligation fiduciaire peut naître d'un rapport généralement caractérisé par le pouvoir ou l'influence qu'une partie est en mesure d'exercer sur l'autre. Cette obligation peut naître de deux façons. D'abord, il peut s'agir d'un devoir explicite découlant des conseils donnés ou encore de l'influence ou du pouvoir discrétionnaire exercé (notamment dans le cas du rapport entre l'avocat ou le conseiller et son client ou entre le médecin et le patient[30]). En second lieu, le devoir peut découler d'une interprétation du rapport au cours d'une instance ultérieure dans les cas où, en l'absence d'autres éléments de preuve explicites, il est raisonnable de s'attendre à ce qu'une partie agisse au mieux des intérêts d'une autre[31]. Un des critères classiques appliqués à l'égard des rapports de type fiduciaire est celui que Madame le juge Wilson a énoncé dans l'affaire Frame c. Smith[32], qui comporte trois volets : le pouvoir discrétionnaire d'une partie, la capacité d'exercer ce pouvoir de façon unilatérale et la vulnérabilité du bénéficiaire.

Les liens caractérisés par un déséquilibre des pouvoirs peuvent être examinés dans plusieurs contextes (responsabilité délictuelle ou contractuelle, droit des biens, droit pénal et même droit constitutionnel, comme dans le cas des rapports entre l'État et les peuples autochtones). La question de savoir si une obligation fiduciaire constitue une cause d'action différente de la négligence ou du contrat n'est pas encore réglée. Dans le jugement minoritaire qu'elle a rendu dans l'affaire Norberg, Madame le juge McLachlin a statué qu'il existe une distinction conceptuelle et que les règles régissant la responsabilité contractuelle et délictuelle ne permettent pas de décrire de façon satisfaisante les déséquilibres de pouvoir dans un rapport de type fiduciaire. De plus, Madame le juge McLachlin met l'accent sur l'exercice du pouvoir dans l'intérêt d'une autre personne. À son avis, ces rapports sont fondés principalement sur un déséquilibre des pouvoirs. Par conséquent, les principes de la responsabilité délictuelle et contractuelle, qui supposent que les parties ont des pouvoirs égaux ou réciproques, sont perçus comme des fondements inférieurs de l'obligation fiduciaire pure, dont les règles semblent relativement peu développées.

Le contenu du devoir doit généralement être déterminé en fonction du contexte et des faits de la situation[33]. Le devoir comprend habituellement l'obligation d'éviter les conflits d'intérêts et l'obligation d'éviter de tirer des profits au détriment du bénéficiaire, auxquelles peut se greffer celle de promouvoir les intérêts de cette personne. De plus, les dommages-intérêts accordés en cas de manquement à l'obligation fiduciaire dans un contexte familial peuvent être différents des montants accordés dans les litiges relevant de la responsabilité délictuelle.

Quels sont les enseignements pouvant être tirés de cette jurisprudence en ce qui concerne les cinq rapports qui nous intéressent? En général, ces décisions ne nous offrent pas de descriptions valables de ces rapports sur le plan juridique, mais elles proposent des filtres ou encore des catégories dans lesquelles les cinq rapports pourraient être « classés » si certains aspects étaient ignorés.

           

Ainsi, les règles de common law énoncent les principes à appliquer pour savoir si un contrat peut être conclu dans un cas donné (la capacité et les conseils donnés par des tiers au sujet de la passation du contrat pouvant constituer le fondement d'un rapport de type fiduciaire). De plus, certains rapports peuvent être considérés comme des liens contractuels (employeur-employé) ou comme des liens faisant naître des devoirs de prudence (devoir fiduciaire ou devoir de diligence du soignant), auquel cas les principes correspondants du droit privé s'appliqueront au litige. En troisième lieu, les dommages-intérêts accordés dans les litiges relevant de la responsabilité délictuelle nous donnent au moins une indication de la façon dont les tribunaux attribuent les frais aux soignants.

Comment l'État pourrait-il s'intéresser à ces descriptions particulières des rapports sous étude? Deux possibilités existent. D'abord, l'État (tant le secteur exécutif que l'appareil judiciaire) semble vouloir réduire les frais publics et serait, par le fait même, disposé à promouvoir les ententes privées, qui seront donc classées plus souvent qu'autrement dans ces catégories du droit. Or, ces règles tiennent peu compte de la portée et de la nature des cinq rapports que nous examinons. En second lieu, la réglementation abonde ou, du moins, a abondé, tant en droit de la famille qu'en droit du travail, parce que les règles de common law n'ont pas permis de régler de façon satisfaisante les problèmes relevés ci-dessus. Cette réglementation introduit donc une tension : comment réglementer sans engager de frais comme organisme de l'État? Dans ce contexte, deux secteurs de l'État peuvent être appelés à se mesurer l'un contre l'autre : le secteur exécutif (et l'assemblée législative) cherche à diminuer la réglementation, de sorte que les tribunaux devront intervenir davantage à titre d'arbitres dans les litiges privés.

VI.    Questions relevant du droit du travail

Seules quelques affaires portant sur les soignants rémunérés ou sur les ententes de partage de logement par des adultes ont été examinées sous l'angle du droit du travail. Dans ces litiges, le conflit opposait généralement les soignants rémunérés et l'organisme qui les avait engagés plutôt que la personne pour laquelle ils travaillaient. En conséquence, le rapport lui-même n'a pas été examiné en profondeur ou classifiée et seules les questions liées à l'interprétation d'un contrat ou d'une loi ont été tranchées par une cour de justice ou par un tribunal du travail (y compris les tribunaux des droits de la personne, lorsque des questions concernant les droits de la personne étaient en cause).

Dans la mesure où il concerne les contrats proprement dits ou les contrats qui sont complétés ou remplacés par des lois (p. ex., des normes d'emploi ou, lorsque des syndicats sont en cause, des dispositions législatives régissant la négociation collective, ce domaine du droit est pertinent quant à certains des rapports examinés. C'est particulièrement le cas lorsque des personnes ayant une incapacité utilisent une forme de contrat privé (avec l'aide financière de l'État ou de certaines sources privées (comme des assureurs) pour obtenir les services de soignants rémunérés), lesquelles ententes sont de plus en plus fréquentes.

En pareil cas, les questions relevant du droit du travail comprendront celle de savoir si ces personnes peuvent revendiquer certains droits à titre de personnes directement ou indirectement employées par l'État par suite du financement et, de façon générale, porteront sur l'accès aux droits et au système de justice pour les « employés » .

En ce qui concerne l'intérêt de l'État à l'égard de ces types de rapports, les commentaires formulés plus haut au sujet du droit de la famille et des règles de la responsabilité contractuelle s'appliquent également ici : l'État semble favoriser la non-intervention, ce qui empêche une reconnaissance ou un énoncé de ces rapports et a pour effet de déplacer les conflits vers les tribunes du droit privé et l'appareil judiciaire.

VII. Droit privé par opposition au droit public

Il est bien évident qu'une majorité de ces rapports sont régis par le droit public, puisqu'ils relèvent généralement du droit de la famille, du droit du travail, du droit administratif (dans le cas des régimes prévoyant des avantages) ainsi que du droit constitutionnel et du droit fiscal. Tous ces rapports sont assujettis aux règles applicables à l'obligation fiduciaire, laquelle existe de façon générale lorsqu'une personne exerce un certain pouvoir sur une autre, habituellement dans le cadre d'un rapport de confiance. De plus, les règles de la responsabilité délictuelle s'appliquent à bon nombre d'événements donnant lieu à une invalidité ainsi qu'à la comptabilisation des frais liés aux soins ultérieurs des personnes qui en sont victimes. Dans le contexte de la présente enquête, les litiges relevant de la responsabilité contractuelle et du droit des biens portent généralement sur la distribution de certains biens (prestations de retraite et d'invalidité, successions ou testaments, etc.).

Qu'il s'agisse d'un litige relevant du droit privé ou du droit public, les règles de la preuve, qui sont composées des règles de common law et des textes de loi concernant la compétence et la contraignabilité des personnes ayant une invalidité, s'appliquent. Bien qu'elles ne constituent pas une composante importante des règles applicables à ces rapports, elles touchent l'interaction des personnes ayant une invalidité avec l'appareil judiciaire et, dans certains cas, la création et la dissolution des rapports personnels entre adultes. De plus, en cas de différend entre une personne ayant une invalidité et un autre individu, les règles de la preuve peuvent limiter le rôle possible de la personne en question à titre de témoin pour sa propre cause. Il s'agit moins d'une condition inhérente à l'existence du rapport que d'un problème découlant de la dissolution de celui-ci. Fondamentalement, il se peut que des personnes soient jugées inhabiles à témoigner pour cause d'incapacité mentale, ce qui soulève des problèmes systémiques touchant l'accès à l'appareil judiciaire autant pour les personnes ayant une incapacité mentale relativement permanente que pour les individus qui souffrent d'une maladie mentale temporaire.

La question de la capacité touche tous les adultes qui sont en cause dans l'un ou l'autre des rapports personnels étroits étudiés aux présentes : en effet, si les individus sont jugés légalement incapables dans un domaine, il sera plus facile de mettre en doute ou de contester leur capacité de gérer des rapports dans d'autres domaines, ce qui crée un risque pour certaines relations. Ainsi, une personne bénéficiant de sources de financement personnelles peut recourir aux services de soignants rémunérés et créer de ce fait une forme d'égalité au sein de ce rapport uniquement dans la mesure où elle est reconnue comme une personne ayant la capacité juridique voulue pour conclure un contrat d'emploi. Dans le cas des personnes désirant utiliser un réseau d'aide à la prise de décisions pour les aider à planifier certaines étapes de leur vie et à prendre certaines décisions, ce rapport sera viable pourvu que le réseau ne joue pas le rôle décisionnel en vertu d'une ordonnance de tutelle. Le rapport est plutôt fondé sur la présomption selon laquelle l'individu est capable et sur la reconnaissance du fait que les membres du réseau d'aide n'ont pas le contrôle juridique du processus décisionnel ni ne sont responsables en droit des décisions qui sont prises.

Dans tous ces domaines du droit privé, il est probablement juste de dire que les règles de common law s'appliquent au moyen de la classification des types de rapports donnant ouverture à des poursuites dans des catégories parfois familièrement appelées « compartiments » , qui visent à décrire la forme habituelle des droits en question (et, par conséquent, des rapports en cause). Il s'agit de catégories normatives qui sont souvent jugées archaïques et rigides (parce qu'elles ne permettent pas de traiter équitablement les rapports sociaux complexes). Effectivement, ces critiques ont mené à l'origine à l'adoption de régimes législatifs concernant les rapports examinés, comme les lois provinciales sur le droit de la famille ainsi que la Loi sur le divorce fédérale[34] et la Loi sur la preuve fédérales.

VIII. Sommaire

En résumé, au moins quatre des rapports examinés dans le présent document ne sont pas « reconnus » dans la jurisprudence, sauf dans la mesure où ils sont visés par un litige relevant du droit de la famille ou du travail, de la responsabilité délictuelle, etc., auquel cas les questions qu'ils soulèvent sont classées dans ces types de litiges, ce qui donne nécessairement lieu à des énoncés du fondement essentiel et à une « compartimentation » des rapports eux-mêmes.

À l'exception des rapports avec les aidants naturels, ces rapports sont nouveaux, peu nombreux et peu reconnus en droit, si bien qu'il y a peu de chances qu'ils occupent une place importante dans les litiges pour l'instant. Il convient également de rappeler que la jurisprudence ne traite que des aspects des rapports qui concernent un conflit tellement difficile à régler, que l'État doit intervenir pour trouver une solution (le cas échéant). Cela signifie que la jurisprudence peut « nous informer » principalement au sujet des conflits qui naissent dans le cadre de ces rapports et non au sujet des formes plus subtiles, voire plus envahissantes de contrôle ou d'emprise qui peuvent également les toucher. De plus, les litiges sont très coûteux en temps et en argent, de sorte que la jurisprudence traduira généralement une certaine distorsion du revenu, notamment dans les domaines du « droit de la pauvreté » (litiges concernant le droit du travail, les prestations d'aide sociale et les prestations familiales, certains litiges relevant du droit pénal, etc.).

En ce qui concerne l'intérêt de l'État à l'égard de ces rapports, deux conclusions générales peuvent être formulées. Le climat actuel axé sur la « faiblesse de l'intervention du gouvernement » aura pour effet de privatiser les frais et probablement de réduire l'accès aux solutions juridiques dans le cas des individus concernés. Toutefois, il est probable que les tribunaux auront un plus grand rôle à jouer en ce qui a trait à la classification de ces rapports, surtout dans les litiges relevant du droit privé. Les tribunaux réagissent à ces arguments en reconnaissant que la réglementation peut s'avérer nécessaire, mais qu'elle est souhaitable surtout lorsqu'elle ne se traduit pas par une dépendance à l'endroit de l'État.


Lorsque des réductions sont imposées, elles ont souvent pour effet de « cibler » les plus démunis, ce qui peut donner lieu à une classification arbitraire des rapports ou même à une « compartimentation » qui se traduira par un traitement entièrement différent au sein du système de droit[35].



PARTIE QUATRE - LIENS ENTRE LES RAPPORTS PERSONNELS ET LES INTéRÊTS DE L'éTAT

L'analyse qui précède des mesures fondées sur les politiques et programmes publics ainsi que de la jurisprudence indique que l'État a minimisé son intérêt à l'endroit des rapports décrits ci-dessus, même s'il les a reconnus. Y a-t-il lieu de maintenir cette absence de reconnaissance et de valorisation publiques dans le cas de ces rapports? L'intérêt apparemment minime de l'État est-il compatible avec son engagement à l'endroit d'autres principes et objectifs? Les consultations et les recherches menées sur la situation des personnes ayant une invalidité au Canada ainsi que les rapports gouvernementaux présentés au cours des deux dernières décennies à ce sujet indiquent qu'il en est autrement. Effectivement, l'accord À l'unisson de 1998, qui est intervenu entre le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux et territoriaux (à l'exclusion du Québec), présente un « plan directeur » de l'élaboration des politiques publiques dans le secteur de l'invalidité qui a pour effet d'engager les gouvernements à promouvoir une vision globale de la citoyenneté ainsi qu'à favoriser l'autodétermination et l'égalité des personnes ayant une invalidité[36].

Ensemble, ces trois principes peuvent permettre de lier les conclusions relatives aux caractéristiques valorisées des rapports personnels que vivent les adultes ayant une invalidité et de comprendre l'intérêt de l'État à l'égard des rapports en question. Effectivement, la recherche indique comment les cinq rapports personnels exposés plus haut servent de « variable intermédiaire » entre les mesures et la réglementation publiques, d'une part, et les principes éthiques et juridiques généraux que l'État s'est engagé à respecter, d'autre part.

La présente section traite des principes de l'autodétermination, de la citoyenneté et de l'égalité, de leur fondement juridique et de la façon dont le respect de ces principes est enraciné dans les caractéristiques valorisées des rapports examinés et se termine par des lignes directrices permettant d'énoncer sous forme conceptuelle le lien entre les mesures publiques, les rapports personnels et ces trois principes.

I.      Autodétermination

Le principe de l'autodétermination revêt une importance particulière pour les personnes ayant une invalidité, parce que bon nombre d'entre elles ont vécu enfermées dans des établissements et ont dû abandonner leurs droits liés à la prise de décisions afin d'obtenir de l'aide de fournisseurs de services. Dans le contexte des différents efforts déployés pour modifier les systèmes de financement afin de promouvoir l'autodétermination, trois compréhensions restreintes du principe ont dominé. Certaines récentes recherches concernant l'invalidité et l'autodétermination indiquent que le fondement de cette autodétermination réside dans les rapports personnels (Bach, 2000; l'Institut Roeher, 1999; Association pour l'intégration communautaire de l'Ontario, 1992; Association canadienne pour l'intégration communautaire, 1992). Voici trois des notions plus restreintes de l'autodétermination qui ont guidé l'élaboration des politiques publiques dans le domaine de l'invalidité :

1)          La conception fondée sur les « choix » , selon laquelle l'autodétermination équivaut simplement à la possibilité d'avoir des « choix » . Les services d'aide et de soins offerts aux personnes ayant une invalidité visent de plus en plus à promouvoir le choix pour les personnes; toutefois, l'ampleur et la nature de ces choix demeurent restreintes. Il n'est pas très difficile de démontrer que tout projet communautaire visant à offrir des services de soutien respecte le critère du choix pour les individus, du moins sur papier. Toutefois, le statut et le pouvoir de ces personnes ne changent pas nécessairement pour autant.

2)          La conception axée sur le « consommateur » , selon laquelle l'autodétermination signifie, pour une personne ayant une invalidité, le fait de contrôler le financement des services de soutien dont elle a besoin. Dans le cadre de cette conception, lorsque des consommateurs reçoivent des fonds pour acheter des services, ils sont par définition autonomes. Toutefois, certaines recherches d'évaluation donnent à penser que les personnes obtiennent peut-être l'argent, mais pas nécessairement l'autodétermination, dans la mesure où ce mot signifie avoir une certaine vision de sa vie et pouvoir l'orienter en ce sens.

3)          La conception fondée sur les « compétences » , selon laquelle l'autodétermination est perçue comme un ensemble de compétences permettant de prendre des décisions. Dans le contexte de cette vision classique de l'autodétermination, les personnes sont autonomes lorsqu'elles peuvent respecter les critères de l'intelligence et de la rationalité jugées nécessaires pour prendre des décisions indépendantes et diriger les services de soutien. Suivant cette définition, qui est utilisée dans le cadre de certaines initiatives visant à attribuer des fonds directement aux personnes ayant une invalidité afin de leur permettre d'acheter leurs propres services, les personnes qui ne respectent pas les critères de « l'autogestion » ainsi définie ne peuvent obtenir du financement individuel.

Une conception plus large de l'autodétermination permet de tenir compte de l'individu et de ceux qui respectent son statut lié à la prise de décisions indépendamment des compétences. Cette perception intègre la reconnaissance des autres au sujet d'une personne ayant une invalidité, soit une reconnaissance du fait que l'individu possède des droits liés à l'identité individuelle et des droits juridiques, qu'il est une personne à part entière avec un passé et un avenir bien à lui, qu'il possède une biographie particulière et qu'il nourrit des espoirs justifiant l'élaboration d'une vision personnelle et d'un plan de vie, bref qu'il est une personne capable.

Ainsi perçue, l'autodétermination ne se limite pas simplement à la possibilité de faire des choix. Cette possibilité ne constitue pas une fin en soi et, dans certains cas, certains préféreraient ne pas avoir de choix à faire, notamment lorsqu'il s'agit de choix déchirants, surtout dans les cas où le but finalement recherché n'est pas clair. Un des éléments centraux du principe de l'autodétermination réside dans la possibilité pour les personnes de concevoir ce qui est bien pour elles en s'inspirant des valeurs de leur propre culture et de leur propre époque, mais en élaborant pour elles-mêmes un plan de vie ou une orientation unique (Rawls, 1970; Kymlicka, 1991; Young, 1990; Taylor, 1989). L'autodétermination concerne le tracé de cette orientation personnelle et l'exercice subséquent de choix permettant de la suivre. Ce cheminement vers l'autodétermination n'est pas fait de façon isolée : les personnes n'élaborent pas un plan de vie pour elles-mêmes ni ne cherchent à le réaliser sans tenir compte de la reconnaissance qu'elles peuvent obtenir de leur culture, de leurs collectivités, de leurs familles et de leurs amis et des ressources et valeurs que l'un et l'autre peuvent leur transmettre. La reconnaissance des autres, qui permet à une personne de se sentir valorisée et aimée et de croire qu'elle a un but et qu'elle est importante, génère une prise de conscience de soi et favorise l'expression des intentions et désirs. Cette idée selon laquelle l'autodétermination peut grandir ou diminuer selon les types de reconnaissance qu'une personne obtient des autres est reconnue sans conteste en psychologie, en éthique et en philosophie morale. Cette conception repose sur les hypothèses fondamentales suivantes :

·                      les individus étant des êtres interdépendants, c'est par la reconnaissance des autres qu'une personne prend conscience d'elle-même;

·                      la possibilité de faire des choix favorise l'autodétermination, mais uniquement dans la mesure où les personnes sont appuyées de façon à exercer des choix qui leur permettent d'orienter leurs vies vers un but valorisé;

·                      l'autodétermination passe nécessairement par la possibilité (contrôle, ressources, services d'aide) de prendre des décisions compatibles avec le but visé.

Cette conception suppose que la promotion de l'autodétermination, tant aux plans philosophique que pratique, ne devra plus reposer sur la définition traditionnelle d'une personne autonome et sur les critères de rationalité et de capacité qu'une personne doit respecter pour obtenir le droit à l'autodétermination. La conception de l'autodétermination axée sur le « statut et la reconnaissance » exige que nous nous demandions ce que signifie le respect de l'autodétermination des personnes. En d'autres termes, plutôt que de nous demander simplement si un patient est capable de consentir à un traitement médical ou si un client d'une banque est capable de passer un contrat, nous devons chercher à savoir dans quelle mesure et de quelle façon un médecin ou un banquier respecte et favorise pleinement l'autodétermination de l'autre personne. Dans cette perspective, la préoccupation n'est pas la question de savoir si la personne dont vous comptez retenir les services réussit le test de capacité. Elle consiste plutôt à chercher à connaître la personne ainsi que son histoire et ses espoirs et à trouver une façon de communiquer avec elle ou à recourir à des interprètes pour la comprendre au besoin. Elle consiste à respecter le droit d'une personne à des « communications efficaces » , qui est reconnu aux États-Unis dans la loi intitulée Americans With Disabilities Act et dans la jurisprudence canadienne (p. ex., arrêt Eldridge). Elle consiste à trouver des individus qui connaissent la personne afin de pouvoir transmettre la vision que celle-ci a de sa vie ainsi qu'à favoriser la construction de rapports personnels fondés sur le respect dans les cas où la personne n'a aucun parent ou ami qui la connaît, afin de lui permettre d'être considérée comme une personne. Dans ce contexte, il est nécessaire de reconnaître un pouvoir, un contrôle et un statut réels à la personne afin qu'elle puisse prendre des décisions qui lui permettront de trouver et de suivre sa propre voie dans la vie.

II.     Citoyenneté

Il est de plus en plus reconnu dans la société canadienne que la citoyenneté nécessite davantage que l'exercice et la protection des droits. La participation et l'inclusion au sein de la société sont davantage perçues aujourd'hui comme des caractéristiques additionnelles et primordiales de la citoyenneté. La citoyenneté au sens du statut juridique et la citoyenneté au sens de la participation et de l'inclusion sont des concepts distincts, même s'ils sont reliés entre eux[37]. Cette conception plus large donne lieu à de nouveaux défis liés à la promotion de la citoyenneté et est fondée sur la nécessité de favoriser des rapports personnels qui mettent l'accent sur la participation et l'inclusion. Les questions concernant la façon dont les individus doivent promouvoir et respecter la différence des autres deviennent dès lors très pertinentes. Ce changement s'explique par le fait que la participation et l'inclusion au sein de l'administration publique, du marché du travail ou de l'école, par exemple, ne sont significatives que dans la mesure où la différence d'une personne ou d'un groupe de personnes est reconnue et respectée par les autres.

Un lien conceptuel entre la citoyenneté et la diversité est tissé à un moment où la « différence » joue un rôle croissant dans la définition du paysage social et politique de la société canadienne. En plus des distinctions raciales, ethniques et linguistiques qui existent depuis toujours, des identités sociales différentes apparaissent et sont revendiquées en fonction de facteurs comme le sexe, la race, l'ethnicité, la langue, l'invalidité, la classe économique, l'âge, l'orientation sexuelle et la collectivité géographique. En raison de cette tendance, les moyens de communication entre les groupes et individus, d'une part, et les institutions de la société canadienne évoluent. L'attachement aux partis politiques est plus faible et les personnes s'identifient davantage à une kyrielle d'organisations de la société civile et de mouvements sociaux.

Récemment, les gouvernements se sont tournés vers cette conception plus large de la citoyenneté afin d'orienter l'examen et l'élaboration de leurs politiques. Dans « l'Entente cadre sur l'Union sociale » de 1999, qui a été conclue entre les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux (à l'exclusion du Québec), le « respect de la diversité » constitue une « valeur fondamentale » de l'union et l'engagement à favoriser « la peine et active participation de tous les Canadiens à la vie sociale et économique du pays » représente un principe directeur[38]. L'accord fédéral-provincial/territorial À l'unisson a été négocié à la lumière de l'Entente cadre sur l'Union sociale.

Cette conception de la citoyenneté, qui est axée sur la participation à part entière, peut être distinguée à des égards importants de la conception d'après-guerre plus classique que Marshall a articulée qui repose sur un statut juridique constitué de différents droits civils, politiques et sociaux (en l'occurrence, des droits aux soins de santé, à l'éducation, etc.)[39]. Selon la théorie qu'il a exposée, la protection et l'exercice des droits relatifs à la citoyenneté constituaient des moyens d'atténuer les inégalités de classe et les autres facteurs de clivage, comme l'invalidité, afin que la société s'oriente davantage vers l'égalité. Cette théorie de la citoyenneté a guidé une bonne partie de l'évolution des institutions canadiennes au cours des 40 dernières années. Une structure impressionnante de droits constitutionnels et de droits d'origine législative a été mise en place aux paliers fédéral, provincial et territorial. Toutefois, bien que cette structure constitue un fondement de la citoyenneté, les personnes ayant une invalidité continuent à éprouver des problèmes d'exclusion et de marginalisation, que ce soit dans le marché du travail, dans le milieu de l'éducation régulière, dans la vie sociale et culturelle des collectivités, dans le cadre du processus d'élaboration et de mise en valeur des politiques ou au sein d'une culture qui valorise et traduit les différences particulières et la diversité au sein de la société canadienne. La théorie de Marshall, selon laquelle une structure juridique plus articulée en ce qui concerne les droits relatifs à la citoyenneté permettrait de régler les problèmes de marginalisation et d'exclusion ne s'est révélée exacte qu'en partie : si nécessaire que soit cette structure, nous savons maintenant qu'elle ne suffit pas dans le cas des personnes ayant une invalidité. Leur inclusion et leur participation à part entière reposent sur des adaptations allant parfois jusqu'à la reconstruction des institutions et organisations de la société dont l'intervention nécessite davantage que la simple revendication d'un arsenal impressionnant de droits relatifs à la citoyenneté.

En ce sens, la citoyenneté se définit non seulement par l'ampleur des revendications d'une personne et par la mesure dans laquelle elle exerce ses droits; elle se mesure également par la capacité de reconnaître, de respecter et d'accommoder la différence et la diversité des autres. Elle est axée non seulement sur la revendication des droits, mais sur la pratique des « vertus de la citoyenneté » , qui consiste à mettre l'accent sur la valorisation, le soutien et le respect dans les rapports avec les autres. Il y a donc convergence entre les questions concernant la manière d'exercer les droits relatifs à la citoyenneté et celles qui ont trait aux façons de promouvoir une « culture de la citoyenneté » caractérisée par l'interdépendance entre la participation et l'inclusion d'une personne et à la promotion de la participation des autres. Dans ce contexte, ce n'est pas tant la diversité que la citoyenneté et, de façon plus large, le bien-être social, qui deviennent l'objectif à atteindre (l'Institut Roeher, 1993). En maintenant un lien essentiel entre la diversité et la citoyenneté, il est possible d'examiner les préoccupations liées à la mesure dans laquelle une société peut imposer des restrictions aux groupes qui revendiquent leur identité unique seulement en dévalorisant d'autres groupes (les exemples habituellement cités à l'encontre de la thèse de la diversité sont les groupes « néo-Nazi » et les mouvements de violence d'origine ethnique). Dans un modèle de la citoyenneté qui est plus large que celui du statut juridique, ce n'est pas seulement le respect des différents droits et intérêts qui est réclamé. À ces droits et intérêts se greffe l'obligation de respecter la diversité des autres, afin de leur permettre à leur tour de participer à part entière à ce que le philosophe canadien Charles Taylor appelle une [TRADUCTION] « politique de reconnaissance mutuelle » [40]. Cette perception de la citoyenneté est également compatible avec l'argument de Minow's (1990) selon lequel, sans renoncer aux droits de la personne, notamment aux droits relatifs à la citoyenneté et à l'égalité, en raison de leurs restrictions, nous devrions [TRADUCTION] « reconcevoir les droits de façon à en favoriser la reconnaissance par des membres de la collectivité » (p. 301).

La promotion des rapports personnels qui favorise une citoyenneté à part entière (c'est-à-dire l'inclusion, la participation et le respect de la diversité) constitue également une façon de promouvoir la « cohésion sociale » . Nombreux sont ceux qui s'inquiètent de la fragilité et de l'affaiblissement de la cohésion sociale dans la société canadienne, en raison de la pauvreté endémique de certains groupes, des inégalités sociales et économiques qui persistent ainsi que de la discrimination et de la violence fondées sur le sexe, l'invalidité, la race, l'origine ethnique, la religion, le revenu, la langue, l'orientation sexuelle, etc. La cohésion sociale ne signifie pas l'absence de différences et de conflits; elle signifie plutôt la capacité des institutions de reconnaître la différence, de construire une solidarité entre les différences et de gérer les conflits sociaux[41] .

Pour faire de cette [TRADUCTION] « diversité profonde » (selon l'expression employée par Taylor) au sein de la société canadienne une condition à la citoyenneté plus complète et à une identité nationale[42] ou encore à ce que Young appelle une « citoyenneté axée sur les différences » et à la « politique de la différence » [43], il est nécessaire de créer des rapports d'aide personnels qui favorisent le respect, la dignité et la reconnaissance du statut des personnes ayant une invalidité.

III.    Égalité

L'égalité est le troisième principe directeur invoqué dans les recherches, consultations et politiques publiques afin d'atténuer les problèmes persistants d'exclusion et de marginalisation des personnes ayant une invalidité. Comme c'est le cas pour l'autodétermination et la citoyenneté, c'est dans un contexte relationnel que l'égalité peut être atteinte. Fondamentalement, l'égalité recherchée est celle du respect et de l'importance attribués à la personne. De l'avis de Lukes, (1980), l'égalité des personnes se situe au niveau de l'absence de contrôle politique, de pression sociale, de privation économique et d'insécurité qui permet de poursuivre des objectifs valorisés ainsi qu'au niveau de l'accès aux moyens de développement. L'importance de la reconnaissance mutuelle qui favorise la dignité et l'inclusion des autres est de plus en plus au coeur des débats sur l'égalité et des décisions judiciaires au Canada. Dans un récent jugement dans lequel elle a passé en revue la jurisprudence concernant les droits à l'égalité reconnus à l'article 15 de la Charte, la Cour suprême du Canada a formulé les commentaires suivants :

En termes généraux, l'objet du par. 15(1) est d'empêcher qu'il y ait atteinte à la dignité et à la liberté humaines essentielles au moyen de l'imposition de désavantages, de stéréotypes ou de préjugés politiques ou sociaux, et de promouvoir une société dans laquelle tous sont également reconnus dans la loi en tant qu'êtres humains ou que membres de la société canadienne, tous aussi capables, et méritant le même intérêt, le même respect et la même considération[44].

Cette analyse indique que la promotion de l'égalité d'une personne passe nécessairement par la reconnaissance des autres. Les personnes ayant une invalidité ont souvent fait l'objet de différentes formes de reconnaissance sociale et juridique qui les ont laissées sans valeur à titre d'êtres humains à part entière et de citoyens ayant des droits. En raison des stéréotypes négatifs et des exclusions auxquels ces personnes font face, l'égalité doit reposer sur la promotion de formes de reconnaissance plus valorisantes des individus en tant que personnes méritant « le même intérêt, le même respect et la même considération » . Les recherches indiquent clairement que, pour contrer les formes de reconnaissance dévalorisantes, les personnes ayant une invalidité doivent pouvoir vivre des rapports au sein desquels les autres apprendront davantage à les connaître.

En réalité, bon nombre de rapports d'aide qui mettent en cause des adultes ayant une invalidité ne sont pas des rapports caractérisés par l'égalité au sens reconnu en philosophie et dans la jurisprudence. Dans ces types de rapports, les victimes de l'inégalité sur le plan du statut, de la reconnaissance et du pouvoir décisionnel sont d'abord et avant tout les personnes ayant une invalidité. Cependant, en raison du contexte politique et social plus large, les soignants peuvent également être touchés à cet égard. Comme nous l'avons vu, nombreux sont ceux qui doivent composer avec un salaire peu élevé, des avantages insuffisants, une perte de possibilités économiques, un fardeau extraordinairement lourd, un contrôle personnel restreint et un état de santé affaibli. La promotion de l'égalité dans les rapports d'aide devra donc être un principe directeur dans le cas des rapports qui mettent en cause les adultes ayant une invalidité (l'Institut Roeher, 2001).

IV.    Cadre conceptuel permettant de relier les mesures publiques, les rapports personnels et les intérêts de l'État

Le tableau qui suit résume les conclusions de la présente recherche. Il présente les formes de rapports personnels examinés à titre de relations qui dépendent, à des égards importants, de l'infrastructure publique en place, notamment en ce qui concerne le soutien du revenu, les services d'appoint, le statut lié à la prise de décisions ainsi que la législation en matière de travail. Il indique aussi comment ces rapports jouent un rôle intermédiaire entre les mesures publiques, d'une part, et les intérêts et engagements de l'État en ce qui concerne les droits liés à l'autodétermination, à la citoyenneté et à l'égalité, d'autre part.

                       


Tableau 5:     Les rapports personnels, l'invalidité et les intérêts de l'État

Instruments publics qui touchent les rapports personnels

Caractéristiques valorisées des rapports personnels

Intérêts, engagements et obligations de l'État

·            Soutien du revenu de base

·            Financement et prestation de services d'appoint pour les personnes ayant une invalidité

·            Statut lié à la prise de décisions

·            Législation en matière de travail qui s'applique aux soignants rémunérés

·            Avantages fiscaux

·            Réciprocité

·            Interdépendance

·            Valeur et respect

·            Connaissance personnelle

·            Possibilité pour une personne de faire ses propres choix

·            Liens avec la collectivité (participation, apport)

·            Attachements personnels, amour, amitié

·            Vision partagée de l'avenir d'une personne

·            Soins et soutien mutuels

·            Respect d'une communication unique

·            Vie au sein de la collectivité

·            Indépendance

·          Autodétermination

·          Citoyenneté

·          Égalité



CONCLUSION

Dans la présente étude, cinq types de rapports d'aide personnels que vivent les adultes ayant une invalidité ont été examinés : les rapports avec des membres de la famille, avec des fournisseurs, avec des fournisseurs de services de soutien rémunérés, avec des familles de substitution, avec d'autres personnes partageant un même logement et avec des réseaux d'aide à la prise de décisions. En raison du vieillissement de la population et des progrès touchant les technologies médicales, la proportion de personnes ayant une invalidité et faisant partie de la société canadienne augmentera. Eu égard à la valeur attribuée à ces rapports et à l'importance primordiale de ceux-ci en ce qui concerne l'autodétermination, la citoyenneté et l'égalité recherchées, il faut également s'attendre à une hausse des demandes visant à obtenir une infrastructure publique plus valorisante pour les personnes concernées.

Le projet dans le cadre duquel le présent document a été préparé porte principalement sur le rôle du Parlement sur le plan de la reconnaissance des rapports personnels étroits. Toutefois, l'étude n'a pas débuté par une revue des lois fédérales, mais plutôt par un examen des réalités inhérentes à un ensemble particulier de rapports d'aide personnels que vivent les adultes ayant une invalidité afin de déterminer les façons dont ces rapports étaient valorisés par les personnes concernées ainsi que les types de conditions sous-jacentes à cette valorisation. L'analyse a ensuite porté sur les types de politiques et programmes, fédéraux ou provinciaux, qui ont nui à la croissance de rapports valorisés ainsi que sur les façons dont ces rapports sont reconnues dans la législation et la jurisprudence. Enfin, ces mêmes rapports ont été examinés à titre de variables ou de facteurs touchant la réalisation des engagements de l'État en ce qui concerne les droits liés à la citoyenneté, à l'autodétermination et à l'égalité.

L'analyse a permis de dégager un certain nombre de conclusions :

·                      Les rapports examinés concernent un nombre important et croissant de Canadiens.

·                      La situation des adultes ayant une invalidité et vivant ce type de rapports a longtemps été affaiblie par :

·                 la fourniture insuffisante de services d'aide rémunérés;

·                 l'insécurité économique;

·                 un statut juridique diminué dans plusieurs domaines (droit de se marier, de siéger aux conseils d'administration, de prendre des décisions liées aux soins personnels et aux aspects financiers, etc.);

·                 l'absence de reconnaissance de différentes formes d'aide à la prise de décisions;

·                 un déséquilibre des pouvoirs institutionnalisé qui favorise les soignants rémunérés (législation en matière de travail et autres mécanismes);

·                 l'insuffisance des services d'appoint offerts aux aidants naturels, qui sont ainsi davantage exposés à un stress et à des difficultés financières parfois insurmontables.

·                      En raison de leur statut marginalisé comme parties à un rapport défini par l'inégalité, les personnes ayant une invalidité risquent d'être victimes de négligence et d'agression.

·                      Une grande majorité des adultes ayant une invalidité reçoivent l'aide dont ils ont besoin exclusivement des membres de leurs familles, surtout en raison de l'accès insuffisant à des services d'aide rémunérés ainsi que de l'exclusion systémique dont ils font l'objet sur le plan des possibilités sociales et économiques. Le fardeau imposé aux familles est énorme et s'alourdira sans doute davantage en raison du vieillissement de la population. Pourtant, l'apport des familles est considéré comme un choix privé pour lequel aucune aide n'est jugée nécessaire, que ce soit sous forme de rémunération ou autrement, alors même que l'État rend l'accès à d'autres possibilités de soutien parfois difficile, voire impossible.

·                      Les avantages fiscaux accordés aux personnes qui fournissent des soins sur une base volontaire se limitent aux membres de la famille immédiate et élargie. Par conséquent, les autres personnes qui fournissent une aide importante sans être rémunérées ne bénéficient même pas de la reconnaissance ou de l'aide accordée aux aidants naturels, si minime soit-elle.

·                      Les liens qui unissent les personnes ayant une invalidité et les familles de substitution ou les adultes qui partagent un logement avec elles ne sont pas seulement des liens contractuels entre bénéficiaires et soignants rémunérés. Il s'agit également de rapports personnels caractérisés par l'interdépendance et l'apport mutuel. Cependant, les modèles de ces rapports, notamment en ce qui a trait aux obligations et responsabilités qui en découlent, ne sont pas clairs.

·                      Les aidants naturels et les personnes qui fournissent des soins dans le cadre de certaines autres formes de partenariat domestique (famille de substitution et partage de logement) doivent composer avec des milieux de travail et des prestations d'emploi qui n'appuient guère leur rôle auprès des adultes ayant une invalidité ainsi que les rapports qu'ils entretiennent avec ceux-ci.

·                      Dans le cas des personnes ayant accès à des services d'aide rémunérés, il arrive souvent que les soignants soient sous-payés et que les avantages et la sécurité qui leur sont reconnus soient insuffisants; ce qui crée un stress produisant des effets négatifs chez les adultes ayant une invalidité.

·                      Les efforts visant à renforcer le statut des personnes ayant une invalidité par la promotion des réseaux d'aide risquent d'être vains, s'ils ne s'accompagnent pas d'investissements dans la création et le maintien de ces réseaux. La reconnaissance et le soutien actifs de ceux-ci comme pierre d'assise de la protection des droits liés à l'autodétermination, à la citoyenneté et à l'égalité sont nécessaires dans plusieurs contextes,: comme le système judiciaire, la prise de décisions liée aux soins médicaux, les aspects financiers et les contrats d'emploi, etc.

De toute évidence, la participation du secteur privé ne suffit pas à assurer la reconnaissance des valeurs devant définir les rapports examinés dans le présent document. À cette participation doivent s'ajouter la garantie d'une rémunération satisfaisante pour les soignants, l'accès à des services de soutien et une réglementation reconnaissant le statut des personnes concernées et assurant l'équilibre des pouvoirs. Pourtant, les tribunaux se sont montrés peu enclins à favoriser un rôle plus proactif de la part de l'État relativement à l'établissement de ces conditions. À l'instar du Parlement et des assemblées législatives provinciales et territoriales, ils ont préféré confier presque exclusivement au secteur privé la gestion de ces relations. C'est ce qui explique que des choix apparemment privés demeurent entre des mains privées et que le statut des adultes ayant une invalidité soit devenu très marginalisé.

Contrôlées presque en entier par le secteur privé, ces rapports dépendent, peut-être pas exclusivement, mais principalement de présomptions et d'impératifs d'ordre culturel. Les adultes ayant une invalidité sont perçus comme des personnes entièrement dépendantes des autres, « incapables » de prendre des décisions et de faire montre d'autonomie. Ces adultes sont considérés comme des « consommateurs » et non comme des participants et les droits habituellement rattachés à l'identité individuelle sont souvent réputés ne pas s'appliquer entièrement dans leur cas, puisque ces personnes ne peuvent respecter pleinement les critères de cette identité. Par conséquent, la capacité juridique de ces individus et leur statut lié à la prise de décisions sont souvent contestés.

Pour qu'il soit possible de relever les défis liés à la promotion de rapports personnels plus solides dans le cas des adultes ayant une invalidité, un appui et une reconnaissance plus clairs de l'État sont nécessaires dans huit domaines :

1.              Revoir les lois fédérales afin d'examiner l'attribution, aux plans juridique et social, d'un statut médicalisé, dépendant et dévalorisé en ce qui concerne l'invalidité (p. ex., « personne à charge atteinte d'invalidité » ). Ces interprétations favorisent le maintien d'une politique juridique et d'une structure de programmes qui tendent à objectiver l'adulte ayant une invalidité, à nier son autonomie et à consolider les pouvoirs physiques, sociaux et économiques que d'autres peuvent exercer à l'endroit de sa personne et de sa vie.

2.              Reconnaître et appuyer dans différentes lois et politiques fédérales et provinciales le droit à la citoyenneté à part entière et à l'autodétermination pour les personnes ayant une invalidité. Dans le cadre de l'établissement du lien entre la capacité de communiquer et l'autodétermination, il y aurait lieu d'accorder une plus grande reconnaissance juridique au droit à des « communications efficaces » (comme dans l'affaire Eldridge) et au rôle des réseaux d'aide dans l'exercice de ce droit. Ainsi, à l'échelle fédérale, ce droit pourrait être énoncé plus clairement dans les principes régissant l'accès aux services de santé (comme la Cour l'a dit dans l'affaire Eldridge) et à l'appareil judiciaire. De plus, il y aurait lieu d'entreprendre un examen des lois fédérales (p. ex., la Loi canadienne sur les sociétés par actions) afin de veiller à ce que l'aide à la prise de décisions soit reconnue comme forme de soutien valable pour les personnes qui pourraient autrement être considérées comme des indivisu n'ayant pas la capacité juridique voulue pour exercer les droits à la participation découlant de la citoyenneté, comme le droit de siéger aux conseils d'administration des entreprises.

3.              Établir des options plus claires en ce qui concerne la reconnaissance juridique des réseaux d'aide et des rapports d'aide internes (famille, famille substitutive et partage de logement). Le statut enregistré de partenariat domestique ne fournirait pas le fondement juridique nécessaire pour accorder à ces rapports la reconnaissance qu'ils méritent. Quant à la disposition du Code criminel qui oblige une personne à « fournir les nécessités de la vie à une personne sous sa charge » , elle ne constitue pas un modèle satisfaisant en matière de responsabilité et d'obligation, puisqu'elle nie la réciprocité qui définit les rapports examinés, la nature de l'aide fournie et l'apport que les adultes ayant une invalidité fournissent eux-mêmes. Il y aurait peut-être lieu d'envisager la possibilité d'enregistrer différents types de rapports personnels importants, comme les rapports avec les réseaux d'aide à la prise de décisions.

4.              Renforcer l'indépendance économique des deux parties aux rapports d'aide (p. ex., au moyen de politiques sur le marché du travail à l'intention des adultes ayant une invalidité ainsi que de mesures de soutien ou de remplacement du revenu; de mesures fiscales plus équitables et plus généreuses reconnaissant les soignants, qu'il s'agisse ou non de membres de la famille; de mesures relatives aux salaires et aux prestations à l'intention des soignants rémunérés; ainsi que de l'admissibilité des aidants naturels à titre de soignants rémunérés).

5.              Fournir un accès plus satisfaisant aux services de soutien directs et auxiliaires qui sont nécessaires - soins à domicile financés, services de préposés, etc. - au moyen de transferts fédéraux-provinciaux accrus à cette fin ainsi que de transferts directs d'avantages fiscaux aux personnes concernées.

6.              Reconnaître et appuyer l'accroissement de la rémunération à verser aux aidants naturels, aux familles de substitution et aux personnes qui partagent un logement avec un adulte ayant une invalidité lorsqu'un rapport d'aide important existe entre les parties en cause. Un milieu de travail souple et des conditions d'emploi comportant des prestations et des droits à des congés sont également essentiels à la viabilité de ces rapports. Il y aurait peut-être lieu d'envisager la possibilité d'apporter des modifications à l'assurance-emploi et aux normes de travail fédérales et provinciales ainsi qu'aux codes des droits de la personne afin d'en étendre la portée au-delà des rapports d'aide personnels entre le père ou la mère et l'enfant.

7.              Dans les dispositions concernant les droits de la personne, accorder clairement aux personnes qui ont des responsabilités importantes envers un membre de leur famille ayant une invalidité des protections à l'encontre de la discrimination fondée sur la situation de famille dans le cadre des pratiques d'emploi et assurer la reconnaissance de l'obligation d'accommodement découlant des rapports d'aide personnels.

8.              Établir des principes communs (ou des « ententes cadres » ) devant guider la négociation sectorielle et collective dans le cas des soignants rémunérés afin d'affirmer le statut et la prépondérance des droits liés à la prise de décisions des personnes ayant une invalidité, ainsi que des méthodes de négociation collective qui assurent une représentation complète des intérêts de l'individu et de la famille tout en préservant les droits dans le domaine du travail.

Des travaux très détaillés seraient nécessaires pour explorer à fond les options résumées dans le présent document. Cependant, l'analyse indique clairement qu'il y a lieu d'examiner les rapports d'aide visés par le présent document dans le cadre de l'initiative de la Commission du droit du Canada. De nouvelles formes de reconnaissance juridique et publique sont nécessaires.

Malgré la nécessité d'une collaboration intergouvernementale pour l'élaboration et la mise en oeuvre de ces options, les politiques délicates liées au fédéralisme canadien ne devraient pas empêcher le Parlement de jouer un rôle de premier plan dans ces domaines, là où il peut le faire. En prenant l'initiative, le Parlement indiquerait ainsi que ces rapports d'aide ont de l'importance et doivent bénéficier de la reconnaissance et de l'appui publics, que l'État doit intervenir à cet égard afin d'améliorer la situation des adultes ayant une invalidité et vivant au sein de la société canadienne et que le Canada s'engage à assurer le respect de l'autodétermination, de la citoyenneté et de l'égalité dans le cadre de ces rapports.



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[1]          Voir Commission du droit du Canada (2000), La reconnaissance et le soutien des rapports de nature personnelle entre adultes - Document de discussion (Ottawa: Commission du droit du Canada).

[2]          Eldridge c. Colombie-Britannique (Procureur général), [1997] 3 R.C.S. 624.

[3]          Le terme « intégration sociale » vise le mouvement ayant pour objet de permettre à des gens ayant une déficience intellectuelle de vivre au sein de la collectivité au nom des principes de la citoyenneté à part entière, de l'autodétermination et de l'appartenance et de la participation au milieu. Ce mouvement est étroitement aligné, en ce qui concerne ces principes et ces valeurs, avec le mouvement de défense de l'autonomie individuelle. Or, ce mouvement est particulièrement axé sur les gens ayant une invalidité physique. Le présent rapport, lui, s'intéresse aux gens ayant une invalidité en général.

[4]          L'enquête ESLA ne fait pas de distinction de sexe entre frères et soeurs, les membres de la famille étendue et les parents chargés de donner des soins et, en conséquence, sous-estiment, probablement de façon significative, la participation des femmes à la prestation d'aide naturelle non professionnelle au sein des familles.

[5]          Pour une analyse de ces questions, voir Kyle Stone, "Sex and Disability: Whose job should it be to help disabled people make love?" Eye Magazine, 12 août 1999; "Facilitated Sex and the Concept of Sexual Need: disabled students and their personal assistants", dans l'ouvrage Disability and Society, volume 14, 3e numéro, aux pp. 309-323; Attendant Care Action Coalition (1999) "Principles to Guide the Development of Attendant Services in Ontario".

[6]          Voir Association canadienne pour l'intégration communautaire, « Brief to the Standing Committee on Administration of Justice, March, 1992 » ; Association ontarienne pour l'intégration communautaire, « Brief to the Standing Committee on Administration of Justice, February, 1992 » ; « Motions Made by People First of Ontario » , Provincial Board of Directors Meeting, Toronto, le samedi 20 juin 1992.

[7]          Voir Joint Working Committee (Interministry Committee on Issues Affecting Dependent Adults and the Project to Review Adult Guardianship), « How Can We Help? A new look at self-determination, interdependence, substitute decision making and guardianship in B.C. » Vancouver : mai 1992.

[8]          Voir par exemple « Community Consultation Report on Supported Decision Making » , Whitehorse (Yukon) : Association du Yukon pour l'intégration communautaire, 2 décembre 1991.

[9]          Voir « Report of the C.A.C.L. Task Force on Alternatives to Guardianship » , Toronto : Association canadienne pour l'intégration communautaire, août 1992.

[10]         Voir Association ontarienne pour l'intégration communautaire, « Brief to the Standing Committee on the Administration of Justice » , Toronto : Association ontarienne pour l'intégration communautaire, janvier 1992.

[11]         Pour un examen des dispositions fiscales du gouvernement fédéral relatives à l'invalidité, voir David Duff (1992), Disability and the Federal Income Tax Act (Toronto: Williams Research.Com Inc.).

[12]         Un annuaire national des organismes voués aux personnes ayant une invalidité est publié par les listes de la Abilities Foundation, et compte au Canada, dans le secteur bénévole seul, plus de 5 000 organismes fournissant des services aux personnes qui ont une invalidité. Ne sont pas inclus les organismes de services généraux (par exemple les fournisseurs de soins à domicile, les centres de soins communautaires) et les organismes du secteur public et ceux à but lucratif du secteur privé qui fournissent de l'aide aux personnes qui ont une invalidité.

[13]         Pour un survol des initiatives de financement individualisé au Canada, voir l'Institut Roeher, 2000; 1997; 1993b. Pour ce qui est des initiatives américaines et internationales, voir Powers, 2000; et Tilley, 2000.

[14]         Voir Law Reform Commission of Nova Scotia (1993), Discussion Paper on Adult Guardianship in Nova Scotia (Halifax: Law Reform Commission of Nova Scotia).

[15]         Cette règle a été clairement établie pour la première fois dans l'affaire Imperial Loan Co. v. Stone [1892] 1 Q.B. 599, p. 601 (C.A.).

[16]         Ces critères sur ce que signifie « communiquer les faits dans son témoignage » ont été établis par la Cour suprême du Canada dans l'arrêt R. c. Marquard, [1993] 4 R.C.S. 223.

[17]         Voir par exemple la description des formes d'accommodation en Ontario, Ministère du Procureur général (15 janvier 1994), Victim/Witness with Special Needs, Crown Policy Manual (Toronto : Ministère du Procureur général).

[18]         Commission ontarienne des droits de la personne c. Simpson-Sears Limited., [1985] 2 R.C.S. 536, 23 D.L.R. (4th) 321.

[19]         À l'aide d'une gamme variée de termes de recherche, les décisions canadiennes rendues dans plusieurs domaines et mentionnées dans les bases de données QuickLaw, y compris une base de données globale (tous les jugements) et une base de données spécialisée (droits de la personne), ont été explorées. L'influence et la « portée » des décisions qui semblaient les plus pertinentes ont été déterminées au moyen de « notes de renvoi » (recherche de décisions renvoyant à l'affaire sous étude). Une comparaison des conclusions avec celles d'autres recherches (p. ex., Cossman et Ryder) a permis de confirmer que l'examen de la jurisprudence avait couvert les principales formes possibles de règles régissant les rapports entre les adultes. Ces recherches ont donné lieu à des milliers de décisions, dont environ 750 ont été explorées une fois que le champ a été rétréci à l'aide de termes de recherche plus détaillés et que les recherches ont été limitées aux décisions canadiennes de langue anglaise relativement modernes (rendues après 1985). Un total de 66 décisions ont été tirées. Ces décisions et les rapports examinés couvrent au moins dix domaines de droit substantiel (famille, travail, responsabilité délictuelle et contractuelle, biens, immigration, régimes prévoyant des avantages et droit constitutionnel, fiscal et pénal). De courts résumés des règles applicables à chaque domaine de droit touché par la question des rapports entre les adultes sont présentés.

[20]         Il s'agit de droits plutôt abstraits, mais qui comportent des indices détaillés servant à vérifier si le droit en question existe ou non (p. ex., en cas de délit), s'il y a eu atteinte à ce droit, si cette atteinte devrait donner lieu à une indemnité, et ainsi de suite.

[21]         Fait intéressant à souligner, par suite de l'évolution du droit de la famille depuis les années 1970, les facteurs économiques ne doivent pas être considérés comme des facteurs déterminants pour trancher les questions liées à la nature des rapports entre des personnes qui habitent ensemble.

[22]         Fernandez v. Manitoba (Director of Social Services), [1992] M.J. no 279 (C.A. Man.), Brunnette c. Québec (ministre de la Solidarité sociale), [1999] J.Q. no 5693.

[23]         R.S.C. (1985), 2e suppl., ch. 3 (et ses modifications) [ci-après la Loi sur le divorce].

[24]         [1992] 3 R.C.S. 813. Dans cette affaire, une femme a obtenu une pension alimentaire pour une longue période après la dissolution du mariage, malgré son indépendance financière. Cet arrêt a établi l'application d'une interprétation plus globale pour évaluer le montant de la pension alimentaire à verser au conjoint lors de la dissolution du mariage et la durée de cette obligation. La Cour a conclu que tous les facteurs énoncés dans les lois pertinentes doivent être pris en compte, y compris les circonstances et les conditions physiques ou mentales qui existaient avant le mariage ou qui sont nées pendant celui-ci et qui continuent d'exister après la séparation. Ce jugement nous indique que, dans le contexte de ces rapports, les tribunaux sont disposés à reconnaître une forme d'allégeance économique fondée sur un large éventail de facteurs, dont différentes formes d'invalidité.

[25]         [1999] 2 R.C.S. 3. Ce jugement a des incidences en ce qui concerne la définition du mot conjoint (et l'élargissement des catégories de rapports assujettis au droit de la famille et probablement visés par les régimes prévoyant des avantages) ainsi que l'existence de rapports fiduciaires; de plus, les arguments les plus convaincants (comme l'indique le texte du jugement) étaient fondés sur le maintien des frais liés à la séparation dans le secteur privé (non subventionné par l'État).

[26]         [1992] B.C.J. no 433. Dans cette affaire, les parties demanderesses ont cherché à obtenir des dommages-intérêts par suite de la perte financière que leur famille a subie lorsque l'époux et père a choisi de faire passer les besoins personnels de son épouse et de son enfant, qui avaient été blessées par le défendeur, avant ses intérêts commerciaux. Elles ont soutenu que la décision de M. Crane de cesser de travailler pour son entreprise de publicité, dont il était le propriétaire unique, afin de s'occuper de son épouse et de sa fille blessées a provoqué la perte de la société Air BC à titre de cliente et ont quantifié cette perte au montant de 400 000 $. Les défendeurs ont fait valoir que, pour déterminer le montant de l'indemnité à verser, il fallait tenir compte de la valeur raisonnable des services fournis et non des coûts de renonciation. Les parties demanderesses ont obtenu un montant de 7 500 $ à titre d'indemnité à l'égard des services que M. Crane leur a fournis volontairement. La Cour a fixé au montant de 85 000 $ les coûts de renonciation occasionnés à M. Crane et à la famille et conclu qu'il était raisonnable pour un père et un époux de faire passer sa famille avant son entreprise dans les circonstances. Elle a souligné que M. Crane avait passé environ 400 heures à s'occuper de son épouse et de sa fille et à leur fournir des services pour lesquels elles auraient autrement dû payer les services de soignants professionnels. Dans les décisions que la Cour a examinées, les tribunaux se sont fondés sur la perte de salaire qu'a subie le parent pour fournir un service qui aurait autrement été fourni par une tierce partie aux dépens du demandeur pour déterminer le montant de l'indemnité. Le principe sous-jacent à l'indemnisation est la perte qu'a subie la partie demanderesse et non le coût occasionné aux parents qui fournissent des soins, paient les frais de l'intervention chirurgicale au nom de la partie demanderesse ou offrent les services d'hébergement perdus. Aucun élément de ces décisions n'indiquait que le tribunal utilisait le coût de renonciation pour évaluer l'indemnité lorsque ce montant était supérieur au coût lié à l'obtention des services à l'extérieur de la famille. Le montant maximal pouvant être attribué à ce titre est le coût de l'obtention des services à l'extérieur de la famille. Lorsque le coût de renonciation pour l'aidant naturel est inférieur à ce dernier montant, le tribunal accordera le montant inférieur.

[27]         [2000] M.J. no 216.

[28]         [1998] B.C.J. no 1946.

[29]         [1992] O.J. no 2385 [ci-après R. v. J.H.].

[30]         Wynrib, [1992] 2 R.C.S. 226 [ci-après Norberg]. Les médecins sont peut-être les soignants contre lesquels le plus grand nombre d'actions sont intentées; c'est pourquoi les règles régissant ces rapports sont bien articulées, bien qu'elles évoluent constamment.

[31]         Voir Hodgkinson c. Simms, [1994] 3 R.C.S. 377.

[32]         [1987] 2 R.C.S. 99. Il s'agissait dans cette affaire d'un appel interjeté à l'égard d'un aspect technique d'une déclaration portée devant un tribunal, qui comportait des allégations au sujet des obligations fiduciaires à l'endroit des enfants. Madame le juge Wilson formule des commentaires souvent cités au sujet des obligations fiduciaires, bien que ce jugement ne soit pas considéré comme un arrêt clé. Le demandeur et son épouse étaient divorcés et la garde des trois enfants avait été accordée à l'épouse. Celle-ci s'était donné beaucoup de mal pour empêcher le demandeur de voir les enfants, notamment en déménageant fréquemment, en modifiant le prénom et la religion des enfants et en interceptant le courrier et les appels téléphoniques. Le demandeur a fait valoir que l'épouse et le nouveau conjoint de celle-ci devaient lui verser une indemnité parce qu'ils s'étaient ingérés de façon illicite dans la relation qu'il avait avec ses enfants. L'appel a été rejeté, la Cour ayant conclu à l'absence de délit ouvrant droit à une action dans cette situation. Le fait de promouvoir des litiges entre les parents en créant un nouveau droit d'action couvrant ce genre de situation nuirait aux intérêts des enfants. Accueillir une action pour cause de manquement à des obligations fiduciaires irait à l'encontre de l'objet de la Loi portant réforme du droit de l'enfance ainsi que des intérêts des enfants. Étant donné qu'il n'y avait aucun droit d'action, la déclaration a été radiée.

[33]         Voir Lac Minerals Ltd. c. International Corona Resources Ltd., [1989] 2 R.C.S. 574, jugement du juge LaForest.

[34]         Précitée, note 23.

[35]         Bien entendu, cette possibilité soulève la question qui se pose dans toutes ces catégories du droit : la règle imposée par les cours de justice et les tribunaux administratifs peut-elle apporter aux conflits ou aux problèmes touchant les régimes de réglementation des solutions qui conviendront pour ces rapports ou ceux-ci sont-ils trop complexes de par leur nature pour les systèmes actuels?

[36]         Voir : les ministres fédéral, provinciaux et territoriaux responsables de services sociaux : À l'unisson : une approche canadienne concernant les personnes handicapées (Ottawa, Développement des ressources humaines du Canada, 1998).

[37]         Pour un examen de ces deux théories de la citoyenneté, voir Will Kymlicka et Wayne Norman, "Return of the Citizen : A Survey of Recent Work on Citizenship Theory", Ethics (janvier 1994) 352-381.

[38]         Voir Un cadre visant à améliorer l'union sociale pour les Canadiens - Entente entre le gouvernement du Canada et les gouvernements provinciaux et territoriaux, 4 février 1999.

[39]         T.H. Marshal (1965), Class, Citizenship and Social Development (New York: Anchor).

[40]         Charles Taylor (1992), Multiculturalisn and « The Politics of Recognition » (Princeton, N.J. : Princeton University Press).

[41]         Voir Jane Jenson (1998), Les contours de la cohésion sociale : l'état de la recherche au Canada, étude CPRN no F/03 (Ottawa : Réseaux canadiens de recherche en pratiques publiques).

[42]         Charles Taylor (1991), Shared and Divergent Values, dans R.L. Watts and D.G. Brown (eds.), Options for a New Canada (Toronto : University of Toronto Press).

[43]         Iris Marion Young (1989), Polity and Group Difference: A Critique of the Ideal of Universal Citizenship, Ethics 99:250-274; (1990), Justice and the Politics of Difference (Princeton, N.J.: Princeton University Press).

[44]         Dans Law c. Ministre du Développement des ressources humaines, [1999] 1 R.C.S. 497, (1999), 170 DLR (4th) 1.


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