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VOTES, VICTOIRES ET VALEURS : EXAMEN DE LA QUESTION DE LA RÉFORME ÉLECTORALE AU CANADA

S'appuyant sur le principe selon lequel les citoyens doivent avoir la possibilité de participer de manière significative au processus démocratique, notre Plan stratégique promet que

« la Commission étudiera le processus de prise de décision des institutions publiques et les rouages gouvernementaux, et elle fera des propositions afin d'améliorer ceux-ci dans un cadre d'ouverture, de transparence et de responsabilité envers le public. »

Des élections libres et transparentes constituent la pierre angulaire des pays démocratiques; elles sont le mécanisme par lequel les citoyens peuvent demander des comptes à leurs représentants. Elles sont également considérées comme le principal moyen qui s'offre aux citoyens de participer à la vie publique. Ces dernières années, plusieurs observateurs ont constaté qu'il y avait chez les citoyens des signes de mécontentement et de désengagement. Ces signes avaient aussi été remarqués lors des consultations initiales que la Commission a menées en vue de planifier ses travaux de recherche.

Y a-t-il un lien entre les dysfonctionnements que peut présenter le système électoral et les signes de mécontentement et de désengagement observés chez le grand public? Le système électoral crée-t-il des distorsions dans le choix des enjeux publics? Est-il possible de réformer notre système électoral? Ces questions sont discutées ci-après.

Le système actuel : questions et controverses

            Le Canada utilise le système électoral uninominal majoritaire à un tour; il s'agit d'un système de scrutin majoritaire d'après lequel est déclaré élu le candidat qui a obtenu le plus grand nombre de votes dans une circonscription électorale (comté) donnée. Cela veut dire qu'un candidat peut emporter une circonscription électorale sans avoir obtenu une majorité des votes. Ainsi, dans un scrutin portant sur trois candidats, les électeurs ayant voté contre le candidat victorieux peuvent être plus nombreux que ceux qui ont voté en faveur de celui-ci. Par conséquent, le parti qui finit par former le gouvernement peut avoir récolté moins de la moitié du total des suffrages exprimés à l'échelle nationale.            

Le système uninominal majoritaire à un tour est apprécié pour sa simplicité et parce qu'il permet de déterminer rapidement un vainqueur et de donner lieu, dans de nombreux cas, à la formation d'un gouvernement majoritaire. Des données de sondage fournies par Ipsos-Reid indiquent que les Canadiens considèrent important d'avoir un gouvernement majoritaire qui soit en mesure d'agir rapidement et de manière déterminante : 76 p. cent des répondants ont affirmé être en faveur d'un gouvernement fort, tandis que 71 p. cent étaient en faveur d'un gouvernement fort et en mesure d'agir.

D'après un autre argument en faveur du système uninominal majoritaire à un tour, par l'élection d'un seul député par circonscription, on établit un lien de reddition de compte clair entre le représentant et l'électeur. D'aucuns font remarquer qu'il existe des liens entre des éléments de notre culture socio-économique et politique et les rouages de notre système électoral établi de longue date, et que la prudence est donc de mise lorsqu'on touche à l'appareil électoral.

Bien que cette prudence soit tout à fait justifiée, il faut aussi reconnaître les défauts importants que l'on associe au système électoral existant. La critique principale dont fait l'objet le système uninominal majoritaire à un tour porte sur la tendance de ce système à transformer de manière inexacte les suffrages en sièges et à produire ainsi des résultats disproportionnés.

            Selon de nombreux observateurs, le système électoral utilisé au Canada accentue les différences régionales et ethno-linguistiques en permettant aux partis de favoriser les tensions liées au régionalisme. Les partis sont récompensés par la concentration dans une circonscription donnée des votes qu'ils ont recueillis, mais les petits partis nationaux demeurent systématiquement incapables de concentrer suffisamment le soutien étendu dont ils bénéficient pour remporter des sièges.         

            Ce phénomène peut contribuer à déterminer quels sont les types de conflit auxquels le grand public accorde davantage d'attention. Le fait de cibler des régions en particulier peut contribuer à déterminer le programme et l'idéologie d'un parti. Des attraits politiques fondés sur une région maximisent davantage le succès électoral que des attraits qui visent des classes socio-économiques dispersées; ainsi, des conflits régionaux sont favorisés de façon tacite, alors que les conflits entre les classes sociales sont ignorés.    

            Les pays qui utilisent le système électoral uninominal majoritaire à un tour présentent les taux les plus faibles de représentation des femmes et des minorités parmi les pays démocratiques. Le système uninominal majoritaire à un tour est un système « à un seul vainqueur » , et dans le cadre de ce système, les partis politiques cherchent à maximiser leur succès électoral en proposant les candidats les plus « sûrs » . Dans ce contexte, les femmes et les personnes issues de minorités sont considérées comme « controversées » et ne sont donc pas désignées comme candidats aussi facilement que les personnes de sexe masculin et de race blanche.

            Des commentateurs font remarquer qu'un système qui ne reflète pas l'ensemble de la population finit par perdre sa légitimité aux yeux des personnes appartenant aux groupes exclus. Il existe des preuves d'une baisse de la participation des électeurs et d'un faible taux de participation au processus électoral chez des groupes identifiables de la société. Il est important d'étudier le lien qui pourrait exister entre les tendances précitées et les imperfections que présente le système électoral. Les dysfonctionnements du système électoral incitent-ils les gens à ne pas participer, ou y a-t-il des phénomènes plus complexes dont il faut tenir compte?                    

Selon un autre point de vue, les électeurs qui ne votent pas pour un candidat victorieux ne sont pas représentés par le candidat en question. Cet argument présuppose que pour qu'il y ait représentation, l'électeur et son représentant doivent être unis par un lien idéologique. Il pourrait aussi minimiser l'aspect bureaucratique de la représentation qui commence après le jour d'élection. On peut affirmer en effet que la fonction la plus importante d'un député est celle d'agir comme intermédiaire entre le citoyen et l'appareil bureaucratique.            

Selon une autre critique du système uninominal majoritaire, les électeurs dont le vote est « gaspillé » finiraient par se sentir inefficaces et s'abstiendraient de voter. L'Institut de recherche en politiques publiques a mené une enquête visant à examiner des questions liées à la qualité de la démocratie. Cinquante-cinq pour cent des répondants étaient d'avis que l'abstentionnisme des électeurs pourrait être attribué à un sentiment d'inefficacité, c'est-à-dire à l'impression que son vote n'a pas d'incidence sur le résultat d'une élection. Les auteurs de cette étude en sont arrivés à la conclusion qu'un système électoral qui permet de mieux transformer des votes en des sièges de député réduirait cette impression et améliorerait les taux de participation.

Toutefois, lorsqu'on examine des solutions de remplacement, il ne faut pas oublier qu'aucun modèle ne permet de résoudre toutes les difficultés, et tout nouveau modèle reflétera des intérêts différents et créera ainsi de nouveaux groupes de « vainqueurs » et de « perdants » .

Systèmes susceptibles de remplacer le système uninominal majoritaire à un tour

Scrutin de ballottage (deuxième tour)

            Le système à deux tours, qui est utilisé en France, permet de faire en sorte que le candidat victorieux soit élu avec plus de cinquante pour cent des suffrages. Lors du premier tour, chaque électeur choisit un candidat. Puis, on procède au dépouillement des bulletins de votes, et si aucun des candidats n'obtient plus de cinquante pour cent des voix, on tient un deuxième tour de scrutin. À partir de ce moment, le processus peut varier : le candidat le plus faible, ou les candidats qui n'ont pas atteint un certain nombre de votes, ou encore tous les candidats sauf les deux premiers, peuvent être rayés de la liste de scrutin. Les électeurs votent alors pour élire un des candidats qui restent.

            Le scrutin de ballottage ou deuxième tour est généralement utilisé parce qu'il permet de produire un vainqueur majoritaire « légitime » , mais il présente l'inconvénient d'entraîner des coûts supplémentaires et de retarder le processus électoral. En outre, moins d'électeurs se rendent aux urnes lors du deuxième tour de scrutin.

Vote préférentiel

            Le système à vote préférentiel comporte également l'élection d'un député par circonscription électorale. Les électeurs indiquent leur ordre de préférence sur le bulletin de vote. Si l'un des candidats obtient une majorité absolue des voix au premier tour, il ou elle est considéré(e) élu(e) et le processus électoral prend fin. Sinon, le candidat qui a obtenu le nombre de voix le plus faible est rayé de la liste et les deuxièmes choix indiqués sur les bulletins de votes sont attribués aux candidats correspondants. On répète ce processus jusqu'à ce que l'un des candidats ait atteint une majorité des voix. Étant donné que les deuxièmes choix des électeurs sont indiqués sur le bulletin de vote, il n'est pas nécessaire de procéder à un deuxième tour de scrutin.            

Les partisans du vote préférentiel mentionnent la facilité relative avec laquelle on peut mettre en oeuvre ce système électoral, ainsi que le fait qu'il permet d'obtenir une majorité et d'élire des représentants avec cinquante pour cent des votes. Le vote préférentiel est également cité comme système convenant à des sociétés qui présentent des divisions ethniques : l'incitatif que comporte ce système pour les électeurs qui effectuent un deuxième choix peut favoriser un climat politique plus consensuel. D'autres font remarquer la caractéristique qu'offre ce système de donner lieu à la création de partis modérés qui attirent une base plus étendue d'électeurs.

Vote unique transférable

            Le système électoral à vote unique transférable est le mode de scrutin utilisé actuellement en Irlande. Dans le cadre de ce système, les électeurs disposent d'une liste de candidats classés dans un ordre déterminé. On compte les votes et on établit un seuil d'après le nombre de sièges et le nombre de votes. Les candidats qui ont obtenu assez de votes pour atteindre le seuil établi sont élus d'après les votes qu'ils ont reçus comme premier choix. Si tous les sièges de la circonscription n'ont pas été pourvus, le candidat qui a obtenu le plus faible nombre de voix est rayé de la liste de scrutin et les votes qu'il ou elle a reçus sont attribués à un autre candidat, d'après les préférences indiquées par les électeurs.

            Le but visé avec le système à vote unique transférable semble être la maximisation de l'efficacité du vote, c'est-à-dire une nouvelle répartition des votes qui permet de faire en sorte que ceux-ci soient utiles plutôt que gaspillés. Les universitaires apprécient ce système en raison du plus grand choix qu'il offre aux électeurs. Mais il est complexe et peut être déroutant pour les électeurs, en raison de la méthode par laquelle il redistribue les suffrages. Ce système nécessiterait également un agrandissement du Parlement, afin de pouvoir y recevoir les députés supplémentaires que comportent les circonscriptions à multiples députés.

La représentation proportionnelle

            La plupart des pays démocratiques utilisent une forme ou une autre de représentation proportionnelle. C'est cette option que privilégient la plupart des partisans d'une réforme électorale.

La représentation proportionnelle permet d'avoir un plus grand nombre de petits partis au sein du Parlement. Dans ce système, le nombre de votes nécessaire pour remporter un siège est plus bas. Les systèmes à représentation proportionnelle comportent des circonscriptions électorales multinominales (plus d'un député par circonscription). On considère que ce système facilite l'inclusion des femmes et des minorités, étant donné qu'il favorise la production d'une liste de représentants caractérisée par une plus grande diversité des candidats.

Des systèmes mixtes ou modérés comportent habituellement une répartition à parts à peu près égales entre des sièges de députés élus de circonscription et des sièges de « liste » . Dans le cadre de ces systèmes, les circonscriptions électorales sont généralement plus vastes que dans le cas d'un système uninominal majoritaire à un tour. Les électeurs sont invités à voter deux fois sur le même bulletin de vote : une fois pour une circonscription à député unique (uninominale), et une fois pour un candidat figurant sur la « liste » des partis. Dans le cas des sièges de circonscription, on choisit un seul candidat par circonscription. Les sièges figurant sur la liste des partis sont ensuite répartis (la plupart du temps) à des fins de correction, pour compenser la disproportion des résultats relatifs aux circonscriptions à député unique et attribuer des sièges aux partis d'après leur proportion du vote national.

            Généralement, les systèmes à représentation proportionnelle conservent les circonscriptions uninominales afin de maintenir le lien entre le représentant et l'électeur.

           

Les pays qui utilisent un système à représentation proportionnelle sont caractérisés par la présence d'un plus grand nombre de femmes et de représentants de minorités élus.    Les listes utilisées pour attribuer des sièges correctifs encouragent les partis à soumettre à l'électorat une liste diversifiée de candidats. Elles permettent aussi à de petits partis d'être représentés au Parlement.    

            On reproche aux systèmes à représentation proportionnelle d'être une source d'instabilité et qu'ils empêchent les gouvernements d'agir.    Cette critique s'appuie sur le fait que les systèmes politiques multipartites comportent la formation de gouvernements minoritaires et de coalitions. Malgré cela, la durée moyenne des gouvernements ne diffère pas beaucoup entre les systèmes à représentation proportionnelle et les systèmes uninominaux majoritaires à un tour, et des indicateurs de stabilité comparatifs, comme le PIB, le taux de chômage et l'agitation ouvrière ne montrent pas de grands écarts entre les pays qui utilisent ces deux systèmes. En outre, nombreux sont ceux qui portent un jugement favorable sur le processus d'élaboration de politiques plus lent que l'on trouve dans le cadre des systèmes à représentation proportionnelle, faisant remarquer que ce processus est davantage caractérisé par la recherche de consensus et de compromis.         

L'analyse de ce sujet comporte une difficulté importante : nous ne pouvons prédire avec précision quelle pourrait être l'interaction entre la mise en oeuvre d'un nouveau système électoral et des facteurs et institutions socio-économiques et politiques dans l'établissement de nouveaux modèles de gouvernance. C'est pourquoi, il faut faire preuve d'une certaine prudence, voire d'humilité, lorsqu'on recommande de nouveaux modèles pour le Canada. La réforme électorale n'est pas une panacée; elle ne permet pas de remédier à tout ce qui nuit à la démocratie, à l'exercice des pouvoirs

public et à la vie civique. Il importe donc de formuler un avis responsable en faveur ou contre la réforme électorale, sans en exagérer les vertus, ni en rejetant l'idée du revers de la main.

            Toutefois, le processus relatif à la réforme électorale est aussi freiné par l'absence d'un sentiment d'urgence au sein de la population en général et, fait révélateur, chez les élus. Les politiciens pour lesquels le système actuel a été avantageux ne sont pas intéressés à modifier le système électoral d'une manière qui pourrait réduire leurs chances de succès. À cet égard, les résultats des travaux de la Commission royale sur la réforme électorale et le financement des partis (Commission Lortie, 1990) sont révélateurs : bien que la commission fût chargée d'étudier la « réforme électorale » , elle n'allait pas recommander la modification de la structure fondamentale du système électoral.

L'étude de l'expérience vécue par d'autres pays qui ont procédé à une réforme de leur système électoral peut être instructive en ce qui a trait au processus de réforme, à ses effets possibles et à ses limites. Évidemment, il ne faut pas oublier que les enseignements qui peuvent être tirés de l'examen d'exemples d'autres pays sont limités.   

L'expérience de la Nouvelle-Zélande en matière de réforme électorale

En 1993, un long et tortueux processus de réforme électorale entrepris en Nouvelle-Zélande aboutissait à un vote exécutoire en faveur du changement. Lors d'un référendum tenu la même année parallèlement à des élections générales, 54 p. cent des électeurs avaient opté pour le changement pour passer du système uninominal majoritaire à un tour à un système mixte proportionnel. L'étude du système électoral de la Nouvelle-Zélande est instructive pour les Canadiens, étant donné que ce système est, lui aussi, un modèle inspiré du modèle britannique et qu'il présente un grand nombre des mêmes caractéristiques institutionnelles que l'on trouve au Canada. Toutefois, les experts ne manquent pas de faire remarquer qu'il existe aussi d'importantes différences entre les deux pays. Ainsi, la Nouvelle-Zélande est un petit État unitaire relativement homogène. Ce n'est pas le cas du Canada. De telles différences rendraient le processus de réforme électorale comparativement plus difficile au Canada qu'en Nouvelle-Zélande.

            L'impulsion en faveur d'une réforme électorale en Nouvelle-Zélande a pris naissance graduellement et est attribuable à plusieurs facteurs plutôt qu'à un élément catalyseur en particulier. Ces facteurs comprennent la concentration du pouvoir entre les mains de l'exécutif et l'incapacité du Parti du crédit social de transformer le nombre respectable de votes qu'il recueillait en des sièges de député. La Parti travailliste, un des deux principaux partis néo-zélandais, était également désavantagé par une asymétrie entre le nombre de votes reçus et le nombre de sièges obtenus, d'où son intérêt pour une réforme électorale.           

            Durant les années 80 et 90, la Nouvelle-Zélande faisait face aussi à des changements radicaux en ce qui a trait aux politiques économiques et sociales. Ces initiatives, qui avaient été mises en oeuvre sans consulter la population, ainsi que des résultats électoraux « douteux » , avaient suscité beaucoup d'hostilité à l'égard du gouvernement. Lorsque le pouvoir passa du Parti national au Parti travailliste et que celui-ci poursuivit la mise en oeuvre de politiques de libéralisation et de restructuration de l'économie, le ressentiment envers le gouvernement s'intensifia. L'impossibilité apparente de pouvoir punir le gouvernement pour des politiques impopulaires à l'occasion des élections incita plusieurs à considérer la réforme électorale comme une solution de rechange prometteuse.

            Le Parti travailliste pris les rênes du pouvoir en 1984 et mis sur pied une commission royale chargée d'examiner une réforme du système électoral, tenant ainsi des promesses faites antérieurement de se pencher sur les dysfonctionnements du système existant. Le mandat de la commission était vaste et portait sur les aspects tels que la durée du mandat du Parlement, la nature de la représentation des Maoris et la réforme de la structure du système. Tant le Parti travailliste que le Parti national souhaitaient que la commission se penchât sur la mise en oeuvre de modifications mineures à apporter au système, mais la commission déposa finalement un rapport étoffé (Towards a Better Democracy) qui préconisait un nouveau système proportionnel mixte pour remplacer le système uninominal majoritaire existant. Le système en place fut critiqué en raison de sa sous-représentation des femmes et des minorités, et parce qu'il n'était pas équitable pour les petits partis. La commission d'enquête avait craint qu'une tendance caractérisée par des résultats disproportionnés ne finisse par saper la légitimité du système.

Se rendant compte qu'aucun des deux grands partis ne s'empresserait d'appuyer un changement susceptible de réduire ses chances de succès électoral, la Commission voulut retirer le pouvoir décisionnel aux politiques pour le confier au peuple. Elle recommanda donc la tenue d'un référendum, afin que les citoyens pussent prendre la décision finale. Le référendum eu lieu conjointement avec les élections de 1993, et 54 p. cent des votants dirent oui à l'adoption du système proportionnel mixte.

            La première élection par mode de scrutin proportionnel mixte eut lieu en 1996. Quinze Maoris furent élus à la Chambre des communes, soit un nombre proportionnel au pourcentage de cette minorité au sein de l'ensemble de la population. La représentation des femmes augmenta et passa de 21 p. cent à 29 p. cent.

            Le système proportionnel mixte a également apporté certains changements tangibles dans le processus de gouvernance et d'élaboration de politiques. Ainsi, par exemple, on considère que les comités parlementaires bénéficient de plus de pouvoir.

En raison de l'influence accrue que peuvent exercer les autres partis, les projets de loi ne sont plus adoptés à toute vitesse, mais semblent généralement faire l'objet d'un débat et d'une analyse valable.

En Nouvelle-Zélande, la participation électorale (que de nombreux observateurs utilisent comme un indicateur de l'intérêt vis-à-vis du système politique) n'a pas augmenté depuis l'adoption du système proportionnel mixte; au contraire, le taux de participation a diminué encore davantage lors de l'élection de 1999.    

            Les opinions des Néo-Zélandais concernant le système proportionnel mixte après sa mise en place semblent indiquer que certaines attentes, en ce qui a trait au nouveau système, sont erronées. Ces avis révèlent aussi qu'une majorité des électeurs (ou du moins des répondants d'enquêtes) ont accueilli à bras ouverts le nouveau système parce qu'ils étaient insatisfaits de la politique et du gouvernement, et non parce qu'ils croyaient aux avantages du nouveau système électoral. De plus, comme le font remarquer des observateurs, des mesures réactionnelles engendrent souvent de la déception vis-à-vis des résultats.       

Valeurs et systèmes électoraux

            Un aspect omniprésent dans l'examen de la réforme électorale et fortement en évidence par l'exemple de la Nouvelle-Zélande a trait au fait que les systèmes électoraux sont l'expression des valeurs, des idées et des intérêts qu'une nation considère comme importants. Tout système électoral crée des « vainqueurs » et des « perdants » . Quels sont les intérêts qui vont monter en puissance? Quelle est la meilleure façon de prendre une décision à cet égard?

           

Au moins deux aspects sont couramment cités comme des éléments importants des systèmes électoraux : les systèmes devraient offrir à la fois de la représentation et de la légitimité. Cependant, la controverse surgit lorsqu'il s'agit de définir ces deux notions.

            Une étude sommaire de différentes sources relatives à la représentation indique qu'il existe un grand nombre de définitions de cette notion. La notion de représentation « descriptive » , par exemple, dénote l'idée de « représenter » quelqu'un. Selon les défenseurs de ce point de vue, une législature doit être une sorte de « microcosme » représentant la société en général. Les partisans de cette idée, désignée aussi par le terme « représentation directe » , apprécient les caractéristiques du représentant et sont d'avis que les caractéristiques attribuées aux représentants contribuent à déterminer la façon dont ceux-ci agissent dans le cadre de leur rôle.            

            On critique la « représentation descriptive » parce qu'elle suppose que l'identité d'une personne peut être définie sur la base d'une seule caractéristique, comme le sexe. Mais les femmes, ou même des sous-groupes de femmes en particulier, peuvent avoir des priorités qui présentent de très grandes différences les unes par rapport aux autres. De plus, la vue descriptive de la représentation ne tient pas compte des réalités liées aux procédures, comme la discipline de parti et les négociations, qui peuvent restreindre la capacité d'une représentante de représenter exclusivement les points de vue de ses électeurs.

            Il existe également une vision « virtuelle » de la représentation, selon laquelle la représentativité d'une législature n'est pas un aspect primordial s'il existe des mécanismes qui obligent les élus à rendre des comptes. Mais cette vision est critiquée par d'aucuns qui estiment que les minorités doivent être présentes au sein d'une législature, afin que leurs avis puissent être intégrés au processus d'élaboration de politiques d'une manière utile et efficace.          

La représentation est également considérée à juste titre comme un processus, et la satisfaction concernant ce processus peut être mesurée d'après le degré de réceptivité qu'affiche un représentant vis-à-vis de ses électeurs. En outre, étant donné qu'il s'agit d'un processus, celui-ci ne peut être garanti d'avance. Cette conception de la représentation liée aux procédures, font remarquer des commentateurs, est la vision qu'a adoptée le Canada. D'après cette vision, les représentants doivent agir comme intermédiaires entre leurs électeurs et l'appareil bureaucratique.

           Il y a également une dimension de justice sociale qui se rattache au terme « représentation » , une idée liée aux notions d'équité et d'inclusivité. Étant donné que la diversité de la société s'est accrue, on estime qu'il est inadmissible que nos institutions sociales ne reflètent pas cette diversité.    

Les tribunaux participent également au débat portant sur la façon de définir la « représentation » dans le cas de litiges portant sur l'article 3 de la Charte, c'est-à-dire l'article relatif au « droit de vote » . Les tribunaux ont eu à statuer entre la conception individualiste de la représentation et une notion plus large qui englobe d'autres impératifs politiques. Dans l'arrêt Saskatchewan Reference, la juge McLachlin a fait valoir que le concept d' « une personne, un vote » n'a jamais fait partie de notre tradition politique. Si la parité des votes constitue une préoccupation très importante, celle-ci a toujours été restreinte par des facteurs comme la géographie, l'histoire et la représentation des minorités. On a considéré que l'article de la Charte des droits confère un droit à une « représentation efficace » , mais ce terme n'a pas été expliqué.

            La « légitimité » est une autre caractéristique importante de tout système électoral, mais cette notion requiert, elle aussi, des éclaircissements. Il s'agit du concept selon lequel les gouvernements font ce qui est « juste » , tant du point de vue de la procédure qu'en ce qui a trait au fond. La légitimité de procédure a trait à la conduite

d'élections d'une manière ouverte, équitable et transparente. La légitimité quant au fond a trait à la nature des mesures prises par le gouvernement, plutôt qu'à la façon dont sont mises en oeuvre ces mesures.

            Les observateurs qui critiquent la « légitimité » du système électoral peuvent défendre des points de vue différents. Le système peut être illégitime parce les gouvernements peuvent accéder au pouvoir sans obtenir une majorité des voix. Il peut aussi être illégitime parce qu'il n'inspire pas de confiance aux citoyens, ou encore parce que ceux-ci n'y participent pas ou estiment que leur voix n'est pas entendue de manière efficace.      

            Les partisans d'une réforme électorale ont tendance à associer les dysfonctionnements du système uninominal majoritaire à la baisse du taux de participation électorale et au sentiment de désenchantement que l'on observe chez les citoyens. Ces derniers découvrent de nouveaux moyens d'exprimer des opinions et des dissensions de nature politique. Les jeunes utilisent notamment de nouvelles technologies et de nouvelles techniques pour protester. Mais bien que ces nouvelles méthodes soient probablement une réaction à la non-réceptivité du « système » , une réforme du système électoral permettra-t-elle de mieux faire entendre les voix et les préférences de gens qui participent à des protestations et à des manifestations? Est-ce que la non-réceptivité du système a poussé les gens à protester? Est-il exact d'affirmer que ces manifestants ont « décroché » parce qu'ils ont trouvé de nouvelles voies pour se faire entendre?

            Si des attentes élevées et un rendement gouvernemental inférieur à ces attentes sont à l'origine de la désaffection du public, il est important de ne pas surestimer le potentiel d'une réforme électorale comme moyen de remédier à cette situation.

En somme, une réforme électorale pourrait permettre de corriger certaines lacunes et de résoudre certaines difficultés, mais non de régler tous les problèmes. Les élections ont pour but de déterminer des vainqueurs et des perdants; tout système électoral privilégiera toujours certains intérêts plutôt que d'autres. De plus, les systèmes électoraux et les résultats qu'ils produisent sont imbriqués avec de nombreux autres aspects de la culture politique d'un pays; c'est pourquoi les effets d'une réforme électorale sur d'autres institutions politiques devraient être inclus dans l'examen du processus de réforme.   

Aspects à étudier dans le cadre de recherches à venir

Il existe de nombreuses questions auxquelles il faut répondre, dont les suivantes :

  • Comment pouvons-nous faire en sorte qu'un nouveau système électoral puisse modifier les modèles de gouvernance établis?
  • Est-ce qu'un examen du comportement des électeurs permettrait de mieux comprendre les perceptions des citoyens concernant le processus électoral?
  • Y a-t-il un lien entre les nouvelles méthodes de protestation et d'interactionavec le gouvernement et les « dysfonctionnements » du système électoral? Ces nouvelles méthodes annoncent-elles des possibilités de réforme?
  • Pour qui ou pour quelle raison (ou contre qui ou contre quoi) les gens votent-ils? Des idées? Des candidats? Des partis? Des leaders? Quelle est la meilleure façon de prendre en compte de telles préférences?
  • Les élections offrent-elles suffisamment d'occasions de tenir des débats publics? Ou sont-elles devenues des événements médiatiques?
  • Quelles sont les valeurs qui tiennent à coeur aux Canadiens, quel est le modèle qui prendrait le mieux en compte ces valeurs tout en respectant divers impératifs politiques et culturels du Canada?
  • Une réforme électorale peut-elle amener une réflexion plus approfondie sur le rôle que jouent les gouvernements dans la vie des citoyens?
  • Peut modifier une culture de gouvernance en intensifiant le débat politique portant sur la réforme électorale?   


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