Tribunal canadien des 
relations professionnelles artistes-producteurs / Canadian Artists and Producers Professional Relations Tribunal
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Décision no 050

Décisions du Tribunal

Ottawa, le 23 janvier 2006 Dossiers nos : 1330-04-001 et
 1340-04-002

Dans l'affaire de la plainte déposée par M. Stephen Petch contre la Writers Guild of Canada en vertu de l'article 35 de la Loi sur le statut de l'artiste et de la demande de décision déposée en vertu du paragraphe 33(4) de la Loi


Décision du Tribunal

Le Tribunal accueille la plainte et déclare que la Writers Guild of Canada a manqué à son devoir de juste représentation.

Le Tribunal est d'avis qu'il n'y avait aucune clause dans les contrats entre M. Stephen Petch et la Société Radio-Canada qui auraient été plus avantageuses pour M. Petch en ce qui concerne des nouvelles utilisations de ses oeuvres que celles énoncées dans l'accord-cadre liant la Writers Guild of Canada et la Société Radio-Canada.

Dates de l'audience Le 29 avril 2005
  Les 9 et 25 juin 2005
  Les 21 et 22 juillet 2005
  Les 12 et 15 septembre 2005
  Le 7 novembre 2005

Quorum: John M. Moreau, président de séance
  Marie Senécal-Tremblay, membre
  John Van Burek, membre



Motifs de décision

1330-04-001 et 1340-04-002 : Dans l'affaire de la plainte déposée par M. Stephen Petch contre la Writers Guild of Canada en vertu de l'article 35 de la Loi sur le statut de l'artiste et de la demande de décision déposée en vertu du paragraphe 33(5) de la Loi.


Introduction

[1] Le 15 novembre 2004, M. Stephen Petch (« le plaignant ») a déposé une plainte contre la Writers Guild of Canada (« WGC »), alléguant un manquement au devoir de juste représentation découlant de l'article 35 de la Loi sur le statut de l'artiste (L.C. 1992, ch. 33, ci-après « la Loi ») dans des négociations ayant porté sur la vente non autorisée de ses oeuvres par la Société Radio-Canada («  la SRC  »). M. Petch prétend qu'il a été empêché de négocier directement avec la SRC en ce qui concerne la vente non autorisée de ses oeuvres malgré les conditions de son contrat avec la SRC. Il allègue également qu'en traitant sa réclamation par l'entremise de la procédure de grief prévue dans l'accord-cadre entre la WGC et la SRC, que la WGC a agi de manière arbitraire et de mauvaise foi en omettant d'obtenir les documents pertinents et en omettant de lui demander et de demander aux autres auteurs en cause s'ils étaient d'accord avec le règlement conclu avec la SRC.

[2] Le plaignant a également déposé une demande de décision conformément au paragraphe 33(4) de la Loi, souhaitant que le Tribunal déclare que les conditions des contrats en cause sont plus avantageuses que celles des accords-cadres applicables.

[3] Le plaignant souhaite que le Tribunal :

1) déclare, en application du paragraphe 33(5) de la Loi, que les conditions des contrats conclus entre lui-même et la SRC sont plus avantageuses que celles de l'accord conclu entre la WGC (ou son prédécesseur) et la SRC, du fait que :

- les accords ne traitent pas de la question des droits d'auteur et indiquent plutôt expressément que c'est l'auteur qui conserve ces derniers;

- les contrats signés par le plaignant prévoient que les montants et les conditions énoncés dans les accords constituent un minimum et que l'auteur peut en négocier de meilleurs.

Dans sa demande de décision, le plaignant souhaite que le Tribunal ordonne à la WGC :

2) de permettre aux auteurs ayant signé un contrat comme le sien de négocier directement avec la SRC dans des circonstances similaires à sa situation;

3) de ne plus jamais conclure un règlement avec la SRC sans le consentement de l'auteur et sans que celui-ci n'ait été informé par écrit de la teneur du règlement.

[4] La WGC a nié les allégations du plaignant et demandé au Tribunal de rejeter la plainte.

[5] Le Tribunal a invité la SRC à présenter ses observations en tant que partie intéressée. La SRC a déclaré qu'elle n'avait eu connaissance d'aucun acte assimilable à un manquement au devoir de juste représentation de la part de la WGC. Elle a déclaré en outre qu'elle s'en remettait au droit exclusif de négocier conféré à la WGC par le Tribunal et que, de son point de vue, le règlement mettait un terme au grief en bonne et due forme.

[6] Le 9 mai 2005, la WGC a présenté une requête en rejet de la demande, alléguant que le plaignant n'avait pas fait la preuve prima facie que la WGC a manqué à son devoir de juste représentation et que la plainte n'avait pas été présentée dans les délais prescrits.

[7] Le 17 juin 2005, le Tribunal a fait savoir aux parties que la requête en rejet de la WGC était refusée. Le Tribunal a estimé que les allégations du plaignant étaient suffisantes, à première vue, pour justifier que l'on se penche sur la question afin de voir s'il y avait effectivement un manquement au devoir de juste représentation.

[8] Après avoir pris connaissance des observations des parties, dont celles de la SRC, et après les avoir consulté quant à l'opportunité de présenter de la preuve orale, le Tribunal a jugé qu'il pouvait rendre sa décision sur la base des soumissions écrites des parties.

Contexte

[9] La WGC est une association d'artistes accréditée par le Tribunal le 25 juin 1996 pour représenter, à la grandeur du Canada (Writers Guild of Canada, 1996 TCRPAP 016) :

un secteur composé d'entrepreneurs indépendants embauchés par tout producteur assujetti à la Loi sur le statut de l'artiste à titre :

a) d'auteurs d'oeuvres littéraires ou dramatiques rédigées en anglais pour la radio, la télévision, le cinéma, ou pour une production vidéo ou toute autre production audiovisuelle semblable, y compris une production multimédia;

b) d'auteurs qui adaptent ou traduisent des oeuvres littéraires ou dramatiques originellement écrites dans une autre langue que l'anglais, sous forme de scénarios en langue anglaise pour la radio, la télévision, le cinéma, ou pour une production vidéo ou toute autre production audiovisuelle semblable, y compris une production multimédia;

mais à l'exclusion des réalisateurs dans leur fonction de réalisateur.

[10] Deux accords-cadres conclus entre la WGC ou ses prédécesseurs et la SRC sont pertinents en l'espèce :

1. L'accord sur la radio, dont la première version date de 1980-1982 et qui a été reconduite avec augmentations successives de tarifs jusqu'en 1998 (« l'accord sur la radio »);

2. L'accord sur la radio de 1998-2000 (« l'accord de 1998 »), toujours en vigueur actuellement.

[11] Ces accords comportent une clause reconnaissant que la WGC est le seul agent négociateur pour tous les auteurs engagés par la SRC.

[TRADUCTION]

A101 La Société Radio Canada (la Société) reconnait que la Writers Guild of Canada possède le droit exclusif de négocier conformément avec l'ordonnance d'accréditation émise par le Tribunal canadien des relations professionnelles artistes- producteurs le 25 juin 1996.

[12] Le plaignant est un auteur qui a signé avec la SRC des contrats visant la production de divers scénarios pour des émissions de radio. Les scénarios en cause ici font l'objet de contrats passés entre octobre 1981 et septembre 1993.

[13] Chaque contrat passé entre le plaignant et la SRC accorde à la SRC le droit de diffuser le produit du scénario une fois par l'intermédiaire de chacune de ses stations de radio affiliées AM ou FM au Canada dans les trois années suivantes. Toute autre utilisation des émissions en question doit se faire selon les conditions prévues dans l'accord sur la radio conclu entre la WGC et la SRC et donner lieu au versement des droits applicables à l'auteur.

[14] En janvier 2004, le plaignant a appris que la SRC avait vendu certaines de ses oeuvres, ainsi que celles d'autres auteurs, à un diffuseur de radio par satellite, XM Satellite Radio Inc. (« XM ») sans son autorisation. Il a communiqué avec la SRC et avec la WGC par l'intermédiaire de son avocate.

[15] Le 13 janvier 2004, la SRC a fait savoir à l'avocate du plaignant que la WGC avait justement communiqué avec elle peu de temps auparavant au sujet de la vente des émissions à XM et que, selon l'entente qu'elle avait signée avec la WGC, que la WGC était le représentant légitime du plaignant dans cette affaire.

[16] Dans une lettre détaillée en date du 10 mars 2004, l'avocate du plaignant a fait savoir à la WGC que le plaignant demandait des renseignements à la SRC au sujet de la vente des émissions à XM. Tout en admettant que la WGC a le droit exclusif de négocier au nom des artistes de ce secteur, l'avocate a précisé qu'il était question en l'espèce d'une violation des droits d'auteur, ce qui, selon elle, débordait l'accord-cadre, et que, par conséquent, le plaignant pouvait plaider sa cause hors de l'accord-cadre. Cependant, l'avocate a indiqué qu'il serait plus simple que la WGC s'occupe de l'affaire en suivant la procédure prévue dans l'accord-cadre, demandant toutefois que la WGC règle la question des droits d'auteur et du renouvellement des droits avec la SRC.

[17] Le 16 mars 2004, la WGC a déposé un grief au nom de tous les auteurs touchés en vertu de l'article A6 de l'accord sur la radio conclu en 1998 entre la WGC et la SRC, déclarant que l'accord-cadre ayant trait aux droits d'auteur avait été enfreint du fait que la SRC avait vendu les émissions avant de négocier et de verser les droits de distribution applicables. Le même jour, la WGC a transmis copie du grief au plaignant.

[18] L'article A6 de l'accord sur la radio de 1998 est ainsi libellé :

[TRADUCTION]

A 601 La Société accepte que les auteurs exercent leurs droits conformément au présent article sans que cette action ne nuise à leur relation avec la Société ou ses mandataires.

A 602 Une plainte mineure peut être traitée et réglée entre le représentant de la WGC et celui de la Société au moment où elle est présentée. Si cette démarche donne des résultats satisfaisants, aucune autre mesure n'est nécessaire.

A 603 Un grief portant sur l'application ou l'interprétation du présent accord doit être présenté par écrit à l'agent principal des relations avec les artistes ou à la direction générale de la SRC selon le cas, et ce, dans les trente (30) jours suivant l'événement en cause.

Le grief doit donner lieu à une réponse écrite dans les sept (7) jours civils suivant sa réception. Si la réponse est jugée insatisfaisante, la partie insatisfaite peut demander une réunion du comité des griefs dans les quatre (4) jours suivant réception de la réponse. Le comité se compose de la ou des personne(s) désignée(s) par chaque partie pour représenter la Société et la WGC respectivement à cette fin. La réunion doit faire l'objet d'un procès-verbal qui sera lu et signé par les deux parties à la fin de la rencontre. Si le règlement comporte le paiement d'une somme ou une mesure de redressement, l'ordre de procéder au paiement ou à la mesure de redressement doit être donné aussitôt que le procès-verbal consignant le grief et le règlement est signé.

Les questions d'intérêt commun peuvent être discutées à la réunion du comité des griefs et consignées dans le procès-verbal.

A 604 Prolongation des délais : Les deux parties peuvent prolonger les délais d'un commun accord.

A 605 Les parties ont le droit de régler le grief à la réunion du comité des griefs. Le cas échéant, le règlement est consigné par écrit et signé par les personnes présentes à la réunion, dont chacune reçoit copie. Le règlement est exécutoire et définitif.

[19] Le 17 mars 2004, la SRC a fait savoir à l'avocate du plaignant que la WGC avait déclaré que cette affaire relevait d'elle, avec le consentement du plaignant, et que, par conséquent, puisqu'il y avait eu entente entre la SRC et la WGC, la SRC ne négocierait pas sur la même question avec le plaignant, car cette démarche porterait atteinte aux négociations qu'elle avait menées avec la WGC et à la relation contractuelle qu'elle entretenait avec celle-ci et ses membres.

[20] Le 23 mars 2004, le plaignant a fait savoir à la WGC que malgré son désaccord avec la position de cette dernière, il attendrait le résultat de la démarche de grief et de l'arbitrage qui suivrait éventuellement. Par l'intermédiaire de son avocate, le plaignant a déclaré :

a) qu'il avait le droit de connaître la teneur du règlement conclu entre la SRC et XM Satellite, en ce qui a trait à ses oeuvres;
b) qu'il était prévu, aussi bien dans ses contrats que dans l'accord-cadre, qu'il devait donner son consentement relativement aux droits d'auteur;
c) que la SRC n'avait pas le droit de distribuer ses oeuvres sans le renouvellement des droits; de plus,
d) il a demandé que ses intérêts soient protégés de façon adéquate; et
e) de le tenir informé de l'état des négociations.

[21] Le 8 avril 2004, la WGC a écrit à la SRC pour répondre à une demande de prolongation du délai d'étude du grief présentée par la SRC et pour demander :

a) la liste des émissions vendues à XM Radio;
b) la liste des noms des auteurs connus à cette date;
c) la raison pour laquelle il était impossible de verser sans délai les sommes dues aux auteurs dont le nom était connu;
d) si la SRC avait informé XM Radio qu'il fallait cesser la diffusion des émissions en question jusqu'à ce que les auteurs soient payés et, le cas échéant, copie de la lettre en question;
e) la durée de la prolongation demandée par la SRC pour le traitement du grief.

[22] Le même jour, la WGC a envoyé une copie de cette lettre au plaignant par voie d'un message électronique et a également envoyé un autre message électronique à plusieurs auteurs, y compris le plaignant, pour leur faire savoir que la WGC avait entamé une procédure de grief contre la SRC en leur nom. Dans son mémoire, le plaignant déclare n'avoir jamais reçu le deuxième message électronique.

[23] Le 16 avril 2004, la SRC a fourni à la WGC une liste partielle des émissions de radio vendues à XM et des auteurs correspondants et lui a fait connaître le montant touché par la SRC lors de la vente, ajoutant qu'il y aurait d'autres versements à la fin du contrat.

[24] Dans la même lettre, la SRC a fait remarquer que l'accord-cadre ne disait rien au sujet de la période de licence. La SRC a déclaré que pour faciliter le paiement aux auteurs sans aveu de responsabilité, elle proposait de verser des droits non remboursables équivalant à 10 % du contrat d'origine à titre de droits de renouvellement de la licence.

[25] Le 6 juillet 2004, le plaignant a envoyé un message électronique à la WGC pour lui demander si la SRC avait répondu à la lettre du 8 avril 2004 de la WGC.

[26] Le 26 juillet 2004, l'avocate du plaignant, constatant qu'elle n'avait obtenu aucune information depuis le mois de mars, a demandé à la WGC si celle-ci était en mesure de communiquer au plaignant des éléments d'information nouveaux au sujet du grief et de l'arbitrage.

[27] Le 27 juillet 2004, la WGC a envoyé un message électronique directement au plaignant pour l'informer de l'offre de règlement du 16 avril 2004 concernant les droits de renouvellement et le paiement des droits d'auteur, ajoutant qu'à son point de vue, il s'agissait d'une offre raisonnable, sujet à l'obtention de paiements à titre de pénalité de retard.

[28] Le 30 juillet 2004, l'avocate du plaignant a écrit à la WGC pour lui faire connaître un certain nombre de préoccupations, notamment que l'affaire suivait son cours sans qu'elle n'ait encore aucun détail au sujet de la vente des émissions par la SRC à XM Radio, et exprimant son désaccord avec le règlement proposé.

[29] Dans un message électronique du 9 août 2004 et dans une lettre du 13 août 2004, la WGC a répondu à l'avocate du plaignant en lui expliquant sa position quant au traitement du grief, quant au règlement et quant au fait que la WGC constituait l' agent négociateur exclusif de tous les auteurs ayant signé un contrat relevant d'elle, ce qui comprenait, selon elle, le plaignant. La WGC a indiqué que la SRC offrait un règlement qui concordait avec la formule de calcul des droits de distribution figurant dans l'accord en vigueur et dans les accords précédents, et que les droits supplémentaires et non remboursables de 10 % devaient indemniser les auteurs pour le fait que ceux-ci n'avaient pas été payés au moment de la vente. La WGC a ajouté qu'elle avait demandé à la SRC de verser une pénalité de retard et que celle-ci avait accepté.

[30] La WGC a également fait savoir à l'avocate du plaignant que tous les auteurs seraient informés des conditions de la vente et de la formule de calcul en recevant leur chèque de la SRC.

[31] Le 19 août 2004, la WGC a confirmé son entente avec la SRC par un message électronique et a déclaré qu'elle exigerait aussi de la SRC que, dorénavant, avant de vendre une émission, elle obtienne une autorisation écrite des auteurs ayant signé une entente avant septembre 1998.

[32] Le plaignant a déclaré qu'en septembre 2004, il avait reçu un chèque de règlement directement de la SRC sans aucune explication ni indication de la manière dont le calcul avait été effectué.

[33] L'avocate du plaignant a écrit une lettre à la SRC (17 septembre 2004) et à la WGC (23 septembre 2004) pour leur exprimer son mécontentement à l'égard du fait qu'elle n'avait reçu aucune information, ni de la part de la WGC, ni de celle de la SRC, au sujet de la vente ayant donné lieu au grief, et pour demander copie de l'entente de règlement.

[34] La SRC a répondu en fournissant à l'avocate des renseignements sur la vente des émissions à XM et en lui demandant de s'adresser à la WGC pour en savoir plus sur l'entente de règlement.

[35] Le 4 octobre 2004, la WGC a indiqué à l'avocate du plaignant qu'il n'y avait pas d'entente de règlement signée, car l'affaire avait été réglée par échange de messages électroniques, et a fait connaître à l'avocate la teneur du règlement.

[36] Le 15 novembre 2004, le plaignant a déposé la plainte dont il est question ici ainsi que la demande de décision.


Positions des parties

Résumé de la position du plaignant

[37] Le plaignant a fait valoir que la WGC n'avait pas respecté les termes de l'accord-cadre et avait agi de manière arbitraire et de mauvaise foi en omettant de présenter une revendication pour violation des droits d'auteur tout en prétendant être l'agent négociateur exclusif des auteurs, alors que l'accord-cadre indique clairement que les auteurs conservent leurs droits d'auteur. Le plaignant a ajouté qu'en raison de cette position, les auteurs ne pouvaient pas négocier un règlement eux-mêmes en cas de violation du droit d'auteur. Il a ajouté que la WGC ne s'était pas correctement occupée du problème du droit de distribution, et qu'elle avait omis de lui demander, et de demander aux autres auteurs en cause, s'ils étaient d'accord avec le règlement conclu avec la SRC.

[38] Le plaignant a indiqué qu'à l'origine, il souhaitait négocier directement avec la SRC, mais qu'il a accepté à contrecoeur que la WGC le représente, tout en demandant à cette dernière de s'occuper de la question des droits d'auteur. À son avis, la WGC ne l'a pas fait.

[39] Selon le plaignant, la SRC ne pouvait pas vendre les émissions tant que la licence des droits de diffusion nationale n'avait pas été renouvelée. Puisqu'il n'avait jamais renouvelé la licence, il considérait que la SRC avait violé ses droits d'auteur en vendant les oeuvres en question. Selon le plaignant, puisque la licence avait expiré, le litige porte essentiellement sur une question de droits d'auteur. Or, à son avis, le mandat de la WGC comme agent de négociation collective ne s'étend pas aux droits d'auteur et, par conséquent, la WGC ne pouvait se prétendre agent négociateur exclusif sur cette question.

[40] Le plaignant a indiqué que le grief a éventuellement donné lieu au versement de certaines sommes par la SRC aux auteurs relativement à la vente d'émissions à XM Satellite Radio. Il a fait valoir qu'après avoir communiqué à plusieurs reprises avec la WGC, il n'a reçu aucune information sur les négociations ni sur la formule utilisée pour calculer les sommes en question, et qu'on ne l'a jamais consulté sur ce dernier point.

[41] Le plaignant a ajouté qu'on ne lui avait pas demandé de copies de ses contrats et que la WGC, apparemment, n'avait tenu compte d'aucun des éléments de l'accord-cadre en vigueur de 1988 à 1993 ni des lettres rédigées en son nom par son avocate. D'après lui, la WGC a mené les négociations sans avoir vu le contrat de vente conclu entre la SRC et XM, sans connaître l'objet réel de la vente, sans vérifier si la vente avait été faite au prix du marché ou pour une somme minime - ce qui appellerait un nouveau cachet de redevance - et sans traiter de la question de la violation des droits d'auteur.


Résumé de la position de la WGC

[42] La WGC a fait valoir qu'en vertu du paragraphe 28(5) de la Loi et de l'accréditation que lui a accordée le Tribunal le 25 juin 1996, elle a le droit exclusif de négocier au nom des artistes du secteur. Selon l'alinéa 18a) de la Loi, la nature des droits de la WGC en tant qu'agent négociateur exclusif doit être déterminée conformément aux principes du droit du travail. Selon la WGC, le caractère exclusif de ce droit signifie que le producteur ne peut traiter directement avec un artiste, sauf dans les circonstances explicitement prévues dans la Loi et dans l'accord-cadre.

[43] Selon la WGC, les associations d'artistes jouissent d'une marge de manoeuvre considérable quant au traitement des griefs. Elles doivent en user de bonne foi, de manière objective et honnête, après un examen attentif du dossier, en tenant compte de l'importance de celui-ci et de l'intérêt des membres visés et de l'association globalement.

[44] Toujours selon la WGC, le Tribunal n'a pas à se prononcer sur la « justesse » des décisions d'une association; il doit plutôt déterminer si la décision est issue d'un processus décisionnel rationnel. À l'appui de cette position, la WGC a fait valoir les affaires Guilde de la marine marchande du Canada c. Gagnon (1984), 9 D.L.R. (4th) 640 (C.S.C.) et Bukvich c. Canadian Union of United Brewery Workers, [1982] OLRB Rep. January 35.

[45] La WGC a fait valoir qu'elle a pris contact avec la SRC dès qu'elle a appris que celle-ci avait vendu des émissions intégrant les oeuvres de plusieurs auteurs, y compris celles du plaignant, sans l'approbation de ces derniers, malgré l'accord-cadre. Puisque le problème touchait plusieurs auteurs et que la vente avait déjà eu lieu, la WGC estimait que le moyen le plus efficace d'obtenir le meilleur résultat possible était de s'adresser à la SRC dans le cadre d'une démarche collective. La WGC a ajouté que le règlement obtenu dans cette affaire servirait ensuite de précédent. Elle a aussi précisé qu'elle avait fait savoir clairement à la SRC comme au plaignant qu'elle comptait prendre l'affaire en charge.

[46] La WGC a fait valoir que dans la requête, à supposer que les allégations qui s'y trouvent seraient fondées (ce que nie la WGC), on ne fait état d'aucun acte susceptible de constituer une erreur flagrante, ni une négligence, critères nécessaires pour démontrer qu'il y a eu conduite arbitraire. Puisque cette requête ne révèle pas, de prime abord, une violation de l'article 35, elle devrait être rejetée.

[47] La WGC a fait valoir qu'en tant qu'agent négociateur exclusif des 85 auteurs en cause, elle avait le droit et le devoir d'agir au nom de tous ces auteurs dans une cause commune. Ella a ajouté que ce type d'action est au coeur de l'accréditation qui lui a été accordée en vertu de la Loi et ne peut donc pas constituer un manquement à ses obligations en vertu de l'article 35.

[48] La WGC a fait valoir que l'objet du grief concernait le fait que la SRC n'avait pas obtenu le consentement des auteurs individuellement avant de procéder à la vente, contrairement à ce qui est prévu dans l'accord-cadre. Or, à son avis, une fois le fait accompli, la question n'était plus de savoir si les auteurs consentiraient à la vente; c'était d'évaluer l'indemnisation qu'il serait juste de leur verser pour la violation de leurs droits et de l'accord-cadre.

[49] La WGC a déclaré qu'elle avait reçu toutes les informations nécessaires, y compris les noms des auteurs touchés, les contrats en cause et le montant de la vente à XM, et qu'elle est restée en contact régulier avec le plaignant - un des 85 auteurs visés - et son avocate. La WGC n'était pas tenue d'obtenir le consentement du plaignant (ni celui des 84 autres auteurs en cause) pour régler le grief. Selon la WGC, le montant qui a été versé au plaignant et aux autres auteurs est raisonnable et conforme aux sommes prévues dans l'accord-cadre pour des circonstances comparables.

Résumé de la position de la CBC

[50] La SRC a indiqué que, conformément à l'accréditation conférée par le Tribunal à la WGC, elle considère depuis le début que la WGC est seule détentrice du droit de négocier relativement à l'accord-cadre, à l'administration de ce dernier et au règlement des litiges y afférents. La WGC est donc l'agent négociateur exclusif pour toutes les questions qui relèvent des attributions qui lui ont été conférées par le Tribunal.

[51] Selon la SRC, si on acceptait la position du plaignant au sujet de l'étendue du droit de négocier de la WGC, on remettrait en cause les fondements même de la relation entre les associations d'artistes et les producteurs en vertu de la Loi.

[52] La SRC a fait valoir qu'elle avait mené des négociations de bonne foi avec la WGC, considérant celle-ci comme l'agent négociateur exclusif pour le règlement de ce grief. Conséquemment, elle a fait savoir au plaignant que c'était à la WGC que son avocate devait adresser ses demandes.

[53] D'après la SRC, le règlement conclu entre elle-même et la WGC au sujet du grief déposé en août 2004 par la WGC constituait un règlement complet et définitif de toutes les questions découlant du grief en question.

[54] Enfin, la SRC a fait valoir qu'elle n'avait eu connaissance d'aucun acte pouvant être considéré comme un manquement au devoir de juste représentation selon l'article 35 de la Loi dans la manière dont la WGC a représenté ses membres auprès de la SRC au cours des négociations ayant abouti au règlement du grief. Alternativement, la SRC a également fait valoir que si le Tribunal détermine que la WGC a manqué à son devoir de juste représentation, que toute responsabilité qui en découlerait serait celle de la WGC et non de la SRC.

Analyse

[55] La principale question que le Tribunal doit trancher ici consiste à savoir si la WGC a manqué à son devoir de juste représentation.

[56] Les dispositions de la Loi sur le statut de l'artiste (la « Loi ») applicables en l'espèce se trouvent aux articles 35 et 53, ainsi libellés :

35. Il est interdit à l'association d'artistes, ainsi qu'à ses représentants, d'agir de manière arbitraire ou discriminatoire ou de mauvaise foi à l'égard des artistes dans l'exercice des droits reconnus à ceux-ci par l'accord-cadre.

53. (1) Quiconque peut adresser au Tribunal une plainte reprochant soit à une association d'artistes, à un producteur - ou à une personne agissant pour leur compte - ou à un artiste d'avoir manqué ou contrevenu aux articles 32, 35, 50 et 51, soit à une personne d'avoir contrevenu à l'article 52.

(2) La plainte est à présenter, par écrit, dans les six mois qui suivent la date où le plaignant a eu - ou, selon le Tribunal, aurait dû avoir - connaissance des mesures ou des circonstances l'ayant occasionnée.

[57] Le devoir de juste représentation découle du caractère exclusif du droit de négociation accordé à l'association. En effet, lorsque le Tribunal accrédite une association, celle-ci devient le seul et unique représentant des artistes de son secteur dans toutes leurs relations avec les producteurs. Le paragraphe 28(5) de la Loi est ainsi libellé :

28. (5) L'accréditation d'une association d'artistes emporte :
(a) le droit exclusif de négocier au nom des artistes du secteur visé;
(b) révocation, en ce qui les touche, de l'accréditation de toute autre association;
(c) dans la mesure où ils sont visés, substitution de l'association - en qualité de partie à l'accord-cadre - à l'association nommément désignée dans celui-ci ou à son successeur.

[58] Cette relation suppose la négociation et la signature d'un accord-cadre. Tout accord-cadre négocié dans le cadre de la Loi doit comporter une disposition concernant le règlement définitif des litiges. En effet, on peut lire au paragraphe 36(1) de la Loi :

36. (1) L'accord-cadre comporte obligatoirement une clause prévoyant le mode de règlement définitif - notamment par arbitrage, mais sans recours aux moyens de pression - des conflits qui pourraient survenir, entre les parties ou les artistes qu'il régit, quant à son interprétation, son application ou sa prétendue violation.

[59] Le régime institué par la Loi diffère des lois traditionnelles du travail en ceci que l'artiste peut négocier individuellement avec le producteur des conditions plus avantageuses que celles qui sont prévues dans l'accord-cadre.

33. (4) L'accord-cadre l'emporte sur les stipulations incompatibles de tout contrat individuel entre un artiste et un producteur, mais n'a pas pour effet de porter atteinte aux droits ou avantages plus favorables acquis par un artiste sous leur régime.

[60] Le Tribunal a commenté cette disposition dans l'affaire The Writers Union of Canada, 1998 TCRPAP 028, au paragraphe 62 :

En vertu du régime prévu par la Loi sur le statut de l'artiste, l'artiste conserve le pouvoir de décider s'il désire ou non accepter une commande d'un producteur ou permettre à un producteur particulier d'utiliser une de ses oeuvres. L'artiste demeure libre de négocier des contrats individuels dont les conditions sont plus favorables que les conditions minimales, tandis qu'aucun producteur ne peut offrir des conditions moins favorables que celles énoncées dans l'accord-cadre que le producteur et l'association d'artistes ont conclu. L'artiste reçoit directement du producteur pour l'utilisation de ses oeuvres soit la rémunération prévue dans l'accord-cadre, soit la rémunération plus élevée qu'il a été en mesure de négocier. Pour obtenir l'exécution du droit au paiement en vertu de l'accord-cadre, l'artiste peut recourir à la procédure de règlement des différends prévu dans l'accord ainsi qu'aux ressources dont dispose l'association d'artistes accréditée.

[61] L'alinéa 18a) de la Loi enjoint au Tribunal de tenir compte des principes applicables du droit du travail quand il porte un jugement en vertu de la partie 2 de la Loi :

18. Le Tribunal tient compte, pour toute question liée :
(a) à l'application de la présente partie, des principes applicables du droit du travail;

Question préalable

[62] Comme question préalable, la WGC a d'abord fait valoir que la plainte n'avait pas été déposée dans les délais prescrits au paragraphe 53(2) de la Loi.

[63] Essentiellement, la WGC a fait valoir que le plaignant savait dès le début qu'elle avait pris l'affaire en charge. Le plaignant était représenté par une avocate à tous les moments importants et savait que la WGC avait l'intention de le représenter dès février 2004, sinon avant, mais il n'a pas porté plainte avant le 15 novembre 2004.

[64] Sur ce point, le plaignant a répondu que la plainte avait été déposée dans les délais prévus au paragraphe 53(2) de la Loi. Il a fait valoir que, dans ses premiers échanges avec la WGC, il n'était pas évident que celle-ci ne tiendrait pas compte de sa position au sujet des droits de renouvellement. Il a indiqué que ce n'est qu'en août 2004, lorsque la WGC l'a informé de la proposition de la SRC concernant [TRADUCTION] « des droits non remboursables et à versement unique de 10 % du contrat pour les auteurs dont les droits étaient éteints » qu'il était devenu évident que la WGC ne consulterait pas les auteurs.

[65] La jurisprudence du Conseil canadien des relations industrielles (« le Conseil ») est instructive sur cette question. En effet, le Conseil a déterminé que le devoir de juste représentation commençait dès le moment où il y avait une possibilité de mesure disciplinaire et se poursuivait jusqu'à la fin de la procédure de grief (Anne Marie St-Jean, [1999] CCRI n° 33; Brian L. Eamor (1996), 101 di 76; 39 CLRBR (2d) 14; 96 CLLC 220-039 (CCRT n° 1162) confirmée dans C.A.L.P.A. v. Eamor (1997); CLRBR (2d) 51). Le Conseil a aussi jugé qu'il pouvait se prononcer sur la conduite d'un syndicat même si un grief avait fait l'objet d'un règlement ou d'une ordonnance sur consentement.

[66] Le Tribunal est du même avis et estime que le devoir de juste représentation subsiste tout au long de la procédure de grief. La preuve montre que la proposition de la SRC a été communiquée au plaignant le 27 juin 2004, que le plaignant a reçu un chèque de règlement en septembre 2004 et que le dernier échange de correspondance entre le plaignant et la WGC, sur la question des droits de renouvellement, avait eu lieu le 4 octobre 2004.

[67] Par conséquent, le Tribunal estime que la plainte datée du 15 novembre 2004 respecte le délai de six mois prévu dans la Loi.

Le litige relève-t-il de l'accord-cadre?

[68] L'article 35 de la Loi précise que le devoir qui incombe à l'association à l'égard des artistes du secteur s'applique aux droits qui leur sont reconnus dans l'accord-cadre.

[69] Les parties ne contestent pas le fait que le plaignant fait partie du secteur représenté par la WGC. Cependant, le plaignant estime que le mandat de négociation collective de la WGC ne s'étend pas aux droits d'auteur et que le problème en l'espèce ne concerne pas un manquement à l'accord-cadre mais une violation du droit d'auteur.

[70] Le plaignant est d'avis que le rôle de la WGC se limite aux cas où le droit de distribution a déjà été accordé à la SRC par écrit. Toujours d'après le plaignant, puisque la licence avait expiré, la nature essentielle du litige concernait les droits d'auteur et non l'accord-cadre, et par conséquent, la WGC ne pouvait prétendre à un droit exclusif de négocier. Selon le plaignant, le fond du problème concerne la portée du « droit de négocier » prévu dans la Loi.

[71] La WGC diffère. D'après elle, l'accord-cadre est un mécanisme par lequel un producteur peut obtenir une licence pour l'utilisation des oeuvres protégées par le droit d'auteur. À son avis, elle est pleinement autorisée à négocier les conditions des accords-cadres relatives aux droits d'auteur et, par conséquent, le litige en question relève de l'accord-cadre.

[72] À l'appui de son argument, la WGC a fait valoir que le rapport entre les droits d'auteur et la négociation collective a fait l'objet d'observations au moment de son accréditation et que plusieurs sociétés de gestion collective sont d'ailleurs intervenues à cette occasion (voir 1996 TCRPAP 016). La seule limite imposée à son droit de négocier les conditions de cession des droits et d'octroi de licences, c'est qu'il ne doit pas nuire à la perception des redevances par les sociétés de gestion collective nommées dans la décision.

[73] La WGC a fait valoir que l'accord-cadre portait sur l'octroi de licences de droit d'auteur et que le grief portait justement sur le fait que la SRC avait vendu des émissions sans avoir négocié ni payé des droits d'auteur. Par conséquent, selon la WGC, le grief mettait en cause des droits reconnus dans l'accord-cadre et relevant de sa compétence.

[74] Selon la WGC, pour obtenir légalement les droits de distribution des oeuvres en question, la SRC avait deux possibilités :

a. En application de l'accord-cadre d'origine, conclure avec l'auteur une entente sur les conditions de la vente en lui versant au moins 10 % des recettes brutes du distributeur, conformément aux articles A1602, A2002 et A2007.
 
b. En application des dispositions d'archive de l'accord-cadre de 1998-2000, aviser la WGC de ses intentions et annoncer à l'auteur qu'il touchera au moins 10 % des recettes brutes du distributeur. Selon cette option, l'auteur ne peut toucher aucun autre droit par la suite car le droit de distribution est alors « réputé » avoir été récupéré par la SRC sans autre paiement, en vertu de l'annexe A, article 2.

[75] Dans le grief, on peut lire ceci : [TRADUCTION] « Le problème, en l'espèce, concerne le fait que le droit des auteurs de ces dramatiques n'a pas été respecté parce que la SRC a vendu les émissions avant de négocier et de leur verser les droits de distribution applicables. »

[76] Selon la SRC, la réponse à cette question dépendait de l'interprétation de l'accord-cadre sur la radio. La SRC est d'avis que si l'on acceptait les prétentions du plaignant au sujet de la portée du droit exclusif de négociation de la WGC, la nature de la relation entre les associations d'artistes et les producteurs dans le cadre de la Loi s'en trouverait modifiée. D'après la SRC, cette interprétation porterait atteinte fondamentalement au caractère exclusif du droit conféré à la WGC par le Tribunal et requis par la Loi, auquel la SRC s'en remet depuis le début.

[77] Le plaignant et la WGC ont fait des soumissions extensives au Tribunal sur la question des droits d'auteur et de la façon dont cette question est traitée dans les accords-cadres négociés entre la WGC et la SRC. Le Tribunal a pris connaissance attentivement de toutes ces observations.

[78] Le rapport entre la Loi sur le droit d'auteur et la Loi sur le statut de l'artiste a fait l'objet d'un grand intérêt depuis l'entrée en vigueur de la Loi en 1995. Le Tribunal a d'ailleurs eu l'occasion de se pencher sur cette question et d'énoncer ses observations à ce sujet dans des décisions antérieures. Ces deux lois sont toujours considérées dans un esprit de complémentarité. Le Tribunal, unanimement, est d'accord avec la façon dont cette relation est décrite dans l'affaire The Writers Union of Canada, 1998 TCRPAP 028 :

[57] Le Tribunal est d'avis que l'objectif visé avec la Loi sur le statut de l'artiste était de compléter le régime prévu dans la Loi sur le droit d'auteur. Elle le fait en offrant aux artistes un mécanisme d'indemnisation additionnel pour l'utilisation de leurs oeuvres, favorisant ainsi leur liberté de choix quant à la manière d'exploiter le fruit de leur talent créatif.

[58] La Loi doit recevoir une interprétation permettant de réaliser l'objectif visé par le législateur d'améliorer la situation socio-économique des artistes au Canada. La Loi confère aux associations d'artistes accréditées le mandat d'oeuvrer au bien-être socio-économique des artistes. Par conséquent, toute exclusion du régime de négociation collective que le législateur a prévu pour les artistes indépendants devrait être clairement stipulée dans la Loi. Or, le législateur n'a pas expressément exclu de la portée des négociations collectives les questions se rapportant au droit d'auteur. De fait, la Loi ne renferme aucune restriction expresse quant au droit d'une association d'artistes de négocier avec les producteurs toute question touchant au bien-être socio-économique de ses membres. Cela est conforme aux principes généraux du droit du travail canadien, en vertu desquels il a été statué que l'obligation de négocier englobait toute question que les parties consentent à inclure dans leur convention collective.

[79] Le droit d'utiliser une oeuvre existante constitue un service que l'artiste détenant le droit d'auteur sur cette oeuvre peut fournir à un producteur, et défendre les intérêts des artistes au regard de ce droit économique fondamental constitue une activité appropriée pour une association d'artistes [1998 TCRPAP 028, par. 61].

[80] En l'espèce, il est précisé dans l'accord-cadre que l'auteur conserve le droit d'auteur (article A5 de l'accord de 1988-1991 [reconduit jusqu'en 1998] et article C3 de l'accord de 1998-2000). L'accord-cadre prévoit le mécanisme par lequel la SRC acquiert une licence pour certains usages de l'oeuvre moyennant paiement des droits prescrits, y compris le droit de distribuer l'oeuvre à des tiers.

[81] Dans l'accord-cadre de 1988-1991, l'article A1601 prévoit que, moyennant paiement des droits fixés dans l'accord, au minimum, la SRC peut diffuser une émission sur ses propres ondes pendant trois ans. L'accord prévoit aussi dans quelles conditions ces droits peuvent être renouvelés et comment la SRC peut acquérir de nouveaux droits, y compris les droits de vente commerciale et d'utilisation sans radiodiffusion.

[82] Le Tribunal estime qu'en l'espèce, le litige ayant trait à l'acquisition et à la distribution des droits relève de l'accord-cadre.

[83] En conséquence, le Tribunal juge que l'affaire était visée par l'accord-cadre et que la WGC était l'agent négociateur exclusif en cas de grief lié à l'accord-cadre.

Devoir de juste représentation

[84] Le devoir de juste représentation fait partie intégrante du droit canadien du travail. Il existe pour contrebalancer le droit exclusif de négocier dont jouit un syndicat pour la négociation et l'administration des ententes collectives et le pouvoir dont il jouit en représentant ses membres en tant qu'une seule entité auprès de l'employeur. De même, le droit exclusif de négocier les droits collectifs qui est conféré par la Loi à une association d'artistes comporte effectivement en contrepartie le devoir, prévu à l'article 35 de la Loi, de représenter tous les membres du secteur de façon juste et raisonnable.

[85] Le devoir de juste représentation est énoncé dans la plupart des lois canadiennes encadrant les relations du travail et fait l'objet depuis longtemps d'une interprétation cohérente par les tribunaux et les conseils et commissions des relations du travail. L'article 35 de la Loi est modelée sur l'article 37 du Code canadien du travail (L.R.C. 1985, ch. L-2) (« le Code »). Les cinq principes régissant le devoir de juste représentation découlant de l'article 37 du Code ont été énoncés par la Cour suprême du Canada dans l'affaire Guilde de la marine marchande du Canada, [1984] 1 R.C.S. 509, à la page 527 :

(1) Parce que le syndicat a un statut d'agent négociateur exclusif de l'unité de négociation, tous ses membres ont droit à une représentation juste et raisonnable.
(2) L'employé n'a pas le droit absolu à l'arbitrage et le syndicat exerce une grande discrétion à cet égard.
(3) Après avoir mené une enquête exhaustive et examiné l'impact du grief sur l'employé en tenant compte de ses propres intérêts légitimes, le syndicat doit exercer sa discrétion de bonne foi.
(4) La décision du syndicat ne doit pas être arbitraire, capricieuse, discriminatoire ou injustifiée.
(5) La représentation du syndicat doit être authentique et menée avec intégrité et compétence, sans négligence sérieuse ni hostilité envers l'employé.

[86] Le Tribunal a déjà déclaré, dans l'affaire Christopher, 2002 TCRPAP 038, que les mêmes principes s'appliquaient aux associations d'artistes dans le secteur pour lequel l'association a reçu son accréditation.

[87] Dans une plainte déposée en vertu de l'article 35 de la Loi, le Tribunal a pour rôle de se pencher sur le processus décisionnel de l'association, et non sur le bien-fondé du grief. Il s'agit de voir de quelle manière l'association a exercé son pouvoir interne de décision relativement aux préoccupations du plaignant.

[88] Cette position a été clairement exprimée par le Conseil dans l'affaire McRae Jackson (Virginia) et autres, [2004] CCRI n° 31, aux par. 11 et 12 (ci-après « McRaeJackson ») :

Il n'examine pas en appel la décision du syndicat de ne pas porter un grief à l'arbitrage, mais évalue plutôt sa manière de traiter le grief (voir John Presseault, [2001] CCRI n° 138; et Robert Adams, [2000] CCRI n° 95; et 73 CLRBR (2d) 132, confirmée dans Canadian Council of Railway Operating Unions c. Robert Adams et autres, jugement prononcé à l'audience, dossier n° A-719-00, 13 février 2002 (C.A.F.)) Bref, le Conseil se prononce sur le processus décisionnel du syndicat et non sur le bien-fondé du grief du plaignant (voir Gaétan Coulombe, [1999] CCRI n° 25).

Cela dit, même si le Conseil ne se prononce pas sur le bien-fondé du grief de l'employé, il peut analyser les faits pour déterminer si l'enquête menée par le syndicat reflétait la valeur et le sérieux de son cas (voir Raynald Pinel, [1999] CCRI n° 19; et Robert Adams, précitée).

[89] Il est clair que le rôle du Tribunal n'est pas de revoir le résultat du grief, ni de substituer son jugement à celui de l'association. Tel qu'exprimé ci-haut, le Tribunal peut toutefois analyser les faits du grief pour déterminer si l'enquête menée par l'association d'artistes reflétait adéquatement « la valeur et le sérieux » du grief.

[90] Le Conseil a également traité de la structure de l'évaluation du comportement du syndicat qu'il fera dans le cadre d'une plainte en vertu de l'article 37 du Code dans André Cloutier (1981), 40 di 222; [1981] 2 Can LRBR 335; et 81 CLLC 16, 0108 (CCRT nº 319).

....Il importe donc, et c'est ce que ce Conseil a commencé à faire, qu'avant de conclure à une violation des dispositions de l'article 136.1 du Code [maintenant l'article 37 du Code], il faille, dans chaque dossier, analyser premièrement la nature de la plainte logée; deuxièmement, la nature de l'agent négociateur et troisièmement, la démarche de cet agent négociateur dans l'administration de son devoir vis-à-vis le membre plaignant de l'unité de négociation.

[91] Dans Brenda Haley (1981), 41 di 311; [1981] 2 Can LRBR 121; et 81 CLLC 16,096 (CCRT nº 304), une décision des membres du Conseil réunis en séance plénière, le Conseil a revisé les décisions qu'il avait rendues antérieurement et a constaté qu'il avait souscrit implicitement à la notion que le devoir est plus strict sur le plan de l'arbitrage des griefs quand il s'agit pour l'intéressé d'une question cruciale concernant son emploi. Le Conseil a poursuivi en notant :

Il [le Conseil] n'a pas tenté de dresser une liste exhaustive desdites questions cruciales mais a cité comme exemples les congédiements, les mesures disciplinaires, l'ancienneté. Ce principe est un bon moyen de déterminer si l'équilibre entre les intérêts du particulier et du syndicat ou du régime de négociation collective, penchera dans un sens ou dans l'autre. Les droits des individus seront mieux reconnus quand il s'agit de questions cruciales concernant l'emploi, qui peuvent varier d'un secteur d'activité à l'autre ou d'un employeur à l'autre. Inversement dans les cas de questions accessoires à l'emploi, la conduite du syndicat ne recevra pas la même attention et les procédures administratives du Conseil deviendront alors moins urgentes ou importantes. Dans plusieurs de ces cas, il n'y aurait peut-être pas lieu de tenir une audition coûteuse. Citons comme exemples les cas où un surveillant a été appelé à exécuter les fonctions des membres de l'unité de négociation, ou encore dans un conflit salarial isolé attribuable à un ou plusieurs incidents, ou même les cas de mesures disciplinaires mineures comme une réprimande verbale. [soulignement ajouté]

[92] Dans une décision plus récente, Robert Adams, [2000] CIRB nº 95; et 73 CLRBR (2d) 132, le Conseil a réitéré les trois éléments du comportement du syndicat à évaluer au paragraphe 52:

Dans un premier temps, le Conseil reconnaît qu'un grief qui touche à la carrière d'un travailleur devra nécessairement être traité avec plus de rigueur, tant par le syndicat que par le Conseil. Deuxièmement, la décision du Conseil sur la démarche raisonnable du syndicat sera calibrée par les moyens et l'expérience du syndicat. Troisièmement, le Conseil se penchera sur les pratiques, politiques et critères appliqués par le syndicat pour résoudre l'affaire en question ...

La mauvaise foi

[93] La question que doit trancher le Tribunal est de savoir si la WGC a manqué à son devoir de juste représentation dans le traitement de la plainte. C'est au plaignant qu'il incombe de démontrer que la WGC a agi de mauvaise foi et de manière arbitraire.

[94] Est considéré comme de mauvaise foi un acte inspiré par la mauvaise volonté ou l'hostilité, ou le fait de traiter une personne injustement à la différence des autres personnes (Walter Prinesdomu, [1975] OLRB Rep. May 444, par. 24).

[95] Un syndicat ne doit pas agir de mauvaise foi, c'est-à-dire dans un but injustifié. Constituent entre autres des actes de mauvaise foi le fait, pour un dirigeant du syndicat, de se laisser influencer par ses sentiments personnels dans la décision de déposer un grief ou non, le fait de comploter avec l'employeur pour faire subir des mesures de discipline ou faire congédier un employé, ou encore celui de faire passer les ambitions d'un groupe d'employés qui appuient un dirigeant du syndicat avant l'intérêt d'un employé particulier (McRaeJackson, précitée, par. 27).

[96] Le plaignant n'a pas montré que la WGC avait agi de manière hostile à son égard, ni qu'elle l'avait traité injustement à la différence d'autres personnes. Absolument rien ne laisse croire que la WGC ait agi avec le plaignant d'une manière différente de ce qu'elle a fait avec les autres. Bien que les parties ne soient pas d'accord sur la façon dont l'affaire aurait dû être traitée, rien dans la preuve ne laisse croire au Tribunal que la WGC a agi de mauvaise foi.

La conduite arbitraire

[97] La notion d'arbitraire a fait l'objet d'un grand nombre d'analyses juridiques. Selon la définition donnée par le Conseil dans l'affaire McRaeJackson, précitée, au par. 29, constitue un acte arbitraire le fait d'agir sans être capable d'expliquer ce qu'on a fait de façon objective ou raisonnable, en croyant aveuglément les arguments de l'employeur ou en ne déterminant pas si les questions soulevées par ses membres sont fondées en fait ou en droit.

[98] Dans l'arrêt James H. Rousseau (1995), 98 di 80; et 95 CLLC 224-064 (CCRT nº1127) le Conseil a défini une conduite arbitraire comme :

[...] le défaut de se pencher sur le bien-fondé d'une affaire; le défaut d'examiner la preuve disponible ou d'agir dans le sens où l'exige cette preuve; ou encore, comme le défaut de procéder à une enquête sérieuse afin d'obtenir les renseignements nécessaires pour justifier sa décision. Il s'agit également d'une conduite consistant à agir en se fondant sur des facteurs ou des principes non pertinents ou à afficher une attitude indifférente et expéditive. Insouciante, superficielle, peu plausible, flagrante, irréfléchie, peu attentionnée ou sommaire sont autant d'adjectifs qui ont été utilisés pour définir une conduite arbitraire. Il est important de noter que pour qu'un geste soit considéré comme arbitraire, il n'est pas nécessairement délibéré. [soulignement ajouté]

[99] Le Conseil a établi que l'existence d'une différence d'opinion entre un membre d'une unité de négociation et son syndicat concernant le sens précis d'un article d'une convention collective ne suffit pas pour conclure à un manquement au devoir de juste représentation (Van Uden (Re) [1998] CCRT n° 1223). En outre, il a été établi qu'un représentant syndical peut faire des erreurs de bonne foi. Le fait qu'il y ait eu négligence dans le traitement d'un grief ou d'une plainte ne signifie pas automatiquement qu'il y ait eu conduite arbitraire. Dans certains cas, une action superficielle ou l'inaction d'un représentant constitue plus que de la simple négligence et, en fait, équivaut à une absence de représentation.

[100] La question de la communication entre un syndicat et un plaignant a également fait l'objet de plusieurs commentaires dans le contexte de plaintes pour manquement au devoir de juste représentation. Le Conseil a retenu que la piètre qualité des communications entre le syndicat et le plaignant ne constituait pas en soi un manquement au devoir de juste représentation. (Luc Gagnon (1992) 88 di 52 (CCRT nº 939))

[101] Toutefois, le Conseil n'a pas écarté la possibilité qu'un manque de communication ne puisse pas donner lieu à une violation du devoir de juste représentation, particulièrement si le résultat du manque de communication porte préjudice à la position du plaignant ou si liée à d'autres facteurs, la conduite du syndicat équivaut à une conduite arbitraire.

[102] Dans Jacqueline Brideau (1986), 63 di 215; 12 CLRBR (NS) 245; et 86 CLLC 16,012 (CCRT nº 550), le Conseil a souligné que :

Bien que le manque de communication entre le syndicat et Mme Brideau, en l'espèce, n'ait pas abouti à une violation de l'article 136.1, cela ne veut pas dire que le Conseil écarte définitivement la possibilité de considérer la communication comme un élément donnant lieu à la violation de l'article 136.1.

Le syndicat qui s'occupe d'un grief et négocie avec l'employeur est tenu de connaître avec certitude, en consultant toutes les sources nécessaires, les faits donnant lieu au grief. Ces faits peuvent être appris du plaignant ou d'autres personnes informées de l'incident (comme l'était M. Dolci dans la présente affaire) ou être puisés dans les preuves documentaires.

Le plaignant peut être la meilleure source de renseignement, étant entendu qu'il est généralement prudent de communiquer avec le plaignant pour examiner les faits et circonstances du grief, mais la consultation du plaignant n'est pas obligatoire, si le syndicat a puisé dans d'autres sources tous les renseignements nécessaires et que le plaignant ne peut apporter aucune aide supplémentaire.

[...]
Ainsi, la communication avec le plaignant n'est pas obligatoire, mais si le manque de communication crée une situation qui porte préjudice à la position du plaignant, il peut donner lieu à une violation de l'article 136.1.

[103] Dans Luc Gagnon, précitée, le Conseil a déterminé :

En effet, si le Conseil a conclu de façon générale qu'une mauvaise communication entre un syndicat et un employé ne constituait pas une violation de l'article 37, c'est d'abord parce qu'il avait jugé - à raison - que dans ces cas la conduite du syndicat eu égard au traitement du grief proprement dit satisfaisait néanmoins aux exigences minimales du Code.

En définitive, il se dégage de la jurisprudence du Conseil que si un manque de communication « ne constitue pas en soi un manquement au devoir de représentation juste » (Clarence R. Young (1989), 78 di 117 (CCRT no 753), page 121), il s'agit néanmoins d'un élément que le Conseil se doit souvent de considérer pour évaluer avec justesse la conduite d'un syndicat.

[104] Dans Serge Gervais (1983), 53 di 104 (CCRT nº 418), le Conseil a déclaré qu'un syndicat doit prendre grand soin de s'assurer que la personne en question a été informée de sa décision afin qu'elle puisse explorer toute les voies de recours si elle le désire.

Il n'y a pas de doute que dans une affaire aussi importante pour une personne, il faut avoir grand soin que la personne en question a été informée de la décision du syndicat et de ses répercussions afin qu'elle puisse explorer toutes les voies de recours si elle le désire. Il ne faut rien laisser au hasard, mais établir une manière de procéder (s'il n'en existe pas une déjà) et procéder de cette façon pour s'assurer que le plaignant connaît la position du syndicat à l'égard du grief qu'il a déposé.

[105] Plus récemment, dans Robert Adams, précitée, après avoir fait un survol de sa jurisprudence, dont Jacqueline Brideau et Luc Gagnon ,précitées, ainsi que Ronald Shanks (1996), 100 di 59 (CCRT nº 1157), le Conseil a conclu au paragraphe 53 que :

De cette jurisprudence se dégage le principe que même si un manque de communication ne mène pas inéluctablement à une violation, la conduite du syndicat sur ce point précis doit être évaluée dans chaque cas.

Analyse de la conduite de la WGC

[106] Le degré de rigueur de l'examen qui sera effectué par le Tribunal variera en fonction de l'importance de la question et du niveau d'organisation de l'association ainsi que de son expérience et des ressources dont elle dispose pour régler ces questions. Par conséquent, l'évaluation du processus décisionnel de l'association par le Tribunal dépend du contexte. Une fois cette toile de fond établie, c'est par rapport à elle que les actes de l'association d'artistes seront examinés.

[107] Les plaintes traitant de questions liées au congédiement et à l'ancienneté sont des exemples typiques de cas où les processus décisionnels des syndicats ont été examinés de façon plus rigoureuse par le Conseil. Dans l'affaire Radenko Bukvich, précitée, le degré d'importance à accorder aux droits d'ancienneté dans le régime de la négociation collective est décrit au paragraphe 28.

[TRADUCTION]
La jurisprudence prépondérante appuie l'opinion formulée par l'avocat au nom des plaignants qu'il faut accorder une attention spéciale à toute décision d'un syndicat de modifier ou de supprimer la sécurité d'emploi des employés. C'est surtout vrai en ce qui concerne les droits d'ancienneté. Les droits d'ancienneté, obtenus au cours des ans, habituellement pendant la période d'application d'un certain nombre de conventions collectives successives, sont ce qu'il y a de plus important pour l'employé dans le cadre de questions cruciales comme la promotion, les droits liés à la retraite et ceux liés à la mise à pied et au rappel. Le concept d'ancienneté est ce qui se rapproche le plus d'une sorte de droit de propriété en relations industrielles pour l'employé pris individuellement et le fait que les commissions du travail en tiennent compte dans les plaintes sur la juste représentation est particulièrement révélateur. [soulignement ajouté]

[108] Dans le milieu unique syndical-culturel de la Loi sur le statut de l'artiste, tout conflit sur l'accord-cadre comprenant des questions sur le droit d'auteur est considéré comme étant d'une importance primordiale par les parties à cet accord. De fait, un parallèle peut être établi entre ce genre de questions et celles qui concernent l'ancienneté dans les conventions collectives assujetties à un régime de travail fédéral ou provincial. Comme il est déclaré dans Brenda Haley, précitée, « les droits des individus seront mieux reconnus quand il s'agit de questions cruciales concernant l'emploi qui peuvent varier d'un secteur d'activité à l'autre ou d'un employeur à l'autre ». Dans le milieu culturel, une question traitant du droit d'auteur relevant de l'accord-cadre est, selon nous, pour utiliser les termes de la décision Brenda Haley, précitée, « une question cruciale concernant l'emploi ».

[109] Le Tribunal examinera l'expérience et les ressources de l'association en l'espèce. Dans la décision John Presseault, [2001] CCRI no 138, au paragraphe 35, le Conseil a conclu ce qui suit :

La décision du Conseil d'intervenir ou non sera fonction du niveau d'organisation du syndicat, de ses ressources et des compétences dont il dispose. Le Conseil aura des exigences plus élevées envers un syndicat qui a les moyens de faire appel à des représentants expérimentés et compétents et d'obtenir des avis juridiques indépendants.

[110] La WGC et la SRC se livrent à la négociation collective depuis les années 1960. Dans sa réponse à la plainte qui nous occupe, la WGC a déclaré ceci :

[TRADUCTION]
La SRC et la WGC (et ses prédécesseurs depuis l'ACTRA) ont depuis le début des années 60 une relation de négociation collective qui a donné lieu aux accords-cadres en vigueur pendant toute la période pertinente.

La WGC donne ensuite la liste des conventions collectives applicables pendant la période visée par la plainte, soit depuis 1980.

[111] Dans sa demande d'accréditation en vertu de la Loi, la WGC a donné de plus amples renseignements sur l'historique de ses relations professionnelles. Dans Writers Guild of Canada, 1996 TCRPAP 016, ces relations ont été ainsi décrites :

[35] La requérante indique que l'histoire de la WGC commence dans les années 1950 lorsqu'un groupe d'artistes constitué d'écrivains de la radio, de la télévision, du cinéma et du vidéo se sont groupés pour former le Conseil canadien des auteurs et artistes (CCAA) qui a précédé l'Alliance of Canadian Cinema, Television and Radio Artists (ACTRA). La WGC a signé sa première convention collective en 1961 et, malgré de nombreux changements de noms, elle est demeurée active jusqu'à aujourd'hui. En 1991, la Writers Guild of Canada a été établie à titre de guilde autonome au sein de l'ACTRA. En 1995, la WGC est devenue une organisation indépendante distincte de l'ACTRA de par son acte constitutif. Au nom de ses membres, la WGC s'occupe des relations de travail, de la négociation collective et de questions stratégiques. Le nombre d'accords-cadres déposés auprès du Tribunal atteste de la capacité de la WGC à négocier au nom de ses membres.

[36]  Depuis 1961, lorsqu'elle a signé sa première convention collective, il y a eu des relations professionnelles régulières entre la WGC ou les organisations qui l'ont précédé et les producteurs de la radio, de la télévision, du cinéma et du vidéo. Au nom de ses membres, la WGC a conclu avec les producteurs des accords-cadres qui garantissent des taux de rémunération et de bonnes conditions de travail. La WGC a exercé des pressions dans le domaine du droit d'auteur ainsi que sur les questions liées à l'impôt et des questions stratégiques lorsqu'il y avait des problèmes. Le répertoire des membres de la WGC révèlent la gamme étendue des activités d'écriture de ses membres et témoigne des nombreuses façons dont les auteurs se présentent eux-mêmes en tant qu'auteurs selon les différents médias et genres d'écriture.

[112] Il est évident d'après ce qui précède que la WGC est une association d'artistes bien établie et expérimentée dont l'historique de la négociation collective avec la SRC s'étend sur quelque 40 ans.

[113] Étant donné que la WGC est une association d'artistes bien établie et expérimentée et que le Tribunal a déterminé que la question en litige qui traite d'une question reliée au droit d'auteur est une « question cruciale pour l'emploi », le Tribunal effectuera un examen plus rigoureux de la conduite de l'association d'artistes.

[114] La preuve montre que la WGC a demandé de l'information à la SRC sur la nature exacte de la vente à XM Radio. Elle montre également que, comme elle n'a pas reçu cette information, la WGC a déposé un grief conformément à la disposition figurant dans l'accord-cadre. L'avocate du plaignant a indiqué que malgré son désaccord avec la position de la WGC, le plaignant était prêt à attendre le résultat de la procédure de règlement des griefs et de l'arbitrage qui suivrait éventuellement.

[115] Le plaignant a allégué que la WGC a conclu une entente sans tenir compte de ses intérêts, n'a pas demandé de copies de ses contrats, n'a pas enquêté sur les circonstances de la vente et n'a pas déterminé si les questions qu'il avait soulevées avaient un fondement juridique. Il a aussi allégué que la WGC ne l'avait pas tenu au courant des progrès de la négociation et ne lui avait pas demandé son consentement avant d'accepter le règlement. Il a en outre soutenu qu'il n'y a pas eu d'entente signée entre la WGC et la SRC, pour donner des éclaircissements sur le règlement. De plus, dès le début de la correspondance entre les parties, il était évident que le plaignant était préoccupé par la question de la préservation de son droit de soumettre une réclamation directement contre le producteur sans utiliser la procédure précisée dans l'accord-cadre.

[116] En mars 2004, par l'intermédiaire de son avocate, le plaignant a fait une demande, formulée clairement, pour obtenir des renseignements concernant la vente de ses oeuvres et pour être tenu informé des progrès de la négociation. Ces demandes ont été répétées en juillet 2004, soit quatre mois après. À ces deux reprises l'avocate du plaignant a communiqué de nouveau à la WGC le désir de conserver la possibilité de prendre des mesures hors de la procédure de règlement des griefs.

[117] Malgré les demandes répétées du plaignant pour obtenir de l'information sur la vente de ses oeuvres et pour qu'on le tienne au courant de l'état des négociations, ce n'est qu'après avoir reçu un chèque de règlement en septembre 2004 qu'il a appris qu'il y avait un règlement final.

[118] Dans la lettre envoyée à la SRC et à la WGC, l'avocate du plaignant a exprimé la surprise et la frustration du plaignant du fait qu'il a été incapable d'obtenir de l'information de l'une ou l'autre sur la vente constituant le fondement du grief et a demandé une copie de l'entente de règlement écrite selon ce qui est prévu dans l'accord-cadre de 1998-2000 paragraphes A 603 et A 605 qui sont ainsi rédigés :

[TRADUCTION]
A 603 - Si le règlement comporte le paiement d'une somme ou une mesure de redressement, l'ordre de procéder au paiement ou à la mesure de redressement doit être donné aussitôt que le procès-verbal consignant le grief et le règlement est signé.

A 605 - Les parties ont le droit de régler le grief à la réunion du comité des griefs. Le cas échéant, le règlement est consigné par écrit et signé par les personnes présentes à la réunion, dont chacune reçoit une copie. Le règlement est exécutoire et définitif.

[119] La WGC a informé l'avocate du plaignant qu'il n'y avait pas eu d'entente signée adoptée officiellement, mais que la question avait été réglée au moyen de l'échange de courriels. Dans une lettre datée du 4 octobre 2004, la WGC lui a fourni la teneur du règlement et lui a indiqué que l'information (rapports sur les redevances) fournie par la SRC au plaignant renfermait les renseignements pertinents au sujet de la vente.

[120] Ce n'est donc qu'une fois le règlement du grief conclu et après avoir reçu son chèque que le plaignant a finalement reçu l'information au sujet de la vente reliée à ses oeuvres.

[121] Le Tribunal doit finalement déterminer si le plaignant a prouvé que les actes de la WGC, ou plus précisément le défaut de celle-ci de répondre à ses nombreuses demandes d'information sur l'état des négociations et la teneur de l'entente, étaient de telle nature qu'ils peuvent être qualifiés d'arbitraire.

[122] Il n'est pas contesté et il est bien appuyé par la preuve que les parties ont échangé des messages concernant leurs interprétations différentes et contradictoires de l'application de l'accord-cadre. Cependant, l'existence d'une différence d'opinion entre un membre d'une unité de négociation et son syndicat concernant le sens précis d'un article d'une convention collective ne suffit pas pour conclure à un manquement au devoir de juste représentation. (Van Uden (Re) (1998), 106 di 89 (CCRT no 1223))

[123] La conduite d'une association d'artistes peut être appropriée dans un contexte mais s'avérer inappropriée dans un autre. En l'espèce, l'association faisait face à une demande de la part d'un de ses membres inquiet qui a eu recours aux services d'une avocate pour l'aider à communiquer ses préoccupations. Par l'entremise de son avocate, il a voulu obtenir de l'information concernant la vente de ses oeuvres, être tenu au courant de la procédure de règlement du grief au fur et à mesure qu'elle se déroulait et prendre connaissance des détails du règlement une fois l'affaire terminée. Il a communiqué clairement ses intérêts à conserver la possibilité de prendre des mesures hors de la procédure de règlement des griefs

[124] Le Tribunal a pris en considération toute la preuve et les plaidoiries qui lui ont été présentées par les parties. Une allégation de manquement du devoir de juste représentation reliée à un manque de communication doit être mise en contexte et examiné avec soin. Le Tribunal est d'avis que l'importance de la question soulevée dans le grief est un aspect critique dont il doit tenir compte dans son analyse. Les questions de droit d'auteur sont souvent au coeur des relations professionnelles entre les artistes et les producteurs et doivent être traitées avec diligence par les associations d'artistes lorsqu'elles ont soulevées.

[125] Bien qu'il y ait eu des communications relativement régulières entre les parties, le fait que l'avocate du plaignant a dû répéter les mêmes demandes dans un intervalle de six mois prouve que les communications en question n'ont d'une façon ou d'une autre jamais répondu aux demandes du plaignant, soit en lui donnant l'information ou une partie de l'information demandée ou même en indiquant pourquoi cette information ne serait pas fournie. La WGC doit donc assumer la responsabilité pour avoir omis de répondre aux demandes légitimes du plaignant concernant la vente de ses oeuvres en temps opportun. Fournir l'information demandée par le plaignant après coup ne correspond pas à la norme de conduite attendue d'une association d'artistes d'expérience dans de telles circonstances.

[126] Les préoccupations légitimes d'un membre de l'association inquiet sur une question qui avait une importance considérable et qui a été soulevée de la manière appropriée auprès d'une association ayant une expérience considérable de la négociation collective méritait une plus grande attention que celle qui lui a été accordée. L'importance de la question visée par le grief, l'expérience de l'association d'artistes, l'absence de réponse à des questions répétées et clairement formulées transmises par l'avocate du plaignant, nous amène à conclure qu'en ne fournissant pas l'information demandée par le plaignant sur les détails de la vente, aussi involontaire cette omission fût-elle de la part de la WGC, équivaut à notre avis à une conduite arbitraire.

Décision

[127] Pour les motifs qui précèdent, le Tribunal accueille la plainte et, par les présentes, déclare que la WGC a manqué à son devoir de juste représentation en agissant de manière arbitraire.

[128] Le Tribunal conclut que les mesures de redressement demandées par le plaignant ne correspondent pas à ce qui devrait être obtenu en cas de violation de l'article 35. En considération de ce qui vient d'être exposé, le Tribunal juge que la mesure de redressement déclaratoire énoncée ci-haut est suffisante pour trancher la question.

Requête présentée en vertu du paragraphe 33(5) de la Loi

[129] Le plaignant a présenté une requête en vertu du paragraphe 33(5) de la Loi. Ce paragraphe doit être lu avec le paragraphe 33(4). Ils sont ainsi libellé :

33.(4) L'accord-cadre l'emporte sur les stipulations incompatibles de tout contrat individuel entre un artiste et un producteur, mais n'a pas pour effet de porter atteinte aux droits ou avantages plus favorables acquis par un artiste sous leur régime.

33.(5) Chaque droit ou avantage devant être considéré séparément, l'appréciation par le Tribunal de la nature plus favorable de celui-ci se fait disposition par disposition et au cas par cas.

Analyse

[130] Le plaignant est un auteur qui a conclu avec la SRC un contrat visant la création de plusieurs scénarios. Les scénarios en cause ici font l'objet de contrats qui ont été signés entre octobre 1981 et septembre 1993.

[131] Chaque contrat signé entre le plaignant et la SRC accordait à celle-ci le droit de diffuser l'émission issue du scénario une fois sur les ondes de chacune de ses stations de radio AM ou FM affiliées au Canada sur une période de trois ans. Toute autre utilisation des émissions en question devait être conforme aux conditions stipulées dans l'accord sur la radio conclu entre la WGC et la SRC et donner lieu au versement des droits applicables à l'intention de l'auteur. Dans le contrat du 8 février 1984, l'octroi de droits faisait référence spécifiquement aux articles A1601a), b) et c), A19 et 20. Dans les contrats signés de 1991 à 1993, les articles A21 et A22 étaient ajoutés à cette liste.

[132] Chacun des contrats soumis par le plaignant contient la disposition suivante:

[TRADUCTION]
Les tarifs et les conditions convenus par contrat entre la SRC et ACTRA sont des minimums, et que l'auteur ou le contractant peut négocier des conditions plus avantageuses relativement, notamment, aux tarifs, aux droits de suite et aux autres conditions propres à un mandat donné.

Décision

[133] En considération de ce qui vient d'être exposé, le Tribunal constate que les contrats ne traitaient nulle part du renouvellement des droits, ni des nouvelles utilisations des oeuvres. Le Tribunal en conclut qu'il n'y avait dans les contrats soumis aucune clause portant sur les nouvelles utilisations des oeuvres par la SRC qui auraient été plus avantageuses que celles qui sont énoncées dans l'accord-cadre.



Ottawa, le 23 janvier 2006
 
 
« John M. Moreau »
Président de la séance
« Marie Senécal-Tremblay »
Membre
 
« John Van Burek »
Membre
 

Création : 2006-03-10
Révision : 2006-07-12
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