Tribunal canadien des 
relations professionnelles artistes-producteurs / Canadian Artists and Producers Professional Relations Tribunal
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Décision no 031

Décisions du Tribunal

Ottawa, le 13 décembre 2000 Dossier no 1310-00-001

DANS L'AFFAIRE DE LA DEMANDE D'ACCRÉDITATION PRÉSENTÉE PAR LA GUILDE CANADIENNE DES MÉDIAS (GCM) POUR LE COMPTE DE LA PROFESSIONAL ASSOCIATION OF CANADIAN TALENT (PACT)

Décision du Tribunal canadien des relations professionnelles artistes-producteurs

La demande d'accréditation est rejetée.

Lieu de l'audience : Toronto (Ontario)

Dates de l'audience : 26 et 27 septembre 2000
8 et 9 novembre 2000

Quorum : M. David P. Silcox, président
  M. Curtis Barlow, membre
  Mme Moka Case, membre

Ont comparu : Mme Patricia D'Heureux, avocate de la PACT/GCM
  M. Keith Maskell, agent administratif, GCM
  M. Paul Falzone, avocat de l'ACTRA
  M. Robin Chetwynd, agent administratif en chef, ACTRA Toronto
  M. Stephen Waddell, directeur exécutif national, ACTRA
  M. Henry Dinsdale, avocat de la SRC
  Robert Thistle, agent principal des relations avec les artistes, SRC.

1310-00-001 : Dans l'affaire de la demande d'accréditation présentée par la Guilde canadienne des médias (GCM) pour le compte de la Professional Association of Canadian Talent (PACT).


CONTEXTE

[1] La présente décision porte sur une objection préliminaire formulée par l'Alliance of Canadian Cinema, Television and Radio Artists (« ACTRA ») à l'égard d'une demande d'accréditation présentée au Tribunal canadien des relations professionnelles artistes-producteurs conformément à l'article 25 de la Loi sur le statut de l'artiste (L.C. 1992, ch. 33, appelée ci-après « la Loi ») par la requérante, la Guilde canadienne des médias pour le compte de la Professional Association of Canadian Talent (« PACT/GCM »). Cette demande d'accréditation a été présentée le 31 mars 2000 et modifiée par une lettre en date du 19 avril 2000.

[2] Dans sa demande modifiée, la PACT/GCM demande l'accréditation pour représenter un secteur composé de :

[TRADUCTION] Tous les entrepreneurs indépendants engagés par un producteur assujetti à la Loi sur le statut de l'artiste à titre de figurants dans le cadre d'une production télévisuelle ou radiophonique réalisée en direct ou enregistrée, ou dans le cadre d'une production cinématographique, qui sont destinées à la diffusion ou à d'autres usages, à l'exception :

  a) des entrepreneurs indépendants engagés comme artistes dans des productions théâtrales, d'opéra, de ballet, de danse, des salons industriels, de spectacles de cabaret ou de concerts réalisés en direct, et qui relèvent de l'accréditation accordée à la Canadian Actors' Equity Association le 25 avril 1996,
  b) des musiciens qui sont du ressort de l'American Federation of Musicians of the United States and Canada (AFM), conformément aux accréditations que lui a délivrées le Tribunal le 16 janvier 1997,
  c) des entrepreneurs indépendants qui sont du ressort de l'Union des artistes, conformément à l'accréditation que le Tribunal canadien des relations professionnelles artistes-producteurs lui a accordée le 29 août 1996, et qu'il a modifiée le 30 décembre 1997.

[3] Dans sa demande, la PACT/GCM indique qu'elle souhaite représenter les artistes qui travaillent comme figurants, principalement dans l'industrie cinématographique et dans celle de la télévision. La requérante affirme que les figurants ne sont pas représentés par aucune autre association d'artistes.

[4] Lorsque le Tribunal reçoit de nouvelles demandes d'accréditation, il les examine pour s'assurer que le secteur que le requérant cherche à représenter n'empiète pas sur un secteur couvert par l'accréditation accordée à une autre association d'artistes. En ce qui concerne les figurants, le 25 juin 1996, le présent Tribunal a accrédité l'ACTRA pour représenter divers artistes, dont les figurants. Cette accréditation a été renouvelée en 1999. Le secteur accordé à l'ACTRA est ainsi décrit :

[...] un secteur qui comprend les entrepreneurs indépendants engagés par un producteur assujetti à la Loi sur le statut de l'artiste pour remplir les fonctions d'acteurs principaux, acteurs, figurants, danseurs, cascadeurs ou de coordonnateurs de cascades, annonceurs, commentateurs, animateurs, présentateurs, narrateurs, panelistes, chanteurs, principaux artistes de variétés, commentateurs sportifs ou marionnettistes dans le cadre d'une émission de télévision ou de radio réalisée en direct ou enregistrée, et destinées à la diffusion ou à d'autres usages, à l'exception :
a) des entrepreneurs indépendants engagés comme artistes dans des productions théâtrales en direct, d'opéra, de ballet, de danse, des salons industriels, des spectacles de cabaret ou des concerts qui relèvent de l'accréditation accordée à la Canadian Actors' Equity Association le 25 avril 1996 et sujet aux ententes réciproques conclues entre l'ACTRA Performers Guild et la CAEA; b) les musiciens qui sont du ressort de l'American Federation of Musicians of the United States and Canada (AFM), conformément à l'accord signé par l'ACTRA Performers Guild et l'AFM le 14 mai 1996; c) les artistes qui sont du ressort de l'Union des Artistes, conformément à l'accord conclu entre l'ACTRA Performers Guild et l'Union des Artistes le 17 mai 1996. [Non souligné dans l'original.]

[5] Compte tenu de la possibilité de chevauchement des compétences en ce qui concerne les figurants, le Tribunal a transmis à l'ACTRA une copie de la demande d'accréditation de la PACT/GCM afin d'obtenir ses commentaires.

[6] Le 20 avril 2000, l'ACTRA a déposé auprès du Tribunal une intervention ainsi qu'un avis de son intention de participer. L'ACTRA s'oppose à la demande de la PACT/GCM, au motif qu'elle représente déjà les figurants et que, par conséquent, la demande est irrecevable en vertu de l'alinéa 25(1)a) de la Loi.

[7] Dans ses observations écrites, l'ACTRA renvoie aux accords-cadres qu'elle a négociés avec plusieurs producteurs relevant de la compétence fédérale, notamment la Société Radio-Canada (« SRC »). Ces accords prévoient que l'ACTRA est l'agent négociateur exclusif pour tous les artistes-interprètes, dont les figurants. En général, les accords-cadres conclus comprennent des dispositions précises qui s'appliquent aux figurants.

[8] L'ACTRA conteste également la demande au motif que les règlements de la PACT/GCM ne respecteraient pas l'article 23 de la Loi.

[9] Le 1er mai 2000, la PACT/GCM a répondu à l'objection formulée par l'ACTRA. La PACT/GCM soutient que ses membres ne constituent pas le même groupe que les artistes représentés par l'ACTRA, quoique les membres de l'ACTRA peuvent parfois travailler comme figurants. La PACT/GCM ajoute que les figurants ne peuvent devenir membres de l'ACTRA sur la base de leur travail de figuration uniquement et donc qu'ils ne peuvent devenir membres de celle-ci, prendre part au vote ou ratifier les accords-cadres. La PACT/GCM fait valoir que si l'ACTRA a jamais eu le droit de représenter les figurants, elle a renoncé à ce droit.

[10] Dans l'éventualité où le Tribunal accueillerait l'objection de l'ACTRA et déclarait que la demande de la PACT s'inscrit en dehors des délais prescrits ou s'il rejetait entièrement cette demande, la PACT/GCM a demandé au Tribunal l'autorisation de formuler deux autres demandes à titre subsidiaire :

  a) La PACT/GCM demande au Tribunal d'exercer les pouvoirs que lui confère l'article 20 de la Loi et de réexaminer sa décision d'accorder à l'ACTRA l'accréditation lui permettant de représenter les figurants;

  b) La PACT/GCM demande au Tribunal de réexaminer, également conformément à l'article 20 de la Loi, la définition du secteur accordé.

[11] Le Tribunal a décidé de tenir une audience publique et d'entendre des témoins sur les questions soulevées dans l'objection préliminaire présentée par l'ACTRA et dans la réplique de la PACT/GCM, notamment sur les questions suivantes :

  a) L'applicabilité des accords-cadres aux figurants qui ne sont pas membres de l'ACTRA;

  b) Les conséquences, pour les figurants, des conditions d'adhésion de l'ACTRA;

  c) La représentation que l'ACTRA assure aux figurants qui n'en sont pas membres.

L'AUDITION DES TÉMOINS

[12] Une audience a été tenue les 26 et 27 septembre et les 8 et 9 novembre 2000 à Toronto.

[13] Six personnes ont témoigné pour l'ACTRA : Robin Chetwynd, agent administratif en chef, du bureau de Toronto de l'ACTRA; Eda Zimler, une représentante syndicale du bureau de Toronto de l'ACTRA; Richard Hardacre, un artiste et membre du conseil national et du conseil de Toronto de l'ACTRA; Cara Martin, la directrice nationale de l'Association canadienne de production de film et de télévision (« ACPFT ») (par assignation à comparaître); Robert Thistle, un consultant principal en relations du travail à la SRC (par assignation à comparaître) et Stephen Waddell, directeur exécutif national de l'ACTRA.

[14] Le bureau de Toronto de l'ACTRA administre entre huit et dix accords-cadres environ et compte environ 9 000 professionnels membres. Le plus important accord-cadre est l'Independent Production Agreement (« l'Accord de production indépendante » ou « API »). Parmi les autres accords, on retrouve l'accord commercial et les accords visant la télévision et la radio de la SRC. Le travail effectué dans le cadre de l'API représente environ 70 % des revenus de ses membres. À Toronto, les membres de l'ACTRA gagnent, en moyenne, 7 500 $ par année. Seulement 1 à 1 ½ % de ses membres parvient à tirer un revenu substantiel de cette industrie. L'ACTRA a cherché à prouver que le nombre de ses membres torontois au cours des dernières années avait connu une augmentation importante. Elle a produit le « relevé des membres et des membres stagiaires » d'où il ressort qu'entre 1996 et l'an 2000, le nombre de ses membres est passé de 6 690 à 8 971.

[15] À peu près 1 250 membres de l'ACTRA de Toronto font parfois de la figuration. De ce nombre, 700 à 800 environ travaillent exclusivement comme figurants. Le travail de figuration est effectué principalement dans le cadre de l'API, qui reconnaît quatre sortes de « figurants qualifiés » : les doublures, les doublures photos, les figurants spécialisés et les figurants sans spécialité. L'accord ACTRA-SRC en définit trois sortes : les figurants sans spécialité, les figurants à participation individualisée et les figurants spécialisés. Pour les besoins de la présente décision, il n'est pas nécessaire d'examiner chaque sorte de figurants. Qu'il suffise de dire que les services de simples figurants sont retenus pour donner de l'ambiance à une ou plusieurs scènes. Ces figurants n'ont pas de participation individualisée et n'ont ni à donner la réplique ni à en dire. Pour les besoins de la présente décision, le Tribunal emploiera le terme « figurants » pour désigner tous les types de figurants.

[16] Les témoins de l'ACTRA ont aussi parlé du traitement préférentiel accordé dans l'embauche aux membres de l'ACTRA qui veulent travailler comme figurants. L'API et l'accord-cadre de la SRC prévoient que le producteur, qui a le dernier mot quant à savoir si un candidat convient ou non, doit engager les figurants dans l'ordre de préférence suivant : premièrement, aux membres de l'ACTRA qui conviennent, deuxièmement, aux membres stagiaires de l'ACTRA qui conviennent et finalement, s'il n'y a pas suffisamment de membres et de membres stagiaires de l'ACTRA aptes à s'acquitter de ce travail, aux non-membres qui le sont. Si un non-membre fait partie des 25 premières personnes embauchées comme figurants, il ou elle pourra, en payant un droit de permis de travail quotidien à l'ACTRA (comme l'exige l'accord-cadre), recevoir un « bon » (« voucher ») et aura le droit d'être payé aux taux de l'ACTRA et suivant les autres conditions applicables aux membres de l'ACTRA conformément à l'accord-cadre. La réserve potentielle de bons a été augmentée au cours de la dernière ronde de négociations pour passer de 15 à 25, ce qui accroît les chances des non-membres d'obtenir des bons.

[17] L'API et l'accord de la SRC établissent le taux horaire minimal des figurants représentés par l'ACTRA, les heures minimales de travail et les taux de rémunération minimums pour les heures supplémentaires. Par contre, ni l'API ni l'accord SRC n'établissent de taux minimums ou d'heures minimales de travail pour les figurants non-membres ou ceux qui n'ont pas de bons (c'est-à-dire ceux qui ne sont pas membres de l'ACTRA et qui n'ont pas obtenu de bons pour travailler). Il ressort de la plus grande partie des preuves administrées que ces figurants touchent normalement le salaire minimum provincial ou une rémunération légèrement supérieure. Selon Cara Martin, dans le cadre de l'API, les figurants non-membres ou ceux qui n'ont pas de bons touchent une rémunération qui oscille entre le salaire minimum et 12 $ de l'heure. L'ACTRA a fourni des documents indiquant que certaines productions garantissaient six à huit heures minimales de travail, mais il ne ressort pas des preuves administrées que c'est ce qui se produit dans toutes les productions ou même dans la majorité d'entre elles.

[18] M. Waddell a expliqué, dans son témoignage, comment les artistes professionnels devenaient membres de l'ACTRA. Les extraits pertinents des documents constitutifs et des règlements de l'ACTRA ont été produits. Ils prévoient qu'un artiste doit avoir obtenu six engagements dans un rôle, autre que celui de figurant, pour remplir les conditions requises pour devenir membre de plein droit de l'ACTRA. Les surclassements (« upgrades ») qui se font sur les lieux du tournage, c'est-à-dire les cas où un figurant acquiert le statut d'acteur ou d'acteur principal, ne comptent pas dans les six engagements; selon les règles de l'ACTRA, chacun de ces six engagements doit avoir été obtenu après avoir auditionné pour le rôle lors d'une séance d'essai ouverte. En outre, les engagements obtenus dans des productions qui ne sont pas couvertes par l'accord-cadre de l'ACTRA ne comptent pas. Par ailleurs, un artiste peut également faire valoir sa réputation professionnelle pour devenir membre de plein droit de l'ACTRA. L'annexe B des règlements de l'ACTRA indiquent quelles sont les lignes directrices applicables à l'admission à l'ACTRA sur la base de la réputation professionnelle.

[19] Un artiste peut aussi demander à l'ACTRA de devenir d'abord membre stagiaire avant de devenir un membre de plein droit. Pour être admis à ce titre, un artiste doit avoir obtenu un rôle parlé dans une production. Avant juin 2000, les artistes dont le travail consistait exclusivement à faire de la figuration (dans lequel il n'y a pas de répliques et pas de dialogues) n'avaient aucun moyen d'être admis au programme de stagiaires. Les surclassements qui se font sur les lieux du tournage ne comptaient pas non plus pour l'admission à ce programme. Toutefois, par suite des événements qui ont donné lieu à la présente audience, l'ACTRA a modifié ses exigences, comme nous l'expliquerons plus loin.

[20] Selon MM. Chetwynd et Waddell, la condition exigeant d'avoir obtenu six engagements autres que pour du travail de figurant afin de devenir membre de l'ACTRA s'impose pour garantir que les membres satisfont à une norme établie de professionnalisme et de conscience professionnelle. Ils ont affirmé que ces conditions d'adhésion expliquent en partie la crédibilité dont jouit l'ACTRA à la table de négociations : les producteurs reconnaissent que l'ACTRA représente des artistes dotés de références professionnelles et au talent reconnu. M. Waddell a indiqué qu'on retrouve des conditions similaires dans les accords-cadres de l'Union des Artistes, les accords-cadres de la Guilde canadienne des réalisateurs et les accords-cadres anglais conclus par les membres de la Fédération internationale des acteurs.

[21] Les témoins de l'ACTRA ont aussi affirmé qu'en pratique, cette association oeuvre aussi pour les figurants qui n'en sont pas membres et qu'elle s'évertue à administrer les éléments non monétaires des accords-cadres de manière égale pour les membres et pour les non-membres. Dans son témoignage, Eda Zimler a indiqué qu'elle défend vigoureusement les intérêts des enfants artistes, qu'ils soient membres ou non de l'ACTRA et qu'ils aient ou non obtenu des bons. Elle a également présenté des rapports de l'agent de liaison sur place dans lesquels sont décrits des cas précis où l'ACTRA a représenté les intérêts des figurants qui ne sont pas membres ou qui n'ont pas obtenu de bons, par exemple, en s'assurant que ces figurants reçoivent les mêmes repas et ont droit aux mêmes pauses que les membres. Elle a affirmé que l'agent de liaison sur place répond aux besoins tant des membres de l'ACTRA que de ceux qui n'en sont pas membres. Le témoignage de M. Hardacre confirme son témoignage, du point de vue d'un agent de liaison sur place.

[22] L'ACTRA prétend également avoir pris la défense des non-membres sur des questions monétaires. Selon Eda Zimler, en tant que représentante de l'ACTRA, elle assiste aux réunions qui précèdent le commencement de la production afin de s'assurer que les artistes seront correctement rémunérés pour leur travail. Par exemple, s'il ressort qu'un figurant a obtenu des répliques ou que sa participation sera individualisée, l'ACTRA demande que cet artiste fasse l'objet d'un surclassement. Même s'il est possible qu'on dise d'abord aux non-membres de s'adresser à leur agent pour régler ce genre de problème, si celui-ci n'y parvient pas, Mme Zimler a affirmé que l'ACTRA interviendra alors pour le compte de l'artiste. L'ACTRA a aussi eu l'occasion de réclamer des frais d'annulation pour des non-membres. De même, l'ACTRA milite en faveur de l'adoption d'un mode de paiement sûr destiné aux figurants non-membres.

[23] Même si une bonne part des témoignages précités concernant la représentation que fait l'ACTRA des non-membres sont anecdotiques, le Tribunal a également entendu deux représentants des producteurs qui en ont confirmé les grandes lignes. Cara Martin a indiqué que, d'après son expérience, l'ACTRA avait essayé d'appliquer les éléments non monétaires de l'API d'une manière égale tant aux figurants membres qu'à ceux qui ne sont pas membres et qui n'ont pas obtenu de bon, mais elle s'est empressée d'ajouter que les producteurs ne sont pas obligés d'appliquer l'API aux figurants non-membres ou à ceux qui n'ont pas de bon. Robert Thistle a précisé que, dans les productions de la SRC, les éléments non monétaires sont les mêmes pour tous les figurants; il a cité de nombreux exemples au Tribunal, la seule exception étant les scènes de foule où l'on retrouve plus de 25 figurants.

[24] La PACT/GCM a appelé à témoigner les personnes suivantes, qui sont toutes des figurants : David Gray, Bob Brown, Jim McCabe, Ron Oke, Wayne McMahon et Charlie Fife. Aucun d'eux n'est membre de l'ACTRA.

[25] L'expérience des témoins de la PACT/GCM dans l'industrie du cinéma et de la télévision varie entre quatre et douze ans. Ils travaillent régulièrement comme figurants, certains ayant cumulé plus de cent jours en une seule année. MM. Gray et Oke ont précisé qu'ils avaient suivi quelques cours d'art dramatique à l'université, mais aucun des témoins de la PACT/GCM n'a produit de preuve établissant qu'il avait travaillé en tant que professionnel au théâtre ni auditionné pour des rôles d'acteurs, à l'exception d'un témoin. Ils ont tous des agents, qui prennent des dispositions pour leur obtenir du travail de figuration. Les témoins de la PACT/GCM ont surtout donné des précisions sur le travail fait dans le cadre de l'API; ils ont peu travaillé pour la SRC.

[26] Tous les témoins de la PACT/GCM ont déclaré qu'ils se considéraient comme des professionnels. Des exemples de professionnalisme mentionnés au Tribunal incluent le fait d'avoir le costume approprié, l'aptitude à suivre les consignes et les directives sur le plateau. Plusieurs témoins ont indiqué que personne ne s'était jamais plaint de la qualité de leur travail et qu'ils avaient été sélectionnés pour faire du travail de premier plan. M. Fife a signalé que la PACT/GCM exige que toute personne qui demande à devenir membre suive un cours de figuration, lequel est offert gratuitement. Ils ont tous affirmé que la qualité du travail que l'on attend d'eux sur les lieux du tournage est identique à celle qu'on attend des figurants de l'ACTRA. La qualité des figurants de l'ACTRA et celle des figurants qui n'en sont pas membres ou qui n'ont pas obtenu de bon étant la même, les régisseurs de distribution choisissent les figurants en fonction de l'allure physique qu'ils recherchent.

[27] Tous les témoins de la PACT/GCM ont affirmé qu'à titre de figurants, ils touchent une rémunération horaire qui se situe normalement à 7 $ et parfois à 8 $, montant sur lequel leur agent prélève une commission de 10 à 15 %. Ils se sont plaints de ne pas être rémunérés pour les heures supplémentaires et de ne pas recevoir d'indemnité lorsqu'une production annule ses engagements. MM. McCabe et Oke ont affirmé s'être plaints à l'agent de liaison sur place parce qu'ils n'avaient pas reçu de frais d'annulation. On leur a répondu qu'ils devaient saisir leur agent de ce problème étant donné que l'ACTRA ne pouvait rien faire pour des non-membres. M. McMahon a raconté au Tribunal que, récemment, lui et un autre figurant n'avaient pas été payés pour le nombre d'heures minimales de travail. M. McMahon n'a obtenu aucune aide de la part de l'ACTRA, et ce, même s'il avait sollicité une telle aide et même s'il avait déjà essayé, sans succès, de faire régler ce problème par l'intermédiaire de son agent.

[28] Le Tribunal a également entendu des témoignages sur les difficultés éprouvées en ce qui concerne les surclassements. M. Gray avait été engagé comme figurant pour un film où il a eu un surclassement sur les lieux du tournage et a obtenu un rôle d'acteur principal. Il a affirmé que l'ACTRA a refusé de l'aider à faire modifier son contrat, même si son agent ne pouvait être rejoint. Il a ajouté que, par la suite, lorsqu'un problème s'est posé pour obtenir le paiement complet du travail accompli dans cette production, l'ACTRA lui a encore refusé son aide, malgré qu'il l'ait encore sollicitée. M. McCabe a également témoigné que l'ACTRA n'a pas fait d'efforts suffisants quand il a demandé à obtenir un surclassement sur les lieux d'un tournage.

[29] Les témoins de la PACT/GCM ont affirmé que les figurants qui ne sont pas membres de l'ACTRA ou qui n'ont pas obtenu de bons sont également traités de manière différente en ce qui a trait aux conditions non monétaires. À titre d'exemple, ils ont signalé qu'on leur sert des repas de moins bonne qualité, que les membres de l'ACTRA peuvent manger avec les membres de la distribution et l'équipe de techniciens, tandis que ceux qui n'en sont pas membres ne le peuvent pas et qu'il est arrivé que des non-membres aient dû attendre sur un balcon extérieur en plein mois de janvier. La preuve révèle qu'ils se sont plaints à l'agent de liaison sur place, mais que, dans chaque cas, celui-ci leur a répondu qu'il ne pouvait rien faire pour eux étant donné qu'ils n'étaient pas membres de l'ACTRA.

[30] Plusieurs témoins ont raconté les efforts qu'ils avaient faits pour tenter d'adhérer à l'ACTRA. M. Gray a précisé qu'il avait entrepris des démarches auprès de l'ACTRA afin d'être admis à son programme de stagiaires, en se fondant sur le travail qu'il avait accompli comme acteur principal dans le film où il avait obtenu le surclassement. Mme Zimler lui a répondu qu'il ne remplissait pas les conditions requises et il a obtenu la même information quand il s'est adressé au service d'adhésion de l'ACTRA. Par la suite, il a envoyé deux lettres à M. Chetwynd, une en novembre 1999 et l'autre en février 2000. Il n'a jamais obtenu de réponse. Il avait le sentiment que le refus de l'ACTRA était injuste, étant donné qu'il connaissait personnellement six à douze autres figurants qui avaient été admis au programme grâce à des rôles moins importants que le sien. Toutefois, aucune précision n'a été fournie quant à ces autres figurants et quant à leurs rôles; aucun d'eux n'a été appelé à témoigner.

[31] M. Brown a aussi indiqué qu'il avait demandé à devenir membre de l'ACTRA en juillet 1999, sur la base des divers rôles qu'il avait interprétés au cours d'une période couvrant plus de dix ans. Sa demande d'admission était fondée sur sa réputation professionnelle. M. Chetwynd a rejeté sa demande et lui a plutôt suggéré d'utiliser le programme de stagiaires comme autre moyen d'avoir accès à l'ACTRA. Selon M. Brown, bien qu'il ait laissé plusieurs messages à M. Chetwynd, celui-ci ne l'a jamais rappelé. Il a ajouté qu'il n'avait pas suivi la suggestion de demander l'admission au programme de stagiaires, car il avait cru comprendre qu'il ne remplissait pas les conditions requises étant donné qu'il n'avait jamais eu au moins une réplique à dire. D'après la preuve produite devant le Tribunal, M. Brown était fondé à croire qu'il ne remplissait pas les conditions requises à l'époque; en effet, le programme de stagiaires n'a été modifié que quelques mois plus tard.

[32] Aucun témoin de la PACT/GCM n'a déposé de plainte contre l'ACTRA pour manquement à son devoir de juste représentation.

[33] M. Fife est le président de la PACT/GCM. Il a précisé que la Professional Association of Canadian Talent ou PACT (à ne pas confondre avec la Professional Association of Canadian Theatres) tire son origine de discussions menées par un groupe de figurants à la fin de 1997 ou au début de 1998, au sujet du traitement inégal qui leur était réservé. En 1998, ce groupe informel a fait circuler une pétition parmi les autres figurants pour savoir s'ils étaient intéressés à se syndiquer; ils ont recueilli environ 1 000 signatures. Ray Millar, qui était le président de la PACT à l'époque, a fait des démarches auprès de l'ACTRA et une première rencontre a eu lieu le 27 août 1999 où ont assisté des représentants des deux groupes. La PACT voulait obtenir que l'ACTRA reconnaisse les figurants n'ayant pas obtenu de bons à titre de troisième catégorie de membres de l'ACTRA (s'ajoutant aux membres de plein droit et aux membres stagiaires). M. Fife a précisé que c'est lors de cette rencontre que les représentants de la PACT ont découvert que l'ACTRA était déjà titulaire des droits de négociations des figurants.

[34] Les parties se sont réunies de nouveau en octobre et novembre 1999 et les sujets de préoccupation des figurants, comme les salaires inégaux et les moins bons repas, ont encore fait l'objet de discussions. Selon les témoins de l'ACTRA, les questions-clés abordées ont été le taux horaire minimal (10 $ à 12 $) et le nombre minimal d'heures de travail par jour (six à huit heures) pour un figurant non-membre ou un figurant n'ayant pas obtenu de bon. La dernière rencontre tenue le 1er décembre 1999 s'est soldée par la rupture des négociations.

[35] Les deux parties ont des versions bien différentes des motifs qui ont conduit à l'échec des négociations. La PACT/GCM prétend que l'ACTRA a refusé de s'engager d'une quelconque manière à représenter les intérêts des figurants et à négocier en leur nom. Ils ont présenté des plaintes précises, concernant notamment le temps supplémentaire, les repas, la santé et la sécurité et les indemnités d'annulation, mais l'ACTRA a refusé de prendre quelque engagement que ce soit à cet égard. L'ACTRA a insisté pour obtenir la liste des noms inscrits sur la pétition de la PACT, ainsi que des documents financiers de la PACT, ce que cette dernière a jugé inacceptable. Selon M. Fife, au cours de ces rencontres, l'ACTRA s'est montrée réticente à s'engager à représenter les intérêts des figurants et a rejeté la suggestion de la PACT d'une union des deux organisations. M. Fife nie que l'ACTRA ait offert de soumettre les sujets de préoccupation de la PACT à l'ACPFT. Selon lui, M. Waddell ou M. Chetwynd ont prétendu que les figurants ne faisaient pas partie de l'unité de négociation de l'ACTRA. Il a ajouté que, d'après lui, l'ACTRA considérait la représentation des figurants comme une option et non comme une obligation. Les membres de la PACT ont jugé inutile de poursuivre les discussions avec l'ACTRA.

[36] M. Waddell a vigoureusement nié que lui ou M. Chetwynd aient jamais dit aux représentants de la PACT que les figurants n'étaient pas couverts par l'accord-cadre de l'ACTRA ou par son unité de négociation. Il a affirmé que l'ACTRA s'est engagée à faire des démarches auprès de l'ACPFT, pour essayer d'obtenir que les producteurs indépendants offrent volontairement de meilleures conditions à tous les figurants, mais elle ne pouvait entreprendre ces démarches en l'absence de propositions concrètes. Il a déclaré que, d'une rencontre à l'autre, les précisions fournies par la PACT changeaient, citant la rémunération à titre d'exemple. Jamais les propositions n'ont été mises par écrit, ce qu'a admis M. Fife.

[37] M. Waddell a indiqué que les discussions ont achoppé parce que la PACT voulait être reconnue comme un syndicat distinct, chapeauté par l'ACTRA. Le conseil élu de l'ACTRA de Toronto jugeait une telle proposition inacceptable. MM. Chetwynd et Waddell ont indiqué que l'ACTRA, en tant qu'organisation comptant plus de 50 années d'expérience dans la représentation des artistes, ne pouvait donner le feu vert à une nouvelle organisation après seulement quatre ou cinq rencontres, surtout que la PACT avait refusé de fournir des précisions sur sa situation, ses membres, sa situation financière et sur d'autres sujets.

[38] Les négociations avec l'ACTRA ayant échoué, la PACT a décidé de s'adresser à un autre syndicat. Elle s'est jointe à la GCM peu après et la présente demande d'accréditation a été produite au Tribunal le 31 mars 2000.

[39] En juin 2000, le bureau de Toronto de l'ACTRA a assoupli ses conditions d'adhésion au programme de stagiaires pour permettre l'admission des figurants ayant accumulé 200 jours de figuration au cours de deux années précédentes. Les règles ont également été modifiées pour tenir compte, dans l'admission au programme, des surclassements dans un rôle parlé qui surviennent sur le plateau ou sur les lieux du tournage. M. Chetwynd estime qu'au moment de l'audience de septembre, un petit nombre de figurants (moins d'une douzaine) avaient réussi à être admis au programme de stagiaires par suite de ces modifications. Selon M. Hardacre, une condition exigeant 200 engagements en deux ans est raisonnable; il est possible d'y satisfaire, mais elle ne permet l'accès qu'aux personnes expérimentées dont le talent est reconnu.

[40] Les témoins de la PACT ont affirmé que tous les efforts déployés par l'ACTRA pour représenter les intérêts des figurants découlent directement de la présente demande d'accréditation et sont intéressés. Ils ont dit craindre que, si la PACT/GCM n'est pas accréditée, l'ACTRA cesse de faire des efforts pour défendre leurs intérêts. Même si certains d'entre eux aimeraient adhérer à l'ACTRA, l'ACTRA ne veut pas d'eux comme membres. Au cours du contre-interrogatoire des témoins de l'ACTRA, MM. Chetwynd et Waddell ont reconnu que la demande d'accréditation avait été un facteur qui les avait incité à apporter les améliorations, mais ils ont insisté sur le fait que l'ACTRA avait agi de bonne foi.

[41] À la fin de son témoignage, M. Fife a reconnu que l'ACTRA offre des services de représentation limités aux non-membres qui ont obtenu un bon; toutefois, la PACT/GCM conteste le fait que l'ACTRA assure une représentation suffisante et juste des figurants. Selon lui, près de 80 % des figurants qu'on retrouve sur les lieux d'un tournage donné n'obtiennent aucun service de représentation de la part de l'ACTRA. M. Fife a reconnu que l'ACTRA est titulaire d'un certificat d'accréditation pour représenter les figurants. Il a admis que le litige porte sur la qualité de la représentation des figurants par l'ACTRA et que l'ACTRA ne s'est pas montrée à la hauteur des obligations qui lui incombaient conformément à l'accréditation que lui a accordée le Tribunal.

QUESTIONS EN LITIGE

[42] La présente affaire soulève les questions suivantes :

  a) La demande de la PACT/GCM s'inscrit-elle en dehors des délais prescrits?

  b) L'ACTRA a-t-elle renoncé à ses droits de négociation en ce qui a trait aux figurants?

  c) Le Tribunal devrait-il réexaminer sa décision d'accréditer l'ACTRA?

  d) Le Tribunal devrait-il revoir le secteur pour lequel l'ACTRA a été accréditée?

LA LOI SUR LE STATUT DE L'ARTISTE

[43] Les dispositions suivantes de la Loi s'appliquent à la présente instance :

7. La présente partie a pour objet l'établissement et la mise en oeuvre d'un régime de relations de travail entre producteurs et artistes qui, dans le cadre de leur libre exercice du droit d'association, reconnaît l'importance de la contribution respective des uns et des autres à la vie culturelle canadienne et assure la protection de leurs droits.

[...]

19. Dans la mesure où les circonstances et l'équité le permettent, le Tribunal fonctionne sans formalisme et avec célérité. Il n'est pas lié par les règles légales ou techniques de présentation de la preuve et peut recevoir les éléments qu'il juge dignes de foi en l'espèce et fonder sur eux sa décision.

[...]

20. (1) Le Tribunal peut maintenir, annuler ou modifier ses décisions ou ordonnances et réinstruire une affaire avant de la trancher.

[...]

23. (1) L'accréditation d'une association d'artistes est subordonnée à la prise de règlements qui:

a) établissent des conditions d'adhésion;
b) habilitent ses membres actifs à participer à ses assemblées, à y voter et à se prononcer par scrutin sur la ratification de tout accord-cadre les visant;
c) garantissent aux membres le droit d'obtenir une copie des états financiers du dernier exercice certifiée conforme par le dirigeant de l'association autorisé à le faire.

(2) Les règlements d'une association d'artistes ne peuvent contenir aucune disposition ayant pour effet d'empêcher injustement un artiste d'adhérer ou de maintenir son adhésion à celle-ci ou de se qualifier comme membre.

[...]

25. (1) Toute association d'artistes dûment autorisée par ses membres peut demander au Tribunal de l'accréditer pour un ou plusieurs secteurs :

a) à tout moment, si la demande vise un ou des secteurs pour lesquels aucune association n'est accréditée et si le Tribunal n'a été saisi d'aucune autre demande;
b) dans les trois mois précédant la date d'expiration d'une accréditation ou de son renouvellement, s'il y a au moins un accord-cadre en vigueur pour le secteur visé;
c) sinon, un an après la date de l'accréditation ou de son renouvellement, ou dans le délai inférieur fixé, sur demande, par le Tribunal.

[...]

35. Il est interdit à l'association d'artistes, ainsi qu'à ses représentants, d'agir de manière arbitraire ou discriminatoire ou de mauvaise foi à l'égard des artistes dans l'exercice des droits reconnus à ceux-ci par l'accord-cadre.

LES ARGUMENTS DES PARTIES

L'ACTRA

[44] L'ACTRA prétend qu'elle est accréditée pour représenter les figurants et que c'est ce qu'elle fait. Les accords-cadres qu'elle a négociés avec divers producteurs s'appliquent à tous les figurants. Toutefois, différentes modalités s'appliquent à différents groupes de figurants. Elle soutient qu'il doit lui être permis d'établir des conditions d'adhésion puisque son mandat est de représenter les artistes professionnels. Si elle adoucissait ses conditions d'adhésion au point de permettre à tout figurant d'être admis, sans égard à ses compétences, l'aptitude de l'ACTRA à représenter tous ses membres s'en trouverait diminuée. L'industrie cinématographique au Canada ayant connu une croissance phénoménale au cours des deux ou trois dernières années, les figurants ont beaucoup plus de travail. Bien qu'il eût été impossible pour un artiste, il y a seulement quelques années, de gagner sa vie en se limitant strictement à du travail de figuration, la situation est maintenant toute autre. L'ACTRA admet qu'elle doit, dans un certain sens, « rattraper » cette croissance dans sa représentation des figurants.

[45] C'est justement ce que l'ACTRA tentait de faire lorsqu'elle a offert de soumettre à l'ACPFT les sujets de préoccupation des figurants non-membres. La seule raison pour laquelle elle ne l'a pas fait, c'est parce que la PACT ne lui a jamais soumis de propositions bien précises. De même, les délégués de l'ACTRA ont déjà consacré bien du temps à fournir des services aux figurants non-membres, un service pour lequel ceux-ci ne sont pas tenus de payer. Finalement, les sujets de préoccupation soulevés par les figurants ont amené l'ACTRA à modifier son programme de stagiaires pour permettre aux figurants d'être admis s'ils pouvaient justifier 200 jours de travail de figuration en deux ans.

[46] L'ACTRA a fait valoir que le Tribunal n'est pas saisi d'une plainte valide pour manquement à un devoir de juste représentation et que la décision du Tribunal ne devrait pas se fonder sur l'article 35 de la Loi. Néanmoins, elle a soumis une certaine jurisprudence à l'examen du Tribunal, dans l'éventualité où il déciderait de se prononcer en se basant sur cette disposition. Comme le Tribunal a conclu que la présente affaire devrait être tranchée en fonction d'autres motifs, il n'est pas nécessaire de préciser quelle est cette jurisprudence.

[47] L'ACTRA a également invoqué deux décisions qui portent sur la politique de la Commission des relations de travail dans la fonction publique et celle du Conseil canadien des relations industrielles qui sont contre la fragmentation des unités de négociations : Le Syndicat des contrôleurs aériens du Québec, [1978] C.C.R.T.P.F. no 9; et Oceanex (1997) Inc., [2000] C.C.R.I. no 37. L'ACTRA fait valoir que le présent Tribunal devrait adopter la même politique à l'égard des secteurs qu'il accrédite conformément à la Loi sur le statut de l'artiste.

La SRC

[48] La principale observation de la SRC est que la demande de la PACT/GCM ne s'inscrit pas dans les délais prescrits par le paragraphe 25(1) de la Loi. L'ACTRA est titulaire, pour un secteur qui comprend les figurants, d'une accréditation dont l'expiration est prévue pour le 25 juin 2002. Elle a en outre conclu un accord-cadre avec la SRC. La demande de la PACT/GCM est en dehors des délais prescrits que ce soit par les alinéas 25(1)a), b) ou c) et elle devrait donc être rejetée.

[49] La SRC a répondu aux observations faites par la PACT/GCM dans sa réplique écrite. La SRC commence par formuler une objection préliminaire face à la réponse de la PACT/GCM parce que celle-ci soulève de nouveaux arguments, ce qu'il ne convient pas de faire dans une réplique. Subsidiairement, la SRC fait valoir que les observations contenues dans la réponse de la PACT/GCM devraient être rejetées sur le fond. Pour ce qui est de l'argument de la renonciation, la SRC prétend que le Tribunal devrait insister sur une norme de preuve très élevée, qui est absente en l'espèce : en effet, la preuve a été faite que l'ACTRA représente les figurants et que le vrai litige porte sur la qualité de cette représentation. Pour répondre à l'argument selon lequel l'ACTRA empêche les figurants de devenir membres, la SRC reprend les observations de l'ACTRA et signale que la PACT/GCM fixe elle aussi des conditions d'adhésion. Enfin, la SRC soutient que la PACT/GCM n'a pas réussi à établir un fondement justifiant le Tribunal de réexaminer l'accréditation de l'ACTRA conformément à l'article 20 de la Loi.

[50] La SRC soulève des arguments de principe en faveur du rejet de la demande présentée par la PACT/GCM. Les artistes peuvent faire valoir des moyens plus appropriés s'ils sont insatisfaits de la qualité de leur représentation par l'ACTRA : ils peuvent porter plainte pour manquement au devoir de juste représentation ou demander l'annulation de l'accréditation. Du point de vue des producteurs, la demande devrait être rejetée, afin de favoriser la stabilité et la prévisibilité de la situation de négociation. Finalement, la demande devrait être rejetée pour préserver la crédibilité du Tribunal et pour protéger l'intégrité de ses accréditations. En outre, le Tribunal ne devrait pas considérer la demande en se fondant sur l'article 20, étant donné qu'une telle mesure aurait pour effet d'encourager les parties à présenter des demandes d'une manière détournée.

[51] La SRC conclut en déclinant la compétence constitutionnelle du Tribunal, compte tenu du fait que pratiquement toute les preuves présentées à l'audience portent sur l'API et que presque aucun élément de preuve ne se rapporte aux producteurs relevant de la compétence législative fédérale. La SRC soutient que tout le travail exécuté dans le cadre de l'API est de compétence provinciale. Toutefois, son avocat a laissé entendre que la demande pouvait être rejetée pour d'autres motifs et qu'il n'était pas nécessaire de statuer sur le point.

L'ACPFT

[52] L'ACPFT a obtenu l'autorisation de déposer un mémoire écrit dans lequel elle décline la compétence constitutionnelle du Tribunal relativement à l'API.

La PACT/GCM

[53] La PACT/GCM prétend que les accords-cadres de l'ACTRA ne s'appliquent pas aux figurants qui ne sont pas membres de cette association. Malgré la possibilité d'obtenir un bon de travail, en pratique, presque aucun non-membre n'y parvient étant donné le traitement préférentiel dont jouissent les membres de l'ACTRA dans l'engagement. En outre, les accords-cadres ne prévoient pas de taux de rémunération minimums, de rémunération pour les heures supplémentaires ou d'indemnité d'annulation et aucun mécanisme d'application ne garantit le respect des conditions minimales. L'ACTRA a dit aux figurants qu'ils étaient libres de négocier leurs propres conditions de travail et a abandonné sa responsabilité de négocier pour leur compte.

[54] Au sujet des conditions d'adhésion de l'ACTRA, la PACT/GCM a soutenu que, bien que les figurants puissent devenir des membres stagiaires, les statuts et les règlements de l'ACTRA ne leur accordent pas le droit de vote. Ils ne peuvent pas non plus devenir membres de plein droit en se fondant uniquement sur leur travail de figuration. Même si l'ACTRA a modifié certaines de ses règles d'une manière qui est favorable aux figurants, rien ne garantit qu'elle ne changera pas simplement de nouveau ces règles, si l'envie lui en prend.

[55] La PACT/GCM conteste que le travail fait par l'ACTRA pour aider les figurants à obtenir des surclassements constitue une représentation des figurants. Il s'agit plutôt de la représentation d'un figurant qui exécute un travail qui ne correspond pas à du travail de figuration. Lorsque l'ACTRA obtient des surclassements pour des artistes, elle ne représente pas les figurants, mais elle s'assure plutôt du respect des taux qu'elle a négociés pour les acteurs et les acteurs principaux. L'ACTRA n'a pas consulté les figurants qui n'en sont pas membres avant de modifier les règles de son programme de stagiaires.

[56] Bien que l'accréditation de l'ACTRA comprenne les « figurants », en pratique, l'ACTRA ne les représente pas. La conduite de l'ACTRA à l'égard des figurants déroge à l'objet de la Loi tel qu'il est énoncé à l'article 7. Les règlements de l'ACTRA empêchent injustement les figurants de devenir membres de l'ACTRA, contrairement au paragraphe 23(2) de la Loi.

[57] La PACT/GCM a saisi le Tribunal d'une compilation jurisprudentielle. Elle souligne la décision The Writers Union of Canada, [1998] Décision n° 028 (TCRPAP) (« TWUC »), pour étayer la proposition selon laquelle, l'association qui a des règlements ayant réellement pour effet d'empêcher un groupe d'artistes de devenir membres contrevient à l'article 23 de la Loi et la politique du Tribunal sera d'exclure ces artistes du secteur visé par l'accréditation de l'association. La PACT/GCM attire aussi l'attention sur la remarque faite par le Tribunal dans l'affaire TWUC portant que la Loi est un genre de loi sur les droits de la personne.

[58] La PACT/GCM demande au Tribunal de réexaminer l'accréditation qu'il a accordée à l'ACTRA. S'il ne le fait pas, il empêchera les figurants d'avoir accès à une négociation collective. Quant à la proposition laissant entendre qu'il aurait été préférable de déposer, contre l'ACTRA, une plainte pour manquement au devoir de juste représentation, il y lieu de signaler que les figurants estiment qu'il est trop tard pour retourner vers cette association; ils veulent une représentation distincte, qui leur est propre.

[59] En contre-preuve, la SRC fait valoir que la présente affaire est différente de l'affaire TWUC parce que, dans cette dernière affaire, la distinction injuste ne concernait aucunement le statut d'artiste professionnel; elle était plutôt fondée sur la citoyenneté. Contrairement à ce cas, il convient parfaitement de faire une distinction entre les différentes catégories d'artistes en se fondant sur leurs compétences professionnelles. Par ailleurs, les deux avocats, celui de la SRC et de l'ACTRA, ont fait valoir que le fait de ne pas avoir le droit de vote n'est pas assimilable à une absence de représentation.

ANALYSE ET CONCLUSIONS DU TRIBUNAL

Les exceptions préalables

[60] Le Tribunal doit d'abord statuer sur deux exceptions préalables. D'abord, le Tribunal est d'avis qu'il n'y a pas lieu de trancher la présente affaire sur le fondement des objections formulées contre sa compétence. L'audience préliminaire avait pour objet d'apprécier l'opposition de l'ACTRA, qui se disait déjà la titulaire de droits de négociation -- elle ne visait pas à examiner la constitutionnalité de la demande de la PACT/GCM. Précisons que cette mise au point ne doit pas être considérée comme une déclaration selon laquelle la présente formation estime avoir compétence dans le cadre de l'API. Il s'agit plutôt de spécifier qu'il n'est pas nécessaire de statuer sur ce point, étant donné qu'il convient simplement de trancher la présente affaire sur d'autres fondements.

[61] Deuxièmement, comme nous l'examinerons plus en profondeur ci-après, le noeud de l'affaire réside dans les arguments que la PACT/GCM a avancés dans sa réplique. La SRC s'oppose à ce que le Tribunal se penche sur ces questions parce qu'elles ont été soulevées pour la première fois dans une réplique alors qu'elles auraient dû l'être dans une demande. Bien que le Tribunal reconnaisse que, normalement, une réplique devrait se limiter aux questions abordées dans l'acte de procédure de l'intimé et ne devrait pas être utilisée pour produire une demande entièrement nouvelle, il y a lieu de faire remarquer que le Tribunal n'est pas une cour de justice et n'est pas obligé d'appliquer des règles strictes aux actes de procédure, plus particulièrement compte tenu du paragraphe 19(1) de la Loi. Le Tribunal peut, à son gré, accepter un acte de procédure de cette nature pourvu que « l'équité le permette [...] ». Dans le présent cas, même si la PACT/GCM aurait dû présenter sa demande de réexamen dès le départ, il est impossible de prétendre que l'ACTRA ou la SRC ont été prises par surprise ou qu'elles n'ont pas raisonnablement eu la possibilité de répondre à ces questions, qui ont été soulevées des mois avant la tenue de l'audience. Dans les circonstances de l'espèce et compte tenu de l'importance de certaines questions qui lui ont été présentées, le Tribunal a décidé qu'il convenait de statuer sur les questions soulevées dans la réplique.

La demande de la PACT/GCM s'inscrit-elle en dehors des délais prescrits?

[62] Les parties ne contestent pas que l'ACTRA est titulaire d'une accréditation pour un secteur qui inclut les « figurants ». Elles ne contestent pas non plus que l'accréditation de l'ACTRA a été renouvelée le 25 juin 1999 pour trois ans de plus, jusqu'au 25 juin 2002. La PACT/GCM prétend que les figurants couverts par l'accréditation de l'ACTRA ne sont pas les mêmes que ceux que vise sa demande d'accréditation -- elle soutient que l'accréditation de l'ACTRA ne s'applique qu'aux figurants qui sont membres de l'ACTRA. Ce point de vue n'est pas fondé. L'accréditation dont l'ACTRA est titulaire ne se limite pas aux membres de l'ACTRA. Lorsque le Tribunal accrédite une association d'artistes, cette accréditation vise normalement tous les artistes de ce secteur, non seulement les membres de l'association; il est rare de rencontrer des exceptions à ce principe comme le fait remarquer le Tribunal dans l'affaire du Conseil des métiers d'art du Québec (« CMAQ ») :

[L]e Tribunal tente d'accréditer les association [sic] d'artistes qu'il juge les plus représentatives pour chaque secteur disciplinaire, accordant à cette association le droit exclusif de négocier au nom de tous les artistes du secteur, qu'ils soient membres ou non de l'association. À part le cas du CMAQ, le Tribunal a fait une seule exception à cette règle [...]. [Non souligné dans l'original.]

CMAQ, Décision no. 026 (TCRPAP), au par. 23.

[63] Par conséquent, à sa face même, la demande ne s'inscrit pas dans les délais prescrits par le paragraphe 25(1) de la Loi sur le statut de l'artiste.

L'ACTRA a-t-elle renoncé à ses droits de négociation en ce qui a trait aux figurants?

[64] L'argument que fait valoir la PACT/GCM au sujet de la renonciation doit être rejeté. La PACT/GCM n'a avancé aucun fondement justifiant le Tribunal de prendre en compte cet argument. On ne trouve dans la Loi aucune référence à la notion de renonciation à des droits de négociation. Comme l'indique George Adams, dans son ouvrage intitulé Canadian Labour Law, 2e édition, seules trois provinces mentionnent expressément la renonciation à des droits de négociation dans leurs lois de relations de travail : le Manitoba, l'Île-du-Prince-Édouard et l'Alberta. Adams fait remarquer que la Commission des relations de travail de l'Ontario (« CRTO ») reconnaît la renonciation comme une méthode légale implicite pour mettre fin à des droits de négociation (au ¶ 9:330-9.400).

[65] Le présent Tribunal devrait-il adopter une méthode similaire à celle que suit la CRTO, c'est-à-dire une méthode reconnaissant un pouvoir implicite de déclarer qu'il y a eu renonciation à des droits à négociation? Une telle interprétation n'est pas une étape que le Tribunal peut franchir à la légère, sans débat exhaustif sur le point, étant donné qu'il y va de sa compétence. Il incombait à la PACT/GCM de convaincre le Tribunal qu'il devrait adopter une méthode similaire à celle de la CRTO et elle n'a pas réussi à le faire.

Le Tribunal devrait-il réexaminer sa décision d'accréditer l'ACTRA?

[66] Les deux autres arguments que la PACT/GCM a soulevés dans sa réplique se fondent sur le paragraphe 20(1) de la Loi. La PACT/GCM a demandé au Tribunal de réexaminer sa décision d'accréditer l'ACTRA ou, subsidiairement, de revoir le secteur pour lequel l'ACTRA a été accréditée.

[67] Normalement, le Tribunal exige qu'une demande de réexamen soit présentée dans les 30 jours civils suivant la date de l'ordonnance : voir la décision rendue dans l'affaire Centre national des Arts, Décision n° 030 (TCRPAP), aux paragraphes 19 et 20 (« CNA »). En l'espèce, l'ordonnance d'accréditation initiale a été prononcée le 25 juin 1996 et a été automatiquement renouvelée le 25 juin 1999. La PACT/GCM a fait sa demande de réexamen dans sa réplique le 1er mai 2000. La PACT/GCM a fait valoir que le Tribunal devrait renoncer aux délais parce que les preuves du défaut de représentation par l'ACTRA des figurants n'étaient guère facile à réunir au moment où l'accréditation a été accordée. Elle ajoute que, compte tenu de la nature de l'industrie et du secteur proposé, il était impossible d'intervenir à l'époque de l'accréditation ou de son renouvellement.

[68] En l'espèce, la demande de réexamen de l'ordonnance d'accréditation est formulée presque quatre ans après le prononcé de l'ordonnance. C'est un délai extrêmement long. Le préjudice qui serait causé à l'ACTRA est évident : elle s'est fondée sur cette accréditation pour négocier les accords-cadres. Le réexamen de l'accréditation bouleverserait le régime que les producteurs et elle ont négocié. Par ailleurs, la PACT/GCM n'a produit aucune preuve pour expliquer pourquoi l'information qu'elle demande maintenant au Tribunal d'examiner ne pouvait être obtenue au moment du prononcé de l'ordonnance originale d'accréditation. D'après les témoignages, il ressort que les circonstances qui ont suscité le mécontentement parmi les figurants existaient en 1996 et même avant, bien qu'elles n'aient été mises en évidence qu'au cours de l'année qui vient de s'écouler ou à peu près. La présente affaire est semblable à celle du CNA, dans la mesure où la PACT/GCM n'a fourni au Tribunal aucune information ou preuve nouvelle qui était impossible à obtenir au moment du prononcé de l'ordonnance originale. Le fait que le mécontentement des figurants ne se soit manifesté que tout récemment n'y change rien. Par conséquent, le Tribunal a décidé qu'il y a lieu de rejeter la demande de réexamen parce qu'elle n'a pas été présentée en temps opportun.

[69] De toute façon, même si cette demande avait été présentée en temps utile, le Tribunal considère que les arguments de la PACT/GCM ne sont pas convaincants. Plus particulièrement, la PACT/GCM ne peut s'appuyer sur la décision rendue dans l'affaire TWUC comme elle le fait. Dans cette affaire, la condition d'adhésion concernant le statut de citoyen d'un artiste contrevenait à l'article 23 de la Loi. Il en est tout autrement lorsque la condition porte sur les compétences artistiques ou professionnelles. Le Tribunal a expressément reconnu cette distinction dans l'affaire Canadian Artists' Representation/Le Front des artistes canadiens (« CARFAC ») :

Lorsque les documents constitutifs ou les règlements d'une association d'artistes renferment des conditions d'adhésion qui n'ont rien à voir avec les compétences artistiques ou professionnelles de l'artiste et qui pourraient avoir pour effet de le traiter d'une façon discriminatoire, le Tribunal dispose de trois solutions. Il peut exiger, comme condition d'accréditation, que la disposition discriminatoire soit supprimée; il peut définir le secteur de telle sorte que les artistes qui ne peuvent adhérer à l'association ne soient pas visés par le droit exclusif de négociation que l'association d'artistes obtient au moment de l'accréditation; ou il peut se référer à la preuve selon laquelle l'association d'artistes n'a jamais dans le passé appliqué la disposition discriminatoire figurant dans ses documents constitutifs ou dans ses règlements. [Non souligné dans l'original.]

CARFAC, Décision n° 029 (TCRPAP), au par. 58.

[70] L'article 23 n'interdit pas toutes les restrictions ou les limitations apportées à l'adhésion, mais seulement celles qui « empêcheraient injustement » d'adhérer : voir le paragraphe 23(2). Lorsqu'une association d'artistes établit des conditions d'adhésion qui sont de prime abord liées aux compétences artistiques ou professionnelles d'une personne, la partie qui conteste ces conditions doit fournir au Tribunal des raisons convaincantes pour justifier son intervention. Il y a lieu de rappeler que le Tribunal a pour mandat d'aider les parties à établir un cadre permettant la tenue de négociations efficaces. Son rôle n'est pas d'intervenir dans les affaires internes d'une association d'artistes.

[71] L'ACTRA a adopté des conditions qui permettent aux figurants de devenir membres stagiaires s'ils ont cumulé 200 jours de travail de figuration en deux ans. D'après les témoignages, il s'agirait d'un seuil valable; en effet, plusieurs témoins de la PACT/GCM ont indiqué qu'ils avaient effectué au moins 100 jours au cours d'une seule année. En outre, le Tribunal ne voit rien de mal dans la position adoptée par l'ACTRA selon laquelle ce seuil serait nécessaire pour garantir que seuls les figurants qui sont réellement déterminés peuvent être autorisés à devenir membres stagiaires. En résumé, les circonstances sont loin de fournir un motif impérieux justifiant le Tribunal de modifier les conditions d'adhésion de l'ACTRA.

[72] De même, le libellé de l'article 23 n'étaye pas l'argument de la PACT/GCM selon lequel les règlements de l'ACTRA contreviennent à la Loi parce qu'ils n'accordent pas de droit de vote aux figurants. L'alinéa 23(1)b) prévoit que les règlements doivent accorder aux « membres actifs » le droit de participer à ses assemblées, à y voter et à se prononcer sur la ratification des accords-cadres. Comme le montre la preuve, les figurants peuvent devenir membres de l'ACTRA, dans la catégorie des stagiaires. Ils peuvent aussi devenir membres actifs de l'ACTRA en remplissant les conditions établies par l'ACTRA. Par conséquent, cet argument ne convainc pas non plus le Tribunal.

Le Tribunal devrait-il revoir le secteur pour lequel l'ACTRA a été accréditée?

[73] Le moyen subsidiaire invoqué par la PACT/GCM sous le régime du paragraphe 20(1) a été de demander au Tribunal de revoir le secteur. Contrairement à une demande de réexamen de l'accréditation, une telle demande peut être présentée à tout moment.

[74] Deux facteurs sont importants dans l'examen de cette demande. Premièrement, il importe de reconnaître que l'industrie cinématographique de Toronto s'est grandement métamorphosée depuis que l'ACTRA a été accréditée pour la première fois. Auparavant, il était rare que les artistes puissent gagner leur vie en faisant uniquement du travail de figuration. Les témoignages nous montre que ce n'est plus le cas. L'ACTRA a reconnu la nécessité de s'adapter à ces nouvelles circonstances. Elle a élargi les conditions applicables au programme de stagiaires et a accepté de tenir compte des surclassements qui interviennent sur le plateau ou sur les lieux du tournage. Elle a intensifié ses efforts afin de représenter les non-membres relativement aux éléments non monétaires prévus par l'accord-cadre. Même si la demande d'accréditation de la PACT/GCM peut avoir suscité certains de ces changements, sinon tous, il reste que ces modifications répondent à bien des sujets de mécontentement éprouvé par les figurants.

[75] Mais par-dessus tout, il serait contraire à la politique du Tribunal condamnant la fragmentation d'accéder à la demande de revoir ce secteur. Le Tribunal a déjà formulé sa politique à cet égard dans l'affaire CMAQ, de la manière suivante :

Le Tribunal est d'avis qu'un régime efficace de relations de travail entre producteurs de compétence fédérale et les artistes ne peut exister s'il y a multiplicité d'associations d'artistes accréditées sur un même territoire. Pour cette raison, le Tribunal tente d'accréditer les association [sic] d'artistes qu'il juge les plus représentatives pour chaque secteur disciplinaire, accordant à cette association le droit exclusif de négocier au nom de tous les artistes du secteur, qu'ils soient membres ou non de l'association.

CMAQ, Décision no 026 (TCRPAP), au par. 23.

[76] Si le Tribunal devait établir une unité de négociation distincte pour les figurants, cette mesure conduirait à la multiplicité d'accréditations dans le même domaine et réduirait finalement le pouvoir de négociation des associations d'artistes tout en forçant les producteurs à entreprendre des négociations collectives avec deux ou plusieurs associations au lieu d'une seule. Ce ne sont là que certains des effets nocifs de la fragmentation. En outre, en accréditant l'ACTRA, le Tribunal l'a fait sur le fondement de la communauté d'intérêts qui unit les figurants et les autres artistes mentionnés dans le certificat d'accréditation de l'ACTRA. Cette communauté d'intérêts est encore une considération réelle dans la présente affaire. Même si certains artistes travaillent exclusivement comme figurants, d'autres s'adonnent tant à la figuration qu'à d'autres disciplines mentionnées dans le certificat d'accréditation de l'ACTRA d'après les preuves administrées. Dans ces circonstances, le Tribunal ne fragmentera pas le secteur à moins que les circonstances ne l'exigent.

[77] En l'espèce, les circonstances ne l'exigent pas. Le présent différend concerne la portée, la qualité et l'équité de la représentation de l'ACTRA. Compte tenu de l'économie de la Loi, le réexamen de l'ordonnance d'accréditation n'est pas le mécanisme approprié pour régler ces problèmes. Des solutions plus indiquées seraient de déposer une plainte pour manquement au devoir de juste représentation, une demande d'annulation ou d'annulation partielle de l'accréditation ou une demande d'accréditation présentée en temps utile, au moment du renouvellement du certificat de l'ACTRA.

DÉCISION

[78] Par ses motifs, la demande d'accréditation de la PACT/GCM est rejetée.

Ottawa, le 13 décembre 2000

« David P. Silcox » « Curtis Barlow »
« Moka Case »  


Création : 2005-07-27
Révision : 2005-12-01
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