Tribunal canadien des 
relations professionnelles artistes-producteurs / Canadian Artists and Producers Professional Relations Tribunal
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Décision no 051

Décisions du Tribunal

Ottawa, le 10 août 2006 Dossier No : 1350-06-001

Dans l'affaire de la demande de réexamen de la décision no 050 (Dans l'affaire de la plainte déposée par M. Stephen Petch contre la Writers Guild of Canada en vertu de l'article 35 de la Loi sur le statut de l'artiste et de la demande de décision déposée en vertu du paragraphe 33(5) de la Loi) présentée par la Writers Guild of Canada


Décision du Tribunal

La demande de réexamen est rejetée

Date de l'audience : Le 12 juillet 2006

Quorum: David P. Silcox, président de séance
  John M. Moreau, c.r., membre
  Lyse Lemieux, membre



Motifs de décision

1350-06-001 : Dans l'affaire de la demande de réexamen de la décision Stephen Petch, 2006 TCRPAP 050 déposée par la Writers Guild of Canada


Contexte

[1] La présente décision concerne la demande de réexamen soumise au Tribunal canadien des relations professionnelles artistes-producteurs (le « Tribunal ») en vertu du paragraphe 20(1) de la Loi sur le statut de l'artiste, L.C. 1992, ch. 33, (la « Loi »), par la requérante, la Writers Guild of Canada (la « WGC ») le 24 février 2006. Une formation du Tribunal s'est réunie le 12 juillet 2006 afin d'examiner la demande sur la base des observations écrites.

[2] Par cette demande, la WGC cherche à obtenir le réexamen de la décision Stephen Petch, 2006 TCRPAP 050, ci-après la décision no 050, rendue le 23 janvier 2006.

[3] Dans la décision no 050, le Tribunal devait se prononcer sur la question à savoir si la WGC avait manqué à son devoir de juste représentation prévu à l'article 35 de la Loi, relativement à la négociation d'une vente non autorisée des oeuvres de M. Stephen Petch par la Société Radio-Canada (la « SRC »). Dans cette décision, la formation initiale a accueilli la plainte et a déclaré que la WGC avait manqué à son devoir de juste représentation en agissant de manière arbitraire à l'endroit du plaignant.

[4] La WGC demande au Tribunal de réexaminer sa décision en invoquant les motifs suivants :

  1. Le Tribunal a manqué à son devoir d'équité procédurale et a commis une erreur de droit :

    1. en examinant un point qu'aucune des parties n'avait soulevé, soit la question de savoir s'il fallait astreindre la WGC à une norme de conduite plus élevée compte tenu de la nature du grief, et de l'expérience, le niveau d'organisation et les ressources de la WGC;
    2. en omettant de remettre à la WGC un avis de cette question;
    3. en omettant de donner à la WGC la possibilité de produire une preuve et de présenter des observations relativement à cette question.

  2. Le Tribunal a commis une erreur de droit en décidant que le manque de communication peut constituer le seul fondement d'une conclusion de violation du devoir de juste représentation, même si aucun préjudice n'en découle.

  3. Le Tribunal a commis une grave erreur de fait en concluant à « un manque de communication » sans faits à l'appui.

[5] La WGC demande que la déclaration relative à sa violation de l'article 35 soit annulée. Subsidiairement, la WGC demande qu'on lui accorde la possibilité de produire une preuve et de présenter des observations au sujet des questions susmentionnées et, en conséquence, du prétendu manquement au devoir de juste représentation découlant d'un manque de communication avec le plaignant. La WGC ne demande pas le réexamen des autres aspects de la décision no 050.

Positions des parties

Résumé des observations de la WGC

[6] Selon la WGC, les tribunaux administratifs qui rendent des décisions qui touchent « les droits, les privilèges ou les biens d'une personne » ont l'obligation d'agir équitablement. La WGC a fait valoir que la nature des procédures et les sanctions correctives auxquelles s'expose une partie déterminent si les droits, les privilèges ou les biens d'une personne sont touchés. Le tout n'est pas déterminé par la réparation imposée à la fin d'une affaire en particulier. Une allégation selon laquelle une association d'artistes a manqué à son devoir de juste représentation vise l'essentiel du mandat et de la fonction de cette association. Dans cette affaire, la WGC prétend que la nature déclaratoire de la réparation a une profonde incidence sur les ressources à investir dans une communication individuelle avec des écrivains touchés par des griefs.

[7] Selon la WGC, cette obligation d'agir équitablement exige qu'un tribunal informe les parties de la preuve sur laquelle il entend fonder sa décision et leur donne l'occasion d'y répondre et de présenter des arguments à ce sujet. Cette obligation existe en common law et il y est fait allusion aussi dans le paragraphe 19(1) de la Loi. En conséquence, un tribunal ne peut pas rendre une décision contre une partie sans donner à celle-ci la possibilité d'aborder les questions sur lesquelles il entend fonder cette décision.

[8] La WGC soutient que le Tribunal peut admettre d'office certains faits qui ressortissent à sa spécialisation ainsi que certains faits 1) s'ils sont à ce point reconnus et acceptés qu'on ne peut raisonnablement les mettre en doute, ou 2) s'ils peuvent être établis immédiatement et avec précision d'après des sources dont l'exactitude est incontestable. Avant d'admettre certains faits d'office, les parties devraient avoir la possibilité de présenter leurs observations à cet égard.

[9] Dans la présente affaire, la WGC prétend que le Tribunal, de sa propre initiative, a tenu compte de deux facteurs que les parties n'avaient pas portés à son attention et au sujet desquels elles n'ont pas eu la possibilité de présenter des observations :

  1. les ressources et l'expérience de la WGC en tant qu'association d'artistes;

  2. la question de savoir si la nature du grief, impliquant des questions de droit d'auteur, pouvait entraîner une norme de représentation plus élevée.

[10] La WGC soutient que les observations des parties ne comportaient aucune mention de ces facteurs. Par conséquent, le Tribunal a dû admettre d'office des faits liés à l'expérience et aux ressources de la WGC ainsi qu'à la nature du grief. La WGC fait valoir que la conclusion du Tribunal à cet égard ne respecte pas le critère mentionné précédemment au sujet des faits admissibles d'office et que ces faits ne ressortissaient pas à la spécialisation du Tribunal.

[11] En ce qui a trait à l'expérience et aux ressources de la WGC, le Tribunal a invoqué sa décision de 1996 au sujet de l'accréditation de la WGC. La WGC soutient que ces renseignements sont maintenant désuets, que les parties de la décision citées par le Tribunal ne portent même pas sur les ressources et que la question des ressources n'est pas abordée dans l'analyse du Tribunal. Des conclusions de faits vieilles de dix ans qui se fondaient sur d'autres questions ne remplacent pas convenablement une enquête en bonne et due forme sur l'expérience et les ressources de la WGC.

[12] Quant à la nature du grief, la WGC prétend que pratiquement toutes les modalités de rémunération de l'accord-cadre sont liées au droit d'auteur. Les griefs ne peuvent pas tous porter sur des aspects d'importance primordiale sans en banaliser la notion-même. La question de savoir si le grief touche un aspect essentiel au plan de l'emploi ne peut être établie qu'à la suite d'une analyse de l'accord-cadre et de la signification des articles violés.

[13] La WGC conteste l'argument voulant que le litige porte sur « [TRADUCTION] la norme à laquelle elle doit satisfaire ». Une définition aussi large pourrait comprendre pratiquement tout ce que le Tribunal décide d'examiner sans avertissement préalable. Selon la WGC, ceci assujettit les parties à une forme de « combat simulé » où elles doivent anticiper tout argument susceptible d'intéresser le Tribunal. Une telle façon de faire entraînerait des actes de procédure volumineux, ce qui nuirait au déroulement sans formalisme et efficace du Tribunal.

[14] La WGC fait valoir qu'aucune jurisprudence n'appuie la conclusion du Tribunal selon laquelle le manque de communication de l'agent négociateur avec le membre, même s'il ne cause aucun préjudice à ce dernier, peut constituer, en soi, un motif pour établir qu'il y a eu manquement au devoir de juste représentation. En fait, la jurisprudence sur laquelle se fonde le Tribunal semble plutôt indiquer le contraire. La notion de préjudice est pertinente pour établir s'il y a eu violation et non seulement pour savoir ce que devrait être la réparation à ladite violation.

[15] Selon la WGC, le Tribunal, dans ses conclusions, s'est concentré sur le défaut de réagir aux demandes de renseignements du plaignant au sujet des conditions de vente de ses oeuvres à la station de radiodiffusion par satellite, ainsi que sur le grief déposé au sujet de cette vente. Avant l'arbitrage, la WGC ne disposait d'aucun moyen d'exiger de la SRC qu'elle produise cette information et n'était pas au courant de la valeur précise de la vente des oeuvres du plaignant. La WGC ne pouvait donc pas retenir de l'information qu'elle n'avait pas. D'après la WGC, la preuve démontre qu'elle avait répondu aux demandes de renseignements du plaignant à plusieurs reprises.

Résumé des observations de M. Stephen Petch

[16] M. Petch, le plaignant (l'intimé dans cette demande de réexamen) soutient que le Tribunal devait décider si la conduite de la WGC avait été arbitraire ou non. La norme de conduite applicable à la WGC n'est qu'un aspect de cette question, non une nouvelle question.

[17] Même si elle constituait une nouvelle question, il n'existait aucune exigence d'équité procédurale à ce sujet. Les sortes de préjudice dont fait état la jurisprudence (expulsion, incarcération) comme résultant d'un manquement à l'équité procédurale sont absentes du présent cas. La décision du Tribunal n'est qu'une déclaration et ne comporte aucune pénalité.

[18] En ce qui a trait à l'expérience et aux ressources de la WGC, M. Petch souligne que la WGC elle-même a déclaré qu'elle négociait avec la SRC depuis le début des années 1960. M. Petch signale également que c'est la WGC elle-même qui a versé la décision d'accréditation au dossier. Même si elle prétend maintenant que les renseignements sont « désuets », la relation et les activités mentionnées existaient vraiment. M. Petch ajoute que, bien que la WGC fasse valoir l'absence de preuve quant à ses ressources et laisse entendre qu'elle ne dispose pas des ressources nécessaires pour communiquer individuellement avec tous les écrivains impliqués dans le grief, il semble toutefois qu'elle dispose de ressources suffisantes pour défendre sa position dans la présente affaire.

[19] Pour ce qui est de la gravité du grief, M. Petch soutient que, même s'il est vrai que la plupart des aspects visés par l'accord-cadre sont liés au droit d'auteur, la question en litige en l'espèce, qui est celle de la violation du droit d'auteur, est primordiale pour un écrivain.

[20] M. Petch est en désaccord avec l'argument de la WGC prétendant que l'erreur susmentionnée représentait le seul fondement de la conclusion de manquement au devoir de juste représentation tirée par le Tribunal. Le Tribunal a mentionné des cas où le manque de communication n'était que l'un des facteurs à considérer. M. Petch soutient que la conclusion du Tribunal se basait aussi sur des omissions de le tenir au courant du déroulement de la procédure de règlement du grief, de lui communiquer des détails du règlement et de lui permettre de prendre d'autres mesures. En outre, M. Petch soutient que même si le Tribunal n'a pas mentionné expressément un préjudice, le fait d'être dépourvu de la possibilité même d'accepter le règlement visant la violation de son droit d'auteur constitue un préjudice.

[21] M. Petch prétend qu'il y a effectivement eu un manque de communication de la part de la WGC. La WGC n'a communiqué avec lui qu'une seule fois sans y avoir été sollicitée et, lorsqu'il s'est adressé à elle, la WGC n'a jamais répondu à ses questions.

Résumé des observations de la SRC

[22] La SRC, partie intervenante dans cette plainte, a été invitée à présenter des observations dans le cadre de cette demande de réexamen. Selon elle, la demande de réexamen devrait être rejetée parce qu'elle ne saurait être justifiée que par la commission d'une erreur de droit ou d'une grave erreur de fait. Or, selon elle, il incombe à la WGC d'établir des motifs sérieux ou même des circonstances exceptionnelles susceptibles de mettre en doute les conclusions de la formation initiale. Un simple désaccord avec le Tribunal concernant son analyse des faits ou son interprétation de la loi ne justifie pas un réexamen.

[23] Selon la SRC, la WGC a mal cerné la question au coeur de sa demande, soit la norme de représentation qu'elle doit respecter. Toujours selon la SRC, la WGC a fait souvent référence à l'importance fondamentale du droit d'auteur pour une association d'artistes, dans ses observations, et a également abordé la question du critère qu'il convient d'appliquer pour établir une telle norme.

[24] Le Tribunal, dans son application des principes du droit du travail, a choisi d'accorder une importance particulière à deux décisions du Conseil canadien des relations industrielles (le « Conseil »), plutôt que d'accepter totalement les observations de la WGC. Même si aucune des parties n'avait choisi de les invoquer, ces décisions étaient accessibles à toutes les parties lors de l'audience. Le Tribunal pouvait donc invoquer ces décisions sans faire intervenir davantage les parties.

[25] Concernant l'expérience et les ressources de la WGC, la SRC soutient que le Tribunal n'a pas commis d'erreur de droit en se fondant sur la décision d'accréditation de la WGC. Prétendre le contraire signifierait que les faits qui ont servi de fondement à l'accréditation de la WGC ont fait l'objet d'une assertion inexacte à l'époque. Aucune preuve n'établit que la situation de la WGC s'est détériorée depuis au point de rendre erronées les conclusions du Tribunal sur son expérience et ses ressources.

[26] Selon la SRC, le Tribunal n'a commis aucune erreur de droit dans son interprétation de la jurisprudence. Elle prétend qu'un manquement au devoir de juste représentation est simplement une violation, peu importe qu'il en résulte un préjudice. Le préjudice découlant d'une conclusion de l'existence d'une violation se mesure à la réparation ordonnée par le Tribunal. L'absence de préjudice grave résulte du fait que le Tribunal n'a prononcé qu'un jugement déclaratoire.

[27] La SRC soutient que les arguments de la WGC à ce sujet ne traduisent qu'un désaccord avec la façon dont le Tribunal a interprété les faits qui lui ont été présentés. Ce n'est pas un motif suffisant pour justifier une demande de réexamen. Pour en arriver à sa conclusion, le Tribunal s'est fondé uniquement sur les faits qui lui ont été soumis.

Questions en litige

[28] La demande de la WGC soulève les questions suivantes :

  1. Le Tribunal a-t-il manqué à son devoir d'équité procédurale?

  2. Le Tribunal a-t-il commis une erreur de droit en concluant que la WGC avait manqué à son devoir de juste représentation?

  3. Le Tribunal a-t-il commis une grave erreur de fait dans son interprétation des faits qui lui ont été présentés?

Analyse

[29] La demande de réexamen de la WGC est soumise conformément à l'article 20 de la Loi qui prévoit ce qui suit :

(1) Le Tribunal peut maintenir, annuler ou modifier ses décisions ou ordonnances et réinstruire une affaire avant de la trancher.

[30] Le pouvoir de réexamen du Tribunal est expliqué plus en détail à l'article 45 du Règlement sur les procédures du Tribunal canadien des relations professionnelles artistes-producteurs, DORS/2003-343, (le « Règlement ») :

45. (1) Sous réserve du paragraphe (3), toute personne touchée par une décision ou une ordonnance du Tribunal peut lui en demander le réexamen en déposant sa demande dans les trente jours suivant la date de la décision ou de l'ordonnance contestée.
 
(2) La demande doit être fondée sur un des motifs suivants :
 
a) la décision ou l'ordonnance du Tribunal contient une erreur de droit ou une grave erreur de fait;
(...)

[31] Le Code canadien du travail, L.R.C. 1985, c. L-2, comporte une disposition semblable à celles qu'on trouve dans la Loi et le Règlement. Le Conseil a interprété cette disposition et a énoncé clairement que « [l]e pouvoir de réexamen conféré au Conseil ne se veut pas un recours en appel ou une contestation des conclusions du Conseil ou de la décision du banc initial » (Telus Corporation, [2000] CCRI no 94; et 72 CLRBR (2d) 305).

[32] Le Conseil a en outre déclaré ce qui suit au sujet de l'utilisation du pouvoir de réexamen lors de sa décision dans Société Radio-Canada (1991), 86 di 92; et 92 CLLC 16,006 (CCRT no 897)

(...) qu'il nous soit permis de répéter ce qui a été dit récemment dans CanWest Pacific Television Inc. (CKVU) (1991), 84 di 19 (CCRT n 847), à savoir que le réexamen d'une décision est l'exception plutôt que la règle. Le Conseil a pour premier souci le caractère définitif de ses décisions, de sorte qu'il incombe au requérant de le convaincre que des raisons sérieuses justifient l'annulation de la décision originale. La première fonction d'un banc de révision consiste à filtrer les demandes compte tenu de ces principes. Les demandes ne franchiront pas cette première étape si elles n'apportent pas des circonstances ou des faits nouveaux qui, eussent-ils été connus à l'époque, auraient pu amener le Conseil à aboutir à une autre conclusion. Les demandes faisant état d'erreurs de droit ou de principe sans révéler de faits susceptibles de soulever de graves réserves quant à l'interprétation de l'affaire qu'a donnée le banc de membres initial ne seront pas traitées différemment. Le simple fait de n'être pas d'accord avec le Conseil sur l'analyse des faits ou sur l'interprétation qu'il a donnée du droit ou des principes invoqués ne suffit pas à justifier une révision par le Conseil siégeant en séance plénière.

[33] De même, le Conseil mentionnait dans 591992 BC Ltd., [2001] CCRI no 140

Le Conseil accorde une grande importance au caractère définitif de ses décisions. Ainsi le renversement d'une décision du banc initial demeure l'exception plutôt que la règle. Il incombe au demandeur, qui a le fardeau de la preuve, de démontrer qu'il existe de sérieuses raisons, voire des circonstances exceptionnelles, qui justifieraient le réexamen d'une décision. Les motifs invoqués par l'employeur en l'espèce ne sauraient justifier une réouverture du dossier.

[34] Le Tribunal souscrit à cette interprétation et, par conséquent, il ne modifiera pas ses conclusions sans raison valable.

Le Tribunal a-t-il manqué à son devoir d'équité procédurale?

[35] Dans sa demande de réexamen, la WGC prétend que le Tribunal a manqué à son devoir d'équité procédurale en considérant deux facteurs qu'aucune des parties ne lui avait présentés, soit l'expérience relative de la WGC à titre d'association d'artistes et la nature du grief, pour appliquer une norme de représentation plus élevée à la conduite de la WGC. La WGC prétend que le Tribunal a commis une erreur de droit aux termes de l'alinéa 45(2)a) du Règlement, en n'avisant pas les parties des deux facteurs susmentionnés et en ne leur donnant pas la possibilité d'y répondre.

[36] La WGC fait également valoir que le Tribunal, en tenant compte d'une jurisprudence qui n'avait pas été invoquée par les parties et qui soulevait des points auxquels les parties n'avaient jamais fait allusion, a manqué à son devoir d'équité procédurale.

[37] Les dispositions pertinentes de la Loi sont les suivantes :

19. (4) Le Tribunal peut admettre d'office les faits ainsi admissibles en justice de même que les faits généralement reconnus et les renseignements qui ressortissent à sa spécialisation.
 
19. (5) Sauf pour les faits admissibles d'office, le Tribunal informe les parties et les intervenants de son intention d'admettre des faits ou renseignements et leur donne la possibilité de présenter leurs observations à cet égard.

[38] Dans l'arrêt Knight c. Indian Head School Division No. 19, [1990] 1 R.C.S. 653, la juge L'Heureux-Dubé a reconnu qu'il existe un droit à l'équité procédurale devant les tribunaux administratifs, qui comprend le droit d'être entendu, mais que le cadre législatif doit être examiné pour voir s'il modifie ce droit. Le devoir d'équité est une norme variable qui dépend de la nature de la question à trancher et de la disposition législative en cause. Le paragraphe 19(4) de la Loi permet au Tribunal d'admettre d'office les faits ainsi admissibles en justice et en vertu du paragraphe 19(5), il n'a pas à informer les parties de son intention de le faire.

[39] En conséquence, le Tribunal peut admettre des lois, des règlements, sa jurisprudence ainsi que des faits reconnus et incontestables, et en tenir compte pour se prononcer.

[40] Le Tribunal a tenu compte des principes applicables du droit du travail conformément à l'alinéa 18a) de la Loi qui déclare :

18. Le Tribunal tient compte, pour toute question liée :
a) à l'application de la présente partie, des principes applicables du droit du travail; [...]

[41] Le Tribunal a consulté la jurisprudence des tribunaux et des conseils du travail en matière de devoir de juste représentation. L'examen de principes pertinents dans d'autres sphères des relations de travail et leur application dans le contexte de la Loi ne supposaient pas la production d'éléments de preuve.

[42] La détermination de la formation initiale relative à la nature du grief et, plus précisément, au bien-fondé de la norme de représentation plus élevée à laquelle en est finalement arrivé le Tribunal, s'appuyait sur la jurisprudence dont disposaient les parties lorsqu'elles ont formulé leur argumentation. Le fait qu'aucune d'elles n'ait mentionné ces décisions n'empêchait pas le Tribunal de les invoquer. Lorsqu'il examine les affaires qui lui sont soumises, le Tribunal ne peut pas se limiter aux affaires que lui citent les parties et un tel comportement ne constitue pas un déni de justice naturelle.

[43] Quant à la preuve relative à l'expérience de la WGC à titre d'association d'artistes, la mention, par le Tribunal, de décisions antérieures ne devrait pas être considérée comme un déni de justice naturelle. Un conseil des relations de travail a le droit de s'appuyer sur ses conclusions précédentes dans ses rapports avec les parties lorsque ces conclusions de fait sont pertinentes aux affaires qui lui sont soumises. Tenir compte d'événements passés entre les parties lui permet de mieux comprendre les faits.

[44] En l'espèce, c'est la WGC qui, au paragraphe 2 de sa réponse à la plainte, indique ce qui suit : « [Traduction] La SRC et la WGC (et ses prédécesseurs depuis l'ACTRA) ont depuis le début des années 60 une relation de négociation collective qui a donné lieu aux accords-cadres en vigueur pendant toute la période pertinente ».

[45] La WGC a aussi mentionné son expérience, son expertise et ses ressources afin d'établir qu'elle était la mieux placée pour s'occuper du grief de M. Petch en déclarant ce qui suit au paragraphe 25 de sa réponse initiale :

[TRADUCTION] Puisque [...] la vente par la SRC avait déjà eu lieu, le moyen le plus efficace d'obtenir le meilleur résultat possible pour tous les écrivains était de s'adresser à la SRC dans le cadre d'une démarche collective, en faisant appel à l'expérience, à l'expertise et aux ressources de la WGC. Laisser la SRC traiter individuellement avec les écrivains pour régler des questions touchant la violation de l'accord-cadre pourrait lui permettre d'exploiter la position relativement plus faible de chaque écrivain afin de conclure de moins bons règlements susceptibles de compromettre les intérêts plus larges des écrivains et de la WGC.

[46] Les faits que le Tribunal a examinés étaient apparents à la lecture du dossier et non des faits reconnus d'office. Le Tribunal n'a pas effectué de recherche indépendante pour obtenir d'autres données ou d'autres éléments de preuve. Les deux parties ont eu la possibilité de présenter leur version de l'affaire. Le Tribunal n'a tenu compte d'aucun nouveau fait.

[47] Le Tribunal conclut que la WGC n'a pas établi de motifs sérieux susceptibles de mettre en doute l'interprétation de l'affaire qu'a donnée la formation initiale.

[48] Par conséquent, le Tribunal estime que la WGC n'a pas été privée de son droit d'être entendue et qu'il n'y a eu aucun manquement au devoir d'équité procédurale.

Le Tribunal a-t-il commis une erreur de droit en concluant que la WGC avait manqué à son devoir de juste représentation?

[49] La WGC prétend que le Tribunal a établi une norme erronée de représentation pour un agent négociateur. La WGC fait valoir qu'aucune jurisprudence en droit du travail n'appuie l'argument voulant qu'un manque de communication avec un membre qui ne suscite aucun préjudice peut, en soi, constituer un manquement au devoir de juste représentation.

[50] La formation initiale du Tribunal a clairement passé en revue la jurisprudence en droit du travail qui traite du devoir de juste représentation, y inclus celle qui traite des questions de communication avec un membre et a appliqué cette jurisprudence dans le contexte de la Loi. Dans le cadre de la Loi et des circonstances particulières de la plainte, le Tribunal a mis l'accent sur un critère parmi ceux dont les autres tribunaux tiennent habituellement compte dans des affaires semblables, soit le manque de communication entre un agent négociateur et un de ses membres.

[51] Tel qu'énoncé au paragraphe 105 de la décision n° 050, « Plus récemment, dans Robert Adams, précitée, après avoir fait un survol de sa jurisprudence, dont Jacqueline Brideau et Luc Gagnon, précitées, ainsi que Ronald Shanks (1996), 100 di 59 (CCRT no 1157), le Conseil a conclu au paragraphe 53 que :

De cette jurisprudence se dégage le principe que même si un manque de communication ne mène pas inéluctablement à une violation [de l'article 37], la conduite du syndicat sur ce point précis doit être évaluée dans chaque cas. »

[52] En définissant la norme de représentation applicable au devoir de juste représentation tel qu'énoncé à l'article 35 de la Loi, le Tribunal interprète sa propre loi. Il revient au Tribunal, à l'intérieur de son cadre législatif, de déterminer quels facteurs sont pertinents dans des situations particulières.

[53] Le Tribunal est d'avis que les arguments de la WGC à cet égard ne constituent qu'un simple désaccord avec les conclusions de la formation initiale du Tribunal. Tel que mentionné dans Société Radio-Canada, supra, un simple désaccord avec l'interprétation donnée par le Conseil des faits invoqués et de la législation n'est pas un motif de réexamen.

[54] Pour ces raisons, le Tribunal conclut que les prétentions à cet égard ne soulèvent aucun motif de réexamen.

Le Tribunal a-t-il commis une grave erreur de fait dans son interprétation des faits qui lui ont été présentés?

[55] La conclusion de fait du Tribunal quant au manque de communication, telle qu'elle est énoncée au paragraphe 125 de la décision, est la suivante :

[...] les communications en question n'ont d'une façon ou d'une autre jamais répondu aux demandes du plaignant, soit en lui donnant l'information ou une partie de l'information demandée [au sujet de la vente de ses oeuvres] ou même en indiquant pourquoi cette information ne serait pas fournie.

[56] Les arguments de la WGC sont qu'elle ne disposait d'aucune information au sujet de la vente des oeuvres de M. Petch à aucun moment pertinent et qu'il y a eu, à d'autres moments, des communications entre les parties au sujet de l'état du grief.

[57] Il ressort clairement de la citation ci-dessus que le manque de communication constaté par le Tribunal était précisément lié au manque d'information sur la vente des oeuvres de M. Petch ou, subsidiairement, à la raison pour laquelle cette information n'était pas fournie.

[58] Le fait qu'aucune information n'était disponible ou que de l'information sur un autre sujet a été fournie ne rend pas la conclusion du Tribunal erronée. Le tout indique simplement que la WGC diffère d'opinion quant à savoir quelle preuve est pertinente pour décider de cette question.

[59] Le Tribunal conclut que la WGC n'a pas invoqué des motifs sérieux justifiant l'annulation de la décision no 050.

Décision

[60] Le Tribunal conclut que les motifs soulevés ne justifient pas le réexamen de la décision no 050. Pour toutes ces raisons, la demande de réexamen présentée par la WGC est rejetée.



Ottawa, le 10 août 2006
 
 
« David P. Silcox »
Président de la séance
« John M. Moreau, c.r. »
Membre
 
« Lyse Lemieux »
Membre
 

Création : 2006-08-21
Révision : 2006-09-27
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