|
|
Accueil
Décisions
Décision no 037
Décisions du Tribunal
Ottawa, le 4 janvier 2002 |
Dossiers : 1310-95-0021-A
1310-95-0007-A |
Dans l'affaire de la demande d'accréditation
présentée par l'Association des professionnels des arts de la
scène du Québec (APASQ-CSN) et dans l'affaire de la demande
d'accréditation présentée par l'Associated Designers of
Canada
Décisions du Tribunal :
Le Tribunal accorde l'accréditation à
l'Association des professionnels des arts de la scène du Québec
(APASQ-CSN) dans une forme modifiée.
Le Tribunal accorde l'accréditation à
l'Associated Designers of Canada dans une forme modifiée.
Lieux de l'audience : |
Montréal (Québec); Toronto (Ontario).
|
Dates de l'audience : |
Les 20 et 21 mars 2001; 27, 28 et 29 juin 2001; 1er
novembre 2001.
|
Quorum : |
Me Robert Bouchard, président de séance |
|
M. David P. Silcox, membre |
|
Mme Moka Case, membre
|
Ont comparu : |
Me Éric Lévesque et M. David
Gaucher, pour l'Association des professionnels des arts de la scène du
Québec
Mme Sherri Helwig et M. Dennis Horn, pour
l'Associated Designers of Canada
Me Chantal Poirier et Mme Francine
Bertrand-Venne, pour la Société professionnelle des auteurs et
des compositeurs du Québec
Me Louise Cadieux, pour l'Union des
artistes
M. James Wood, M. Sean McGee et M. Sylvain
Bisaillon, pour l'International Alliance of Theatrical Stage Employees, Moving
Picture Technicians, Artists and Allied Crafts of the United States and
Canada
Me Jacques Béland, M. Pierre
Rousseau et M. Alexandre Gazalé, pour le Centre national des Arts et
Théâtres Associés Inc.
Mme Pat Bradley, pour la Professional
Association of Canadian Theatres |
Table of Contents:
Motifs de décision
1310-95-0021-A : Dans l'affaire de la demande d'accréditation
présentée par l'Association des professionnels des arts de la
scène du Québec (APASQ-CSN)
310-95-0007-A : Dans l'affaire de la demande
d'accréditation présentée par l'Associated Designers of
Canada
Contexte
[1] Cette décision porte sur deux demandes
d'accréditation entendues par le Tribunal canadien des relations
professionnelles artistes-producteurs (le « Tribunal »)
en vertu de l'article 25 de la Loi
sur le statut de l'artiste (L.C. 1992, ch. 33, ci-après
« la Loi »). Le
Tribunal devait initialement étudier la demande de l'Association des
professionnels des arts de la scène du Québec (APASQ-CSN)
(l'« APASQ ») et étudier la demande de
l'Associated Designers of Canada (l'« ADC ») à une
date ultérieure. Après l'audience tenue à
Montréal les 20 et 21 mars, le Tribunal a jugé qu'il serait
plus efficace d'entendre les demandes conjointement puisqu'elles sont
concurrentielles en partie. L'examen de ces deux dossiers s'est donc
poursuivi à Montréal les 27, 28 et 29 juin et à Toronto le
1er novembre 2001.
[2] Le Tribunal a reçu la demande d'accréditation de
l'APASQ le 14 mars 1996. La demande originale visait un secteur de
négociation composé de :
Tous les concepteurs de décors, de costumes,
d'éclairage, de son, d'accessoires, de marionnettes, les metteurs en
scène, les régisseurs, les peintres de décors, les
directeurs techniques, les directeurs de production et tous les assistants aux
costumes, aux décors et aux metteurs en scène oeuvrant sur le
territoire du Québec ou au Centre national des Arts dans les domaines
suivants : arts de la scène, danse et
variétés.
[3] Un avis public de cette demande a été publié
dans la Gazette du Canada du samedi 6 avril 1996 ainsi que dans
La Presse et The Globe and Mail le mardi 9 avril 1996.
L'avis public fixait au 17 mai 1996 la date limite avant laquelle les
artistes, les associations d'artistes, les producteurs et les autres
intéressés devaient faire connaître au Tribunal la nature
de leur intérêt.
[4] Les associations d'artistes suivantes ont signifié leur
intérêt à l'égard de la demande de l'APASQ :
- l'Union des artistes (« UDA »),
- la Canadian Actors' Equity Association
(« CAEA »),
- l'Association des réalisateurs et
réalisatrices du Québec (« ARRQ »),
- la Société professionnelle des auteurs et
des compositeurs du Québec (« SPACQ »),
- l'Associated Designers of Canada
(« ADC »);
les producteurs suivants :
- la Professional Association of Canadian Theatres
(« PACT »),
- les Théâtres Associés Inc.
(« TAI »),
- le Centre national des Arts
(« CNA »);
ainsi que l'artiste, Tibor Egervari.
[5] En septembre 1996, le Tribunal a accueilli la demande
d'intervention de l'International Alliance of Theatrical Stage Employees,
Moving Picture Technicians, Artists and Allied Crafts of the United States and
Canada (« IATSE ») et lui a accordé un statut
limité.
[6] La demande d'accréditation de l'APASQ a été
traitée en partie en 1997 et 1998, quand le Tribunal a défini un
secteur de négociation distinct pour les metteurs en scène et a
ordonné la tenue d'un scrutin de représentation [voir
Association des réalisateurs et réalisatrices du Québec
et al., 1997 TCRPAP 024]. L'UDA a emporté
le scrutin et le Tribunal l'a accréditée le 24 juillet 1998
pour représenter un secteur comprenant les « metteurs en
scène lors d'une production sur scène, en français, d'une
oeuvre littéraire, musicale ou dramatique ou d'un numéro de mime,
de variétés, de cirque ou de marionnettes » [voir
Union des Artistes et Association des professionnels des arts de la
scène du Québec, 1998 TCRPAP 027].
[7] Le secteur proposé par l'APASQ a subséquemment
été amendé le 19 février 2001 pour faire suite
à la décision du Tribunal accréditant l'UDA pour
représenter les metteurs en scène et pour y exclure les
directeurs techniques et les directeurs de production. Le secteur amendé
se lit ainsi :
Tous les concepteurs de décors, de costumes,
d'éclairage, de son, d'accessoires, de marionnettes, les
régisseurs, les peintres de décors et tous les assistants aux
costumes, aux décors et aux metteurs en scène oeuvrant sur le
territoire du Québec ou au Centre national des Arts dans les domaines
suivants : arts de la scène, danse et
variétés.
[8] L'ARRQ s'est désistée de son intervention le
8 mars 2001. Tibor Egervari n'est pas intervenu lors des audiences
publiques.
[9] Le Tribunal a reçu la demande d'accréditation de
l'ADC le 14 septembre 1995. L'ADC désire être
accréditée pour représenter « un secteur
comprenant tous les concepteurs de décors, de costumes,
d'éclairage et de son travaillant dans le domaine des arts de la
scène lorsque la production est présentée en
direct. »
[10] Un avis public de cette demande a été publié
dans la Gazette du Canada du samedi 20 janvier 1996, dans The
Globe and Mail et La Presse le 31 janvier 1996 ainsi que dans
l'édition de février du bulletin Info-fax de la
Conférence canadienne des arts et l'édition hivernale du
Qui-Vive. L'avis public fixait au 8 mars 1996 la date limite avant
laquelle les artistes, les associations d'artistes, les producteurs et les
autres intéressés devaient faire connaître au Tribunal la
nature de leur intérêt.
[11] À la date d'échéance, l'APASQ et la PACT
avaient signifié leur intérêt à l'égard de la
demande de l'ADC.
La preuve
L'APASQ
[12] Le premier témoin entendu est David Gaucher,
président de l'APASQ depuis un an. M. Gaucher oeuvre dans le
domaine théâtral à titre de scénographe depuis
environ 1987. Outre le théâtre, M. Gaucher a travaillé
à la télévision, au cirque et au cinéma où
il a fait la conception de décors et de costumes. Il a également
travaillé comme assistant aux décors.
[13] Il a témoigné qu'après les États
généraux du théâtre en 1981, le milieu
théâtral québécois a commencé à se
regrouper en associations et, en 1983, l'APASQ a vu le jour. L'association a
voulu inclure tous les métiers de la scène qui n'étaient
pas couverts par l'UDA. Les membres de l'APASQ travaillent surtout au
Québec mais certains travaillent au CNA à Ottawa.
[14] Le 6 juillet 1993, la Commission de reconnaissance des
associations d'artistes et des associations de producteurs du Québec a
accrédité l'APASQ pour représenter :
Toutes les personnes conceptrices de décors, de
costumes, d'éclairage et de son dans les domaines de production
artistique suivants: la scène, y compris le théâtre, le
théâtre lyrique, la musique, la danse et les
variétés. Toutefois lorsqu'une personne physique est
utilisée pour exécuter une telle production et que, dans le cadre
celle-ci, elle est autrement un salarié au sens du Code du travail,
visé ou non par une convention ou un contrat collectif de travail, elle
est alors exclue du secteur de négociation visé par la
présente reconnaissance.
[15] L'APASQ a déposé auprès du Tribunal copie
des quatre ententes collectives négociées avec des associations
de producteurs conformément à la loi québécoise sur
le statut de l'artiste. En voici la liste :
a) APASQ - Théâtres unis enfance jeunesse inc.
(« TUEJ »)
b) APASQ - Association des compagnies de
théâtre (« ACT » )
c) APASQ - Théâtres associés Inc.
(« TAI »)
d) APASQ - Association des producteurs de
théâtre privé (« APTP ») (une copie
de la sentence arbitrale a été
déposée.)
[16] M. Gaucher a expliqué que depuis son
accréditation provinciale, l'APASQ s'est surtout consacrée
à la négociation avec les associations de producteurs de
théâtre francophone. Plus récemment, elle a
signifié des avis de négociation à des
théâtres indépendants anglophones et francophones. Au
Québec, il n'existe pas d'association de producteurs qui regroupent des
théâtres anglophones et, par conséquent, la
négociation doit se faire avec chaque théâtre
individuellement. Il n'y a pas encore eu de négociation dans le secteur
de la danse, des arts lyriques et des variétés faute de
ressources et de temps, car de quatre à sept ans ont été
nécessaire pour négocier chacune des ententes mentionnées
ci-dessus.
[17] L'APASQ offre de nombreux services à ses membres.
Notamment, un coffre d'outils qui est défini comme étant une
grille des cachets versés par les producteurs depuis les dix
dernières années aux concepteurs et autres professionnels des
arts de la scène du Québec. Cet outil a été
créé pour aider les membres dans leur négociation
individuelle de contrats. L'APASQ offre aussi des services de consultation et
conseils pour la négociation de contrats ainsi que pour la
« vulgarisation » des différentes lois
s'appliquant aux membres. De plus, la caisse de sécurité des
arts de la scène offre un REER et un service de remboursement de facture
pour soins médicaux.
[18] L'APASQ gère un service d'information, de publication et
de diffusion. Des cours de formation continue et de perfectionnement sont
aussi disponibles pour les membres intéressés. L'APASQ a par
ailleurs participé à la réalisation de deux analyses de
métiers et de professions, l'une sur la profession d'assistant metteur
en scène et l'autre sur la profession de régisseur.
[19] L'APASQ s'implique dans de nombreuses activités
culturelles et artistiques, telles le projet du Centre d'archives
scénographiques, la Fondation Jean-Paul Mousseau et la Quadriennale de
Prague. Pour ce dernier projet qui aura lieu en 2003, l'objectif de l'APASQ
est de mettre en valeur les oeuvres qui reflètent la diversité et
la spécificité de la création scénographique
québécoise.
[20] Le mandat de l'APASQ, tel qu'énoncé dans le rapport
annuel, est de valoriser et reconnaître les concepteurs et l'ensemble des
professionnels des arts de la scène du Québec afin qu'ils
puissent améliorer leurs conditions de travail. Ainsi, l'APASQ leur
offre un service de soutien dans leur cheminement professionnel et
personnel.
[21] Le secteur proposé vise le territoire du Québec et
le CNA qui est membre de TAI. L'APASQ a négocié une entente
collective avec TAI pour le théâtre français. Il ressort
du témoignage que le secteur vise toutes les activités
artistiques au CNA à l'exception de celles au département de
théâtre anglais.
[22] Le deuxième témoin, Monique Corbeil,
régisseur et assistant metteur en scène, est la directrice
générale de l'APASQ depuis 1993. Elle a témoigné
que l'APASQ compte 110 membres actifs et quatre membres stagiaires. Il y a
également une centaine de permissionnaires qui peuvent être, par
exemple, les concepteurs étrangers qui viennent travailler au
Québec pour un producteur avec qui l'APASQ a conclu une entente. Par
catégorie, l'APASQ compte environ 50 concepteurs de décors, 30
concepteurs de costumes, 10 concepteurs de son, 20 concepteurs
d'éclairage, 10 assistants metteurs en scène, 10
régisseurs, 10 directeurs de production technique et un nombre de
concepteurs d'accessoires qui n'a pas été
spécifié. Il faut noter que plusieurs membres exercent plus
d'une profession. En contre-interrogatoire, Mme Corbeil a
déclaré qu'il n'y avait aucun peintre de décors inscrit
à ce titre et que les peintres de décors ne sont habituellement
pas mentionnés dans les publicités annonçant les
spectacles.
[23] Mme Corbeil a témoigné que plusieurs membres
de l'APASQ ont participé au Sommet des Amériques, à la
Fête du Canada et aux Jeux de la Francophonie. Elle a également
identifié 17 membres de l'APASQ sur la liste des concepteurs,
déposée par l'ADC, qui ont travaillé au CNA. Un contrat
APASQ est intervenu que pour une seule de ces productions, notamment la
coproduction qui a eu lieu entre le Théâtre de l'Île de Hull
et le CNA. Mme Corbeil explique l'absence de contrats APASQ conclus entre
ses membres et le CNA du fait qu'actuellement le département de
théâtre français n'embauche pas directement de
concepteurs.
[24] Cependant, Fernand Déry, administrateur au
théâtre français du CNA, a témoigné que
l'objectif du CNA est de relancer la production dans le département de
théâtre français dans un avenir rapproché. Il
s'agit de l'objectif proposé par M. Denis Marleau, directeur
artistique du CNA.
[25] Mme Corbeil a affirmé que la demande de l'APASQ vise
les arts de la scène, la danse et les variétés. Selon les
témoins de l'APASQ, les variétés incluent l'art lyrique,
la danse, l'opéra, l'humour, la musique populaire, le cirque et
l'événement. Mme Corbeil a expliqué qu'il y a peu
de concepteurs, entrepreneurs indépendants, qui travaillent dans le
domaine de l'opéra parce que les compagnies d'opéra engagent des
concepteurs à titre de salariés et que, dans bien des cas, les
décors et les costumes existent déjà et sont
transportés d'un endroit à un autre.
Les concepteurs d'accessoires
[26] Patricia Ruel et David Gaucher ont témoigné au nom
l'APASQ au sujet de la fonction du concepteur d'accessoires et de sa
contribution à la production. Quatre autres témoins, Fernand
Déry, Dennis Horn, Pierre Rousseau et Alexandre Gazalé, ont
relaté au Tribunal leur expérience dans ce domaine.
[27] Patricia Ruel travaille à titre de conceptrice
d'accessoires depuis 1998, mais elle a également travaillé
à titre de chef accessoiriste, d'assistante aux accessoires, de
conceptrice de décors (scénographe) et d'assistante aux costumes
dans une trentaine de productions.
[28] Elle affirme que les services du concepteur d'accessoires sont
retenus par le producteur en consultation avec le scénographe. Les
contrats que Mme Ruel signe comme conceptrice d'accessoires sont
identiques à ceux qu'elle signe comme scénographe, à
l'exception de la définition des tâches. Les contrats
prévoient que les accessoires utilisés dans une production
demeurent la propriété du producteur et qu'il ne peut les
réutiliser dans leur intégralité sans le consentement de
Mme Ruel. Cependant, les maquettes qu'elle prépare demeurent sa
propriété.
[29] Il ressort du témoignage que les productions
« réalistes », comme les pièces
d'époque, exigent de la recherche à la bibliothèque en
raison de la reconstitution et des précisions à respecter pour
les meubles, la vaisselle, la peinture, etc. Il faut adapter et parfois
créer des objets lorsqu'il s'avère trop difficile de trouver les
accessoires requis. Dans les productions qu'elle qualifie de
« création » (par ex., la science fiction),
Mme Ruel affirme que le concepteur d'accessoires peut être
appelé à créer des accessoires complètement
nouveaux. Ces objets créés sont presque des sculptures. Le
concepteur doit également préparer des maquettes, des
échantillons ou des prototypes pour les accessoires. Il arrive aussi que
les accessoires soient achetés ou loués.
[30] Le concepteur d'accessoires doit lire le texte pour
déterminer le travail qu'il aura à accomplir. Il doit
connaître le budget de la production avant de négocier le contrat
avec le producteur. Dans les productions à gros budget, le concepteur
doit faire la supervision des contractuels en atelier. Il arrive que le
concepteur travaille avec un assistant. Selon Mme Ruel, le concepteur
d'accessoires doit travailler de près avec le metteur en scène et
l'assistant metteur en scène. Il doit faire preuve de
créativité pour interpréter la vision du metteur en
scène. Le travail du concepteur peut se continuer jusqu'à la
première.
[31] En contre-interrogatoire, Mme Ruel a expliqué que le
scénographe conçoit et imagine les éléments
scénographiques alors que le concepteur d'accessoires doit imaginer,
créer et réaliser les accessoires. Elle a confirmé qu'il
arrive parfois que la même personne soit chargée de la conception
des décors et des accessoires. Elle note cependant que le contrat
reflète cette situation et que le concepteur est
rémunéré en conséquence. À sa connaissance,
le concepteur de costumes ne cumulera pas la fonction de concepteur
d'accessoires. Selon Mme Ruel, la personne qui s'occupe des accessoires
au cours d'une représentation s'appelle l'accessoiriste de plateau et
qu'il s'agit d'une tâche complètement différente de celle
du concepteur. De plus, elle note qu'il y a une distinction à faire
entre la conception des accessoires de costumes tels les souliers, les gants,
les chapeaux, et la conception d'accessoires.
[32] Mme Ruel a témoigné que le concepteur
d'accessoires fait un travail de recherche, réalise des dessins et des
plans et doit être à l'écoute du metteur en scène.
La personne qui fabrique les accessoires sera plutôt un
ébéniste ou un peintre. Selon son expérience, le
concepteur d'accessoires relève du metteur en scène et non pas du
concepteur de décors. C'est toujours le metteur en scène qui a
le dernier mot.
[33] Le témoignage de M. Gaucher confirme
généralement celui de Mme Ruel quant à la
participation et le travail du concepteur d'accessoires.
[34] Fernand Déry a témoigné au nom du CNA et de
TAI. Selon M. Déry, il existe une différence entre un
concepteur d'accessoires et un accessoiriste. Être concepteur fait appel
à une notion de création alors qu'être accessoiriste se
limite à un rôle de magasinier ou d'exécutant. Il a
donné l'exemple du concepteur de décors qui dessine une lampe qui
est ensuite exécutée par l'accessoiriste. En
contre-interrogatoire, M. Déry a admis qu'il travaille surtout sous
le volet administratif depuis les 20 dernières années et qu'il
témoigne en fonction de son expérience générale au
théâtre.
[35] Dennis Horn, concepteur de costumes et de décors depuis 20
ans, a témoigné au nom de l'ADC. M. Horn a affirmé
que toute chose ou objet qui est manipulé par un comédien sur
scène est un accessoire, y inclus tout objet sur lequel le
comédien peut s'asseoir. Il a également témoigné
avoir eu à concevoir des accessoires mais toujours dans le cadre de son
travail à titre de concepteur de décors. Selon lui, la
conception d'accessoires relève du travail du concepteur de
décors et n'existe pas comme fonction distincte.
[36] Pierre Rousseau, directeur artistique au Théâtre
Denise Pelletier (« TDP ») à Montréal, a
témoigné au nom de TAI. M. Rousseau a affirmé qu'au
TDP, il n'y a pas toujours une personne attitrée pour les accessoires
et, s'il y en a une, son travail débute après celui des
concepteurs de décors et de costumes. Lors de la mise sur pied d'une
production, le metteur en scène est choisi, ensuite le
scénographe et le concepteur de costumes. Habituellement le metteur en
scène demande de travailler avec un assistant qui ensuite devient
régisseur. Les assistants aux costumes et aux décors sont
choisis si cela s'avère nécessaire. C'est alors que la
décision quant aux accessoires est prise. Un individu peut être
chargé de trouver des accessoires à l'extérieur ou il peut
simplement s'en remettre à la banque du théâtre. Au TDP,
il ne souvient pas d'avoir retenu les services de quelqu'un pour faire un
« concept d'accessoires ».
[37] Selon M. Rousseau, c'est le scénographe qui est
responsable de tout ce qui se voit sur la scène et la personne qui fait
les accessoires est d'abord en lien avec lui. Le concepteur d'accessoires ne
participe pas à la création de la production.
[38] Alexandre Gazalé, qui a témoigné pour TAI et
le CNA, a relaté au Tribunal son expérience avec les concepteurs
d'accessoires. M. Gazalé est le directeur de production au CNA
où il travaille depuis 1989. M. Gazalé a expliqué
que, tant au théâtre français qu'anglais du CNA, le
concepteur de décors aura sa maquette avec les directives pour les
accessoires. Il peut y avoir une discussion entre le concepteur et
l'accessoiriste; une liste est dressée et les accessoires sont choisis
dans l'entrepôt du CNA ou ailleurs.
[39] En contre-interrogatoire, M. Gazalé affirme n'avoir
jamais travaillé directement avec un concepteur d'accessoires mais
confirme avoir déjà travaillé pour des compagnies
où une personne était attitrée à cette fonction.
Il admet toutefois ne pas être en mesure de commenter la relation
particulière que peut avoir le concepteur d'accessoires avec les autres
concepteurs. Selon lui, le travail du concepteur d'accessoires ressemble
à ce que fait le chef d'atelier d'accessoires au CNA.
Les concepteurs de marionnettes
[40] Richard Lacroix a témoigné pour l'APASQ sur la
fonction de concepteur de marionnettes. M. Lacroix est
concepteur/scénographe depuis 1984. Sa principale activité est
la scénographie, mais il se considère également concepteur
de marionnettes. Il oeuvre principalement dans les domaines du
théâtre et de la danse contemporaine.
[41] À titre de concepteur de marionnettes, M. Lacroix est
engagé à contrat, de la même manière que les autres
concepteurs. Ses tâches sont la conception de l'environnement pour la
marionnette, appelé le castelet, et la conception de la marionnette, ce
qui se compare à la conception de costumes. M. Lacroix
précise que le concepteur de marionnettes se distingue du concepteur de
costumes parce qu'il crée le personnage de la marionnette au niveau de
son image.
[42] Selon lui, la source de création pour le concepteur de
marionnettes est la même que pour tout autre concepteur : l'intuition.
La conception de marionnettes peut se faire à partir de textes
déjà écrits ou peut être une création,
c'est-à-dire une idée qui est développée. Le
processus de création comprend généralement une
étape de recherche (intuitive, factuelle ou historique), d'analyse et
d'échange avec les autres intervenants. Cette étape procure au
concepteur l'inspiration nécessaire pour dessiner la marionnette, ses
mouvements et sa gestuelle. M. Lacroix caractérise ce travail
comme le concepteur investissant l'objet -- la marionnette -- d'une
âme.
[43] Le travail du concepteur de marionnettes se réalise sous
forme de dessins, mais il peut aussi prendre la forme de sculptures.
Généralement, un contrat prévoit la conception de
personnages, ce qui inclut le dessin de chaque personnage et de ses
mouvements. Lorsque le contrat prévoit aussi le castelet, cette
conception prend la forme de dessins et de maquettes en trois dimensions. Le
contrat prévoit également le suivi de la conception.
[44] Le concepteur de marionnettes assiste aux réunions de
production, de la même manière que les autres concepteurs. Il
prépare des esquisses préliminaires qui servent de
référence en atelier. comme pour la scénographie, le
castelet est souvent construit en atelier. Pour la fabrication de la
marionnette, M. Lacroix choisit son équipe qui est engagée
par le producteur. Cette équipe comprend le chef d'atelier, le
sculpteur et les peintres. De plus, il précise les costumes, les
matières molles, les cheveux et la finition de la marionnette. Pour
arriver au choix de la matière qui sera utilisée dans la
fabrication, M. Lacroix engage un assistant qui fait la recherche
nécessaire. Il indique que ce travail de recherche nécessite
parfois jusqu'à un mois.
[45] M. Lacroix a par ailleurs précisé que ses
contrats avec les producteurs sont rédigés de sorte qu'il puisse
conserver les droits de conception, les droits d'auteurs et les droits de suite
pour les marionnettes qu'il conçoit. Il explique qu'il reçoit
une redevance après chaque spectacle tout comme les autres concepteurs
au théâtre.
[46] M. Lacroix a travaillé au CNA à plusieurs
reprises où tous les spectacles de marionnettes ont été
présentés dans leur section jeunesse. De plus, il a
travaillé au CNA lors d'une production de danse contemporaine.
[47] En réponse aux questions de TAI, M. Lacroix a
précisé qu'un concepteur de marionnettes n'est pas
nécessairement un concepteur de costumes ou un scénographe.
Selon lui, la conception de marionnettes est une activité très
spécifique qui demande une recherche spécifique, mais s'il y
avait un rapprochement à faire, ce serait avec le concepteur de
costumes. Dans la plupart des cas, lorsque les services de M. Lacroix ont
été retenus pour exécuter plus d'une fonction, le contrat
le mentionnait et la rémunération était en
conséquence.
[48] En réponse aux questions de l'ADC, M. Lacroix a
indiqué qu'il a agi à titre de concepteur de marionnettes, sans
que ses services ne soient retenus à titre de concepteur de costumes.
Selon lui, les producteurs engagent maintenant des concepteurs pour chaque
médium. Cette nouvelle réalité existe depuis que des
organismes représentant les concepteurs tentent de définir les
tâches de chaque concepteur et que les exigences des concepteurs se sont
précisées.
Les assistants concepteurs de décors et de costumes
[49] Trois témoins ont témoigné pour l'APASQ
concernant les fonctions d'assistants aux décors et aux costumes : David
Gaucher, Patricia Ruel et Daniel Fortin. Deux autres témoins ont
également présenté une preuve sur ces fonctions : Dennis
Horn et Pierre Rousseau. Afin de ne pas alourdir le texte, les fonctions
d'assistant concepteur de costumes et d'assistant concepteur de décors
sont rendues dans les présents motifs par les expressions
« assistant aux costumes et assistant aux
décors ».
[50] M. Gaucher a expliqué au Tribunal le processus
créatif de la mise sur pied d'une production. De façon
générale, le producteur embauche un metteur en scène qui
construit une équipe de concepteurs. Le producteur et le metteur en
scène se réunissent pour discuter de la vision artistique de ce
dernier et du budget. Une fois l'équipe formée, le concepteur de
costumes, de décors, d'éclairage et de son ainsi que l'assistant
metteur en scène, l'assistant aux costumes et, quelques fois,
l'assistant aux décors participent aux réunions de
préproduction. La preuve révèle que la plupart des
productions ont un assistant metteur en scène mais seules les
productions plus importantes ont des assistants aux costumes et aux
décors. Les assistants sont habituellement embauchés par le
producteur.
[51] Selon M. Gaucher, l'assistant aux costumes
concrétise, donne vie à l'idée générale
établie par le concepteur. Ainsi, il interprète le texte et les
maquettes pour pouvoir choisir les tissus et les couleurs qui rendent la vision
du concepteur, ce qui nécessite de larges compétences
artistiques. Le travail de l'assistant dépend du style du
concepteur. Certains concepteurs sont très directifs avec leurs
assistants, d'autres le sont moins, ce qui donne plus de place à la
créativité. Le travail de l'assistant est beaucoup plus dans le
développement de la maquette ou la recherche d'un prototype; il peut
même fabriquer la maquette. Le suivi en atelier est souvent fait par
l'assistant. Il peut avoir un rôle de coordination. Il peut communiquer
avec le directeur de production. Dans certains cas, il peut partager une
idée ou faire une suggestion qui pourra être reçue. Dans
d'autres cas, il va devoir trouver la solution à un problème.
[52] Lors des répétitions, l'assistant aux costumes
exécute le même rôle que le concepteur en prenant soin de
remarquer les imperfections des costumes que portent les comédiens.
M. Gaucher a précisé que le rôle de l'assistant n'est
pas la fabrication des costumes en atelier, mais la direction de l'atelier.
Les fonctions de l'assistant aux décors se situent plus au niveau de la
recherche, du développement et de la fabrication de la maquette (ce qui
inclut les matériaux à être utilisés) pour ensuite
présenter celle-ci au metteur en scène ou au producteur. Par
contre, il existe inévitablement un côté administratif qui
est relié aux fonctions des assistants.
[53] M. Gaucher a témoigné que plusieurs membres de
l'APASQ exécutent les fonctions d'assistants aux décors et aux
costumes à titre d'entrepreneurs indépendants bien que ces
fonctions soient à l'occasion remplies par des salariés.
Généralement, comme assistant aux costumes, M. Fortin
recevait un cachet du producteur à titre d'entrepreneur
indépendant, qui était rarement négociable.
[54] M. Fortin a précisé que les concepteurs pour
qui il a travaillé à titre d'assistant aux costumes ont
réalisé leurs maquettes à partir de la recherche qu'il a
faite. Il a précisé cependant que les décisions finales
artistiques sont prises par le concepteur. Néanmoins, les choix
initiaux en ce qui concerne les tissus, les boutons et les broderies sont faits
par l'assistant et les décisions du concepteur sont largement
influencées par ces décisions initiales. L'assistant ne peut
revendiquer de droits d'auteur. M. Fortin a quitté la profession
d'assistant aux costumes car, nonobstant le fait que son côté
créatif était comblé, il ne recevait jamais la
reconnaissance de ses pairs pour le travail qu'il effectuait. Selon
M. Fortin, l'assistant doit écouter le metteur en scène pour
tenter de comprendre ce que celui-ci veut lors des réunions de
production. L'assistant tente ensuite de comprendre la volonté du
concepteur ce qui a pour effet de créer une symbiose entre le concepteur
et l'assistant.
[55] Mme Ruel a témoigné qu'en fonction de son
expérience, les assistants contribuent directement à la
création d'une production. Selon elle, le niveau de contribution
dépend de la taille de la production et le moment où les
assistants débutent leur travail dans la production. Mme Ruel a
témoigné qu'en fonction de son expérience, les assistants
contribuent directement à la création d'une production. Selon
elle, le niveau de contribution dépend de la taille de la production et
le moment où les assistants débutent leur travail dans la
production.
[56] Pour l'ADC, Dennis Horn a témoigné sur l'aspect
créatif des fonctions d'assistants. Il a travaillé à
titre d'assistant pendant une saison au Festival de Stratford. Il a cependant
affirmé que ce travail devait être calculé en terme
d'heures et non de semaines. À titre d'assistant, M. Horn a
essentiellement exécuté des fonctions administratives, ayant fait
très peu de travail artistique. Il a ajouté qu'aucun choix
artistique n'est fait par l'assistant sans avoir obtenu au préalable
l'approbation du concepteur. Il n'a aucun doute que certains assistants sont
des artistes, mais qu'ils n'effectuent pas un travail
d'« artiste » lorsqu'ils sont assistants. Selon lui, un
secteur de négociation qui reconnaît les assistants à titre
d'artiste aurait pour effet de rendre nuls la responsabilité et le
professionnalisme des concepteurs.
[57] Finalement, Pierre Rousseau a témoigné sur les
fonctions d'assistants aux costumes et aux décors pour TAI. Selon lui,
les assistants effectuent uniquement un travail de recherche, un travail de
soutien. Il a précisé qu'un concepteur a souvent des
préférences en ce qui concerne l'assistant à être
engagé. Ainsi, le théâtre tente de respecter ces choix
car ceux-ci contribuent à la qualité artistique du travail des
concepteurs. Cependant, pour le théâtre, le répondant est
le concepteur et l'assistant relève de ce dernier et non du
producteur.
Les peintres de décors
[58] M. Gaucher a témoigné que le travail du
peintre de décors est un art qui demande une grande maîtrise. Le
peintre de décors doit interpréter la maquette que lui donne le
scénographe. Il est souvent choisi pour sa touche artistique ou son
domaine de spécialisation. Les peintres de décors
relèvent du scénographe et du directeur de production. En
contre-interrogatoire, M. Gaucher a expliqué que le «peintre
scénique ou artiste scénique » (le mot utilisé
dans l'avis public est « peintre de décors/set
painter ») fera des retouches aux décors alors que le
« peintre en bâtiment » appliquera une couche de
peinture sur une surface dont la couleur et le lustre seront
prédéterminés. Il a précisé que l'APASQ ne
veut représenter que les peintres scéniques -- ceux qui
interprètent la maquette, créent les patines, font le
vieillissement, donnent l'allure de marbre au bois, etc. Le secteur ne vise pas
les individus qu'on pourrait qualifier de « peintres en
bâtiments ». Au Québec, lorsqu'un décor est
installé au théâtre, la pratique veut que l'on fasse appel
aux services d'un artiste scénique pour exécuter les retouches.
Il admet que des murs entiers peuvent être peints par des
« techniciens ».
[59] C'est le producteur qui retient les services du peintre de
décors, mais il est choisi de concert avec le scénographe. Les
peintres peuvent travailler en atelier et être des salariés.
Selon M. Gaucher, dans les productions de moins grande envergure le
scénographe peut agir également à titre de peintre de
décors. Au début de leur carrière, la plupart des
scénographes sont appelés à peindre leurs décors,
mais ce phénomène se retrouve moins fréquemment chez les
scénographes qui ont acquis une certaine expérience.
[60] Pierre Rousseau a témoigné pour TAI. Il a
confirmé que le TDP n'engage pas des peintres de décors, faisant
plutôt appel à des ateliers pour accomplir ces tâches.
Cependant, en pratique, l'atelier doit soumettre le nom des personnes qu'il
propose pour exécuter le décor. Le théâtre doit
ensuite donner son approbation. En contre-interrogatoire, M. Rousseau a
confirmé que certains peintres de décors sont reconnus pour leurs
compétences spécifiques. En réponse à une question
d'IATSE, M. Rousseau a précisé que le peintre de
décors doit respecter les exigences du théâtre,
c'est-à-dire qu'il ne peut choisir de peindre un décor rose si
les forces créatives de l'équipe ont décidé que le
décor devait être sombre, sinon le décor sera
refusé.
Les régisseurs et assistants metteurs en scène
[61] Monique Corbeil et David Gaucher ont témoigné sur
les fonctions de régisseur et d'assistant metteur en scène.
Alexandre Gazalé a relaté son expérience en ce qui
concerne ces fonctions au CNA.
[62] L'APASQ a versé en preuve un document rédigé
par le Conseil québécois des ressources humaines en culture
(« CQRHC ») intitulé Les faits saillants du
résultat de l'analyse de la profession - régisseur.
Mme Corbeil a expliqué au Tribunal que l'APASQ a été
le maître d'oeuvre de cette étude. Elle a participé
à toutes les étapes de l'élaboration du projet au nom de
l'APASQ. De plus, elle a agi à titre de membre du comité
d'experts pour la fonction de régisseur. L'étude a
été complétée selon les normes d'Emploi
Québec.
[63] Spécifiquement, le CQRHC traite des régisseurs qui
exercent leur profession dans les « arts de la
scène » ou les « arts vivants ». Le
document définit les fonctions du régisseur comme suit :
Le régisseur est responsable du déroulement
d'un spectacle, de son entrée en salle jusqu'à la dernière
représentation, conformément aux indications du metteur en
scène (chorégraphe, metteur en piste, etc.) de son assistant et
des concepteurs. Il vérifie et fait appliquer ou applique avec
exactitude toutes les composantes d'une représentation.
Le régisseur est la personne qui élabore un
cahier de régie et qui dirige la représentation en s'assurant que
l'équipe du spectacle accomplit avec précision les effets de la
conduite ou en donnant directement les top (« go ») de
ses effets (« cues »).
[64] Le CQRHC conclut que le régisseur doit, entre autres,
avoir une connaissance du langage utilisé dans le milieu, la
connaissance et la maîtrise du déroulement du spectacle et une
connaissance du travail de chacun des membres de l'équipe. Il constitue
le lien entre le metteur en scène et l'équipe en place. Le CQRHC
note que dans le domaine du théâtre francophone, une même
personne cumule souvent les postes d'assistant metteur en scène et de
régisseur. Dans ces cas, il peut exister une véritable
complicité et complémentarité entre le metteur en
scène et le régisseur. Finalement, l'étude confirme que
le travail de régisseur est généralement
exécuté par des entrepreneurs indépendants.
[65] Un document semblable a été complété
par le CQRHC pour les fonctions de metteur en scène et d'assistant
metteur en scène. Il est intitulé Les faits saillants du
résultat de l'analyse de la profession - metteur en scène et
assistant-metteur en scène. Ce document a également
été versé en preuve. Les fonctions de l'assistant metteur
en scène sont décrites comme suit :
L'assistant-metteur en scène assiste le metteur en
scène du début du projet jusqu'à la fin de la production
(préproduction, production, postproduction). Par ses compétences
et ses connaissances techniques, artistiques et générales, il
contribue à l'élaboration et à la mise au point de la mise
en scène. Pour certaines productions du théâtre
francophone, il cumule parfois les postes d'assistant et de
régisseur.
[66] David Gaucher a témoigné que le régisseur
doit interpréter le texte et, à un autre niveau, doit
interpréter le jeu du comédien. Le régisseur
apparaît lors de la présentation des productions devant le public
comme un chef d'orchestre qui met ensemble toutes les composantes et
éléments de la partition. Le régisseur contrôle les
effets d'éclairage et les effets sonores. Il exécute ces
fonctions en se fiant au jeu du comédien ou encore, sur les tensions qui
sont présentes dans la salle. Le rôle du régisseur est de
lancer les cues, mais aussi de percevoir la relation entre les
comédiens et la salle pour comprendre exactement à quel moment un
cue d'éclairage ou de son doit être donné pour avoir
un effet maximal avec le public.
[67] L'assistant metteur en scène doit aussi interpréter
le texte. Pour accomplir sa tâche, il doit en plus avoir une excellente
connaissance du texte. Son travail se situe davantage avec le metteur en
scène dans la salle. L'assistant metteur en scène agit à
titre de conseiller auprès du metteur en scène. Il est comme un
« oeil en retrait » tout en prenant des notes très
précises et techniques. M. Gaucher admet que le travail de
l'assistant metteur en scène comprend aussi un côté
administratif, tel l'organisation des horaires de répétition.
[68] Alexandre Gazalé a expliqué qu'il existe une grande
différence au niveau des tâches du régisseur et de
l'assistant metteur en scène entre le théâtre anglais et le
théâtre français. En fonction de ce qu'il a observé
au CNA et dans les théâtres anglais à Montréal, il
n'a jamais vu un régisseur donner des notes ponctuelles aux
comédiens dans le théâtre français. Le
régisseur agit à titre de technicien, et non d'artiste, lorsque
qu'il prend note d'un geste d'un comédien que les techniciens n'arrivent
plus à suivre.
L'ADC
[69] Sherri Helwig a témoigné au nom de l'ADC.
Mme Helwig est une administratrice d'activités artistiques qui
travaille dans le domaine des arts depuis plus de 14 ans. Elle occupe le poste
de directrice exécutive de l'ADC depuis septembre 1999. Mme Helwig
admet n'avoir jamais travaillé comme comédienne ou metteur en
scène, mais elle affirme avoir collaboré étroitement avec
de nombreuses associations de producteurs de théâtre partout au
Canada.
[70] Selon Mme Helwig, l'ADC est un organisme sans but lucratif
qui a été créé au départ pour
défendre les droits et les intérêts des concepteurs de
décors, de costumes et d'éclairage oeuvrant dans le domaine du
théâtre. Plusieurs années se sont écoulées
avant que cette association ne représente aussi les concepteurs de son.
Elle accorde la priorité à la préparation et à la
négociation de contrats pour ses membres. La majorité des
contrats de l'ADC sont conclus avec la PACT, mais elle rédige aussi des
contrats au nom de ses membres qui travaillent de concert avec des
théâtres indépendants (non membres de la PACT) et des
producteurs oeuvrant dans les autres secteurs des arts de la scène tels
que la danse et les productions d'envergure industrielle. En outre, l'ADC
offre à ses membres des services de médiation, certains services
juridiques, la gestion de REER et une police d'assurance contre les accidents.
En ce qui concerne les contrats conclus avec des théâtres non
membres de la PACT, l'ADC offre également à son effectif un
service de cautionnement.
[71] Au cours des deux dernières années, Mme Helwig
a reçu des copies de presque 700 contrats visant les quatre
catégories de conception. Elle a souligné que même si les
contrats rédigés par l'ADC proposent des tarifs minimaux, ils ne
sont pas de véritables accords-cadres. Elle affirme néanmoins
que les concepteurs et les producteurs de théâtre connaissent la
tarification et qu'ils ont, à son avis, l'habitude de s'y conformer.
[72] Une autre composante des activités de l'ADC est la
promotion de ses membres et de la conception, que ce soit en tant que moyen
d'expression artistique ou en tant que profession. Par exemple,
Mme Helwig a porté à l'attention du Tribunal le projet que
cette association a entrepris en collaboration avec la Toronto Public Library.
Ce projet consiste à réunir les collections d'oeuvres
conceptuelles de cette bibliothèque et des oeuvres de conception
théâtrale de partout au pays.
[73] L'ADC compte 155 membres professionnels, 13 membres apprentis et
11 membres honoraires. Cet effectif se compose de 92 concepteurs de costumes,
de 76 concepteurs d'éclairage, 103 concepteurs de décors et de
quatre concepteurs de son, qui provient de la plupart des provinces
canadiennes. Mme Helwig a aussi mentionné que des concepteurs
étrangers se joignent à l'ADC pour être en mesure de
participer à des productions canadiennes.
[74] Mme Helwig a affirmé que la conception de son n'a pas
été reconnue comme une catégorie de conception au moment
où l'ADC a été créée. Cependant, son
effectif dans ce domaine augmente progressivement depuis que cette
catégorie est reconnue par le milieu artistique. Même si l'ADC n'a
pas officiellement de contrat-type à l'intention des concepteurs de son,
elle négocie et conclut, la plupart du temps, des contrats au nom de
ceux-ci en se servant des contrats-types existants visant les concepteurs
d'éclairage et en substituant le terme « son » au
terme « éclairage ».
[75] Les membres de l'ADC sont reconnus au Canada et à
l'étranger. Mme Helwig a affirmé qu'en 1999, neuf membres de
cette association ont participé à la Quadriennale de Prague, une
prestigieuse exposition de scénographie et d'architecture
théâtrale d'envergure internationale. De plus, ils ont
été retenus comme candidats ou été
récipiendaires de prix nationaux et internationaux.
[76] L'ADC négocie des ententes avec la PACT depuis de
nombreuses années. En mars 2001, cette dernière
représentait 108 compagnies théâtrales de partout au
Canada, y compris six compagnies au Québec. Le département de
théâtre anglais du CNA est membre de la PACT. Mme Helwig a
mentionné que le quart de l'effectif de l'ADC a travaillé au CNA
à au moins une occasion quoique plusieurs de ses concepteurs y aient
travaillé à plus d'une reprise. Depuis le milieu des
années 1990, l'ADC a reçu des copies de presque 100 contrats
conclus avec le CNA, que ce soit à titre de producteur ou à titre
de coproducteur. Les membres de l'ADC ont aussi eu des contacts avec le
gouvernement fédéral puisqu'ils ont travaillé à une
occasion au Musée canadien des civilisations, un producteur
fédéral situé au Québec.
[77] L'ADC compte 12 membres au Québec. Mme Helwig a
souligné que certains membres de l'association adhèrent aussi
à l'APASQ , car ils travaillent pour des théâtres
anglophones et francophones. Mme Helwig a affirmé que même si
seulement 7 % de l'effectif de l'ADC habite au Québec, 15 % a
travaillé dans cette province. Lors du contre-interrogatoire, elle a
indiqué qu'en l'an 2000, cinq membres de l'ADC ont négocié
des contrats avec des théâtres anglophones sous compétence
provinciale au Québec.
[78] M. Alexandre Gazalé, qui a témoigné
pour le CNA et qui travaille comme concepteur d'éclairage, est aussi un
membre de l'ADC. Il a indiqué qu'il est au fait de la présence de
l'ADC au Québec depuis le milieu des années 1970, époque
où il était étudiant. Il a ajouté que les membres
de cette association ont toujours oeuvré dans les théâtres
anglophones du Québec.
[79] L'ADC représente également des concepteurs qui
travaillent dans des productions francophones, principalement à
l'extérieur du Québec, les deux théâtres les plus
importants étant le Cercle de Molière au Manitoba et le
Théâtre français de Toronto. Mme Helwig a toutefois
mentionné que les contrats de conception liés à ces
productions sont rédigés en anglais.
[80] Au moment où l'ADC a été
créée, ses fondateurs voulaient en faire un organisme national et
bilingue, selon les besoins. L'association a toujours eu un mandat national.
Mais dans les faits, il est évident que l'ADC a travaillé plus
étroitement avec les théâtres anglophones. Elle se
prépare maintenant à mieux servir ses concepteurs
francophones.
[81] Selon Mme Helwig, l'ADC sait que son effectif est
très peu nombreux dans certaines régions du Canada. Cette faible
participation serait causée en partie par le fait que, par exemple, la
plupart des concepteurs des Maritimes travaillent dans l'industrie du
cinéma ou par le fait que la majorité des compagnies de
théâtre n'engagent pas de concepteurs habitant dans les environs.
En Saskatchewan, de nombreuses compagnies de théâtre engagent des
étudiants qui viennent d'obtenir leur diplôme afin de
réduire leurs coûts. L'ADC reconnaît qu'elle doit augmenter
le nombre de ses membres étudiants, et elle a mis sur pied une
initiative de mentorat accru. Mme Helwig a affirmé, en guise de
conclusion, que les concepteurs se joignent souvent à l'ADC en raison
des difficultés qu'ils éprouvent avec un producteur. Ces
derniers estiment qu'il n'est pas nécessaire d'adhérer à
cette association avant que ces problèmes ne surviennent.
[82] Durant le contre-interrogatoire, Mme Helwig a
mentionné que la majorité des contrats de l'ADC sont conclus avec
des compagnies de théâtre. Selon elle, les concepteurs savent que
cette association s'implique dans les arts de la scène, notamment le
théâtre, l'opéra, la danse et les aspects industriels.
Mme Helwig estime que le champ d'activités de cette association
englobe la catégorie des
« variétés » qu'elle définit comme
étant des concerts, des spectacles de musique en direct et des
spectacles pour la famille. À son avis, la plupart des membres de l'ADC
travaillent dans des théâtres puisqu'il n'y a pas beaucoup de
production en danse et encore moins dans l'opéra. Elle a
précisé que la majorité des opéras engagent des
employés pour effectuer le travail des concepteurs.
[83] Le deuxième témoin pour l'ADC, Dennis Horn, est
concepteur de décors et de costumes depuis 20 ans. Il en est à
sa douzième année comme membre du Conseil de cette association et
il occupe le poste de président depuis les trois dernières
années. M. Horn constate que les concepteurs partagent, d'abord et
avant tout, le désir de travailler dans de bonnes conditions, d'obtenir
la reconnaissance de leur contribution artistique au théâtre et de
produire des oeuvres de grande qualité. À son avis, l'ADC
contribue à l'atteinte de ces objectifs communs en exigeant de ses
membres la production d'oeuvres de qualité.
[84] Mme Helwig et M. Horn ont tous deux mis l'accent sur
l'importance de la mobilité dans le travail de concepteur. Par exemple,
M. Horn a travaillé dans six provinces au cours de ses 20 ans de
carrière. Il estime qu'un concepteur doit accepter de se rendre
là où les débouchés existent afin de gagner sa
vie.
[85] En outre, Mme Helwig et M. Horn ont affirmé
qu'à première vue, la communication ne semble pas être un
aspect important de la conception, mais que les apparences sont trompeuses.
Pour être plus précis, ils ont mentionné des fonctions
comme l'étiquetage des costumes, la capacité de comprendre et
d'interpréter le texte et la communication avec les autres participants
de la production. M. Horn a affirmé qu'il passe la majorité
de son temps avec les personnes qui transforment sa vision en
réalité, et non à sa table de dessin. Il a souligné
que la langue est un critère important de la conception même si la
production n'est pas de langue anglaise ou française. C'est le cas,
entre autres, des opéras et des productions en danse.
[86] Le troisième témoin pour l'ADC, Jane Needles, est
une spécialiste du domaine des arts qui a 45 ans d'expérience
dans ce champ d'activités. Elle est la présidente de la
Fédération d'art dramatique du Québec
(« QDF »). La QDF a pour mandat de représenter
les professionnels du théâtre anglais au Québec.
Mme Needles a mentionné que le théâtre anglophone du
Québec a besoin d'une représentation distincte puisque les
méthodes de travail du théâtre francophone et du
théâtre francophone diffèrent. Elle a expliqué ces
différences de manière très détaillée, en
particulier celles qui touchent les répétitions.
[87] D'après Mme Needles, il y a près de 55
compagnies de théâtre anglophone au Québec et six d'entre
elles font partie de la PACT. Environ dix de ces 55 compagnies sont aussi des
membres d'associations de théâtres francophones telles TAI et
ACT.
[88] Mme Needles a aussi parlé de la
cérémonie protocolaire de l'Académie
québécoise du théâtre intitulée La
soirée des masques. Elle est d'ailleurs la vice-présidente
et la trésorière de l'Académie. Elle a souligné
que les seules catégories officielles liées à la
conception pour lesquelles on remet des prix pendant cette
cérémonie sont celles de la conception de décors, de
costumes, d'éclairage et de son. Elle a ajouté que ces
catégories sont les seules qui sont reconnues par d'autres
cérémonies protocolaires au Canada dans le domaine de la
conception.
[89] Susan Wallace, directrice exécutive de la CAEA, a
parlé de l'accord de réciprocité conclu entre la CAEA et
l'UDA. Mme Wallace a souligné que cet accord ne s'applique qu'aux
professions représentées par les deux associations. L'accord de
réciprocité illustre l'historique de leurs pratiques en vertu
desquelles la CAEA représente les professionnels qui travaillent pour
des théâtres anglophones alors que l'UDA représente les
membres qui travaillent pour des théâtres francophones, et ce,
partout au Canada. La représentation dans le cadre d'opéras et
de productions en danse est divisée selon des limites territoriales. La
sphère de l'UDA englobe toutes les représentations données
au Québec tandis que la CAEA est compétente dans le reste du
Canada. Si un spectacle est donné en anglais ou en français au
cours d'une tournée, c'est la langue de la première
représentation publique qui détermine la compétence. S'il
s'agit d'un spectacle bilingue, c'est habituellement la langue de l'auditoire
auquel le spectacle s'adresse qui détermine celle-ci. Dans ce genre de
situation, les deux associations entameraient des négociations et la
compétence serait généralement déterminée en
fonction du territoire. Une autre exception à l'accord de
réciprocité a récemment fait l'objet de
négociations relativement au CNA. En ce qui concerne les
départements autres que le théâtre anglais ou
français, qui sont représentés respectivement par la CAEA
et l'UDA, les associations s'en échangent la compétence à
chaque année.
Questions soulevées
[90] La demande d'accréditation de l'APASQ soulève les
questions suivantes :
e) Le secteur proposé par l'APASQ est-il
approprié aux fins de la négociation, et en
particulier :
i) les concepteurs de décors, de
costumes, d'éclairage et de son exercent-ils des professions qui sont
visées par la Loi?
vi) les concepteurs
d'accessoires exercent-ils une profession qui est visée par la Loi?
vii) les concepteurs de marionnettes
exercent-ils une profession qui est visée par la Loi?
viii) les assistants concepteurs de
décors et de costumes exercent-ils des professions qui sont
visées par la Loi?
ix) les peintres de décors
exercent-ils une profession qui est visée par la Loi?
x) les régisseurs et les assistants
metteurs en scène exercent-ils des professions qui sont visées
par la Loi?
b) L'APASQ est-elle représentative des artistes du
secteur?
[91] La demande d'accréditation de l'ADC
soulève les questions suivantes :
a) Le secteur proposé par l'ADC est-il
approprié aux fins de la négociation?
b) L'ADC est-elle représentative des artistes du
secteur?
Loi sur le statut de l'artiste
[92] Les dispositions pertinentes de la Loi sur le statut de l'artiste
sont les suivantes :
5. Les définitions qui suivent s'appliquent
à la présente partie.
[...]
« artiste »
« artiste » Entrepreneur
indépendant visé à l'alinéa 6(2)b).
[...]
6. (2) La présente partie s'applique:
[...]
b) aux entrepreneurs indépendants
professionnels - déterminés conformément à
l'alinéa 18b) :
(i) qui sont des auteurs d'oeuvres
artistiques, littéraires, dramatiques ou musicales au sens de la Loi sur le droit
d'auteur, ou des réalisateurs d'oeuvres audiovisuelles,
(ii) qui représentent, chantent, récitent,
déclament, jouent, dirigent ou exécutent de quelque
manière que ce soit une oeuvre littéraire, musicale ou dramatique
ou un numéro de mime, de variétés, de cirque ou de
marionnettes,
(iii) qui, faisant partie de catégories
professionnelles établies par règlement, participent à la
création dans les domaines suivants: arts de la scène, musique,
danse et variétés, cinéma, radio et
télévision, enregistrements sonores, vidéo et doublage,
réclame publicitaire, métiers d'art et arts
visuels.
9. (1) Le fait qu'un artiste s'oblige
par l'intermédiaire d'une organisation n'a pas pour effet de le
soustraire à l'application de la présente partie.
[...]
18. Le Tribunal tient compte, pour toute question
liée :
[...]
b) à la détermination du
caractère professionnel de l'activité d'un entrepreneur
indépendant -- pour l'application de l'alinéa 6(2)b) -- du
fait que ses prestations sont communiquées au public contre
rémunération et qu'il a reçu d'autres artistes des
témoignages de reconnaissance de son statut, qu'il est en voie de
devenir un artiste selon les usages du milieu ou qu'il est membre d'une
association d'artistes.
[...]
25. (1) Toute association d'artistes dûment
autorisée par ses membres peut demander au Tribunal de
l'accréditer pour un ou plusieurs secteurs :
a) à tout moment, si la demande vise un ou des
secteurs pour lesquels aucune association n'est accréditée et si
le Tribunal n'a été saisi d'aucune autre demande;
b) dans les trois mois précédant la
date d'expiration d'une accréditation ou de son renouvellement, s'il y a
au moins un accord-cadre en vigueur pour le secteur visé;
c) sinon, un an après la date de
l'accréditation ou de son renouvellement, ou dans le délai
inférieur fixé, sur demande, par le Tribunal.
[...]
26. (1) Une fois expiré le délai
mentionné au paragraphe 25(3), le Tribunal définit le ou les
secteurs de négociation visés et tient compte notamment de la
communauté d'intérêts des artistes en cause et de
l'historique des relations professionnelles entre les artistes, leurs
associations et les producteurs concernés en matière de
négociations, d'accords-cadres et de toutes autres ententes portant sur
des conditions d'engagement d'artistes, ainsi que des critères
linguistiques et géographiques qu'il estime pertinents.
(2) Les artistes visés par une demande, les
associations d'artistes et les producteurs peuvent intervenir devant le
Tribunal, sans l'autorisation visée au paragraphe 19(3), sur toute
question liée à la définition du secteur de
négociation.
[...]
27. (1) Une fois le secteur défini, le
Tribunal détermine, à la date du dépôt de la demande
ou à toute autre date qu'il estime indiquée, la
représentativité de l'association d'artistes.
(2) Les artistes visés par la demande et les
associations d'artistes peuvent intervenir devant le Tribunal, sans
l'autorisation visée au paragraphe 19(3), sur toute question liée
à la détermination de la représentativité.
28. (1) Le Tribunal délivre
l'accréditation s'il est convaincu que l'association est la plus
représentative du secteur visé.
[93] Également, l'article 2 du Règlement sur les
catégories professionnelles, SOR/99-191 (le
« Règlement »), qui est entré en
vigueur le 22 avril 1999, est pertinent :
2. (1) Sous réserve du paragraphe (2), pour
l'application du sous-alinéa 6(2)b)(iii) de la Loi sont établies
à l'égard de la création d'une production les
catégories professionnelles visées aux alinéas a)
à e), qui comprennent les professions dont l'exercice contribue
directement à la conception de la production et consiste à
effectuer une ou plusieurs des activités décrites aux
alinéas respectifs :
a) catégorie 1 : conception de l'image, de
l'éclairage et du son;
b) catégorie 2 : conception de costumes,
coiffures et maquillage;
c) catégorie 3 : scénographie
d) catégorie 4 : arrangements et
orchestration
e) catégorie 5 : recherche aux fins de
productions audiovisuelles, montage et enchaînement.
(2) Sont exclues des catégories professionnelles
visées au paragraphe (1) :
a) les professions qui consistent à effectuer,
dans le cadre de toute activité visée au paragraphe (1), la
comptabilité, la vérification ou le travail juridique,
publicitaire, de représentation, de gestion, administratif ou
d'écriture, ou autre travail de soutien;
b) les professions qu'exercent les personnes
visées au sous-alinéa 6(2)b)(i) de la Loi ou qui consistent à
effectuer une activité visée au sous-alinéa
6(2)b)(ii) de la Loi.
Prétention des
parties
L'APASQ
[94] L'APASQ soutient que les personnes qui oeuvrent dans le secteur
recherché par l'APASQ forment un groupe homogène partageant
nécessairement une communauté d'intérêts
puisqu'elles participent d'une manière directe au soutien et à la
création de l'oeuvre scénique globale en produisant, tous et
chacun, une oeuvre ou une partie d'oeuvre identifiable. Ces personnes
revendiquent, ou peuvent revendiquer, l'existence de droits d'auteur ou d'un
droit de suite sur leur partie de la création. Ce groupe constitue un
groupe distinct de celui des interprètes. Tous les artistes
identifiés dans le groupe participent d'une manière
créative à l'existence, la production et la réalisation
d'une oeuvre scénique en danse, à l'opéra, au
théâtre ou en variétés.
[95] L'APASQ prétend que le statut des concepteurs de son,
d'éclairage, de décors et de costumes n'est pas en litige puisque
ces fonctions sont visées par la réglementation adoptée en
vertu du sous-alinéa 6(2)b)(iii) de la Loi. Par ailleurs, le statut
des régisseurs et des assistants metteurs en scène n'est pas
contesté en raison de l'entente intervenue avec la CAEA et le fait que
le Tribunal a déjà jugé, dans l'affaire CAEA 1996 TCRPAP 010, que ces personnes
« dirigent » l'oeuvre au sens du sous-alinéa
6(2)b)(ii) de la Loi. L'APASQ s'en remet
également aux deux études du CQRHC qui font état de
l'implication et de la participation des personnes qui exercent ces
fonctions.
[96] Quant aux concepteurs d'accessoires, l'APASQ fait valoir que son
témoin, Patricia Ruel, bénéficie d'une large
expérience à titre de conceptrice d'accessoires et aussi, de
façon plus large, comme scénographe. À titre de
conceptrice d'accessoires, les services de Mme Ruel sont retenus
exclusivement par le producteur ou le metteur en scène, de la même
manière que toute autre personne qui participe à la production.
Son témoignage démontre qu'elle n'est pas une
« exécutante », mais qu'elle participe au
même titre que les autres concepteurs à la création de
l'oeuvre globale, sous la gouverne du metteur en scène. Elle doit
interpréter le texte afin de concevoir. Elle transforme, adapte et
crée.
[97] Le témoignage de M. Lacroix confirme
généralement celui de Mme Ruel : les concepteurs
d'accessoires se distinguent des concepteurs de décors bien que la
même personne puisse parfois accomplir les deux fonctions.
M. Lacroix a témoigné que s'il est engagé à
titre de concepteur de décors et d'accessoires dans une même
production, sa rémunération reflète ce fait.
[98] L'APASQ soutient donc que le groupe des concepteurs d'accessoires
est distinct de celui des concepteurs de décors et que la personne
conceptrice d'accessoires est un artiste au sens de la Loi soit parce qu'elle peut
être auteur au sens de la Loi sur le droit d'auteur ou être visée
par le Règlement du fait qu'elle participe à la
création d'une oeuvre scénique et que cette fonction s'incorpore
ainsi dans la catégorie scénographie.
[99] Sur la question des concepteurs de marionnettes, le
témoignage de M. Lacroix démontre que le concepteur
crée non seulement l'environnement de la marionnette, mais aussi le
personnage. Le concepteur interprète nécessairement l'oeuvre et
participe au processus de production, de création et de
réalisation. L'APASQ rejette l'argument voulant que la marionnette ne
soit qu'un accessoire.
[100] Les assistants aux décors et aux costumes participent au
processus de production et, d'une façon plus importante, au processus
créatif. Ils relèvent généralement du metteur en
scène comme tous les autres intervenants à la production. Dans
certains cas, ils relèvent du concepteur. Les témoignages de
M. Fortin et de Mme Ruel appuient la prétention que les
assistants insèrent dans l'oeuvre globale des parties identifiables de
leur création qui peuvent être détachées de
celle-ci. Les assistants doivent avoir une bonne connaissance de l'oeuvre et
des indications artistiques fournies par le metteur en scène. Les
assistants font de la recherche, adaptent, mettent en oeuvre et, par
conséquent, créent.
[101] L'APASQ note le témoignage de Fernand Déry,
témoin de TAI et du CNA, pour démontrer que même
l'artiste-interprète se retrouve sous la gouverne du metteur en
scène et ne fait que réaliser l'idée conçue par ce
dernier, au même titre que les concepteurs et les assistants. Ainsi, les
assistants participent au processus de création et sont également
visés par le Règlement sous la catégorie
scénographie.
[102] Le témoignage de M. Gaucher démontre qu'il y
a une différence entre le peintre de décors et le peintre en
bâtiment. Le peintre de décors apporte un élément
créateur tout en considérant nécessairement les
paramètres fixés. Il interprète la maquette et intervient
avec un souci artistique. Les peintres de décors sont choisis pour
leurs qualités particulières. Ils doivent travailler en
étroite relation avec le concepteur et le metteur en scène. Ils
sont plus que de simples exécutants.
[103] Le fait que l'APASQ soit le seul regroupement à
revendiquer la représentation de tous ces artistes, et ce, sur le
territoire du Québec démontre la distinction fondamentale entre
la réalité au Québec et celle dans le reste du Canada.
L'APASQ demande au Tribunal de consacrer la réalité, de prendre
acte des distinctions importantes qui s'exercent dans le milieu
théâtral et dans le milieu scénique de façon
générale au Québec. L'APASQ représente la
quasi-totalité, sinon la totalité, des concepteurs visés
par sa demande au Québec et elle est l'association reconnue
légalement au Québec pour agir au nom de l'ensemble des
concepteurs sans aucune distinction linguistique. Ces facteurs constituent un
élément historique de l'association. L'APASQ est la seule
association qui s'intéresse à la vie professionnelle des
concepteurs de même qu'à leur développement
socio-économique.
[104] L'APASQ reconnaît que l'ADC est l'association qui
revêt une structure nationale mais au Québec sa présence
est clairement limitée en raison de l'existence de l'APASQ. Le Tribunal
doit considérer ces faits pour déterminer non seulement la
communauté d'intérêts des artistes dans le secteur
recherché, mais aussi la représentativité de l'APASQ pour
ce secteur.
[105] L'APASQ souligne que le critère linguistique prévu
à l'article 26 de la Loi n'est qu'un des
critères que le Tribunal doit examiner, contrairement à ce que
prétend l'ADC. L'APASQ demande au Tribunal de considérer
l'historique des relations professionnelles, la réalité
consacrée, c'est-à-dire la réalité
géographique sans distinction linguistique, et les activités que
chacune des associations mène dans leur domaine respectif. À
l'appui de son argument, l'APASQ fait référence à deux
décisions du Conseil canadien des relations du travail impliquant la
Société Radio-Canada [(1991) 84 di 1; (1994) 96 di 1] où
le Conseil a pris acte de cette réalité lorsqu'il a
accrédité des unités de négociation pour le
Québec et à Moncton au Nouveau-Brunswick, et a
accrédité des unités de négociation
séparées pour le reste du Canada.
L'ADC
[106] L'ADC prétend que le secteur proposé est un
secteur approprié aux fins de la négociation. L'historique des
relations professionnelles au sein de cette association montre que les
concepteurs partagent une communauté d'intérêts. La PACT
reconnaît que l'ADC est l'agent négociateur des concepteurs
partout au Canada. Dans les autres domaines des arts de la scène,
c'est-à-dire autre que le théâtre anglophone où la
PACT a compétence, l'ADC négocie des ententes distinctes. L'ADC
allègue que selon ses données, son effectif est composé de
nombreux concepteurs de décors, de costumes et d'éclairage ainsi
que d'un nombre accru de concepteurs de son. Étant donné que la
conception du son est plus récente, cette association continuera de
travailler avec les artistes pour veiller à ce que ces derniers
reçoivent la même rémunération et les mêmes
avantages que ceux dont bénéficient les autres concepteurs du
domaine théâtral.
[107] L'ADC prétend que même si les peintres de
décors, les directeurs techniques, les directeurs de production ainsi
que les assistants aux décors et aux costumes et les assistants à
la production sont des techniciens qualifiés et des artisans très
talentueux, l'APASQ n'a pas démontré qu'ils sont des artistes.
Premièrement, ils ne sont pas habituellement considérés
comme des artistes lors de la réalisation des productions anglophones
même si l'APASQ les représente depuis de nombreuses années.
Les témoins de TAI et du CNA qui ont parlé des productions
francophones appuient cette allégation. Selon l'ADC, les peintres de
décors réalisent la vision d'un autre artiste. Ils ne font pas
d'interprétation artistique ni ne créent une oeuvre
eux-mêmes. Un peintre de décors peut faire des suggestions, mais
le concepteur conserve le pouvoir de les approuver ou de les rejeter.
[108] En ce qui a trait aux concepteurs d'accessoires, l'ADC
prétend que les documents déposés en preuve par l'APASQ ne
démontrent pas l'existence d'une communauté
d'intérêts distincte ou encore de pratiques différentes
entre les concepteurs de marionnettes et les concepteurs de décors et de
costumes. L'ADC allègue que la pratique courante et reconnue en ce qui
concerne les productions en français et en anglais au Canada consiste
à inclure les concepteurs d'accessoires et de marionnettes dans une
sous-catégorie de concepteurs de décors et de costumes. Par
exemple, les seules catégories reconnues lorsque des prix sont remis
sont celles des décors, des costumes, de l'éclairage et du
son.
[109] Même si elle est d'accord avec l'APASQ en ce qui concerne
la communauté d'intérêts dans le domaine de la conception
théâtrale, l'ADC prétend qu'il n'y a pas, au Québec,
de communauté d'intérêts distincte de celle qui existe dans
le reste du Canada. Toute différence qu'il pourrait y avoir dans les
méthodes de travail et les circonstances propres au Québec sont
comparables à tous points de vue aux autres différences
régionales que l'on trouve au Canada. L'ADC respecte ces
différences régionales et en a tenu compte avec succès
dans le passé. En outre, l'ADC a démontré que s'il y a
une séparation à faire en pratique, elle doit être faite
entre les concepteurs qui travaillent pour des théâtres
anglophones et ceux qui travaillent pour les théâtres
francophones. L'ADC prétend de plus qu'elle et l'APASQ ont
présenté des preuves démontrant que des concepteurs
habitant à l'extérieur du Québec travaillent au
Québec dans de le domaine des arts de la scène et que les
concepteurs du Québec travaillent dans le reste du Canada. Cela signifie
que les concepteurs de partout au pays partagent une communauté
d'intérêts.
[110] Quant à sa représentativité pour le secteur
proposé, l'ADC allègue avoir démontré son intention
de défendre les intérêts économiques et juridiques
des concepteurs des quatre coins du Canada. En raison du
précédent établi par d'autres secteurs, de
l'expérience des autres organisations et de la mobilité des
artistes, y compris les concepteurs, l'ADC prétend, de plus, que les
frontières géographiques sont dénuées de sens.
Elle croit fermement que la communication est au coeur de la conception, tout
comme elle est au coeur du travail des comédiens. D'ailleurs, la
majeure partie du processus de création est consacrée à la
communication interpersonnelle. Par conséquent, toute distinction
devant être faite doit être fondée sur la langue et non sur
la géographie. En outre, l'ADC ajoute qu'un secteur fondé sur la
géographie est illogique et n'est pas conforme à la pratique
ayant cours dans le domaine du théâtre au Canada.
[111] L'ADC soutient que l'argument contraire avancé par
l'APASQ porte à confusion. Pour appuyer son allégation, elle
mentionne que le secteur proposé par l'APASQ n'est pas strictement
limité au Québec, car cette organisation veut représenter
les concepteurs au CNA autres que ceux qui travaillent au département de
théâtre anglais du CNA.
[112] L'ADC s'efforce depuis de nombreuses années, et
continuera de s'efforcer, de devenir un véritable organisme national.
Il sera difficile d'atteindre cet objectif si les secteurs sont
séparés en fonction des frontières interprovinciales.
Selon l'ADC, cette division est incompatible avec les pratiques de conception
dans le domaine du théâtre.
[113] L'ADC prétend que ses concepteurs oeuvrent depuis
longtemps dans tous les domaines des arts de la scène lors de
productions anglophones et francophones au CNA. Bien que l'ADC reconnaisse que
les membres de l'APASQ travaillent de façon autonome au CNA, elle estime
que l'APASQ n'a pas démontré l'existence d'un historique de
négociations entre celle-ci et le CNA. L'ADC ajoute que l'APASQ ne
représente d'aucune façon les concepteurs qui participent
à des productions en français au CNA, y compris son
département de théâtre français, puisque ce
département n'a rien produit depuis de nombreuses années.
[114] En guise de conclusion, l'ADC affirme que l'APASQ n'a pas les
ressources nécessaires pour appuyer les concepteurs anglophones ou ceux
qui collaborent à des productions anglophones. Puisqu'elle a le
matériel et le personnel requis pour représenter tous les
concepteurs du Canada ainsi que l'intention, le mandat et peut-être
même la responsabilité de le faire, l'ADC se dit prête
à représenter tous les concepteurs travaillant avec des
producteurs fédéraux, tant dans les productions anglophones que
francophones.
TAI et le CNA
[115] TAI et le CNA (ci-après appelées « les
intervenantes ») ont rappelé au Tribunal que TAI regroupent
11 théâtres au Québec ainsi que le département de
théâtre français du CNA. Le CNA compte cinq
départements : le théâtre français, le
théâtre anglais, la danse, la musique et le département
communautaire. Les intervenantes ne s'objectent pas à ce que la demande
de l'APASQ vise le théâtre français, mais s'opposent
à la partie de la demande qui vise le reste des activités au
CNA.
[116] Les intervenantes notent que l'APASQ détient une
accréditation provinciale pour les fonctions de concepteurs de
décors, de costumes, de son et d'éclairage. Il y a un historique
de négociation entre l'APASQ et le CNA pour le département de
théâtre français qui tient compte de cette
accréditation provinciale.
[117] L'article 18 de la Loi prévoit que le
Tribunal doit tenir compte, pour toutes questions liées, des principes
applicables en droit du travail. Ainsi, les intervenantes affirment que
l'historique des négociations est révélateur puisque
l'entente collective APASQ-TAI précise que les accessoires
relèvent des concepteurs de décors ou de costumes.
[118] En adoptant le Règlement en vertu du
sous-alinéa 6(2)b)(iii) de la Loi, le législateur a
prévu diverses catégories de conception, notamment la conception
d'éclairage, de son, de costumes ainsi que la scénographie. Les
parties s'entendent pour dire que ces individus sont des
« artistes ». La conception d'accessoires n'étant
pas incluse dans le Règlement, les intervenantes soutiennent
qu'il n'existe pas une preuve suffisante ou probante au dossier pour permettre
au Tribunal de conclure que cette catégorie de concepteurs est
distincte.
[119] Quant aux concepteurs de marionnettes, les intervenantes
soulignent que les témoins du CNA et TAI, MM. Rousseau,
Gazalé et Déry, ont tous témoigné que la conception
de marionnettes est souvent faite par les concepteurs de décors. De
plus, le Règlement ne prévoit pas une catégorie
distincte pour la conception de marionnettes. Certains témoins ont
souligné que la fabrication de marionnettes peut impliquer la
manipulation de celles-ci. L'entente conclue entre l'APASQ et l'UDA à
ce titre prévoit que la juridiction de l'APASQ se limite à la
fabrication de la marionnette, la fonction de manipulateur étant
couverte par l'accréditation de l'UDA. Or, l'APASQ et l'UDA
reconnaissent qu'en vertu de cette entente, une même personne pourrait
être assujettie à deux accords-cadres ce qui poserait un
problème pour le producteur.
[120] Selon les intervenantes, les peintres de décors sont sans
conteste des individus talentueux, mais ils ne sont pas des artistes parce
qu'ils ne font que reproduire des concepts, ce qui constitue un travail de
soutien. Ainsi, ces individus sont clairement visés par l'alinéa
2(2)a) du Règlement qui prévoit que les personnes
qui effectuent un travail de soutien ne sont pas des artistes au sens de la Loi. Selon ce même
raisonnement, les intervenantes soutiennent que les fonctions d'assistants aux
costumes et aux décors sont également exclues de l'application de
la Loi puisque les
titulaires de ces fonctions exercent clairement des tâches de soutien.
Les intervenantes soutiennent de plus que l'expérience vécue par
M. Fortin, qui a été assistant aux costumes pour
François Barbeau, n'est pas représentative des personnes qui
agissent à titre d'assistants aux costumes. De plus, le fait que
M. Fortin est devenu concepteur de costumes pour obtenir la reconnaissance
du milieu est une preuve implicite qu'il ne se voyait pas comme un artiste
lorsqu'il était assistant.
[121] Par ailleurs, les intervenantes soutiennent que l'inclusion des
assistants dans le même secteur que les concepteurs de décors et
de costumes irait à l'encontre du principe en droit du travail qui veut
qu'on ne doit pas inclure dans une même unité de
négociation le contremaître et le salarié. Ce principe a
déjà été reconnu par le Tribunal lorsqu'il a
créé un secteur distinct pour les metteurs en scène pour
les productions de langue française, en raison de la supervision que
ceux-ci avaient sur le travail des interprètes [voir Union des
artistes, 1997 TCRPAP 024]. De plus, accorder le
statut d'« artiste » aux assistants aux décors et
costumes posera un problème pratique important pour le producteur au
niveau de la reconnaissance des droits de suite.
[122] Plusieurs témoins, dont M. Gazalé et
Mme Needles, ont expliqué au Tribunal qu'il existe d'importantes
distinctions culturelles de fonctionnement quant aux régisseurs et aux
assistants metteurs en scène dans l'industrie du théâtre
anglophone et francophone. Ainsi, les intervenantes soutiennent que le
Tribunal ne peut pas se fonder sur les conclusions qu'il a formulées
dans la décision concernant la CAEA 1996 TCRPAP
010 pour déterminer si les régisseurs et les assistants
metteurs en scène sont des « artistes » dans le
présent dossier. De plus, les intervenantes notent que l'APASQ n'a
déposé aucune preuve de négociation avec des producteurs
pour les fonctions de régisseur et d'assistant metteur en
scène.
[123] Au niveau de la représentativité, la preuve
révèle que l'APASQ est présente au sein du
département de théâtre français au CNA depuis 1993.
L'entente APASQ-TAI s'applique uniquement au théâtre. Par
conséquent, les intervenantes demandent au Tribunal de limiter
l'accréditation de l'APASQ à ce département.
[124] Les intervenantes font valoir que lorsque la langue ne fait pas
partie de l'expression artistique, le Tribunal a, dans le passé, conclu
qu'un secteur national est plus approprié. D'autre part, si la langue
constitue un élément intégral de l'expression artistique,
le critère linguistique revêt une plus grande importance et le
Tribunal en tient compte au moment de la définition du secteur [voir 1997 TCRPAP 024 et 1996 TCRPAP
020]. Selon les intervenantes, la langue est un facteur important pour les
concepteurs, non seulement au niveau de la communication mais aussi pour le
partage de la culture.
IATSE
[125] IATSE a souligné qu'elle est présente dans le
milieu théâtral au Canada depuis 1896 et au CNA depuis 1969.
IATSE se compose d'individus salariés qui, bien qu'étant des
individus talentueux, ne prétendent pas être des artistes. Selon
IATSE, le produit final, le spectacle, est le fruit de la collaboration
à différents niveaux, ce qui implique différents
échelons de responsabilité. Les concepteurs conçoivent,
créent une idée et, par conséquent, IATSE soutient que ce
sont les véritables artistes. Pour réaliser leur idée,
les concepteurs font appel à des techniciens habiles et
expérimentés, tels les peintres de décors. C'est ainsi
que les membres d'IATSE participent à l'élaboration d'une
production théâtrale. IATSE note que ses membres ne sont pas
reconnus comme artistes, et ne cherchent pas cette reconnaissance du milieu
artistique. Si le Tribunal accréditait l'APASQ pour représenter
cette fonction, ce serait un empiétement sur le travail
réservé aux membres d'IATSE.
Réplique de l'APASQ
[126] L'APASQ précise que les concepteurs d'accessoires ont
été inclus sous le chapeau de concepteurs de décors ou
costumes en raison de l'accréditation au niveau provincial uniquement.
Quant à la question de la double juridiction soulevée par les
intervenantes pour les concepteurs de marionnettes, l'APASQ soutient que l'on
retrouve ce problème dans tous les domaines propre du droit du travail,
non pas seulement en vertu de la Loi.
Réplique de l'ADC
[127] En premier lieu, l'ADC souligne que contrairement à ce
qu'affirme l'APASQ, on doit distinguer le cas des assistants et des peintres de
décors de celui des comédiens qui suivent les directives du
metteur en scène, car ces derniers ajoutent leur propre création
artistique à la production. En deuxième lieu, l'ADC
réitère son désaccord en ce qui a trait à la place
importante qu'occupe la langue dans la conception. D'après l'ADC,
l'APASQ prétend à tort que la langue est sans importance dans les
domaines comme la danse, l'opéra et les variétés, car
celle-ci est un élément essentiel du processus de conception et
de l'expression artistique tirée de la conception.
Analyse et conclusions
Les ententes intervenues entre les parties
[128] La SPACQ est intervenue en raison d'un chevauchement possible
entre la fonction de concepteur de son visée par la demande de l'APASQ
et la fonction de compositeur d'une oeuvre musicale visée par son
accréditation. Selon la SPACQ, le concepteur de son est une personne
qui crée l'environnement sonore d'une production artistique à
l'aide de moyens électroniques ou acoustiques sans qu'il y ait
composition musicale, mélodie ou harmonie ou combinaison de l'une et
l'autre. Le concepteur de son visé par la demande
d'accréditation de l'APASQ n'est pas le compositeur d'une oeuvre
musicale.
[129] Les parties n'ont pas présenté d'entente
écrite au Tribunal, mais à la suite d'une discussion entre les
procureurs, la SPACQ et l'APASQ ont demandé au Tribunal de noter dans
ses motifs de décision que le secteur demandé par l'APASQ
n'empiète pas sur l'accréditation accordée à la
SPACQ [voir 1996 TCRPAP 007]. Le Tribunal accueille la
demande de la SPACQ et l'APASQ, reconnaît qu'il n'y a pas de
chevauchement entre les secteurs et que la fonction du concepteur de son est
distincte de celle du compositeur d'une oeuvre musicale.
[130] L'APASQ a conclu trois ententes dont copies ont
été déposées afin que le Tribunal en prenne acte.
La première est intervenue entre l'UDA et l'APASQ. La demande initiale
de l'APASQ visait « les concepteurs (...) de marionnettes, les
metteurs en scène (...) ». En 1996, l'UDA a
été accréditée pour représenter les
manipulateurs de marionnettes à titre d'artistes-interprètes
[voir 1996 TCRPAP 017] et, en 1998, a été
accréditée pour représenter un secteur composé de
metteurs en scène [voir 1997 TCRPAP 024 et 1998 TCRPAP 027].
[131] Conformément à l'entente, l'APASQ a amendé
sa demande pour y exclure les metteurs en scène et reconnaît que
la fonction de concepteurs de marionnettes dans le secteur qu'elle propose se
limite à la conception et à la fabrication de marionnettes et ne
s'étend pas à la manipulation de marionnettes avec ou sans voix.
L'APASQ reconnaît que la fonction de manipulation de marionnettes est
visée par l'accréditation de l'UDA.
[132] La deuxième entente, conclue avec le CNA et la PACT,
reconnaît que toutes les productions, coproductions et/ou diffusions au
département de théâtre anglais du CNA ne sont pas
visées par le secteur proposé dans la demande de l'APASQ.
L'entente a uniquement pour but de clarifier la portée intentionnelle de
l'accréditation recherchée.
[133] Le Tribunal prend acte des deux ententes susmentionnées,
dont copie est jointe aux présents motifs.
[134] La dernière entente, conclue avec la CAEA, vise les
fonctions de régisseur et d'assistant metteur en scène. La CAEA
a été accréditée afin de représenter, entre
autres, les régisseurs et les assistants metteurs en scène
« qui participent à une oeuvre théâtrale,
d'opéra, de ballet, de danse, un salon industriel, cabaret ou concert
que la représentation ait lieu dans un théâtre ou
ailleurs ». La CAEA a fait valoir qu'il y avait un chevauchement
entre le secteur pour lequel elle a été accréditée
et le secteur recherché par l'APASQ.
[135] Il s'agit de préciser la portée du secteur
accordé à la CAEA puisque l'accréditation de cette
dernière ne spécifie pas si la juridiction est limitée
selon la langue de la production relativement aux fonctions de régisseur
et d'assistant metteur en scène. L'entente conclue entre la CAEA et
l'APASQ prévoit que l'APASQ représentera les régisseurs
généraux, les régisseurs, les assistants
régisseurs, les régisseurs apprentis, les assistants metteurs en
scène et les assistants chorégraphes dans les productions
exclusivement de langue française lorsque celles-ci sont
exécutées dans la province de Québec ou au
département de théâtre français du CNA. De plus,
l'entente prévoit que si l'APASQ est accréditée par le
Tribunal, la CAEA déposera une requête au Tribunal pour obtenir un
amendement au secteur pour lequel elle a été
accréditée et le secteur de l'APASQ sera assujetti à
l'accréditation accordée à la CAEA.
[136] Il y a lieu de noter que seules les fonctions de
régisseur et d'assistant metteur en scène sont à la fois
visées par la demande d'accréditation de l'APASQ et incluses dans
le secteur de la CAEA. Le Tribunal n'étant pas en mesure
d'élargir le secteur de négociation recherché par l'APASQ,
il prend acte de cette entente en ce qui concerne la définition du
secteur par rapport à ces deux fonctions. Tel que demandé par
les deux parties, tout secteur de négociation octroyé à
l'APASQ sera assujetti à l'accréditation de la CAEA. Une copie
de cette entente est jointe aux présents motifs.
[137] Le Tribunal reconnaît cependant que les parties sont
libres de négocier toute entente qu'elles estiment appropriée.
Ainsi, les conclusions du Tribunal au sujet de cette entente n'invalident pas
les obligations des parties envers elles-mêmes.
Les concepteurs de décors, de costumes, d'éclairage
et de son exercent-ils des professions visées par la Loi?
[138] Le Tribunal a entendu une preuve générale quant
à l'apport créatif et à la participation des diverses
personnes exerçant les fonctions de concepteur de décors, de
costumes, d'éclairage et de son dans le cadre d'une production. Les
parties et les intervenantes ont fait valoir que ces quatre professions
répondent aux critères pour être considérés
comme des artistes au sens de la Loi, et ce, en vertu du
Règlement en application du sous-alinéa 6(2)b)(iii)
de la Loi.
[139] Les alinéas a) à e) de l'article 2
du Règlement prévoit certaines catégories
professionnelles qui comprennent des professions dont l'exercice contribue
directement à la conception de la production et consiste à
effectuer une ou plusieurs activités qui y sont décrites.
Notamment, à l'alinéa 2(1)a) du Règlement on
y mentionne la conception du son et de l'éclairage; à
l'alinéa 2(1)b), la conception de costumes; et à
l'alinéa 2(1)c), la scénographie. Il n'a pas
été contesté par les parties que la scénographie
comprend la conception de décors.
[140] Le Tribunal juge que les concepteurs de décors, de
costumes, d'éclairage et de son contribuent directement à la
conception de la production et que, par conséquent, les personnes qui
exercent ces professions sont des artistes en vertu du sous-alinéa
6(2)b)(iii) de la Loi.
Les concepteurs d'accessoires exercent-ils une profession qui est
visée par la Loi?
[141] Essentiellement les positions des parties se résument
ainsi. L'APASQ revendique cette fonction pour son secteur et soutient qu'il
s'agit d'une fonction à part entière tout comme les autres
concepteurs. L'ADC fait valoir que la fonction de concepteur d'accessoires
n'existe pas comme telle, qu'il s'agit d'une tâche comprise dans les
fonctions générales du concepteur de décors. Par
ailleurs, les intervenantes, TAI et le CNA, contestent l'inclusion de cette
profession dans le secteur parce qu'elles sont d'avis que le travail de
l'« accessoiriste » s'apparente à celle d'un
magasinier et qu'il n'y a aucun apport créatif à la production.
De plus, elles soulignent que la fonction n'est pas expressément
nommée dans le Règlement.
[142] Le témoin de l'APASQ, Patricia Ruel, oeuvre dans le monde
théâtral depuis 1998, mais elle a déjà
participé à une trentaine de productions. Elle travaille
à titre de conceptrice d'accessoires ainsi qu'à titre de
scénographe dans des productions de plus ou moins grande envergure. Le
témoignage de Mme Ruel a été clair et sans
équivoque. La personne conceptrice d'accessoires contribue aux aspects
créatifs d'une production. Elle relève du metteur en
scène tout comme les autres concepteurs, non pas du concepteur de
décors. Même si la même personne cumule deux fonctions,
conception d'accessoires et conception des décors, dans une même
production, la rémunération et le contrat reflètent ce
fait. Plusieurs témoins ont d'ailleurs affirmé qu'une personne
peut cumuler plus d'une fonction pour des raisons artistiques ou
budgétaires.
[143] Selon la preuve présentée par les intervenantes,
TAI et le CNA, le Tribunal comprend qu'il existe une profession appelée
« accessoiriste » ou, selon Mme Ruel,
« accessoiriste de plateau » et que ces personnes sont
souvent des salariés, donc exclues de l'application de la Loi. Le Tribunal comprend
également que dans certaines productions, le concepteur de décors
peut assumer la conception des accessoires et reléguer à une
autre personne la tâche de rassembler ou de choisir les accessoires.
Dans ce cas, il est clair que la contribution de l'accessoiriste
« ne contribue pas directement à la conception de la
production » puisque les choix artistiques auront été
faits par le concepteur de décors. Le Tribunal note que les
témoins des intervenantes sont des personnes bien qualifiées et
crédibles, ayant une expérience pertinente. Toutefois, la preuve
relève qu'ils sont pour la plupart impliqués surtout au niveau
administratif depuis les dernières années, et ce, dans une
institution en particulier.
[144] L'ADC avance plusieurs arguments pour appuyer sa
prétention qu'il n'existe pas de fonction appelée
« concepteur d'accessoires ». Si la fonction existe,
l'ADC fait valoir qu'elle n'est pas visée par la Loi. L'ADC a
démontré qu'on ne remet pas de prix pour cette fonction lors des
galas dans le monde du théâtre. Dennis Horn a également
témoigné que la conception des accessoires est une tâche
qui est toujours assumée par le concepteur de décors.
[145] Selon le Tribunal, l'absence de prix n'est pas un
élément de preuve déterminant pour conclure que la
fonction n'existe pas en tant que telle. Selon l'ADC, la fonction du
concepteur de son n'est reconnue que depuis récemment, ce qui illustre
qu'il y a une évolution des tâches. Le fait qu'une même
personne accepte de cumuler deux fonctions ne veut pas dire que dans une autre
situation ces tâches ne pourraient être attribuées à
deux personnes. Le Tribunal est d'avis qu'il existe effectivement une
activité distincte que l'on peut appeler la conception d'accessoires.
Il faut toutefois comprendre que la personne qui exerce cette fonction doit
relever du metteur en scène au même titre que les autres
concepteurs de la production et que son travail inclut la création ou la
transformation d'objets de même qu'une recherche dans le but de
développer tout un concept qui traduira la vision du metteur en
scène. Il faut maintenant examiner le Règlement pour voir
si cette fonction est incluse dans les catégories prévues.
[146] Les activités décrites aux alinéas
a) à e) du Règlement s'exercent en fonction
d'un domaine artistique et non pas en rapport à des professions
spécifiques. Par exemple, l'alinéa 2(1)b)
réfère à la « conception de costumes, coiffures
et maquillage » et non au « concepteur de costumes
(...) » indiquant la volonté du législateur de ne pas
restreindre l'application de ces catégories à des fonctions
déterminées. Le Tribunal juge que la conception d'accessoires
est une activité qui s'apparente à la scénographie et que
par conséquent la fonction est visée à l'alinéa
2(1)c) du Règlement et que le concepteur d'accessoires est
un artiste en vertu du sous-alinéa 6(2)b)(iii) de la Loi.
Les concepteurs de marionnettes exercent-ils une profession qui est
visée par la Loi?
[147] La fonction « concepteur de marionnettes »
est également contestée par l'ADC et les intervenantes TAI et le
CNA. L'argument principal est à l'effet que la conception de
marionnettes est une fonction qui relève du concepteur de décors
ou de costumes. Par ailleurs, les intervenantes soutiennent que la fonction
est exclue de l'application de la Loi parce que le
législateur ne l'a pas spécifiquement nommée dans le
Règlement.
[148] Il ressort du témoignage de Richard Lacroix que le
concepteur de marionnettes est embauché à contrat et que sa
tâche est habituellement double puisqu'il doit concevoir le castelet, qui
est l'environnement de la marionnette, de même que la marionnette
elle-même. Dans certains cas, le concepteur s'inspire de textes
déjà écrits et, dans d'autres cas, le tout est une
création. Un atelier spécialisé entreprendra la
fabrication de la marionnette et du castelet, mais le travail se fait sous la
supervision du concepteur. Par ailleurs, la preuve démontre que le
concepteur de marionnettes est impliqué dans le processus créatif
à toutes les étapes.
[149] Le Tribunal est d'avis qu'il existe une preuve suffisante pour
conclure que la fonction de concepteur de marionnettes existe comme telle et
qu'il ne s'agit pas d'une fonction qui relève du concepteur de
décors ou de costumes. Par contre, il n'y a rien qui empêche un
concepteur de marionnettes de travailler également à titre de
concepteur de décors ou de costumes. Il faut maintenant examiner le
Règlement pour voir si la fonction est incluse dans une des
catégories énoncées.
[150] D'une part, la conception du castelet s'apparente à la
conception des décors au théâtre. Par ailleurs, comme l'a
témoigné M. Lacroix, lorsque le concepteur dessine la
marionnette, crée son image et imagine ses vêtements, le travail
s'apparente davantage à ce que fait le concepteur de costumes. Puisque
ces deux fonctions sont clairement visées par le Règlement
aux alinéas 2(1)b) : conception de costumes, coiffures et
maquillage et 2(1)c) : scénographie, le Tribunal conclut que
la conception de marionnettes est une fonction visée au
Règlement et que le concepteur de marionnettes est un artiste en
vertu du sous-alinéa 6(2)b)(iii) de la Loi.
Les assistants concepteurs de décors et de costumes
exercent-ils des professions qui sont visées par la Loi?
[151] L'APASQ réclame la représentation des individus
exerçant les fonctions d'assistants concepteurs de décors et de
costumes car, selon elle, ce sont des artistes professionnels au sens de la Loi. Ces individus
réalisent la vision artistique du metteur en scène et du
concepteur. Ils peuvent identifier leur apport créatif dans la
production globale et ainsi participent au processus de création. Le
producteur retient leurs services à titre d'entrepreneur
indépendant, de la même manière que les autres membres de
l'équipe de production.
[152] L'ADC s'oppose à l'inclusion de ces individus dans le
secteur recherché par l'APASQ au motif qu'ils n'exercent aucune fonction
artistique. De leur côté, les intervenantes, TAI et le CNA,
soutiennent que les assistants aux décors et aux costumes effectuent
uniquement un travail de soutien pour les concepteurs de sorte qu'ils ne sont
pas des « artistes » au sens de la Loi.
[153] L'expérience du témoin de l'APASQ, Daniel Fortin,
démontre qu'en tant qu'assistant, les possibilités de
contribution artistique sont vastes. Dans sa carrière, M. Fortin a
oeuvré à titre d'assistant principalement pour François
Barbeau qui, selon la preuve, détient un statut exceptionnel dans le
domaine de la conception. Bien que M. Fortin soit un témoin
crédible, le Tribunal est d'avis que son expérience ne
représente pas le travail exécuté par la majorité
des assistants concepteurs de costumes.
[154] Le témoignage de M. Horn, pour l'ADC, illustre
l'expérience opposée du travail d'un assistant, celui qui
exécute presqu'exclusivement des tâches administratives. Il faut
cependant se rappeler que l'ensemble de l'expérience de M. Horn se
limite à une seule saison au Festival de Stratford, qui, tel qu'il a
lui-même admis, se calcule en fonction d'heures et non de semaines.
L'expérience de M. Horn étant ainsi limitée, le
Tribunal estime qu'elle n'est pas représentative du milieu des
assistants non plus.
[155] Il appert au Tribunal que l'ensemble des tâches des
assistants concepteurs de décors et de costumes se situent
vraisemblablement entre ces deux extrêmes. La preuve
présentée par David Gaucher à ce sujet confirme cette
conclusion. M. Gaucher possède une grande expérience dans
le milieu des arts de la scène au Québec. De plus, il a agi
à titre d'assistant pendant trois ans au début de sa
carrière et, depuis, il travaille avec des assistants. Selon lui,
être assistant concepteur de décors ou de costumes requiert des
compétences artistiques car ces derniers doivent concrétiser,
« donner vie », à l'idée
générale du concepteur, tout comme le concepteur réalise
la vision artistique du metteur en scène. Pierre Rousseau appuie, lui
aussi, cette conclusion lorsqu'il a témoigné que le choix des
assistants concepteurs de décors et de costumes contribue à la
qualité artistique du travail des concepteurs. Toutefois, la preuve
révèle que ces fonctions comprennent nécessairement un
volet administratif et que le temps consacré par les assistants aux
tâches administratives varie selon la méthode de travail du
concepteur ainsi que la taille de la production.
[156] À la lumière de ces faits, le Tribunal doit
déterminer si les assistants concepteurs de décors et de costumes
sont des « artistes » au sens de la Loi. Le sous-alinéa
6(2)b)(iii) de la Loi veut que l'entrepreneur
indépendant qui participe à la création d'une oeuvre,
entre autres, dans le domaine des arts de la scène, de la danse et des
variétés soit un artiste au sens de la Loi. Le
Règlement est venu préciser la portée de cette
disposition. Ainsi, le paragraphe 2(1) du Règlement
prévoit que le professionnel qui participe à la création
d'une production en contribuant directement à la conception de celle-ci
sera visé par la Loi. Le
Règlement précise également que la contribution du
professionnel doit avoir lieu dans l'une ou plusieurs des catégories
énumérées aux alinéas 2(1)a) à
e).
[157] Les intervenantes, TAI et le CNA, prétendent que les
assistants sont visés au paragraphe 2(2) du Règlement
parce qu'ils font du « travail de soutien ». Or, le
paragraphe 2(2) exclut ceux et celles qui exercent des fonctions non
créatives, notamment la comptabilité, la vérification ou
le travail juridique, publicitaire, de représentation, de gestion,
administratif ou d'écriture, ou autre travail de soutien.
[158] Le Tribunal pourrait disposer de l'argument des intervenantes
immédiatement car, à ses yeux, il y a un apport créatif
dans le travail des assistants. Néanmoins, le Tribunal tient à
noter que dans le contexte immédiat de la disposition, où les
mots « la comptabilité, la vérification ou le travail
juridique, publicitaire, de représentation, de gestion, administratif ou
d'écriture, ou autre travail de soutien » sont
grammaticalement et logiquement liés, l'interprétation des
intervenantes ne saurait tenir. La portée à attribuer à
un élément d'un ensemble de mots liés au plan grammatical
et logique peut être établie par l'examen des
caractéristiques communes de tous les éléments de
l'ensemble (Sullivan, Driedger on the Construction of Statutes, 3e
éd., Toronto, Butterworths, 1994, à la p. 200). Dans le cas des
mots « la comptabilité, la vérification ou le travail
juridique, publicitaire, de représentation, de gestion, administratif ou
d'écriture, ou autre travail de soutien » les mots
renvoient tous à une forme de « travail de bureau ou de
travail administratif ». Le «travail de soutien» ne
réfère pas aux tâches exécutées par les
assistants concepteurs de costumes et de décors même si certaines
de leurs tâches peuvent être administratives.
[159] L'énumération des activités des
catégories professionnelles aux alinéas 2(1) a) à
e) est explicitement liée à l'exigence de contribuer
à la conception d'une production. Tel que susmentionné, ces
catégories sont décrites en fonction du domaine artistique
visé, et non pas par rapport à des professions
spécifiques.
[160] La preuve démontre, qu'en général, ce sont
des entrepreneurs indépendants qui oeuvrent à titre d'assistants
concepteurs de décors et de costumes. Ces professionnels
répondent au critère de la participation à la
création d'une production énoncé au sous-alinéa
6(2)b)(iii) puisque le secteur proposé vise les arts de la
scène, la danse et les variétés. Les compétences
artistiques décrites par M. Gaucher illustrent la contribution
directe de ces assistants à la conception d'une production. Le Tribunal
considère, en fonction de cette preuve, que cet apport créatif
est suffisant pour que ces fonctions soient visées par les
alinéas 2(1)b) et 2(1)c) du Règlement et que
les assistants concepteurs de costumes et de décors sont des artistes en
vertu du sous-alinéa 6(2)b)(iii) de la Loi.
Les peintres de décors exercent-ils une profession qui est
visée par la Loi?
[161] L'APASQ revendique cette fonction au motif qu'elle est
exécutée par des individus qui possèdent des
qualités artistiques particulières, leur apport créatif
à la production se réalisant à l'intérieur des
paramètres fixés par le scénographe et le metteur en
scène. L'ADC considère que ces individus sont des techniciens
très talentueux, mais ne sont pas des « artistes »
puisqu'ils ne font que réaliser la vision d'un autre. Selon les
intervenantes, TAI et le CNA, ces individus exercent un travail de soutien et
sont ainsi exclus de l'application de la Loi en vertu de
l'alinéa 2(2)a) du Règlement.
[162] La preuve déposée par David Gaucher, pour l'APASQ,
démontre que les peintres de décors travaillent sur une
production en raison de leurs compétences artistiques. Beaucoup de
peintres de décors oeuvrent à titre de salariés dans des
ateliers. Il arrive que les scénographes agissent aussi à titre
de peintres de décors. Pierre Rousseau, témoin de l'intervenante
TAI, confirme que ce sont généralement des ateliers qui sont
engagés pour accomplir les tâches des peintres de décors,
mais que l'atelier doit obtenir l'approbation du théâtre en ce qui
concerne le peintre qui effectuera le travail. Lors de l'audience, l'APASQ
n'avait aucun membre inscrit sous la catégorie « peintres de
décors » dans leur liste de membres, mais Monique Corbeil,
témoin de l'APASQ, a indiqué au Tribunal qu'un membre peut
exercer trois, parfois quatre, professions à la fois et qu'il s'inscrit
habituellement dans la catégorie où il est le plus reconnu.
[163] L'article 9 de la Loi prévoit qu'un
artiste offrant ses services par l'intermédiaire d'une organisation
demeure assujetti à la Loi. Ainsi, les peintres de
décors qui s'incorporent peuvent bénéficier du
régime de relations de travail établi par la Loi. Par ailleurs, au stade
d'une demande d'accréditation, le Tribunal ne détermine pas la
relation habituelle existante entre les producteurs et chaque membre de
l'association d'artistes lorsqu'il ou elle exerce sa profession :
APVQ-STCVQ, 2001 TCRPAP 035, au para. 18.
Lorsque le Tribunal accrédite une association d'artistes, cela ne
signifie pas que toutes les personnes oeuvrant dans un domaine artistique
donné seront visées par l'accréditation. Il va de soi que
les artistes engagés dans une relation employeur-employé sont
exclus. D'autre part, il est important de retenir que rien n'empêche
qu'une même personne puisse à la fois être une
employée et oeuvrer dans le monde artistique comme entrepreneur
indépendant : Union des Artistes, 1996
TCRPAP 017, au para. 24.
[164] En fonction de ce raisonnement, le Tribunal estime qu'un peintre
de décors peut exercer ses fonctions dans le domaine des arts de la
scène, de la danse ou des variétés à titre
d'entrepreneur indépendant professionnel. Il reste à
déterminer si ces professionnels sont visés par le
Règlement. Le Tribunal accepte la preuve de l'APASQ voulant que
les peintres de décors interviennent avec un souci artistique important,
même s'ils doivent suivre les consignes des concepteurs. Cet apport
créatif permet au Tribunal de conclure que les peintres de décors
contribuent directement à la conception d'une production,
répondant ainsi aux critères prévus au paragraphe 2(1) du
Règlement. Le Tribunal rejette l'argument des intervenantes, TAI
et le CNA, selon lequel les peintres de décors n'exécutent que
des tâches « de soutien », pour la raison
énoncée au paragraphe 158 des présents motifs. Le travail
des peintres de décors servant à compléter celui du
scénographe, le Tribunal conclut que ce travail est visé par
l'alinéa 2(1)c) du Règlement et que les peintres de
décors sont des artistes en vertu du sous-alinéa
6(2)b)(iii) de la Loi.
Les régisseurs et les assistants metteurs en scène
exercent-ils des professions qui sont visées par la Loi?
[165] Puisque le Tribunal s'est déjà prononcé sur
la question de savoir si les régisseurs et les assistants metteurs en
scène sont des « artistes »CAEA 1996 TCRPAP 010, l'APASQ prétend que le Tribunal
n'a pas à trancher cette question de nouveau. Les intervenantes, TAI et
le CNA, soutiennent que la différence culturelle qui existe entre le
fonctionnement du théâtre anglais et celui du théâtre
français, telle qu'expliqué par leur témoin ainsi que les
témoins de l'ADC, justifie une nouvelle analyse de la part du Tribunal
à l'égard de ces fonctions.
[166] Le Tribunal concède qu'il existe certaines
différences entre le fonctionnement du théâtre anglophone
et celui du théâtre francophone et que ces différences
peuvent avoir une incidence sur l'envergure des tâches exercées
par les régisseurs et les assistants metteurs en scène.
Cependant, ces différences n'ont pas pour effet de soustraire à
ces fonctions leur apport artistique dans le monde du théâtre
francophone. Les deux études complétées par le CQRHC pour
ces professions attestent clairement de la contribution créative de ces
deux fonctions à l'oeuvre scénique globale.
[167] L'étude complétée sur la profession de
régisseur indique que le régisseur « dirige la
représentation en s'assurant que l'équipe du spectacle accomplit
avec précision les effets ... » du spectacle. D'autre part,
l'étude sur la profession d'assistant metteur en scène
démontre que l'assistant metteur en scène contribue à
l'élaboration et à la mise au point de la mise en scène
d'une production, sous la guise du metteur en scène. En s'inspirant du
raisonnement articulé dans la décision de la CAEA, le Tribunal
conclut que les régisseurs et les assistants metteurs en scène
« dirigent ... de quelque manière que ce soit »
une oeuvre et sont ainsi des « artistes » en vertu du
sous alinéa 6(2)b)ii) de la Loi, même si cette
direction s'effectue sous la supervision du metteur en scène. [voir 1996 TCRPAP 010, aux para. 31, 32 et 39].
Le secteur proposé par l'APASQ est-il approprié aux
fins de la négociation?
[168] Le paragraphe 26(1) de la Loi prévoit que,
lorsqu'il étudie une demande d'accréditation, le Tribunal doit
tenir compte, notamment, de la communauté d'intérêts des
artistes en cause et de l'historique des relations professionnelles entre les
artistes, leurs associations et les producteurs en ce qui concerne les
négociations, les accords-cadres et toutes autres ententes portant sur
des conditions d'engagement d'artistes, ainsi que des critères
linguistiques et géographiques qu'il estime pertinents.
[169] Il ressort de la preuve qu'il peut y avoir des
différences de fonctionnement au niveau du théâtre anglais
et du théâtre français et que l'envergure de la production
peut affecter la façon dont les tâches sont réparties et,
même, si certains postes seront comblés. De plus, la
majorité de la preuve entendue, de part et d'autre, reflète la
pratique dans des productions qui sont de compétence provinciale. Le
secteur de production qui vraisemblablement relève d'un producteur
fédéral est très limitée. C'est donc dans ce
contexte que le Tribunal doit définir le secteur approprié aux
fins de la négociation collective.
La communauté d'intérêts
[170] La demande d'accréditation de l'APASQ mentionne que
toutes les personnes exerçant les fonctions
énumérées dans le secteur proposé sont des
« artistes » au sens de la Loi parce que ces personnes
sont « considérées auteurs ou créateurs de
l'oeuvre ou d'une partie de l'oeuvre scénique et à ce titre elles
revendiquent toutes à divers degrés des droits de suite sur leurs
oeuvres et non des droits voisins comme les
artistes-interprètes ». De plus, l'APASQ soutient que tous
les artistes visés sont des personnes qui participent à la
création d'une oeuvre, à l'exclusion des
artistes-interprètes. Ces personnes ont une communauté
d'intérêts du fait de la disposition géographique des
artistes en question.
[171] Les concepteurs de décors, de costumes,
d'éclairage, de son, d'accessoires, de marionnettes et les peintres de
décors constituent l'assise du groupe créatif hors scène
qui participe à l'existence, à la production et à la
réalisation de l'oeuvre scénique. Il est certes approprié
de les inclure dans un même secteur de négociation.
[172] Les assistants concepteurs de décors et de costumes font
aussi partie de ce groupe de professionnels hors scène. Toutefois les
intervenantes, TAI et le CNA, ont exprimé des préoccupations
quant à l'inclusion de ces professionnels dans la même
unité de négociation que les personnes de qui ils
relèvent, soit les concepteurs de décors et de costumes.
À l'appui de cet argument, elles citent la décision du Tribunal
dans le dossier impliquant les metteurs en scène [voir Union des
Artistes, 1998 TCRPAP 024]. À l'encontre de
cet argument, l'APASQ fait valoir que les assistants aux décors et aux
costumes relèvent généralement du metteur en scène,
de la même manière que tous les autres intervenants à la
production.
[173] L'alinéa 18a) de la Loi prévoit que le
Tribunal doit tenir compte des principes applicables en droit du travail.
comme l'ont soulevé les intervenantes, un de ces principes veut que les
personnes qui occupent des postes de direction ne soient pas dans la même
unité de négociation que les personnes qu'ils supervisent. Dans
l'affaire Union des Artistes, précitée, le Tribunal devait
déterminer si les metteurs en scène partageaient une
communauté d'intérêts avec les artistes interprètes
ou avec les concepteurs. Dans cette affaire, le Tribunal a conclu que les
metteurs en scène n'avaient pas de responsabilité de
gérance telles qu'on le comprend normalement en relations
industrielles. Néanmoins, le Tribunal a jugé que les metteurs en
scène détiennent un pouvoir important à l'égard des
concepteurs et des artistes-interprètes et qu'il était probable
que les metteurs en scène ont des intérêts
différents de chacun de ces deux groupes. Par conséquent, un
secteur distinct a été créé pour eux.
[174] Le Tribunal a traité d'une question semblable lorsqu'il a
étudié la demande d'accréditation de la Guilde des
musiciens 1997 TCRPAP 020. Dans cette affaire, le
Tribunal devait déterminer si les chefs d'orchestre pouvaient être
inclus dans le même secteur de négociation que les musiciens
interprètes. La preuve a démontré que le chef d'orchestre
agit plutôt à titre de leader pour les musiciens et exerce
peu ou pas de fonctions administratives. Le Tribunal a donc conclu qu'il
était approprié d'inclure les chefs d'orchestre dans le
même secteur de négociation que les musiciens.
[175] En l'espèce, la relation qui existe entre les concepteurs
de décors et de costumes et leurs assistants respectifs ressemble
davantage à la relation qui existe entre le chef d'orchestre et ses
musiciens que celle qui existe entre le metteur en scène et les artistes
interprètes ou les concepteurs. Le metteur en scène est le
maître d'oeuvre alors que le concepteur ne l'est pas. Les fonctions
administratives relèvent principalement du producteur et non du
concepteur. Les concepteurs de décors et de costumes et leurs
assistants collaborent à la conception d'une production et
relèvent, dans la plupart des cas, de la même personne. Ainsi, le
Tribunal conclut qu'ils ont une communauté d'intérêts et
qu'il est approprié de les inclure dans le même secteur de
négociation.
[176] L'APASQ soutient que les fonctions de régisseur et
d'assistant metteur en scène font également partie de cette
équipe hors scène qui participe au processus de création
de l'oeuvre scénique. Par ailleurs, l'APASQ est la seule association
qui revendique la représentation de ces deux fonctions au
Québec.
[177] Il ressort de la preuve que le régisseur doit avoir une
connaissance du travail de chacun des membres de l'équipe de production
pouvant ainsi faire le lien entre le metteur en scène et cette
équipe. L'assistant metteur en scène assiste le metteur en
scène dès le début du projet jusqu'à la
première et contribue à l'élaboration et à la mise
au point de la mise en scène. En pratique, il arrive souvent que
l'assistant metteur en scène devienne ensuite le régisseur de la
production.
[178] Le Tribunal est satisfait que les individus qui exercent les
fonctions de régisseur et d'assistant metteur en scène partagent
une communauté d'intérêts suffisante avec les concepteurs
pour être inclus dans un même secteur de négociation.
L'historique des relations professionnelles
[179] L'APASQ a été fondée dans le but de
représenter et de défendre les droits des artistes qui
n'étaient, et ne pouvaient pas être, membres de l'UDA. En 1993,
l'APASQ a obtenu une accréditation provinciale pour un secteur
composé de concepteurs de décors, de costumes, d'éclairage
et de son. Ainsi au chapitre des relations professionnelles, l'activité
de l'APASQ est relativement récente. Quatre ententes collectives visant
le théâtre ont été versées en preuve. Des
avis de négociation ont été signifiés à des
producteurs indépendants tant au théâtre anglophone que
francophone au début de l'an 2001. L'APASQ admet que c'est en raison
d'un manque de ressources qu'aucune négociation n'a été
entreprise avec les producteurs indépendants dans les domaines de la
danse, des arts lyriques et des variétés. Le Tribunal note que
le département de théâtre français du CNA est membre
de l'association de producteurs TAI et qu'il respecte les dispositions
prévues dans l'entente conclue entre l'APASQ et TAI.
[180] La preuve démontre que l'APASQ s'intéresse
à la vie professionnelle et au développement
socio-économique de ses membres. Par exemple, elle a été
le maître d'oeuvre de la réalisation des études
complétées par le CQRHC pour les professions d'assistant metteur
en scène et de régisseur. Le Tribunal comprend que ces
études visent à identifier les tâches
exécutées par ces professionnels afin de pouvoir établir
et améliorer leurs conditions de travail. De plus, l'APASQ participe
à de nombreuses activités culturelles et artistiques afin de
promouvoir et mettre en valeur les oeuvres artistiques de ses membres. Les
membres disposent de plusieurs services offerts par l'association, notamment un
« coffre d'outils », des services de consultation, des
conseils pour la négociation de contrats et une caisse de
sécurité des arts de la scène.
[181] Les intervenantes, TAI et le CNA, voudraient que le Tribunal ne
tienne compte que de l'historique des relations professionnelles en rapport
avec l'accréditation provinciale de l'APASQ. Le Tribunal ne peut
retenir cet argument. Dans le passé, le Tribunal a
accrédité des associations même lorsque celles-ci n'avaient
conclu aucun accord-cadre au moment de la demande d'accréditation [voir
Association québécoise des auteurs dramatiques, 1996 TCRPAP 011; Société professionnelle
des auteurs et des compositeurs du Québec, 1996
TCRPAP 013].
[182] Lors de l'analyse de ce critère, le Tribunal regarde les
activités des associations globalement pour déterminer l'ensemble
de l'historique des relations professionnelles et ne se fie pas uniquement
à l'existence d'accords-cadres. De plus, l'historique des relations
professionnelles se situe non seulement au niveau de la relation entre les
associations d'artistes et les producteurs, mais aussi entre les artistes et
les associations, ainsi que les artistes eux-mêmes. La preuve
démontre que les compétences artistiques requises à titre
de concepteurs ou autres intervenants hors scène sont les mêmes et
que ces artistes oeuvrent dans le domaine du théâtre, de
l'opéra, de la danse ou des variétés.
[183] Le Tribunal est d'avis qu'il existe un historique de relations
professionnelles entre l'APASQ, ses membres et les producteurs dans le domaine
du théâtre au Québec. Puisque le département de
théâtre français du CNA est membre de TAI, le Tribunal
conclut qu'il existe un historique de relations professionnelles aussi avec ce
département et l'inclut dans le secteur de négociation.
[184] En ce qui concerne les autres domaines de production
visés par la demande de l'APASQ, le Tribunal note, et les parties
l'admettent, que les productions qui tomberaient dans la sphère de
compétence fédérale au Québec dans ces domaines
sont peu nombreuses. Par conséquent, même si aucun accord-cadre
n'a encore été négocié dans les domaines de la
danse et des variétés, le Tribunal conclut qu'il est
approprié de les inclure dans le secteur de négociation.
Les critères linguistiques et géographiques
pertinents
[185] Le Tribunal a entendu considérablement de preuve et
d'arguments à l'égard des différences qui existent d'une
part, selon l'APASQ, entre le Québec et le reste du Canada et, d'autre
part, selon l'ADC et les intervenantes, entre le fonctionnement du
théâtre français et du théâtre anglais, et ce,
sans distinction géographique. L'APASQ demande au Tribunal de
« consacrer une réalité » en prenant acte
des différences qui existent entre le milieu scénique du
Québec et le reste du Canada. À l'appui de cet argument, l'APASQ
souligne qu'elle représente presque tous les concepteurs au
Québec et qu'elle est la seule association reconnue légalement au
Québec pour négocier au nom des concepteurs, sans distinction
linguistique.
[186] L'ADC et les intervenantes font valoir l'argument
opposé. Selon elles, les distinctions qui existent se retrouvent non
pas au niveau de la géographie, mais au niveau de la langue de
fonctionnement de la production. Selon l'ADC, les divisions
géographiques sont presque sans conséquence puisque c'est la
communication qui est au coeur de la conception. Ainsi, toute division devrait
se faire selon des critères linguistiques.
[187] Les intervenantes ont cité quelques décisions du
Tribunal pour souligner l'approche qu'il a adoptée à
l'égard des critères linguistiques et géographiques,
notamment les décisions concernant les demandes d'accréditation
de l'Association des réalisateurs et réalisatrices du
Québec et al. et la Guilde des Musiciens du Québec 1997 TCRPAP 024 et 1996 TCRPAP 020
respectivement].
[188] Compte tenu des arguments présentés par les
parties et les intervenantes, un examen de la position du Tribunal à
l'égard des critères linguistiques et géographiques peut
s'avérer utile. Voici ce que le Tribunal a écrit dans l'affaire
l'Association des réalisateurs et réalisatrices du
Québec et al., précitée :
[48] Dans la décision concernant La Guilde des
musiciens du Québec (décision n°
020), le Tribunal a énoncé sa position touchant l'application
des critères linguistiques et géographiques dans la
définition d'un secteur. En résumé, le Tribunal croit
qu'il est préférable de limiter le nombre de secteurs pour
éviter les possibilités de chevauchements ou de conflits.
Lorsque la langue n'est pas partie de l'expression artistique comme dans la
musique, la danse et les arts visuels, le Tribunal croit qu'un secteur national
est plus approprié pour les négociations avec les producteurs qui
relèvent de la compétence fédérale, en autant qu'il
existe une association nationale d'artistes capable de fournir les services
à ses membres dans les deux langues officielles. D'autre part, lorsque
la langue est partie de l'expression artistique tel que dans le cas des
auteurs, le critère linguistique revêt une plus grande importance
et le Tribunal en tient compte au moment de définir le
secteur.
[189] Cependant, au paragraphe 53 de cette même décision,
le Tribunal a tempéré ses conclusions en indiquant que les
critères linguistiques et géographiques ne sont pas les seuls
critères qui doivent être évalués au moment de
l'examen d'une demande d'accréditation, les relations professionnelles
existantes devant elles aussi être considérées. En
l'espèce, le Tribunal reconnaît qu'une situation
particulière existe.
[190] Il faut également se rappeler qu'en vertu de
l'alinéa 18a) de la Loi, les principes applicables
en relations de travail sont eux aussi pertinents. L'APASQ a porté
à l'attention du Tribunal deux décisions du Conseil canadien des
relations du travail ( le « Conseil »), à
l'égard de certaines accréditations d'unités de
négociation à Radio-Canada. L'APASQ prétend que ces
décisions consacrent une réalité géographique
plutôt que linguistique dans la reconnaissance de l'existence de deux
réseaux séparés au Canada, un réseau
français au Québec et à Moncton, Nouveau-Brunswick et un
réseau anglais pour le reste du Canada [Société Radio
Canada, [1991] 84 di 1 et [1994] 96 di 1].
[191] Il appert de ces deux décisions que la division
juridictionnelle entre les réseaux français et anglais de
Radio-Canada, telle qu'elle existe aujourd'hui, a été
établie suite aux conclusions du Conseil dans sa Lettre Décision
849, en date du 7 juin 1990. À ce titre, le Conseil a
dit :
Le Conseil constate qu'il existe dans la structure
actuelle des unités de négociation à Radio-Canada
certaines anomalies apparentes quant à la portée territoriale de
certaines unités de négociation. Il appert en effet qu'en
général les centres de production ont été inclus
pour les fins de la négociation collective, soit dans l'un, soit dans
l'autre des soi-disant réseaux. Il est toutefois des cas, à
Moncton et à Montréal, où, suivant leur unité de
négociation, des personnes travaillant côte à côte
dans un même centre de production sont représentées pour
les fins de négociations collectives, par des agents négociateurs
rattachés à des réseaux différents. Cette
situation paraît anormale vue la situation prévalant dans
l'ensemble des centres de production.
Le Conseil juge qu'à moins de raisons convaincantes
reliées aux relations de travail, toutes les personnes travaillant dans
un même centre de production devront globalement pour les fins de leurs
relations du travail appartenir à des unités de
négociation elles-mêmes rattachées à un même
réseau. Précisément, le Conseil entend que tous les
agents négociateurs soient rattachés à l'un ou l'autre
soi-disant réseau et que, sauf exception, la division entre les
réseaux soit la même pour tous.
[192] Ainsi, tel que souligné par les intervenantes, ces
passages démontrent, dans un premier temps, que la distinction initiale
établie par le Conseil à l'égard des unités de
négociation à Radio-Canada est fondée sur des
critères linguistiques : le réseau français pour le
Québec et Moncton, et le réseau anglais pour le reste du Canada.
Cependant, dans sa Lettre décision, le Conseil précise que la
situation qui prévalait avant le 7 juin 1990 créait
« certaines anomalies apparentes quant à la portée
territoriale de certaines unités de négociation » et a
ainsi regroupé les productions qui se faisaient dans un même
centre ensemble, peu importe la langue dans laquelle la production était
diffusée. Ainsi, l'exemple donné par le Conseil dans sa
décision à l'égard du réseau anglais de Radio
Canada (précitée, [1991] 84 di 1) est expliqué à la
p.9 :
Toronto, par exemple, au plan administratif est un centre
du réseau anglais. Toutefois, la production faite à Toronto en
français est identifiée pour les fins de son rattachement
à un réseau non pas par sa langue de diffusion, mais par la
langue dominante de l'endroit où elle est produite, en l'occurrence,
l'anglais. Il en va de même pour les productions anglaises
réalisées à Montréal qui sont donc
identifiées à un centre de production
français.
Ainsi, un deuxième regroupement a été
établi, cette fois sur la base de critères géographiques
et ce, de l'avis du Tribunal, pour faciliter la négociation de relations
professionnelles au sein de ces centres de production à Radio-Canada.
[193] Selon la preuve entendue, le Tribunal doute qu'un producteur
choisisse un concepteur en fonction de l'association à laquelle il
s'identifie. Les parties reconnaissent que les services d'un artiste sont
retenus en raison de ses compétences artistiques. La question devant le
Tribunal est donc de déterminer quelle association pourra
négocier au nom de ces artistes.
[194] Conformément à la position avancée par
l'ADC ci-dessus, le Tribunal devrait définir les secteurs de
négociation en fonction de critères linguistiques plutôt
que géographiques. À l'appui de son argument, l'ADC note la
pratique qui existe entre la CAEA et l'UDA en ce qui concerne les arts de la
scène à travers le Canada, pratique essentiellement fondée
sur la langue de la production. En l'espèce, le Tribunal ne peut
retenir la position de l'ADC. Tout d'abord, cette pratique est le
résultat d'une entente intervenue entre la CAEA et l'UDA. En
deuxième lieu, la demande de l'APASQ ne vise que le Québec et le
CNA, et non pas tout le Canada. En dernier lieu, une telle division, en
l'espèce, serait difficilement applicable dans les cas où une
production est bilingue ou qu'il s'agisse d'un opéra en l'absence d'une
entente juridictionnelle entre les deux associations.
[195] Le Tribunal accepte que dans le cas de la conception, la langue
est un élément important de l'expression artistique et qu'il
aurait été préférable que le secteur proposé
vise tous les concepteurs travaillant sur une production en langue
française au Canada. Même si aux yeux du Tribunal un secteur
regroupant tous les concepteurs qui oeuvrent sur des productions en langue
française au Canada paraît plus
« fonctionnel », le secteur proposé par l'APASQ
n'est pas aussi large et cette dernière n'est pas disposée
à rendre une telle proposition viable.
[196] Le Tribunal comprend que l'ADC a une présence dans le
domaine du théâtre anglophone au Québec. Mais l'APASQ
représente approximativement 110 concepteurs et autres artistes au
Québec sur un nombre approximatif de 200 dans le secteur en total. La
preuve démontre que seulement cinq contrats ADC ont été
signés au cours de l'an 2000 avec des compagnies de théâtre
anglophone dans cette province. Des quelque 50 compagnies de
théâtre anglophones au Québec, six sont membres de PACT,
avec qui ADC détient un historique considérable de relations
professionnelles. ADC compte parmi ses membres 12 personnes au Québec
dont trois sont également membres de l'APASQ. Bien que l'ADC revendique
la représentation des concepteurs au niveau fédéral
à travers le Canada, le Tribunal ne peut nier la présence de
l'APASQ au Québec.
[197] Par conséquent, le Tribunal estime qu'un secteur
établi sur une base géographique, en ce qui concerne la
négociation collective avec les producteurs assujettis à la Loi pour des productions dans
le domaine des arts de la scène, de la danse et des
variétés est approprié. Cependant, le Tribunal est d'avis
qu'en raison de l'historique de relations professionnelles existant entre
l'APASQ et TAI, il est également approprié d'inclure le
département de théâtre français dans le secteur de
l'APASQ même si cette institution est située à
l'extérieur du Québec.
Conclusion à l'égard du secteur de l'APASQ
[198] Après avoir pris en considération toutes les
observations orales et écrites que l'APASQ et les intervenantes ont
présentées, le Tribunal juge que le secteur approprié aux
fins de la négociation collective est un secteur qui comprend tous les
concepteurs de décors, de costumes, d'éclairage, de son,
d'accessoires, de marionnettes, les régisseurs, les peintres de
décors, les assistants concepteurs de costumes et de décors et
les assistants metteurs en scène qui sont des entrepreneurs
indépendants engagés par un producteur assujetti à la Loi sur le statut de
l'artiste :
a) pour toute production dans le domaine
des arts de la scène, la danse et les variétés
présentée dans la province de Québec;
b) pour toute production au département de
théâtre français du Centre national des Arts à
Ottawa.
À l'exception des régisseurs et des assistants metteurs
en scène visés par l'accréditation accordée par le
Tribunal à la Canadian Actors' Equity Association le 25 avril 1996
et sous réserve de l'entente intervenue entre l'Association des
professionnels des arts de la scène du Québec (APASQ-CSN) et la
Canadian Actors' Equity Association le 28 juin 2001.
L'APASQ est-elle représentative des artistes du
secteur?
[199] Lorsque deux associations revendiquent un même secteur
artistique, soit en tout ou en partie, le Tribunal doit accorder une attention
particulière aux facteurs dont il tiendra compte pour déterminer
quelle association est la « plus représentative »
des artistes du secteur défini.
[200] Dans sa demande d'accréditation, l'APASQ a indiqué
qu'elle représente 120 professionnels dans le secteur proposé et
qu'il pourrait y avoir approximativement 200 personnes travaillant dans ce
secteur. À l'audience, elle a précisé qu'elle
représente 110 membres actifs et quatre stagiaires, tous oeuvrant dans
le domaine des arts de la scène, la danse et les
variétés. Outre ses membres, l'APASQ compte approximativement
100 permissionnaires. L'APASQ affirme représenter la
quasi-totalité, sinon la totalité des artistes du secteur au
Québec.
[201] Le Tribunal note qu'aucune autre association n'a demandé
à représenter les intérêts de tous les artistes
inclus dans le secteur que le Tribunal a jugé approprié aux fins
de la négociation collective. Par conséquent, le Tribunal
accepte la prétention de l'APASQ qu'elle est la plus
représentative des artistes dans le secteur.
Décision à l'égard de
la demande d'accréditation de l'APASQ
[202] Par ces motifs et attendu que le règlement de l'APASQ
répond aux exigences prévues au paragraphe 23(1) de la Loi sur le statut de
l'artiste, le Tribunal :
Déclare que le
secteur approprié aux fins de la négociation est un secteur qui
comprend tous les concepteurs de décors, de costumes,
d'éclairage, de son, d'accessoires, de marionnettes, les
régisseurs, les peintres de décors, les assistants concepteurs de
costumes et de décors et les assistants metteurs en scène qui
sont des entrepreneurs indépendants engagés par un producteur
assujetti à la Loi sur le
statut de l'artiste :
a) pour toute production dans le domaine des arts de la
scène, la danse et les variétés présentée
dans la province de Québec;
b) pour toute production au département de
théâtre français du Centre national des Arts à
Ottawa.
À l'exception des régisseurs et des assistants metteurs
en scène visés par l'accréditation accordée par le
Tribunal à la Canadian Actors' Equity Association le 25 avril 1996
et sous réserve de l'entente intervenue entre l'Association des
professionnels des arts de la scène du Québec (APASQ-CSN) et la
Canadian Actors' Equity Association le 28 juin 2001.
Déclare que
l'Association des professionnels des arts de la scène du Québec
(APASQ-CSN) est l'association la plus représentative des artistes du
secteur.
Une ordonnance sera émise pour confirmer l'accréditation
de l'Association des professionnels des arts de la scène du
Québec (APASQ-CSN) pour ce secteur.
Le secteur proposé par l'ADC est-il approprié aux
fins de la négociation?
[203] Le secteur proposé par l'ADC est composé des
concepteurs de décors, de costumes, d'éclairage et de son qui
travaillent dans le domaine des arts de la scène. Plusieurs questions
liées à la demande d'accréditation de l'ADC ont
déjà été tranchées dans d'autres parties des
présents motifs, notamment celles qui traitent de la définition
du secteur approprié aux fins de la négociation figurant dans la
demande d'accréditation de l'APASQ. Le Tribunal ne se penchera donc pas
à nouveau sur ces questions.
La communauté d'intérêts et l'historique des
relations professionnelles
[204] L'ADC a été créée pour
défendre les droits et les intérêts des concepteurs de
décors, de costumes, d'éclairage et, plus tard, des concepteurs
de son. Selon le Tribunal, la preuve présentée par l'ADC montre
que cette association est l'agent négociateur officiel reconnu par
l'association des théâtres anglophones du Canada, la PACT, et que
l'ADC négocie donc au nom des concepteurs de partout au Canada. En
outre, l'ADC négocie des contrats avec des théâtres
indépendants et des producteurs de productions industrielles et de
spectacles de danse. L'ADC a démontré à la satisfaction du
Tribunal que l'historique de ses relations professionnelles, notamment avec la
PACT, au nom des concepteurs de décors, de costumes, d'éclairage
et de son, prouve l'existence d'une communauté d'intérêts
parmi les concepteurs.
[205] Lorsqu'il examine l'historique des relations professionnelles
d'une association, le Tribunal doit non seulement déterminer s'il existe
des accords-cadres, mais aussi se pencher sur toutes les ententes que
l'association a conclues au nom des artistes qu'elle désire
représenter. L'ADC reconnaît que son entente avec la PACT, ainsi
que tous les autres contrats qu'elle a conclus au nom des concepteurs, ne sont
pas de véritables accords-cadres, car ils ne proposent pas de tarifs
minimaux. Toutefois, ces ententes prouvent de manière irréfutable
que l'ADC est la seule association dont le mandat est de représenter les
concepteurs travaillant au Canada.
[206] L'ADC admet qu'elle négocie surtout au nom des
concepteurs travaillant pour des compagnies de théâtre
anglophones. On a signalé qu'il existe moins de débouchés
pour les concepteurs indépendants qui travaillent dans d'autres
domaines. Par exemple, dans le cas des concerts présentés en
direct, un grand nombre d'artistes voyagent avec tout leur entourage et le
montage de la scène où se déroule leur spectacle est
habituellement terminé avant l'arrivée des artistes dans une
ville canadienne. En ce qui concerne les opéras, la preuve
présentée devant le Tribunal indique que de nombreux concepteurs
sont engagés comme employés d'une compagnie d'opéra.
[207] La demande d'accréditation déposée par
l'ADC pour représenter les concepteurs travaillant dans le domaine des
« arts de la scène » est plus convaincante dans le
cas du théâtre anglophone qu'elle l'est dans le cas d'autres types
de production. Toutefois, le Tribunal accepte la preuve selon laquelle les
mêmes compétences artistiques sont requises dans tous les secteurs
des arts de la scène. Par conséquent, le Tribunal conclut qu'il
est approprié de définir un secteur composé de concepteurs
qui englobe tous les secteurs des arts de la scène au Canada, à
l'exception du Québec et du département de théâtre
français du CNA, pour les motifs susmentionnés dans l'analyse
portant sur la demande d'accréditation de l'APASQ.
[208] Cette conclusion est aussi valable à l'égard des
autres départements du CNA. Cependant, il importe d'apporter des
précisions supplémentaires au sujet du CNA puisque le Tribunal a
entendu de nombreux arguments à l'égard de ce producteur en
particulier.
[209] Le département de théâtre anglais du CNA est
membre de la PACT. L'ADC a donc un historique de relations professionnelles
avec ce département. L'ADC a présenté des preuves
indiquant que le quart de son effectif a travaillé au CNA à au
moins une occasion. En outre, elle a mentionné que ses membres ont
conclu environ 100 contrats avec cet établissement depuis le
début des années 1990. La preuve qu'elle a déposée
relativement aux autres départements du CNA, notamment ceux de la danse,
de la musique et des activités communautaires, n'est pas aussi abondante
que la preuve à l'égard du département de
théâtre anglais. Toutefois, Alexandre Gazalé,
témoin du CNA, a dit savoir que des membres de l'ADC ont
travaillé au CNA dans des départements autres que celui du
théâtre anglais. Le Tribunal accepte cette preuve.
[210] Par conséquent, le Tribunal juge que l'ADC a
montré qu'en fonction de l'historique de ses relations professionnelles
avec le CNA, elle est habilitée à représenter tous les
départements à l'exception du département de
théâtre français, dans tout secteur pour lequel l'ADC sera
accréditée.
Les critères géographiques et linguistiques
pertinents
[211] L'ADC désire représenter un secteur national
composé de concepteurs. La demande d'accréditation de cette
association ne fait pas de distinction fondée sur la langue. Cependant,
étant donné la position de l'APASQ, l'ADC a prétendu
à l'audience que la langue, et non la géographie, était le
critère le plus important. comme l'ADC a dit : « la
communication est au coeur de la conception ». Cependant, en raison
de l'analyse faite sous cette rubrique aux paragraphes précédents
des présents motifs, le Tribunal juge que cette question a
déjà été tranchée. Nonobstant la
préférence du Tribunal envers les secteurs d'envergure nationale,
celui-ci conclut, dans la présente affaire, que le secteur
approprié est composé de concepteurs qui travaillent partout au
Canada dans le cadre de productions dans les arts de la scène, sauf ceux
qui sont engagés pour des productions présentées au
Québec ou par le département de théâtre
français du CNA.
Conclusion à l'égard du secteur de l'ADC
[212] Après avoir pris en considération toutes les
observations orales et écrites que l'ADC et les intervenantes ont
présentées, le Tribunal juge que le secteur approprié aux
fins de la négociation collective est un secteur qui comprend tous les
concepteurs de décors, de costumes, d'éclairage et de son au
Canada, qui sont des entrepreneurs indépendants engagés par un
producteur assujetti à la Loi sur le statut de
l'artiste, dans le domaine des arts de la scène lorsque la
production est présentée en direct, à
l'exception :
a) des concepteurs de décors, de costumes,
d'éclairage et de son engagés par un producteur assujetti
à la Loi sur le statut de
l'artiste dans le cadre d'une production présentée dans
la province du Québec;
b) des concepteurs de décors, de costumes, d'éclairage et
de son engagés par le département de théâtre
français du Centre national des Arts.
L'ADC est-elle représentative des artistes du
secteur?
[213] L'ADC a signalé au Tribunal qu'elle est une association
dont le mandat est de représenter des artistes à l'échelle
nationale. Cet objectif est clairement énoncé dans le
règlement de l'association. Elle a récemment accru sa
capacité d'exercer ce mandat national, en partie, en raison de la
présente instance.
[214] En plus de négocier des contrats, l'ADC offre de nombreux
services à ses membres dont la médiation, des services
juridiques, la gestion de REER, une police d'assurance contre les accidents
ainsi qu'un service de cautionnement pour certains d'entre eux. Elle
déploie aussi beaucoup d'efforts pour promouvoir son effectif et la
conception en tant que moyen d'expression artistique, tant au Canada
qu'à l'étranger. Par exemple, le Tribunal signale le projet que
l'ADC a entrepris en collaboration avec la Toronto Public Library.
[215] La demande d'accréditation de l'ADC indique qu'elle
représente environ 155 concepteurs sur près de 200 entrepreneurs
indépendants dans le secteur. À l'audience, l'ADC a
mentionné que son effectif se compose de 155 membres professionnels, de
13 membres apprentis et de 11 membres honoraires. Ses membres travaillent dans
tous les aspects des arts de la scène même si la majorité
d'entre eux travaillent dans le domaine du théâtre. Les
concepteurs étrangers se joignent souvent à l'ADC lorsqu'ils sont
engagés dans le cadre d'une production canadienne.
[216] Lors de ses conclusions finales, l'ADC a mentionné
qu'elle a l'intention et le mandat de promouvoir les intérêts
économiques des concepteurs partout au Canada. Aucune autre association
d'artistes n'a fait part de sa volonté de représenter les
intérêts des concepteurs travaillant dans le secteur que le
Tribunal a jugé approprié aux fins de la négociation. Le
Tribunal conclut donc que l'Associated Designers of Canada est l'association
d'artistes la plus représentative des artistes qui travaillent dans le
secteur..
Décision à l'égard de la
demande d'accréditation de l'ADC
[217] Par ces motifs, et attendu que le règlement de l'ADC
répond aux exigences prévues au paragraphe 23(1) de la Loi sur le statut de
l'artiste, le Tribunal
Déclare que le
secteur approprié aux fins de la négociation collective est un
secteur qui comprend tous les concepteurs de décors, de costumes,
d'éclairage et de son au Canada, qui sont des entrepreneurs
indépendants engagés par un producteur assujetti à la Loi sur le statut de
l'artiste, dans le domaine des arts de la scène lorsque la
production est présentée en direct, à
l'exception :
a) des concepteurs de décors, de costumes,
d'éclairage et de son engagés par un producteur assujetti
à la Loi sur le statut de
l'artiste dans le cadre d'une production présentée dans
la province du Québec;
b) des concepteurs de décors, de costumes,
d'éclairage et de son engagés par le département de
théâtre français du Centre national des
Arts.
Déclare que
l'Associated Designers of Canada est l'association la plus
représentative des artistes du secteur.
Une ordonnance sera émise pour confirmer
l'accréditation de l'Associated Designers of Canada pour ce secteur.
Ottawa, le 4 janvier 2002
Robert Bouchard |
David P. Silcox |
|
|
Moka Case |
|
ANNEXE 1
Ce qui suit est une version
non-officielle de l'entente conclue entre les parties. |
ENTENTE
|