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Couverture réalisée
à partir de l'oeuvre soumise
par un jeune contrevenant en 1998,
dans le cadre d'un concours commémorant
"100 ans de mise en liberté sous condition au Canada"

 
 
Les Autochtones et le système de justice pénale
 
Un numéro spécial du
Bulletin
Ottawa, le 15 mai 2000

 
Association canadienne de justice pénale
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REMERCIEMENTS
INTRODUCTION
PARTIE I: LES FACTEURS HISTORIQUES
PARTIE II: LES DONNÉES DÉMOGRAPHIQUES
PARTIE III: LES FACTEURS SOCIAUX, ÉCONOMIQUES ET POLITIQUES
PARTIE IV: LES AUTOCHTONES ET LE SYSTÈME DE JUSTICE
PARTIE V: L'ÉVOLUTION DU SYSTÈME ACTUEL
PARTIE VI: CERTAINS POINTS À DISCUTER
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RÉSUMÉ


Les politiques, positions et observations exposées dans ce document devraient servir de point de départ de discussions approfondies avec les peuples autochtones, les organismes non gouvernementaux, le système judiciaire, les organismes correctionnels et d'application de la loi et les ministères, à l'échelon fédéral, provincial et territorial.

Ce rapport examine les conséquences historiques de l'assimilation. Les peuples autochtones du Canada vivent aujourd'hui beaucoup de problèmes attribuables à leur assimilation par les Européens. Le système capitaliste européen était profondément différent des coutumes des peuples autochtones et il a transformé les aspects économiques, politiques et sociaux de leur mode de vie quand il leur fut imposé. La fin du commerce des fourrures a changé le mode de vie des Autochtones en les rendant plus dépendants des économies européennes.

Les conséquences de l'abandon du mode de vie traditionnel des Autochtones ne se sont pas limitées seulement aux facteurs économiques. Les problèmes de santé, les contraintes des cultures et des religions étrangères et l'introduction des nouvelles technologies ont aussi contribué au déclin de l'habitat et du mode de vie autochtones. De plus, dans les pensionnats, où l'usage des langues des Premières Nations et les pratiques traditionnelles et culturelles autochtones étaient interdits, beaucoup de jeunes Autochtones ont été victimes de négligence, d'abus et de mauvais traitements. Ces facteurs historiques, auxquels s'ajoutent les conditions socio-économiques actuelles, sont en grande partie la cause de la très forte proportion d'Autochtones incarcérés, des graves problèmes de pauvreté, de chômage, d'alcoolisme et de violence familiale ainsi que de l'absence d'infrastructures commerciales stables. D'ailleurs, le comportement de la plupart des délinquants autochtones est souvent le résultat de problèmes d'ordre social plutôt que criminel.

Les données démographiques exposées ici aident à illustrer les difficultés qu'éprouvent aujourd'hui les peuples autochtones. Même si leur espérance de vie tend à augmenter, elle demeure encore quelque 6,5 ans inférieure à celle des non-Autochtones. Les Autochtones représentent environ 3 p. 100 de la population canadienne, mais ils constituent approximativement 16 p. 100 de la population carcérale fédérale. Le nombre de délinquants autochtones incarcérés dans les établissements fédéraux et provinciaux, et plus particulièrement dans les Prairies, ne cesse d'augmenter, quoiqu'un grand nombre de crimes commis soient des infractions mineures.

Certaines difficultés qu'éprouvaient les Autochtones aux prises avec le système judiciaire canadien ont été aplanies au cours des vingt dernières années, mais beaucoup de problèmes subsistent encore, malheureusement. L'un des plus graves, soit la proportion élevée d'Autochtones incarcérés, est amplifié en raison de l'insuffisance des fonds gouvernementaux, du choix limité des moyens de réinsertion sociale et du peu de ressources qui lui sont consacrées; de plus, le système de justice dans son ensemble n'est toujours pas adapté aux besoins culturels des Autochtones.

Les recherches montrent que pour la majorité des Canadiens il existe de plus en plus fréquemment un lien entre une situation socio-économique désavantagée et les démêlés avec le système de justice pénale. Les collectivités autochtones sont aux prises avec de nombreuses difficultés d'ordre économique et social, ce qui se traduit par une corrélation avec le taux élevé d'incarcération des délinquants autochtones. Dans ces collectivités, la pauvreté est largement répandue, beaucoup de gens ont recours à l'aide sociale et environ la moitié des enfants vivent dans la pauvreté. Près du tiers de tous les Autochtones âgés de plus de 15 ans ont eu recours à l'aide sociale pendant au moins une partie de 1990. Le désintérêt pour l'apprentissage scolaire, largement attribuable aux expériences négatives vécues dans les pensionnats, des modes d'apprentissage différents et la nécessité, dans bien des régions, de quitter la réserve et de vivre loin de la famille pour faire des études secondaires sont les causes du faible niveau d'instruction des populations autochtones.

Dans les collectivités des Premières Nations, le taux de chômage est 10 à 20 p. 100 plus élevé que dans le reste de la population canadienne. Dans les collectivités autochtones, les conditions de vie sont souvent médiocres : surpopulation, maisons mal construites, manque d'eau potable et de systèmes d'élimination des déchets, etc. Comme les membres des Premières Nations ont de la difficulté à rassembler le capital nécessaire à la mise sur pied d'entreprises commerciales, le développement des collectivités autochtones est limité. C'est pourquoi elles n'arrivent pas à se doter des infrastructures commerciales nécessaires pour répondre à leurs besoins de consommation, ce qui fait que l'argent n'est pas réinvesti dans la collectivité.

Dans les collectivités autochtones, la consommation d'alcool est très élevée et chaque année une personne sur cinq est hospitalisée en raison d'un problème attribuable à l'alcool. La violence familiale est aussi largement répandue puisque 80 p. 100 des femmes autochtones affirment avoir déjà été victimes de mauvais traitements physiques.

Les autorités fédérales, provinciales et territoriales ont adopté différentes mesures afin de réduire le taux d'incarcération des Autochtones, toujours en s'efforçant d'adapter le système de justice à leurs besoins et à leurs particularités culturelles. Ces mesures comprennent l'extension des politiques et des programmes pour Autochtones au système judiciaire, des cours de sensibilisation aux particularités culturelles à l'intention du personnel du système de justice et le recours à des mécanismes de déjudiciarisation, comme les cercles de détermination de la peine, les comités de justice communautaires et les pavillons de ressourcement. La mise en oeuvre de ces mesures est le résultat d'une meilleure compréhension des besoins particuliers des délinquants autochtones, qui exigent des programmes différents.

Même si divers moyens sont mis en oeuvre pour tenter de résoudre les problèmes des Autochtones aux prises avec le système judiciaire, il serait possible d'en régler une grande partie en confiant la responsabilité des mesures de surveillance à leurs collectivités. En revendiquant leur autonomie gouvernementale, les peuples autochtones veulent se donner de nouveau les moyens de déterminer leur destin et de résoudre leurs problèmes à leur manière. L'autonomie gouvernementale reconnaîtrait les Premières Nations comme peuples distincts et conférerait aux collectivités autochtones le pouvoir de définir et de conserver leur culture, leur langue ainsi que leurs systèmes d'éducation, de santé et de justice.
 
 

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