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relations professionnelles artistes-producteurs / Canadian Artists and Producers Professional Relations Tribunal
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Travailleurs autonomes et négociation collective

Par Lorraine Farkas, directrice, planification, recherche et communication du Tribunal canadien des relations professionnelles artistes-producteurs

(Reproduit avec la permission du ministre des Travaux publics et Services gouvernementaux Canada, 1999)

Au Canada, les travailleurs autonomes possèdent-ils des droits de négociation collective? Oui, certains! Cette réponse peut surprendre. Depuis 1987, les artistes à leur propre compte au Québec possèdent un droit légal à la négociation collective dans le champ de compétence provincial(1). De même, depuis l'entrée en vigueur en 1995 de la Loi sur le statut de l'artiste adoptée par le gouvernement fédéral, les artistes à leur propre compte engagés par certains producteurs relevant de la compétence du gouvernement fédéral possèdent un cadre législatif pour procéder à des négociations collectives. Le présent article décrit comment fonctionne le régime de négociation collective établi dans la Loi sur le statut de l'artiste, comment ce régime particulier a été adopté et ce qui s'est passé depuis en matière de négociation collective en vertu de ce régime.

Relations de travail et Loi sur le statut de l'artiste

La Loi sur le statut de l'artiste confère des droits de négociation collective aux catégories d'artistes suivantes : 1) les auteurs au sens de la Loi sur le droit d'auteur (notamment les écrivains, les photographes, les compositeurs de musique), 2) les artistes interprètes (notamment les acteurs, les musiciens et les chanteurs), 3) les réalisateurs et 4) les autres professionnels qui contribuent à la création d'une production(2). La Loi autorise ces artistes à former des associations pour les représenter dans le cadre des négociations avec les producteurs suivants qui oeuvrent dans les domaines de compétence fédérale : 1) les entreprises de radiodiffusion relevant de la compétence du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes, 2) les ministères du gouvernement fédéral et 3) la plupart des organismes fédéraux et des sociétés d'État (notamment l'Office national du film et les musées nationaux).

Le Tribunal canadien des relations professionnelles artistes-producteurs est un organisme quasi judiciaire indépendant; il a été établi en vertu de la Loi sur le statut de l'artiste pour administrer les dispositions ayant trait aux relations professionnelles prévues dans la Loi. Dans ce contexte, les relations professionnelles s'entendent, en réalité, des relations de travail. Essentiellement, le Tribunal doit accomplir les tâches suivantes : 1) déterminer les secteurs de l'activité culturelle habiles à négocier collectivement, 2) accréditer les associations pour représenter les entrepreneurs indépendants oeuvrant dans ces secteurs, 3) instruire et juger les plaintes concernant les pratiques déloyales déposées par les artistes, les associations d'artistes et les producteurs et 4) prescrire les mesures de redressement qui s'imposent dans les cas de contravention à la Loi.

L'accréditation d'une association d'artistes par le Tribunal confère à cette association le droit exclusif de négocier avec les producteurs dans un secteur donné aux fins de conclure un accord-cadre. Un accord-cadre est un document relativement différent des conventions collectives de travail en ce qu'il précise les conditions minimales que le producteur doit respecter lorsqu'il engage un artiste professionnel autonome dans un secteur donné, ou qu'il lui commande une oeuvre. Dès lors, les négociations concernant un contrat d'emploi entre un producteur et un artiste ont pour point de départ les conditions minimales établies dans l'accord-cadre, et un artiste peut négocier des conditions plus avantageuses que celles prévues à l'accord-cadre.

En règle générale, les dispositions concernant les négociations collectives prévues dans la Loi sur le statut de l'artiste sont modelées sur celles figurant dans le Code canadien du travail. Les dispositions concernent la procédure d'accréditation, l'avis de négociation, le précompte obligatoire des cotisations, les moyens de pression, la nomination d'un médiateur par le ministre du Travail, l'annulation d'une accréditation, les droits et obligations du successeur, les pratiques déloyales de travail, les infractions et les peines, etc.

Il existe des différences notables avec le Code canadien du travail. Par exemple, la Loi sur le statut de l'artiste ne comporte pas de disposition concernant la conciliation. En vertu de la Loi, les artistes ou les producteurs peuvent commencer à exercer des moyens de pression 30 jours après l'expiration d'un accord-cadre ou, dans le cas d'une nouvelle accréditation, six mois suivant la date de celle-ci. Une autre différence importante concerne la détermination du caractère représentatif d'une demande d'accréditation. Pour délivrer l'accréditation, le Tribunal applique le critère selon lequel l'association « est la plus représentative » des artistes oeuvrant dans le secteur visé. Le Tribunal a toute la liberté pour décider comment il arrive à cette conclusion, sous réserve d'une condition prévue dans la Loi selon laquelle le Tribunal doit entendre le point de vue des artistes et des associations d'artistes visés par la demande et qui souhaitent être entendus. Par contre, pour déterminer la représentativité, le Conseil canadien des relations industrielles (CCRI) doit être convaincu que la majorité des employés de l'unité de négociation souhaitent être représentés par le syndicat qui présente la demande d'accréditation.

Il y a également certaines différences dans le fonctionnement du Tribunal et celui des conseils traditionnels des relations du travail. Par exemple, la nature des audiences tenues par le Tribunal en matière d'accréditation est un peu différente. Lors de la réception d'une demande d'accréditation, les parties visées peuvent encore être largement indéterminées puisque plus d'un producteur peut oeuvrer dans le secteur visé. Dans ce contexte, les procédures du Tribunal s'apparentent davantage à une enquête publique; elles sont de nature inquisitoire. Le Tribunal doit déterminer quels éléments de preuve il veut entendre et veiller à ce que ceux-ci soit disponibles pour toutes les parties dont les intérêts peuvent être touchés par la décision. Il se peut, lorsque toutes les parties visées ont été identifiées, que les procédures adoptent une approche contradictoire, mais ce n'est pas le modèle applicable au début du processus. Par contre, comme l'accréditation en vertu des lois fédérales et provinciales du travail fait intervenir un employeur et un ou plusieurs demandeurs d'accréditation, les procédures sont généralement abordées à l'instar d'une procédure contradictoire. Chaque partie fait valoir des éléments de preuve et des arguments en faveur de sa position. Selon ce modèle, il n'incombe pas normalement au décideur de procéder d'office à la recherche des éléments de preuve.

Contexte historique de la Loi sur le statut de l'artiste

Plusieurs rapports découlant de groupes de travail ou de conférences, tant sur la scène nationale qu'internationale, se penchant sur les problèmes liés à la reconnaissance des artistes et à leurs conditions de vie et de travail ont amené l'adoption de cette Loi au Canada. En 1980, les délégués à la Conférence générale de l'UNESCO qui a eu lieu à Belgrade ont recommandé l'adoption d'un document intitulé Recommandation relative à la condition de l'artiste laquelle comportait une recommandation voulant que les pays devaient conférer aux artistes le droit de procéder à des négociations collectives. Suite à la signature de cette recommandation par le Canada, plusieurs études ont été réalisées par le gouvernement et les groupes du secteur privé afin de trouver des moyens d'améliorer la situation socio-économique des artistes professionnels au Canada. Les associations représentant plusieurs disciplines artistiques ont fait des représentations aux gouvernements fédéral et provinciaux. Un rapport d'un groupe de travail rédigé par Paul Siren et Gratien Gélinas abordait la situation économique précaire des artistes canadiens et recommandait que ceux-ci aient le droit de procéder à des négociations collectives, comme c'est le cas des individus qui sont dans une relation employeur et employé.

Dans le cadre des ententes reconnues sur une base volontaire, des associations d'artistes telles l'Union des Artistes, l'Alliance of Canadian Cinema, Television and Radio Artists, la Canadian Actors' Equity Association et l'American Federation of Musicians of the United States and Canada ont réussi à négocier des accords-cadres avec certains producteurs établissant des protections fondamentales pour leurs membres pigistes. Toutefois, à défaut d'un fondement législatif concernant ces ententes reconnues sur une base volontaire, les associations d'artistes n'avaient aucune capacité légale pour obliger les producteurs à négocier de bonne foi.

En 1987, le Québec a adopté une loi prévoyant la création de la « Commission de reconnaissance des associations d'artistes »(3) et établissant un régime qui permettait la reconnaissance légale des associations d'artistes. En 1989, un rapport unanime du Comité permanent des communications et de la culture de la Chambre des communes recommandait l'adoption d'une loi fédérale reconnaissant le statut de l'artiste. Ces événements ont mené à l'élaboration et à l'adoption de la Loi sur le statut de l'artiste, laquelle a reçu la sanction royale en juin 1992 et est entrée en vigueur intégralement en mai 1995.

À l'heure actuelle, le Canada est le seul pays au monde à posséder une loi qui confère des droits de négociation collective aux artistes pigistes.

Création du Tribunal canadien des relations professionnelles artistes-producteurs

Au cours de la rédaction du projet de loi sur le statut de l'artiste, il était nécessaire de décider si l'administrateur du nouveau régime serait le Conseil canadien des relations du travail (CCRT), lequel était chargé, à cette époque, de l'administration du Code canadien du travail, ou si l'on établirait un nouvel organisme, et le cas échéant, si celui-ci serait autonome ou subordonné au CCRT. Il a été décidé, pour des raisons bien précises, d'établir un nouveau Tribunal indépendant du CCRT.

La décision a fait l'objet d'une discussion intense lors des audiences du Comité permanent des communications et de la culture au sujet du projet de loi. Lors du dépôt du projet de loi en deuxième lecture, l'honorable Bernard Valcourt a déclaré que « le projet de loi prévoit la création d'un tribunal analogue au Conseil canadien des relations de travail, conçu pour répondre de façon précise aux besoins spécifiques des artistes du Canada ». Durant les audiences, les fonctionnaires des ministères des Communications et du Travail, les artistes et un des producteurs se sont déclarés en faveur à la création d'un tribunal indépendant. On a signalé que le nouveau tribunal traiterait avec des travailleurs autonomes qui offrent leurs services à des producteurs, et cette relation de travail a des caractéristiques différentes de la relation qui existe entre des employés et un employeur. De plus, les relations de travail dans la communauté artistique sont différentes, à certains égards, des relations de travail dans les secteurs industriels de l'économie. Dans le premier cas, les relations de travail ont été décrites comme étant moins antagonistes notamment parce que les artistes et les producteurs sont parfois tous deux directement impliqués dans la création de l'oeuvre et parce que le processus créatif dans le secteur culturel est tel qu'il advient fréquemment que les rôles des artistes et des producteurs soient interchangeables.

Composition du tribunal

Le Tribunal est composé d'un président, d'un vice-président et de deux à quatre autres membres à temps plein ou partiel. Ils sont nommés sur recommandation du ministre du Travail, en consultation avec le ministre du Patrimoine canadien, par le gouverneur en conseil. Actuellement, le Tribunal est composé d'un président, d'un vice-président et de trois autres membres, tous à temps partiel. Depuis la création du Tribunal, ses membres proviennent généralement de la communauté culturelle et certains ont une expérience en matière culturelle à titre de hauts fonctionnaires du gouvernement. Le Tribunal est un organisme gouvernemental fédéral qui rend compte au Parlement par l'entremise du ministre du Travail. Le personnel du Tribunal est peu nombreux, environ dix personnes, sous la direction d'un directeur exécutif. Le Tribunal passe des contrats pour la réalisation de la plupart de ses services de gestion, souvent auprès d'autres ministères fédéraux.

La négociation collective en vertu de la Loi sur le statut de l'artiste

Depuis la première décision rendue en janvier 1996, le Tribunal canadien des relations professionnelles artistes-producteurs a défini vingt secteurs culturels et accrédité des associations d'artistes pour représenter ces secteurs. Dans la plupart des cas, des associations d'artistes autres que l'association demanderesse ont manifesté leur intérêt en intervenant, plus particulièrement en raison des risques de conflits en matière de compétence. Dans la plupart de ces cas, les associations d'artistes elles-mêmes, encouragées par le Tribunal, ont conclu des ententes qui ont déterminé la compétence respective de chaque association avant l'audience. Des auditions orales ont eu lieu dans tous les cas d'accréditation, sauf une. De plus, un scrutin de représentation a eu lieu dans un cas.

Sept associations accréditées avaient déjà négocié des accords-cadres sur une base volontaire avant l'adoption de la Loi sur le statut de l'artiste, et elles ont négocié le renouvellement de certains de ces accords. De plus, trois associations ont négocié un premier accord-cadre, tous avec des producteurs dans le secteur de la radiodiffusion.

Comme c'est le cas sous d'autres juridictions, la négociation d'un premier accord-cadre prend du temps. Des avis de négociation ont été transmis par huit associations d'artistes dans le but de négocier un premier accord-cadre avec divers producteurs, y compris les services de télévision spécialisés et les institutions gouvernementales fédérales.

Répercussions de la Loi sur le statut de l'artiste (régime de négociation collective)

Les relations de travail et les négociations collectives mettant en cause des travailleurs autonomes sont différentes des relations de travail traditionnelles en raison de la nature du travail lui-même. Dans le cas du régime prévu à la Loi sur le statut de l'artiste, chaque fois qu'un artiste est engagé par un nouveau producteur, un nouveau contrat est négocié entre les deux parties. De plus, non seulement les artistes peuvent travailler pour plusieurs producteurs, mais ils peuvent également effectuer différents types de travail, et donc appartenir à plus d'une association d'artistes. Par exemple, un musicien peut également être un auteur et un interprète et appartenir à deux ou trois associations différentes.

Bien que les accords-cadres abordent certaines questions traitées dans les conventions collectives conclues entre les employés et les employeurs, notamment le nombre d'heures de travail en ce qui a trait aux acteurs, d'autres sujets abordés sont très différents. Par exemple, une question importante pour les artistes engagés par les radiodiffuseurs est la rémunération qu'ils recevront pour les ventes futures des programmes de télévision et de radio auxquels ils participent à titre d'écrivains, de musiciens ou d'acteurs.

La Loi sur le statut de l'artiste a été adoptée en vue de reconnaître les artistes et de leur donner les moyens d'améliorer leur situation économique. Dès que le Tribunal est entré en opération, plusieurs associations d'artistes ont déposé des demandes d'accréditation. La Loi prévoit que le Tribunal « fonctionne sans formalisme et avec célérité ». Pour respecter cette exigence, le Tribunal a adopté des procédures peu complexes et susceptibles d'être utilisées par les non juristes. Les demandes sont traitées dans les meilleurs délais et les accréditations sont délivrées en moyenne huit mois après la réception de la demande. Jusqu'à maintenant, on estime qu'entre 50 et 75 pour cent des personnes visées par la Loi sont représentées par des associations d'artistes accréditées.

Comme il ressort du Rapport ministériel sur le rendement pour l'année 1997-1998(4), le Tribunal commencera à utiliser les sondages et d'autres moyens pour recueillir des informations auprès des associations d'artistes et de producteurs sur la question de savoir dans quelle mesure celles-ci sont satisfaites du régime de négociation collective et de l'administration du Tribunal. Aux termes de la Loi, le ministre du Patrimoine canadien doit procéder à une évaluation formelle des dispositions concernant les relations professionnelles la septième année de l'entrée en vigueur de celle-ci.

En plus de l'obligation légale de procéder à une évaluation de l'efficacité du régime des relations professionnelles, on constate un intérêt croissant de la part des stratèges, des universitaires et autres à l'égard du fonctionnement de ce régime particulier. Le nombre de travailleurs autonomes a augmenté rapidement, surtout au cours des années 1990, alors qu'ils représentaient les trois quarts du nombre total de nouveaux emplois. Pour bon nombre de ces travailleurs, il y a eu une détérioration de la sécurité d'emploi, des conditions d'emploi et de la stabilité financière. Dans son rapport de 1996 au ministre du Travail, le Comité consultatif sur les changements dans les lieux de travail a recommandé d'appliquer d'autres modèles, notamment le régime applicable aux artistes, à ceux qui sont à la recherche de nouveaux modes de représentation des travailleurs dans une économie en pleine évolution. En 1998, le ministre du Travail de l'époque, l'honorable Lawrence MacAulay, a signalé ce régime de relations de travail dans son allocution prononcé devant la Conférence interaméricaine des ministres responsables du Travail. En abordant la nécessité d'adopter de nouvelles approches en réponse à la globalisation et aux changements dans les lieux de travail, il a signalé que la Loi sur le statut de l'artiste propose un modèle innovateur qui peut être appliqué aux travailleurs autonomes.



  1. Loi sur le Statut professionnel et les conditions d'engagement des artistes de la scène, du disque et du cinéma (L.R.Q. c.S-32.1)

  2. La Loi prévoit que des catégories additionnelles d'artistes professionnels peuvent être établies par règlement.

  3. La Commission de reconnaissance des associations d'artistes et des associations de producteurs (comme elle est désormais appelée) est l'organisme chargé de l'administration de la loi québécoise sur le statut de l'artiste.

  4. À l'instar de tous les ministères et organismes, le Tribunal doit déposer chaque année un Rapport sur la performance du Ministère. Le Rapport est disponible sur le site Web du Tribunal ou on peut en obtenir un exemplaire en communiquant avec le Tribunal.


Création : 2005-10-24
Révision : 2005-12-01
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