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Les liens en Amérique du Nord : Occasions et défis pour le Canada (Volume 11, 2003)
Directeur général de la publication : Richard G. Harris

On peut acheter les documents de recherche en s'adressant aux presses de l'Université de Calgary. N'hésitez pas à nous faire part de vos commentaires à l'adresse suivante : mepa.apme@ic.gc.ca.

Introduction

Dans les années 90, les liens économiques entre les trois économies de l'Amérique du Nord se sont resserrés de façon spectaculaire, ce qui a créé des débouchés et des défis. Les échanges commerciaux entre le Canada et les États-Unis ont augmenté à un rythme bien plus élevé qu'on ne l'avait prévu au moment de la signature des accords de libre-échange. Le Mexique joue aussi un rôle économique de plus en plus important sur l'échiquier commercial nord-américain. Qui plus est, de par la mondialisation, les économies des trois partenaires nord-américains sont intégrées à l'économie mondiale. La portée et la cadence de ces développements soulèvent de nombreuses questions à propos de l'avenir de l'Amérique du Nord et de la place que le Canada y occupe.

La présente collection d'études porte sur les débouchés, les pressions et les défis associés à un resserrement des liens économiques nord-américains, et ce, avant tout, dans une perspective canadienne. Les dix-sept études du présent volume sont regroupées en trois catégories

Points saillants du volume

Partie 1 : Mesurer l'intégration : commerce et investissement

L'intégration accrue des échanges commerciaux entre le Canada et les États-Unis après l'entrée en vigueur de l'Accord de libre-échange (ALE) n'est plus à démontrer, mais fait l'objet de plusieurs études. L'étude réalisée par Acharya, Sharma et Rao donne un aperçu de plusieurs tendances importantes au cours des années 90. Les auteurs font remarquer que l'augmentation du commerce est surtout d'ordre intra-entreprise, un peu comme l'avaient prévu les théoriciens dans les années 80. Une bonne partie des flux commerciaux entre le Canada et les États-Unis sont des échanges intra-entreprises; toutefois, l'ALE n'a pas fait croître le commerce intra-entreprise. En général, les auteurs constatent que l'avantage comparatif du Canada se trouve toujours dans les secteurs à forte intensité de produits de base, même si certains secteurs manufacturiers non liés aux ressources, tels que la machinerie et les automobiles, ont connu des gains importants. Ils tentent de circonscrire la source de l'augmentation du volume commercial et constatent que la vive croissance de l'économie américaine et la dépréciation du dollar canadien sont des facteurs importants. L'ALE et l'Accord de libre-échange nord-américain (ALENA) ont joué un rôle beaucoup moins important dans la croissance du commerce entre le Canada et les États-Unis. Selon les auteurs, il semble aussi que la croissance du commerce favorise l'augmentation de la productivité au Canada.

La deuxième étude, réalisée par Schembri et Vesselovsky, et la troisième, par Sawchuk et Sydor, parlent du rôle que joue le Mexique dans l'évolution du commerce au sein de l'ALENA. Selon la théorie Hecksher-Ohlin, dans le commerce entre les partenaires de l'ALENA, le Mexique, fort d'une abondante main-d'oeuvre non qualifiée, devrait exporter des biens à forte intensité de main-d'oeuvre non qualifiée vers le Canada et les États-Unis, pays dont les forces résident dans le capital et la main-d'oeuvre qualifiée. Les données ne font aucun doute là-dessus. Toutefois, Schembri et Vesselovsky constatent aussi l'importance que revêtent les effets de la productivité. Comme dans le modèle ricardien, ils considèrent la productivité comme un facteur extérieur. Comme on peut s'en douter, l'augmentation du commerce pour le Mexique est attribuable à une forte interaction bilatérale entre son processus de libéralisation du commerce et une augmentation de sa productivité. Dans un cas comme dans l'autre, le Mexique gagne d'importantes parts du marché tant au Canada qu'aux États-Unis.

Sawchuk et Sydor constatent que la part du marché américain que détient le Canada rétrécit au profit du Mexique. On pourrait donc percevoir le Mexique comme un concurrent sérieux pour le Canada. Toutefois, le Mexique offre au Canada de nombreux débouchés en matière d'exportation et d'investissement. En général, on s'attendrait à ce que les activités manufacturières à forte intensité de main-d'oeuvre déménagent dans des centres mexicains lorsque la situation s'y prête. Vu que les barrières au commerce en place avant l'entrée en vigueur de l'ALENA étaient bien plus contraignantes au Mexique qu'au Canada ou aux États-Unis, le gros du processus d'ajustement commercial s'est produit au Mexique. Il fallait s'attendre à l'augmentation des exportations mexicaines (et des importations), étant donné l'origine du processus, et comprendre que cette augmentation est profitable non seulement au Mexique, mais aussi au Canada et aux États-Unis.

Dans la quatrième étude, Head et Ries étudient les données recueillies après l'entrée en vigueur de l'ALE pour voir si elles soutiennent des théories particulières de commerce international. Leur analyse laisse entendre que, contrairement aux conclusions d'Acharya, de Sharma et de Rao, l'ALE est un facteur important dans l'explication de l'augmentation des volumes commerciaux. Une grande partie des « nouvelles » théories du commerce international prévoient un « effet de marché intérieur » éventuel, c'est-à-dire que la libéralisation du commerce entre deux pays, l'un grand et l'autre petit, nuit aux exportations de biens différenciés produits dans des conditions caractérisées par l'augmentation des rendements d'échelle du petit pays. Selon ces théories, dans le cas du Canada et des États-Unis, le Canada aurait été évincé de marchés manufacturiers n'ayant pas une forte intensité en ressources. Dans certains cas, ces théories laissent même entendre que cet effet peut réduire le bien-être du petit pays. On dit qu'il y a « effet de marché intérieur inversé » lorsque l'accès au marché dont jouit le petit pays permet d'accroître les extrants et les exportations de biens différenciés qu'il produit. Head et Ries démontrent, qu'à vrai dire, c'est l'effet de marché intérieur inversé qui caractérise les échanges entre le Canada et les États-Unis. Ils concluent que les effets de l'ALE sur le bien-être des Canadiens ont, en général, été favorables.

Dans une optique plus large, les effets éventuels d'agglomération sur l'emplacement de l'activité économique est l'une des questions de recherche les plus difficiles qui se posent. À l'instar de l'effet de marché intérieur, les effets d'une forte agglomération pourraient nuire aux entreprises qui choisissent de s'établir au Canada. Dans la cinquième étude, l'une des premières à se pencher en détail sur les liens régionaux et les liens urbains entre le Canada et les États-Unis, Pierre-Paul Proulx explique l'émergence de réseaux régionaux caractérisés par des liens entre les régions urbaines canadiennes et leurs voisins au Sud, grâce à une analyse des grappes industrielles à la Porter. Selon Proulx, les avantages de l'agglomération se situent au niveau du réseau regroupé. Par conséquent, les emplacements canadiens ne souffrent d'aucun désavantage particulier et, comme dans l'étude de Head et Ries, l'intégration en des grappes américaines correspondantes confère un important avantage aux emplacements canadiens. Les deux documents laissent fortement entendre que, tout compte fait, l'intégration du commerce a profité aux producteurs situés au Canada.

L'un des grands débats qui faisaient rage aux États-Unis dans les années 90 portait sur la question à savoir si l'augmentation du commerce a contribué aux inégalités croissantes entre les salaires des travailleurs hautement qualifiés et ceux peu qualifiés. Bien que cette tendance n'ait pas été aussi marquée au Canada, on pourrait tout de même se poser cette même question élémentaire pour le Canada. Dans la sixième étude, Beaudry et Green ont abordé cette question dans une optique nouvelle : ils ne se concentrent pas sur l'effet direct du commerce sur les salaires, mais sur l'effet indirect éventuel lié à la formation de capital. À l'aide d'une nouvelle théorie selon laquelle le capital est réparti entre un secteur moderne et un secteur traditionnel, ils démontrent que, dans les pays jouissant de niveaux d'investissement plus élevés par travailleur, l'écart salarial était moins important. Ils se servent de cette théorie pour expliquer les différences entre les tendances en matière d'inégalité des salaires au Canada, aux États-Unis, au Royaume-Uni et en Allemagne. Ce qui surprend, c'est que leur analyse laisse entendre que les flux de capital physique entre frontières auraient pu et pourraient avoir à l'avenir des effets plus importants sur l'inégalité des revenus que les flux commerciaux. En particulier, les auteurs soutiennent qu'une intégration économique plus étroite avec les États-Unis, pays qui est habituellement un importateur net de capital vu son faible taux d'épargne, pourrait réduire l'investissement au Canada et entraîner une plus grande inégalité salariale. En général, il y a lieu d'entreprendre davantage de recherches sur les liens entre la répartition des revenus et l'intégration économique.

Les flux d'investissements étrangers directs (IED), à l'échelle mondiale, ont augmenté à un rythme qui dépasse même la croissance du commerce. Les données pour l'Amérique du Nord démontrent une tendance semblable, même si on n'en connaît pas bien la cause. Dans la septième et dernière étude de cette partie, Globerman et Shapiro se penchent sur la question de la baisse de la part du Canada d'IED investi en Amérique du Nord, les États-Unis étant le premier destinataire pour la plupart des entreprises. Fait inquiétant pour le Canada, ce fait nouveau peut indiquer que les entreprises mondiales préfèrent de grands marchés, ce qui rendrait le Canada moins attrayant dans la course aux investissements nord-américains. Dans leur analyse des données, les auteurs font remarquer que cette « situation » est attribuable à une augmentation soudaine des acquisitions d'entreprises américaines par le Royaume-Uni et les pays de l'Europe de l'Ouest pendant l'essor économique de la fin des années 90 aux États-Unis, plutôt qu'à une tendance fondamentale systémique.

Partie 2 : Les pays de l'ALENA comme marché commun

Les quatre études de la partie 2 de ce document portent sur ce qu'on appelle souvent des questions liées au marché commun. Il s'agit d'un ensemble d'ententes officielles entre gouvernements qui permettraient aux pays de l'ALENA de passer d'une simple zone de libre-échange à une forme plus profonde d'intégration. Les trois caractéristiques importantes d'un marché commun, notamment celui de l'Union européenne, qui vont au-delà du libre-échange, sont : (1) la mobilité de la main-d'oeuvre, (2) une politique commerciale et douanière externe commune, et (3) l'intégration monétaire ou une monnaie commune.

La mobilité de la main-d'oeuvre en Amérique du Nord est relativement limitée. Les gouvernements continuent de se servir de mesures de contrôle de la migration comme outil de politique nationale. Comme le font remarquer Harris et Schmitt dans la première étude de la partie 2, les niveaux de migration actuels entre le Canada et les États-Unis sont très faibles comparativement à d'autres périodes de l'histoire. Il existe une certaine mobilité de la main-d'oeuvre au sein des pays de l'ALENA, qui touche certains types de professionnels en vertu du programme de visas de l'ALENA. Le flux unidirectionnel présumé de professionnels de haute technologie, du Canada vers les Etats-Unis, a sonné l'alarme quant à la possibilité d'un exode des cerveaux à grande échelle. La question qui se pose est donc la suivante : que se passerait-il si les dispositions sur la mobilité de la main-d'oeuvre étaient élargies pour qu'elles s'appliquent à la plupart des professions? Le Canada verrait-il ses habitants talentueux aller s'établir dans les grands centres urbains américains? Selon Harris et Schmitt, les faits historiques ne sont pas concluants. Les avantages en matière de bien-être découlant d'une mobilité accrue de la main-d'oeuvre pourraient bien se manifester sous forme d'augmentation des salaires des travailleurs qualifiés dans le plus petit des deux pays, en l'occurrence le Canada, sans exode massif du Canada. D'autre part, si le Mexique était compris dans cette entente, il est fort à parier que la migration vers le nord de travailleurs non qualifiés du Mexique vers les États-Unis et le Canada ferait chuter les salaires des travailleurs non qualifiés au Canada. En théorie, on pourrait faire valoir que la plupart des gains en matière de bien-être tirés de l'intégration pourraient se faire par la libéralisation du commerce au lieu de la libéralisation des flux de facteurs. Les données concrètes à cet égard sont toutefois très rares; il faut donc réaliser d'autres recherches.

Brown, Deardorff et Stern utilisent le modèle du commerce mondial du Michigan pour évaluer diverses hypothèses relatives à l'élargissement de l'ALENA ainsi que la poursuite de la libéralisation des échanges multilatéraux (surtout l'agriculture dans le cadre de l'Organisation mondiale du commerce - OMC). L'effet de diversion des échanges commerciaux, présent dans pratiquement toutes les ententes régionales, est l'un des principaux thèmes de leur analyse. L'évolution vers un libre-échange mondial est habituellement la meilleure politique commerciale. Toutefois, le régionalisme en matière de politique commerciale s'est probablement établi pour de bon. L'un des résultats les plus intéressants de cette étude, c'est qu'une union douanière entre les pays de l'ALENA aurait un effet très limité. Comme on le voit souvent dans ce genre de modèles, les gains d'efficacité sont annulés par la détérioration des termes de l'échange. Si le Canada et le Mexique connaissent, en moyenne, des réductions tarifaires par rapport à des pays tiers en vertu d'un tarif d'ALENA externe commun, le modèle du Michigan prévoit une diminution du bien-être dans les deux pays, malgré certains gains d'efficacité découlant d'un tarif externe commun.

Au Canada et, dans une certaine mesure, au Mexique, on a beaucoup discuté de la possibilité d'adopter une monnaie commune ou une forme quelconque d'intégration monétaire nord-américaine. L'étude suivante, réalisée par Arndt, porte sur les avantages et les inconvénients de cette question complexe et sur les données disponibles. L'analyse classique de la région monétaire optimale de Mundell compare les avantages d'une politique monétaire indépendante et les coûts liés à l'instabilité du taux de change et à la multiplicité des devises. Selon Arndt, plusieurs études soulignent que l'économie canadienne est fortement axée sur les produits de base, et il fait valoir (du moins d'un point de vue qualitatif) qu'il existe toujours des avantages importants à la libre fluctuation du dollar canadien. Toutefois, une intégration commerciale intensive des deux pays fait inexorablement pencher la balance, accroissant ainsi les avantages qui pourraient découler d'une monnaie commune. Dans le cas du Mexique, l'adoption d'une monnaie nord-américaine commune aurait l'avantage supplémentaire d'assurer une importante stabilité financière, y compris un risque plus faible d'événements tels que la crise du peso au début des années 90. En conclusion, il note que les États-Unis, qui hésitent à envisager une telle entente, constituent le principal obstacle à une union monétaire.

Dans la quatrième et dernière étude de la partie 2, Hart fait fortement valoir qu'il est dans l'intérêt du Canada de militer en faveur d'une intégration accrue au lieu de maintenir le statu quo. Bien qu'il se garde de recommander l'adoption d'un marché commun, il fait valoir qu'une importante initiative bilatérale (Canada-États-Unis) est nécessaire pour régler un certain nombre de questions en suspens, y compris l'imposition de droits compensateurs et les subventions, et les questions touchant les restrictions et la sécurité aux frontières.

Partie 3 : Convergence ou divergence des politiques?

Les six études de la partie 3 portent sur un certain nombre d'enjeux de politiques intérieures. Elles illustrent toutes la tension considérable qui règne au Canada entre, d'un côté, les pressions exercées en faveur de la convergence des politiques avec les États-Unis et, de l'autre, les avantages d'une autonomie en matière d'élaboration de ces politiques et, donc, de la divergence. Les deux premières études (Collins et Davies, et Dahlby) portent sur la fiscalité.

Collins et Davies offrent d'importantes nouvelles estimations du taux d'imposition marginal réel sur le capital humain au Canada et aux États-Unis. Ils ont constaté que les taux d'imposition marginaux effectifs sont plus élevés au Canada, relativement au capital humain, qu'aux États-Unis quant à la plupart des niveaux de revenus. Ils ont constaté que les taux d'imposition marginaux effectifs sur le revenu du capital humain au Canada et aux États-Unis se situaient à 15,9 et à 8,5 pour cent, respectivement. Vu que l'enseignement supérieur est davantage subventionné au Canada, ils indiquent que cela représente un puissant incitatif pour les personnes qui font leurs études au Canada d'aller s'établir aux États-Unis après l'obtention de leur diplôme.

Dahlby s'attaque à une question en particulier : la concurrence internationale pour le capital mobile crée-t-elle un nivellement vers le bas en matière d'imposition des entreprises? Il fait valoir qu'à la fin des années 80 et au début des années 90, on a relevé des preuves démontrant que les taux d'imposition baissaient à la suite d'une réduction des impôts aux États-Unis et au Royaume-Uni. Il note qu'il existe toujours d'importantes divergences entre les pays en matière de taux d'imposition effectifs sur l'entrée et la sortie d'IED. En ce qui a trait à l'Amérique du Nord, il soutient que l'intégration exercera, en bout de ligne, plus de pression sur le Canada pour que le pays harmonise ses règles en matière de répartition des revenus d'entreprise avec celles des autres pays de l'ALENA.

Dans la troisième étude, Boychuk et Banting posent des questions semblables relativement aux programmes de maintien du revenu au Canada et aux États-Unis. Ce qui est important, c'est que les auteurs soutiennent qu'une analyse en bonne et due forme doit tenir compte de la variation nationale et infranationale pour atteindre des conclusions valides. En étudiant une gamme de programmes, ils découvrent une certaine convergence dans les domaines de l'assurance-chômage et des prestations familiales, mais découvrent peu de faits démontrant une convergence dans les politiques sociales. Dans la mesure où la convergence est importante, elle semble se manifester dans des domaines relevant du gouvernement fédéral plutôt que des gouvernements provinciaux, ce qui est contraire à ce que l'on pourrait penser, soit que plus le gouvernement est petit, plus il tend à harmoniser.

On constate une absence de convergence semblable relativement aux politiques environnementales, comme le fait remarquer Olewiler dans son étude. Elle ne trouve rien qui puisse démontrer un nivellement vers le bas en matière de normes environnementales et, dans la mesure où il y a convergence, c'est au niveau des normes environnementales les plus contraignantes en vertu de l'ALENA. Fait intéressant, elle fait valoir que le Canada, qui a connu une importante décentralisation en matière de politiques environnementales en faveur du palier provincial, a en fait créé une préférence pour le statu quo, de sorte que les politiques visant à établir des normes canadiennes tirent de l'arrière par rapport à celles des États-Unis.

Les politiques visant la concurrence constituent l'un des domaines où l'évolution de l'intégration économique varie beaucoup. L'intégration européenne a commencé par une orientation vers l'adoption d'une politique commune en matière de concurrence avant même l'adoption de mesures touchant le commerce et la monnaie. Par contre, l'ALENA ne compte pratiquement aucun mécanisme prévoyant l'adoption de politiques communes en matière de concurrence. L'une des conséquences malheureuses de cette absence, c'est que les problèmes de dumping et de subventions restent sans solution la plupart du temps et sont source de tensions considérables entre les pays signataires de l'ALENA. Du point de vue économique, il serait préférable de remplacer ceci par une règle commune sur l'établissement des prix de maraudage au sein de politiques de concurrence communes. Néanmoins, les États-Unis considèrent toujours la concurrence ou la politique antitrust comme un instrument intérieur; or, dans le cas de fusions d'entreprises transfrontalières, cela entraîne un nouvel ensemble de conflits entre gouvernements. D'ailleurs, on compte un certain nombre de différends entre les États-Unis et l'Union européenne à propos de l'application extraterritoriale des règles antitrust de chacun.

Dans la cinquième étude, Ware et Musgrave examinent la théorie et les données portant sur ces questions et font remarquer que de petites économies ouvertes, comme celle du Canada, doivent composer avec certains problèmes particulièrement épineux. Les coûts très élevés que suscitent les examens des fusions et la possibilité de retards coûteux attribuables à la concurrence entre gouvernements, en raison de l'application extraterritoriale de la loi sur la concurrence intérieure, ont engendré le besoin de créer des agences de concurrence mondiales. L'Organisation de coopération et de développement économiques et l'Organisation mondiale du commerce ont toutes deux mis sur pied des projets d'agences de compétition mondiale. À l'échelle de l'Amérique du Nord, toutefois, on ne compte aucun projet de la sorte. En réalité, le Canada est donc aux prises avec une administration américaine qui déploie beaucoup plus d'efforts à défendre ses propres intérêts au moyen d'une application extraterritoriale de ses lois. Comment le Canada devrait-il réagir? Ware et Musgrave soutiennent que les autorités canadiennes en matière de concurrence ont encore une bonne marge de manoeuvre. Ils soutiennent aussi que le maintien de la concurrence intérieure devrait continuer de figurer parmi les objectifs importants en matière de politiques, malgré des niveaux d'intégration plus élevés.

Toute discussion sur l'intégration ne saurait être complète sans la présentation d'au moins un texte portant sur l'Internet, que de nombreuses personnes considèrent comme l'une des principales forces responsables, au niveau technologique, de la mondialisation. Dans la dernière étude, Mann soulève, pour nous, les questions difficiles que pourrait entraîner une réglementation multinationale du cyberespace. Elle pose les questions suivantes : l'Internet devrait-il être réglementé; si oui, comment devrait-on s'y prendre et qui devrait s'en charger? Une technologie mondiale doit-elle forcément passer par un organisme de réglementation mondial? Elle se limite à deux questions, soit la fiscalité et la protection des renseignements personnels. Le commerce électronique sur l'Internet crée des problèmes fiscaux éventuels, tant pour les impôts directs qu'indirects. Étant donné que l'emplacement n'est pas synonyme de création de valeur, la définition naturelle de résidence pour les besoins de l'impôt devient problématique. L'Internet constitue un défi encore plus grand pour les systèmes actuels d'impôt indirect, lesquels sont très différents d'une région et d'un produit à l'autre. Elle soutient qu'il y a prétexte naturel à une entente trilatérale en vertu de l'ALENA couvrant l'imposition sur l'Internet, avec des règles de répartition s'inspirant de la procédure actuelle des règles d'origine.

Il y a beaucoup de pression pour réglementer la cueillette et la diffusion d'information personnelle sur l'Internet. Mann fait remarquer que, dans cette ère technologique en évolution rapide, il existe des incitatifs à la protection de la vie privée, mais qu'il est important de préserver les incitatifs à l'innovation. Le Canada a tendance à miser sur une approche législative qui donne plus de poids aux droits à la vie privée que celle aux États-Unis, pays qui jusqu'ici a misé plutôt sur l'auto-réglementation de l'Internet, dans l'espoir de conserver les incitatifs commerciaux à l'innovation. Mann fait valoir que ces différentes approches peuvent être conservées dans le cadre d'une approche générale à la protection des données, définie par l'ALENA. Elle conclut en affirmant qu'une approche à l'administration de l'Internet axée sur l'ALENA, au sein de la zone de l'ALENA, est la seule solution de rechange pratique. Par contre, elle soutient qu'un régime administratif mondial pour l'Internet n'est ni souhaitable, ni réaliste.

Conclusion

En Amérique du Nord, les liens économiques entre les trois pays de l'ALENA se sont considérablement accrus dans les années 90 et par la suite. Tout compte fait, l'accroissement de l'intégration économique de l'Amérique du Nord a profité au Canada. Contrairement à ce que craignaient les opposants au libre-échange, la libéralisation du commerce et de l'investissement, dans le cadre de l'ALE-ALENA, ne s'est pas traduite par une harmonisation des politiques nationales dans une foule de domaines.

En raison des préoccupations relatives à la sécurité suscitées par les événements du 11 septembre 2001, la circulation des biens et des personnes à la frontière est plus difficile et plus coûteuse, et le Canada doit trouver des solutions à des problèmes nouveaux s'il veut accroître son accès à l'énorme marché lucratif des États-Unis et diminuer les coûts relatifs à la frontière. La suppression des règles d'origine, l'établissement de tarifs douaniers externes communs et la reconnaissance mutuelle des pratiques et procédures de réglementation du Canada et des États-Unis pourraient être utiles.

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Création : 2003-12-19
Révision : 2004-03-03
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