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Étude de cas d'Al-Pac
PARTIE III - Obstacles et options d’ordre fiscal

Daniel Farr, Biota Research
Steve Kennett, Institut canadien du droit des ressources
Monique M. Ross, Institut canadien du droit des ressources
Brad Stelfox, Forem Technologies
Marian Weber, Alberta Research Council

Cette étude de cas a été commandée comme recherche de base pour La Conservation du capital naturel du Canada: Le programme de la forêt boréale. Les opinions exprimées dans l’étude de cas sont celles des auteurs et ne représentent pas nécessairement celles de la Table ronde nationale, de ses membres ou des membres du Groupe de travail du programme.

Le 16 juillet 2004

3. OBSTACLES D’ORDRE FISCAL

Dans cette section, nous analysons les obstacles d’ordre fiscal et les incitatifs abusifs qui aboutissent à un échec dans la gestion du capital naturel de la ZGF d’Al Pac. Ces obstacles sont parfois causés par les politiques fédérales ou provinciales, ou par l’absence de prix adéquats pour les ressources environnementales, comme nous l’avons expliqué ci-dessus. Nous allons commencer par une analyse des obstacles généraux, y compris du modèle de planification des activités de l’Alberta, ainsi que des régimes fonciers et des régimes d’aliénation des terres publiques. Nous passerons ensuite à une analyse des obstacles propres à chaque secteur, à savoir la foresterie, et l’industrie pétrolière et gazière.

3.1 Modèle de planification des activités de l’Alberta

Le modèle de planification des activités du gouvernement de l’Alberta se compose de la vision de l’Alberta, un plan stratégique échelonné sur 20 ans, de stratégies à moyen terme qui comportent des initiatives interministérielles, et d’un plan d’activités triennal. Le plan d’activités du gouvernement comporte 12 objectifs et une série de mesures et de cibles de rendement qui se rattachent à chaque objectif. Quant au plan d’activités, il définit des domaines de possibilités au cours des 20 prochaines années en matière de capital naturel. Ces domaines sont énoncés ci-dessous :

  • velopper et utiliser les ressources énergétiques et naturelles à bon escient, et tirer parti de nouvelles technologies pour maximiser les avantages de toutes les ressources;
  • mettre en œuvre une stratégie à long terme pour l’eau et mettre au point une politique efficace d’aménagement du territoire qui garantisse le meilleur usage possible de ces ressources de base, tout en reconnaissant les obligations de gérer ce capital avec respect pour les générations futures;
  • assurer des marchés d’exportation fiables, et prévoir une union douanière éventuelle avec les États-Unis;
  • miser sur les pierres angulaires économiques de l’Alberta, telles que le pétrole et le gaz, l’agriculture, la foresterie et le tourisme;
  • collaborer avec les autorités municipales pour soutenir des collectivités fortes, viables, et offrant toute la sécurité voulue.

Le plan d’activités traite également de l’importance d’un environnement naturel sain, et énonce qu’il accordera priorité à l’environnement naturel de l’Alberta en mettant en place un cadre pour maintenir les aires naturelles existantes, ainsi que les stratégies à court et à long terme qui assureront une perspective durable et savamment dosée de la croissance et du développement industriel des ressources (gouvernement de l’Alberta, 2004).

Le plan d’activités de chaque ministère est publié tous les ans et porte sur une période de trois ans. Les quatre ministères qui ont des incidences sur le capital naturel dans la ZGF d’Al Pac comprennent le ministère de l’Énergie (DOE), le ministère du Développement durable des ressources (SRD), Environnement Manitoba (AE) et Agriculture, Alimentation et Développement rural Manitoba (AAFRD). Nous n’analyserons le rôle que du DOE, du SRD et de l’AE dans cette section, même si de nombreux obstacles ici définis s’appliquent également à l’AAFRD.

L’inconvénient premier du modèle d’activités du gouvernement est qu’il reflète les mandats propres à chaque secteur de chacun de ces ministères.

Le secteur énergétique a des répercussions importantes sur les terres publiques et sur la capacité de protéger le capital naturel dans ces terres. Toutefois, les objectifs du DOE reflètent son mandat propre à chaque secteur. Il s’agit entre autres d’optimiser la part des revenus des ressources des Albertains et les bénéfices de l’exploitation de leurs ressources énergétiques et minières à long terme. Ces objectifs consistent également à assurer l’approvisionnement énergétique futur et les avantages pour les Albertains sur un marché énergétique mondial concurrentiel et en pleine croissance. Les principales stratégies du plan d’activités du DOE pour réaliser ces objectifs consistent notamment à collaborer avec d’autres ministères pour développer les ressources naturelles de l’Alberta de manière durable, intégrée et écologique par la voie de la stratégie de l’eau et de la gestion intégrée des ressources dans le chaînon frontal et dans le Sud de l’Alberta. D’autres stratégies ont trait à l’expansion des réserves de gaz naturel en encourageant l’exploration dans des régions qui n’ont pas encore fait l’objet d’une évaluation suffisante (ministère de l’Énergie de l’Alberta, 2004). L’Alberta Energy and Utilities Board (AEUB), chargé de la réglementation du secteur énergétique, relève également de la compétence du DOE. Ces objectifs consistent entre autres à résoudre avec diligence et de façon appropriée les conflits entre l’industrie, le public et les propriétaires fonciers par la voie de l’examen et de la simplification des règlements actuels. Cet objectif est appuyé par le cadre réglementaire du développement des ressources et de l’environnement du gouvernement (Environment and Resource Development Regulatory Framework), qui a pour but d’améliorer l’efficacité du régime réglementaire du développement des ressources selon les principes d’une seule demande, une seule approbation, un seul organisme de réglementation, un seul appel, et une responsabilisation claire et transparente.

Les objectifs du ministère de l’Environnement de l’Alberta ont trait au maintien de la qualité de l’air, de l’eau et des ressources foncières. Quoique les objectifs de ce Ministère soient liés au maintien de la qualité des ressources foncières de l’Alberta, ses indicateurs de rendement n’ont pas trait à l’exploitation du territoire proprement dite ni à la conservation du capital naturel sur le territoire. Ce Ministère est également celui qui est le principal responsable de la gestion intégrée des ressources dans la province, qui concerne de nombreux ministères. Dans le cadre de sa stratégie d’IRM, le ministère de l’Environnement de l’Alberta a créé plusieurs stratégies régionales, qui s’inscrivent dans le Commitment to Sustainable Resource and Environmental Management de l’Alberta (ministère de l’Environnement de l’Alberta, 1999). Ces stratégies régionales ont pour but de définir une orientation et des priorités stratégiques régionales adaptées aux objectifs de chaque région dans le cadre d’un programme provincial cohérent. Ces stratégies régionales se veulent un processus selon lequel les intervenants peuvent commencer à comprendre les compromis entre divers types d’options de développement. Ces stratégies comportent une difficulté qui a été exprimée par les intervenants : les régions n’ont aucun pouvoir de concrétiser leur vision, et les intervenants demeurent donc liées au régime d’affectation existant et aux plans d’activités du gouvernement provincial. Une partie du problème est que le gouvernement fait face à un dilemme lorsqu’il s’agit de décider quels sont les éléments du cadre réglementaire d’aménagement du territoire qui peut être traité à l’échelon local ou à l’échelon provincial. Il y a un compromis entre la spécificité du lieu et l’uniformité requise pour simplifier la réglementation dans l’ensemble de la province. En outre, les décisions prises à l’échelon régional ont des répercussions sur l’ensemble de la population provinciale quant à la perte de possibilités de revenus ou de capital naturel. Pour que les stratégies régionales s’avèrent fructueuses, il faut mettre en place des mécanismes qui faciliteront la décision des compromis à faire à l’échelon local plutôt que provincial.

Le ministère du Développement durable des ressources est chargé de la gestion des terres publiques dans la région forestière de l’Alberta, et il est également doté d’un mandat d’intégrer les valeurs publiques et privées pour garantir que l’aménagement du territoire comporte des avantages multiples. Les principaux objectifs énoncés dans le plan d’activités de ce Ministère consistent entre autres à garantir que les valeurs que les Albertains reçoivent des terres publiques soient maintenues et améliorées pour les générations futures; que les valeurs que les Albertains reçoivent des espèces fauniques soient maintenues et améliorées pour les générations futures; et que les avantages à long terme (sur le plan environnemental, social et économique) que les Albertains reçoivent des terres publiques grâce à une gestion efficace et efficiente de l’aliénation soient optimisés. Les stratégies de ce Ministère pour atteindre ces objectifs consistent entre autres à un aménagement intégré du territoire, ainsi qu’à une collaboration avec les collectivités et l’industrie pour offrir des occasions justes et raisonnables de participation dans les débouchés économiques que comporte l’exploitation des ressources dans les terres publiques. Le mandat plus général de ce Ministère se traduit dans ses indicateurs de rendement, qui concernent la santé et la viabilité des populations fauniques, les avantages que procurent les espèces sauvages et l’intégrité du paysage (ministère du Développement durable des ressources de l’Alberta, 2004).

Le modèle de planification des activités de l’Alberta pose deux problèmes principaux en ce qui concerne la conservation du capital naturel. Premièrement, les mandats étroits et souvent propres à un secteur de chaque ministère causent des problèmes de compétence entre les ministères. Ils rendent également difficile la coordination des activités pour gérer les impacts cumulatifs des activités multiples sur le capital naturel. Par exemple, l’activité de base du DOE consiste à accroître la production et la productivité des ressources énergétiques dans la province, surtout dans de nouvelles régions qui ont fait l’objet de peu d’exploration jusqu’à présent. Compte tenu du degré d’activités dans la ZGF d’Al-Pac, les objectifs du DOE créent des contraintes pour le maintien du capital naturel. En bref, chaque ministère est axé sur la conception de politiques pour maximiser la productivité de l’ensemble des ressources qui relèvent de leur mandat, plutôt que sur la conception de politiques qui permettraient de maximiser la valeur totale du territoire pour toutes les ressources. Par conséquent, les politiques et les programmes ministériels entrent parfois en conflit avec la gestion intégrée des ressources. Quoique le SRD soit chargé de gérer le territoire en fonction de valeurs multiples, les politiques et activités d’autres ministères entravent sa capacité de mettre en œuvre une stratégie qui préserve le capital naturel, et il n’a pas le pouvoir voulu pour atteindre ses objectifs qui sont énoncés dans son plan d’activités.

Le deuxième problème, connexe, a trait aux liens entre les indicateurs de rendement des ministères et la productivité de certains secteurs, plutôt que la productivité du territoire pour la production de tous les biens et services (environnementaux ou non). En outre, même si les mesures de rendement de chaque ministère sont liées aux objectifs généraux énoncés dans le plan d’activités du gouvernement, ce plan manque de mesures intégrées pour évaluer les compromis entre les activités et les résultats de chaque ministère. Par exemple, le budget 2003 de l’Alberta comportait de nombreuses mesures de rendement économique et social, mais pas une seule mesure du capital naturel (Canada West Foundation, 2003).

3.2 Régime foncier et régime d’aliénation

Un autre obstacle généralisé qui a été mentionné à plusieurs reprises par les intervenants a trait au régime foncier et au régime d’aliénation des terres publiques. En Alberta, la Couronne demeure propriétaire du territoire et octroie des droits d’usufruit pour les ressources (tenures) telles que les EGF, et les concessions pétrolières et gazières, qui confèrent des droits d’exploitation des ressources à une fin précise, ne sont transférables que dans certaines conditions et exigent un partage du loyer avec la province. La « force » des droits de propriété inscrits dans la tenure se mesure selon les six caractéristiques suivantes : exclusivité, durée, transférabilité, caractère exhaustif, avantages conférés et qualité du titre.

L’exclusivité définit la capacité d’empêcher autrui d’accéder aux ressources. Par exemple, un permis de pêche en Alberta n’est pas exclusif parce que, même s’il donne à certaines personnes le droit de pêcher, il ne leur donne pas le droit d’empêcher autrui de pêcher dans le même lac. En général, moins un droit de propriété est exclusif, plus faible est l’incitatif d’empêcher la dégradation de la ressource, parce que les personnes ne peuvent préserver leurs investissements en protégeant la ressource. Ceci aboutit à une forme de tragédie du problème du bien commun.

Durée : Plus la durée du droit d’exploitation de la ressource est longue, plus les entreprises sont incitées à investir dans le maintien de la productivité de la réserve de la ressource. La durée de 20 ans d’une EGF correspond à la durée moyenne de l’usine qui y est attachée, mais elle est plus courte que l’âge de rotation d’un peuplement typique de la forêt boréale. Ceci réduit les incitatifs au reboisement et à la gestion à long terme. Par conséquent, l’État recourt à la réglementation pour garantir que les entreprises s’engagent dans la planification à long terme.

Le caractère exhaustif définit le nombre de ressources ou de valeurs auxquelles le détenteur de la tenure a droit. Les droits aux ressources foncières en Alberta ne sont pas intégraux. Par exemple, les droits sur diverses essences de bois se divisent entre les détenteurs d’EGF et de contingents. Par conséquent, les détenteurs d’EGF et de contingents produisent des externalités en intervenant dans le choix du moment optimal de la récolte de chaque essence. En outre, les possibilités de gestion plus efficace du territoire qui permettraient de respecter les exigences des usines sont limitées. Enfin, la composition mixte des essences de nombreux peuplements dans la ZGF d’Al Pac est menacée, du fait que les entreprises replantent selon les prescriptions qui conviennent à leur industrie plutôt qu’à la forêt naturelle. En général, plus la tenure est exhaustive, plus il est probable que les entreprises tiendront compte des effets de leurs interventions sur d’autres ressources.

Les avantages conférés ont trait à la capacité des entreprises de conserver les profits ou bénéfices de leurs activités. Tant que le gouvernement ne conserve que les profits « excédentaires » ou loyers, les bénéfices de la production que récolte le public ne devraient pas modifier la structure d’incitatifs ou le comportement de l’entreprise. Comme il est souvent difficile pour les gouvernements de savoir quelles sont les valeurs privées qui sont liées à la production des ressources, la meilleure façon de prélever les loyers publics consiste à vendre les droits aux enchères. Dans ce cas, les entreprises manifestent leur volonté de payer pour extraire des ressources.

La qualité de la tenure a trait à la force juridique du droit de propriété. Les détenteurs d’EGF (et non pas les détenteurs de contingents) ont des droits de propriété clairs sur le bois sur pied qu’on leur a octroyés en vertu de la tenure. Toutefois, les ententes EGF contiennent une clause standard qui réserve le droit au gouvernement : (1) de se retirer des terres soumises à une EGF qui sont par exemple requises pour des installations industrielles (a. 6 (1)(c) de l’EGF); (2) de permettre l’accès à d’autres usagers (p. ex. pour les activités d’exploration en vertu de l’article 8 (1)(b) de l’EGF), moyennant le versement d’une indemnité au titulaire de l’EGF, tel que spécifié dans les deux cas. Les entreprises forestières qui ont des tenures foncières ont le droit de négocier en échange de l’accès qu’elles accordent aux détenteurs de droits d’exploitation minière souterraine. Si les parties ne parviennent pas à s’entendre sur le montant des dommages qui en résultent pour les ressources ligneuses, le Surface Rights Board rend une ordonnance de droit d’entrée et une indemnité au détenteur du droit d’exploitation à ciel ouvert. L’octroi de dommages causés au bois est fixé dans les tableaux d’évaluation des dommages causés au bois (TDA), et il est basé sur les moyennes de valeur du bois – des ventes aux enchères de bois public. La TDA représente une pomme de discorde dans les négociations entre les entreprises forestières et les entreprises pétrolières et gazières, et risque de biaiser les négociations en faveur des détenteurs de droits d’exploitation minière.

Comme le système d’aliénation en Alberta repose sur les droits d’exploitation de certaines ressources sur le territoire plutôt que de droits fonciers complets, les activités liées aux droits individuels ont tendance à être associées aux externalités. Tel est le fond du problème du chevauchement des tenures qui a souvent été cité par les intervenants comme un des obstacles majeurs à une gestion efficace du territoire. Les tentatives d’investir dans le capital naturel de la part des entreprises forestières, surtout en entretenant l’habitat encore intact, sont entravées par les droits des sociétés d’exploitation énergétique, qui peuvent l’emporter sur tout plan d’aménagement du territoire. Le chevauchement et le partage des tenures sont l’une des difficultés majeures signalées par le Forest Stewardship Council (FSC) dans l’élaboration de sa norme de certification pour les sociétés forestières. La norme du FSC a adopté le principe voulant que là où les droits d’exploitation forestière sont partagés avec d’autres détenteurs de la tenure, le demandeur doit être en mesure de démontrer que le partage de ces droits n’empêche pas le respect des principes et des critères du FSC. Tout particulièrement, le FSC a reconnu que les détenteurs de tenures qui veulent obtenir une certification exercent souvent une influence minimale sur d’autres exploitants forestiers et n’ont pas le pouvoir voulu pour restreindre les activités des entreprises dans d’autres secteurs. Ceci crée une situation difficile pour Al Pac, qui est en train de demander la certification auprès du FSC. Quant à la certification d’Al-Pac, la décision du FSC dépendra surtout de la volonté des autres entreprises à conclure des contrats qui garantissent que les critères pertinents, y compris l’établissement de points de repère écologique, puissent être respectés. En l’absence d’autres incitatifs ou mécanismes pour atteindre les objectifs du FSC, le respect des critères du Conseil exigera le respect volontaire des autres détenteurs de l’aliénation, ce qui ne se produira probablement que s’il y a déjà des incitatifs privés à exercer une gestion mixte au profit des valeurs de la conservation.

Enfin, les aires de gestion forestière et d’autres tenures foncières ne sont, dans bien des cas, pas à l’échelle voulue pour la gestion des écosystèmes. Les détenteurs d’EGF, en tant que gardiens du territoire, sont souvent tenus de respecter de nombreux objectifs écologiques à l’intérieur de chaque ZGF. La gestion des écosystèmes exige des mécanismes pour gérer dans l’ensemble des secteurs de compétence là où les aires de gestion forestière ne sont pas à l’échelle voulue. Les options comprennent la nécessité de politiques de compensation qui permettraient aux sociétés forestières d’intégrer d’autres terres publiques aménagées, terres privées et terres de parcs voisins dans la zone de gestion de facto.

3.3 Obstacles propres à chaque secteur

Dans cette section, nous cernons plusieurs obstacles propres à chaque secteur et des incitatifs abusifs envers le maintien du capital naturel. Cette section porte sur les secteurs énergétique et forestier, puisque ce sont ces deux secteurs qui ont la plus forte incidence dans la ZGF. Même s’il y a également des incitatifs abusifs associés aux secteurs agricoles et autres secteurs miniers, les intervenants n’ont pas, au cours des entrevues, signalé ces secteurs, dont l’analyse complète dépasserait le cadre de ces travaux. Nous présentons donc un bref sommaire de chacun de ces obstacles ci-dessous.

3.3.1 Obstacles dans le secteur forestier

Illustration 1. Obstacles dans le secteur forestier

Droits de coupe

Les droits de coupe sont des droits versés au gouvernement en fonction du volume. Le bien-fondé des droits de coupe consiste à restituer au public certains des bénéfices des ressources qui se trouvent sur les terres publiques, et à assumer le coût des activités de gestion forestière. Les droits de coupe basés sur le volume posent un problème : ils encouragent l’écrémage de la ressource; en d’autres termes, les entreprises prennent le meilleur bois et laissent la fibre de qualité inférieure derrière elles. L’écrémage entraîne ainsi la perturbation d’une superficie totale plus importante de la forêt pour obtenir la même quantité de fibres. Idéalement, le taux des droits de coupe devrait être lié à la qualité du bois. En Alberta, les droits de coupe sont une réaction à l’utilisation finale et aussi, en partie, à la qualité. Toutefois, ils demeurent basés sur le volume et, en théorie, entraînent une utilisation inefficace du bois.

Récolte liée aux usines et objectifs d’emploi

Le gouvernement restreint la manière dont la récolte est utilisée par la voie de normes d’« appurtenancy ». Les normes d’ « appurtenancy » exigent que les fibres soient récoltées dans certaines zones pour être liées aux usines et pour remplir des objectifs d’emploi local. Par conséquent, la quantité de fibres et la manière dont elle est utilisée ne correspondent pas à la véritable valeur marchande de la fibre, qui n’est peut-être pas attribuée à son exploitation la plus noble et à meilleur escient. En outre, les EGF exigent que la fibre soit coupée, même si cela n’est pas économique, pour respecter les objectifs d’emploi. Dans la mesure où la fibre est sous-évaluée, les exigences d’« appurtenancy » entraînent une augmentation des taux de récolte et une surexploitation du territoire pour le bois par rapport à son potentiel économique.

Exigences de type « à prendre ou à laisser » dans les ZGF

Les détenteurs des ZGF se voient garantir des droits de possibilité annuelle de coupe uniquement s’ils les utilisent. En d’autres termes, ils doivent récolter les volumes de bois fixés, s’ils ne veulent pas être pénalisés. L’exigence de type « à prendre ou à laisser » s’applique beaucoup de la même manière que les exigences d’« appurtenancy » d’un point de vue économique. En d’autres termes, le taux de récolte n’est pas directement lié à la valeur économique des activités de récolte. En outre, l’exigence de type « à prendre ou à laisser » crée une incertitude pour les gestionnaires du territoire qui veulent respecter des objectifs de conservation, surtout lorsqu’il s’agit de fixer les points de repère écologiques. Les gestionnaires du territoire ont l’impression que le gouvernement pourrait contester leurs investissements dans le capital naturel en fonction de cette exigence.

Restrictions relatives à la contiguïté

Les gouvernements provinciaux réglementent les méthodes de récolte en restreignant la taille des zones de récolte, la répartition spatiale de récolte par la voie d’exigences de contiguïté, et même les cadres temporels des récoltes par la voie de diverses exigences de rétention variable et de récolte par étapes multiples. La plupart de ces restrictions ont été établies en réaction aux préoccupations que suscitait la durabilité dans les zones aménagées et pour gérer la qualité visuelle. Toutefois, on ne sait pas très bien si ces restrictions présentent véritablement un avantage écologique. Tout particulièrement, elles encouragent une gestion extensive plutôt qu’intensive des terres, et elles exigent l’exploitation d’une superficie plus grande pour obtenir la même quantité de fibres. Ainsi, elles réduisent les possibilités de maintenir les points de repère écologique et les résultats écologiques qui sont sensibles à la perturbation linéaire.

Politique de rendement soutenu

Le rendement soutenu est le principe qui s’applique à la définition de la possibilité annuelle de coupe (PAC). Il s’agit ici d’assurer un approvisionnement continu de bois, et ce à perpétuité. Pour assurer une PAC constante, les forêts qui présentent des répartitions de classes d’âge hétérogènes sont réduites à des forêts « ordinaires » avec des peuplements d’âge égal. Les forêts ordinaires se distinguent par une répartition égale parmi les classes d’âge de peuplements du même âge jusqu’à l’âge de rotation. Tous les peuplements anciens sont récoltés le plus vite possible, et la terre est réinvestie sous la forme de matériel sur pied. Le principe du rendement soutenu s’oppose à la gestion de la biodiversité des écosystèmes, qui mise sur l’hétérogénéité des caractéristiques des forêts et sur le maintien du peuplement ancien.

Évaluation du dommage causé au bois

L’évaluation du dommage causé au bois s’applique au bois éliminé au cours de l’exploration et de l’exploitation des ressources énergétiques, et cette somme est payée aux détenteurs d’EGF ou au gouvernement pour les dommages causés aux ressources ligneuses. Les indemnités pour les dommages causés au bois, qui sont énoncées dans les tableaux de TDA, sont basées sur les moyennes de valeur du bois calculées lors des ventes aux enchères publiques de bois. La TDA n’est pas liée à la valeur des peuplements en tant que capital naturel, et ne représente guère plus le coût découlant de la réduction des options offertes aux gestionnaires de terres forestières pour gérer le capital naturel. Enfin, la TDA ne tient pas nécessairement compte de la perte de PAC et des frais liés à la mutation vers un calendrier optimal de récolte découlant de la perte de bois. La valeur des efforts de gestion forestière pour les détenteurs de ZGF est réduite si la TDA sous-estime systématiquement la valeur de la fibre.

3.3.2 Obstacles dans le secteur énergétique

La réglementation du secteur énergétique a pour but de maximiser la valeur des ressources souterraines. En même temps, les prix pour les produits du pétrole et du gaz naturel sont fixés sur les marchés mondiaux et ne tiennent pas compte des compromis environnementaux à l’échelon local. Le système fiscal a pour but de stimuler l’exploration et de maximiser les recettes du secteur public, mais ne tient pas compte des dommages causés aux ressources à ciel ouvert. Nous exposons ci-dessous certains des principaux obstacles à la conservation du capital naturel dans le secteur énergétique.

Illustration 2. Obstacles dans le secteur énergétique

Amortissement accéléré et réduction du taux des redevances pour l’expansion des sables bitumineux

Dans le cadre de l’amortissement accéléré, les sociétés pétrolières et gazières peuvent réduire leurs impôts courants en encourant des frais d’exploitation et en payant des impôts plus élevés plus tard, lorsqu’elles réaliseront un « profit ». Ces programmes incitent ainsi les sociétés à continuer d’investir dans l’exploration afin de tirer parti de l’amortissement accéléré, et elles accélèrent artificiellement le rythme de l’exploration et de l’exploitation. La mutation dans le présent des débouchés de développement à venir nuit à la gestion des écosystèmes, et pousse à une homogénéisation accrue de l’âge des peuplements.

Les investissements dans les sables bitumineux font l’objet de concessions fiscales importantes, qui permettent aux entreprises de défrayer tous les coûts d’immobilisations pour un projet avant de payer un impôt fédéral sur le profit généré par ce projet. L’avantage de ce dégrèvement fiscal pour les entreprises est de 5 à 40 millions de dollars pour chaque milliard de dollars investi. Le système fiscal et le système de redevances qui s’appliquent aux sables bitumineux sont beaucoup plus généreux que celui qui s’applique à l’exploitation traditionnelle du pétrole et du gaz. Comme les sables bitumineux créent trois fois le niveau d’émissions de GES par rapport aux sources conventionnelles, les subventions différentielles donnent également lieu à un mélange inefficace de sources d’énergie non renouvelable (Bureau du Vérificateur général, 2000).

D’autres subventions du secteur énergétique risquent aussi de créer des incitatifs abusifs envers le maintien du capital naturel. Il s’agit entre autres d’investissements directs dans les sociétés, de prêts, de remises d’impôts et de frais d’exportation, et de l’hypothèse de pertes et de passif possible pour le gouvernement. Le gouvernement fédéral a consacré 2,8 milliards de dollars d’investissements et de prêts dans le secteur de l’énergie non renouvelable (Bureau du Vérificateur général, 2000). Ces subventions donnent lieu à un mélange inefficace de sources d’énergie renouvelable et non renouvelable, et elles encouragent l’exploration dans des domaines qui sont marginaux sur le plan économique, et qui pourraient offrir une valeur écologique importante.

Évaluation du dommage causé au bois

Les intervenants ont expliqué que la TDA n’a pas besoin d’être dépensée au profit de la remise en état de l’empreinte du secteur énergétique. Les ententes EGF comportent des clauses qui spécifient qu’une indemnisation financière reçue par un titulaire d’EGF par des sociétés énergétiques « ne pourra servir qu’à compenser les dommages aux aménagements tels que plantations, routes, ponts ou autres équipements, et à remplacer la ressource ligneuse perdue » par la voie d’une gestion forestière intensive, l’achat de bois, etc. (voir paragraphe 8 de l’article 6 de l’EGF d’Al-Pac). Toutefois, les entreprises forestières peuvent également permettre qu’une partie de l’empreinte énergétique soit classée comme insuffisamment boisée et qu’elle soit retirée du territoire productif. Le secteur énergétique entrevoit l’objectif de la TDA comme servant à la gestion de l’empreinte du secteur énergétique, tandis que les titulaires d’EGF y voient un moyen de compenser la perte de fibres. Le secteur énergétique a exprimé quelques craintes que la TDA ne soit pas affectée précisément à la remise en état des forêts.

Exigences imposées aux concessions d’exploitation du pétrole et du gaz naturel

Dans le domaine énergétique, les aliénations pour l’exploitation traditionnelle du pétrole et du gaz naturel sont mises aux enchères par le gouvernement de l’Alberta tous les quinze jours. Une fois les aliénations accordées, les sociétés d’exploitation énergétique entament des pourparlers avec le titulaire de l’EGF pour avoir accès au territoire. En général, les concessions d’exploitation du pétrole et du gaz naturel doivent réaliser leur objectif en moins de cinq ans. Le manque de planification préalable à la tenure pour accorder les aliénations dans le secteur énergétique et l’échéancier de cinq ans pour l’exploitation viennent freiner la capacité des gestionnaires de territoires forestiers d’intégrer les activités d’exploitation pétrolière et gazière dans leurs plans de gestion forestière détaillés d’une manière qui minimise les incidences environnementales. En outre, la contrainte de temps entraîne parfois l’achèvement de certaines concessions avant que ce ne soit optimal sur le plan économique. Par ailleurs, l’exigence de cinq ans empêche les entreprises de détenir des ressources sans produire, et réduit éventuellement leur compétitivité. L’effet réel des exigences imposées aux concessions d’exploitation du pétrole et du gaz naturel exige un examen plus poussé pour déterminer si les modifications aux exigences d’aliénation pourraient améliorer la planification des incidences environnementales sans réduire la compétitivité du secteur.

Accès à l’eau

Les processus d’extraction du mazout lourd exigent des quantités d’eau importantes. L’eau n’est ni tarifée ni négociée, et elle est actuellement attribuée selon le principe du premier arrivé, premier servi. Par conséquent, les entreprises ne sont nullement incitées à ménager l’eau lorsqu’elles exploitent leurs ressources, et elles sont plutôt incitées à être les premières sur la liste pour obtenir des droits d’utilisation d’eau. Le système d’affectation ne prévoit aucun incitatif à protéger les besoins en débit des cours d’eau ni à attribuer l’eau selon son usage le plus noble et le meilleur.