Étude de cas d'Al-Pac
PARTIE III - Obstacles et
options d’ordre fiscal
Daniel
Farr, Biota Research
Steve
Kennett, Institut canadien du droit des ressources
Monique
M. Ross, Institut canadien du droit des ressources
Brad Stelfox, Forem Technologies
Marian
Weber, Alberta Research Council
Cette
étude de cas a été commandée comme
recherche de base pour La Conservation du capital naturel
du Canada: Le programme de la forêt boréale.
Les opinions exprimées dans l’étude de
cas sont celles des auteurs et ne représentent pas
nécessairement celles de la Table ronde nationale,
de ses membres ou des membres du Groupe de travail du programme.
Le
16 juillet 2004
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3. OBSTACLES D’ORDRE FISCAL
Dans cette section,
nous analysons les obstacles d’ordre fiscal et les incitatifs
abusifs qui aboutissent à un échec dans la gestion
du capital naturel de la ZGF d’Al Pac. Ces obstacles sont
parfois causés par les politiques fédérales
ou provinciales, ou par l’absence de prix adéquats
pour les ressources environnementales, comme nous l’avons
expliqué ci-dessus. Nous allons commencer par une analyse
des obstacles généraux, y compris du modèle
de planification des activités de l’Alberta, ainsi
que des régimes fonciers et des régimes d’aliénation
des terres publiques. Nous passerons ensuite à une analyse
des obstacles propres à chaque secteur, à savoir la
foresterie, et l’industrie pétrolière et gazière.
3.1 Modèle de planification des
activités de l’Alberta
Le modèle de
planification des activités du gouvernement de l’Alberta
se compose de la vision de l’Alberta, un plan stratégique
échelonné sur 20 ans, de stratégies à
moyen terme qui comportent des initiatives interministérielles,
et d’un plan d’activités triennal. Le plan d’activités
du gouvernement comporte 12 objectifs et une série de mesures
et de cibles de rendement qui se rattachent à chaque objectif.
Quant au plan d’activités, il définit des domaines
de possibilités au cours des 20 prochaines années
en matière de capital naturel. Ces domaines sont énoncés
ci-dessous :
- développer et utiliser
les ressources énergétiques et naturelles à
bon escient, et tirer parti de nouvelles technologies pour maximiser
les avantages de toutes les ressources;
- mettre en œuvre une stratégie à
long terme pour l’eau et mettre au point une politique efficace
d’aménagement du territoire qui garantisse le meilleur
usage possible de ces ressources de base, tout en reconnaissant
les obligations de gérer ce capital avec respect pour les
générations futures;
- assurer des marchés d’exportation
fiables, et prévoir une union douanière éventuelle
avec les États-Unis;
- miser sur les pierres angulaires économiques
de l’Alberta, telles que le pétrole et le gaz, l’agriculture,
la foresterie et le tourisme;
- collaborer avec les autorités municipales
pour soutenir des collectivités fortes, viables, et offrant
toute la sécurité voulue.
Le plan d’activités traite également
de l’importance d’un environnement naturel sain, et
énonce qu’il accordera priorité à l’environnement
naturel de l’Alberta en mettant en place un cadre pour maintenir
les aires naturelles existantes, ainsi que les stratégies
à court et à long terme qui assureront une perspective
durable et savamment dosée de la croissance et du développement
industriel des ressources (gouvernement de l’Alberta, 2004).
Le plan d’activités de chaque ministère
est publié tous les ans et porte sur une période de
trois ans. Les quatre ministères qui ont des incidences sur
le capital naturel dans la ZGF d’Al Pac comprennent le ministère
de l’Énergie (DOE), le ministère du Développement
durable des ressources (SRD), Environnement Manitoba (AE) et Agriculture,
Alimentation et Développement rural Manitoba (AAFRD). Nous
n’analyserons le rôle que du DOE, du SRD et de l’AE
dans cette section, même si de nombreux obstacles ici définis
s’appliquent également à l’AAFRD.
L’inconvénient premier du modèle
d’activités du gouvernement est qu’il reflète
les mandats propres à chaque secteur de chacun de ces ministères.
Le secteur énergétique a des répercussions
importantes sur les terres publiques et sur la capacité de
protéger le capital naturel dans ces terres. Toutefois, les
objectifs du DOE reflètent son mandat propre à chaque
secteur. Il s’agit entre autres d’optimiser la part
des revenus des ressources des Albertains et les bénéfices
de l’exploitation de leurs ressources énergétiques
et minières à long terme. Ces objectifs consistent
également à assurer l’approvisionnement énergétique
futur et les avantages pour les Albertains sur un marché
énergétique mondial concurrentiel et en pleine croissance.
Les principales stratégies du plan d’activités
du DOE pour réaliser ces objectifs consistent notamment à
collaborer avec d’autres ministères pour développer
les ressources naturelles de l’Alberta de manière durable,
intégrée et écologique par la voie de la stratégie
de l’eau et de la gestion intégrée des ressources
dans le chaînon frontal et dans le Sud de l’Alberta.
D’autres stratégies ont trait à l’expansion
des réserves de gaz naturel en encourageant l’exploration
dans des régions qui n’ont pas encore fait l’objet
d’une évaluation suffisante (ministère de l’Énergie
de l’Alberta, 2004). L’Alberta Energy and Utilities
Board (AEUB), chargé de la réglementation du secteur
énergétique, relève également de la
compétence du DOE. Ces objectifs consistent entre autres
à résoudre avec diligence et de façon appropriée
les conflits entre l’industrie, le public et les propriétaires
fonciers par la voie de l’examen et de la simplification des
règlements actuels. Cet objectif est appuyé par le
cadre réglementaire du développement des ressources
et de l’environnement du gouvernement (Environment and Resource
Development Regulatory Framework), qui a pour but d’améliorer
l’efficacité du régime réglementaire
du développement des ressources selon les principes d’une
seule demande, une seule approbation, un seul organisme de réglementation,
un seul appel, et une responsabilisation claire et transparente.
Les objectifs du ministère de l’Environnement
de l’Alberta ont trait au maintien de la qualité de
l’air, de l’eau et des ressources foncières.
Quoique les objectifs de ce Ministère soient liés
au maintien de la qualité des ressources foncières
de l’Alberta, ses indicateurs de rendement n’ont pas
trait à l’exploitation du territoire proprement dite
ni à la conservation du capital naturel sur le territoire.
Ce Ministère est également celui qui est le principal
responsable de la gestion intégrée des ressources
dans la province, qui concerne de nombreux ministères. Dans
le cadre de sa stratégie d’IRM, le ministère
de l’Environnement de l’Alberta a créé
plusieurs stratégies régionales, qui s’inscrivent
dans le Commitment to Sustainable Resource and Environmental
Management de l’Alberta (ministère de l’Environnement
de l’Alberta, 1999). Ces stratégies régionales
ont pour but de définir une orientation et des priorités
stratégiques régionales adaptées aux objectifs
de chaque région dans le cadre d’un programme provincial
cohérent. Ces stratégies régionales se veulent
un processus selon lequel les intervenants peuvent commencer à
comprendre les compromis entre divers types d’options de développement.
Ces stratégies comportent une difficulté qui a été
exprimée par les intervenants : les régions n’ont
aucun pouvoir de concrétiser leur vision, et les intervenants
demeurent donc liées au régime d’affectation
existant et aux plans d’activités du gouvernement provincial.
Une partie du problème est que le gouvernement fait face
à un dilemme lorsqu’il s’agit de décider
quels sont les éléments du cadre réglementaire
d’aménagement du territoire qui peut être traité
à l’échelon local ou à l’échelon
provincial. Il y a un compromis entre la spécificité
du lieu et l’uniformité requise pour simplifier la
réglementation dans l’ensemble de la province. En outre,
les décisions prises à l’échelon régional
ont des répercussions sur l’ensemble de la population
provinciale quant à la perte de possibilités de revenus
ou de capital naturel. Pour que les stratégies régionales
s’avèrent fructueuses, il faut mettre en place des
mécanismes qui faciliteront la décision des compromis
à faire à l’échelon local plutôt
que provincial.
Le ministère du Développement durable
des ressources est chargé de la gestion des terres publiques
dans la région forestière de l’Alberta, et il
est également doté d’un mandat d’intégrer
les valeurs publiques et privées pour garantir que l’aménagement
du territoire comporte des avantages multiples. Les principaux objectifs
énoncés dans le plan d’activités de ce
Ministère consistent entre autres à garantir que les
valeurs que les Albertains reçoivent des terres publiques
soient maintenues et améliorées pour les générations
futures; que les valeurs que les Albertains reçoivent des
espèces fauniques soient maintenues et améliorées
pour les générations futures; et que les avantages
à long terme (sur le plan environnemental, social et économique)
que les Albertains reçoivent des terres publiques grâce
à une gestion efficace et efficiente de l’aliénation
soient optimisés. Les stratégies de ce Ministère
pour atteindre ces objectifs consistent entre autres à un
aménagement intégré du territoire, ainsi qu’à
une collaboration avec les collectivités et l’industrie
pour offrir des occasions justes et raisonnables de participation
dans les débouchés économiques que comporte
l’exploitation des ressources dans les terres publiques. Le
mandat plus général de ce Ministère se traduit
dans ses indicateurs de rendement, qui concernent la santé
et la viabilité des populations fauniques, les avantages
que procurent les espèces sauvages et l’intégrité
du paysage (ministère du Développement durable des
ressources de l’Alberta, 2004).
Le modèle de planification des activités
de l’Alberta pose deux problèmes principaux en ce qui
concerne la conservation du capital naturel. Premièrement,
les mandats étroits et souvent propres à un secteur
de chaque ministère causent des problèmes de compétence
entre les ministères. Ils rendent également difficile
la coordination des activités pour gérer les impacts
cumulatifs des activités multiples sur le capital naturel.
Par exemple, l’activité de base du DOE consiste à
accroître la production et la productivité des ressources
énergétiques dans la province, surtout dans de nouvelles
régions qui ont fait l’objet de peu d’exploration
jusqu’à présent. Compte tenu du degré
d’activités dans la ZGF d’Al-Pac, les objectifs
du DOE créent des contraintes pour le maintien du capital
naturel. En bref, chaque ministère est axé sur la
conception de politiques pour maximiser la productivité de
l’ensemble des ressources qui relèvent de leur mandat,
plutôt que sur la conception de politiques qui permettraient
de maximiser la valeur totale du territoire pour toutes les ressources.
Par conséquent, les politiques et les programmes ministériels
entrent parfois en conflit avec la gestion intégrée
des ressources. Quoique le SRD soit chargé de gérer
le territoire en fonction de valeurs multiples, les politiques et
activités d’autres ministères entravent sa capacité
de mettre en œuvre une stratégie qui préserve
le capital naturel, et il n’a pas le pouvoir voulu pour atteindre
ses objectifs qui sont énoncés dans son plan d’activités.
Le deuxième problème, connexe, a trait
aux liens entre les indicateurs de rendement des ministères
et la productivité de certains secteurs, plutôt que
la productivité du territoire pour la production de tous
les biens et services (environnementaux ou non). En outre, même
si les mesures de rendement de chaque ministère sont liées
aux objectifs généraux énoncés dans
le plan d’activités du gouvernement, ce plan manque
de mesures intégrées pour évaluer les compromis
entre les activités et les résultats de chaque ministère.
Par exemple, le budget 2003 de l’Alberta comportait de nombreuses
mesures de rendement économique et social, mais pas une seule
mesure du capital naturel (Canada West Foundation, 2003).
3.2 Régime foncier et régime
d’aliénation
Un autre obstacle généralisé
qui a été mentionné à plusieurs reprises
par les intervenants a trait au régime foncier et au régime
d’aliénation des terres publiques. En Alberta, la Couronne
demeure propriétaire du territoire et octroie des droits
d’usufruit pour les ressources (tenures) telles que les EGF,
et les concessions pétrolières et gazières,
qui confèrent des droits d’exploitation des ressources
à une fin précise, ne sont transférables que
dans certaines conditions et exigent un partage du loyer avec la
province. La « force » des droits de propriété
inscrits dans la tenure se mesure selon les six caractéristiques
suivantes : exclusivité, durée, transférabilité,
caractère exhaustif, avantages conférés et
qualité du titre.
L’exclusivité définit
la capacité d’empêcher autrui d’accéder
aux ressources. Par exemple, un permis de pêche en Alberta
n’est pas exclusif parce que, même s’il donne
à certaines personnes le droit de pêcher, il ne leur
donne pas le droit d’empêcher autrui de pêcher
dans le même lac. En général, moins un droit
de propriété est exclusif, plus faible est l’incitatif
d’empêcher la dégradation de la ressource, parce
que les personnes ne peuvent préserver leurs investissements
en protégeant la ressource. Ceci aboutit à une forme
de tragédie du problème du bien commun.
Durée : Plus la durée du droit
d’exploitation de la ressource est longue, plus les entreprises
sont incitées à investir dans le maintien de la productivité
de la réserve de la ressource. La durée de 20 ans
d’une EGF correspond à la durée moyenne de l’usine
qui y est attachée, mais elle est plus courte que l’âge
de rotation d’un peuplement typique de la forêt boréale.
Ceci réduit les incitatifs au reboisement et à la
gestion à long terme. Par conséquent, l’État
recourt à la réglementation pour garantir que les
entreprises s’engagent dans la planification à long
terme.
Le caractère exhaustif définit
le nombre de ressources ou de valeurs auxquelles le détenteur
de la tenure a droit. Les droits aux ressources foncières
en Alberta ne sont pas intégraux. Par exemple, les droits
sur diverses essences de bois se divisent entre les détenteurs
d’EGF et de contingents. Par conséquent, les détenteurs
d’EGF et de contingents produisent des externalités
en intervenant dans le choix du moment optimal de la récolte
de chaque essence. En outre, les possibilités de gestion
plus efficace du territoire qui permettraient de respecter les exigences
des usines sont limitées. Enfin, la composition mixte des
essences de nombreux peuplements dans la ZGF d’Al Pac est
menacée, du fait que les entreprises replantent selon les
prescriptions qui conviennent à leur industrie plutôt
qu’à la forêt naturelle. En général,
plus la tenure est exhaustive, plus il est probable que les entreprises
tiendront compte des effets de leurs interventions sur d’autres
ressources.
Les avantages conférés ont
trait à la capacité des entreprises de conserver les
profits ou bénéfices de leurs activités. Tant
que le gouvernement ne conserve que les profits « excédentaires
» ou loyers, les bénéfices de la production
que récolte le public ne devraient pas modifier la structure
d’incitatifs ou le comportement de l’entreprise. Comme
il est souvent difficile pour les gouvernements de savoir quelles
sont les valeurs privées qui sont liées à la
production des ressources, la meilleure façon de prélever
les loyers publics consiste à vendre les droits aux enchères.
Dans ce cas, les entreprises manifestent leur volonté de
payer pour extraire des ressources.
La qualité de la tenure a trait à
la force juridique du droit de propriété. Les détenteurs
d’EGF (et non pas les détenteurs de contingents) ont
des droits de propriété clairs sur le bois sur pied
qu’on leur a octroyés en vertu de la tenure. Toutefois,
les ententes EGF contiennent une clause standard qui réserve
le droit au gouvernement : (1) de se retirer des terres soumises
à une EGF qui sont par exemple requises pour des installations
industrielles (a. 6 (1)(c) de l’EGF); (2) de permettre l’accès
à d’autres usagers (p. ex. pour les activités
d’exploration en vertu de l’article 8 (1)(b) de l’EGF),
moyennant le versement d’une indemnité au titulaire
de l’EGF, tel que spécifié dans les deux cas.
Les entreprises forestières qui ont des tenures foncières
ont le droit de négocier en échange de l’accès
qu’elles accordent aux détenteurs de droits d’exploitation
minière souterraine. Si les parties ne parviennent pas à
s’entendre sur le montant des dommages qui en résultent
pour les ressources ligneuses, le Surface Rights Board rend une
ordonnance de droit d’entrée et une indemnité
au détenteur du droit d’exploitation à ciel
ouvert. L’octroi de dommages causés au bois est fixé
dans les tableaux d’évaluation des dommages causés
au bois (TDA), et il est basé sur les moyennes de valeur
du bois – des ventes aux enchères de bois public. La
TDA représente une pomme de discorde dans les négociations
entre les entreprises forestières et les entreprises pétrolières
et gazières, et risque de biaiser les négociations
en faveur des détenteurs de droits d’exploitation minière.
Comme le système d’aliénation
en Alberta repose sur les droits d’exploitation de certaines
ressources sur le territoire plutôt que de droits fonciers
complets, les activités liées aux droits individuels
ont tendance à être associées aux externalités.
Tel est le fond du problème du chevauchement des tenures
qui a souvent été cité par les intervenants
comme un des obstacles majeurs à une gestion efficace du
territoire. Les tentatives d’investir dans le capital naturel
de la part des entreprises forestières, surtout en entretenant
l’habitat encore intact, sont entravées par les droits
des sociétés d’exploitation énergétique,
qui peuvent l’emporter sur tout plan d’aménagement
du territoire. Le chevauchement et le partage des tenures sont l’une
des difficultés majeures signalées par le Forest Stewardship
Council (FSC) dans l’élaboration de sa norme de certification
pour les sociétés forestières. La norme du
FSC a adopté le principe voulant que là où
les droits d’exploitation forestière sont partagés
avec d’autres détenteurs de la tenure, le demandeur
doit être en mesure de démontrer que le partage de
ces droits n’empêche pas le respect des principes et
des critères du FSC. Tout particulièrement, le FSC
a reconnu que les détenteurs de tenures qui veulent obtenir
une certification exercent souvent une influence minimale sur d’autres
exploitants forestiers et n’ont pas le pouvoir voulu pour
restreindre les activités des entreprises dans d’autres
secteurs. Ceci crée une situation difficile pour Al Pac,
qui est en train de demander la certification auprès du FSC.
Quant à la certification d’Al-Pac, la décision
du FSC dépendra surtout de la volonté des autres entreprises
à conclure des contrats qui garantissent que les critères
pertinents, y compris l’établissement de points de
repère écologique, puissent être respectés.
En l’absence d’autres incitatifs ou mécanismes
pour atteindre les objectifs du FSC, le respect des critères
du Conseil exigera le respect volontaire des autres détenteurs
de l’aliénation, ce qui ne se produira probablement
que s’il y a déjà des incitatifs privés
à exercer une gestion mixte au profit des valeurs de la conservation.
Enfin, les aires de gestion forestière et d’autres
tenures foncières ne sont, dans bien des cas, pas à
l’échelle voulue pour la gestion des écosystèmes.
Les détenteurs d’EGF, en tant que gardiens du territoire,
sont souvent tenus de respecter de nombreux objectifs écologiques
à l’intérieur de chaque ZGF. La gestion des
écosystèmes exige des mécanismes pour gérer
dans l’ensemble des secteurs de compétence là
où les aires de gestion forestière ne sont pas à
l’échelle voulue. Les options comprennent la nécessité
de politiques de compensation qui permettraient aux sociétés
forestières d’intégrer d’autres terres
publiques aménagées, terres privées et terres
de parcs voisins dans la zone de gestion de facto.
3.3 Obstacles propres à chaque
secteur
Dans cette section, nous cernons plusieurs obstacles
propres à chaque secteur et des incitatifs abusifs envers
le maintien du capital naturel. Cette section porte sur les secteurs
énergétique et forestier, puisque ce sont ces deux
secteurs qui ont la plus forte incidence dans la ZGF. Même
s’il y a également des incitatifs abusifs associés
aux secteurs agricoles et autres secteurs miniers, les intervenants
n’ont pas, au cours des entrevues, signalé ces secteurs,
dont l’analyse complète dépasserait le cadre
de ces travaux. Nous présentons donc un bref sommaire de
chacun de ces obstacles ci-dessous.
3.3.1 Obstacles dans le secteur
forestier
Illustration 1.
Obstacles dans le secteur forestier
![](/web/20061209072453im_/http://www.nrtee-trnee.ca/images/content/programs/Nature/200407_AlPac-Case-Study/AlPAC-CS-3-Figure1_F.gif)
Droits de coupe
Les droits de coupe sont des droits versés
au gouvernement en fonction du volume. Le bien-fondé des
droits de coupe consiste à restituer au public certains des
bénéfices des ressources qui se trouvent sur les terres
publiques, et à assumer le coût des activités
de gestion forestière. Les droits de coupe basés sur
le volume posent un problème : ils encouragent l’écrémage
de la ressource; en d’autres termes, les entreprises prennent
le meilleur bois et laissent la fibre de qualité inférieure
derrière elles. L’écrémage entraîne
ainsi la perturbation d’une superficie totale plus importante
de la forêt pour obtenir la même quantité de
fibres. Idéalement, le taux des droits de coupe devrait être
lié à la qualité du bois. En Alberta, les droits
de coupe sont une réaction à l’utilisation finale
et aussi, en partie, à la qualité. Toutefois, ils
demeurent basés sur le volume et, en théorie, entraînent
une utilisation inefficace du bois.
Récolte liée aux usines
et objectifs d’emploi
Le gouvernement restreint la manière dont
la récolte est utilisée par la voie de normes d’«
appurtenancy ». Les normes d’ « appurtenancy »
exigent que les fibres soient récoltées dans certaines
zones pour être liées aux usines et pour remplir des
objectifs d’emploi local. Par conséquent, la quantité
de fibres et la manière dont elle est utilisée ne
correspondent pas à la véritable valeur marchande
de la fibre, qui n’est peut-être pas attribuée
à son exploitation la plus noble et à meilleur escient.
En outre, les EGF exigent que la fibre soit coupée, même
si cela n’est pas économique, pour respecter les objectifs
d’emploi. Dans la mesure où la fibre est sous-évaluée,
les exigences d’« appurtenancy » entraînent
une augmentation des taux de récolte et une surexploitation
du territoire pour le bois par rapport à son potentiel économique.
Exigences de type « à prendre
ou à laisser » dans les ZGF
Les détenteurs des ZGF se voient garantir
des droits de possibilité annuelle de coupe uniquement s’ils
les utilisent. En d’autres termes, ils doivent récolter
les volumes de bois fixés, s’ils ne veulent pas être
pénalisés. L’exigence de type « à
prendre ou à laisser » s’applique beaucoup de
la même manière que les exigences d’« appurtenancy
» d’un point de vue économique. En d’autres
termes, le taux de récolte n’est pas directement lié
à la valeur économique des activités de récolte.
En outre, l’exigence de type « à prendre ou à
laisser » crée une incertitude pour les gestionnaires
du territoire qui veulent respecter des objectifs de conservation,
surtout lorsqu’il s’agit de fixer les points de repère
écologiques. Les gestionnaires du territoire ont l’impression
que le gouvernement pourrait contester leurs investissements dans
le capital naturel en fonction de cette exigence.
Restrictions relatives à la contiguïté
Les gouvernements provinciaux réglementent
les méthodes de récolte en restreignant la taille
des zones de récolte, la répartition spatiale de récolte
par la voie d’exigences de contiguïté, et même
les cadres temporels des récoltes par la voie de diverses
exigences de rétention variable et de récolte par
étapes multiples. La plupart de ces restrictions ont été
établies en réaction aux préoccupations que
suscitait la durabilité dans les zones aménagées
et pour gérer la qualité visuelle. Toutefois, on ne
sait pas très bien si ces restrictions présentent
véritablement un avantage écologique. Tout particulièrement,
elles encouragent une gestion extensive plutôt qu’intensive
des terres, et elles exigent l’exploitation d’une superficie
plus grande pour obtenir la même quantité de fibres.
Ainsi, elles réduisent les possibilités de maintenir
les points de repère écologique et les résultats
écologiques qui sont sensibles à la perturbation linéaire.
Politique de rendement soutenu
Le rendement soutenu est le principe qui s’applique
à la définition de la possibilité annuelle
de coupe (PAC). Il s’agit ici d’assurer un approvisionnement
continu de bois, et ce à perpétuité. Pour assurer
une PAC constante, les forêts qui présentent des répartitions
de classes d’âge hétérogènes sont
réduites à des forêts « ordinaires »
avec des peuplements d’âge égal. Les forêts
ordinaires se distinguent par une répartition égale
parmi les classes d’âge de peuplements du même
âge jusqu’à l’âge de rotation. Tous
les peuplements anciens sont récoltés le plus vite
possible, et la terre est réinvestie sous la forme de matériel
sur pied. Le principe du rendement soutenu s’oppose à
la gestion de la biodiversité des écosystèmes,
qui mise sur l’hétérogénéité
des caractéristiques des forêts et sur le maintien
du peuplement ancien.
Évaluation du dommage causé
au bois
L’évaluation du dommage causé
au bois s’applique au bois éliminé au cours
de l’exploration et de l’exploitation des ressources
énergétiques, et cette somme est payée aux
détenteurs d’EGF ou au gouvernement pour les dommages
causés aux ressources ligneuses. Les indemnités pour
les dommages causés au bois, qui sont énoncées
dans les tableaux de TDA, sont basées sur les moyennes de
valeur du bois calculées lors des ventes aux enchères
publiques de bois. La TDA n’est pas liée à la
valeur des peuplements en tant que capital naturel, et ne représente
guère plus le coût découlant de la réduction
des options offertes aux gestionnaires de terres forestières
pour gérer le capital naturel. Enfin, la TDA ne tient pas
nécessairement compte de la perte de PAC et des frais liés
à la mutation vers un calendrier optimal de récolte
découlant de la perte de bois. La valeur des efforts de gestion
forestière pour les détenteurs de ZGF est réduite
si la TDA sous-estime systématiquement la valeur de la fibre.
3.3.2 Obstacles dans le secteur énergétique
La réglementation du secteur énergétique
a pour but de maximiser la valeur des ressources souterraines. En
même temps, les prix pour les produits du pétrole et
du gaz naturel sont fixés sur les marchés mondiaux
et ne tiennent pas compte des compromis environnementaux à
l’échelon local. Le système fiscal a pour but
de stimuler l’exploration et de maximiser les recettes du
secteur public, mais ne tient pas compte des dommages causés
aux ressources à ciel ouvert. Nous exposons ci-dessous certains
des principaux obstacles à la conservation du capital naturel
dans le secteur énergétique.
Illustration 2. Obstacles dans le secteur
énergétique
![](/web/20061209072453im_/http://www.nrtee-trnee.ca/images/content/programs/Nature/200407_AlPac-Case-Study/AlPAC-CS-3-Figure2_F.gif)
Amortissement accéléré
et réduction du taux des redevances pour l’expansion
des sables bitumineux
Dans le cadre de l’amortissement accéléré,
les sociétés pétrolières et gazières
peuvent réduire leurs impôts courants en encourant
des frais d’exploitation et en payant des impôts plus
élevés plus tard, lorsqu’elles réaliseront
un « profit ». Ces programmes incitent ainsi les sociétés
à continuer d’investir dans l’exploration afin
de tirer parti de l’amortissement accéléré,
et elles accélèrent artificiellement le rythme de
l’exploration et de l’exploitation. La mutation dans
le présent des débouchés de développement
à venir nuit à la gestion des écosystèmes,
et pousse à une homogénéisation accrue de l’âge
des peuplements.
Les investissements dans les sables bitumineux font
l’objet de concessions fiscales importantes, qui permettent
aux entreprises de défrayer tous les coûts d’immobilisations
pour un projet avant de payer un impôt fédéral
sur le profit généré par ce projet. L’avantage
de ce dégrèvement fiscal pour les entreprises est
de 5 à 40 millions de dollars pour chaque milliard de dollars
investi. Le système fiscal et le système de redevances
qui s’appliquent aux sables bitumineux sont beaucoup plus
généreux que celui qui s’applique à l’exploitation
traditionnelle du pétrole et du gaz. Comme les sables bitumineux
créent trois fois le niveau d’émissions de GES
par rapport aux sources conventionnelles, les subventions différentielles
donnent également lieu à un mélange inefficace
de sources d’énergie non renouvelable (Bureau du Vérificateur
général, 2000).
D’autres subventions du secteur énergétique
risquent aussi de créer des incitatifs abusifs envers le
maintien du capital naturel. Il s’agit entre autres d’investissements
directs dans les sociétés, de prêts, de remises
d’impôts et de frais d’exportation, et de l’hypothèse
de pertes et de passif possible pour le gouvernement. Le gouvernement
fédéral a consacré 2,8 milliards de dollars
d’investissements et de prêts dans le secteur de l’énergie
non renouvelable (Bureau du Vérificateur général,
2000). Ces subventions donnent lieu à un mélange inefficace
de sources d’énergie renouvelable et non renouvelable,
et elles encouragent l’exploration dans des domaines qui sont
marginaux sur le plan économique, et qui pourraient offrir
une valeur écologique importante.
Évaluation du dommage causé
au bois
Les intervenants ont expliqué que la TDA n’a
pas besoin d’être dépensée au profit de
la remise en état de l’empreinte du secteur énergétique.
Les ententes EGF comportent des clauses qui spécifient qu’une
indemnisation financière reçue par un titulaire d’EGF
par des sociétés énergétiques «
ne pourra servir qu’à compenser les dommages aux aménagements
tels que plantations, routes, ponts ou autres équipements,
et à remplacer la ressource ligneuse perdue » par la
voie d’une gestion forestière intensive, l’achat
de bois, etc. (voir paragraphe 8 de l’article 6 de l’EGF
d’Al-Pac). Toutefois, les entreprises forestières peuvent
également permettre qu’une partie de l’empreinte
énergétique soit classée comme insuffisamment
boisée et qu’elle soit retirée du territoire
productif. Le secteur énergétique entrevoit l’objectif
de la TDA comme servant à la gestion de l’empreinte
du secteur énergétique, tandis que les titulaires
d’EGF y voient un moyen de compenser la perte de fibres. Le
secteur énergétique a exprimé quelques craintes
que la TDA ne soit pas affectée précisément
à la remise en état des forêts.
Exigences imposées aux concessions
d’exploitation du pétrole et du gaz naturel
Dans le domaine énergétique, les aliénations
pour l’exploitation traditionnelle du pétrole et du
gaz naturel sont mises aux enchères par le gouvernement de
l’Alberta tous les quinze jours. Une fois les aliénations
accordées, les sociétés d’exploitation
énergétique entament des pourparlers avec le titulaire
de l’EGF pour avoir accès au territoire. En général,
les concessions d’exploitation du pétrole et du gaz
naturel doivent réaliser leur objectif en moins de cinq ans.
Le manque de planification préalable à la tenure pour
accorder les aliénations dans le secteur énergétique
et l’échéancier de cinq ans pour l’exploitation
viennent freiner la capacité des gestionnaires de territoires
forestiers d’intégrer les activités d’exploitation
pétrolière et gazière dans leurs plans de gestion
forestière détaillés d’une manière
qui minimise les incidences environnementales. En outre, la contrainte
de temps entraîne parfois l’achèvement de certaines
concessions avant que ce ne soit optimal sur le plan économique.
Par ailleurs, l’exigence de cinq ans empêche les entreprises
de détenir des ressources sans produire, et réduit
éventuellement leur compétitivité. L’effet
réel des exigences imposées aux concessions d’exploitation
du pétrole et du gaz naturel exige un examen plus poussé
pour déterminer si les modifications aux exigences d’aliénation
pourraient améliorer la planification des incidences environnementales
sans réduire la compétitivité du secteur.
Accès à l’eau
Les processus d’extraction du mazout lourd
exigent des quantités d’eau importantes. L’eau
n’est ni tarifée ni négociée, et elle
est actuellement attribuée selon le principe du premier arrivé,
premier servi. Par conséquent, les entreprises ne sont nullement
incitées à ménager l’eau lorsqu’elles
exploitent leurs ressources, et elles sont plutôt incitées
à être les premières sur la liste pour obtenir
des droits d’utilisation d’eau. Le système d’affectation
ne prévoit aucun incitatif à protéger les besoins
en débit des cours d’eau ni à attribuer l’eau
selon son usage le plus noble et le meilleur.
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