Étude de cas sur la
conservation en Abitibi
(frontière Québec-Ontario)
ArborVitae Environmental Services
Boldon Group
Alexandre Boursier
Lorne Johnson
Thomas Stubbs
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Cette étude de cas a été commandée
comme recherche de base pour La Conservation du capital naturel
du Canada: Le programme de la forêt boréale.
Les opinions exprimées dans l’étude de
cas sont celles des auteurs et ne représentent pas
nécessairement celles de la Table ronde nationale,
de ses membres ou des membres du Groupe de travail du programme.
21 juillet 2004
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Résumé
Par son programme intitulé Conservation du
patrimoine naturel du Canada : la forêt boréale, la
Table ronde nationale sur l’environnement et l’économie
(TRNEE) étudie la manière de faire progresser la cause
de la conservation au sein des paysages terrestres fonctionnels
de l’ensemble de la forêt boréale canadienne.
L’étude de cas sur l’Abitibi constitue l’une
des trois études réalisées sur la forêt
boréale du Canada. L’idée de réaliser
un programme consacré à la forêt boréale
a été suscitée par le programme de la TRNEE
sur la Conservation du patrimoine naturel du Canada visant à
faire le point sur l’état de la conservation et à
cerner les principaux enjeux et possibilités dans ce domaine
à l’échelle nationale.
L’Abitibi comprend le nord-ouest du Québec
et le nord-est de l’Ontario. Elle englobe de vastes parcelles
de terrains principalement boisés se situant sur la limite
nord des zones d’exploitation forestière commerciale
de la région ou proches de celles-ci. L’Abitibi est
aussi reconnue mondialement comme un centre minier et compte de
nombreuses mines et sociétés minières réputées,
comme Noranda, Falconbridge (détenue à 59 % par Noranda)
et Placer Dome. La région est très dépendante
de ses ressources naturelles, ce qui a créé un contexte
économique où de nombreux postes sont très
bien rémunérés, où l’emploi est
en baisse et où il n’existe que peu de débouchés
en dehors des secteurs de l’exploitation des ressources naturelles.
Par conséquent, les populations des principales communautés
autres qu’autochtones a baissé de 8 % de 1996 à
2001. En revanche, la population des communautés autochtones
croît, mais le nombre de leurs résidents ne représente
qu’environ 5 % du total régional.
L’Abitibi a toujours été très
dépendante des ressources naturelles. Elle était située
sur une route de commerce de la fourrure importante à la
fin du XVIIe siècle et, au cours du siècle dernier,
elle a fourni des produits de la forêt, des minerais et de
l’hydroélectricité. L’aménagement
forestier a certainement changé au cours de cette période,
car l’approche actuelle visant la gestion durable des forêts
a prédominé au cours de la dernière décennie.
La forêt existante représente le résultat net
de perturbations humaines et naturelles qui ont agi comme contrepoids
à la croissance de ses peuplements.
Même si l’étude de cas a été
presque également divisée entre le Québec et
l’Ontario, un grand nombre des observations et des recommandations
valent pour l’ensemble de la région visée par
cette étude de cas. La conclusion peut-être la plus
étonnante est que, bien que la forêt ait été
exploitée à l’échelle industrielle tout
au long du siècle dernier, l’écosystème
forestier se révèle dans l’ensemble sain. Le
principal sujet d’inquiétude au plan de la conservation
concerne le caribou des forêts, désigné comme
une espèce menacée en vertu du système de cotation
du Comité sur la situation des espèces en péril
au Canada (COSEPAC). Le caribou est une espèce dite «
parapluie », c’est-à-dire qu’en assurant
sa conservation, on protège du même coup de nombreuses
autres espèces et valeurs. Les caribous sont très
sensibles à la présence de l’homme. Au fur et
à mesure de l’expansion et de l’intensification
de l’utilisation de la forêt par l’homme, leur
aire de distribution géographique s’est repliée
vers le nord, et leurs populations ont diminué. L’accès
à leur habitat est un facteur critique, car il permet aux
prédateurs naturels et aux humains de les chasser plus facilement
et accroît ainsi la présence humaine. L’élaboration
et la mise en place d’une stratégie efficace de conservation
du caribou auraient un impact considérable sur la gestion
actuelle et les niveaux de récolte du bois d’œuvre.
Peu d’efforts ont été consacrés
à la gestion du caribou et à l’élaboration
d’une stratégie de conservation en raison des obstacles
généraux liés à la conservation dans
la région sous étude. Les consultants ont constaté
qu’il n’existait aucune initiative conjointe entre les
deux provinces pour gérer le caribou, même si l’espèce
dispose d’une vaste aire de distribution géographique
et traverse constamment la frontière entre l’Ontario
et le Québec. Seule la Forêt modèle du lac Abitibi
a mené à des recherches sur le caribou et d’autres
sujets à l’échelle des paysages terrestres,
auxquelles ont participé des chercheurs des deux provinces.
Au Québec, la planification de l’aménagement
forestier à l’échelle des paysages terrestres
et les efforts de conservation du caribou sont presque inexistants.
En Ontario, bien que des méthodes de planification à
l’échelle des paysages terrestres aient été
élaborées et mises en œuvre, des lignes directrices
en matière de conservation du caribou ont été
formulées uniquement pour la partie nord-ouest de la province,
et ne sont pas applicables, ni appliquées, dans la partie
nord-est.
Dans les deux provinces, il n’existe aucun aménagement
régional du territoire permettant d’intégrer
et d’équilibrer à grande échelle les
diverses affectations des terres. Un tel processus contribuerait
à protéger le caribou, car il mènerait à
l’élaboration d’un réseau de routes bien
planifié, polyvalent, ainsi qu’au repérage des
régions éloignées ou dépourvues de chemins
d’accès, réseau qui serait susceptible d’évoluer
avec le temps en fonction du paysage terrestre. Un processus régional
d’aménagement du territoire intégré permettrait
aussi de prendre en compte les effets cumulatifs de l’ensemble
des utilisateurs sur une longue période de temps. Un tel
processus pourrait aussi améliorer la cohésion du
réseau régional des zones protégées,
car moins de 3 % des zones de la région visée par
l’étude de cas sont protégées. Les zones
protégées devraient constituer une composante majeure
de tout système de gestion durable des forêts; or,
nous observons qu’il existe trop peu de zones protégées
en Abitibi pour servir cette fin. (Cette affirmation doit être
nuancée par la constatation que Patrimoine vital de l’Ontario
a fait passer à 12 % la proportion d’aires protégées
pour l’ensemble de la province, et que le Québec s’apprête
à ajouter des zones protégées, dont certaines
sont situées en Abitibi; toutefois, la région sous
étude est assez vaste, d’où cette observation.)
L’élaboration d’une stratégie
de conservation du caribou fournirait aussi l’occasion d’aborder
le problème du manque de ressources au sein des ministères
chargés de l’aménagement des ressources naturelles
du Québec et de l’Ontario. Le manque de ressources,
conjugué aux lacunes dans les compétences inhérentes
à de nombreuses communautés autochtones et à
leur réticence à participer à un cadre d’aménagement
des ressources naturelles, dont beaucoup considèrent qu’il
ne respecte pas leurs valeurs et leurs droits, sape le potentiel
d’élaboration et de mise en place d’une stratégie
d’ensemble en matière de conservation.
Alors que l’extinction du caribou constitue
une menace écologique évidente et imminente tant et
aussi longtemps que les méthodes actuelles ne seront pas
révisées, un certain nombre de tendances et d’événements
permettent de garder l’espoir. L’importance croissante
de la part prise par la certification des forêts est l’un
des plus marquants de ces événements. Les plus grandes
sociétés forestières d’Abitibi se sont
engagées à faire certifier leurs activités,
et l’Ontario a récemment annoncé qu’il
exigera la certification de tous les titulaires de permis, d’ici
à 2007. Les sociétés et les gouvernements devront
ainsi adopter des méthodes qui seront davantage axées
sur la conservation. Les gouvernements provinciaux et les petites
et moyennes sociétés forestières devront ainsi
faire leur part. Au Québec, le gouvernement provincial a
signé des ententes de principe historiques avec les Cris
de la baie James (vivant au nord de la région visée
par la présente étude de cas) et une entente plus
précise avec les Algonquins vivant au sud de l’Abitibi.
Ces ententes pourraient servir de précédents et inciter
les Premières nations dans l’Abitibi québécois
à conclure des ententes analogues. (En Ontario, aucune entente
de ce type n’a encore été signée, et
nulle ne paraît imminente.)
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