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Étude de cas sur la conservation en Abitibi
(frontière Québec-Ontario)

ArborVitae Environmental Services
Boldon Group
Alexandre Boursier
Lorne Johnson
Thomas Stubbs


Cette étude de cas a été commandée comme recherche de base pour La Conservation du capital naturel du Canada: Le programme de la forêt boréale. Les opinions exprimées dans l’étude de cas sont celles des auteurs et ne représentent pas nécessairement celles de la Table ronde nationale, de ses membres ou des membres du Groupe de travail du programme.

21 juillet 2004

2 Région sous étude, principaux intervenants et contexte touchant l’aménagement de l’espace

Le nom « Abitibi » provient d’une expression crie et ojibway qui signifie « là où les eaux se divisent » (halfway water), faisant référence au lieu où est situé le lac Abitibi, soit à mi-chemin entre la baie James et la rivière des Outaouais (Marsh 2000). Le nom évoque aussi la richesse de l’histoire de cette région au cours de la période de la traite des fourrures. Jusqu’à aujourd’hui, l’économie de la région continue d’être dominée par le secteur primaire.

La région sous étude est coupée en deux par la frontière entre le Québec et l’Ontario, et établit les délimitations des municipalités, des zones d’aménagement de la faune et de la forêt et des districts du gouvernement provincial. Chaque province possède son propre système de réglementation et, même s’il existe des similitudes entre les exigences et les pratiques de chaque côté de la frontière, les différences sont plus nombreuses et marquées. Par conséquent, les recherches réalisées en vertu de l’étude de cas sont divisées en deux domaines d’investigation : le Québec et l’Ontario.

2.1 Caractéristiques physiographiques

L’Abitibi-Témiscamingue (appelée « Abitibi » dans ce rapport) est située dans la partie nord-est de l’Ontario et nord-ouest du Québec; toutefois, il n’existe aucune définition généralement acceptée de cette région. Certaines personnes interrogées estiment que la Clay Belt (ou vaste ceinture d’argile) pourrait être considérée comme l’Abitibi. Il existe aussi une formation géologique connue sous le nom d’Abitibi ainsi que plusieurs zones administratives en Abitibi, principalement du côté québécois. Le lac Abitibi chevauche la frontière entre le Québec et l’Ontario, et la Forêt modèle du lac Abitibi occupe une région importante au nord d’Iroquois Falls, jouxtant la frontière du Québec, et s’étendant presque jusqu’à Cochrane à l’ouest.

Nous avons choisi de diviser notre région d’étude en région centrale et en région étendue. La plupart des gens, sinon tous, considèrent la région centrale comme formant partie intégrante de l’Abitibi. La région étendue comporte un grand nombre des caractéristiques de l’Abitibi, mais peut ne pas correspondre à d’autres définitions de la région. Dans la figure 1, la région centrale est indiquée comme la région délimitée par la ligne en tiret gras, alors que la région étendue se situe entre la région centrale et la ligne en pointillé. La région centrale comprend environ 350 km d’est en ouest, et 250 km du nord au sud, ce qui représente une superficie totale de près de 8,75 millions d’hectares. En comprenant la région étendue, les dimensions sont environ de 500 km sur 400 km, pour une superficie totale de 22 millions d’hectares.

Notre étude porte sur la région centrale, et c’est sur celle-ci qu’ont été réalisées nos recherches et les entrevues avec les résidents. Lorsque nous étions confrontés à des questions touchant la région étendue, nous les avons creusées tout en constatant qu’en général elles existaient aussi sous une forme ou une autre dans la région centrale.

L’Abitibi présente un relief principalement plat puisqu’elle constitua le fond du lac Barlow-Ojibway, qui s’est formé au cours du retrait du glacier Wisconsin, il y a environ 9 000 ans. Des dépôts profonds d’argile, de limon, de sable et de longs eskers se sont accumulés au cours de cette période. La topographie plate empêche le drainage de la région, et certaines zones possèdent des sols organiques mouilleux à frais qui favorisent la pousse de l’épinette noire, du mélèze et du cèdre. Le tremble, le bouleau gris et le pin gris prévalent dans les zones de plus haute altitude, souvent en combinaison, mais quelquefois en peuplement pur.

Les rivières Abitibi et Mattagami coulent vers le nord à travers la section ontarienne de la région centrale. Plus à l’ouest, dans la région étendue, se trouve le lac Mattagami, alimenté par les rivières Mattagami et Groundhog. Au Québec, la rivière Harricana, la plus importante de la région, se jette dans la baie James. Il existe un réseau serré de rivières plus petites dans la partie québécoise de la région sous étude. Le lac Abitibi présente l’intérêt de posséder une profondeur de 3 mètres (FMLA 2003).

Figure 1. Carte de la région de l’Abitibi sous étude

2.2 Caractéristiques sociales

La région centrale comprend les communautés de Timmins, d’Iroquois Falls, de La Sarre et de Rouyn-Noranda. Elle descend vers Kirkland Lake et vers une région un peu au nord de Témiscaming au Québec. Le Tableau 1 indique huit des plus grandes communautés dans la région centrale de l’Abitibi, ainsi que leurs populations en 1996 et en 2001. Timmins est la communauté la plus importante de la région, mais la population totale située dans la partie québécoise de l’Abitibi est plus importante que dans le secteur ontarien, les principales communautés et d’une façon générale. Le Tableau 1 montre aussi que les huit communautés ont perdu entre 4 et 13 % de leur population entre 1996 et 2001. Le déclin moyen pour l’ensemble de la région était de 7,8 %, avec des déclins analogues au Québec et en Ontario, chacune des communautés les plus importantes connaissant une perte d’environ 8 %.

Tableau 1. Déclin de la population dans les principales communautés d’Abitibi

Communauté Pop. en 1996 Pop. en 2001 Perte Variation en %
Timmins 47 499 43 686 3 813 - 8,0
Cochrane 5 955 5 690 265 - 4,5
Iroquois Falls 5 714 5 217 497 - 8,7
Kirkland Lake 9 905 8 616 1 289 - 3,0
Rouyn-Noranda 30 936 28 270 2 666 - 8,6
Val d’Or 24 479 22 748 1 731 - 7,1
La Sarre 8 345 7 728 617 - 7,4
Amos 13 632 13 044 588 - 4,3
TOTAL 146 465 134 999 11 466 - 7,8

Figure 2. Comparaison des populations par classe d’âge à Timmins et à Rouyn-Noranda en 1996 et en 2001

La figure 2 établit une comparaison entre les populations combinées par classe d’âge de Timmins et de Rouyn-Noranda en 1996 et en 2001. Cette figure montre clairement que les déclins de population se situent autour de la classe d’âge des 25 à 44 ans, alors que des hausses ont été enregistrées pour les classes d’âge plus avancé. Ce qui indique que nombreuses sont les personnes qui partent en début de carrière professionnelle, en raison du manque de perspectives d’emploi.

L’accès à cette région est assuré par des routes importantes. La route 101 pénètre dans le Québec et longe la frontière de l’Ontario, puis file vers le nord à partir de Notre-Dame-du-Nord pour couper la route 117 (la route 66 en Ontario) reliant Rouyn-Noranda à Kirkland Lake. Plus au nord, la route 101 (en Ontario) est orientée d’est en ouest et devient la route 388 au Québec. Cette route relie Timmins et Matheson à Duparquet. En Ontario, la route 11 est l’axe nord-sud principal traversant la région; à partir de New Liskeard, elle se dirige vers le nord-ouest en passant par Cochrane, d’où elle s’étire surtout vers l’ouest.

La région sous étude correspond au territoire traditionnel des Algonquins – les Cris étant situés au nord. En Ontario, les Premières nations sont signataires du Traité 9, négocié en 1906 en réponse à des pétitions des Cris et des Ojibway. En revanche, aucun traité n’a été signé dans le nord-ouest du Québec (ni dans la majeure partie du Québec). Comme l’indique le Tableau 2, il existe trois communautés des Premières nations algonquines dans la partie québécoise de l’Abitibi – Pikogan, Kitcisakik et Lac-Simon – qui enregistrent une population combinée de 1 795. La superficie totale des communautés est de 426 hectares (deux réserves, un peuplement). Il y a 712 Algonquins issus de ces trois villages qui vivent en dehors de leur communauté, ce qui donne une population autochtone totale de 2 507 Algonquins. En Ontario, il existe quatre communautés autochtones, toutes situées dans des réserves indiennes. Les données sur la population demeurent incomplètes. New Post est une réserve crie et les autres sont algonquines.

Tableau 2. Croissance de la population dans les principales communautés des Premières nations de l’Abitibi

Communauté Prov. Population en 1996 Population en 2001 Variation Variation en %
Pikogan QC 446 482 36 8,1
Kitcisakik QC 215 204 - 11 - 5,1
Lac-Simon QC 927 1 109 182 19,6
Abitibi (IR 70) ON 92 127 35 38,0
Flying Post (IR 73) ON s/o s/o s/o s/o
Matachewan (IR 72) ON 53 61 8 15,1
New Post (IR 69) ON s/o s/o s/o s/o
TOTAL   1 733 1 983 250 14,4

Source : Les populations algonquines de l’Abitibi-Témiscamingue [en ligne]. Données accessibles à l’adresse suivante : www.observat.qc.ca/Portraits/Portrait%20des%20autochtones%20en%20Abitibi-T%C3%A9miscamingue.doc [site consulté le 31 mars 2004].

Kitcisakik Anicinape Aki est une petite communauté des Premières nations vivant dans le parc provincial de La Vérendrye, situé au sud de la région sous étude. Les habitants de Kitcisakik sont considérés par certains comme des « squatters » qui s’opposent à ce qu’on les déplace dans une réserve. Ils continuent à vivre dans leur territoire traditionnel; toutefois, comme ils ne possèdent pas de statut officiel, ils n’ont pas accès à des ressources financières pour des services de base comme le logement, l’approvisionnement en eau, l’assainissement, l’éducation locale et une base économique durable. Kitcisakik planifie l’édification d’une nouvelle communauté par une approche d’ensemble respectueuse des traditions. Cette collectivité s’occupe aussi de la gestion des ressources naturelles de leur territoire traditionnel en visant un développement socioéconomique durable. Un comité de foresterie nouvellement constitué participe à des processus d’aménagement du territoire, notamment des consultations sur un plan d’aménagement forestier et une étude universitaire tentant de définir la notion de foresterie autochtone.

2.3 Caractéristiques économiques

L’Abitibi possède une longue et fière histoire d’utilisation des ressources naturelles. Avant l’arrivée des Européens, les peuples autochtones dépendaient entièrement de la nature pour leur subsistance. En 1670, la Compagnie de la Baie d’Hudson a été fondée et, en 15 ans, a pu établir des postes de traite importants dans les embouchures des principaux fleuves se jetant dans les baies d’Hudson et James. Le lac Abitibi abritait un poste de traite établi en 1686 par le chevalier de Troyes (Marsh 2000). Les fleuves et lacs allongés offraient un accès aux commerçants et aux trappeurs dans le nord de l’Ontario et du Québec, dont l’Abitibi, et constituaient une longue route de connexion jusqu’à Montréal. Même si le piégeage fournissait encore certains bénéfices économiques aux habitants de l’Abitibi, le siècle passé a été témoin de l’expansion d’une économie industrielle dans la région.

Aujourd’hui, l’exploitation minière, la foresterie et le tourisme ainsi que les activités de loisirs constituent les principaux secteurs non institutionnels dans la région. Timmins est devenue le centre régional du nord-est de l’Ontario, et Rouyn-Noranda (formé de la fusion de deux communautés séparées en 1986) constitue la principale collectivité du nord-ouest du Québec. Timmins, Val-d’Or et Rouyn-Noranda sont des centres miniers mondialement connus.

2.3.1 Exploitation minière

L’Abitibi a longtemps été connue pour sa richesse en minerais. Une carte intitulée Carte des Lacs du Canada, publiée en 1744, indiquait un lieu appelé l’Ance à la Mine sur le côté est du lac Témiscamingue (www.science.uwaterloo.ca/earth/waton/s002.html), qui abritait un gisement de galène riche en argent. Plus de 150 ans plus tard, William Logan, qui établissait des cartes pour la Commission géologique du Canada, a découvert un filon de minerai de cobalt sur le rivage du lac Témiscamingue, à environ 2 km au sud de Haileybury.

Le secteur minier, toutefois, ne s’est pas développé avant que le peuplement de la région ne soit favorisé par l’arrivée du chemin de fer à Témiscaming en 1903, et le jalonnement de nombreuses concessions minières sur des gisements d’argent à Cobalt, cette année-là, a suscité un afflux de colons. L’année d’après, le gisement d’argent de William Logan est devenu la mine Agaunico. Des villes comme Cobalt, Haileybury et New Liskeard ont connu une croissance rapide. Le boom minier s’est étendu à Elk Lake (1906), à Gowganda ainsi qu’à Larder Lake (1907) et à Kirkland Lake en 1911. En 1909, les mines d’or Dome et Hollinger ont été découvertes, suivies peu après de la mine McIntyre. Ces trois mines ont soutenu l’établissement et le développement de Timmins.

En 1917, un prospecteur du nom d’Edmund Horne a découvert un gisement de minerais prometteur à l’emplacement actuel de Rouyn-Noranda, mais la mine n’a pas été construite et n’est pas entrée en exploitation avant 1926. La mine était petite, et les conditions de son exploitation, difficiles. C’est à l’occasion de l’effondrement d’un ascenseur en 1928, qu’un gigantesque corps minéralisé a été découvert, ce qui a permis l’expansion de la société minière Noranda.

Les riches gisements miniers de la région sont typiques de formations géologiques connues sous le nom de ceintures de « roches vertes », constituées de zones de roches très anciennes qui se sont métamorphosées sous l’effet de certaines conditions de pression et de température pour donner d’importants minéraux verts (Downey 2001). Certaines des plus vieilles roches qu’on puisse trouver sur notre planète se trouvent dans les ceintures de roches vertes, et la géologie est souvent très complexe. Les ceintures de roches vertes renferment une teneur élevée en minerais comme l’or, l’argent, le cuivre, le fer, le chrome, le nickel, le manganèse, le baryum et autres métaux associés. La ceinture de roches vertes de l’Abitibi, qui s’étend dans la majeure partie de la région sous étude, est parsemée de nombreuses mines produisant de l’or, de l’argent, du cuivre et de l’étain. De nouvelles mines sont encore créées à l’heure actuelle, et Falconbridge est sur le point de faire entrer sa mine Montcalm en production d’ici un an à peu près.

Compte tenu de son long passé d’exploitation minière et de la petite échelle à laquelle de nombreuses activités minières étaient exercées, l’Abitibi est parsemée de nombreux sites miniers orphelins ou abandonnés. Ils font actuellement l’objet d’une évaluation par le truchement de processus nationaux (par ex. l’initiative nationale pour les mines orphelines ou abandonnées) et d’efforts à l’échelle provinciale au Québec et en Ontario, destinés à cerner les répercussions éventuelles sur l’environnement de ces sites, et à établir entre eux une priorité aux fins de réclamation ou d’atténuation des impacts.

La région demeure un important centre de production, et les activités minières se sont intensifiées en raison de l’augmentation récente du prix des minerais. En 1998, la région administrative d’Abitibi-Témiscamingue au Québec a produit 66,4 millions de kilogrammes de cuivre (ce qui représente 10 % de la production canadienne), 27,4 millions de grammes d’or (16,6 % de la production nationale) et 60 millions d’argent (5,5 %) [statistiques du gouvernement du Québec]. L’exploitation minière dans la région administrative de l’Abitibi-Témiscamingue au Québec a soutenu 3 458 emplois directs en 1998, soit 6,5 % de tous les emplois à temps complet (soit 57 300) dans la région. À Timmins en 1996, il y avait 3 615 emplois reliés à l’exploitation minière, ce qui correspond à 15,8 % de la main-d’œuvre locale (www.city.timmins.on.ca/tables.pdf).

2.3.2 Hydroélectricité

Une grande quantité d’hydroélectricité est générée par un bon nombre de barrages ou d’installations de régularisation des eaux en Abitibi. Nombreuses sont celles qui sont administrées par des compagnies d’électricité provinciales comme Hydro-Québec et Ontario Power Generation, même si des sociétés privées comme Brascan ont récemment fait l’acquisition d’installations de production d’électricité.

Le document George et al. (1995) raconte comment les ressources d’énergie hydraulique situées dans la partie ontarienne de la région sous étude ont été, à l’origine, exploitées par les sociétés forestières et minières, entre 1911 (date de la construction de Sandy Falls par Hollinger Mines sur la rivière Mattagami au sud de Timmins) et le milieu des années 1930; soit avant que la compagnie d’électricité provinciale ne vienne dominer le secteur de la production et de la distribution de l’électricité. Les sociétés forestières comme Abitibi-Consolidated (anciennement connue sous le nom d’Abitibi Power and Paper Co.) ont également possédé des droits de production d’électricité pendant près d’un siècle. Le long de la rivière Abitibi, il existe des barrages hydroélectriques sur les lacs Fredrickhouse, Watabeag et Abitibi, et des centrales électriques à Otter Rapids, à Abitibi Canyon et au lac Dasserat. Le long de la rivière Mattagami, des barrages existent sur les lacs Horwood, Mattagami, Peter Long et Minisinakwa. Des centrales ont été construites à Kipling, à Little Long, à Harmon ainsi qu’à Smoky Falls au nord de Kapuskasing, alors que la région de Timmins possède les centrales de Little Sturgeon, de Wawaitin et de Sandy Falls.

Dans les années 1960, la capacité de production d’énergie de la région a pris de l’expansion, et au cours des années 1990, Ontario Hydro a tenté d’intensifier cet essor. Toutefois, l’opposition des groupes des Premières nations ainsi que d’autres intervenants a bloqué ces efforts.

Dans la partie québécoise de l’Abitibi, la production d’hydroélectricité provient de quelques dizaines de barrages, dont cinq sont détenus et exploités par Hydro-Québec, mais représentent 93 % de la production. Ces cinq barrages sont tous situés dans la région étendue sous étude, à la frontière de l’Abitibi-Témiscamingue. Hydro-Québec a récemment amorcé un projet à phases multiples visant la modernisation complète de deux de ses plus anciennes centrales de 48 MW afin d’améliorer leur fiabilité et leur capacité de production. Les centrales Rapide-2 et Rapide-7, construites dans les années 1940 et 1950, font partie d’une succession de centrales au fil de l’eau situées en Abitibi-Témiscamingue sur la rivière des Outaouais.

2.3.3 Foresterie

La majeure partie de l’Abitibi est boisée ; par conséquent, la production commerciale de bois d’œuvre et la transformation de produits forestiers y sont des activités économiques importantes. En raison de la nature des forêts dans la région, la production de pâtes et papiers constitue la principale activité forestière.

Les premières activités de transformation des produits forestiers se sont développées en même temps que celles de l’hydroélectricité parce que les usines de pâtes et papiers, et les communautés qui s’étaient construites autour d’elles, devaient consommer une grande quantité d’énergie. Par exemple, l’usine d’Iroquois Falls a été construite au même moment que le barrage d’Iroquois Falls en 1914. Il s’agit de l’usine de pâtes et papiers la plus ancienne de la région sous étude. D’autres anciennes usines étaient situées à Smooth Rock Falls, Kapuskasing, Timmins et Témiscaming. En 1925, Abitibi Power and Paper Co. a acquis le barrage d’Island Falls (construit par Hollinger Mines). L’expansion du chemin de fer était aussi une autre nécessité; dès 1915, on dénombrait au moins trois lignes de chemin de fer dans la région (George et al. 1995).

Comme il fallait s’y attendre, les forêts de la région ont été modelées par presque 90 années d’exploitation forestière et d’activités humaines nécessitant un accès intensif à celles-ci, conjuguées à des incendies (en raison notamment du chemin de fer) et des activités de défense contre les incendies exercées après la Seconde Guerre mondiale. Aujourd’hui, les options en matière d’aménagement forestier sont conditionnées par les décisions et les pratiques en vigueur il y a un demi-siècle (par ex. l’emplacement du bois d’œuvre marchand par rapport à l’emplacement d’une usine de pâtes et papiers). Bien qu’il soit possible de modifier les pratiques touchant la forêt, il faut des décennies pour changer la forêt ou l’infrastructure sur laquelle repose l’industrie forestière.

Au Québec, Témiscaming et La Sarre constituent d’importantes communautés forestières, alors qu’en Ontario, les villes de Timmins, de Cochrane, d’Englehart et d’Iroquois Falls abritent de grandes usines de pâtes et papiers. Abitibi-Consolidated possède un permis d’exploitation forestière, à long terme, qui lui permet de gérer la forêt située dans la plus grande partie de la région centrale de l’Ontario sous étude, alors que Tembec dispose de permis dans la portion québécoise de la région centrale sous étude et dans la région étendue ontarienne. Il existe plusieurs utilisateurs importants de feuillus, notamment des producteurs de panneaux OSB Norbord (La Sarre et Val-d’Or) et Grant Forest Products (Timmins et Englehart), ainsi que de nombreux exploitants de scieries de moindre importance et d’usines fabriquant du bois de placage ainsi que des producteurs de matériaux spécialisés.

La ville de Timmins rapporte que la foresterie, l’exploitation forestière et la production de bois d’œuvre représentent 1 780 emplois (www.city.timmins.on.ca/tables.pdf) ; la FMLA (1999) indique que Norbord emploie 250 personnes à Cochrane, tandis qu’Abitibi-Consolidated fournit du travail à 800 personnes à Iroquois Falls (ce qui donne 65 millions de dollars en revenus et bénéfices). En Abitibi-Témiscamingue, la foresterie emploie 1 300 personnes (statistiques du gouvernement du Québec).

2.3.4 Agriculture

Au sud de la région sous étude, dans les environs de Témiscaming au Québec, et de New Liskeard et de Kirkland Lake, en Ontario, règne une activité agricole intense. Le recensement agricole de 2001 a enregistré 810 exploitations agricoles couvrant, au total, 200 000 hectares en Abitibi-Témiscamingue–Nord-du-Québec; dans le district de Cochrane, situé au coeur de l’Abitibi, on compte 204 exploitations agricoles couvrant approximativement 31 000 hectares. Dans le district de Timiskaming de la partie ontarienne de la région, 532 exploitations agricoles couvrent 87 000 hectares. Ces trois régions recensées comprennent la totalité de la région centrale sous étude et entre 75 et 80 % de la région étendue. Si l’on omet la petite partie de la région étendue qui n’a pas été considérée par le recensement, nous estimons que la superficie totale des terres agricoles comprises dans la région, principale et étendue, est d’environ 318 000 hectares, soit 1,5 % de la totalité de la région sous étude.

Deux raisons expliquent pourquoi l’étude de cas n’examinera pas le secteur agricole : (a) il est assez restreint, et son impact demeure en grande partie local, et ; (b) il n’est pas en expansion, de sorte que la pression exercée pour obtenir des changements dans l’utilisation du sol provenant du secteur de l’agriculture s’avère négligeable, voire nulle. Par exemple, la ville de Timmins a rapporté que l’agriculture, la pêche et le piégeage généraient collectivement 100 emplois (www.city.timmins.on.ca/tables.pdf), ce qui représente 0,4 % de la main-d’œuvre totale.

2.3.5 Tourisme et récréation

Le tourisme et les activités de loisirs constituent une utilisation importante de la forêt de l’Abitibi. Les habitants de la région pratiquent la pêche, la chasse, le canoë-kayak, la motoneige et d’autres activités reliées à la forêt. Un réseau local de pistes de motoneige est relié au système de sentiers national et possède de nombreux hôtels pour accueillir les motoneigistes. L’été, ces pistes peuvent être utilisées par des véhicules tout-terrain (VTT). De nombreux habitants de la région estiment que celle-ci offre une excellente qualité de vie, qui constitue une compensation plus que suffisante pour les enjeux économiques auxquels elle est confrontée. En revanche, la région n’est pas généralement connue pour le tourisme nature puisqu’elle ne possède aucun parc présentant « un intérêt au plan touristique », et qu’elle est située loin des principales agglomérations. Toutefois, elle possède un grand nombre de lacs et de rivières, et ses zones éloignées restent faciles d’accès.

Malheureusement, les statistiques en matière d’emploi et de revenus pour le secteur du tourisme sont rares (Statistique Canada n’établit pas de distinction entre le tourisme relié à la forêt et le tourisme en général, y compris les déplacements d’affaires). Le site web touristique de l’Abitibi-Témiscamingue dénombre 23 pourvoyeurs en Abitibi-Témiscamingue du Québec et quatre zecs1 . Il existe aussi, dans cette région, 26 hôtels, motels et auberges qui desservent des visiteurs de toutes catégories. Toutefois, le tourisme est l’un des quelques secteurs en croissance dans la région (voir par ex. FMLA 1999). Il offre un potentiel de croissance additionnelle étant donné que la région est relativement éloignée, qu’elle présente des services touristiques peu développés et un intérêt certain sur le plan de l’histoire et de la culture.

En outre, une société privée a fait la promotion du tourisme dans la région nord-est de l’Ontario auprès des francophones du Québec, qui ignorent souvent que cette région est également francophone. Certaines entreprises offrent des forfaits ciblant des clients qui parlent français.

2.3.6 Situation de l’emploi dans le secteur des ressources naturelles

Les secteurs reliés aux ressources naturelles représentent une grande partie de l’emploi en Abitibi. Le Tableau 3 illustre la situation de l’emploi par principal secteur industriel en 2001 pour les communautés d’importance situées dans la région visée par l’étude de cas sur l’Abitibi. Même si le tableau ne présente pas un degré de détail optimal, on remarque que la plupart des emplois du secteur agricole et de ceux reliés aux ressources naturelles proviennent de l’exploitation minière et de la foresterie, et relativement peu de l’agriculture. Les travailleurs des fonderies et d’autres installations de traitement des minerais, ainsi que ceux des usines de transformation du bois, figurent dans les secteurs de la construction et des industries manufacturières. Si l’on déduit, de manière approximative, le nombre d’emplois dans l’agriculture et la construction, les données indiquent qu’environ 20 % des travailleurs dépendent directement des secteurs de l’exploitation minière et de la foresterie, avec un niveau encore plus élevé pour l’emploi, indirect ou induit, provenant de l’exploitation minière et forestière.

Tableau 3. Situation de l’emploi par principal secteur industriel dans la région visée par l’étude de cas (en 2001)

Secteur Emplois %
Agriculture et autres secteurs liés aux ressources naturelles 10 785 13,48
Ind. manufacturière et construction 11 560 14,44
Finances et immobilier 2 920 3,65
Commerce de gros et de détail 14 135 17,66
Santé et éducation 15 100 18,87
Services aux entreprises 10 715 13,39
Autres services 14 820 18,52
TOTAL 80 035  

Données provenant de Statistique Canada

Compte tenu de l’information (incomplète) fournie, ci-dessus, pour chaque secteur, l’exploitation minière emploie au moins 7 000 personnes, et la foresterie fournit du travail à au moins 4 000 autres personnes.

2.4 Juridiction

Nous avons repéré très peu d’institutions ou d’organismes dont la compétence dépassait les frontières. Même si le droit fédéral est le même pour toute la région, le fait que les ressources naturelles appartiennent aux provinces et que la responsabilité de leur gestion incombe à ces dernières réduit de manière substantielle le rôle du gouvernement fédéral. Certaines des sociétés les plus importantes, comme Tembec, Abitibi-Consolidated, Domtar, Falconbridge et Noranda, exercent leurs activités des deux côtés de la frontière. Toutefois, leur organisation interne reflète souvent les différences entre les juridictions. L’organisme Forêt modèle du lac Abitibi (FMLA), dont le territoire central a une superficie de 1,2 million d’hectares en Ontario, a entrepris un certain nombre d’études d’envergure régionale, auxquelles participent des organismes au Québec et en Ontario. Mis à part le gouvernement fédéral, cet organisme est celui dont l’envergure est la plus régionale.

La forêt modèle du lac Abitibi

La forêt modèle du lac Abitibi est l’une des 11 forêts modèles au Canada. Les forêts modèles visent à présenter des approches à la fois excellentes et innovatrices en matière de gestion durable des forêts. Elles ont été à l’origine créées en 1992 dans le cadre du Plan vert du Canada. Le financement provient de Ressources naturelles Canada sur des périodes de planification de cinq ans. Toutefois, les forêts modèles jouissent d’un haut degré d’autonomie. Les trois objectifs visés par la FMLA, qui peuvent être consultés sur le site web de la FMLA (www.lamf.net), touchent à la durabilité de la forêt, à la mise en application de pratiques sur le terrain et à la participation du public dans le processus de prise de décisions. La FMLA a été l’élément moteur de l’élaboration et de la généralisation d’un système de coupe partielle approprié à la ceinture d’argile. Son organisme a financé des projets importants sur plusieurs années en matière d’indicateurs locaux de gestion durable de la forêt, de vieux peuplements et de biodiversité, d’historique des feux et de dynamique des paysages, d’évaluation des communautés halieutiques, des associations à un habitat des oiseaux chanteurs des forêts, de l’habitat de la martre, et de l’utilisation de l’habitat par le caribou des forêts dans le nord-est de l’Ontario et dans le nord-ouest du Québec.

Les ministères concernés des gouvernements du Québec et de l’Ontario possèdent une organisation semblable. Le Tableau 4 indique les ministères et leurs domaines de responsabilité de chaque côté de la frontière. Le ministère clé en matière de gestion de la forêt est le ministère des Ressources naturelles, de la faune et des parcs du Québec (MRNFP), tandis que le ministère des Richesses naturelles (MRN) joue ce rôle en Ontario.

Tableau 4. Ministères concernés des gouvernements provinciaux

Domaine de gestion ou de réglementation Gouvernement du Québec Gouvernement de l’Ontario
Forêt Ministère des Ressources naturelles, de la Faune et des Parcs Ministère des Richesses naturelles
Faune Ministère des Ressources naturelles, de la Faune et des Parcs Ministère des Richesses naturelles
Accès Tous les ministères Tous les ministères
Exploitation minière Ministère des Ressources naturelles, de la Faune et des Parcs Ministère du Développement du Nord et des Mines
Tourisme et loisirs Tourisme Québec; ministère des Ressources naturelles, de la Faune et des Parcs Ministère du Tourisme et des Loisirs; ministère du Développement du Nord et des Mines; Ministère des Richesses naturelles
Qualité de l’eau* Ministère de l’Environnement; Ministère des Ressources naturelles, de la Faune et des Parcs Ministère de l’Environnement

* Le ministère fédéral des Pêches et des Océans exerce un rôle majeur en matière de réglementation des eaux navigables.