Étude de cas sur la
conservation en Abitibi
(frontière Québec-Ontario)
ArborVitae Environmental Services
Boldon Group
Alexandre Boursier
Lorne Johnson
Thomas Stubbs
|
|
Cette étude de cas a été commandée
comme recherche de base pour La Conservation du capital naturel
du Canada: Le programme de la forêt boréale.
Les opinions exprimées dans l’étude de
cas sont celles des auteurs et ne représentent pas
nécessairement celles de la Table ronde nationale,
de ses membres ou des membres du Groupe de travail du programme.
21 juillet 2004
|
2 Région sous étude, principaux
intervenants et contexte touchant l’aménagement de
l’espace
Le nom « Abitibi
» provient d’une expression crie et ojibway qui signifie
« là où les eaux se divisent » (halfway
water), faisant référence au lieu où est situé
le lac Abitibi, soit à mi-chemin entre la baie James et la
rivière des Outaouais (Marsh 2000). Le nom évoque
aussi la richesse de l’histoire de cette région au
cours de la période de la traite des fourrures. Jusqu’à
aujourd’hui, l’économie de la région continue
d’être dominée par le secteur primaire.
La région sous étude est coupée
en deux par la frontière entre le Québec et l’Ontario,
et établit les délimitations des municipalités,
des zones d’aménagement de la faune et de la forêt
et des districts du gouvernement provincial. Chaque province possède
son propre système de réglementation et, même
s’il existe des similitudes entre les exigences et les pratiques
de chaque côté de la frontière, les différences
sont plus nombreuses et marquées. Par conséquent,
les recherches réalisées en vertu de l’étude
de cas sont divisées en deux domaines d’investigation
: le Québec et l’Ontario.
2.1 Caractéristiques
physiographiques
L’Abitibi-Témiscamingue (appelée
« Abitibi » dans ce rapport) est située dans
la partie nord-est de l’Ontario et nord-ouest du Québec;
toutefois, il n’existe aucune définition généralement
acceptée de cette région. Certaines personnes interrogées
estiment que la Clay Belt (ou vaste ceinture d’argile) pourrait
être considérée comme l’Abitibi. Il existe
aussi une formation géologique connue sous le nom d’Abitibi
ainsi que plusieurs zones administratives en Abitibi, principalement
du côté québécois. Le lac Abitibi chevauche
la frontière entre le Québec et l’Ontario, et
la Forêt modèle du lac Abitibi occupe une région
importante au nord d’Iroquois Falls, jouxtant la frontière
du Québec, et s’étendant presque jusqu’à
Cochrane à l’ouest.
Nous avons choisi de diviser notre région d’étude
en région centrale et en région étendue. La
plupart des gens, sinon tous, considèrent la région
centrale comme formant partie intégrante de l’Abitibi.
La région étendue comporte un grand nombre des caractéristiques
de l’Abitibi, mais peut ne pas correspondre à d’autres
définitions de la région. Dans la figure 1, la région
centrale est indiquée comme la région délimitée
par la ligne en tiret gras, alors que la région étendue
se situe entre la région centrale et la ligne en pointillé.
La région centrale comprend environ 350 km d’est en
ouest, et 250 km du nord au sud, ce qui représente une superficie
totale de près de 8,75 millions d’hectares. En comprenant
la région étendue, les dimensions sont environ de
500 km sur 400 km, pour une superficie totale de 22 millions d’hectares.
Notre étude porte sur la région centrale,
et c’est sur celle-ci qu’ont été réalisées
nos recherches et les entrevues avec les résidents. Lorsque
nous étions confrontés à des questions touchant
la région étendue, nous les avons creusées
tout en constatant qu’en général elles existaient
aussi sous une forme ou une autre dans la région centrale.
L’Abitibi présente un relief principalement
plat puisqu’elle constitua le fond du lac Barlow-Ojibway,
qui s’est formé au cours du retrait du glacier Wisconsin,
il y a environ 9 000 ans. Des dépôts profonds d’argile,
de limon, de sable et de longs eskers se sont accumulés au
cours de cette période. La topographie plate empêche
le drainage de la région, et certaines zones possèdent
des sols organiques mouilleux à frais qui favorisent la pousse
de l’épinette noire, du mélèze et du
cèdre. Le tremble, le bouleau gris et le pin gris prévalent
dans les zones de plus haute altitude, souvent en combinaison, mais
quelquefois en peuplement pur.
Les rivières Abitibi et Mattagami coulent vers
le nord à travers la section ontarienne de la région
centrale. Plus à l’ouest, dans la région étendue,
se trouve le lac Mattagami, alimenté par les rivières
Mattagami et Groundhog. Au Québec, la rivière Harricana,
la plus importante de la région, se jette dans la baie James.
Il existe un réseau serré de rivières plus
petites dans la partie québécoise de la région
sous étude. Le lac Abitibi présente l’intérêt
de posséder une profondeur de 3 mètres (FMLA 2003).
Figure 1. Carte de la région
de l’Abitibi sous étude
2.2 Caractéristiques
sociales
La région centrale comprend les communautés
de Timmins, d’Iroquois Falls, de La Sarre et de Rouyn-Noranda.
Elle descend vers Kirkland Lake et vers une région un peu
au nord de Témiscaming au Québec. Le Tableau 1 indique
huit des plus grandes communautés dans la région centrale
de l’Abitibi, ainsi que leurs populations en 1996 et en 2001.
Timmins est la communauté la plus importante de la région,
mais la population totale située dans la partie québécoise
de l’Abitibi est plus importante que dans le secteur ontarien,
les principales communautés et d’une façon générale.
Le Tableau 1 montre aussi que les huit communautés ont perdu
entre 4 et 13 % de leur population entre 1996 et 2001. Le déclin
moyen pour l’ensemble de la région était de
7,8 %, avec des déclins analogues au Québec et en
Ontario, chacune des communautés les plus importantes connaissant
une perte d’environ 8 %.
Tableau 1. Déclin de la population
dans les principales communautés d’Abitibi
Communauté |
Pop.
en 1996 |
Pop.
en 2001 |
Perte |
Variation
en % |
Timmins |
47
499 |
43
686 |
3
813 |
-
8,0 |
Cochrane |
5
955 |
5
690 |
265 |
-
4,5 |
Iroquois
Falls |
5
714 |
5
217 |
497 |
-
8,7 |
Kirkland
Lake |
9
905 |
8
616 |
1
289 |
-
3,0 |
Rouyn-Noranda |
30
936 |
28
270 |
2
666 |
-
8,6 |
Val
d’Or |
24
479 |
22
748 |
1
731 |
-
7,1 |
La
Sarre |
8
345 |
7
728 |
617 |
-
7,4 |
Amos |
13
632 |
13
044 |
588 |
-
4,3 |
TOTAL |
146
465 |
134
999 |
11
466 |
-
7,8 |
Figure 2. Comparaison des populations
par classe d’âge à Timmins et à Rouyn-Noranda
en 1996 et en 2001
La figure 2 établit une comparaison entre les
populations combinées par classe d’âge de Timmins
et de Rouyn-Noranda en 1996 et en 2001. Cette figure montre clairement
que les déclins de population se situent autour de la classe
d’âge des 25 à 44 ans, alors que des hausses
ont été enregistrées pour les classes d’âge
plus avancé. Ce qui indique que nombreuses sont les personnes
qui partent en début de carrière professionnelle,
en raison du manque de perspectives d’emploi.
L’accès à cette région
est assuré par des routes importantes. La route 101 pénètre
dans le Québec et longe la frontière de l’Ontario,
puis file vers le nord à partir de Notre-Dame-du-Nord pour
couper la route 117 (la route 66 en Ontario) reliant Rouyn-Noranda
à Kirkland Lake. Plus au nord, la route 101 (en Ontario)
est orientée d’est en ouest et devient la route 388
au Québec. Cette route relie Timmins et Matheson à
Duparquet. En Ontario, la route 11 est l’axe nord-sud principal
traversant la région; à partir de New Liskeard, elle
se dirige vers le nord-ouest en passant par Cochrane, d’où
elle s’étire surtout vers l’ouest.
La région sous étude correspond au territoire
traditionnel des Algonquins – les Cris étant situés
au nord. En Ontario, les Premières nations sont signataires
du Traité 9, négocié en 1906 en réponse
à des pétitions des Cris et des Ojibway. En revanche,
aucun traité n’a été signé dans
le nord-ouest du Québec (ni dans la majeure partie du Québec).
Comme l’indique le Tableau 2, il existe trois communautés
des Premières nations algonquines dans la partie québécoise
de l’Abitibi – Pikogan, Kitcisakik et Lac-Simon –
qui enregistrent une population combinée de 1 795. La superficie
totale des communautés est de 426 hectares (deux réserves,
un peuplement). Il y a 712 Algonquins issus de ces trois villages
qui vivent en dehors de leur communauté, ce qui donne une
population autochtone totale de 2 507 Algonquins. En Ontario, il
existe quatre communautés autochtones, toutes situées
dans des réserves indiennes. Les données sur la population
demeurent incomplètes. New Post est une réserve crie
et les autres sont algonquines.
Tableau 2. Croissance de la population dans
les principales communautés des Premières nations
de l’Abitibi
Communauté |
Prov. |
Population
en 1996 |
Population
en 2001 |
Variation |
Variation
en % |
Pikogan |
QC |
446 |
482 |
36 |
8,1 |
Kitcisakik |
QC |
215 |
204 |
-
11 |
-
5,1 |
Lac-Simon |
QC |
927 |
1
109 |
182 |
19,6 |
Abitibi
(IR 70) |
ON |
92 |
127 |
35 |
38,0 |
Flying
Post (IR 73) |
ON |
s/o |
s/o |
s/o |
s/o |
Matachewan
(IR 72) |
ON |
53 |
61 |
8 |
15,1 |
New
Post (IR 69) |
ON |
s/o |
s/o |
s/o |
s/o |
TOTAL |
|
1
733 |
1
983 |
250 |
14,4 |
Source : Les populations algonquines de l’Abitibi-Témiscamingue
[en ligne]. Données accessibles à l’adresse
suivante : www.observat.qc.ca/Portraits/Portrait%20des%20autochtones%20en%20Abitibi-T%C3%A9miscamingue.doc
[site consulté le 31 mars 2004].
Kitcisakik Anicinape Aki est une petite communauté
des Premières nations vivant dans le parc provincial de La
Vérendrye, situé au sud de la région sous étude.
Les habitants de Kitcisakik sont considérés par certains
comme des « squatters » qui s’opposent à
ce qu’on les déplace dans une réserve. Ils continuent
à vivre dans leur territoire traditionnel; toutefois, comme
ils ne possèdent pas de statut officiel, ils n’ont
pas accès à des ressources financières pour
des services de base comme le logement, l’approvisionnement
en eau, l’assainissement, l’éducation locale
et une base économique durable. Kitcisakik planifie l’édification
d’une nouvelle communauté par une approche d’ensemble
respectueuse des traditions. Cette collectivité s’occupe
aussi de la gestion des ressources naturelles de leur territoire
traditionnel en visant un développement socioéconomique
durable. Un comité de foresterie nouvellement constitué
participe à des processus d’aménagement du territoire,
notamment des consultations sur un plan d’aménagement
forestier et une étude universitaire tentant de définir
la notion de foresterie autochtone.
2.3 Caractéristiques
économiques
L’Abitibi possède une longue et fière
histoire d’utilisation des ressources naturelles. Avant l’arrivée
des Européens, les peuples autochtones dépendaient
entièrement de la nature pour leur subsistance. En 1670,
la Compagnie de la Baie d’Hudson a été fondée
et, en 15 ans, a pu établir des postes de traite importants
dans les embouchures des principaux fleuves se jetant dans les baies
d’Hudson et James. Le lac Abitibi abritait un poste de traite
établi en 1686 par le chevalier de Troyes (Marsh 2000). Les
fleuves et lacs allongés offraient un accès aux commerçants
et aux trappeurs dans le nord de l’Ontario et du Québec,
dont l’Abitibi, et constituaient une longue route de connexion
jusqu’à Montréal. Même si le piégeage
fournissait encore certains bénéfices économiques
aux habitants de l’Abitibi, le siècle passé
a été témoin de l’expansion d’une
économie industrielle dans la région.
Aujourd’hui, l’exploitation minière,
la foresterie et le tourisme ainsi que les activités de loisirs
constituent les principaux secteurs non institutionnels dans la
région. Timmins est devenue le centre régional du
nord-est de l’Ontario, et Rouyn-Noranda (formé de la
fusion de deux communautés séparées en 1986)
constitue la principale collectivité du nord-ouest du Québec.
Timmins, Val-d’Or et Rouyn-Noranda sont des centres miniers
mondialement connus.
2.3.1 Exploitation
minière
L’Abitibi a longtemps été connue
pour sa richesse en minerais. Une carte intitulée Carte des
Lacs du Canada, publiée en 1744, indiquait un lieu appelé
l’Ance à la Mine sur le côté est du lac
Témiscamingue (www.science.uwaterloo.ca/earth/waton/s002.html),
qui abritait un gisement de galène riche en argent. Plus
de 150 ans plus tard, William Logan, qui établissait des
cartes pour la Commission géologique du Canada, a découvert
un filon de minerai de cobalt sur le rivage du lac Témiscamingue,
à environ 2 km au sud de Haileybury.
Le secteur minier, toutefois, ne s’est pas développé
avant que le peuplement de la région ne soit favorisé
par l’arrivée du chemin de fer à Témiscaming
en 1903, et le jalonnement de nombreuses concessions minières
sur des gisements d’argent à Cobalt, cette année-là,
a suscité un afflux de colons. L’année d’après,
le gisement d’argent de William Logan est devenu la mine Agaunico.
Des villes comme Cobalt, Haileybury et New Liskeard ont connu une
croissance rapide. Le boom minier s’est étendu à
Elk Lake (1906), à Gowganda ainsi qu’à Larder
Lake (1907) et à Kirkland Lake en 1911. En 1909, les mines
d’or Dome et Hollinger ont été découvertes,
suivies peu après de la mine McIntyre. Ces trois mines ont
soutenu l’établissement et le développement
de Timmins.
En 1917, un prospecteur du nom d’Edmund Horne
a découvert un gisement de minerais prometteur à l’emplacement
actuel de Rouyn-Noranda, mais la mine n’a pas été
construite et n’est pas entrée en exploitation avant
1926. La mine était petite, et les conditions de son exploitation,
difficiles. C’est à l’occasion de l’effondrement
d’un ascenseur en 1928, qu’un gigantesque corps minéralisé
a été découvert, ce qui a permis l’expansion
de la société minière Noranda.
Les riches gisements miniers de la région sont
typiques de formations géologiques connues sous le nom de
ceintures de « roches vertes », constituées de
zones de roches très anciennes qui se sont métamorphosées
sous l’effet de certaines conditions de pression et de température
pour donner d’importants minéraux verts (Downey 2001).
Certaines des plus vieilles roches qu’on puisse trouver sur
notre planète se trouvent dans les ceintures de roches vertes,
et la géologie est souvent très complexe. Les ceintures
de roches vertes renferment une teneur élevée en minerais
comme l’or, l’argent, le cuivre, le fer, le chrome,
le nickel, le manganèse, le baryum et autres métaux
associés. La ceinture de roches vertes de l’Abitibi,
qui s’étend dans la majeure partie de la région
sous étude, est parsemée de nombreuses mines produisant
de l’or, de l’argent, du cuivre et de l’étain.
De nouvelles mines sont encore créées à l’heure
actuelle, et Falconbridge est sur le point de faire entrer sa mine
Montcalm en production d’ici un an à peu près.
Compte tenu de son long passé d’exploitation
minière et de la petite échelle à laquelle
de nombreuses activités minières étaient exercées,
l’Abitibi est parsemée de nombreux sites miniers orphelins
ou abandonnés. Ils font actuellement l’objet d’une
évaluation par le truchement de processus nationaux (par
ex. l’initiative nationale pour les mines orphelines ou abandonnées)
et d’efforts à l’échelle provinciale au
Québec et en Ontario, destinés à cerner les
répercussions éventuelles sur l’environnement
de ces sites, et à établir entre eux une priorité
aux fins de réclamation ou d’atténuation des
impacts.
La région demeure un important centre de production,
et les activités minières se sont intensifiées
en raison de l’augmentation récente du prix des minerais.
En 1998, la région administrative d’Abitibi-Témiscamingue
au Québec a produit 66,4 millions de kilogrammes de cuivre
(ce qui représente 10 % de la production canadienne), 27,4
millions de grammes d’or (16,6 % de la production nationale)
et 60 millions d’argent (5,5 %) [statistiques du gouvernement
du Québec]. L’exploitation minière dans la région
administrative de l’Abitibi-Témiscamingue au Québec
a soutenu 3 458 emplois directs en 1998, soit 6,5 % de tous les
emplois à temps complet (soit 57 300) dans la région.
À Timmins en 1996, il y avait 3 615 emplois reliés
à l’exploitation minière, ce qui correspond
à 15,8 % de la main-d’œuvre locale (www.city.timmins.on.ca/tables.pdf).
2.3.2 Hydroélectricité
Une grande quantité d’hydroélectricité
est générée par un bon nombre de barrages ou
d’installations de régularisation des eaux en Abitibi.
Nombreuses sont celles qui sont administrées par des compagnies
d’électricité provinciales comme Hydro-Québec
et Ontario Power Generation, même si des sociétés
privées comme Brascan ont récemment fait l’acquisition
d’installations de production d’électricité.
Le document George et al. (1995) raconte comment les
ressources d’énergie hydraulique situées dans
la partie ontarienne de la région sous étude ont été,
à l’origine, exploitées par les sociétés
forestières et minières, entre 1911 (date de la construction
de Sandy Falls par Hollinger Mines sur la rivière Mattagami
au sud de Timmins) et le milieu des années 1930; soit avant
que la compagnie d’électricité provinciale ne
vienne dominer le secteur de la production et de la distribution
de l’électricité. Les sociétés
forestières comme Abitibi-Consolidated (anciennement connue
sous le nom d’Abitibi Power and Paper Co.) ont également
possédé des droits de production d’électricité
pendant près d’un siècle. Le long de la rivière
Abitibi, il existe des barrages hydroélectriques sur les
lacs Fredrickhouse, Watabeag et Abitibi, et des centrales électriques
à Otter Rapids, à Abitibi Canyon et au lac Dasserat.
Le long de la rivière Mattagami, des barrages existent sur
les lacs Horwood, Mattagami, Peter Long et Minisinakwa. Des centrales
ont été construites à Kipling, à Little
Long, à Harmon ainsi qu’à Smoky Falls au nord
de Kapuskasing, alors que la région de Timmins possède
les centrales de Little Sturgeon, de Wawaitin et de Sandy Falls.
Dans les années 1960, la capacité de
production d’énergie de la région a pris de
l’expansion, et au cours des années 1990, Ontario Hydro
a tenté d’intensifier cet essor. Toutefois, l’opposition
des groupes des Premières nations ainsi que d’autres
intervenants a bloqué ces efforts.
Dans la partie québécoise de l’Abitibi,
la production d’hydroélectricité provient de
quelques dizaines de barrages, dont cinq sont détenus et
exploités par Hydro-Québec, mais représentent
93 % de la production. Ces cinq barrages sont tous situés
dans la région étendue sous étude, à
la frontière de l’Abitibi-Témiscamingue. Hydro-Québec
a récemment amorcé un projet à phases multiples
visant la modernisation complète de deux de ses plus anciennes
centrales de 48 MW afin d’améliorer leur fiabilité
et leur capacité de production. Les centrales Rapide-2 et
Rapide-7, construites dans les années 1940 et 1950, font
partie d’une succession de centrales au fil de l’eau
situées en Abitibi-Témiscamingue sur la rivière
des Outaouais.
2.3.3 Foresterie
La majeure partie de l’Abitibi est boisée
; par conséquent, la production commerciale de bois d’œuvre
et la transformation de produits forestiers y sont des activités
économiques importantes. En raison de la nature des forêts
dans la région, la production de pâtes et papiers constitue
la principale activité forestière.
Les premières activités de transformation
des produits forestiers se sont développées en même
temps que celles de l’hydroélectricité parce
que les usines de pâtes et papiers, et les communautés
qui s’étaient construites autour d’elles, devaient
consommer une grande quantité d’énergie. Par
exemple, l’usine d’Iroquois Falls a été
construite au même moment que le barrage d’Iroquois
Falls en 1914. Il s’agit de l’usine de pâtes et
papiers la plus ancienne de la région sous étude.
D’autres anciennes usines étaient situées à
Smooth Rock Falls, Kapuskasing, Timmins et Témiscaming. En
1925, Abitibi Power and Paper Co. a acquis le barrage d’Island
Falls (construit par Hollinger Mines). L’expansion du chemin
de fer était aussi une autre nécessité; dès
1915, on dénombrait au moins trois lignes de chemin de fer
dans la région (George et al. 1995).
Comme il fallait s’y attendre, les forêts
de la région ont été modelées par presque
90 années d’exploitation forestière et d’activités
humaines nécessitant un accès intensif à celles-ci,
conjuguées à des incendies (en raison notamment du
chemin de fer) et des activités de défense contre
les incendies exercées après la Seconde Guerre mondiale.
Aujourd’hui, les options en matière d’aménagement
forestier sont conditionnées par les décisions et
les pratiques en vigueur il y a un demi-siècle (par ex. l’emplacement
du bois d’œuvre marchand par rapport à l’emplacement
d’une usine de pâtes et papiers). Bien qu’il soit
possible de modifier les pratiques touchant la forêt, il faut
des décennies pour changer la forêt ou l’infrastructure
sur laquelle repose l’industrie forestière.
Au Québec, Témiscaming et La Sarre constituent
d’importantes communautés forestières, alors
qu’en Ontario, les villes de Timmins, de Cochrane, d’Englehart
et d’Iroquois Falls abritent de grandes usines de pâtes
et papiers. Abitibi-Consolidated possède un permis d’exploitation
forestière, à long terme, qui lui permet de gérer
la forêt située dans la plus grande partie de la région
centrale de l’Ontario sous étude, alors que Tembec
dispose de permis dans la portion québécoise de la
région centrale sous étude et dans la région
étendue ontarienne. Il existe plusieurs utilisateurs importants
de feuillus, notamment des producteurs de panneaux OSB Norbord (La
Sarre et Val-d’Or) et Grant Forest Products (Timmins et Englehart),
ainsi que de nombreux exploitants de scieries de moindre importance
et d’usines fabriquant du bois de placage ainsi que des producteurs
de matériaux spécialisés.
La ville de Timmins rapporte que la foresterie, l’exploitation
forestière et la production de bois d’œuvre représentent
1 780 emplois (www.city.timmins.on.ca/tables.pdf) ; la FMLA (1999)
indique que Norbord emploie 250 personnes à Cochrane, tandis
qu’Abitibi-Consolidated fournit du travail à 800 personnes
à Iroquois Falls (ce qui donne 65 millions de dollars en
revenus et bénéfices). En Abitibi-Témiscamingue,
la foresterie emploie 1 300 personnes (statistiques du gouvernement
du Québec).
2.3.4 Agriculture
Au sud de la région sous étude, dans
les environs de Témiscaming au Québec, et de New Liskeard
et de Kirkland Lake, en Ontario, règne une activité
agricole intense. Le recensement agricole de 2001 a enregistré
810 exploitations agricoles couvrant, au total, 200 000 hectares
en Abitibi-Témiscamingue–Nord-du-Québec; dans
le district de Cochrane, situé au coeur de l’Abitibi,
on compte 204 exploitations agricoles couvrant approximativement
31 000 hectares. Dans le district de Timiskaming de la partie ontarienne
de la région, 532 exploitations agricoles couvrent 87 000
hectares. Ces trois régions recensées comprennent
la totalité de la région centrale sous étude
et entre 75 et 80 % de la région étendue. Si l’on
omet la petite partie de la région étendue qui n’a
pas été considérée par le recensement,
nous estimons que la superficie totale des terres agricoles comprises
dans la région, principale et étendue, est d’environ
318 000 hectares, soit 1,5 % de la totalité de la région
sous étude.
Deux raisons expliquent pourquoi l’étude
de cas n’examinera pas le secteur agricole : (a) il est assez
restreint, et son impact demeure en grande partie local, et ; (b)
il n’est pas en expansion, de sorte que la pression exercée
pour obtenir des changements dans l’utilisation du sol provenant
du secteur de l’agriculture s’avère négligeable,
voire nulle. Par exemple, la ville de Timmins a rapporté
que l’agriculture, la pêche et le piégeage généraient
collectivement 100 emplois (www.city.timmins.on.ca/tables.pdf),
ce qui représente 0,4 % de la main-d’œuvre totale.
2.3.5 Tourisme et
récréation
Le tourisme et les activités de loisirs constituent
une utilisation importante de la forêt de l’Abitibi.
Les habitants de la région pratiquent la pêche, la
chasse, le canoë-kayak, la motoneige et d’autres activités
reliées à la forêt. Un réseau local de
pistes de motoneige est relié au système de sentiers
national et possède de nombreux hôtels pour accueillir
les motoneigistes. L’été, ces pistes peuvent
être utilisées par des véhicules tout-terrain
(VTT). De nombreux habitants de la région estiment que celle-ci
offre une excellente qualité de vie, qui constitue une compensation
plus que suffisante pour les enjeux économiques auxquels
elle est confrontée. En revanche, la région n’est
pas généralement connue pour le tourisme nature puisqu’elle
ne possède aucun parc présentant « un intérêt
au plan touristique », et qu’elle est située
loin des principales agglomérations. Toutefois, elle possède
un grand nombre de lacs et de rivières, et ses zones éloignées
restent faciles d’accès.
Malheureusement, les statistiques en matière
d’emploi et de revenus pour le secteur du tourisme sont rares
(Statistique Canada n’établit pas de distinction entre
le tourisme relié à la forêt et le tourisme
en général, y compris les déplacements d’affaires).
Le site web touristique de l’Abitibi-Témiscamingue
dénombre 23 pourvoyeurs en Abitibi-Témiscamingue du
Québec et quatre zecs1
. Il existe aussi, dans cette région, 26 hôtels, motels
et auberges qui desservent des visiteurs de toutes catégories.
Toutefois, le tourisme est l’un des quelques secteurs en croissance
dans la région (voir par ex. FMLA 1999). Il offre un potentiel
de croissance additionnelle étant donné que la région
est relativement éloignée, qu’elle présente
des services touristiques peu développés et un intérêt
certain sur le plan de l’histoire et de la culture.
En outre, une société privée
a fait la promotion du tourisme dans la région nord-est de
l’Ontario auprès des francophones du Québec,
qui ignorent souvent que cette région est également
francophone. Certaines entreprises offrent des forfaits ciblant
des clients qui parlent français.
2.3.6 Situation
de l’emploi dans le secteur des ressources naturelles
Les secteurs reliés aux ressources naturelles
représentent une grande partie de l’emploi en Abitibi.
Le Tableau 3 illustre la situation de l’emploi par principal
secteur industriel en 2001 pour les communautés d’importance
situées dans la région visée par l’étude
de cas sur l’Abitibi. Même si le tableau ne présente
pas un degré de détail optimal, on remarque que la
plupart des emplois du secteur agricole et de ceux reliés
aux ressources naturelles proviennent de l’exploitation minière
et de la foresterie, et relativement peu de l’agriculture.
Les travailleurs des fonderies et d’autres installations de
traitement des minerais, ainsi que ceux des usines de transformation
du bois, figurent dans les secteurs de la construction et des industries
manufacturières. Si l’on déduit, de manière
approximative, le nombre d’emplois dans l’agriculture
et la construction, les données indiquent qu’environ
20 % des travailleurs dépendent directement des secteurs
de l’exploitation minière et de la foresterie, avec
un niveau encore plus élevé pour l’emploi, indirect
ou induit, provenant de l’exploitation minière et forestière.
Tableau 3. Situation de l’emploi par principal
secteur industriel dans la région visée par l’étude
de cas (en 2001)
Secteur |
Emplois |
% |
Agriculture et autres secteurs liés aux
ressources naturelles |
10
785 |
13,48 |
Ind. manufacturière et construction |
11
560 |
14,44 |
Finances et immobilier |
2
920 |
3,65 |
Commerce de gros et de détail |
14
135 |
17,66 |
Santé et éducation |
15
100 |
18,87 |
Services aux entreprises |
10
715 |
13,39 |
Autres services |
14
820 |
18,52 |
TOTAL |
80
035 |
|
Données provenant de Statistique Canada
Compte tenu de l’information (incomplète)
fournie, ci-dessus, pour chaque secteur, l’exploitation minière
emploie au moins 7 000 personnes, et la foresterie fournit du travail
à au moins 4 000 autres personnes.
2.4 Juridiction
Nous avons repéré très peu d’institutions
ou d’organismes dont la compétence dépassait
les frontières. Même si le droit fédéral
est le même pour toute la région, le fait que les ressources
naturelles appartiennent aux provinces et que la responsabilité
de leur gestion incombe à ces dernières réduit
de manière substantielle le rôle du gouvernement fédéral.
Certaines des sociétés les plus importantes, comme
Tembec, Abitibi-Consolidated, Domtar, Falconbridge et Noranda, exercent
leurs activités des deux côtés de la frontière.
Toutefois, leur organisation interne reflète souvent les
différences entre les juridictions. L’organisme Forêt
modèle du lac Abitibi (FMLA), dont le territoire central
a une superficie de 1,2 million d’hectares en Ontario, a entrepris
un certain nombre d’études d’envergure régionale,
auxquelles participent des organismes au Québec et en Ontario.
Mis à part le gouvernement fédéral, cet organisme
est celui dont l’envergure est la plus régionale.
La forêt modèle du lac Abitibi
La forêt modèle du lac Abitibi
est l’une des 11 forêts modèles au Canada.
Les forêts modèles visent à présenter
des approches à la fois excellentes et innovatrices
en matière de gestion durable des forêts. Elles
ont été à l’origine créées
en 1992 dans le cadre du Plan vert du Canada. Le financement
provient de Ressources naturelles Canada sur des périodes
de planification de cinq ans. Toutefois, les forêts
modèles jouissent d’un haut degré d’autonomie.
Les trois objectifs visés par la FMLA, qui peuvent
être consultés sur le site web de la FMLA (www.lamf.net),
touchent à la durabilité de la forêt,
à la mise en application de pratiques sur le terrain
et à la participation du public dans le processus de
prise de décisions. La FMLA a été l’élément
moteur de l’élaboration et de la généralisation
d’un système de coupe partielle approprié
à la ceinture d’argile. Son organisme a financé
des projets importants sur plusieurs années en matière
d’indicateurs locaux de gestion durable de la forêt,
de vieux peuplements et de biodiversité, d’historique
des feux et de dynamique des paysages, d’évaluation
des communautés halieutiques, des associations à
un habitat des oiseaux chanteurs des forêts, de l’habitat
de la martre, et de l’utilisation de l’habitat
par le caribou des forêts dans le nord-est de l’Ontario
et dans le nord-ouest du Québec.
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Les ministères concernés des gouvernements
du Québec et de l’Ontario possèdent une organisation
semblable. Le Tableau 4 indique les ministères et leurs domaines
de responsabilité de chaque côté de la frontière.
Le ministère clé en matière de gestion de la
forêt est le ministère des Ressources naturelles, de
la faune et des parcs du Québec (MRNFP), tandis que le ministère
des Richesses naturelles (MRN) joue ce rôle en Ontario.
Tableau 4. Ministères concernés des
gouvernements provinciaux
Domaine de gestion ou de réglementation |
Gouvernement du Québec |
Gouvernement de l’Ontario |
Forêt |
Ministère des Ressources naturelles, de
la Faune et des Parcs |
Ministère des Richesses naturelles |
Faune |
Ministère des Ressources naturelles, de
la Faune et des Parcs |
Ministère des Richesses naturelles |
Accès |
Tous les ministères |
Tous les ministères |
Exploitation minière |
Ministère des Ressources naturelles, de
la Faune et des Parcs |
Ministère du Développement du Nord
et des Mines |
Tourisme et loisirs |
Tourisme Québec; ministère des
Ressources naturelles, de la Faune et des Parcs |
Ministère du Tourisme et des Loisirs;
ministère du Développement du Nord et des Mines;
Ministère des Richesses naturelles |
Qualité de l’eau* |
Ministère de l’Environnement; Ministère
des Ressources naturelles, de la Faune et des Parcs |
Ministère de l’Environnement |
* Le ministère fédéral des Pêches
et des Océans exerce un rôle majeur en matière
de réglementation des eaux navigables.
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