Passer au contenu de la page (touche directe : 1) | Passer aux liens de l'encadré latéral (touche directe : 2)
Drapeau du Canada Environnement Canada Gouvernement du Canada
 
English Contactez-nous Aide Recherche Site du Canada
Quoi de neuf Thèmes Publications Météo Accueil
À notre sujet
Service canadien de la faune, Region de l'Ontario


Programmes
Publications
Carte du site

Les précipitations acides
Programme des dons écologiques
Semaine de la faune
Le Plan conjoint des habitats de l'Est en Ontario
Espèces en péril en Ontario
Terres humides d'Ontario
Application des lois sur les espèces sauvages
Projet WILDSPACE MC

Les sternes des Grands Lacs du Canada

Colonie de sternes caspiennes dans les Grands Lacs L'arrivée d'un grand nombre d'espèces d'oiseaux au printemps, et leur départ une fois la saison de nidification terminée, représentent un des aspects les mieux connus de la biologie aviaire en Amérique du Nord. Comme bon nombre de ces espèces, les sternes des Grands Lacs entreprennent chaque automne une migration annuelle vers une destination tropicale lointaine où elles établissent leurs quartiers d'hiver. Au début de chaque printemps, elles quittent les Caraïbes, l'Amérique centrale et l'Amérique du Sud et s'envolent rapidement en direction nord pour reconquérir leurs aires de nidification aux abords des Grands Lacs. Nous voyons les sternes comme «nos» oiseaux qui aiment passer l'hiver au chaud. Nous aurions moins tort de dire que ce sont des espèces méridionales qui font une incursion relativement brève vers le nord dans le but de se reproduire.

Les sternes existaient déjà dans l'Éocène inférieur, il y a quelque 60 millions d'années. Proches parentes des goélands, elles ont été placées par les taxonomistes dans l'ordre des Charadriiformes, dans la famille des Laridae, et dans la sous-famille des Sternes. Il y a 42 espèces de sternes au monde, dont quatre qui nichent dans les Grands Lacs. La sterne caspienne (Sterna caspia) et la sterne commune (Sterna hirundo) nichent principalement sur des îles, alors que la sterne noire (Chlidonias niger) et la sterne de Forster (Sterna fosteri) font leur nid dans les marais.

La sterne est facile à différencier des goélands par sa queue fourchue, son bec effilé et pointu, son corps élancé et ses longues ailes étroites. Ses battements d'ailes continus et sa capacité de rester au même endroit dans les airs lui a mérité le surnom «d'hirondelles de mer». Même si elle a les pattes palmées, elle nage très mal et se pose rarement sur l'eau. Son plumage est principalement blanc, gris et noir, et, comme pour beaucoup d'oiseaux aquatiques qui vivent en colonie, il est très difficile de différencier les mâles des femelles.

Le Service canadien de la faune, d'Environnement Canada, étudie les sternes caspiennes et communes depuis de nombreuses années dans le but de surveiller les niveaux de contaminants et de relever les effets biologiques qu'ont ces substances sur les oiseaux aquatiques des Grands Lacs. Étant donné qu'ils sont surtout piscivores (les poissons constituent la majeure partie de leur menu) et qu'ils se nourrissent dans les niveaux trophiques supérieurs de la chaîne alimentaire aquatique, ces oiseaux sont des indicateurs utiles de la santé de l'écosystème.

On a relevé plus de 400 composés chimiques artificiels dans le biote des Grands Lacs. Les travaux de recherche et de surveillance ont porté surtout sur les métaux lourds comme le mercure, les pesticides organochlorés, tels que le dichloro-diphényl-trichloréthane (DDT), la dieldrine et le mirex, et sur d'autres composés organochlorés, comme le biphényle polychloré (BPC), l'hexachlorobenzène, les dioxines et les furans. Comme il s'agit surtout de produits chimiques qui se dissolvent dans les matières grasses et qui résistent bien à la décomposition et à l'élimination, chaque fois qu'une sterne avale un poisson, elle absorbe aussi tous les polluants que le poisson a consommé durant son existence. Les oeufs d'oiseaux aquatiques coloniaux servent d'indice direct de la présence de produits chimiques liposolubles.

Les chercheurs de la faune se penchent aussi sur la répartition des sternes dans le bassin des Grands Lacs afin de trouver des solutions au problème de plus en plus pressant causé par la perte d'habitat de nidification. Les deux tiers des terres humides bordant les Grands Lacs ont été éliminées; bon nombre d'entre elles ont été drainées ou transformées à des fins d'aménagement de terrains, y compris à titre de terres agricoles fertiles, de nouvelles installations portuaires et de zones urbaines.

La sterne de Forster et la sterne noire nichent dans les terres humides. La sterne noire préfère les marais peu profonds associés aux lacs, aux étangs, aux rivières et aux réservoirs, tandis que la sterne de Forster se retrouve généralement dans les zones inaccessibles et plus profondes des marais couverts de quenouilles (espèces de Typha). Le nombre de terres humides propices à la nidification varie grandement d'un lac à l'autre. On retrouve beaucoup plus de marais dans les Grands Lacs inférieurs, le lac Sainte-Claire et la rivière St. Marys. Le sud de la baie Géorgienne n'en renferme que très peu, tandis que le Chenal Nord et le lac Supérieur n'en contiennent à peu près pas.

Les sternes caspiennes et communes préfèrent nicher sur des îles désertes presque entièrement dépourvues de plantes. Dans le cas du lac Ontario, presque toutes les îles sont situées dans le secteur est. Dans le lac Érié, par contre, toutes les îles, sauf une, sont regroupées en un archipel du secteur ouest. Entre ces deux points, on retrouve des colonies de sternes nicheuses sur le littoral de Toronto, de Hamilton et de Port Colborne, soit sur terre ferme et sur des brise-lames. En raison de la rareté des habitats, les colonies des Grands Lacs inférieurs ont tendance à être moins nombreuses, mais plus peuplées. Les Grands Lacs supérieurs renferment littéralement des milliers d'îlots. Les colonies de sternes y sont plus nombreuses, mais généralement beaucoup plus petites.

La sterne caspienne est de plus en plus répandue dans les Grands Lacs, mais se limite à quelques colonies sur trois lacs. Fidèle à son nom, la sterne commune est encore très répandue, bien que sa population soit à la baisse, et qu'on ne la retrouve plus que dans quelques grandes colonies des Grands Lacs inférieurs. La sterne noire, qui était autrefois un oiseau des marais courant, l'est de moins en moins dans le bassin des Grands Lacs. En gros, les populations de sternes de Forster ont progressé en Ontario jusqu'à la fin des années quatre-vingt et sont restées stables par la suite. Aujourd'hui, elles sont vulnérables à cause de leur faible nombre et parce qu'elles nichent principalement dans les marais du lac Sainte-Claire.

Le présent document d'information décrit quatre espèces de sternes, donne des mises à jour de leur statut dans la partie canadienne des Grands Lacs, examine les menaces qui pèsent sur leur santé, résume les mesures innovatrices de conservation, et souligne d'autres efforts de conservation et de recherches sur le sujet.

Statut officiel d'espèce en péril

Au Canada, les sternes sont protégées par la Loi sur la convention concernant les oiseaux migrateurs, qui est mise en application par le Service canadien de la faune. Cette loi interdit la chasse, la capture et la captivité des oiseaux migrateurs, de leurs oeufs et de leurs nids. Toutefois, elle ne protège leur habitat que lorsqu'il est occupé, durant la saison de nidification, par exemple. Le Comité sur le statut des espèces menacées de disparition au Canada (CSEMDC) est composé de représentants d'organismes fédéraux, provinciaux et privés. Son but est de classer les «espèces à risque» selon les catégories suivantes : disparue, disparue du pays, en voie de disparition, menacée ou vulnérable. Le CSEMDC a donné naissance au Comité de rétablissement des espèces canadiennes en péril (RESCAPÉ) dont le mandat est de veiller au rétablissement des oiseaux, mammifères, reptiles et amphibiens menacés ou en voie de disparition. En 1996, le gouvernement fédéral déposait la Loi sur la protection des espèces en péril, projet de loi visant à établir un processus d'évaluation des espèces à risque et à produire une liste d'espèces menacées ou en voie de disparition au pays. Cette loi disposera aussi que des projets soient entrepris dans le cadre de mesures fédérales telles que l'établissement de plans de rétablissement pour les espèces menacées et en voie de disparition, et des plans de gestion pour les espèces vulnérables.

Les sternes nichant sur des îles

La sterne caspienne

Une sterne caspienne

La sterne caspienne niche sur tous les continents, sauf l'Amérique du Sud et l'Antarctique. En Amérique du Nord, les colonies sont situées dans six régions très dispersées. On en retrouve sur les côtes atlantique et pacifique, le long du golfe du Mexique, ainsi qu'à l'intérieur du continent. En 1990, on comptait environ 3 100 couples dans la partie canadienne des Grands Lacs, dont trois colonies regroupant 765 couples sur le lac Ontario et huit colonies totalisant 2 300 couples sur le lac Huron. On estime à 3 400 le nombre de couples nichant dans la partie américaine des Grands Lacs, dont 80 pour cent sur le lac Michigan, le reste étant divisé entre le lac Ontario et le lac Huron. Lorsqu'on compare ces données à celles recueillies en 1963, on constate que les nombres ont plus que triplé durant la période prenant fin en 1990. C'est sur le lac Ontario que les nombres ont le plus augmenté, soit une moyenne de 22 pour cent par année.

Les sternes caspiennes adultes et juvéniles des Grands Lacs vont passer l'hiver le long du golfe du Mexique, de la côte atlantique, sur les îles des Caraïbes, au nord-ouest du Venezuela ainsi qu'en Colombie. La plupart des jeunes oiseaux passent les 18 prochains mois dans la zone d'hivernage, bien que certains d'entre eux passent leur troisième hiver dans les Grands Lacs. Les oiseaux sont généralement prêts à se reproduire dès leur quatrième été.

Les sternes caspiennes pondent de deux à trois oeufs que les deux parents couvent pendant environ 27 jours. Les nids sont de simples dépressions creusées dans le gravier ou le sable parfois recouverts de foin séché ou entourées de cailloux. Les poussins sont semi-nidifuges à la naissance; en d'autres mots ils peuvent se mouvoir et ouvrir leur yeux, en plus d'être couverts de duvet. Ils demeurent dans le nid ou très près de celui-ci durant leur première semaine d'existence, puis les familles, en groupes, se rapprochent du littoral. Il faut environ trois jours aux parents pour reconnaître leurs petits, tandis que les oisillons prennent un peu plus de temps à reconnaître le cri de leurs parents. De toutes les sternes, c'est la sterne caspienne qui s'occupe de sa couvée pendant la plus longue période de temps. Même si les oisillons âgés de 30 à 40 jours sont déjà capables de s'envoler, ils continuent de dépendre de leurs parents pour leur nourriture pendant de cinq à sept mois encore. Cela signifie qu'ils se rendent ensemble à leur habitat d'hiver, chaque juvénile étant habituellement accompagné d'un adulte. Nous ne savons pas si les couples continuent de cohabiter durant l'hiver, mais la majorité des oiseaux se sont déjà constitués en couples pour la migration printanière.

Le menu des sternes caspiennes est composé presque essentiellement de petits poissons. En cherchant leur nourriture au vol, elles pointent le bec vers la surface de l'eau. Lorsqu'elles aperçoivent un poisson, elles le survolent brièvement, puis plongent, parfois disparaissant complètement sous l'eau. C'est en partie en les observant nourrir leurs oisillons, mais aussi en identifiant les restes organiques qu'elles régurgitent, que nous avons pris connaissance du régime alimentaire des sternes caspiennes. Environ une fois par jour, les sternes adultes régurgitent une pelote contenant le reste des aliments qu'elles ne peuvent digérer. Parmi les matières trouvées dans les pelotes de sternes caspiennes, mentionnons des arrêtes et des écailles de poissons, et parfois, des restes d'insectes, de coléoptères, de mollusques, d'écrevisses, ainsi que des coquilles d'oeufs, des plumes d'oiseaux, des os de mammifère et à l'occasion des articles non alimentaires, comme du plastique, des cailloux et des plantes.

Le succès d'éclosion (déterminé par le pourcentage d'oeufs pondus qui éclosent) sert à mesurer le degré de survie des oeufs. Dans la région du lac Ontario, de 1977 à 1991, le succès d'éclosion se situait entre 75 et 82 pour cent. Toutefois, le succès d'éclosion a été plus faible dans la région du lac Huron, soit entre 47 et 75 pour cent, selon quelques études publiées. La faiblesse du succès d'éclosion peut être signe d'une pénurie d'aliments, d'une prédation intense, de dérangements causés par l'activité humaine, d'une plus forte concentration de contaminants, d'une température froide ou pluvieuse ou d'une tempête inusitées, ou bien d'une interaction de plusieurs de ces facteurs.

Le nombre moyen de poussins élevés par couple qui parviennent à voler ou à prendre leur premier envol est un indicateur du taux de succès reproductif général. Les succès de reproduction dans la région du lac Ontario (de 1980 à 1991) et dans la région du lac Michigan (de 1963 à 1991) étaient similaires, l'écart variant de 0,7 à 1,6 poussin par couple, tandis qu'il a souvent été plus faible dans la région du lac Huron (de 1978 à 1991), 0,3 à 1,1 poussin par couple. La plupart de ces valeurs sont supérieures au ratio de 0,6 poussin par couple par année nécessaire au maintien d'une population stable, même si le succès de reproduction des colonies du lac Huron se situe souvent juste au-dessus de ces valeurs. La longévité des sternes caspiennes n'est que de 12 ans, même si certains spécimens peuvent atteindre l'âge de 26 ans.

C'est en Amérique du Nord que l'on retrouve de loin le plus grand nombre de sternes caspiennes au monde. Les Grands Lacs renferment au moins un tiers de cette population. Même si l'accroissement récent des populations est encourageant, le ministère des Richesses naturelles de l'Ontario (MRNO) a classé cette espèce comme «rare», en raison du nombre restreint de lieux de nidification. En effet, en 1994, il n'y avait que 13 lieux de nidification de la sterne caspienne en Ontario. En 1992, la population canadienne de sternes caspiennes a été déclarée «vulnérable» par le Comité sur le statut des espèces menacées de disparition au Canada (CSEMDC).

La sterne commune

Sterne commune

La sterne commune niche dans tout l'hémisphère nord, du cercle polaire aux tropiques, le long des côtes et au bord de cours d'eau intérieurs. En Ontario, la sterne commune est plus répandue dans le sud de la province, le long des rives des Grands lacs, du fleuve Saint-Laurent et de la rivière des Outaouais, ainsi que le long de la voie navigable Trent-Severn. Elle passe l'hiver le long des rives du golfe du Mexique, de l'extrême-sud de la Floride, jusqu'en Amérique centrale, en passant par le Mexique et les îles des Caraïbes. On la retrouve aussi sur la côte du Pacifique de l'Amérique centrale et de l'Amérique du Sud.

Les plus récents relevés d'oiseaux aquatiques coloniaux dans les Grands Lacs ont eu lieu en 1989 et en 1990. À cette époque, 11 colonies de sternes communes, regroupant plus de 100 nids avaient été relevées sur le lac Huron de même que cinq colonies de plus de 100 nids dans les Grands Lacs inférieurs et la partie supérieure du fleuve Saint-Laurent. On estime à environ 7 000, le nombre total de couples nicheurs dans la partie canadienne des Grands Lacs.

Dans la partie canadienne des Grands Lacs, le nombre de sternes communes a changé de façon plus draconienne sur les lacs Érié et Ontario que sur le lac Huron. C'est au début des années soixante, que la population a atteint son plus haut niveau, soit 16 000 couples. Au début des années soixante-dix, les nombres se sont mis à dégringoler, tant et si bien qu'en 1978, lors du premier relevé, il ne restait plus que 3 152 couples. Le relevé de 1990 a révélé que les nombres avaient encore diminué de 25 pour cent et se situaient à 2 347 nids.

Les données ne sont pas aussi nombreuses sur les populations de sternes communes du lac Huron, mais il semble que des baisses importantes aient eu lieu. Lors du premier relevé en 1980, 5 396 nids ont été repérés. Les données historiques disponibles pour un tiers de ces colonies semblent indiquer une baisse de 42 pour cent de 1962 à 1980. Lors d'un deuxième relevé réalisé en 1989 sur l'ensemble du lac, on a découvert que les populations de sternes avaient chuté d'un autre 15 pour cent. Il se peut que ces régressions ne soient pas aussi importantes qu'elles ne le semblent, puisque certains oiseaux sont peut-être partis vers d'autres endroits dans le bassin des Grands Lacs.

Dans les Grands Lacs, la sterne commune commence à se reproduire à l'âge de trois ou quatre ans. Les femelles pondent de deux à trois oeufs et la période d'incubation s'étend sur trois semaines, quatre si la présence des prédateurs force les parents à déserter trop souvent le nid durant la nuit. Les deux membres du couple participent à l'incubation, même si le rôle de la femelle est prépondérant. Les poussins de la sterne commune sont semi-nidifuges, comme ceux des autres espèces de sternes. Ils restent à proximité du nid jusqu'à ce qu'ils soient prêts à voler, soit à environ quatre semaines. Les petits continuent d'être nourris par leurs parents pendant quelques semaines par après. Les petits poissons de trois à huit centimètres représentent quatre-vingt dix pour cent du menu des adultes et des juvéniles, le reste étant composé d'insectes et d'invertébrés aquatiques.

La sterne commune requiert le même type d'habitat que la sterne caspienne : des îles contenant très peu de plantes ou bien des plages de sable ou de cailloux aux abords de lacs et de larges rivières. Elle niche aussi à l'intérieur des terres, sur des péninsules, des flèches sableuses littorales, et des nichoirs artificiels comme des îlots de matière excavée, des brise-lames, des plate-formes et des aides à la navigation. Son nid est une dépression superficielle creusée dans le sable, le gravier ou la terre, que l'oiseau recouvre parfois de foin, de brindilles, de cailloux ou de fragments de coquilles. Dans les Grands Lacs, la sterne commune niche souvent en compagnie du goéland argenté ou du goéland à bec cerclé. Cette association comporte à la fois des avantages et des désavantages. Parmi les avantages, les goélands servent souvent de tampon contre les mammifères prédateurs dans les lieux de nidification situés à l'intérieur des terres. D'un autre côté, les sternes arrivent dans leur aire de nidification au printemps après l'arrivée des goélands et découvrent souvent que les meilleurs endroits ont déjà trouvé preneurs. Parce qu'elles sont souvent forcées de pondre leurs oeufs le long du littoral, très près de l'eau, leurs nids sont en danger d'être emportés par les ondes de tempêtes.

Le succès d'éclosion et du premier envol varient grandement d'une année à l'autre et d'une colonie à l'autre. De 1972 à 1977, plusieurs colonies des Grands Lacs inférieurs ont enregistré de 0,13 à 1,7 poussin ayant atteint l'âge de l'envol par couple. Le succès de reproduction moyen se situait à 0,9 poussin ayant atteint l'âge de l'envol par couple. Plus récemment, en 1982 une colonie nichant sur un brise-lames de Port Colborne, sur le lac Érié, a connu un taux de succès reproductif variant de 0,6 à 1,6 poussin ayant atteint l'âge de l'envol par couple. Ces taux semblent relativement élevés comparativement au taux de succès reproductif de 0,2 à 0,3 poussin par couple enregistrés dans le lac Huron en 1980 et le long du fleuve Saint­Laurent et de la partie est du lac Ontario en 1982. Des études exhaustives sur les populations de sternes communes ont été effectuées au Massachussetts et dans l'État de New York. On a évalué que la productivité annuelle devait se situer à 1,1 poussin par couple pour permettre à la population de demeurer stable. Il est rare d'atteindre de tels taux de succès dans les colonies des Grands Lacs.

Même si le nombre de sternes communes dans la partie canadienne des Grands Lacs est à la baisse, ces diminutions ne sont pas assez importantes pour que l'espèce soit désignée «vulnérable» en Ontario. Cependant, les données sur la population de sternes communes dans les Grands Lacs inférieurs sont inquiétantes. En effet, 83 pour cent des spécimens nichaient dans deux colonies seulement en 1990, soit dans le port de Hamilton et à Port Colborne. Les rives des Grands Lacs inférieurs sont fortement urbanisés et il existe peu d'endroits propices aux colonies de sternes. La situation n'est pas aussi alarmante dans la région du lac Huron étant donné que les habitats adéquats semblent abondants. Les populations de sternes ont commencé à baisser dans le reste du Canada, mais les nombres sont encore assez élevés et l'espèce n'a pas besoin d'une désignation du COSEPAC. Du côté américain des Grands Lacs, les sternes communes ont été désignées en péril, menacée ou présentant des problèmes précis par la plupart des États bordés par les Grands Lacs. Les nombres sont tout de même passés de 2 200 couples au milieu des années soixante-dix à 3 433 couples lors du relevé international de 1990.

Les sternes nichant dans les marais

La sterne noire

Sterne noir

La sterne noire niche dans les marais d'eau douce des latitudes moyennes de l'Amérique du Nord et de l'Europe. Les données historiques du début du siècle indiquent que les sternes noires ont déjà été très répandues dans les marais des Grands Lacs, mais que leur nombre a depuis chuté. En 1991 l'Observatoire d'oiseaux de Long Point a effectué un relevé des sternes nichant dans les marais du lac Huron et des Grands Lacs inférieurs pour le Service canadien de la faune. On a trouvé des sternes noires nichant dans 65 colonies, renfermant 545 nids, dans une bande de 5 km le long des rives canadiennes des Grands Lacs et du fleuve Saint-Laurent. Des régressions ont aussi été signalées dans la plupart des États bordant les Grands Lacs et ailleurs dans leur aire de nidification de l'Amérique du Nord. La sterne noire passe l'hiver le long des côtes de l'Amérique centrale et du nord de l'Amérique du Sud, dans les Caraïbes et le Pacifique. Elle est particulièrement courante sur les rivages du Costa Rica, du Panama et de la Colombie.

Les sternes noires ont l'habitude de retourner à la même terre humide chaque printemps, même si elles établissent leur nid à différents endroits d'une année à l'autre. L'activité des rats musqués (Ondatra zibethica), les inondations, la sécheresse, et les tempêtes de neige peuvent modifier l'apparence d'un marais, en particulier la proportion et la distribution des plantes vivantes émergentes, des plantes mortes flottantes, et de l'eau libre. Cette instabilité dans l'habitat de nidification force les deux espèces marécageuses à être moins fidèles à leur lieu de nidification que leurs cousines insulaires. Aussi, elles abandonnent les lieux de nidification dès qu'ils ne sont plus utilisables. Les sternes noires préfèrent les conditions présentes dans les marais où l'on retrouve une répartition égale d'eau libre et de plantes émergentes, en particulier les quenouilles et les scirpes et, en nombres plus restreints, les sparganiums.

Elles nichent en groupes relâchés allant de quelques couples à plus de trente. Leurs nids superficiels sont fabriqués, au moyen de plantes mortes, sur des tapis de plantes flottantes emprisonnées par les plantes émergentes, ou sur des buttes boueuses, des planches flottantes, des plate-formes d'alimentation pour rats musqués, et parfois, sur des huttes de rats musqués. Les nids fragiles sont situées à peine à quelques centimètres au-dessus du niveau de l'eau, ce qui les rend vulnérables à l'humidité et à l'inondation en cas d'averses, de vents et de vagues.

Les femelles pondent généralement trois oeufs, mais peuvent en pondre de un à quatre. Après une incubation d'environ 21 jours, les poussins éclosent. Ils grandissent rapidement et savent déjà nager un ou deux jours après l'éclosion; ils volent de 20 à 24 jours après leur naissance. Les sternes juvéniles sont alors en mesure de chercher leur propre nourriture, même si les parents continuent de nourrir leurs oisillons pendant encore deux semaines ou plus.

Les ornithologues ont déterminé que durant la saison de la couvaison, les sternes noires se nourrissaient surtout d'insectes : des libellules (Odonata), des mites (Lepidoptera), des sauterelles et des criquets (Orthoptera), des coléoptères, des araignées (Aneidas), des hémiptères (Hemiptera), des éphémères communes (Ephemeroptera), des phryganes (Trichoptera) et des petites quantités d'asticots, de larves, de petits poissons, de mollusques et d'écrevisses. Dans leurs zones d'hivernage, les sternes noires adultes et juvéniles se nourrissent principalement de petits poissons marins.

Le succès d'éclosion des sternes noires varie, bien qu'il soit habituellement bas, de 18 à 45 pour cent dans la plupart des études. Le nombre de poussins qui parviennent à voler est rarement relevé parce que les poussins de la sterne noire se déplacent avec facilité et peuvent être facilement dissimulés dans la végétation des marais. Il est probable que dans la plupart des cas, moins d'un poussin est élevé par nid.

La longévité de la sterne noire d'Amérique du Nord, qui a été déterminée par la capture d'oiseaux bagués, est d'environ huit ans. On estime que 70 à 75 pour cent des adultes survivent à l'hiver et reviennent se reproduire le printemps suivant. Ce pourcentage est fondé sur le nombre de poussins produits et la supposition que la population est stable. Étant donné que la sterne noire est en déclin sur la majorité de son aire de répartition, il se pourrait qu'il y ait moins d'adultes que prévu qui survivent chaque année. Il est possible de déterminer le taux de survie de façon plus précise au moyen de bagues, mais peu d'adultes ont été bagués.

Même si la plupart des observateurs sont d'avis que le nombre de sternes noires dans le bassin des Grands Lacs a régressé au cours des derniers trente ans, ils ne s'entendent pas tous sur la gravité du déclin. C'est pourquoi l'espèce n'a pas encore reçu de statut officiel. Toutefois, les auteurs du livre Les oiseaux en péril de l'Ontario (voir «Lectures complémentaires» à la fin du document), proposent d'attribuer à cet oiseau le statut «d'espèce menacée» en Ontario selon les régressions enregistrées grâce aux données disponibles. Le nombre de sternes noires a aussi chuté dans les États américains bordés par les Grands Lacs.

En 1996 le CSEMDC a désigné la sterne noire comme espèce "n'étant pas à risque" au Canada. Le Comité a déclaré que la régression de cette espèce avait fortement diminué au cours des quinze dernières années et que selon la plupart des biologistes des provinces des prairies, région où cette espèce est particulièrement répandue et courante dans de nombreux endroits. Toutefois, on doit continuer de la surveiller, surtout en Ontario et au Québec.

La sterne de Forster

Sterne de Forster

La sterne de Forster niche exclusivement en Amérique du Nord, dans de grands marais d'eau douce à l'intérieur du continent, et dans des marais d'eau salée le long des côtes de l'Atlantique, du Pacifique et du golfe du Mexique. Au Canada, c'est dans les prairies qu'elle est la plus abondante; l'intérieur de la Colombie-Britannique et le sud de l'Ontario renferment aussi de petites populations. Les relevés des sternes des marais effectués dans la partie canadienne des Grands Lacs en 1991 a révélé que la majorité des oiseaux (555 nids) nichaient dans les marais du lac Sainte-Claire, tandis que le reste (13 nids) se trouvaient dans les marais Long Point (dans le lac Érié) et au parc provincial Rondeau.

À Long Point, les populations ont diminué de 90 pour cent de 1981 à 1991; à Rondeau, même si on comptait encore 200 couples nicheurs en 1990, il ne reste aujourd'hui que quelques couples. Les populations dans les marais du lac Sainte-Claire semblent être à la hausse. La sterne de Forster semble être en train d'élargir son aire de nidification dans la région des Grands Lacs. En effet, une petite colonie a été repérée en 1985 au marais Kettle Point, dans la région du lac Huron. Selon les données obtenues du Relevé des oiseaux nicheurs, le nombre de sternes a connu une croissance durant la période allant de 1966 à 1988 pour atteindre un plateau par la suite.

Comparé à ses cousines, la sterne de Forster ne s'aventure pas très loin au sud durant l'hiver. En effet, elle n'atteint pas l'Amérique du Sud ou l'Amérique centrale. Les oiseaux qui nichent dans les Grands Lacs se rendent sur la côte de l'Atlantique et du golfe du Mexique de la Virginie à l'est du Mexique, en passant par la Floride. On en retrouve aussi de petits nombres dans les Bahamas et les Grandes Antilles.

La sterne de Forster pond de deux à quatre oeufs (bien que ce soit généralement trois) après quoi, les deux parents se relayent pour couver pendant de 23 à 25 jours. Une fois éclos, les poussins restent dans le nid pendant quelques jours, puis quittent le nid pour se cacher dans les plantes au moindre dérangement. Nous ne savons pas à quel âge les poussins de la sterne de Forster prennent leur premier envol, mais les adultes et les juvéniles se séparent peu après.

Dans les Grands Lacs, la sterne de Forster est généralement associée aux parties profondes et inaccessibles des grands marais d'eau douce remplis de quenouilles et de scirpes. Les sternes de Forster aménagent leur nid beaucoup plus près les uns des autres que ceux de la sterne noire. De 10 à 150, parfois même 200, couples construisent leur nid sur des tapis de plantes mortes flottantes emprisonnées par les quenouilles, des îlots de roseaux communs (Phragmites communis), et sur des buttes boueuses, des huttes de rats musqués et des billots flottants. Elles nichent aussi volontiers sur des nichoirs artificiels. Solidement construit, leur nid consiste en une dépression ronde et profonde finement tissée de roseaux et de foin.

La sterne de Forster niche dans des marais profonds contenant davantage d'eau libre, ce qui leur apporte une plus grande protection contre les mammifères prédateurs, mais qui en revanche les rend vulnérables à la destruction par le vent et les vagues. Lorsqu'elles nichent au même endroit, les sternes de Forster construisent leur nid à un niveau plus élevé que les sternes noires (21 cm en moyenne contre 3 cm). Leur nid est donc plus sec. Des plantes flottantes entourent le nid des deux espèces, mais elles sont plus abondantes autour du nid des sternes noires. Ces dernières préfèrent aussi installer leur nid au milieu de plantes émergentes. Les sternes de Forster, quant à elles, nichent sur des huttes de rats musqués isolées, entourées d'eau libre.

Peu d'études ont été effectuées sur le régime alimentaire des sternes de Forster, mais il semble que les poissons constituent leur aliment de base et que les poussins dévorent presque exclusivement des fretins. Elles happent aussi des insectes en plein vol, gobent des grenouilles, dévorent des poissons morts et volent parfois les oeufs de la foulque d'Amérique (Fulica americana).

Le succès de reproduction des sternes de Forster est variable et souvent faible. Il existe très peu d'information sur la longévité de cet oiseau, ainsi que sur son taux de mortalité. Aussi, il est impossible de calculer le taux de succès de reproduction nécessaire au maintien de la population. La sterne commune, qui est sensiblement de la même dimension, a besoin d'un ratio d'environ 1,1 poussin par couple par année pour assurer le renouveau de sa population. Pour un tel taux de succès reproductif, il faudrait que le succès d'éclosion se situe à environ 67 % et qu'un peu plus de 50 % des poussins atteignent l'âge adulte. Ces valeurs sont de loin supérieures à celles enregistrées pour les sternes de Forster n'importe où en Amérique du Nord.

On compte de 2 200 à 4 200 couples de sternes de Forster au Canada, ce qui est très peu. Même si elle semble assez répandue, ayant récemment élargi son aire de répartition à la Colombie­Britannique et peut-être à l'Ontario, elle est nombreuse dans très peu d'endroits, et elle semble avoir régressé récemment dans les prairies. Malgré le faible nombre de couples nicheurs et les signes d'une baisse de la population, le CSEMDC attribuait en 1996 le statut "indéterminé" à la sterne de Forster au Canada. Selon le Comité, les statistiques récentes sur les populations n'étaient pas suffisantes pour déterminer une tendance quelconque. L'augmentation générale du nombre de sternes de Forster en Ontario laisse supposer que l'espèce n'est ni en voie de disparition, ni menacée dans la province pour l'instant. Cependant, étant donné que le lac Sainte-Claire regroupe 98 pour cent des spécimens vivant en Ontario, un rapport préparé pour le compte du ministère des Richesses naturelles de l'Ontario a recommandé que cette espèce soit désignéé comme "rare" en Ontario.


Menaces pour les sternes nicheuses des Grands Lacs

Perte d'habitat propice

Sterne caspienne

La menace la plus sérieuse qui guette toutes les espèces de sterne dans les Grands Lacs est la perte ou la détérioration d'habitat propice à la nidification. Les îles désertes et peu couvertes de plantes, que les sternes caspiennes et communes affectionnent particulièrement, sont rares dans la partie inférieure des Grands Lacs et l'espace de nidification qu'on y retrouve a été réduit. Les populations de goélands ont connu une croissance vertigineuse au cours des dernières décennies, à tel point que dans certaines colonies, les lieux de nidification de sternes communes et caspiennes ont été envahis par des goélands à bec cerclé qui sont plus agressifs et qui arrivent plus tôt. La profusion de goélands à bec cerclé se traduit aussi par une quantité énorme de fiente qui se répand sur le sol et qui en retour nourrit certains types de plantes. Ces goélands ont moins de difficultés à s'adapter à un environnement dominé par les plantes élevées que les sternes aux courtes pattes et aux longues ailes. La hausse du niveau d'eau a aussi causé des pertes d'habitat dues à l'inondation ou à l'érosion des parties inférieures des colonies, ce qui a réduit l'espace de nidification propice pour toutes les espèces. Dans d'autres régions, les nids sont maintenant plus vulnérables à l'inondation par les ondes de tempête.

L'empiétement par les plantes, combiné au déplacement par les goélands, sont probablement des facteurs importants qui ont contribué au déclin vertigineux de deux grandes colonies de sternes dans la région du lac Ontario : celle du parc Tommy Thompson, sur le littoral de Toronto vers la fin des années quatre-vingt, et celle de Gull Island dans le parc provincial Presqu'île vers le milieu des années soixante-dix. Cependant, si on peut empêcher les goélands de venir s'installer dans une colonie avant l'arrivée des sternes, il semble que les goélands ne soient pas un facteur dans le taux de succès reproductif des sternes.

Il est probable que l'inondation, la succession végétale et l'arrivée prématurée des goélands sont des facteurs qui ont existé durant toute l'évolution des sternes communes et caspiennes. Elles parcourent de longues distances hors de la saison de nidification et, tant et aussi longtemps qu'il existera d'autres lieux de nidification, la disparition des colonies n'aura que très peu d'effets sur la population. Malheureusement, cela n'est pas le cas dans les années quatre-vingt-dix. Les habitats de nidification idéaux sont rares dans la partie inférieure des Grands Lacs et il y a de moins en moins d'endroits propices où elles peuvent se rendre. En 1980, soixante-dix pour cent des sternes communes dans la partie inférieure des Grands Lacs nichaient sur des sites artificiels qui n'existaient même pas il y a 20 ans.

Partenariats dans la conservation des terres humides

En juillet 1994, les gouvernements du Canada et de l'Ontario ont signé une entente majeure prévoyant la mise sur pied d'activités conjointes visant à protéger et à conserver l'écosystème du bassin des Grands Lacs. En ce qui a trait aux terres humides, l'entente visait : (1) la préservation des terres humides riveraines dans les Grands Lacs; et (2) le rétablissement et la protection de 30 000 hectares de terres humides dégradées dans le bassin versant d'ici l'an 2020. Ces objectifs seront réalisés grâce au Plan d'action en matière de conservation des terres humides des Grands Lacs, une série de plans quinquennaux qui a commencé en 1994. Le premier plan vise les terres humides riveraines de la partie inférieure des Grands Lacs. Les objectifs du Plan d'action seront réalisés grâce à des partenariats fondés sur l'appui et l'expertise du Service canadien de la faune d'Environnement Canada, du ministère des Richesses naturelles de l'Ontario et d'organismes non gouvernementaux tels que la Société canadienne pour la conservation de la nature, la Federation of Ontario Naturalists, Canards Illimités Canada, la Ontario Federation of Anglers and Hunters, Habitat faunique Canada et l'Observatoire d'oiseaux de Long Point.

La perte d'habitat est peut-être un facteur encore plus critique pour les sternes nichant dans les marais. Les pressions causées par l'urbanisme ont entraîné la perte de 80 pour cent des marais qui existaient autrefois le long des lacs Ontario et Érié. Parmi les menaces qui pèsent toujours sur les terres humides, mentionnons l'appropriation des terres à des fins agricoles, l'activité humaine, le durcissement des rives, l'eutrophisation et l'introduction d'espèces exotiques (par ex. la salicaire pourpre, Lysthra salicaria et la moule zébrée, Dreissena polymorpha). En raison des contrôles artificiels du niveau des Grands Lacs, mis en place pour faciliter la navigation et prévenir l'érosion des rives, les marais qui restent ont diminué de volume et, parce que leur niveau d'eau ne fluctue pas, se sont peu à peu remplis de plantes. Bon nombre de marais ont été envahis par des peuplements épais d'une seule espèce, telle que les quenouilles ou les salicaires pourpres, modifiant la proportion d'eau libre, de plantes émergentes vivantes et de plantes mortes flottantes dont ces oiseaux ont besoin. De nombreux chercheurs ont démontré le lien qui existait entre ces phénomènes et le contrôle artificiel des niveaux des lacs.

Le niveau des lacs a été maintenu à un niveau relativement élevé au cours des derniers dix ans, ce qui peut occasionner des problèmes supplémentaires pour les sternes nichant dans des marais. Dans la partie américaine des lacs Sainte-Claire et de la baie Saginaw, le nombre de sternes de Forster est à la baisse. Cela s'explique par la perte de plantes causée par le nombre excessif de sillages de bateaux et par les dommages causés par la glace, les deux phénomènes étant reliés à la hausse des niveaux des lacs. On estime aussi que la diminution du nombre de sternes de Forster à Long Point dans le lac Érié peut être attribuable à la pénurie de plantes flottantes causée par les forts niveaux des lacs. La sterne noire est touchée de la même façon.

Les produits contaminants dans l'environnement aquatique

Les produits chimiques toxiques ont représenté une sérieuse menace au succès reproductif des sternes au début des années soixante-dix. En effet, un bon nombre d'oiseaux piscivores dans les Grands Lacs ont commencé à souffrir de graves problèmes reproductifs, comme d'un amincissement des coquilles d'oeufs et de malformations congénitales. Grâce à l'adoption de lois et de règlements sur l'usage et l'élimination de nombreux produits toxiques rémanents, la teneur de ces produits a commencé à diminuer dans les tissus organiques de ces oiseaux vers le milieu des années soixante-dix. En 1980, les niveaux de produits toxiques rémanents, tels que le DDT, avaient sensiblement diminué; les stratégies de contrôle semblaient porter fruits.

Cependant, vers le milieu des années quatre-vingt, les progrès ont cessé. Même si les décharges industrielles directes font l'objet de contrôles, les produits contaminants s'infiltrent dans les lacs par le moyen de retombées atmosphériques et par la diffusion, dans la tranche d'eau, de sédiments de fonds (remise en suspension). On soupçonne aussi que de très faibles concentrations de composés tels les hydrocarbures chlorés auraient des effets sublétaux sur les espèces sauvages, menant à une perte de fertilité. Ces produits chimiques synthétiques imiteraient les hormones naturelles, embrouillant les procédés normaux de reproduction et de développement. À l'heure actuelle, on connaît mieux les conséquences du dérangement du système endocrinien par les produits organochlorés sur les oiseaux. Étant donné la grande ressemblance entre le système endocrinien des oiseaux et celui des mammifères, tout semble indiquer que les humains sont touchés de la même façon par ces produits chimiques.

Comme prédateurs occupant le sommet de la chaîne alimentaire, les sternes communes, caspiennes et de Forster ont toutes été utilisées à un moment donné comme indicateurs de la présence de contaminants dans les Grands Lacs et de leurs effets. Les sternes caspiennes sont de taille plus imposante et jouissent d'un rythme métabolique moins élevé que celui des autres sternes. Par conséquent, elles sont moins vulnérables aux contaminants que les petites espèces. En fait, les concentrations actuelles de contaminants décelés dans les sternes caspiennes ne semblent pas avoir d'effets sur la reproduction de cette espèce. Les plus récentes données recueillies auprès de colonies des Grands Lacs datent de 1991 et indiquent un taux élevé des succès de reproduction et d'éclosion, ainsi qu'un bon nombre de couvées comparativement aux études antérieures. Aussi, le nombre de spécimens semble être à la hausse.

Cependant une étude américaine réalisée dans la baie de Saginaw dans le lac Huron après la pire inondation a révélé que les populations de sternes caspiennes avaient chuté. En 1986, la région a connu sa plus forte précipitation en 100 ans (de 35 à 45 cm en l'espace de 30 heures) et les effets d'affouillement résultant de cette crue-éclair ont libéré des contaminants emprisonnés dans le lit du lac. Plus de la moitié des poussins de sternes caspiennes qui sont morts affichaient des signes du «syndrome de dépérissement». Les poussins qui souffrent de ce dysfonctionnement deviennent léthargiques et très maigres, même lorsque la nourriture est abondante. Une faible concentration d'isomères de biphényles polychlorés (BPC), ayant des propriétés toxicologiques semblables à la dioxine, a été trouvée à la source de ces anomalies.

Des études sur les effets qu'ont les produits chimiques toxiques sur le succès reproductif des sternes de Forster n'ont été réalisées qu'à Green Bay, endroit hautement pollué du lac Michigan. Une étude datant de 1983 indique que les concentrations de produits chimiques nuisaient de nombreuses façons au succès reproductif. Lorsqu'on les compare aux colonies «non contaminées» de l'intérieur, on découvre une plus forte teneur en organochlorés dans les oeufs, un plus faible succès d'éclosion, une plus longue période d'incubation, des parents moins attentifs, et des poussins moins lourds et au foie plus volumineux chez les membres des colonies de Green Bay. D'autres études sur la teneur en produits contaminants des sternes de Forster dans les eaux moins polluées des lacs Sainte-Claire et Érié devront être entreprises avant que l'on puisse éliminer les contaminants comme source possible du faible taux d'éclosion dans ces lieux.

Grâce aux interdictions et aux mesures de contrôle mises en place, la teneur en contaminants des oeufs de sternes communes des Grands Lacs a régressé de 80 à 90 pour cent entre 1969 et 1981. Nous ne connaissons pas encore la part des produits chimiques toxiques dans la dynamique des populations de cette espèce. De récentes études en laboratoire portant sur des cultures de cellules embryonnaires ont révélé que cette espèce était dix fois plus sensible aux hydrocarbures chlorés que le goéland argenté. Le nombre de sternes communes est à la baisse dans la partie canadienne des Grands Lacs, et bien que la perte d'habitat soit probablement le principal responsable de ce déclin, on ne saurait éliminer les produits toxiques comme facteur contributif. En raison de leur vulnérabilité aux organochlorés, la possibilité de perturbation du système endocrinien fait présentement l'objet d'une étude auprès des sternes communes.

Les rares analyses sur les contaminants effectués jusqu'ici sur les oeufs de sternes noires indiquent que les concentrations d'organochlorés sont inférieures aux niveaux que l'on croyait nécessaires pour causer des problèmes reproductifs. Cependant, aucune étude n'a été réalisée durant l'ère des pesticides, de la fin des années soixante au début des années soixante-dix, pouvant servir de comparaison. On récolte présentement des oeufs de sternes noires à quatre endroits dans les Grands Lacs et dans une colonie intérieure afin d'y effectuer de plus amples analyses. La contamination des terres humides par la vaporisation aérienne de pesticides, d'insecticides et d'herbicides pourrait avoir un effet indirect sur les sternes noires en réduisant les populations d'insectes qui composent leur menu.

Dérangement par les humains

Les sternes caspiennes sont particulièrement sensibles aux visites humaines dans leur colonie. Ils vont même abandonner leur colonie durant l'année si la présence humaine est trop envahissante. La sterne commune tolère les humains jusqu'à un certain point, étant donné que de nombreuses colonies insulaires sont souvent à proximité des régions urbaines. Cependant, depuis quelques temps, elles préfèrent les lieux de nidification intérieurs, souvent les plages et d'autres secteurs de loisirs, ce qui les rend encore plus vulnérables au dérangement. La présence humaine dans ces colonies force les sternes à quitter leur nid, exposant les oeufs et les poussins aux attaques des goélands. Pour ces raisons, les plaisanciers et les membres du public ne devraient pas visiter les colonies de sternes durant la saison de nidification et les chercheurs devraient écourter leurs visites autant que possible.

Les colonies de sternes de Forster et de sternes noires sont protégées de la présence humaine jusqu'à un certain point du fait qu'elles se trouvent souvent dans des endroits inaccessibles. Les endroits qu'elles choisissent pour nicher ne sont généralement pas propices à la navigation de plaisance. Cependant, sur le lac Sainte-Claire, où nichent la majorité des sternes de Forster des Grands Lacs, plusieurs colonies sont aménagées le long de chenaux et de baies souvent fréquentées où les sillages des bateaux peuvent noyer des nids par mégarde. En effet, les nids sont souvent très près de la ligne de flottaison. Dans les marais peu profonds et couverts de roseaux qu'affectionnent les sternes noires, les embarcations doivent naviguer lentement; les nids sont généralement protégés par un écran de quenouilles qui amortit le sillage. Les canots représentent une menace éventuelle beaucoup plus sérieuse car ils sont en mesure de pénétrer les regroupements de nids, les renverser ou perturber les adultes et leurs poussins.

Prédation

Les sternes caspiennes et communes nichent au sol dans des colonies très denses, ce qui les rend particulièrement vulnérables aux attaques de la part de mammifères. C'est pourquoi elles préfèrent nicher sur des îles. L'inaccessibilité relative de ces dernières offre à la colonie une certaine protection contre l'intrusion des prédateurs terrestres et des humains. En l'absence de lieux propices à la nidification insulaire, les sternes doivent nicher sur la terre ferme où leurs petits peuvent devenir la proie des renards (Vulpes vulpes), des ratons-laveurs (Procyon lotor), des visons (Mustela vison), des moufettes (Mephitis mephitis) et des chats. Les chiens représentent aussi un problème sérieux dans les colonies intérieures parce qu'ils piétinent les oeufs et les poussins et peuvent causer de sérieux dérangements, même s'ils ne mangent pas souvent les oeufs et les oiseaux.

Les sternes sont aussi la proie d'autres oiseaux. Le grand-duc d'Amérique s'attaque tant aux sternes adultes qu'aux gros poussins, tandis que le goéland argenté, le busard Saint-Martin (Circus cyaneus), le grand héron (Ardea herodias) et le bihoreau à couronne noire (Nycticorax nycticorax) dévorent parfois des oeufs et des petits. Récemment, des tourne-pierres à collier (Arenaria interpres) ont commencé à s'attaquer aux oeufs de sternes communes durant leur migration.

Les sternes nichant dans les marais, surtout celles dont le nid se trouve en eau peu profonde et près du rivage, peuvent devenir la proie des mêmes mammifères qui s'attaquent aux sternes insulaires, en plus d'être la cible de certains prédateurs qui leur sont propres. La couleuvre d'eau (Natrix sipedon) et la chélydre serpentine (Chelydra serpentina) capturent parfois des oeufs et des oisillons, tandis que les carpes (Cyprinus carpio) et les rats musqués, même s'ils ne sont pas des prédateurs, peuvent détruire par mégarde les nids et les oeufs des sternes des marais. En effet, les carpes peuvent faire tomber les oeufs dans l'eau, tandis que les rats musqués peuvent recouvrir ou endommager les nids et leur contenu lorqu'ils rebâtissent leur hutte après une tempête et des averses abondantes.


Activités de conservation

Les activités de conservation visant les sternes des Grands Lacs portent sur l'amélioration des habitats de nidification et la création de nouveaux habitats. Parmi les méthodes d'amélioration de l'habitat, mentionnons : l'amélioration de la couche inférieure des nids; la protection des lieux de nidification de la sterne contre la présence de goélands; le contrôle de la prédation de la part d'oiseaux et de mammifères; et, la prévention du dérangement par les humains. Les projets de création d'habitats comprennent la construction de plate-formes de nidification et d'îlots pour espèces sauvages. Jusqu'à présent, le gros des efforts de conservation a porté sur les sternes communes puisqu'elles ont été particulièrement touchées par la perte d'habitat.

Les premières tentatives documentées de gestion d'une colonie de sternes communes en déclin sont survenues dans les Grands Lacs à la colonie de sternes de Gull Island dans le parc provincial Presqu'île, près de Brighton (Ontario). Cette colonie, qui renfermait plus de 7 000 nids au début des années cinquante, n'en comptait plus que 79 en 1975. L'année suivante, tous les nids de goélands ont été enlevés et les plantes coupées à 10 ou 15 centimètres du sol à l'intérieur du secteur désigné comme aire de nidification des sternes. La colonie a connu beaucoup plus de succès en 1976. La régularisation de la végétation a permis de prolonger la saison de nidification et un plus grand nombre de poussins ont pris leur premier envol que l'année précédente. Toutefois, ces efforts ont été peut-être trop tardifs étant donné que seulement trois couples de sternes communes ont tenté de nicher sur Gull Island en 1977. Entre 1980 et 1995, la colonie a fluctué d'un nid en 1986 à 225 nids en 1985. Elle en comptait 96 en 1995.

De toutes les mesures ayant pour but d'améliorer l'habitat de la sterne commune, la plus réussie a eu lieu au brise-lames de Port Colborne dans le lac Érié. Des enseignes ont été installées pour avertir la population qu'il était interdit par la loi de pénétrer dans les lieux et de déranger les oiseaux. Les matières composant la couche inférieure du nid ont été remplacées au besoin lorsque de violentes tempêtes ou des travaux d'entretien courants du brise-lames ont enlevé les cailloux, le gravier et les amas de bois flottant et les plantes basses qui couvraient la surface de béton. Chaque avril depuis 1977, on découvre et détruit des nids de goélands à bec cerclé dans l'aire de nidification des sternes. Ces techniques ont réussi à maintenir la colonie à environ 1 000 couples pendant plusieurs années.

Durant la deuxième moitié des années quatre-vingt, des techniques de gestion semblables ont été mises à l'essai à la grande colonie de sternes communes au parc Tommy Thompson sur le littoral de Toronto. Puisqu'il s'agit d'une colonie en terre intérieure, située à proximité du plus grand centre urbain au Canada, la présence humaine est un problème de taille. Des enseignes ont été érigées, mais des actes de vandalismes répétés et des empreintes d'humains et de chiens prouvent qu'elles ont été souvent ignorées. Pendant un an, les plantes ont été coupées et l'invasion des goélands à bec cerclé a été endiguée grâce à des monofilaments. Malgré ces efforts, le nombre de sternes à la colonie du parc Tommy Thompson est passé de 1 694 couples en 1982 à 108 en 1989. Les techniques de gestion n'ont eu que très peu de succès parce qu'elles n'ont pas été appliquées avec assez de rigueur. De plus, les essais ont démontré que certaines des techniques utilisées n'étaient pas idéales pour cet endroit. Ailleurs dans les Grands Lacs, les populations de goélands ont été tenues à l'écart par l'installation judicieuse de monofilaments. Ainsi, les sternes ont pu retourner dans leurs anciens lieux de nidification.

Plate-icone de ridication pour sterne communes sur le idoral de Toronto

La sterne commune s'adapte facilement aux nichoirs artificiels. En 1990, l'Organisme de conservation de la ville de Toronto et de ses environs et le Service canadien de la faune ont créé un nouvel habitat pour cet oiseau dans le parc Tommy Thompson. Dans l'eau en face du parc, ils ont installé quatre grandes plate-formes artificielles en bois recouvertes d'un mélange de sable et de gravier. Les sternes communes ont mis très peu de temps à coloniser les radeaux et ont élevé des petits jusqu'à ce qu'ils puissent voler. Le projet a été poursuivi avec beaucoup de succès pendant les deux prochaines années et en 1993, on a modifié les plate-formes pour les garder dans l'eau à l'année longue. Un paraneige en plastique a été suspendu dans l'eau sous les radeaux qui servira de récif artificiel pour les poissons. Les sternes ont utilisé ces nouvelles plate-formes chaque année depuis ce temps. Une bande vidéo sur l'usage des plate-formes, accompagnée d'un manuel contenant des instructions détaillées sur la construction et des directives sur le fonctionnement et l'entretien est offerte par le Service canadien de la faune et l'Organisme de conservation de la ville de Toronto et de ses environs (voir «Lectures complémentaires» à la toute fin pour une liste d'adresses).

C'est toutefois dans le port de Hamilton, un des plus importants lieux de nidification d'oiseaux aquatiques colonisateurs des Grands Lacs, qu'a eu lieu le projet de création d'habitat des sternes caspiennes et communes le plus excitant et le plus ambitieux jamais réalisé au Canada. Les oiseaux nichent actuellement sur des terrains appartenant à la Commission du port de Hamilton pour lesquels un projet de développement a été prévu. Le port de Hamilton est une des 42 zones préoccupantes dans les Grands Lacs; il est caractérisé par la mauvaise qualité de son eau. Le Plan d'assainissement du port prévoyait notamment la construction de trois îlots pour espèces sauvages. Ces îlots auraient pour fonction principale de servir d'habitat aux oiseaux aquatiques qui seront dérangés par le développement, de même que de fournir un habitat protégé pour les amphibiens, les reptiles et les poissons. La contribution fédérale au projet a été assumée par le Plan d'action des Grands Lacs par le truchement du Fonds d'assainissement Grands Lacs 2000 d'Environnement Canada.

Construits durant l'hiver de 1995 à 1996, les îlots ont entre 100 à 125 mètres de long et à peu près 50 mètres de large. Chacun des îlots a été conçu de façon à ce qu'il ne soit pas balayé par les vagues durant les fortes tempêtes et a été aménagé au goût des espèces désirées pour chaque endroit. Un monticule a été construit sur les îlots nord et central, puis ces derniers ont été couverts de sable ou de gravier pour les sternes caspiennes et de gravier seulement pour les sternes communes. À la mi-mars 1996, on a recouvert les plate-formes d'une toile en plastique afin d'empêcher les goélands de s'y installer. Au début mai, une fois que les sternes furent prêtes à nicher, on a enlevé la toile et placé des appelants. Puis, sous licence du Service canadien de la faune, on a enlevé les nids de goélands tous les jours. Ilot artificiel construit dans le port de Hamilton pour servir de nichoir aux sternes, aux goelands et aux cormorants

Les sternes caspiennes n'ont mis aucun temps à venir nicher sur la plate-forme préparée pour eux sur l'îlot nord. Rien n'a été fait pour décourager les sternes à s'établir sur la terre ferme, mais elles ont peut-être préféré s'installer sur les îlots en raison des attaques constantes qu'a subi la colonie la saison précédente sur la terre ferme de la part de renards.

Contrairement aux sternes caspiennes, les sternes communes n'ont pas niché sur les lieux aménagés pour eux sur les îlots, mais ont opté pour un terrain qu'on avait recouvert de terre végétale en vue d'y planter des arbustes plus tard dans la saison. Cette couche ressemblait à celle trouvée dans les colonies de la terre ferme, ce qui est peut­être le facteur qui les a attirées. Rien n'a été fait pour décourager les sternes communes de nicher sur la terre ferme, mais les attaques de mammifères, le dérangement humain intentionnel et la présence de camions utilisés dans les travaux réguliers de remplissage du bassin Windermere, ont contribué à une baisse du succès de reproduction au cours des dernières années, ce qui a encouragé les sternes à s'établir sur les îlots d'espèces sauvages.

La première saison de nidification sur les îlots s'est soldée par un succès pour les sternes. Toutefois, si l'on veut maintenir ce taux de succès pour les années à venir, il faudra gérer activement ces îlots. Une fois l'an, il faudra arracher les plantes qui menacent d'envahir les lieux de nidification et empêcher les goélands à bec cerclé de s'y installer. Les efforts de conservation des sternes communes et caspiennes dans le port de Hamilton ont contribué à protéger la biodiversité du port et à fournir aux biologistes de la faune une expérience précieuse en gestion active de ces espèces en milieu urbain.

On a aussi tenté d'améliorer l'habitat des sternes noires dans quelques endroits du lac Ontario grâce à des plate-formes de nidification visant à augmenter la couche superficielle. C'est une méthode qui a été très fructueuse dans les nombreux marais du parc provincial Presqu'île dans la baie du même nom sur la rive nord du lac Ontario. Par une journée du début des années cinquante, environ 250 sternes noires ont été aperçues dans les marais de Presqu'île. Au début des années quatre-vingt, il ne restait plus que de 25 à 30 couples.

Durant les deux premières années du relevé annuel de sternes noires adultes, amorcé en 1990, les employés du parc ont découvert que la population de ces oiseaux avait diminué de 57 pour cent (voir tableau 1). En 1993, le niveau d'eau particulièrement élevé du lac Ontario a submergé une bonne partie des plantes sur lesquelles les sternes noires ont l'habitude de nicher. On a donc installé un certain nombre de nichoirs artificiels. Étant donné le succès remporté par ces plate-formes, on a décidé de continuer de les installer dans les années subséquentes. En 1995, les chercheurs ont rapproché les plate-formes qu'ils avaient installées à divers endroits du marais Presqu'île des nids construits sur des terrains naturels. Ceci explique peut-être le nombre élevé de plate-formes utilisées cette année­là (78 pour cent). Les statistiques indiquent que les sternes noires sont plus réticentes que les autres espèces à s'installer sur des plate-formes artificielles. Toutefois, dans les cas où l'espace naturel se fait rare, les plate-formes peuvent contribuer à un meilleur succès de reproduction Plate-forme de nidification pour stemes noires dans la region de la baie de Quinte dans les  sud-est de l'Ontario

La sterne de Forster n'a fait l'objet d'aucune activité de conservation dans les Grands Lacs, mais une étude sur le succès des nids sur plate-formes a été réalisée dans l'État du Wisconsin. Les employés du Department of Natural Resources ont installé environ 250 plate-formes qui ont été occupées à 95 %, doublant le nombre de couples nicheurs en l'espace de trois ans. Ils ont aussi réussi à convaincre les sternes de Forster de nicher dans des endroits qui n'avaient pas encore été utilisés. Cette étude révèle que, dans certaines situations, les sternes de Forster nichent volontiers sur des plate-formes artificielles. Ces nichoirs peuvent être utiles dans les colonies des Grands Lacs lorsqu'il n'y a pas assez de terrain de base naturel ou pour attirer des colonies déjà établies dans des lieux plus sûrs.

Le nombre de sternes caspiennes des Grands Lacs augmente de façon graduelle depuis le début des années soixante et les populations semblent bien se porter pour le moment. Cependant, étant donné qu'elles nichent dans très peu d'endroits, elles sont plus vulnérables. La majorité des nids de sternes de Forster présents dans les Grands Lacs se trouvent dans les marais du lac Sainte-Claire. Là aussi, leur nombre semble à la hausse. On doit les surveiller de près puisque leur nombre a fortement régressé ailleurs en Ontario. Le nombre de sternes communes est aussi à la baisse dans les Grands Lacs inférieurs depuis le début des années soixante, même si l'ampleur de leur déclin semble avoir diminué depuis le début des années quatre-vingt. Les populations ont regressé de façon plus graduelle dans le lac Huron. Le nombre de sternes noires dans les Grands Lacs a chuté, bien que les problèmes rencontrés durant le relevé nous empêchent de mesurer avec certitude l'ampleur du déclin. Les populations les plus importantes, relevées de façon consistante au cours de nombreuses années, se trouvent dans quelques marais étendus et productifs (lac Sainte-Claire, Pointe-Pelée, Rondeau, Long Point et Presqu'île). Toutefois, la plupart des colonies de sternes noires dans les Grands Lacs comptent moins de dix nids et sont plutôt éphémères.

Le fait que les sternes continuent de se reproduire, et, dans certains cas, d'augmenter en nombre, dans un endroit aussi fortement développé en dit long sur leur capacité d'adaptation. Certaines colonies nichent près de centres urbains depuis des décennies, mais la préservation de leurs lieux de nidification n'est pas assurée. On ne saurait trop insister sur l'importance de la préservation des habitats de ces oiseaux gracieux et légers. L'été dans les Grands Lacs ne serait pas le même sans eux. Ils contribuent au plaisir des résidants, peu importe leur intérêt pour l'écologie. Ils nous donnent aussi un spectacle à contempler et à admirer. Une sterne commune ne pèse que 4 onces (120 grammes), et pourtant, cette petite créature d'os et de plumes peut parcourir 15 000 kilomètres aller-retour lors de sa migration annuelle vers sa zone d'hivernage.

Le phénomène mondial de la migration nous rappelle que les oiseaux ne connaissent aucune frontière et que les efforts de préservation doivent viser, non seulement leur territoire estival, mais leur zone d'hivernage à l'étranger. La perte d'habitat est une menace envahissante. Environnement Canada a signé des ententes avec d'autres pays, des organismes de la faune provinciaux et des organismes non gouvernementaux dans le but de préserver la biodiversité et les habitats. Les sternes font partie de notre patrimoine commun et méritent qu'on leur consacre des efforts de conservation.


Renseignements supplémentaires

Lectures complémentaires :

Austen, M.J., H. Blokpoel et G.D. Tessier. 1996. Atlas of Colonial Waterbirds Nesting on the Canadian Great Lakes, 1989-1991. Part 4. Marsh-nesting terns on Lake Huron and the lower Great Lakes system in 1991. Technical Report Series No.217. Service canadien de la faune, Région de l'Ontario.

Austen, M.J., M.D. Cadman et R.D. James. 1994. Ontario Birds at Risk: Status and Conservation Needs. Federation of Ontario Naturalists et l'Observatoire d'oiseaux de Long Point.

Blokpoel, H. and W.C. Scharf. 1991. Status and conservation of seabirds nesting in the Great Lakes of North America. Conseil international pour la préservation des oiseaux (CIPO). Technical Publication No. 11, pp. 17-41.

Blokpoel, H. et G.D. Tessier. 1996. Atlas of Colonial Waterbirds Nesting on the Canadian Great Lakes, 1989-1991. Part 3. Distribution and abundance of colonial waterbirds nesting in the Canadian portions of the lower Great Lakes system in 1990. Série de rapports techniques N° 225. Service canadien de la faune, Région de l'Ontario.

Dunn, E.H. et D.J. Agro. 1995. Black Tern (Chlidonias niger). In The Birds of North America, No. 147 (A. Poole and F. Gill, eds.). The Academy of Natural Sciences, Philadelphia, and the American Ornithologists Union, Washington, D.C.

Ewins, P.J., D.V. Weseloh, R.J. Norstrom, K. Legierse, H.J. Auman, et J.P. Ludwig. 1994. Caspian Terns on the Great Lakes: organochlorine contamination, reproduction, diet, and population changes, 1972-1991. Publication hors série N° 85. Service canadien de la faune, Ottawa (Ontario).

Quinn, J.S., R.D. Morris, H. Blokpoel, D.V. Weseloh et P.J. Ewins. 1996. Design and management of bird nesting habitat: tactics for conserving colonial waterbird diversity on artificial islands in Hamilton Harbour, Ontario. Journal canadien des sciences halieutiques et aquatiques 53: 45-57.


Vous pouvez obtenir des renseignements supplémentaires sur les sternes et les programmes de conservation qui leurs sont destinés aux adresses suivantes :

Service canadien de la faune
Environnement Canada
49 Camelot Drive
Nepean (Ontario) K1A OH3

Pour obtenir le vidéo ou le manuel de construction des plate-formes, ou pour de plus amples renseignements, veuillez communiquer avec :

M. Hans Blokpoel
Service canadien de la faune
Environnement Canada
49 Camelot Drive
Nepean (Ontario) K1A 0H3

Mr. Scott Jarvie
Office de protection de la nature de la
communauté urbaine de Toronto et de la région
5 Shoreham Drive
Downsview (Ontario) M3N 1S4

Vous pouvez obtenir des renseignements sur les questions propres aux Grands Lacs à l'adresse suivante :

Environnement Canada
4905, rue Dufferin
Downsview (Ontario)
M3H 5T4

Service canadien de la faune
Environnement Canada
C.P. 5050
Burlington (Ontario) L7R 4A6

Pour en savoir plus long sur les efforts de conservation des oiseaux au Canada, communiquez avec :

Bird Studies Canada
c/o Observatoire d'oiseaux de Long Point
C.P. 160
Port Rowan (Ontario) N0E 1M0

Important Bird Areas Program
c/o Fédération canadienne de la nature
1, rue Nicholas, Bureau 520
Ottawa (Ontario) K1N 7B7


Publié avec la permission du ministère de l'Environnement
© Minister of Supply and Services Canada, 1996

Auteurs : Jan Neuman et Hans Blokpoel, Service canadien de la faune

 
Un site de La Voie VerteMC d'Environnement Canada