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Ressources biologiques

Invasion du Phragmite commun dans les îles de Boucherville

La superficie occupée par le Phragmite commun était inférieure à un hectare en 1980 dans les Grandes battures Tailhandier dans la région des îles de Boucherville, à l’est de Montréal. En 2002, près de 33 ha étaient colonisés par cette graminée si envahissante qu’elle menace la biodiversité. Selon les spécialistes, la baisse des niveaux d’eau du Saint-Laurent favoriserait l’envahissement des îles de Boucherville par le phragmite.

On rencontre le Phragmite commun (Phragmites australis*) partout dans le monde, à l’exception de l'Antarctique. Au Québec, on peut maintenant le voir de l’Abitibi jusqu’en Gaspésie. Jusqu’à la fin des années 1950, sa distribution était plutôt clairsemée au Québec, mais depuis les années 1970, le phragmite semble en pleine expansion dans le sud-ouest du Québec, notamment dans les milieux humides.

Photo : Phramites australis

Phragmite commun (Phragmites australis)


Illustration : poisson
L’invasion des phragmites entraîne l’appauvrissement de la diversité des végétaux

De façon générale, cette plante de la famille des Graminées occupe les lieux ouverts, privilégiant les sols humides comme les marais, les rivages et les fossés. Sa propagation par fragments de rhizome, dont la croissance est abondante, favorise l’envahissement rapide de cette plante sur les sols remaniés. Le Phragmite commun s’adapte facilement aux périodes d’inondation et d’assèchement et tolère de grands écarts de température. Par conséquent, cette plante envahissante est très agressive et très résistante, au point de réussir à former des peuplements monospécifiques.

Sites colonisés par Phagmites australis avant et après 1980,
dans le Saint-Laurent, entre le lac Saint-François et le lac Saint-Pierre
Pour en savoir plus, cliquez sur la carte

Carte : Localisation des sites colonisés par le Phragmites australis


Dans le tronçon fluvial du Saint-Laurent, les spécialistes ont noté un accroissement notable du nombre de sites colonisés depuis 1980, notamment dans les Grandes battures Tailhandier. La superficie occupée par le phragmite, à cet endroit, s’est accrue de façon exponentielle, soit de 18 % en moyenne par année entre 1980 et 2002.

Photo : Grandes battures Tailhandier des îles de Boucherville

L'invasion des phragmites dans les Grandes battures Tailhandier
des îles de Boucherville


Progression et dispersion du phragmite entre 1980 et 2002
dans les Grandes battures Tailhandier (îles de Boucherville)

Période Surface colonisée
à la fin de
la période
(ha)
Progression
des colonies établies
(ha/an)
Nombre
de nouvelles colonies
par année
Gains en
superficie
associés à
la dispersion
de nouvelles colonies
(%)
1980-1988 4,52 0,46 2,1 10,4
1988-1994 15,34 1,80 14,5 30,5
1994-1995 16,09 0,75 21 14,1
1995-1996 19,85 3,76 10 1,6
1996-1999 23,19 1,35 11,3 6,9
1999-2002 32,63 3,15 5,6 9,7

Illustration : Progression et dispersion du phragmite entre 1980 et 2002

  • Apparues en 1980, les premières colonies (0,86 ha) se concentraient dans le lit du chenal du Courant, un canal d’écoulement naturel situé à l’ouest des Grandes battures Tailhandier. Nombreuses (> 50) et de petite taille (< 0,15 à 0,3 ha), ces colonies se répartissaient dans un axe S.-O.–N.-E. correspondant à la direction des vents dominants.
  • Entre 1980 et 1988, la taille des colonies établies augmente (> 0,21 ha) et environ 17 nouvelles colonies de petite taille (< 0,06 ha) sont apparues à moins d’un kilomètre au nord de celles observées en 1980.
  • L’apparition de 87 nouvelles colonies entre 1988 et 1994, représentant 30,5 % des gains en superficie colonisée, a contribué de façon importante à la dispersion du phragmite.
  • La période suivante (1994-1995) se caractérise par une forte dispersion de nouvelles colonies (21 par année, soit deux fois plus que la période précédente), alors qu’en 1995-1996, on note une progression importante de la superficie des colonies établies (3,76 ha/an, soit cinq fois plus que l’année précédente).
  • La période 1996-1999 présente un ralentissement de la progression de la superficie des colonies établies (1,35 ha/an) par rapport à la période précédente, cette diminution étant suivie d’une hausse (3,15 ha/an) pour la période 1999-2002. Alors que la taille des colonies augmente durant cette période, le nombre de nouvelles colonies chute de moitié. 
  • En résumé, les gains en superficie colonisée par le phragmite résultent principalement de la progression des colonies existantes (88 % des gains). Cependant, la formation de nouvelles colonies, issues probablement de la germination de graines, se traduit par la dispersion de la plante sur de plus grandes distances.


Les conditions hydrologiques seraient-elle en cause ?

La présence du phragmite à certains endroits des îles de Boucherville est attribuable à la propagation des graines et des rhizomes dans les sols remaniés, résultant des modifications anthropiques comme l’excavation et le remblayage. Toutefois, les spécialistes ont observé un lien entre les niveaux d’eau et la propagation du phragmite, notamment dans les Grandes battures Tailhandier.

Photo : Phragmites

Variations annuelles du niveau d’eau moyen du Saint-Laurent
et des valeurs minimales et maximales enregistrées
quotidiennement à Montréal entre 1977 et 2002

Illustration : Variations annuelles du niveau d?eau moyen du Saint-Laurent et des valeurs minimales et maximales enregistrées quotidiennement à Montréal entre 1977 et 2002

Remarque. – Les dates d’échantillonnage de Phragmites australis aux îles de Boucherville sont indiquées par les traits verticaux.

La moyenne annuelle des niveaux d’eau à Montréal a baissé d’environ 50 cm depuis 25 ans. Les spécialistes ont observé les plus forts gains de superficies colonisées par le phragmite durant les années suivant une saison de bas niveaux. Ainsi, les bas niveaux d’eau de 1995, 1999 et 2001 ont favorisé l’établissement de colonies le long des rives du Saint-Laurent, entre Cornwall et Trois-Rivières.

En effet, les conditions hydrologiques auxquelles sont soumises les plantes, particulièrement les faibles niveaux du fleuve et la courte durée d’inondation durant la saison de croissance (1er juillet au 31 octobre) de l’année précédente, favoriseraient l’expansion des colonies de phragmite. Celles-ci tolèrent autant les conditions de sécheresse que l’inondation, mais survivent mal lorsque, durant l’année précédente, les plantes ont poussé à plus de 1,5 mètres au-dessus du niveau moyen de l’eau ou lorsqu’elles ont été inondées pendant plus de 100 jours.


Dans une perspective de réchauffement climatique, on peut imaginer des saisons plus chaudes, plus sèches, plus ensoleillées provoquant la baisse des niveaux d’eau du Saint-Laurent. Toutes ces conditions réunies sont favorables à la croissance du phragmite dans l’écosystème du Saint-Laurent, lequel est soumis à la régulation des niveaux d’eau. Or, la caractérisation des espèces végétales envahissantes et la prévision de leur réponse aux conditions du milieu permettront d’anticiper les conséquences des changements climatiques et, ainsi, d’orienter les décisions liées à la gestion du débit sortant du lac Ontario vers le Saint-Laurent.

Les travaux à Environnement Canada se poursuivent afin notamment de suivre l’introduction et la propagation d’espèces végétales envahissantes ainsi que l’état vers lequel les peuplements végétaux évolueront en fonction des conditions de niveau d’eau du Saint-Laurent.


*Nomenclature tirée de Frère Marie-Victorin. 1995. Flore laurentienne. 3e éd., mise à jour et annotée par Luc Brouillet et Isabelle Goulet.


Documentation

Delisle, F., C. Lavoie, M. Jean et G. Létourneau. 2003. « Reconstructing the spread of invasive plants: Taking into account biases associated with herbarium specimens ». Journal of Biogeography, 30 : 1033-1042.

Hudon, C. 1997. « Impact of water level fluctuations on St. Lawrence River aquatic vegetation ». Journal canadien des sciences halieutiques et aquatiques, 54 : 2853-2865.

Hudon, C., P. Gagnon et M. Jean . 2005. « Hydrological factors controlling the spread of common reed (Phragmites australis) in the St. Lawrence River (Québec, Canada) » . Écoscience 12 : 347-357.

Jetté, I. 2000. « Évaluation et cartographie de la répartition de Phragmites australis sur les Grandes battures Tailhandier dans les îles de Boucherville par photo-interprétation multidate (1980-1999) ». Rapport de baccalauréat déposé au Département de géographie et télédétection, Université de Sherbrooke.

Lavoie, C.,  M. Jean,  F.  Delisle et G. Létourneau. 2003. « Exotic plant species of the St. Lawrence River wetlands: A spatial and historical analysis ». Journal of Biogeography, 30 : 537-549.


Liens pertinents

Infos Saint-Laurent

Impacts des fluctuations des niveaux d’eau sur les plantes aquatiques


Projets

Effets des conditions climatiques et des variations des niveaux d’eau sur les milieux humides du Saint-Laurent

Implication des collectivités dans le suivi des espèces végétales envahissantes du lac Saint-Pierre

Suivi de la végétation des milieux humides


Commission mixte internationale


Pour en savoir plus sur le Phragmite commun

Bouchard, C. J., R. Néron et L. Guay. 1999. « Phragmite commun (roseau commun) ». Guide d'identification des mauvaises herbes du Québec. Ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation du Québec (MAPAQ), Centre ARICO.**

Ministère de l'Agriculture, de l'Alimentation et des Affaires rurales de l'Ontario. Les mauvaises herbes de l'Ontario : Phragmite commun.

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