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Résumé

Sable Gully, un canyon très profond au large de la côte de la Nouvelle-Écosse, est un lieu riche sur le plan de la biodiversité. On veut en faire un endroit protégé. Le ministère des Pêches et des Océans a inscrit l'endroit dans l'Avis aux navigateurs et considère ce lieu comme un sanctuaire de baleines. Il veut ainsi protéger la baleine à bec commune. Ces gentils géants font partie d'un groupe distinct et vulnérable. Les chercheurs qui s'intéressent à la génétique des baleines à bec commune ont remarqué des différences importantes entre les baleines de Sable Gully et celles que l'on retrouve ailleurs.

Transcription de la vidéo

Jill Deacon
La baleine a la réputation de pouvoir plonger à des profondeurs incroyables pour se nourrir. La championne à cet égard, la baleine à bec commune, vit maintenant près de la Nouvelle-Écosse, ce qui est étonnant puisque son habitat habituel est beaucoup plus au nord et à l'est. Un chercheur intrépide a entrepris d'étudier les habitudes de cet animal. Son travail est d'autant plus important dernièrement que la survie des baleines est menacée. Le gouvernement canadien s'emploie toutefois à les protéger ainsi que la zone où elles vivent.

Jay Ingram
La bise aigre du printemps rappelle à M.Hal Whitehead que la saison de la voile approche à grands pas.

Bientôt son voilier de 12 mètres, le Balaena, sera chargé d'étudiants et de provisions suffisantes pour trois semaines.

L'équipage du Balaena partira à la recherche de la baleine à bec commune.

Hal Whitehead
Imaginez Flipper, le célèbre dauphin à gros nez, et rendez-le, disons, 10 fois plus gros. Donnez-lui une tête un peu plus bombée, pour qu'elle fasse vraiment saillie. Gardez le sourire de Flipper... et c'est à peu près ce qu'une baleine à bec commune a l'air, quoiqu'elle est un peu plus grasse aussi!

Jay Ingram
Longue d'à peine 7 mètres en moyenne, la douce et curieuse baleine à bec commune est petite comparativement aux autres espèces de baleines. Son habitat s'étend de la côte du Labrador au bord de la banquise arctique et au nord de la Norvège.

Pourtant, c'est au sud qu'ira M.Whitehead, vers un ravin sous-marin situé au large des côtes néo-écossaises, où vit, à des milliers de km de leurs cousins du Nord, la famille de baleines à bec qu'il étudie.

Hal Whitehead
Il y a environ 130 baleines à bec, de toutes les couches de la population dans le ravin... des bébés, de grands et vieux mâles à la tête plate, des femelles aussi, de tous les âges, qui habitent le ravin à longueur d'année. Nous avons commencé à examiner la génétique de ces baleines à bec et à les comparer avec celles qui vivent ailleurs. Dans l'ensemble, nous avons constaté une différence importante entre celles du ravin et les autres, ce qui indique que les populations sont au moins quelque peu distinctes.

Jay Ingram
Imaginez le Grand Canyon sous l'eau... et vous avez une idée de ce qu'est le ravin de la région de l'île de Sable. Il se trouve à environ 400 km au sud-est d'Halifax. Il fait 20 km de largeur sur 70 de longueur. Et la famille égarée de baleines à bec communes qui y vit n'est qu'un des nombreux mystères qu'il recèle.

Bob Rutherford
Notre plus grande certitude au sujet du ravin, c'est que nous en savons très peu sur son écosystème... Il s'est formé là une collectivité d'espèces très particulière et diversifiée: des espèces qui ne se rencontrent pas dans l'océan coexistent dans le ravin.

Jay Ingram
De fait, une grande partie de ce que nous savons sur la baleine à bec commune provient des travaux de M.Whitehead dans le ravin. Depuis 10ans, il identifie les baleines et observe l'organisation de leur vie sociale.

Il a capté sur pellicule des comportements jamais vus auparavant.

Hal Whitehead
Nous regardions deux mâles... et soudain ils ont commencé à lutter. Ils nageaient dans des directions opposées, se retournaient et revenaient l'un vers l'autre. Ils plongeaient légèrement et se rentraient dedans, tête contre tête, puis ils se séparaient et recommençaient. C'est sans doute pour cela que les mâles ont une tête si plate: ils s'en servent pour ce genre d'agression, lorsqu'ils rivalisent les uns contre les autres.

Jay Ingram
Mais il tenait à savoir pourquoi ces baleines vivaient dans le ravin. Et ses étudiants ont conçu des tests ingénieux pour le découvrir.

À l'aide d'une fléchette à bout creux et d'une arbalète, ils ont extrait de petits échantillons de peau et de lard de baleine.

En analysant le gras du lard de baleine, ils ont trouvé le premier indice.

Hal Whitehead
Les acides gras du lard de la baleine à bec étaient exactement les mêmes que ceux qu'on retrouvent chez un étrange calmar qui ne vit qu'au plus profond de l'océan... environ 1000 à 1500 mètres sous la surface. Il semblerait donc que les baleines à bec se nourrissent d'une population de ces calmars qui vivent au fond du ravin.

Jay Ingram
Mais était-ce possible? Aucun mammifère marin ne pouvait plonger si loin, croyaient les chercheurs.

Utilisant la même arbalète et un enregistreur temps-profondeur installé sur une ventouse à 2 $ de Canadian Tire, ils ont visé à qui mieux mieux. Après 50 essais, deux ventouses ont collé, dont une pendant 28 heures. À son retour, ils ont eu leur premier coup d'oeil sur la vie sous-marine de la baleine.

Hal Whitehead
Ces baleines plongeaient régulièrement jusqu'au fond du ravin... à 1400 ou 1500 mètres sous la surface, donc à plus d'un kilomètre de profondeur.

Jay Ingram
Ce qui fait de la baleine à bec commune la championne incontestée de la plongée profonde, puisqu'elle plonge plus loin que tout autre mammifère jamais étudié.

Mais ces animaux exceptionnels sont vulnérables. De nos jours, la menace ne vient pas des baleiniers, mais des installations de forage. D'immenses réserves de pétrole et de gaz attendent d'être exploitées le long du plateau néo-écossais, près du ravin.

Un important gazoduc est en construction entre l'île de Sable et Boston, à travers les Maritimes et la Nouvelle-Angleterre...

Et M.Whitehead craint que les contaminants et la pollution sonore finissent par être nuisibles.

Hal Whitehead
Quand on écoute sous l'eau, on entend presque toujours le grondement des navires sismiques qui sondent les alentours à la recherche de pétrole et de gaz. Ces sons sont si extraordinairement bruyants que nous les entendons, même à 50 kilomètres de distance du bateau; ils couvrent la plupart des autres sons... le son des baleines, et ainsi de suite.

Bob Rutherford
Il y a environ 14 espèces de baleines qui fréquentent le ravin, qui y vont régulièrement. La baleine à bec est l'une des cinq espèces considérées comme vulnérables à l'activité humaine.

Jay Ingram
Le ministère des Pêches et des océans surveille de près les baleines à bec. Le ravin est désigné «sanctuaire de baleines», et une suspension à l'égard de tout nouveau projet de développement est en vigueur dans la région. Le MPO se donne ainsi le temps de rédiger un plan de gestion qui mènera, espère M.Rutherford, à la création d'une « zone de protection marine », où l'activité humaine sera surveillée et restreinte, afin d'en préserver la biodiversité.

Bob Rutherford
Les champs de gaz de la région de l'île de Sable ne sont qu'à 40km à l'ouest du ravin. On s'est beaucoup préoccupé de surveiller les effets des travaux, du bruit et des contaminants pour assurer la protection de l'écosystème du ravin, mais nous voulons être certains que cela s'applique à tout le monde...

Jay Ingram
Si elle est approuvée, cette zone de protection marine pourrait être créée d'ici un an au minimum...

Mais ce ne sera jamais assez tôt pour M.Whitehead et ses collègues, qui ont travaillé dur pour prouver que ces baleines constituent une population distincte et vulnérable, raison suffisante, selon eux, pour établir une zone de protection marine autour du ravin.

Hal Whitehead
Nous ne savons pas quelles seront les répercussions de l'exploitation de ces champs, mais il est fort probable que toute l'activité que ça suppose chasserait les baleines à bec communes du ravin, ce qui serait, de mon point de vue, une véritable tragédie...

Jay Ingram
M.Whitehead sera de retour cet été, à bord du Baleana, pour garder un oeil sur ses chères baleines...

Ce reportage a été produit avec l'aide du ministère des Pêches et des océans.