Le syndrome de mortalité précoce chez les salmonidés

Le syndrome de mortalité précoce (SMP) est un problème international qui touche diverses espèces de saumons et de truites et peut provoquer des pertes catastrophiques de très jeunes poissons. Dans le bassin des Grands Lacs, par exemple, les salmonidés ont subi une mortalité après éclosion allant jusqu'à 90 p. 100, selon l'année, l'espèce et le lieu.

La cause exacte du syndrome n'est pas bien connue, mais des scientifiques de l'Institut national de recherche sur les eaux (INRE) d'Environnement Canada ont entrepris, en collaboration avec des gestionnaires des pêches et des ressources du Canada et des États-Unis, d'étudier l'interaction entre les contaminants, la carence en thiamine et les vitamines antioxydantes travaux qui, à leur avis, jetteront une lumière nouvelle sur le problème.

Les symptômes du SMP apparaissent entre l'éclosion et le moment où le poisson s'alimente pour la première fois et comprennent la perte d'équilibre, la léthargie, la nage en spirale, l'hyperexcitabilité et l'hémorragie, suivies de la mort. Les espèces touchées sont les saumons coho et quinnat, ainsi que la truite arc-en-ciel (anadrome), la truite brune et le touladi. Les saumons atlantiques des lacs Finger de l'État de New York et de la mer Baltique sont victimes de syndromes de mortalité précoce similaires, appelés respectivement syndrome de Cayuga et M74.

La carence en thiamine dans les œufs constitue un lien commun entre ces trois syndromes et l'on a constaté que des traitements de thiamine sur des œufs ou des alevins ont réussi à accroître la survie et à inverser les effets des syndromes. Bien que la cause de cette carence soit inconnue, elle semble résulter de la présence d'enzymes altérant la thiamine dans le régime alimentaire des salmonidés. Dans les Grands Lacs, certains salmonidés se nourrissent d'espèces de poissons allogènes, telles que le gaspareau et l'éperlan. On a relevé chez ces espèces des teneurs en enzymes altérant la thiamine de près de cent fois supérieures à celles des espèces indigènes, ce qui en fait une cause probable du développement de la carence en thiamine.

Le fait que le SMP et M74 soient plus répandus dans les écosystèmes contaminés soulève la possibilité d'une interaction entre la thiamine ou la thiaminase et les contaminants. Il est possible que les contaminants accroissent les besoins en thiamine des salmonidés, ou que les effets des contaminants ne se manifestent que lorsque la biodisponibilité de la thiamine dans l'environnement est faible. En Finlande, les chercheurs ont décelé des concentrations plus élevées de contaminants de type dioxine appelés hydrocarbures halogénés à structure planaire (HHP) dans les muscles de saumons femelles dont la progéniture avait été victime du syndrome M74.

Pour l'instant, aucun lien n'a été établi entre un contaminant particulier et le SMP dans les études nord-américaines, mais jusqu'à maintenant, les recherches ne se sont faites qu'à court terme. Des études à long terme sont nécessaires pour déterminer si le syndrome est plus répandu parmi les populations de saumons affichant un niveau élevé de HHP et faible de thiamine.

Un autre champ d'enquête est l'existence possible d'un lien entre la carence en thiamine et les vitamines antioxydantes. À l'occasion d'une étude effectuée sur le lac Ontario, des chercheurs ont analysé la teneur en antioxydants de touladis femelles et constaté que les poissons adultes dont la progéniture contractait le SMP manifestaient des niveaux de vitamine E (un antioxydant) plus faibles que ceux dont la progéniture ne contractait pas le syndrome. Des travaux additionnels seront nécessaires pour préciser le lien entre la carence en thiamine et d'autres facteurs tels que les vitamines antioxydantes.

Les scientifiques de l'INRE et leurs partenaires de Pêches et Océans Canada, de la United States Geological Survey, des départements des Ressources naturelles du Michigan et du Wisconsin, de la United States Fish and Wildlife Service et de la Chippewa-Ottawa Treaty Fishery Management Authority se livrent à un grand nombre d'activités dans le cadre de leurs recherches. Entre autres, ils ont entrepris de quantifier la thiamine et la thiaminase dans le réseau alimentaire, de déterminer l'étendue du syndrome chez les salmonidés, d'améliorer les procédures thiaminothérapeutiques, de mettre au point un modèle de laboratoire et de tester une vaste gamme de produits chimiques et de contaminants pour vérifier s'ils agissent de façon synergique avec la carence en thiamine.

Les autres secteurs que l'on se propose d'explorer sont les effets à long terme sur les poissons qui survivent au SMP, la question de savoir si d'autres espèces qui consomment le gaspareau et l'éperlan éprouvent des problèmes de reproduction liés à la carence en thiamine et si les cyanophycées peuvent agir en qualité de source de thiaminase. Les conclusions aideront à protéger les populations de poissons autonomes et à régénérer les populations dégradées d'espèces indigènes dans les Grands Lacs.

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