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Bullein science et environnement- septembre/octobre 2001

Les produits antiparasitaires à usage agricole et l'atmosphère

Des chambres à flux sont disposées dans un champ de canola pour mesurer la volatilisation du lindane à partir des semences traitées.

L'être humain lutte contre les parasites végétaux et animaux qui menacent ses ressources alimentaires depuis les débuts de l'agriculture, il y a des milliers d'années. Toutefois, l'arsenal de produits chimiques toxiques utilisé aujourd'hui pour endiguer la propagation des mauvaises herbes et des insectes risque de faire des victimes au-delà des limites de nos exploitations agricoles.

Des études effectuées par des scientifiques d'Environnement Canada (EC) et d'Agriculture et Agroalimentaire Canada (AAC) ont établi que certains pesticides s'échappaient dans l'atmosphère sous l'effet d'un processus connu sous le nom de volatilisation. Après leur application, ces produits chimiques sont libérés sous forme de gaz ou adhèrent à des particules, telles que la poussière du sol. Certains de ces pesticides peuvent se déplacer sur de grandes distances dans l'atmosphère, avant de retomber sur le sol sous l'effet des précipitations ou en tant que retombées sèches. Non seulement cette situation constitue-t-elle une grave menace pour les secteurs non ciblés, tels que les terres humides et d'autres écosystèmes délicats, mais elle représente une perte économique significative pour les agriculteurs.

Les pesticides occupent une place quelque peu particulière parmi les produits chimiques industriels, en ce sens qu'ils sont conçus pour être hautement toxiques, mais en même temps, ils sont diffusés et appliqués sur une grande échelle dans l'environnement. Dans les Prairies canadiennes, où l'agriculture est une industrie primaire, la plupart des terres cultivées sont traitées à l'aide de pesticides. Les plus communément utilisés sont les herbicides, dont plus de 20 000 tonnes sont appliquées chaque année dans les exploitations agricoles du Manitoba, de la Saskatchewan et de l'Alberta. Bien que l'effet toxique des herbicides agisse surtout sur les plantes, il peut aussi affecter les mammifères, et l'on sait peu de choses des effets à long terme de niveaux faibles de ces produits chimiques ou de leurs effets combinés sur d'autres organismes. L'usage des insecticides, qui sont en général plus toxiques pour les mammifères, est moins répandu, mais il a connu un accroissement significatif ces dernières années, par suite de l'intensification de cultures vulnérables aux insectes, telles que le canola et la lentille.

La Saskatchewan utilise près de la moitié de tous les pesticides appliqués sur les cultures dans les Prairies canadiennes. Pour suivre le cheminement de ces produits chimiques, EC et AAC ont prélevé des échantillons de sol et d'eau sur les terres cultivées traitées et sur des emplacements voisins, ainsi que des échantillons d'air et de dépôts bruts dans ces endroits et dans d'autres situés loin de toute activité agricole. Pour s'assurer que les mesures reflétaient les quantités significatives de dépôts secs produites dans l'environnement des Prairies, les scientifiques ont mis au point un dispositif permettant de mesurer les dépôts humides comme secs – un plateau d'acier autorinceur qui déverse les matières déposées sur sa surface dans un réservoir pour séparation et analyse ultérieure.

Des concentrations d'un certain nombre d'herbicides ont été décelées dans l'atmosphère, ainsi que dans l'eau et sur les pellicules de surface d'étangs fermiers ou de mares-réservoirs. Au nombre des plus courants, il convient de citer le 2,4-D et le triallate – des pesticides qui sont appliqués sur les cultures essentiellement au moyen d'instruments tirés par tracteur pour endiguer l'envahissement des céréales par les mauvaises herbes. Ces deux produits sont utilisés abondamment dans les Prairies, où l'on estime que plus de 3,8 millions de kilogrammes de 2,4-D et 2,7 millions de kilogrammes de triallate sont appliqués chaque année. Les résultats ont permis d'établir que les concentrations de pesticides dans les étangs fermiers étaient plus élevées que de coutume après la saison de végétation – ce qui indique que le transport atmosphérique constitue une source importante de ces contaminants. Des études effectuées dans des stations de recherche agronomique de la Saskatchewan ont conclu que le taux de volatilisation après application du 2,4-D et du triallate était d'environ 18 p. 100.

D'autres preuves du transport atmosphérique des pesticides ont été fournies par l'analyse d'échantillons d'air prélevés près de Regina, en Saskatchewan, à Yellowknife, dans les Territoires du Nord-Ouest, ainsi que dans l'Arctique–dont tous contenaient des pesticides qui ne provenaient pas de sources locales. On s'inquiète tout particulièrement des concentrations de l'insecticide lindane, un cancérogène présumé qui est susceptible de s'accumuler dans les tissus adipeux des animaux. On estime que 20 400 tonnes de lindane sont appliquées chaque année dans le monde – 500 tonnes au Canada à lui seul, où il a été principalement affecté au traitement des semences de canola.

Alors que les échantillons d'air de Regina contenaient des concentrations assez élevées du type de lindane utilisé sur les cultures de canola au Canada, les échantillons d'air de l'Arctique en renfermaient aussi un autre type, utilisé en Inde et dans d'autres pays, ce qui prouve que ce pesticide a la capacité de se déplacer sur des milliers de kilomètres dans l'atmosphère. Pour déterminer exactement la quantité de lindane pénétrant dans l'atmosphère à partir des cinq millions d'hectares de canola cultivés dans les Prairies, où 95 p. 100 environ des semences de canola sont prétraitées au lindane, des scientifiques d'Environnement Canada ont entrepris les premiers tests de volatilisation à partir de semences traitées aux pesticides à jamais avoir été effectués.

Des échantillonneurs de concentration atmosphérique et de dépôts humides et secs ont été disposés dans un champ de canola traité situé au nord-ouest de Saskatoon, en Saskatchewan, dans une cour de ferme abandonnée se trouvant à deux kilomètres de là et juste à l'extérieur de Waskesiu, dans le parc national de Prince-Albert. Les données ont été recueillies sur deux saisons de végétation et des tests additionnels ont été effectués à l'aide de chambres à flux placées directement sur le sol pour capter les émissions gazeuses et particulaires. En se fondant sur leurs conclusions, qui font notamment état de concentrations atmosphériques de lindane allant jusqu'à 16,1 nanogrammes par mètre cube dans le champ traité, les scientifiques estiment que jusqu'à 30 p. 100 du lindane appliqué sur les semences de canola pénètre dans l'atmosphère par volatilisation. Cela représente une charge atmosphérique atteignant jusqu'à 188,8 tonnes dans les Prairies à elles seules durant les six semaines suivant la plantation.

Un échantillonneur d'air à grand débit mesure les concentrations de lindane et d'autres polluants aéroportés au-dessus d'un champ de canola en Saskatchewan.

Un échantillonneur d'air à grand débit mesure les concentrations de lindane et d'autres polluants aéroportés au-dessus d'un champ de canola en Saskatchewan.

L'une des raisons de ce taux important de volatilisation est que le lindane possède une pression de vapeur élevée et que la semence traitée n'est enfouie qu'à une profondeur de trois à cinq centimètres environ. Ainsi, elle est facilement exposée à l'air, particulièrement dans les sols rudes qui caractérisent les Prairies. On a remarqué par ailleurs que l'humidité du sol accroissait le taux de volatilisation, peut-être en déplaçant les pesticides dans le sol ou en les soutirant par évaporation. Un effet similaire a été noté en ce qui concerne le triallate, qui est incorporé au sol sous forme de granulés avant ou après les semis.

Les conclusions de l'étude confirment que les quantités de lindane s'échappant des semences traitées durant la saison de germination contribuent de façon significative aux concentrations atmosphériques régionales. Bien que le rôle joué par les Prairies en tant que source de lindane pour d'autres écosystèmes nord-américains et mondiaux fasse présentement l'objet d'études, les trajectoires vers l'avant ont montré que la région du sud de l'Ontario et des Grands Lacs, ainsi que l'Arctique, reçoivent du lindane provenant de l'Ouest sous l'effet des retombées atmosphériques. Le trajet suivi par les autres pesticides qui pénètrent dans l'atmosphère est plus difficile à établir exactement parce que ces produits chimiques sont utilisés plus largement au pays et que, par conséquent, leurs sources sont moins aisées à définir.

Les fabricants de lindane au Canada ont retiré volontairement à la fin de 1999 le lindane de la liste des produits pouvant servir au traitement des semences de canola, bien que les producteurs aient été autorisés à utiliser les stocks existants jusqu'en juillet 2001. L'usage du lindane pour le traitement des semences de canola est désormais abandonné au Canada, bien qu'il soit encore permis de l'utiliser sur certaines céréales et cultures légumières. Même s'ils ne représentent qu'un faible pourcentage en comparaison de l'utilisation du lindane sur le canola, ces usages font actuellement l'objet d'un examen par l'Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire de Santé Canada, en collaboration avec l'Environmental Protection Agency des États-Unis. Ces organismes se sont tous deux déclarés intéressés aux résultats de l'étude sur le transport atmosphérique du lindane.

Les scientifiques espèrent que les conclusions de ces études, qui ont toutes été récemment publiées dans des revues scientifiques ou qui doivent l'être sous peu, stimuleront un accroissement du financement de la recherche sur la toxicité, le comportement, l'acheminement et les effets sur les secteurs non ciblés des pesticides couramment utilisés. Par exemple, on utilise au Canada depuis les deux dernières décennies plus de deux douzaines de nouveaux herbicides qui sont autorisés pour application en concentrations très faibles, mais qui sont très toxiques pour les plantes. À mesure qu'augmente l'usage des insecticides épandus par voie aérienne, la nécessité d'effectuer des études sur le déplacement et les effets de ces produits chimiques se fait, elle aussi, plus pressante.

L'exposition à des rejets annuels de certains pesticides par la respiration, la consommation d'eau contaminée ou l'ingestion de plantes contaminées pourraient avoir des effets considérables sur la santé des êtres humains et des animaux. Une exposition de faible intensité à un mélange d'herbicides toxiques peut également menacer la végétation dans des habitats non visés. Plus nous saurons de choses sur le comportement et les effets de ces pesticides, mieux nous serons équipés pour protéger la santé environnementale et humaine à longue échéance.



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