Une militante nigériane remporte le Prix John-Humphrey pour la liberté

MONTRÉAL, 11 juin 2002 - C'est à Ayesha Imam qu'a été attribué cette année le Prix John-Humphrey pour la liberté. Ce prix souligne sa contribution exemplaire au mouvement de défense des droits des femmes et en particulier les efforts qu'elle déploie pour s'opposer à l'application discriminatoire des nouvelles lois pénales de la charia au Nigéria, par l'entremise de BAOBAB for Women's Human Rights, un organisme de défense des droits des femmes.

« L'engagement d'Ayesha Imam envers le mouvement de défense des droits des femmes au Nigéria, dans toute l'Afrique et au Moyen-Orient, est une inspiration pour nous tous. Nous espérons que ce prix international permettra de mieux faire conna — tre les dangers auxquels font face les femmes et les jeunes filles sous ce régime restrictif de la charia », explique Kathleen Mahoney, présidente intérimaire et présidente du Conseil de Droits et Démocratie, qui a annoncé aujourd'hui la décision rendue par un jury international.

Le Prix, qui est attribué chaque année par Droits et Démocratie, comprend une bourse de 25 000 $ et l'organisation d'une tournée de conférences au Canada. Il porte le nom du Canadien John Peters Humphrey, qui a préparé le premier projet de la Déclaration universelle des droits de l'homme. Le Prix sera remis à Montréal, le lundi 9 décembre prochain, veille de la Journée internationale des droits de la personne. Aprês la cérémonie de remise du Prix, Mme Imam se rendra dans plusieurs villes canadiennes pour rencontrer des étudiants, des représentants de groupes de défense des droits humains, des Églises, des gouvernements et des médias.

Madame Imam défend les droits de la personne depuis les 21 dernières années et a été l'une des instigatrices de la campagne contre l'application des lois conservatrices de la charia dans les états du Nord du Nigéria. De concert avec BAOBAB, qui compte des bénévoles dans 15 états du Nigéria, elle a, avec courage, entrepris la t‚che risquée de protester contre les violations des droits des femmes résultant de l'application des lois islamiques ou des dispositions découlant du droit législatif ou coutumier.

Elle a mobilisé les organisations de la société civile du pays pour protester contre le projet d'adoption de la charia sous forme conservatrice et discriminatoire et porté la question au niveau national en montrant de quelle façon les lois religieuses trop souvent conservatrices, étaient utilisées dans certains pays musulmans pour perpétrer la violence contre les femmes. Elle a porté l'application discriminatoire et la nature conservatrice de la loi de la charia à l'attention de l'opinion publique internationale en présentant des cas comme celui de Bariya Ibrahim Magazu, condamnée à recevoir 100 coups de canne pour avoir eu des relations sexuelles sans être mariée; d'Hafsatu Abubakar, condamnée à mort par lapidation (à la suite de l'appel interjeté par BAOBAB, la sentence a été annulée) et de Safiya Hussein, condamnée à mort par lapidation pour adult're alors que son supposé partenaire était remis en liberté.

Mme Imam a risqué sa vie pour que les voix des femmes soient entendues. Sa vie et celle du personnel de BAOBAB ont été menacées et elle a souvent été ridiculisée et agressée. Elle a été accusée d'être anti-musulmane car elle utilise sa connaissance de l'islam pour contester les interprétations conservatrices de la charia et ouvrir la porte au raisonnement appelé « Ijtihad » par l'islam.

Le jury international qui décerne le Prix John-Humphrey pour la liberté s'est réuni à la fin du mois de mai pour étudier plus de 70 candidatures provenant du monde entier. Le jury est composé de cinq membres du conseil d'administration de Droits et Démocratie : Sofia Macher - Membre de la Commission de la vérité et de la réconciliation du Pérou ; Kathleen Mahoney - professeure de droit à l'Université de Calgary en Alberta et présidente du Conseil d'administration de Droits et Démocratie; David Matas - avocat à Winnipeg, au Manitoba, et ancien président du Conseil canadien pour les réfugiés; Vitit Muntarbhorn - professeur à la faculté de droit de l'Université de Chulalongkorn, en Thaïlande et conseiller auprês de l'UNICEF et d'autres organismes des Nations Unies pour les questions relatives aux droits des enfants et Willy Munyoki Mutunga - avocat, directeur général général de la Commission des droits de la personne du Kenya et coprésident de la Coalition des citoyens pour une réforme constitutionnelle.

La situation des droits humains au Nigéria est devenue un élément déterminant de la réussite ou de l'échec de ce tout nouveau régime démocratique. Le Nigéria est un pays multiethnique, tr's peuplé, reconnu par sa Constitution comme un État laïque. Sa laïcité est mise à l'épreuve et les tensions sont de plus en plus vives depuis que les musulmans réclament le droit d'instaurer les lois de la charia. Au cours des deux dernières années, 12 des 19 états du Nord du Nigéria, ont commencé à appliquer ce syst'me judiciaire controversé qui a donné lieu à des exécutions, des amputations et à d'autres violations des droits humains. Le travail mené par Mme Imam dans le but de donner une interprétation féministe du Coran et de mettre en lumi're son interprétation androcentrique, a attiré l'attention sur la question des droits des femmes, non seulement des Nigérianes, mais des femmes du monde entier soumises aux lois islamiques et aux droits législatif et coutumier.

Les précédents lauréats du Prix John-Humphrey sont la Dre Sima Samar de l'Afghanistan (2001); le Révérend Timothy Njoya du Kenya (2000); Dre Cynthia Maung et Min Ko Naing de Birmanie (1999); Palden Gyatso du Tibet (1998); le P're Javier Giraldo et la Comision Intercongregacional de Justicia y Paz de Colombie (1997); Sultana Kamal, du Bangladesh, avocate et militante pour la défense des droits des femmes (1996); l'év'que Carlos F. X. Belo du Timor oriental (1995); Campaign for Democracy du Nigéria et l'Egyptian Organization for Human Rights (1994), la Plateforme des organismes haïtiens de défense des droits humains (1993); et l'Instituto de Defensa Legal du Pérou (1992).

Droits et Démocratie est une organisation indépendante investie d'un mandat international, créée par le Parlement canadien en 1988 pour favoriser et appuyer les valeurs universelles des droits de la personne et pour promouvoir les institutions et les pratiques démocratiques dans le monde entier. En coopération avec des individus, des organisations et des gouvernements, au Canada et à l'étranger, Droits et Démocratie défend les droits de la personne et les droits démocratiques définis dans la Charte internationale des droits de l'homme des Nations Unies.

Pour plus d'information

Mary Durran ou Augie Van Biljouw au (514) 283-6073 ou par courriel à l'adresse avbiljou@ichrdd.ca.