Colombie : La participation des peuples autochtones à la vie politique n'est possible que si le droit à la vie, un droit fondamental, est respecté

MONTRÉAL, le 24 mai 2002 -- Le droit des peuples autochtones de Colombie de participer à la vie politique ne pourra se réaliser sans un effort concerté visant à protéger leur droit fondamental à la vie. C'est ce qu'affirme aujourd'hui Droits et Démocratie, alors que les Colombiens se préparent à élire un nouveau président ce week-end.

«Les fréquentes violations du droit fondamental à la vie des peuples autochtones de Colombie représentent un obstacle concret à une participation significative à la vie politique», a affirmé le président de Droits et Démocratie, Warren Allmand, un an aprês son retour d'une mission d'enquête conjointe en Colombie avec l'Assemblée des premières Nations.

Les préoccupations de Droits et Démocratie font écho à celles formulées par le Haut Commissaire des Nations Unies pour les droits de l'homme, Mary Robinson, qui dénonçait, dans son rapport à la 58e Session de la Commission des droits de l'homme à Genève, une augmentation manifeste des violations des droits humains des peuples autochtones. Mme Robinson affirmait que les attaques contre les dirigeants de ces communautés affaiblissent leur organisation interne, minent leur leadership et mettent en péril leur survie m'me.

Il est plutït paradoxal que les lois de la Colombie sur les peuples autochtones soient parmi les plus progressives dans le monde. La Constitution de 1991 affirme la diversité ethnique et culturelle de la nation, et elle prévoit l'élection de deux sénateurs autochtones par les communautés autochtones. Présentement, trois sénateurs et deux membres du Congr's autochtones si'gent aux deux chambres. Ils ont été élus Grâce à cette disposition spéciale et dans le cadre des élections ouvertes réguli'res. Le département du Cauca est en outre dirigé par un gouverneur autochtone. La Constitution prévoit également la création de territoires autochtones autonomes, une disposition qui n'a jamais été enti'rement mise en úuvre. La Colombie a de plus ratifié la Convention 169 de l'Organisation internationale du travail, qui reconnaît un large éventail de droits aux peuples autochtones. Les 800 000 autochtones de Colombie appartiennent à 84 peuples distincts, et comptent pour environ 2 % de la population du pays.

Malgré la situation de crise qui prévaut actuellement, une nation autochtone a réussi cette année à affirmer son droit de déterminer quel type de développement était acceptable sur les terres autochtones. Droits et Démocratie tient à rendre hommage à la lutte de la nation U'wa, qui s'est organisée pour résister, en dépit des menaces et de l'hostilité constantes des forces armées, au projet d'une multinationale des états-Unis de procéder à des forages sur ses terres pour y trouver du pétrole, ce qui a mené à la décision de la compagnie, plus tït ce mois-ci, de se retirer du projet.

Néanmoins, nous sommes tr's préoccupés par la rupture du processus de paix en février dernier, qui touche tous les Colombiens, et par les multiples violations des droits humains qui se sont produites au cours de la dernière année, depuis notre mission d'enquête. Celles-ci ont nui encore plus à une participation véritable des peuples autochtones à la vie politique:

  • Le 2 juin 2001, 48 heures aprês avoir rencontré la délégation de Droits et Démocratie et de l'Assemblée des premières Nations, le leader autochtone Kimy Pern"a DomicÛ, de la nation Embera-Kat"o, un acteur essentiel dans la lutte de son peuple contre le projet de barrage hydroélectrique Urr· financé en partie par le Canada, a été enlevé par des paramilitaires à Tierralta. Il n'a pas été revu depuis.


  • Le Conseil autochtone régional de Caldas (CRIDEC) a fait état de l'assassinat par des groupes paramilitaires de 17 leaders autochtones de la nation Embera-Cham" au cours des 18 derniers mois. Les victimes incluent Maria Fabiola Largo Cano, candidate à la mairie de Riosucio, assassinée par des paramilitaires d'extr'me droite le 9 avril. L'ancien gouverneur du conseil des Embera-Cham", Luis Angel Chaura, a été assassiné lui aussi, le 24 novembre dernier, et sa fille a été enlevée par des paramilitaires; elle n'a pas été revue depuis.


  • Le leader Embera Alirio Pedro DomicÛ DomicÛ, gouverneur du Conseil autochtone de Rio Esmeralda (Alto Sin?), a été assassiné le 23 juin 2001, vraisemblablement par des paramilitaires selon le Bureau colombien du Haut Commissariat des droits de l'homme.


  • En avril de cette année, de nouvelles menaces de la part des paramilitaires, à la suite d'incursions des guérilleros sur le territoire des Embera, ont obligé tout le Conseil autochtone de Rio Esmeralda à abandonner ses terres et à trouver refuge à Tierralta, où il se trouve encore. Le Conseil autochtone Embera-Kat"o d'Alto Sin? a décidé de braver les menaces et de rester sur ses terres.


  • Cristobal Secué, un leader Paez et l'un des fondateurs du Conseil autochtone régional de Cauca (CRIC), a été assassiné par les insurgés des FARC le 25 juin 2001.


  • Le 21 avril 2002, Guillermo Gaviria, gouverneur élu d'Antioquia, partisan infatigable d'une solution pacifique au conflit et défenseur des droits des peuples autochtones de son département, a été enlevé par des guérilleros des FARC alors qu'il dirigeait une marche pour la paix. Le gouverneur Gaviria avait tenu une réception pour notre délégation à Medellin en juin 2001, et avait facilité des rencontres avec des membres de l'Organisation autochtone d'Antioquia.

 

Devant des crimes aussi horribles, nous demandons que le Canada prenne les devants et réclame du prochain gouvernement qu'il garantisse la protection des peuples autochtones de Colombie contre les violations des droits de la personne qui menacent leur survie. Le Canada devrait aussi prier le prochain président de s'engager formellement à respecter le droit humanitaire international, lequel garantit la protection de tous les civils touchés par des conflits. Conformément aux recommandations du Haut Commissaire des Nations Unies pour les droits de l'homme, Mme Mary Robinson, le nouveau président devrait également élaborer, en collaboration avec les organisations autochtones du pays, une stratégie détaillée visant à protéger les autorités traditionnelles autochtones pour assurer la participation des peuples autochtones de Colombie à la vie politique de la nation.

«La participation à la vie politique est un droit humain fondamental que les peuples autochtones ne peuvent réaliser que si leur droit à la vie est garanti, a déclaré M. Allmand. Nous rappelons au nouveau président de la Colombie que ces droits des peuples autochtones devraient figurer tr's haut sur sa liste de priorités.»
Droits et Démocratie est une organisation indépendante investie d'un mandat international, créée par le Parlement canadien en 1988 pour favoriser et appuyer les valeurs universelles des droits de la personne et pour promouvoir les institutions et les pratiques démocratiques dans le monde entier. En coopération avec des individus, des organisations et des gouvernements, au Canada et à l'étranger, Droits et Démocratie défend les droits de la personne et les droits démocratiques définis dans la Charte internationale des droits de l'homme des Nations Unies.

Pour plus d'information

Mary Durran, Patricia Poirier (514) 283-6073