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Projet de recherche sur la transformation d'une entreprise en coopérative - Propriétaires de petites entreprises qui partent à la retraite Rapport final

Planification de la relève au moyen de l'option de la coopérative de travail

Recherche et rédaction : Peter Hough
Fédération canadienne des coopératives de travail
Le 31 mars 2005


Table des matières

I.Sommaire
II.La Fédération canadienne des coopératives de travail (FCCT)
III. Méthode de recherche
IV. La planification de la relève : une occasion et un défi
V. Les coopératives de travail
VI. Les enjeux de la relève
  1. Les options de relève
  2. Le propriétaire de l'entreprise
  3. Les enjeux de l'entreprise
    1. L'évaluation
    2. La gestion
  4. Les autres intervenants
    1. Les gestionnaires
    2. Les salariés
    3. Les clients et les fournisseurs
    4. La communauté
  5. Le choix du moment
  6. Les considérations techniques et les services professionnels
  7. Le processus
VII. La situation et les caractéristiques du propriétaire et des salariés qui portent à envisager une relève au moyen d'une coopérative de travail
  1. Le propriétaire
    - Les circonstances familiales
    - Les relations avec les salariés
    - Les circonstances de l'entreprise
    - Les objectifs et les besoins personnels du propriétaire
  2. La gestion
    - La confiance et l'engagement
    - Le style et les valeurs de la gestion
  3. Les salariés
    - La confiance et l'engagement
    - La propriété et les valeurs
VIIII. Les considérations de la relève dans le cadre d'une coopérative de travail IX. Aperçu de la relève par la coopérative de travail X. Le choix du moment
XI. Conclusion
Remerciements
Appendices

I. Sommaire

Un propriétaire d'entreprise se retire d'une petite ou moyenne entreprise. Il a exploré les options de relève et a décidé de vendre son entreprise à ses salariés et à ses gestionnaires. Ceux-ci se sont engagés à posséder et à gérer l'entreprise sous la forme d'une coopérative de travail.

Dans le présent rapport, nous faisons état de l'information, des connaissances et des stratégies qu'il faut mettre en œuvre pour prendre une telle décision, tant de la part du propriétaire que des travailleurs. Nous expliquons le fonctionnement d'une coopérative de travail ainsi que les diverses options dont dispose un propriétaire d'entreprise à l'approche de la retraite. Nous examinons également les défis et les processus qui permettront d'assurer la continuation et le succès à long terme de l'entreprise coopérative de travail.

Dans les années à venir, on peut prévoir un très grand nombre de départs à la retraite de propriétaires d'entreprise. La planification de la relève est un processus complexe pour un propriétaire d'entreprise qui se prépare à la retraite, et le rachat par les salariés sous forme d'une coopérative de travail est une option qui mérite d'être envisagée sérieusement.

II. La Fédération canadienne des coopératives de travail (FCCT)

La Fédération canadienne des coopératives de travail est une fédération nationale d'entreprises coopératives de travail. Elle soutient le développement des coopératives de travail au Canada en offrant de l'aide technique au moyen de son Réseau des consultant(e)s en démarrage de coopératives de travail, des capitaux à terme et des capitaux patients grâce à son fonds de prêt renouvelable (le fonds La ténacité ça fonctionne) et les programmes généraux tels que des conférences, de la promotion et des services tels qu'un régime enregistré d'épargne-retraite autogéré pour les coopératives de travail.

Le FCCT a effectué la recherche et la rédaction du présent rapport avec l'aide financière du programme Innovation et recherche de l'Initiative de développement coopératif du gouvernement du Canada.

III. Méthode de recherche

Voici les éléments de la recherche :

  1. Un examen des documents sur les questions de planification de la relève.
  2. Des visites sur place à un certain nombre d'entreprises en Ohio, au Nouveau-Brunswick et au Manitoba, où une coopérative de travail ou un rachat par les salariés et les gestionnaires a constitué l'option de relève mise en œuvre par un propriétaire partant à la retraite ou pour répondre à des circonstances difficiles de l'entreprise.
  3. Des entrevues avec les principaux intervenants, notamment les salariés, les propriétaires partant à la retraite et les prestataires de services professionnels.

IV. La planification de la relève : une occasion et un défi

En raison du grand nombre de propriétaires de petites entreprises et d'entreprises familiales qui approchent de l'âge de la retraite, la question de la relève se pose maintenant avec plus d'acuité. Des études dans des endroits aussi divers que l'Australie et le Québec ont démontré que bien plus de 50 % des petites et moyennes entreprises feront face à ce défi dans les 10 à 15 prochaines années. Parallèlement à ce phénomène, on a enregistré une hausse du taux global de salariés de PME. Il y a actuellement au Canada 124 000 entreprises familiales ayant des ventes d'un million de dollars ou plus. Ces entreprises emploient environ six millions de Canadiens et Canadiennes et ont des ventes annuelles brutes pouvant atteindre 1,3 billion de dollars (Financial Post 2001).

La réussite de la relève est importante non seulement pour les personnes directement touchées, mais aussi pour l'ensemble de l'économie. La relève est importante non seulement pour les propriétaires et leurs familles, mais aussi pour les nombreux intervenants clés dont le bien-être économique est liée à ces entreprises. Ces intervenants comprennent : les salariés, les gestionnaires, les clients, les syndicats locaux, les fournisseurs, les prêteurs et les communautés locales qui ont besoin des biens, des services et des emplois qui en découlent.

Un coup d'œil à l'information existant sur le thème de la relève nous ramène rapidement à la réalité selon laquelle seulement environ le tiers de toutes les petites entreprises font une transition fructueuse vers la deuxième génération de la famille. Bien qu'il n'existe aucune raison particulière à cela, il ne fait pas de doute que la complexité de l'élaboration et de l'exécution d'une relève fructueuse constitue un facteur majeur. « Pour les propriétaires-gestionnaires familiaux qui partent à la retraite, la transition est encore plus compliquée, car des questions personnelles sont généralement inextricablement liées aux questions de relève et de perfectionnement de la direction, de continuité et de rentabilité des affaires, de transfert de la propriété et du patrimoine, de gouvernance organisationnelle et d'harmonie familiale. » (Journal of Financial Planning) (traduction) Outre la complexité, un autre facteur clé est le fait qu'un grand nombre de propriétaires d'entreprises repoussent à la dernière minute la planification de la relève. Cela conduit à une démarche limitée et insuffisante pour la mise en œuvre d'un plan efficace de relève.

L'expérience de RoyNat Capital Inc., une banque d'investissement canadienne, devrait intéresser les personnes qui envisagent les options de relève. « Notre expérience, à titre de banque d'investissement, confirmée par des études a américaines, démontre que 70 % des entreprises familiales ne survivent pas au passage à la génération suivant celle du fondateur. Lorsqu'une entreprise est vendue à un acheteur externe, les probabilités de survie s'améliorent un peu (50 %/50 %). » (R. Reynolds, Financial Post) (traduction) Ces statistiques font réfléchir les propriétaires d'entreprises qui planifient une relève familiale. Les défis sont importants s'ils espèrent voir leurs enfants et leur entreprise bien réussir à l'avenir. La bonne nouvelle, c'est qu'une autre option de relève a une probabilité de réussite sensiblement plus grande : le rachat par les salariés et les gestionnaires. « La relève qui prend la forme d'une acquisition par emprunt des salariés, soutenue par les principaux gestionnaires, réussit dans à peu près 90 % des cas. » (Ibid.) Cette option offre la possibilité de servir les propriétaires qui partent à la retraite et leurs familles, ainsi que leurs salariés existants. Dans la présente étude, nous mettrons l'accent sur cette option du point de vue d'une forme particulière de propriétés par les salariés et les gestionnaires, la coopérative de travail.

V. Les coopératives de travail

Une coopérative est une entreprise qui appartient à ses membres, soit les travailleurs, y compris les gestionnaires, et qui est dirigée démocratiquement par ceux-ci. Le principal objet d'une coopérative de travail est de fournir de l'emploi à ses membres par la création d'une entreprise rentable. Les membres regroupent leurs compétences, leur expérience et leurs ressources financières pour réaliser des objectifs communs. Ils créent ou maintiennent des emplois pour eux-mêmes en offrant un bien ou un service commercial ou communautaire. Parce qu'ils élaborent collectivement les politiques qui déterminent le fonctionnement courant et à long terme de la coopérative, la confiance, la communication et la coopération sont vitales à la réussite de la coopérative.

Chaque membre paie une cotisation ou achète des actions de membre et a un vote, peu importe le montant qu'il a investi dans la coopérative. L'actif de cette dernière est propriété collective, et l'excédent (les bénéfices) est versé aux travailleurs selon les politiques établies par la coopérative ainsi qu'aux réserves collectives de la coopérative (bénéfices non répartis) pour le développement futur de la coopérative.

Historiquement, les coopératives sont apparues lorsque des groupes de personnes ont connu des problèmes économiques dans une infrastructure économique existante qui ne pouvait pas leur offrir de débouchés. Le défi présenté par le déplacement potentiel de travailleurs en raison de l'échec d'un plan de relève est un défi auquel les coopératives peuvent réagir rapidement. Plutôt que d'attendre sur la touche, les salariés et gestionnaires d'une entreprise, en mettant sur pied une coopérative de travail, se mettent en position de prendre charge de leur avenir. Individuellement, les salariés et gestionnaires ne disposent peut-être pas des compétences ou des ressources financières pour leur permettre de devenir des entrepreneurs uniques. Collectivement, avec leur expérience commune dans l'entreprise, ils ont vraisemblablement les connaissances et les relations, tant internes qu'externes, pour continuer de développer leur entreprise et d'en faire profiter leur communauté.

Comme toute entreprise, la coopérative de travail doit dégager un bénéfice si elle veut croître et se développer. Toutefois, la coopérative de travail doit obtenir des résultats sociaux et environnementaux en plus des résultats financiers. Le rendement du capital n'est pas le seul facteur, car les facteurs sont une grille de préoccupations telle que la viabilité financière, la qualité du milieu de travail et le soutien pour l'avenir de l'ensemble de la communauté.

En outre, la recherche sur la propriété par les salariés démontre que les entreprises appartenant aux salariés, particulièrement dans les situations où les travailleurs ont une participation importante à la prise de décision, ont un avantage concurrentiel grâce à des niveaux plus élevés d'efficacité et d'engagement. Cet avantage concurrentiel, ainsi que l'engagement envers l'emploi des travailleurs à long terme, signifie que les coopératives de travail, tant grâce à leurs valeurs qu'à leur efficacité, sont d'excellents instruments pour créer de l'emploi à long terme.

Ces caractéristiques des coopératives de travail, en plus d'offrir un bon fondement pour le développement économique local, en fait une option idéale à envisager dans un plan de relève de propriétaire de petite entreprise qui part à la retraite et qui souhaite que son entreprise continue à apporter emplois et autres avantages à sa communauté.

VI. Les enjeux de la relève

L'évaluation de l'option de la coopérative de travail dans la planification de la relève commence par l'examen des principaux enjeux de toutes les initiatives de relève. On utilisera ces enjeux pour évaluer le contexte dans lequel une relève coopérative peut répondre aux besoins du propriétaire qui part à la retraite et des autres intervenants clés.

L'évaluation est organisée autour des facteurs suivants :

  • Les options de relève
  • Le propriétaire de l'entreprise
  • Les enjeux de l'entreprise
  • Les autres intervenants
  • Le choix du moment
  • Les considérations techniques et les services professionnels
  • Le processus de la relève

A. Les options de relève

Il y a deux grandes catégories d'options de relève. La première est une certaine forme de relève familiale et la deuxième est la vente de l'entreprise ou de son actif à l'extérieur de la famille.

La relève familiale comprend deux options distinctes. La première consiste à maintenir la propriété et la gestion par la famille. Selon la deuxième, la famille conserve la propriété et le contrôle du conseil d'administration mais fait la transition vers une gestion non familiale. La première exige une situation familiale dans laquelle un membre compétent, engagé et expérimenté de la deuxième génération considère l'entreprise comme une occasion de carrière à long terme. Cette personne doit avoir la confiance de la première génération et des autres membres de la deuxième génération. La deuxième option exige que l'entreprise soit assez grande et prospère pour embaucher et rémunérer un gestionnaire extra-familial et développer une nouvelle relation de gouvernance entre les propriétaires et la gestion afin de faciliter la réussite soutenue de l'entreprise.

La vente de l'entreprise à des parties extérieures concerne un certain nombre d'acheteurs éventuels avec des conséquences différentes pour le vendeur et les autres intervenants. Ces parties comprennent un concurrent existant, un acheteur stratégique, la gestion actuelle, un groupe de gestionnaires et de salariés, une entreprise non liée et, enfin (option peu vraisemblable), un premier appel public à l'épargne (PAPE). La liquidation de l'entreprise pourrait être considérée comme une forme de vente, bien que l'entreprise n'y survive pas.

La vente à un concurrent existant
Les concurrents sont souvent perçus comme une excellente option de vente d'une entreprise. Ils sont familiers avec le secteur et la place que l'entreprise y occupe. Ils comprennent la valeur de l'entreprise et sont souvent en mesure de trouver le capital nécessaire à l'achat sans financement par le vendeur. Si ce dernier est seulement intéressé à un bon résultat financier, c'est une bonne option. Dans certains cas, le concurrent peut demander au vendeur de garder des fonctions de gestion pendant une certaine période avant de prendre sa retraite, afin de faciliter la transition. S'il le veut, le vendeur dispose ainsi d'autres options de rémunération et de participation à l'entreprise.
Le principal objectif du concurrent est d'accroître la part du marché et la rentabilité de sa propre entreprise. Bien entendu, les options pour atteindre cet objectif varient et peuvent comprendre la fermeture de l'entreprise et la fourniture à ses clients des produits de sa propre production. Ceci fait ressortir le fait que si le vendeur a des vues particulières pour l'avenir de l'entreprise, il doit s'assurer de comprendre clairement les intentions de l'acheteur. Bien entendu, il existe le danger que les intentions puissent évoluer ou que l'acheteur puisse tromper intentionnellement le vendeur.
La vente à un acheteur stratégique
La vente à un acheteur stratégique est semblable sous de nombreux rapports à la vente à un concurrent. L'acheteur stratégique est plus susceptible de poursuivre les opérations, car il veut souvent intégrer sa capacité productive (intégration verticale) avec ses autres opérations. Il est également susceptible d'avoir accès à du capital et peut souhaiter une période de transition pendant laquelle le propriétaire actuel offre ses services de gestion.
La vente à la direction actuelle
La vente à la direction est une autre option. Toutefois, un certain nombre de facteurs peuvent intervenir. Les gestionnaires peuvent avoir à peu près le même âge que le propriétaire qui prend sa retraite et avoir peu d'intérêt pour cette option. Des gestionnaires qui ont longtemps travaillé dans une position subalterne n'ont peut-être pas les compétences et l'énergie pour assumer la direction pleine et entière. Enfin, les gestionnaires n'ont vraisemblablement pas la capacité financière d'acheter l'entreprise sans une certaine forme de financement par le vendeur. Pareille situation accroît le risque pour le vendeur si leurs paiements futurs dépendent du succès soutenu de l'entreprise. L'aspect favorable, c'est que les gestionnaires sont susceptibles de connaître extrêmement bien l'entreprise, d'avoir l'optique entrepreneuriale requise et d'être en mesure d'assumer la propriété et la direction de façon bien planifiée.
La vente à un groupe de gestionnaires et de salariés
La vente à une combinaison de gestionnaires et de salariés exécutants constitue aussi une option claire. Elle comporte certains des mêmes enjeux qu'un rachat par les gestionnaires, ainsi que deux enjeux additionnels. Pour le propriétaire qui est intéressé à assurer la continuité de l'entreprise et à protéger les emplois, le rachat par les salariés constitue un excellent moyen. Des études démontrent que le rachat par les salariés et les gestionnaires connaît un bon taux de succès. Toutefois, elles montrent également qu'afin d'assurer l'engagement et une bonne définition des rôles, il faut un plan d'élaboration et de mise en œuvre bien étudié. La possibilité d'un rachat par les salariés et les gestionnaires est grandement améliorée si le propriétaire-directeur existant a développé et maintenu une relation ouverte de confiance avec les salariés et les gestionnaires.
La vente à un tiers étranger
La vente à un tiers étranger qui veut simplement être propriétaire d'une nouvelle entreprise et l'exploiter peut aussi être une bonne option pour le vendeur. Un acheteur de cette nature est susceptible d'avoir accès au financement requis, ce qui, comme la vente à un concurrent, peut permettre une rupture financière nette de l'entreprise existante. L'acheteur étranger est aussi susceptible de vouloir maintenir l'entreprise dans sa communauté actuelle, ce qui donne au vendeur une certaine assurance quant à l'orientation future de l'entreprise. Un tel acheteur peut aussi vouloir obtenir des conseils continus de la part du vendeur pendant environ un an. Comme nous le mentionnons plus haut, cette possibilité offre au vendeur de nouvelles options de rémunération et de participation continue, s'il le souhaite.
Le premier appel public à l'épargne
Comme un premier appel public à l'épargne (PAPE) est une option très peu vraisemblable pour la plupart des PME, nous ne l'examinerons pas dans la présente étude.
La liquidation
La liquidation de l'entreprise représente parfois la meilleure option financière pour un propriétaire qui part à la retraite et qui souhaite effectuer une rupture nette. Cette option fonctionne bien dans les circonstances où certains des éléments d'actif sous-jacents à l'entreprise, tel que des biens immobiliers commerciaux, peuvent avoir une valeur démesurée par rapport aux activités qu'on y mène. L'entreprise peut n'être plus rentable ou attrayante pour les acheteurs qui peuvent investir ou s'endetter pour acheter cet élément d'actif. On obtiendra le meilleur prix pour l'élément d'actif d'un acheteur qui intègrera cet élément d'actif dans une entreprise plus lucrative.

B. Le propriétaire de l'entreprise

Dans l'optique du propriétaire de l'entreprise, il faut se pencher sur de nombreux enjeux personnels afin d'assurer la mise en œuvre réussie de la planification de la relève. De nombreux propriétaires d'entreprise trouvent difficile d'entreprendre le processus de planification de la relève en raison de sa charge émotive et de la difficulté apparente de traiter ces enjeux.

Tout d'abord, la planification de la relève amène à reconnaître explicitement qu'une certaine période de sa vie tire à sa fin et, dans la plupart des cas, que sa vie entre dans sa période finale. Cela peut entraîner un sentiment de déni et d'incertitude au sujet de l'avenir. Que fera le propriétaire lorsqu'il ne participera plus à l'entreprise? Pour de nombreuses personnes en affaires, leur identité, leur valeur, leur place dans la famille et dans la communauté sont intimement liées à l'entreprise qu'elles ont créée. L'idée de passer à une nouvelle situation où elles n'ont plus le contrôle de la direction de l'entreprise peut laisser pour bon nombre un vide important, tant au point de vue émotionnel que pratique.

Pour le propriétaire d'entreprise, la planification de la relève de l'entreprise familiale signifie aussi de traiter les enjeux et des sentiments familiaux entre le propriétaire, sa conjointe et ses enfants. Lors de l'élaboration du plan de relève, il faudra remuer de vieux conflits, malentendus et jugements au sujet de divers membres de la famille. Certains membres de la famille peuvent chercher activement à décourager la réflexion sur ces enjeux tandis que d'autres soutiendront l'élaboration d'un plan. La facilité pour la famille d'aborder cette question sera directement liée à la qualité des relations établies au fil des ans et à l'ouverture avec laquelle les questions financières et personnelles ont été discutées entre les membres de la famille.

Pour de nombreux propriétaires de petites entreprises, l'entreprise peut être leur plus important bien financier et leur source de revenu de retraite. Il peut être difficile d'élaborer un plan de relève qui leur permet de vivre selon le train de vie que l'entreprise leur offre à titre de propriétaire­-gestionnaire. Ce défi sera relevé de façon différente selon que le propriétaire choisira de maintenir la propriété et le contrôle dans la famille ou de vendre l'entreprise à l'extérieur de la famille. Bien entendu, si le propriétaire a prévu des ressources financières pour la retraite qui sont indépendantes de l'entreprise, les options pour la relève deviennent beaucoup plus souples.

Le propriétaire d'une entreprise peut aussi avoir développé avec les gestionnaires et les salariés des relations à long terme dont il veut tenir compte dans un plan de relève. Ces relations peuvent mener à un engagement personnel envers les gestionnaires et les salariés pour faire en sorte que quelle que soit la stratégie de relève adoptée, elle n'aura pas de répercussions défavorables sur l'avenir de ces gestionnaires et salariés au sein de l'entreprise. Même sans un tel engagement, le propriétaire de l'entreprise doit reconnaître que ces salariés clés et leur engagement envers l'avenir de l'entreprise influeront aussi sur la valeur de l'entreprise aux yeux des acheteurs éventuels. Il doit tenir compte de cela.

Un autre facteur dont le propriétaire de l'entreprise peut tenir compte est le rôle et la valeur de l'entreprise pour la communauté locale. Il peut être particulièrement important de tenir compte de ce facteur lorsque le propriétaire de l'entreprise contribue de façon très active aux activités de la communauté, soit directement, soit par son entreprise.

C. Les enjeux de l'entreprise

1. L'évaluation

L'un des principaux dossiers de la planification de la relève est l'évaluation de l'entreprise. Que le propriétaire envisage une transition familiale ou une vente à l'extérieur, il lui faudra pratiquement dans tous les cas réaliser une évaluation de l'entreprise afin d'en déterminer la juste valeur marchande. Après avoir consacré sa vie à cette entreprise, le propriétaire peut avoir une perception déformée de sa valeur marchande. Il est donc essentiel que l'évaluation soit réalisée par un évaluateur professionnel indépendant qui comprend bien le marché local, ainsi que le marché plus large du secteur. Dans de nombreux cas, le propriétaire d'une entreprise familiale doit prendre le temps de faire en sorte que les bilans et les opérations brossent le meilleur tableau possible de l'entreprise comme occasion pour l'avenir avant d'effectuer l'évaluation de l'entreprise. Il faut « régulariser les états financiers en faisant abstraction des postes hors marché tel que les niveaux de rémunération et les avantages sociaux (p. ex., les allocations d'automobile) spéciaux de la famille. En outre, il se peut qu'une entreprise doive clarifier la transférabilité d'ententes clés telles que les conventions de franchise ou les licences critiques.

L'évaluation porte essentiellement sur les antécédents récents et les perspectives d'avenir de l'entreprise. L'élaboration d'un plan d'affaires clair, fondé sur une stratégie appropriée et des hypothèses valides, devient le fondement de l'évaluation. Ce plan porte sur les perspectives de l'entreprise à court et à moyen termes, les tendances sectorielles, la force de l'équipe de gestion, les besoins futurs en capitaux et les mouvements de trésorerie. Cette évaluation doit être effectuée de façon professionnelle par des évaluateurs qualifiés qui peuvent fournir au propriétaire une évaluation qui peut être confirmée au moyen de méthodes d'évaluation reconnues. La variation de la fourchette des évaluations fournies par divers évaluateurs qui travaillent à partir des mêmes renseignements de base devrait être limitée.

Pour l'acheteur, les flux de trésorerie de l'entreprise sont la clé de son évaluation. L'entreprise en exploitation doit produire des flux qui lui permettront de payer ses frais de financement, de rémunérer les salariés et d'offrir un rendement du capital investi. La valeur aux yeux de l'acheteur est donc limitée par ces flux de trésorerie. L'acheteur ne peut pas payer pour une entreprise un prix que les flux de trésorerie futurs ne peuvent pas supporter, sinon l'entreprise cessera d'être financièrement rentable.

Bien entendu, la valeur finale de l'entreprise est le prix qu'un acheteur est disposé à payer pour celle-ci. Divers types d'acheteurs évalueront l'entreprise différemment. Un acheteur stratégique peut être disposé à payer une prime parce que l'entreprise produira des synergies importantes avec ses autres activités. Cela signifie simplement que l'entreprise devrait produire des flux de trésorerie plus élevés pour l'acheteur qu'elle ne le ferait si elle restait une activité autonome, ce qui lui donne plus de valeur. Enfin, comme pour les autres transactions commerciales, la valeur monétaire n'est qu'un des éléments de la proposition sur la valeur dont l'acheteur et les vendeurs tiendront compte. C'est la grille de ces propositions sur la valeur et les arbitrages entre elles qui détermineront la valeur monétaire de l'entreprise.

2. La gestion

Un autre élément clé de l'entreprise est un plan de relève de la gestion et de gouvernance. Peu importe la forme que prend la relève, le système de gestion et de gouvernance devra être changé. Celui qui assurait le succès avec le propriétaire initial ne répondra pas aux besoins de l'entreprise avec l'arrivée des nouveaux gestionnaires et des nouveaux propriétaires. Cette constatation est valable tant pour une transition familiale qu'externe. Les questions concernant l'autorité, la responsabilité, la reddition de comptes, les compétences et les descriptions de poste ne sont que des exemples des enjeux qui devront être traités.

En préparant une relève, le propriétaire de l'entreprise doit déterminer les principaux apports de sa gestion et de sa gouvernance à l'entreprise et la manière dont le plan de relève remplacera ces apports dans le nouveau contexte. C'est peut-être particulièrement difficile dans le cas d'une petite entreprise dont le propriétaire a été le moteur tant en matière de stratégie que de prise de décision. La profondeur, la capacité et l'engagement des gestionnaires non propriétaires à l'égard de l'avenir de l'entreprise seront cruciaux pour le succès de toute transition. Ils constitueront un facteur clé dans tout examen par des acheteurs éventuels.

D. Les autres intervenants

La réussite de toute entreprise dépend de la bonne volonté, de l'efficacité de la communication et des avantages mutuels entre divers groupes d'intervenants et les propriétaires. Pour qu'une relève réussisse, il faut tenir compte des enjeux et des préoccupations des divers intervenants afin de limiter l'incertitude et de consolider leur engagement envers l'avenir de l'entreprise. On s'attend de la part du propriétaire de l'entreprise à un certain niveau de confidentialité. Ainsi, il doit trouver un certain équilibre lorsqu'il décide des renseignements à partager et du moment de le faire.

1. Les gestionnaires

Les gestionnaires sont dépositaires de renseignements clés sur l'entreprise. Parce qu'ils ont souvent des contacts de longue durée avec les clients, les fournisseurs et les organismes de réglementation, ils peuvent être vitaux pour le succès soutenu de l'entreprise. Ils sont également au courant des problèmes qui doivent être résolus pour préparer l'entreprise à une transition familiale ou à une vente à un étranger, et on leur demandera vraisemblablement leur aide en cette matière. En même temps, ils peuvent se sentir très vulnérables à tout changement de propriétaire, car ils se demandent s'ils font partie des plans d'avenir de l'entreprise, et comment. Par conséquent, il est très important que le propriétaire qui part à la retraite soit conscient de leurs préoccupations et s'assure de leur soutien. Il doit au moins les tenir au courant du processus de planification de la relève, des options envisagées et de la manière dont ces options influeront sur eux. Les possibilités de partage de cette information sont limitées en partie par le type de relation de travail et de partage de l'information qui s'est fait dans le passé entre le propriétaire-gestionnaire et les gestionnaires subalternes et par tout conflit d'intérêts entre les gestionnaires et les options de relève qui sont envisagées par le propriétaire.

2. Les salariés

À moins que la relève prenne la forme d'un rachat par les salariés et les gestionnaires, les salariés exécutants seront peu appelés à participer à tout processus de planification. Il est toutefois important pour leur moral de leur donner une information appropriée afin de dissiper toute incertitude au sujet de l'avenir de l'entreprise. De façon suivie, les rumeurs non fondées pendant la période relativement longue qu'il faut pour planifier et mettre en œuvre la relève peuvent être nuisibles. L'entreprise ne veut pas être en situation de perdre des salariés clés ou de nuire à la productivité en raison de la détérioration du moral.

Bien entendu, dans le cas d'un rachat par les salariés et les gestionnaires, il est important que les salariés participent pleinement au processus de planification. Ils doivent choisir leurs propres représentants au sein du groupe de planification de la transition. Il doit aussi y avoir un programme de sensibilisation des salariés au sujet de la propriété par les travailleurs ainsi que de l'organigramme et des opérations prévues de l'entreprise.

3. Les clients et les fournisseurs

Les clients et les fournisseurs sont des éléments clés pour l'avenir de l'entreprise. Une relève réussie doit assurer aux clients et aux fournisseurs que l'entreprise continuera de fonctionner en douceur et conservera sa stabilité financière. Il faudra effectuer une analyse des relations actuelles et des lignes de communication pour s'assurer de ne pas rompre la continuité avec ces intervenants pendant la transition. Par exemple, les relations avec les clients et les fournisseurs, particulièrement dans les petites entreprises, se font souvent directement avec le propriétaire actuel. Si c'est le cas, il convient de présenter les nouveaux interlocuteurs principaux et/ou les nouveaux propriétaires aux clients et aux fournisseurs bien avant la transition.

4. La communauté

La communauté locale peut avoir un intérêt important dans l'entreprise. Dans de nombreuses petites communautés, une entreprise locale contribue souvent à l'identité collective, offre des emplois et des biens et services cruciaux qui ne sont autrement peut-être pas accessibles et contribue à créer une masse critique d'activité économique qui est importante pour le bien-être de la communauté dans son ensemble. Bien que la communauté ne joue peut-être pas un rôle officiel dans le processus de relève, ses besoins peuvent constituer un facteur majeur pour un propriétaire qui part à la retraite et qui a joué un rôle important dans la vie de la communauté. Dans certains cas, lorsqu'une entreprise est vitale pour la survie de la communauté, le propriétaire peut vouloir faire participer les chefs de file de la communauté à une discussion concernant ses options de relève et à leurs effets possibles sur la communauté.

E. Le choix du moment

Il faut beaucoup de temps pour planifier et mettre en œuvre une relève efficace. Bien entendu, le temps à y consacrer dépendra de la complexité de la situation, des objectifs du propriétaire et de l'option de relève choisie. Toutefois, on s'entend généralement pour dire que plus le propriétaire de l'entreprise commence tôt à examiner les enjeux et à planifier une relève appropriée, meilleurs seront les résultats.

Une relève comporte trois étapes fondamentales : la planification, la mise en œuvre et transition et la continuation. Il convient de planifier le plus tôt possible afin d'avoir le temps d'établir le meilleur plan pour répondre aux objectifs du propriétaire de l'entreprise et de déterminer et traiter efficacement tous les enjeux cruciaux pour un succès soutenu. Une relève qui, en fait, s'apparente à une gestion de crise, présente de très nombreuses embûches tant pour le propriétaire que pour tous les autres intervenants.

F. Les considérations techniques et les services professionnels

Une planification fructueuse de la relève exige généralement les conseils et l'aide d'un certain nombre d'experts. Parmi les problèmes à résoudre, on peut mentionner : l'évaluation de l'entreprise; les répercussions fiscales pour le propriétaire de l'entreprise, ses héritiers et les acheteurs; les ententes juridiques telles que les fiducies et les conventions d'achat d'actions ou d'éléments d'actif; les conventions des actionnaires et les programmes de rachat d'actions; la planification de la retraite et de la succession; les conventions de financement (financement par le vendeur).

Dans tous ces domaines, il convient de recourir au conseil d'experts aguerri pour s'assurer que le plan de relève, une fois mise en œuvre, n'engendre pas de surprises inattendues et déplaisantes. Parmi les experts qui peuvent intervenir, on peut mentionner les planificateurs financiers, les avocats, les comptables et les évaluateurs d'entreprise.

Le propriétaire d'entreprise peut envisager également d'embaucher un coordonnateur de la relève. Un certain nombre d'auteurs recommandent l'embauche d'un coordonnateur spécialisé afin d'orienter l'ensemble du processus. Un coordonnateur de la relève a les compétences interprofessionnelles et techniques et les connaissances en matière de planification de la relève qu'il faut pour organiser le processus de relève. Il peut s'assurer que tous les principaux intervenants sont entendus et intégrés de façon appropriée au processus. Souvent, les autres experts, bien qu'ils aient une compétence technique considérable, n'ont pas ces compétences importantes. Par ailleurs, le propriétaire de l'entreprise est souvent trop engagé dans la situation, tant au point de vue émotif qu'opérationnel, pour avoir la distance et la capacité d'orienter le processus et de traiter efficacement avec tous les intervenants.

G. Le processus

Chaque entreprise est unique, et il n'existe pas la formule universelle pour élaborer et mettre en œuvre un plan de relève. Voici des lignes directrices générales qui seront utiles pour parcourir ce processus.

  1. Familiarisez-vous avec les enjeux qui doivent être abordés afin d'assurer un plan de relève fructueux.
  2. Déterminez les objectifs du propriétaire de l'entreprise et des autres intervenants clés cités par le propriétaire, car ils sont cruciaux pour les objectifs du propriétaire. Ces intervenants comprennent la conjointe, les autres membres de la famille et les gestionnaires. Quels sont leurs besoins, et peuvent-ils être conciliés avec les objectifs et les résultats recherchés par le propriétaire? Examinez et confirmez les objectifs. Dans ce processus, il se peut que certains des objectifs premiers soient révisés pour tenir compte des réalités de la situation, par exemple l'objectif d'une relève familiale peut passer à une vente à des étrangers, en raison de renseignements et de conclusions recueillis auprès de divers intervenants.
  3. Déterminez la meilleure option pour atteindre ces objectifs. Il peut falloir effectuer du travail préliminaire pour évaluer diverses possibilités et pour clarifier certains des enjeux techniques mentionnés plus haut.
  4. Déterminez les principales étapes pour élaborer et mettre en œuvre l'option, avec les calendriers et les sources d'expertise nécessaires. Déterminez qui est responsable de faire progresser le processus. Il convient d'établir en détail les éléments qui concernent les enjeux internes de l'entreprise pendant et après la transition, les changements de propriété et de gouvernance et les problèmes de planification de la fiscalité et de la retraite.
  5. Rédigez tous les documents juridiques nécessaires. Révisez-les avec des conseillers et modifiez-les au besoin. Rédigez la version définitive des documents et signez-les.
  6. Mettez en œuvre le plan, surveillez sa progression et modifiez-le au besoin.

VII. La situation et les caractéristiques du propriétaire et des salariés qui portent à envisager une relève au moyen d'une coopérative de travail

Il n'y a aucune situation ou caractéristique particulière qui indique qu'il convient d'envisager l'option de la coopérative de travail. Il y a plutôt une série de considérations qui, bien que n'étant pas suffisantes par elles-mêmes, donnent collectivement une forte indication que l'option offre un bon potentiel de relève et qu'elle répondra aux valeurs ainsi qu'aux besoins et aux objectifs du propriétaire et des autres intervenants. En bref, les conditions primordiales pour envisager l'option de la coopérative de travail sont la confiance entre tous les intervenants, la foi dans le potentiel de l'entreprise et la possibilité de financement.

A. Le propriétaire

  1. Les circonstances familiales
    Dans certaines circonstances, la relève familiale ne présente pas d'intérêt ou n'est pas rentable. Le opriétaire et/ou sa famille peuvent reconnaître que les circonstances internes de la famille rendent la relève familiale problématique à long terme. La famille peut être incapable de faire face aux divers problèmes posés par la propriété et le contrôle conjoints des frères et sœurs. Le parent peut être incapable de laisser le contrôle réel à ses enfants. Les successeurs éventuels au sein de leur famille n'ont peut-être pas d'intérêt pour l'entreprise ou n'ont peut-être simplement pas acquis les compétences, l'expérience et la maturité pour prendre la propriété et la direction de l'entreprise.
  2. Les relations avec les salariés
    Une situation où il y a eu d'étroites relations à long terme entre le propriétaire de l'entreprise, les gestionnaires ou salariés supérieurs et les salariés d'exécution constitue un bon fondement pour une éventuelle coopérative de travail. Reconnaissant le rôle important que les salariés ont joué dans le succès de l'entreprise, le propriétaire peut souhaiter contribuer à assurer l'avenir des salariés. L'expérience du propriétaire devrait le convaincre que les gestionnaires et les salariés ont l'expérience et les compétences pour assurer la réussite continue de l'entreprise. Le propriétaire doit aussi croire qu'il est possible de relever le défi de développer efficacement une entreprise fondée sur ses salariés et que les avantages seront considérables pour l'entreprise et pour les salariés.
  3. Les circonstances de l'entreprise
    Le fondement de toutes les considérations d'entreprise doit être la conviction que l'entreprise a le potentiel d'un avenir fort à titre d'entité indépendante. Cela semble aller sans dire. Nous le soulignons ici parce qu'une évaluation réaliste de l'avenir de l'entreprise sera le fondement pour toutes les parties : propriétaire, gestionnaires et salariés. Elle déterminera leur volonté de participer à un processus qui exigera beaucoup d'engagement sous forme de temps, d'efforts et d'argent.
    Tout comme la possibilité pour l'entreprise de se perpétuer comme entité indépendante, il faut également un engagement ferme du propriétaire en faveur de cette option. Le propriétaire a souvent fait croître son entreprise depuis le départ et s'y identifie étroitement. Il la vit souvent comme un prolongement de sa personne. Il la considère comme son héritage, qui peut continuer à croître et à contribuer à la communauté à l'avenir par l'emploi et les biens et services qu'elle produit. Il est peu probable qu'un acheteur extérieur, stratégique ou indépendant aura la même attitude à l'égard de l'entreprise ou de sa collectivité. Par ailleurs, les gestionnaires et salariés qui ont aidé à faire croître l'entreprise et qui profiteront de sa continuation sont beaucoup plus susceptibles de partager les sentiments et l'engagement du propriétaire en faveur de la continuation de l'entreprise à titre indépendant dans la communauté locale.
    En contraste avec la crainte selon laquelle l'entreprise ne pourrait pas continuer de façon indépendante, il peut dans certaines circonstances y avoir simplement une absence d'acheteurs extérieurs potentiels ou d'acheteurs que le propriétaire est disposé à envisager. Par exemple, le propriétaire ne veut peut-être pas faire affaire avec un concurrent local.
    Il peut aussi y avoir la volonté de maintenir la confidentialité d'affaires et personnelle. Ce ne serait pas possible si l'entreprise est vendue sur le marché ouvert. Même avec les conventions habituelles de confidentialité, le fonctionnement interne, les forces et les faiblesses sont exposées aux acheteurs éventuels. En envisageant l'option du rachat par les gestionnaires et les salariés, le propriétaire peut continuer de faire des affaires sans que le fonctionnement interne de l'entreprise soit communiqué aux acheteurs éventuels.
  4. Les objectifs et les besoins personnels du propriétaire
    Dans certaines circonstances, le propriétaire peut souhaiter maintenir sa participation, mais dans une moindre mesure, au cours d'un certain nombre d'années. L'élaboration d'un plan de relève avec les salariés offre une bonne option pour structurer une telle participation qui peut être avantageuse pour les deux parties.
    Si le propriétaire de l'entreprise est en situation où il n'a pas le besoin ou la volonté de mettre l'accent uniquement sur la valeur monétaire de la transaction, il peut être plus facile de travailler avec les salariés. Ces derniers, comme nous l'avons mentionné plus haut, auront vraisemblablement besoin d'un certain financement du vendeur pour conclure la transaction. Bien que le propriétaire ne souhaite pas être dans la situation où il doit retourner à l'entreprise pour assurer sa retraite, si toutefois il a assuré le revenu de retraite dont il a besoin au cours de la première étape de la transaction et/ou au moyen d'autres ressources, le financement par le vendeur qui sera vraisemblablement nécessaire dans le cas de cette option constitue une moindre préoccupation.

B. La gestion

1. La confiance et l'engagement

Pour que soit envisagée l'option de la coopérative de travail, il est vital que les gestionnaires actuels aient une grande confiance en l'avenir de l'entreprise ainsi qu'en leur capacité, avec d'autres salariés, de relever les défis de l'avenir. Les gestionnaires sont souvent dans la meilleure position, particulièrement dans une situation où le propriétaire a adopté une démarche ouverture de collaboration, pour évaluer les points forts et les points faibles de l'entreprise et ses perspectives d'avenir. Les autres salariés jugeront l'engagement et la confiance des gestionnaires dans le cadre de leur évaluation des perspectives d'avenir de l'entreprise.

Les gestionnaires doivent aussi être prêts à un nouveau niveau d'engagement, peut-être en terme de temps et certainement en terme de stress personnel. Ils doivent évaluer s'ils sont prêts à assumer et à gérer le processus de la direction stratégique et de la prise de décision, particulièrement dans un contexte de propriété élargie par les salariés, contexte dans lequel eux et d'autres salariés trouveront leur voie pour la première fois. Il y aura de nombreux cahots sur la route alors que chacun apprendra son nouveau rôle dans la coopérative de travail.

Enfin, les gestionnaires doivent être prêts à investir leurs propres ressources financières. Un élément de risque financier et une plus grande responsabilité s'ajouteront à leur vie de travail. De plus, cette responsabilité à titre de dirigeants principaux ne concerne pas seulement leur apport financier mais aussi celui de leurs collègues salariés. La transition d'un simple salarié à un propriétaire, même dans le contexte de propriété élargie d'une coopérative de travail, présentera des défis.

2. Le style et les valeurs de la gestion

Si les gestionnaires ont connu une démarche de collaboration et d'équipe au travail, ils seront vraisemblablement plus ouverts et prêts à embrasser le modèle de la coopérative de travail. S'ils sont passionnés par la constitution d'une forte équipe de salariés et par la réalisation de résultats collectifs, ils s'intéresseront vraisemblablement au modèle de coopérative de travail.

Il est important que les gestionnaires soient ouverts aux valeurs coopératives. Bien qu'ils puissent ou non avoir une compréhension préalable des valeurs coopératives, il est essentiel que, lorsqu'ils en prennent connaissance, ils y voient un reflet de leurs propres valeurs. Cela ne signifie pas qu'ils doivent comprendre dès le début tous les enjeux et toutes les répercussions des principes et des valeurs. Ils doivent plutôt ressentir intuitivement les mérites et les principes d'organisation qui les sous-tendent et voir leurs valeurs comme fondement des relations au sein de l'entreprise.

C. Les salariés

1. La confiance et l'engagement

Les salariés doivent aussi avoir une grande confiance dans l'avenir de l'entreprise s'ils doivent s'intéresser à l'option de la coopérative de travail. Cette confiance doit être accompagnée d'une volonté de rester un salarié à long terme et de la foi en la capacité de l'entreprise à répondre à leurs besoins à l'avenir.

Les salariés ont souvent une compréhension plus limitée de l'ensemble de l'entreprise, bien qu'ils puissent avoir une grande expérience dans certains domaines opérationnels. Cela signifie qu'au départ, ils dépendront beaucoup de renseignements qui leur sont fournis par le propriétaire et les gestionnaires. Une situation où les salariés ont appris à reconnaître et à respecter l'intégrité et les intentions du propriétaire et des gestionnaires est un fondement important de leur intérêt et de leur confiance à l'égard de la propriété par les salariés.

Ils doivent aussi faire confiance à leurs collègues. Le salarié qui comprend qu'on lui offre une certaine forme de propriété collective portera son attention sur ses collègues. Sont-ils vraiment des gens en qui il peut avoir confiance et avec qui il peut s'engager afin d'assurer le succès de l'entreprise?

Il existe un fort élément d'incertitude qui sous-tend une bonne partie de la réaction des salariés à cette option. De nombreux salariés sont à l'aise sans les responsabilités de la propriété et comprennent mal les évaluations des risques et du rendement qui, pour le propriétaire, constituent une deuxième nature. Les salariés se poseront à juste titre la question suivante : « Quels avantages m'offre le fait d'être un salarié-propriétaire que je n'ai pas déjà? » Il y a des chances que les réponses à ces questions soient quelque peu abstraites ou fondées sur l'évolution future de l'entreprise, qui peut ou non se réaliser. Les salariés peuvent seulement surmonter cette incertitude lorsqu'ils ont confiance qu'ils peuvent apprendre à participer efficacement et que l'entreprise est susceptible de réussir sous le chapeau de l'équipe de direction de la coopérative de travail.

2. La propriété et les valeurs

Les salariés doivent aussi être à l'aise lorsqu'ils envisagent l'investissement financier qu'ils devront faire. Au-delà de cela, ils doivent être enthousiastes au sujet des avantages et des satisfactions que leur procurera le travail à titre de membre propriétaire. Ils sont surtout susceptibles d'y arriver s'ils ont eux aussi une réaction intuitive aux valeurs et aux principes qui sous-tendent le concept de coopérative du travail. (Voir l'appendice A pour de plus amples renseignements sur les principes coopératifs). Le fait d'embrasser ces valeurs les aidera à créer un sentiment de solidarité avec leurs collègues et les inspirera à travailler comme si leur exemple est celui que tous leurs collègues suivront. Il sera aussi avantageux que, dans le processus d'élaboration, les salariés viennent à comprendre les politiques et les règles qui régiront le milieu de travail pour eux-mêmes et pour tous les postes de gestion ou de gouvernance coopérative. Cela les aidera à avoir des attentes réalistes au sujet des conséquences de la propriété par les salariés et offrira un bon fondement pour assurer le moral des membres.

VIII. Les considérations de la relève dans le cadre d'une coopérative de travail

Le défi de l'option de la coopérative de travail pour la relève consiste à faire comprendre la situation et l'occasion qui s'offre à toutes les parties et, par ce processus, à amener l'engagement et la solidarité qui permettront sa mise en œuvre fructueuse.

A. Le propriétaire

Le propriétaire de l'entreprise est très vraisemblablement peu familier avec les coopératives de travail. Il devra prendre connaissance du concept et découvrir qu'il peut offrir une option fructueuse pour la transition vers la relève ou, du moins, qu'il s'agit d'un concept qu'il vaut la peine d'explorer. Deux sources pourront vraisemblablement le convaincre qu'une coopérative de travail peut représenter la bonne option de relève. Les exemples d'initiatives de relève prenant la forme de coopératives de travail qui ont eu des retombées favorables pour les intervenants sont importants. La deuxième source consiste à explorer activement l'option de la coopérative de travail avec les gestionnaires et les salariés.

La participation du propriétaire sera vraisemblablement importante pendant la période où toutes les parties examinent l'option de la coopérative de travail et cherchent à comprendre l'option et son potentiel. Au-delà de cette première étape, l'équipe de direction de la coopérative de travail prendra l'initiative avec les salariés, tandis que le propriétaire mettre plus directement l'accent sur ses intérêts propres et sur la manière de les traiter dans la transition réelle.

Le propriétaire doit être conscient du fait que pendant ces étapes initiales, les gestionnaires et les salariés peuvent percevoir ses intentions ou sa bonne foi avec un certain scepticisme. Le propriétaire qui a des relations ouvertes de confiance avec ses salariés et ses gestionnaires aura plus de facilité à lancer ce processus.

Le propriétaire devra planifier sa retraite dans le contexte d'une vente de son entreprise à une entité indépendante, la coopérative de travail. Que ce soit immédiatement ou dans le cadre d'un processus par étape, il verra le contrôle et la propriété de l'entreprise transférée entre les mains des salariés et des gestionnaires. Cette vente peut prendre la forme d'une vente d'actions de la société existante ou de son actif, tel que le négocieront les parties. Le propriétaire aura besoin de bons conseils d'experts dans ces domaines pour s'assurer que les conventions officielles qui réglementeront la vente et la période de transition lui permettront de répondre à ses besoins et à ses objectifs.

Il faudra négocier et préciser dans le cadre de conventions officielles le rôle futur du propriétaire dans l'entreprise, peut-être même à titre de membre de la coopérative de travail. Même s'il incombe aux membres de la coopérative de déterminer les rôles de gestion et de gouvernance au sein de la coopérative de travail, le propriétaire devra participer à la discussion au moins pour convenir d'un processus de transition des pouvoirs. Toutefois, si le rôle du propriétaire doit se poursuivre à titre de mentor ou même à titre de gestionnaire par intérim pendant un an ou deux, le propriétaire devra collaborer plus activement avec l'équipe de direction de la coopérative de travail pour déterminer les rôles et les responsabilités de gestion et le processus de transition vers la nouvelle direction.

B. Les gestionnaires et les salariés

Le premier enjeu pour les gestionnaires et les salariés, tout comme pour le propriétaire, consiste à prendre connaissance de l'option de la coopérative de travail et de la façon dont elle peut être efficace pour tous les participants. Il est très important qu'ils reçoivent l'aide d'un consultant en démarrage de coopératives de travail afin qu'ils acquièrent une bonne compréhension de l'option.

Une des principales difficultés pour le groupe de salariés et de gestionnaires est de repérer un ou des dirigeants efficaces qui peuvent leur offrir une direction à l'avantage de tous les membres éventuels de la coopérative de travail et qui s'y engagent. Par ailleurs, la coopérative de travail doit être axée sur les besoins de l'entreprise, si celle-ci doit continuer de connaître du succès.

Comme nous l'avons fait observer plus haut, les relations antérieures fondées sur l'intégrité et l'honnêteté personnelles constituent un fondement essentiel. Lorsque tous les intervenants s'entendent sur une direction évidente et naturelle, il existe un bon fondement. Si ce n'est pas évident, il faut que ce le devienne rapidement, sinon le processus ne s'enclenchera pas efficacement.

La nouvelle direction doit avoir la confiance et le soutien des membres éventuels de la coopérative. Il faut à la fois des personnes clés qui mettent l'accent sur les aspects coopératifs de l'organisation et d'autres qui mettent l'accent sur les aspects d'affaires. Selon la situation, la même personne peut jouer un rôle clé dans les deux domaines. Toutefois, la clé consiste à reconnaître que les deux domaines de leadership sont nécessaires et doivent être coordonnés. La confiance est essentielle, car tous les participants se retrouveront dans la situation où, selon les renseignements qui leur sont fournis par les divers intervenants, ils doivent décider de participer ou ne pas participer à un rachat par une coopérative de travail. Si la confiance est grande, il faut chercher à comprendre l'information et à clarifier ses répercussions. Si la confiance est faible, le scepticisme des intervenants nuira à l'apparition d'une nette compréhension commune de la situation.

Il importe de noter ici le rôle des familles des membres éventuels dans la progression du projet, particulièrement les conjoints. Ceux-ci doivent comprendre ce qui est proposé et soutenir leur conjoint dans l'investissement et l'engagement nécessaires pour devenir membre de la coopérative de travail. Il est important que les conjoints aient l'occasion de s'exprimer et de trouver réponse à leurs questions. Il est toutefois aussi important qu'ils soient conscients qu'ils ne participent pas officiellement à la coopérative à titre de décideur mais ont plutôt seulement une influence sur leur conjoint.

Le financement de la coopérative de travail est une autre activité clé. Celle-ci comporte deux aspects principaux. La première consiste à obtenir l'apport de capital du membre à la coopérative. Le deuxième, fondé sur le premier, est la formule complète de financement pour acheter et exploiter l'entreprise. C'est un domaine où les questions du risque, de l'engagement et des responsabilités des membres-propriétaires devient tangible. Pour une explication détaillée du financement d'une coopérative de travail, consulter Preparing and Marketing Financing Proposals: a Plain-Language Guide for Worker Co-ops, accessible à l'adresse www.canadianworker.coop.

Enfin, les membres éventuels de la coopérative doivent envisager d'obtenir des conseils individuels d'experts ou d'amis ou de parents au courant du dossier au sujet de toute question qui les laisse perplexes. Ils peuvent aussi communiquer avec des membres d'autres coopératives de travail qui ont réussi.

Pour s'assurer que les membres adhèrent à la coopérative en comprenant bien celle-ci et en s'engageant véritablement, la coopérative du travail doit prendre une approche ouverte quant au moment de l'engagement officiel des membres. Chaque personne a une approche différente pour comprendre la situation et prendre connaissance de ses avantages. C'est grâce à la souplesse qu'on obtiendra la plus large participation des salariés existants.

C. Les syndicats

Il faut apporter une attention particulière à toute situation où il y a un syndicat. Au Canada, le mouvement syndical a traditionnellement résisté à la participation des salariés à la propriété de l'entreprise. Le syndicat préfère laisser les propriétaires et les gestionnaires assumer les risques et les responsabilités de la propriété, tandis que le syndicat cherche à obtenir la meilleure convention possible pour les salariés, compte tenu du secteur industriel ou commercial. Cette stratégie a été et reste efficace dans des circonstances normales. Certains syndicats, notamment les Métallurgistes unis d'Amérique dans le Nord-Est des États-Unis et la Confédération des syndicats nationaux au Québec, soutiennent le rachat d'entreprises syndiquées par des coopératives de travail, particulièrement lorsque cette solution semble la meilleure ou la seule manière de préserver les emplois des syndiqués. L'expérience vécue par ces syndicats et dans d'autres situations montre qu'une coopérative de travail syndiquée peut être fructueuse, alors que le syndicat et la coopérative de travail ont des rôles distincts à jouer.

Le syndicat peut se poser un certain nombre de questions : Par son processus de propriété démocratique, la coopérative de travail peut-elle obtenir pour les syndiqués des avantages supérieurs à ceux de conventions négociées de façon classique? Les travailleurs perçoivent-ils cette situation comme une occasion favorable ou se sentent-ils quelque peu obligés d'envisager l'option de la coopérative de travail? Le refus du syndicat d'envisager la relève au moyen d'une coopérative de travail pourrait-elle obliger le propriétaire qui part à la retraite à adopter une option de relève qui entraînerait un danger important pour les salariés? Comme nous l'avons mentionné plus haut, l'option de la relève par une coopérative de travail n'est vraisemblablement envisagée que dans les situations où il existe de bonnes relations entre le propriétaire et les salariés, dans un contexte syndiqué dans le cas qui nous intéresse. Cela peut encourager le syndicat à envisager d'étudier l'option.

Si l'option examinée est une coopérative de travail syndiquée, il faut se pencher sur certains enjeux particuliers. Bien que les nombreux enjeux de la mise sur pied et de l'exploitation d'une coopérative de travail syndiquée dépassent la portée du présent document, nous soulignerons deux enjeux.

Dans les coopératives de travailleurs tout comme dans d'autres organisations, il peut être nécessaire d'arbitrer les différends interpersonnels et l'application équitable des politiques et des règles de travail afin d'assurer la justice et l'équité. Le rôle traditionnel du syndicat qui consiste à négocier des conditions de travail avec la direction et à assurer leur juste application au moyen d'une procédure de grief peut se poursuivre de façon efficace dans une coopérative de travail. En fait, dans une coopérative de travail, le syndicat devrait avoir l'occasion de travailler encore plus efficacement au nom de ses membres, car, comme ils sont copropriétaires, l'existence de conditions de travail équitables au sein de la coopérative a des retombées favorables pour tous.

Si le syndicat doit envisager de participer à une initiative de relève au moyen d'une coopérative de travail, il faut souligner un deuxième enjeu : la réalité de la copropriété. Les syndiqués sont également membres de la coopérative de travail. Grâce au processus démocratique de la coopérative et du conseil d'administration, ils exigent de la direction des comptes sur son apport au succès de l'entreprise et, indirectement, ils exigent la même chose du syndicat par l'entremise de la direction. Cette double source d'influence a des répercussions diverses. À titre de membres du syndicat, ils s'intéressent aux avantages qu'ils reçoivent quotidiennement à titre de salariés, peut-être peu importe les effets à court terme sur l'entreprise. À titre de membres de la coopérative de travail, ils s'intéressent à la réussite à long terme de la coopérative qui assurera leur travail et leur sécurité à long terme mais qui peut parfois exiger des choix difficiles entre les avantages à court terme pour le salarié et les avantages à long terme pour le membre.

Pour que ces deux rôles fonctionnent efficacement, la direction et les membres dans tous les secteurs de l'organisation doivent comprendre les arbitrages qui doivent être fait entre les avantages à court terme et à long terme pour les membres. La gestion efficace de ces arbitrages assurera le succès à long terme de l'entreprise et le bon moral des membres dans le quotidien. La direction et les membres doivent être prêts à soutenir des initiatives qui leur permettront d'obtenir de tels résultats.

D. Les prestataires de services professionnels

Tel que nous l'avons mentionné dans la section sur les enjeux de la relève, les prestataires de services professionnels ont un rôle important à jouer pour aider à la planification de la relève. Un prestataire de services qui n'a pas été mentionné dans la section précédente est le consultant en démarrage de coopératives de travail. Un consultant en démarrage de coopératives de travail a deux grands secteurs de compétence qui, bien qu'ils chevauchent les compétences de certaines des autres professions, ne devraient pas être utilisées en remplacement de ces experts.

Un consultant en démarrage de coopératives de travail est versé dans les problèmes fondamentaux des entreprises tel que la planification, le financement et le marketing. Il a aussi des connaissances sur les problèmes de développement organisationnel des coopératives de travail tel que l'élaboration de règlements et de politiques, l'éducation des membres et la formation aux divers rôles au sein de la coopérative ainsi que l'élaboration d'une structure efficace tant en matière d'entreprise que de gouvernance. Pour cette raison, il est le mieux en mesure de jouer un rôle important dans la description et la clarification de l'option de relève par coopérative de travail pour toutes les parties. Toutefois, au-delà de la prestation initiale d'information à tous les intéressés, le principal rôle du consultant en démarrage de coopératives de travail est d'aider les salariés et les gestionnaires à élaborer et à mettre en œuvre les aspects du plan de relève touchant la coopérative de travail.

Il est très important que les autres experts jouent leurs divers rôles et que le propriétaire et les gestionnaires et salariés aient des conseillers appropriés et indépendants. Il importe de noter que l'expert qui conseille la coopérative de travail doit s'assurer de coopérer efficacement avec la direction afin de communiquer et de faire comprendre clairement tous les enjeux pertinents et les options recommandées aux membres éventuels de la coopérative. Il doit également être bien conscient qu'il s'agit pour bon nombre des membres éventuels d'une première expérience de participation à une transaction d'affaires complexe. Il lui faudra utiliser un langage clair et définir certains concepts de base.

E. Les paramètres de la coopérative de travail

Le plan de relève au moyen d'une coopérative de travail exige la conciliation de trois ensembles d'intérêts : ceux du propriétaire et de ses apparentés, ceux de la gestion actuelle ou des salariés principaux et ceux des salariés exécutants. Le caractère distinct et la portée des intérêts de ces parties dépend considérablement de l'échelle de l'entreprise. Une petite entreprise de cinq à dix salariés ayant un propriétaire unique est susceptible d'avoir une organisation relativement simple avec des différences mineures entre les intérêts des gestionnaires et ceux des salariés exécutants. Une entreprise relativement grande de 30 à 50 salariés et une entreprise encore plus grande de 100 salariés ou plus avec un certain nombre d'actionnaires aura des intérêts sensiblement différents et des processus organisationnels qui doivent être pris en compte. Les formes et les types de communication et le calendrier utilisé pour explorer et mettre en œuvre une relève prenant la forme d'une coopérative de travail dépendra fortement de ces paramètres organisationnels divers.

La conciliation de ces intérêts exige des objectifs clairs pour toutes les parties, un processus transparent avec une communication ouverte et honnête, des négociations et des conseils techniques complexes de la part de conseillers experts.

Mis à part les enjeux qui concernent directement la transition de la relève dont nous avons parlé à la section VI, Les enjeux de la relève, l'élaboration de la coopérative de travail exige une intégration cohérente de trois éléments organisationnels : la propriété et les membres, la gouvernance et la gestion et les opérations avec leurs aspects concomitants de la responsabilité, des pouvoirs et de la reddition de comptes.

Compte tenu de la diversité des membres, des types d'entreprises et des échelles d'opérations, chaque coopérative de travail est nécessairement unique et suit le chemin tracé par ses membres. Chaque coopérative doit trouver une structure qui lui offre un cadre efficace pour réaliser les objectifs fixés par les membres. Le fait de mettre l'accent sur la relation entre la responsabilité, le pouvoir et la reddition de comptes est un moyen utile de clarifier la portée des divers éléments organisationnels mentionnés plus haut et de décrire leur structure dans un cas particulier. Cette information est utile pour permettre aux membres et aux autres de comprendre la nature de la coopérative de travail.

Au sein de la coopérative de travail, chaque rôle que joue une personne comporte une responsabilité particulière qui doit être assumée afin de réaliser les objectifs de la coopérative. La responsabilité exige le pouvoir d'agir. La source du pouvoir dépend des responsabilités de la personne et de l'élément organisationnel en jeu. Enfin, il y a la dimension de la reddition de comptes. La personne n'agit pas dans un vide, mais doit rendre des comptes aux autres pour le rôle qu'elle a accepté de jouer (ses responsabilités) afin d'assurer la réalisation des objectifs communs.

La grille suivante illustre ces trois aspects à l'égard des membres, du conseil d'administration et du chef de la direction et gestionnaire.

 

Groupe ou personne

Responsabilités

Obligation de
rendre compte à

Reçoit les
pouvoirs de

Membres

  • Contribution financière
  • Soutien aux activités de la coopérative
  • Participation aux réunions des membres
  • Élection du conseil d'administration
  • Participation à l'établissement des grands buts et objectifs de la coopérative
  • Surveillance du rendement du conseil et des processus de gouvernance
  • Autres membres
  • Communauté dans son ensemble
  • Lois sur les coopératives - un membre et un vote, etc.
  • Statuts et règlements de la coopérative de travail
  • Conseil d'administration (approuve chaque adhésion)

Conseil
d'admini-
stration

  • Participation à l'élaboration du plan stratégique
  • Approbation du budget annuel
  • Embauche et surveillance du directeur général
  • Rentabilité financière de la coopérative par la surveillance des finances de celle-ci
  • Approbation des principales politiques pour orienter les affaires de la coopérative
  • Respect des obligations de la coopérative envers ses membres
  • Membres
  • Autres administrateurs
  • Responsable en vertu de la loi de certaines des obligations financières de la coopérative
  • Membres au moyen de l'élection
  • Lois sur les coopératives
  • Règlements de la coopérative

Chef de
la direction
et directeur général

  • Orientation des affaires générales de la coopérative pour faire en sorte qu'elle atteigne ses buts et remplissent ses obligations
  • Aide aux administrateurs dans l'exercice de leurs fonctions
  • Organisation, direction, orientation et supervision de l'équipe de gestion
  • Contrôle des finances de la coopérative ar l'établissement du budget, la surveillance et les contrôles des dépenses
  • Encadrement de l'équipe de gestion et des autres salariés selon le besoin
  • Conseil d'administration (à titre collectif)
  • Conseil d'administration (officiel)
  • Politiques de la coopérative (officielles)
  • Équipe de gestion et personnel (non officielle)

 

Il est important de noter que ces trois aspects influent sur tous les secteurs de la vie de la coopérative. Le plan d'affaires de la coopérative structurera de façon sommaire ces aspects dans les domaines du concept de l'entreprise, de la gouvernance, de la gestion et des opérations.

IX. Aperçu de la relève par la coopérative de travail

Cet aperçu de la relève ne constitue pas un guide technique pour le propriétaire ou pour les salariés et les gestionnaires, mais présente plutôt les principaux éléments d'élaboration et points de décision pour la mise en œuvre d'une relève au moyen d'une coopérative de travail.

Cet aperçu est fondé sur l'hypothèse que l'initiative provient du propriétaire qui part à la retraite et reflète seulement cette circonstance. Il est également possible que l'initiative puisse venir des gestionnaires et/ou d'un groupe de salariés qui ont entendu parler de cette option. Bien que le catalyseur du processus influera sur la démarche utilisée pour déterminer s'il existe un intérêt sérieux envers l'examen de l'option de la coopérative de travail, les principales étapes d'élaboration présentées ici seront encore nécessaires. Pour commencer à élaborer ou à étudier l'option de la coopérative de travail, l'un des éléments fondamentaux est d'obtenir l'engagement du propriétaire à examiner sérieusement l'option. Cette étape est vitale, car le propriétaire est celui qui détermine si l'option de la coopérative de travail sera envisagée.

Cet aperçu est aussi fondé sur l'hypothèse que des documents de promotion particuliers ont été élaborés tant pour le propriétaire qui part à la retraite que pour les gestionnaires et les salariés susceptibles de devenir membres de la coopérative de travail, ce qui est n'est pas le cas au moment de la rédaction finale du présent rapport. La trousse de promotion que la FCCT prévoit créer comprendra :

  • un aperçu des principaux enjeux de la planification de la relève;
  • une brève description des options de relève et de certains de leurs défis;
  • une liste de contrôle des facteurs indiquant qu'une coopérative de travail pourrait être une bonne option;
  • une présentation sur les principaux arguments en faveur de la propriété et de la participation des salariés;
  • la déclaration de l'identité, des valeurs et des principes de la coopérative;
  • des exemples de conversions fructueuses en coopérative de travail.

A. Phase 1 : Le développement de la compréhension et de l'engagement

1. La détermination de l'intérêt et de l'engagement du propriétaire

Lors d'une première réunion avec le propriétaire, le consultant en démarrage de coopératives de travail doit énoncer les principaux enjeux dans tout plan de relève et ensuite, dans ce contexte, examiner la trousse de promotion de la planification de la relève par coopérative de travail. Le cas échéant, le consultant peut aider le propriétaire à élaborer un processus approprié pour décider si la coopérative de travail est une option de relève qui pourrait répondre à ses objectifs. Cette démarche devrait comprendre un processus pour clarifier les objectifs du propriétaire, ses besoins de retraite, ses exigences chronologiques et le rôle futur qu'il souhaite dans l'entreprise. Cette démarche est susceptible d'entraîner des réunions avec d'autres membres de la famille, avec les copropriétaires de l'entreprise et avec les conseillers professionnels du propriétaire. Il est très important d'être méticuleux à cette étape du processus. Si le propriétaire s'engage à explorer cette option, il est très important qu'il en comprenne dès le début les conséquences pour lui et pour les autres intervenants. Comme nous l'avons déjà mentionné, le propriétaire est en mesure de faire échouer le processus à tout moment. Avant que le propriétaire explore l'option avec les gestionnaires et les salariés (en supposant que ce ne sont pas eux qui en ont pris l'initiative), il est très important qu'il ait pris un engagement fondamental envers le concept. Il ne sera pas avantageux et pourrait être nuisible aux relations des diverses parties si le propriétaire découvre des raisons impérieuses de mettre fin au processus après avoir obtenir le soutien des salariés.

À la fin de ce processus initial, le propriétaire atteint le point de décision sur la continuation ou non de l'option de coopérative de travail avec ses salariés.

2. La détermination de l'intérêt et de l'engagement des gestionnaires et des salariés

Déterminer l'intérêt et l'engagement consiste à partager de l'information avec les divers intervenants dans des situations où ils se sentiront à l'aise de poser toute question et de discuter de toute préoccupation qu'ils pourraient avoir. Si on suppose que ces réunions ont lieu après que le propriétaire a décidé d'explorer sérieusement cette option, il convient qu'il intervienne alors pour expliquer pourquoi il est intéressé à examiner cette option et pour présenter les avantages qu'il perçoit pour les diverses parties. Toutefois, les groupes d'intervenants, qui s'agissent des gestionnaires, des salariés ou des représentants syndicaux, doivent discuter de leurs enjeux et de leurs préoccupations à l'interne afin de s'assurer qu'il n'y a pas de contraintes dans la discussion.

Avec une mico-entreprise gérée par son propriétaire qui comporte moins de 10 salariés, il est vraisemblablement souhaitable de rencontrer tous les salariés et les gestionnaires ensemble pour la première séance. Dans les plus grandes entreprises, il est mieux de rencontrer d'abord chaque groupe (c'est-à-dire les gestionnaires, les salariés et les représentants syndicaux) pour faire comprendre la possibilité qui s'offre et ses répercussions pour ce groupe en particulier, et de rassembler ensuite les groupes ou leurs représentants afin qu'ils puissent partager leurs perspectives et leurs intérêts à donner suite à cette occasion. Les personnes de chaque groupe doivent venir préparées avec une description claire de leur compréhension de la possibilité de coopérative de travail et de leurs questions et de leurs sentiments à ce sujet. Le consultant en démarrage de coopératives de travail peut devoir aider à la préparation des documents pour permettre cette réunion. Dans de grandes organisations, si la réunion avec les représentants des intervenants est favorable à l'option de coopérative de travail, il convient d'organiser d'autres séances d'information jusqu'à ce que tous les participants éventuels aient pu comprendre l'occasion qui se présente et indiquer leur degré d'intérêt.

Ces premières sessions seront axées sur les réalités de l'occasion dans l'optique des salariés et dans celle des gestionnaires. Les séances seront axées sur les éléments fondamentaux de la coopérative de travail, une brève description du processus de relève au moyen de la coopérative de travail et certains exemples de coopératives de travail fructueuses, soit issues de la relève, soit des entreprises coopératives de travail qui sont semblables à l'entreprise en question. Les séances souligneront les divers rôles que les membres jouent dans une coopérative de travail et la nécessité de partager les buts et objectifs communs pour assurer le succès futur de l'entreprise.

Outre ce qui précède, le propriétaire doit faire un bref exposé qui comprend :

  • les raisons de son départ à la retraite;
  • ses raisons de croire que l'option de la coopérative de travail peut répondre à ses objectifs personnels;
  • son évaluation des perspectives futures de l'entreprise;
  • son évaluation de la manière dont la coopérative de travail peut contribuer à la réussite à long terme de l'entreprise.

L'exposé du propriétaire est important pour faire en sorte que les gestionnaires et les salariés aient une chance d'entendre directement l'optique du propriétaire et aient l'occasion de poser à celui-ci des questions particulières au sujet de la proposition.

Il faut alors mettre en œuvre un processus pour donner aux gestionnaires et aux salariés l'occasion d'indiquer s'ils sont ou non intéressés à poursuivre l'option de la coopérative de travail. Le processus choisi doit offrir aux gens l'occasion d'indiquer leurs sentiments véritables sans subir les pressions ou l'influence des autres. Il convient d'utiliser un scrutin secret afin que les personnes puissent indiquer leur niveau de soutien sur une échelle graduée. Dans le cas d'un scrutin confidentiel avec des groupes plus importants, bien que l'on n'utiliserait pas les noms, il peut être utile de ventiler les résultats par groupes d'intervenants afin d'évaluer le soutien de chacun des groupes.

Il est important pour chacun de comprendre qu'il ne s'agit pas d'un engagement définitif de la part de quiconque, salariés ou propriétaire, mais plutôt d'un engagement à amorcer le processus de passer au point de décision suivant. Bien qu'un soutien à 100 % ne soit ni prévisible ni nécessaire, une forte opposition de l'un des groupes d'intervenants rendra la suite des choses très difficile, voire impossible. Il est également essentiel qu'un groupe de direction, qui représente le groupe de gestionnaires et de salariés, soit prêt à devenir les représentants des salariés et des gestionnaires, d'agir en leur nom et de leur rendre des comptes.

B. Phase 2 : L'évaluation et la planification

Après que toutes les parties ont donné leur soutien, il convient de convoquer une réunion conjointe du propriétaire, de l'équipe de direction, du consultant en démarrage de coopératives et du coordonnateur de la relève afin de déterminer les étapes suivantes. Des discussions doivent avoir lieu sur les responsables des diverses mesures et des coûts qui seront engagés avec l'évolution du processus. Bien qu'il n'y ait pas de règle stricte, le propriétaire, par l'entremise de l'entreprise, est probablement dans la meilleure situation financière pour supporter le coût d'exploration. Il importe ici que le propriétaire et l'équipe de direction prennent connaissance de la capacité financière des intervenants et conviennent de partager les coûts de manière à permettre la réalisation des étapes suivantes en temps opportun afin de soutenir l'élan du processus jusqu'ici.

L'une des premières étapes consiste à faire effectuer une évaluation indépendante de l'entreprise qui deviendra le fondement d'une évaluation réaliste de la situation, tant pour le propriétaire que pour la coopérative de travail. L'entreprise doit être évaluée à titre d'entreprise indépendante en exploitation en fonction de son rendement passé et d'hypothèses réalistes de rendement futur qui tiennent compte des conditions futures du marché et de la concurrence. Le rapport d'évaluation sera utilisé tant par le propriétaire que par l'équipe de direction. Bien que l'évaluation détermine un juste prix marchand de l'entreprise, les négociations du prix final peuvent tenir compte de questions qui ne font pas partie de l'évaluation; le prix de vente officiel peut donc être rajusté. Toutefois, pour des fins fiscales, l'Agence du revenu du Canada (ARC) peut choisir d'imposer un prix qu'elle estime refléter la valeur véritable de l'entreprise s'il ressort que pour diverses raisons, la vente ne s'est pas faite à la juste valeur marchande. Le prix négocié doit en fin de compte refléter un juste prix marchand défendable.

Pendant cette période, le propriétaire doit aussi finir d'évaluer ses objectifs de planification de la retraite et de la succession avec des conseillers professionnels afin de déterminer les diverses manières de répondre à ces besoins par la vente à la coopérative de travail. Il est très important que les répercussions des diverses options soient claires afin que les conventions négociées avec la coopérative de travail répondent aux besoins du propriétaire.

Si le propriétaire doit conserver une fonction de gestionnaire ou de consultant en gestion auprès de la coopérative de travail, il doit y avoir des discussions avec l'équipe de direction au sujet du rôle et du type de pouvoir qu'il détiendra.

L'équipe des salariés et des gestionnaires a aussi beaucoup de travail à faire. Le premier consiste à élaborer un plan d'affaires pour obtenir du financement et pour fournir une orientation stratégique pour la coopérative pendant la période de transition avec le propriétaire. Le deuxième secteur de travail est le développement organisationnel de la coopérative. Bien qu'il s'agisse, sous de nombreux rapports, de domaines de travail différents, le résultat du développement organisationnel est nécessaire pour certains éléments clés de l'exposé du plan d'affaires. Il faut inclure certains domaines comme la structure et la gouvernance coopératives, l'équipe de gestion et la nature des opérations. Les deux activités doivent être réalisées en parallèle.

Le plan d'affaires sera élaboré sous la direction de l'équipe de direction par des experts appropriés au sein de l'entreprise, éventuellement avec l'aide du propriétaire et/ou d'autres prestataires de services professionnels.

Le développement organisationnel de la coopérative sera dirigé par le consultant en démarrage de coopératives. Afin d'assurer un soutien et une participation larges des groupes intervenants, l'équipe de travail doit comprendre l'équipe de direction et une sélection plus large d'intervenants. Le consultant en démarrage de coopératives doit orienter le processus et fournir des modèles d'éléments tels que les statuts constitutifs et les règlements qui peuvent être adaptés à la coopérative de travail.

L'élaboration des règlements est une partie importante de ce travail, car les règlements représentent essentiellement la « constitution » de la coopérative de travail. Les règlements énoncent les droits et responsabilités des membres, la nature démocratique de la coopérative, la contribution financière exigée des membres et la façon dont les bénéfices seront distribués.

Tel que nous l'avons fait observer dans la sous-section VIII.E, Les paramètres de la coopérative de travail, les rôles organisationnels dans tous les secteurs de la coopérative tels que la gouvernance, la gestion et les opérations, peuvent être clarifiés et structurés au moyen de la grille des responsabilités, des pouvoirs et de la reddition de comptes. Cette démarche consiste en une élaboration des structures organisationnelles et présente une perception inclusive de l'entreprise. Elle peut être facilement proposée aux autres travailleurs propriétaires éventuels qui ne peuvent pas participer directement au processus de développement organisationnel.

Lorsque le développement organisationnel et l'ébauche d'un plan d'affaires sont terminés, l'équipe de direction est prête à effectuer les négociations finales avec le propriétaire qui part à la retraite sur la base de tout le travail effectué jusqu'ici par l'équipe et le propriétaire. Le moment est venu de faire appel à des conseillers juridiques et autres, s'ils ne sont pas encore intervenus, afin d'aider à négocier les conventions finales qui constitueront le cadre juridique de la transition. Il est également temps de chercher à obtenir le financement requis pour la transaction et l'exploitation future de l'entreprise.

Ces négociations finales mènent au point de décision du propriétaire et du groupe de gestionnaires et de salariés. Ils doivent maintenant prendre la décision finale d'effectuer la transaction. Lorsque cet engagement final est pris, toutes les conventions peuvent être rédigées, la coopérative de travail constituée et les conventions de financement réalisées en préparation de la conclusion officielle.

C. Phase 3 : La mise en œuvre

Avec la signature des documents pour mettre en œuvre la transition de relève, le processus entre dans sa phase finale.

À cette étape, il y a deux grands axes. Le premier est la mise en œuvre des nouveaux rôles de gouvernance, de gestion et d'opérations. Selon la situation, ces rôles peuvent être mis en œuvre complètement au moment de la conclusion officielle. Il est toutefois tout aussi probable, particulièrement si le propriétaire conserve certaines fonctions de gestion, que la mise en œuvre se produise graduellement tel que convenu dans les négociations précédentes.

Le deuxième axe est les ajustements personnels et psychologiques qui doivent être faits dans le temps alors que les membres de la coopérative de travail assument leurs nouveaux rôles et leurs nouvelles responsabilités dans le nouveau cadre. Bien que la plupart des salariés joueront un rôle identique ou très similaire dans le fonctionnement courant de l'entreprise, il faudra un certain temps pour apprendre et jouer efficacement le nouveau rôle de membre-propriétaire et d'autres rôles particuliers, tels que ceux des membres du conseil d'administration. Il est très important que la coopérative de travail mette en œuvre un plan d'éducation, de formation et de participation des membres à la vie de la coopérative, tant en matière d'activités commerciales que de gouvernance. Il est aussi important que des communications et des rapports sur les affaires de l'entreprise soient présentés périodiquement à tous les membres. Cet élément est particulièrement important, car il donnera le ton pour la relation permanente entre les membres de la coopérative de travail dans l'avenir.

X. Le choix du moment

L'aperçu de la relève par coopérative de travail ne comprenait pas de calendriers. Comme nous l'avons fait observer dans la section Les enjeux de la relève, une préparation exhaustive et une planification et une mise en œuvre efficaces exigent beaucoup de temps. Dans l'optique du propriétaire, il n'est jamais trop tôt pour envisager les questions de relève. Dans l'optique de la coopérative de travail, un développement organisationnel efficace prendra beaucoup de temps.

L'échelle de l'activité de l'entreprise et son cycle d'affaires annuel influeront sur la vitesse du processus. Il n'y a pas de durée déterminée pour le processus. Il est plutôt important que toutes les parties s'engagent à faire avancer le processus à la vitesse requise pour assurer les meilleurs résultats. Les tâches qui comportent un calendrier doivent être fixées et réalisées non pas comme une fin en elle-même mais pour assurer que le processus continue d'évoluer efficacement vers son objectif. L'établissement d'un calendrier réaliste au début de la phase 2 suscitera des attentes raisonnables chez tous les groupes d'intervenants. Il favorisera aussi l'évolution du processus en douceur.

XI. Conclusion

Dans la présente étude, nous avons examiné une occasion importante d'expansion de la forme d'entreprise coopérative de travail. Le défi de créer un plan de relève fructueux pour le propriétaire d'entreprise qui part à la retraite se pose tant pour l'économie canadienne que pour le propriétaire lui-même. Nous avons examiné les principaux enjeux qui doivent être traités dans la planification de la relève et nous avons examiné des cas fructueux de relève par les salariés et les gestionnaires. Il ressort clairement de notre étude qu'une coopérative de travail constitue une occasion de transition fructueuse qui peut soutenir la croissance et la stabilité de l'économie locale. Elle représente une occasion à saisir. Nous espérons que l'information qui figure dans le présent rapport constituera le fondement de l'élaboration d'un programme pour soutenir la relève par des coopératives de travail dans l'ensemble du Canada.

Remerciements

La présente étude a fait l'objet d'un soutien financier de l'Initiative de développement coopératif - programme Innovation et recherche, Secrétariat aux coopératives, gouvernement du Canada. Je tiens à remercier le personnel du Secrétariat aux coopératives de son soutien.

  • Je voudrais aussi remercier tout spécialement tout le personnel de l'Ohio Employee Ownership Center, Kent State University, qui a gracieusement accepté ma demande de visiter le centre et certaines des entreprises appartenant à leurs salariés qui lui sont associés. Je voudrais en particulier remercier Dan Bell qui a organisé mon itinéraire et planifier mes nombreuses réunions.

L'étude a aussi reçu des contributions importantes de nombreuses personnes qui ont pris le temps de me rencontrer et de répondre patiemment à mes questions. Je voudrais remercier les personnes suivantes pour leur aide :

Visites sur place

Nouveau-Brunswick :

Charles Michelin, secrétaire-trésorier, Moncton Restaurant Equipment Co-op Ltd.
Kelly MacNeil, vice-présidente, Moncton Restaurant Equipment Co-op Ltd.
Pierre Dupuis, président, Moncton Restaurant Equipment Co-op Ltd.
Bill Gorman, propriétaire à la retraite, Gorman's Restaurant Equipment Ltd.

Ohio :

Barry Makosky, directeur d'usine, DairyPak, division de Blue Ridge Paper Products Inc.
Dan Pottmeyer, président, Producers Service Corp.
Kelly Hartman, vice-Président, Producers Service Corp.
Debbie Armstrong, secrétaire générale, Producer Services Corp.
Diane Bartlett, vice-présidente aux finances et chef des finances, ACRT Inc.
Alane Updegraff, vice-présidente - Ressources humaines, ACRT Inc.
Dick Abbott, fondateur et propriétaire à la retraite, ACRT Inc.

Manitoba :

Gord Peters, chef de la direction, Cando Contracting Ltd.
Autres entrevues
James Anderson, chef de la direction, Republic Storage Systems Co.
David Gustafson, évaluaeur d'entreprises, CBIZ Accounting, Tax & Advisory Services
Neil Waxman, administrateur délégué, Capital Advisors Ltd.
Carl Grassi, avocat, McDonald Hopkins Co.
Kathleen Chandler, représentante d'État, Ohio (É.-U.)

Mise à jour : 2006-11-30
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