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La faim chez les enfants au Canada : étude de suivi - Juin 2001
4. Résultats4.1 L'étendue du problèmeAu total, 265 familles parmi les 16 433 familles répondantes ont signalé connaître la faim. Bien qu'elles ne constituent que 1,6 % de l'échantillon de l'ELNEJ, elles représentent, selon des estimations prudentes, environ 75 615 familles canadiennes. Cette proportion est équivalente au taux rajusté de 1,4 % de la cohorte de 1994, qui représentait 53 995 enfants. En ce qui concerne la fréquence de la faim signalée par les familles, 37,5 % des familles répondantes ont signalé qu'elle était fréquente, c'est-à-dire au moins tous les quelques mois, soit une proportion semblable à celle de 35,0 % en 1994 (figure 1). Figure 1 : Fréquence de la faim signalée, ELNEJ de 1996 4.2 Comparaison des familles qui connaissent la faim et d'autres familles au CanadaL'âge moyen des enfants était sensiblement plus élevé dans les ménages qui connaissaient la faim que dans les autres, soit 8,2 ans [écart-type=3,1] par rapport à 7,5 ans [écart-type=3,4] (p=0,001). Il y avait également une différence significative dans le nombre d'enfants dans les ménages qui signalaient connaître la faim [soit 1,8 enfant (écart-type=1,5) par rapport à 1,4 enfant (écart-type=1,0) dans les autres ménages (p<0,0005)]. L'âge de la PCM ne différait pas sensiblement dans les ménages qui connaissaient la faim (35,2 ans [écart-type=6,0]) par rapport à ceux qui n'en avaient pas fait l'expérience. Le tableau 1 compare les caractéristiques sociodémographiques des familles qui ont signalé connaître la faim en 1996 et celles qui ne l'ont pas signalée. Les familles qui connaissaient la faim étaient six fois plus susceptibles d'être des familles monoparentales. Il n'y avait pas de différence significative dans la fréquence de la faim selon la région. Le seul groupe ethnique pour lequel il y avait une corrélation significative avec la faim était celui des personnes de descendance autochtone (Amérindiens, Inuit, Métis), qui étaient quatre fois plus susceptibles que d'autres répondants de signaler connaître la faim. Les filles étaient également sensiblement surreprésentées dans les ménages qui connaissaient la faim (p<0,005).
Le tableau 1 indique également les différences au chapitre de l'emploi et de la source de revenu pour les ménages qui ont connu la faim et ceux qui ne l'ont pas connue. Tout comme en 1994, les familles qui ont connu la faim étaient plus de cinq fois plus susceptibles de se retrouver au niveau inférieur ou moyen inférieur de la courbe du revenu adéquat, et plus de huit fois plus susceptibles de toucher de l'aide sociale ou des prestations d'aide sociale que les familles qui n'avaient pas connu la faim. Il reste que 54 % des foyers qui ont connu la faim tiraient leur principal revenu de l'emploi et que 63 % avaient touché un revenu d'emploi au cours de l'année. Il n'y avait pas de différence significative dans les sources de revenu parmi les familles ayant connu la faim entre 1994 et 1996. La prestation fiscale pour enfants était une source de revenu pour 80,8 % des familles qui connaissaient la faim, par rapport à 62,6 % des autres familles (p<0,0005). Étant donné le nombre de ménages monoparentaux, nous avons examiné le revenu provenant de pensions alimentaires pour enfants : 37,1 % des ménages monoparentaux qui connaissaient la faim ont signalé avoir tiré un revenu d'une pension alimentaire en 1996. Cette proportion n'était pas sensiblement différente de la proportion de 36,0 % des autres ménages admissibles qui ont touché un revenu provenant d'une pension alimentaire au cours de la même année. On a également interrogé les répondants sur le revenu qu'ils avaient gagné. En 1996, le revenu personnel annuel moyen des PCM était de 4 455 $ plus faible (p<0,001) chez les PCM qui ont signalé que leur enfant avait connu la faim (15 574 $) que chez les PCM qui ont signalé que leur enfant n'avait jamais connu la faim (20 029 $). La différence dans le revenu moyen du ménage entre les deux groupes s'établissait à 27 456 $ (soit 26 909 $ par rapport à 54 365 $) (p<0,0005). En 1994, les différences étaient de 4 835 $ pour le revenu personnel moyen et de 29 469 $ pour le revenu du ménage, respectivement. Comme les ménages ne sont pas comparables dans les deux cycles de l'enquête, il est impossible de faire d'autres analyses de la situation financière. La principale activité des PCM en 1996 reflétait les sources de revenu : 53,6 % ont signalé qu'elles s'occupaient de leur famille et 30,2 % ont signalé qu'elles s'occupaient de leur famille et qu'elles travaillaient, proportions semblables à celles de 1994. Ces activités étaient sensiblement différentes de celles d'autres familles, dont les pourcentages étaient de 41,3 % et de 45,1 %, respectivement (p<0,0005). Le tableau 2 illustre le niveau de scolarité des mères qui avaient connu la faim et des autres mères, de même que des pères qui avaient connu la faim et des autres pères. Les niveaux de scolarité étaient sensiblement plus faibles chez les parents qui avaient connu la faim. Il n'y avait pas de différences significatives entre les femmes et les hommes parmi les parents qui avaient connu la faim.
4.3 État de santéOn a demandé aux PCM d'évaluer leur état de santé selon une échelle allant d'excellent à médiocre. Les PCM des familles qui connaissaient la faim ont signalé un état de santé sensiblement moins bon que les autres PCM (p<0,0005). En effet, dans les familles connaissant la faim, 46,4 % des PCM ont signalé que leur état de santé étaient très bon ou excellent, par rapport à 74,0 % chez les autres PCM (p<0,0005) [tableau 3]. De plus, les PCM des ménages connaissant la faim étaient sensiblement plus susceptibles de signaler des limites d'activité (p<0,0005) et la présence d'une affection chronique (p<0,001). Les migraines étaient signalées sensiblement plus souvent par les PCM connaissant la faim que par les autres PCM (24,2 % par rapport à 9,2 %; p<0,0005), tout comme les lombalgies chroniques (17,4 % par rapport à 9,7 %; p<0,0005).
L'état de santé signalé des enfants de familles qui connaissaient la faim était sensiblement plus mauvais que celui des autres enfants (p<0,0005) [tableau 3]. En effet, pour 70,3 % des enfants provenant de familles qui connaissaient la faim, l'état de santé signalé allait de très bon à excellent, par rapport à 88,1 % des autres enfants. L'asthme était la seule maladie pour laquelle on a observé des différences entre les enfants des familles qui connaissaient la faim et des autres familles : 13,5 % des enfants provenant de familles qui ne connaissaient pas la faim souffraient d'asthme; le risque était de 2,6 fois plus élevé (IC 95 % %,95-3,41), soit de 28,8 %, chez les enfant qui connaissaient la faim (p<0,0005). L'utilisation de produits pour inhalation était de 1,6 fois plus élevée chez les enfants asthmatiques qui connaissaient la faim : 73,7 % utilisaient régulièrement le Ventolin, par rapport à 46,2 % des autres enfants asthmatiques (p<0,0005). Le tabagisme était deux fois plus élevé chez les PMC dans les ménages connaissant la faim que dans les ménages ne la connaissant pas : 58,3 % par rapport à 29,0 % (p<0,0005). Nous avons effectué une régression logistique multiple par degrés pour prédire le risque de faim dans les familles ayant répondu à l'ELNEJ de 1996. Les prédicteurs indépendants de la faim étaient le faible revenu du ménage; l'absence de l'un des deux parents biologiques; un nombre plus élevé de frères et de soeurs; un état de santé passable ou médiocre chez les PCM; et l'origine ethnique [tableau 4].
4.4 Profil des familles connaissant fréquemment la faimOn a observé des différences significatives entre les 100 familles qui ont signalé connaître fréquemment la faim (c.-à-d. au moins tous les quelques mois) et les 165 familles qui ont signalé connaître occasionnellement la faim. Ces différences étaient liées à la composition du ménage, aux caractéristiques des parents et au revenu. En ce qui concerne la composition de la famille, les familles connaissant fréquemment la faim étaient sensiblement plus susceptibles de compter un nombre plus élevé d'enfants (p<0,007) et de vivre dans un ménage plus nombreux (p<0,01); et le conjoint ou la conjointe de la PCM était plus susceptible de faire partie du ménage (p<0,007). Parmi les caractéristiques parentales, les familles qui connaissaient fréquemment la faim étaient plus susceptibles de signaler que la principale activité de la PCM était de s'occuper de la famille (p<0,0005); que la mère et le père avaient été en chômage pendant toute l'année (p<0,0005 dans les deux cas); et de compter une mère (p<0,0005) et un père (p<0,017) dont le niveau de scolarité était sensiblement moins élevé que les niveaux observés dans les ménages qui connaissaient occasionnellement la faim. Les familles qui connaissaient fréquemment la faim étaient également plus susceptibles de signaler que leur principale source de revenu était l'aide sociale ou les prestations de bien-être social (p<0,0005). Le revenu annuel moyen du ménage des familles connaissant fréquemment la faim était de 20 435 $, soit sensiblement moins (différence de 10 360 $) que le revenu annuel moyen du ménage (30 795 $) signalé par les familles connaissant occasionnellement la faim (p<0,0005). Le revenu personnel annuel moyen des PCM qui connaissaient fréquemment la faim était de 11 817 $, soit un écart de 6 011 $ par rapport au revenu personnel annuel moyen des PCM dans les ménages qui connaissaient la faim occasionnellement, c'est-à-dire 17 829 $ (p<0,0005). Il est intéressant de noter que l'écart dans le revenu personnel annuel moyen des PCM était plus prononcé entre les familles qui connaissaient occasionnellement la faim et celles qui la connaissaient fréquemment qu'entre les familles qui connaissaient la faim et les familles qui ne l'avaient jamais connue. Une analyse de régression logistique multiple par degrés a montré que les prédicteurs indépendants de la faim fréquente étaient un faible revenu du ménage, un nombre plus élevé de frères et soeurs dans le ménage et une scolarité inférieure au niveau secondaire pour la mère [tableau 5].
4.5 Façons de réagir au manque de nourriture et stratégies d'accommodationOn a demandé aux 265 familles ayant signalé souffrir de la faim comment elles s'arrangeaient lorsque la nourriture était insuffisante : 33,2 % ont signalé que le parent sautait des repas ou mangeait moins lorsque la famille n'avait plus de nourriture ou d'argent pour en acheter; 4,9 %NF [résultat non fiable selon Statistique Canada] ont signalé que l'enfant sautait des repas ou mangeait moins; et 21,2 % ont signalé qu'elles réduisaient la variété des aliments qu'elles consomment habituellement. Il n'y avait pas de prédicteurs indépendants de la stratégie consistant pour le parent à sauter des repas ou à manger moins. On a également demandé aux familles à combien de stratégies elles avaient recours lorsqu'elles manquaient de nourriture ou d'argent pour en acheter : 60,8 % avaient recours à une stratégie; 21,9 % à deux stratégies; et 17,0 % à trois stratégies ou plus. Parmi les familles qui ont signalé connaître la faim, 31,8 % avaient demandé l'aide de membres de la famille; 34,7 % s'étaient tournées vers les banques d'alimentation; 28,7 % s'étaient adressées à des amis; deux autres stratégies consistant à s'adresser à un travailleur social/un bureau du gouvernement ou à un programme de repas ont été signalées trop peu souvent pour être indiquées ici. Les familles qui ont signalé connaître fréquemment la faim étaient sensiblement plus susceptibles de recourir à une banque d'alimentation (p<0,0005). On a observé une corrélation significative (p<0,01) entre le fait de demander l'aide des amis et le fait de s'adresser à des parents. Selon l'analyse à deux variables, le recours à une banque d'alimentation parmi les familles qui ont signalé éprouver la faim était sensiblement plus fréquent dans les ménages qui n'étaient pas composés des deux parents biologiques (p<0,005); lorsque l'enfant vivait dans une famille gynoparentale (p<0,0005) ou une famille monoparentale (p<0,0005); chez les résidents de l'Ontario (p<0,003); chez les répondants qui avaient recours à plus d'une stratégie d'accommodation (p<0,0005). En fait, 43,5 % des personnes qui avaient recours à une banque d'alimentation utilisaient trois stratégies d'accommodation ou plus, tout comme les ménages dont le revenu comportait la prestation fiscale pour enfants (94,6 % par rapport à 73,4 % des ménages ayant signalé connaître la faim qui n'avaient pas eu recours à une banque d'alimentation, p<0,0005); les ménages dont le revenu provenait de l'aide sociale ou des prestations de bien-être social (66,3 % par rapport à 40,1 %, p<0,0005); et ceux qui signalaient que l'aide sociale était leur principale source de revenu (57,6 % par rapport à 33,1 %, p<0,0005). Les prédicteurs indépendants du recours à une banque d'alimentation étaient les suivants : l'enfant ne vit pas avec ses deux parents biologiques; un nombre plus élevé d'enfants dans les ménages; et le ménage reçoit de l'aide sociale ou des prestations de bien-être social [tableau 6]. On n'a observé aucun prédicteur pour les autres stratégies d'accommodation.
4.6 Examen des familles qui éprouvent la faim de façon persistante ou de façon transitoireDans la cohorte de l'ELNEJ, 358 familles en tout ont signalé avoir éprouvé la faim en 1994 et en 1996. Seulement 81 d'entre elles, soit 22,6 %, ont signalé une faim persistante, c'est-à-dire qu'elles ont signalé éprouver la faim pendant les deux périodes de référence. Pour déterminer les facteurs reliés à une faim persistante plutôt qu'à une faim transitoire, nous avons comparé les familles qui ont signalé avoir éprouvé la faim en 1994 mais non en 1996 (31,3 %) ou en 1996 mais non en 1994 (46,1 %) aux familles qui ont signalé avoir connu la faim en 1994 et en 1996. Les variables sociodémographiques susceptibles de changer qui ont été examinées comprenaient le niveau de scolarité et la situation d'emploi de la mère et/ou du père, des changements dans le revenu personnel et le revenu du ménage, des changements dans le nombre de personnes composant le ménage et des changements dans l'état de santé de la PCM ou de l'enfant. Le tableau 7 présente les variables sociodémographiques et les variables de la santé associées à la faim transitoire ou à la faim persistante pour 1994 et 1996. Les familles qui ont éprouvé la faim de façon persistante ont connu le moins de changements dans les variables sociodémographiques, c'est-à-dire que les niveaux de scolarité, la composition de la famille et la situation d'emploi/de chômage y étaient les plus stables parmi les trois groupes. Les familles qui n'avaient pas connu la faim en 1994 mais qui la connaissaient en 1996 étaient plus susceptibles de signaler des changements dans l'état de santé de l'enfant (mais non une détérioration), une détérioration de l'état de santé de la PCM, une amélioration significative du niveau de scolarité du père, des changements dans la situation de chômage de la mère, au moins un nouvel enfant dans le ménage, et un changement dans le travail à temps plein du père (perte d'emploi).
Les familles qui avaient connu la faim en 1994 mais non en 1996 étaient les plus susceptibles d'afficher une amélioration du caractère adéquat du revenu (RR 2,70 [IC 95 % %,22-6,25, p<0,01]) et les mères d'avoir trouvé un travail à temps plein (RR 2,5 [IC 95 % %,15-5,55, p<0,02]). Le changement dans le revenu annuel moyen du ménage des répondants qui avaient signalé avoir éprouvé la faim en 1994 mais non en 1996 était de 3 827 $; chez ceux qui n'avaient pas éprouvé la faim en 1994 mais qui l'ont signalée en 1996, il était de —2 690 $; et chez ceux qui ont connu la faim en 1994 et en 1996, le changement dans le revenu moyen du ménage était de 2 966 $ (F=3,3, p=0,038). Il n'y avait pas de rapport significatif entre le revenu personnel annuel moyen et un changement dans la situation par rapport à la faim. 4.7 Résultats longitudinauxLe fonctionnement de la famille, l'activité physique, l'état de santé des enfants et l'indice de masse corporelle (IMC) des enfants de 10 ans et plus ont été évalués de façon longitudinale. Les changements dans l'activité physique différaient dans le temps selon le sexe. Toutefois, ils ne variaient pas par rapport à la situation vis-à-vis de la faim et ne sont donc pas signalés ici.
Pour mesurer le fonctionnement familial, on a utilisé une échelle continue sur laquelle des cotes plus élevées représentaient un dysfonctionnement familial plus important. Cette échelle a pour objet de fournir une évaluation globale du fonctionnement de la famille et de la qualité des relations au sein de la famille, particulièrement entre les parents ou les partenaires, plutôt qu'entre les parents et leurs enfants. On a groupé les enfants selon qu'ils avaient éprouvé la faim en 1994 et en 1996, la faim en 1994 seulement (période T1) ou la faim en 1996 seulement (période T2) [tableau 8]. Les scores étaient les plus élevés chez les familles qui avaient des filles. Les familles ayant des enfants qui ont obtenu les cotes les plus élevées au chapitre du dysfonctionnement familial étaient celles qui avaient connu la faim de façon persistante. Il y avait une relation significative entre la faim signalée en période T1 ou en période T2 et le dysfonctionnement familial (p<0,0005 dans les deux cas). De plus, il y avait une interaction entre les deux variables, ce qui signifie que l'expérience longitudinale de la faim est directement reliée au dysfonctionnement familial. Nous avons ensuite examiné la cote que la PCM avait attribuée à la santé de l'enfant. La cote 1 représentait une santé excellente et la cote 5 une santé médiocre. On a constaté que la santé de l'enfant subissait l'influence négative de la faim en période 2 chez les garçons et de l'expérience longitudinale de la faim chez les filles. Le sexe exerçait un effet indépendant sur la santé de l'enfant.
On a calculé l'IMC des enfants de 10 ans et plus. L'IMC tient compte à la fois du poids et de la taille pour faire une évaluation globale de l'obésité, du poids normal ou de l'insuffisance pondérale. Même si l'échantillon était très petit, on a constaté une relation entre l'IMC et la faim persistante chez les garçons comme chez les filles, mais leurs expériences différaient. Chez les filles, la faim persistante donnait lieu aux poids les plus élevés et chez les garçons, aux poids les plus faibles.
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