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Cultivation de plantes Bt
Déploiement responsable de la technologie
du maïs Bt en Ontario
Mark Sears, professeur d'entomologie et président
Department of Environmental Biology, University of Guelph
Art Schaafsma, professeur adjoint de protection des grandes
cultures
Ridgetown College, University of Guelph
Contexte
Mark Sears et Art Schaafsma étudient la protection des cultures et la
technologie Bt depuis plusieurs années et ont publié les
résultats de leurs recherches sur la pyrale du maïs. Ils dirigent
en outre les recherches de Tracey Baute, étudiante de maîtrise,
qui vient de terminer un mémoire sur les avantages du maïs Bt pour
les producteurs ontariens. Dans le même domaine, les deux auteurs sont
à l'origine de la Coalition du maïs Bt (Bt Corn Coalition), qui
réunit des intervenants des secteurs public et privé. Cette
coalition de producteurs, de vulgarisateurs du gouvernement provincial, de
chercheurs d'AAC et de l'Université de Guelph financés
par le secteur public et de représentants de l'industrie
semencière a pour mandat de favoriser un déploiement responsable
de la technologie Bt en Ontario. Sears et Schaafsma sont par ailleurs les deux
seuls membres canadiens du NC-205, comité de recherche régional
(centre-nord) établi par le Département de l'Agriculture des
États-Unis (USDA). Ce comité effectue, de manière continue
depuis 1954, des recherches sur les ravageurs s'attaquant aux tiges du
maïs. Il est formé d'employés du Service de recherche
agricole de l'USDA et de représentants du Mexique, du Canada et de
20 États des États-Unis. Depuis quelque temps, le comité
NC-205 s'intéresse avant tout au déploiement responsable de
la technologie Bt en Amérique du Nord et notamment au risque
d'apparition d'une résistance au maïs Bt chez la pyrale du
maïs. Les premières recommandations du comité, en
matière de gestion de cette résistance, ont été
publiées en 1997 (North Central Regional Publication 602,
également disponible en version électronique à
l'adresse http://www.extension.umn.edu/distribution/cropsystems/DC7055.html).
Art Schaafsma, au nom de la Coalition du maïs Bt, a assisté
à une réunion spéciale du comité NC-205, à
Kansas City, où ces premières recommandations ont
été examinées; il a été chargé par ce
comité de rédiger un exposé de principe sur les
stratégies optimales de déploiement et de gestion de la
résistance s'appliquant à cette technologie. Le
présent article résume certaines des recherches effectuées
par des membres du NC-205 sur le maïs Bt. Les recommendations du
comité NC-205 ont été adoptées par la Coalition du
maïs Bt et adaptées au contexte canadien. Voir le sommaire
ci-dessous.
Impact de la technologie du maïs Bt en Ontario
La disponibilité de maïs hybrides Bt nous a permis
d'établir expérimentalement l'impact de la pyrale sur le
maïs de grande culture, grâce à une comparaison entre la
performance de ces hybrides transgéniques et celle des isolignées
classiques correspondantes. Dans le cadre de notre étude, menée
au cours des deux dernières années, le gain de rendement
associé à l'utilisation d'hybrides Bt était
généralement de 3 à 5 boisseaux à l'acre
(boiss./acre) dans les zones de faible infestation (0 à 2 cm de minage
par plant), de 5 à 8 boiss./acre dans les zones d'infestation
modérée (2 à 6 cm de minage) et de 10 à 15
boiss./acre dans les zones de forte infestation (6 à 12 cm de minage).
Pour le producteur, le coût de la technologie est plus que
compensé par le gain de rendement dans les zones subissant la plupart
des années une infestation modérée à forte.
En général, les pires infestations surviennent dans le
sud-ouest de l'Ontario, et les plus grandes pertes de rendement imputables
à la pyrale ont été observées dans cette
région. La situation particulière de cette région semble
liée au fait que la pyrale y produit régulièrement deux
générations par année, alors qu'elle en produit
normalement une seule dans le centre et l'est de la province. Cependant,
des infestations modérées à graves ont été
observées certaines années dans des localités où la
pyrale ne produit normalement qu'une génération, et il arrive
souvent que des infestations seulement légères surviennent dans
le sud-ouest.
Nos données montrent que chaque centimètre de minage dû
à la pyrale, par plant, correspond à une perte de rendement de
0,007 à 0,01 boiss./acre, ou 0,7 à 1 %. Si l'infestation est
forte (10 à 15 cm de minage par plant), la perte sera de 8 à 15
boiss./acre dans un champ typique produisant en moyenne 120 à 140
boiss./acre. Si on suppose un prix moyen de 2,50 $/boiss., une telle perte peut
coûter au producteur 20 à 37,50 $/acre, c'est-à-dire
plus que le coût supplémentaire des semences de maïs Bt, qui
est de 9 à 14 $/acre. Si l'infestation est faible (5 cm ou moins de
minage par plant), la perte de rendement sera de 5 à 6 boiss./acre, ou
12,50 à 15 $/acre, valeur égale ou à peine
supérieure au coût supplémentaire des semences de maïs
Bt.
Dans le cadre de nos essais, certains cultivars classiques à haut
rendement ont eu une performance égale à celle des hybrides Bt,
particulièrement en cas d'infestation faible à
modérée. Cette constatation ne contredit pas
nécessairement nos conclusions sur l'impact des hybrides Bt, mais
illustre bien l'effet des années de sélection, qui ont permis
à ces cultivars classiques d'acquérir une tolérance
pour certains degrés d'infestation de la pyrale. Lorsque la
technologie du gène Bt sera finalement appliquée à tous
les maïs hybrides donnant les meilleurs rendements, les
propriétés culturales de ces hybrides, combinées à
une protection presque complète contre la pyrale, assureront des
paramètres optimaux de rendement.
Avantages du maïs Bt pour l'Ontario
Il a été démontré que le maïs Bt constitue
une technologie nouvelle excellente pour les producteurs de maïs de
l'Ontario. Elle procure, contre la pyrale du maïs, une protection
efficace et constante qui est bien meilleure que celle fournie par les
insecticides; de plus, elle coûte moins cher et présente moins de
problèmes logistiques, sanitaires et environnementaux. Par ailleurs, le
maïs Bt nous a permis de démontrer clairement que la pyrale du
maïs cause des pertes de rendement appréciables dans les
régions de l'Ontario où cet insecte est abondant et demeure
présent pendant une bonne partie de la saison. Nous avons
également pu confirmer que les seuls avantages procurés par le
maïs Bt sont une protection contre la pyrale elle-même et une
protection contre les problèmes secondaires associés aux
dégâts de cet insecte. Il convient donc d'introduire la
technologie chez tous les meilleurs hybrides. Plusieurs de ceux-ci affichent
déjà une légère protection contre la pyrale et ont
une performance aussi bonne ou meilleure que certains hybrides Bt, lorsque
l'infestation demeure faible à modérée. En pareil cas,
le maïs Bt a valeur d'assurance, puisqu'il réduit les
risques de perte de rendement et permet, comme nous l'avons
démontré, de lutter contre les pourritures fusariennes de la tige
et de l'épi associées aux dégâts causés
par la pyrale. Il faut donc considérer le coût
supplémentaire des semences de maïs Bt comme une prime
d'assurance : le producteur de grain doit tenir compte de la
fréquence des pertes de rendement dues à la pyrale, tandis que le
producteur de porc doit se demander dans quelle mesure la protection accrue
contre les pourritures fusariennes liées à la pyrale est
rentable. En tout état de cause, il ne fait aucun doute que le maïs
Bt, bien utilisé, constitue un outil précieux pour les
producteurs de maïs ontariens.
En ce moment, la principale crainte soulevée par le maïs Bt a
trait à la durabilité de la technologie. Tous les chercheurs
d'Amérique du Nord, tant du secteur public que du secteur
privé, conviennent que les populations de pyrale finiront par
acquérir une résistance à la toxine de Bt que produisent
actuellement les maïs hybrides de type Bt. Ce n'est qu'une
question de temps. Dans le présent document, nous essaierons de
répondre aux questions suivantes : comment la résistance
apparaît-elle dans les populations de pyrale? pourquoi risque-t-elle
d'apparaître rapidement? quelle stratégie l'industrie
propose-elle contre ce risque? quelle est le rôle des producteurs
ontariens dans le cadre de cette stratégie? quelles problèmes
sont posés par l'aménagement de refuges? de quelle
manière le producteur doit-il mettre en oeuvre la stratégie?
Comment la résistance apparaît
La toxine de Bt produite par les plants de maïs transgéniques
agit directement sur la pyrale qui ingère les tissus de ces plants. La
toxine se lie à des sites spécifiques de la paroi intestinale de
l'insecte, permettant au contenu de l'intestin de s'échapper
dans le liquide clomique, ce qui finit par tuer l'insecte.
L'insecte est dit résistant s'il ne réagit pas de cette
manière à la toxine. Cependant, un individu donné ne peut
« décider » de devenir résistant : la
résistance apparaît au sein de populations, par sélection
naturelle et exposition continue à une toxine de Bt. La plupart des
chercheurs estiment qu'une population entière, étant
donné sa grande diversité génétique, doit toujours
renfermer, dans certains individus, des mécanismes de résistance
commandés par la génétique. La plupart du temps, ces
mécanismes sont déjà présents quelque part dans la
population, alors que parfois il apparaissent par mutation aléatoire. En
fait, le caractère s'exprime chez très peu d'individus,
puisqu'il n'est généralement pas nécessaire
à la survie de l'espèce. C'est pourquoi on dit que sa
fréquence est très faible. Cependant, lorsque de vastes segments
de la population sont exposés à la toxine, il y a
sélection naturelle des survivants. Plus la proportion d'individus
exposés à la toxine est grande, et plus longue est cette
exposition, plus rapide sera le processus de sélection. Si toute la
superficie maïsicole de l'Amérique du Nord était
semée d'hybrides Bt, la pression de sélection serait
extrême, et l'apparition d'une résistance serait
inévitable et rapide (3 à 5 ans selon certaines estimations). On
ne compte plus les cas où une méthode de lutte, après une
mise en oeuvre maladroite, a dû être abandonnée parce
qu'une résistance était apparue chez les ravageurs
visés. Nous ne pouvons tout simplement pas nous permettre de
répéter cette erreur avec la technologie Bt.
Une stratégie pour retarder l'apparition d'une
résistance
Pour gérer la résistance de la pyrale à la technologie
Bt, l'industrie nord-américaine a adopté une stratégie
fondée sur l'emploi de doses massives et l'aménagement de
refuges. La stratégie permet vise à exposer une partie de la
population de pyrale à des plants Bt renfermant une concentration
très élevée de toxine et à maintenir l'autre
partie de la population dans un refuge où les insectes n'entrent en
contact avec aucune toxine de Bt. Si on aménage les refuges à
proximité des cultures de maïs Bt, les insectes sensibles qui ont
survécu dans les refuges devraient se mêler aux insectes
résistants qui ont survécu dans les cultures de maïs Bt et
s'accoupler avec ceux-ci. Les descendants seront incapables de survivre
dans le maïs Bt, puisqu'ils doivent être plus sensibles que leur
parent entièrement résistant. Selon les théories actuelles
sur les populations et la génétique, cette stratégie
devrait retarder substantiellement l'apparition de la résistance, si
elle est mise en oeuvre adéquatement et si trois conditions essentielles
sont respectées. Ces conditions sont les suivantes :
Premièrement, les gènes majeurs de résistance doivent
être suffisamment rares pour se retrouver presque toujours chez des
sujets hétérozygotes (un tel sujet, possédant une seule
copie du gène de résistance, est qualifié
d'hétérozygote RS). Pour que la stratégie de dose
massive et refuge puisse réussir, il faut que chacun des gènes
majeurs de résistance ait une fréquence inférieure
à un pour mille.
Deuxièmement, les gènes de résistance doivent
être quasi récessifs. En d'autres mots, les
hétérozygotes RS doivent présenter un taux de survie
très faible dans les cultures de maïs Bt. Pour que la
stratégie puisse réussir, il faut que ce taux de survie
équivaille à moins de 5 % du taux auquel on s'attendrait avec
des homozygotes RR résistants.
Troisièmement, des refuges exempts de Bt doivent être
aménagés comme sources de sujets sensibles pouvant
s'accoupler avec les sujets résistants de manière à
produire des hétérozygotes RS. Il faut pour cela que
l'accouplement se fasse de manière aléatoire à
l'intérieur du rayon de dispersion normal des adultes.
Bien que ces postulats constituent les trois conditions essentielles de la
stratégie, la plupart des modèles théoriques supposent que
l'accouplement se fait de manière aléatoire au sein de toute
la population locale et qu'il n'y a aucun isolement
génétique régional. On peut cependant tenir pour acquis
que la stratégie de dose massive et refuge permettra de retarder
substantiellement l'apparition de la résistance si : (1) les
gènes majeurs de résistance sont suffisamment rares; (2) le taux
de survie des hétérozygotes RS est suffisamment bas; (3)
l'accouplement se fait de manière aléatoire à
l'intérieur du rayon de dispersion normal des adultes.
Responsabilité du producteur de maïs
ontarien
La Coalition du maïs Bt et le comité NC-205 recommandent
l'ensemencement d'un refuge exempt de maïs Bt sur au moins 20 % de
la superficie de culture, afin de permettre la survie de sujets sensibles de
pyrale et leur accouplement avec les sujets résistants. Le refuge doit
être aménagé à une distance maximale de 400 m (un
quart de mille) des plants de maïs Bt les plus éloignés.
Pour fonctionner, la stratégie doit être adoptée par tous
les producteurs de maïs.
Problèmes de mise en oeuvre
La stratégie de dose massive et refuge soulève plusieurs
problèmes de mise en oeuvre. D'abord, il a été
confirmé que la fréquence des gènes de résistance
est très basse, mais on ne sait encore rien sur le taux de survie des
hétérozygotes RS, puisque certains gènes majeurs de
résistance n'ont même pas encore été
identifiés et caractérisés. Par ailleurs, une proportion
appréciable des pyrales adultes ne se déplacent qu'à
de courtes distances, ce qui réduit les possibilités de contact
entre sujets sensibles et résistants. C'est pourquoi le refuge doit
être aménagé à proximité du maïs Bt.
Enfin, fait encore plus troublant, il semble maintenant fort probable que
l'accouplement n'est pas aléatoire chez la pyrale du maïs,
ce qui contrevient à une des trois conditions, et que les populations
régionales sont génétiquement isolées par un fort
taux d'endogamie. Ces deux nouvelles données auront pour effet de
hâter considérablement l'apparition de la résistance,
d'autant plus que l'Ontario est une des régions qui renferment
des populations géographiquement isolées de pyrale du
maïs.
Analyse économique
La superficie optimale de refuge, en termes de rentabilité pour le
producteur, dépend des paramètres biologiques et
génétiques que nous venons d'exposer ainsi que de
l'horizon de planification (durée utile prévue de la
technologie). Avec des conditions de croissance normales et un horizon de
planification de 10 à 15 ans, les modèles économiques
semblent indiquer que le producteur peut tirer le maximum de
bénéfices de la technologie Bt en aménageant en refuge 20
à 30 % de la superficie de culture. En-deçà de ces
pourcentages, les modèles économiques sont plus sensibles aux
incertitudes biologiques ou génétiques sous-jacentes. Par
ailleurs, une analyse des risques montre que l'aménagement d'une
superficie excessive de refuge coûte moins cher au producteur que
l'aménagement d'une superficie insuffisante. En effet, toujours
avec des conditions de croissance normales et un horizon de planification de 10
à 15 ans, le fait d'aménager 20 % plutôt que 10 % de
refuge réduit de moins de 1 % les bénéfices
économiques de la technologie Bt mais fait passer le risque de
résistance de 37 % à moins de 1 %. Par contre, le fait
d'aménager 5 % plutôt que 10 % de refuge devrait
réduire les bénéfices de la technologie d'environ 15 %
et faire passer le risque de résistance de 37 % à 74 %. Par
conséquent, étant donné les effets économiques sur
le producteur et les incertitudes entourant certains paramètres du
modèle, il vaut mieux augmenter que réduire la superficie du
refuge.
Toutes les données scientifiques semblent indiquer qu'il
vaut mieux augmenter que réduire la superficie des refuges, mais
plusieurs représentants de l'industrie semencière
suggèrent quand même de réduire cette superficie. La
proportion de 20 % ici recommandée est un compromis entre les
considérations biologiques, agronomiques et
économiques.
La protection assurée par le maïs Bt s'étend
aux refuges adjacents
Les chercheurs associés au comité NC-205 ont découvert
que les dégâts dus à la pyrale sont également
atténués dans les champs de maïs classique (non Bt)
adjacents aux champs de maïs Bt. En cas d'infestation grave, une
réduction des dégâts pouvant atteindre 50 % a
été observée dans le maïs refuge situé
à une distance de 5 à 10 m du maïs Bt. Les
dégâts augmentent graduellement à mesure qu'on
s'éloigne du maïs Bt. La réduction des
dégâts est mesurable jusqu'à une distance de 80 m et
cesse ensuite d'être détectable. Le phénomène
est d'ailleurs prédit par certains modèles
prévisionnels théoriques. Les refuges constitués de
maïs classique semé en bandes étroites à
l'intérieur d'un champ de maïs Bt subissent moins de
dégâts que les refuges semés en blocs. Des simulations
révèlent que les bandes de refuge larges de 6 à 12 rangs
sont efficaces pour retarder l'apparition de la résistance et
peuvent être aussi rentables qu'un refuge séparé
constitué d'un seul bloc adjacent au maïs Bt.
Refuges constitués de plantes autres que le
maïs
Plusieurs végétaux peuvent servir d'hôtes ou
d'aires d'agrégation pour la pyrale du maïs et pourraient
être employés comme refuges pour conserver la sensibilité
des pyrales dans certaines régions. Cependant, nous ne savons pas encore
si ces habitats peuvent produire suffisamment de sujets non résistants
au moment opportun, et si la proximité des cultures de maïs Bt
suffit à assurer un accouplement aléatoire. Jusqu'à ce
qu'on connaisse mieux la valeur de ces végétaux comme
plantes-refuges, seul le maïs classique doit être recommandé
pour les refuges.
Impact sur les ennemis naturels et les autres organismes non
visés
Les recommandations concernant la superficie et la répartition des
refuges constitués de maïs classique ont été
formulées principalement en vue de conserver la sensibilité des
ravageurs aux toxines de Bt. Moins d'attention a été
accordée à l'effet potentiel du maïs Bt sur les ennemis
naturels présents dans les écosystèmes agricoles ainsi que
sur les autres organismes non visés. Étant donné la grande
superficie qui pourrait être semée de maïs Bt dans un proche
avenir, le comité NC-205 estime que la technologie risque d'avoir
des effets étendus et durables sur les insectes utiles. Ces effets
comprennent l'action direct des toxines sur ces insectes et les
conséquences d'un déclin appréciable des populations
locales ou régionales de proies utilisables par les ennemis naturels.
Les deux types d'effets risquent de s'étendre, de manière
imprévisible, à d'autres cultures et à d'autres
milieux. On ne sait pas encore avec certitude si à long terme le
maintien de 20 à 30 % de refuges permettra d'atténuer ces
effets, mais il est prudent, à court terme, d'aménager au
moins cette proportion de refuges. Il est en effet probable que
l'aménagement de refuges de taille appréciable réduira
au minimum les effets nuisibles de la technologie Bt sur les insectes qui
s'attaquent à d'autres ravageurs.
Nouveaux gènes et nouvelles combinaisons
génétiques
De nouvelles technologies de génie génétique, dont les
cumuls de gènes (gene stacks), l'introduction d'autres toxines
de Bt et l'homologation de toxines de type nouveau, sont en cours de
développement, et leurs conséquences pour la gestion de la
résistance restent à évaluer. En ce qui concerne les
autres toxines de Bt, la résistance croisée à plusieurs
toxines ayant le même site récepteur est un problème
important, qui a été bien étudié, notamment dans le
cas des toxines de type Cry1. De nouvelles toxines non issues du Bt pourraient
également avoir une interaction avec les récepteurs du Bt, et
chacune de ces technologies devra être étudiée quant
à son impact sur la gestion de la résistance. Les cumuls de
gènes, permettant de réunir plusieurs caractères
facilitant la lutte (protection contre la pyrale + tolérance à un
herbicide, etc.), devront aussi être étudiés quant à
leur incidence sur la gestion de la résistance de la pyrale. On ne sait
encore rien sur la viabilité et l'avenir commercial de ces nouvelles
technologies, ce qui alimente les craintes concernant la durabilité des
stratégies déjà en place.
Changements dans la concentration des toxines durant la saison de
végétation
Tous les hybrides transgéniques actuels et futurs devraient
être évalués quant à l'évolution de leur
teneur en toxine durant la saison de végétation, avec une vaste
gamme de conditions environnementales (édaphiques, climatiques,
hydriques, etc.). Chez certains maïs Bt hybrides, la concentration de
toxine peut baisser après la libération du pollen, ce qui met en
péril la stratégie de dose massive et refuge, puisque la
concentration risque d'être insuffisante pendant une partie de la
saison.
Caractères mineurs de résistance au Bt
fréquents chez la pyrale du maïs
Selon le comité NC-205, la sélection en laboratoire de
certains sujets résistants au Bt permet de multiplier par un facteur de
20 à 80 et la tolérance au Bt. Ces résultats montrent que
les gènes mineurs de résistance sont suffisamment
fréquents pour être présents dans tous les stocks de
sélection originaux et que la résistance est sujette à une
variabilité génétique considérable au sein des
populations sauvages de pyrale du maïs. Cependant, on n'a pas encore
vérifié le taux de survie de ces pyrales dans les champs de
maïs hybride Bt transgénique. Lorsque des gènes majeurs de
résistance sont identifiés, il sont généralement
associés à des populations ou des combinaisons
génétiques renfermant aussi des caractères mineurs qui
risquent d'accroître leur dominance relative, ce qui menace la
validité de la stratégie des doses massives.
Position de la Coalition du maïs Bt
La Coalition du maïs Bt appuie les recommandations du comité
NC-205.
Nous reconnaissons et acceptons que tous les particuliers et
établissements canadiens intervenant dans la technologie Bt doivent
assumer la gérance de cette technologie et en garantir l'utilisation
adéquate.
- L'industrie semencière s'engage à maintenir et
à commercialiser des maïs hybrides Bt qui produisent des doses
élevées de toxines de Bt pendant toute la saison et à
continuer de produire des maïs hybrides classiques (non Bt) de
qualité élevée qui peuvent servir de refuges pour les
sujets de pyrale du maïs sensibles au Bt.
Les producteurs de maïs s'engagent à prendre les
mesures voulues pour gérer la résistance des populations de
pyrale aux toxines de Bt, de manière à prolonger la durée
de cette technologie.
Les chercheurs et vulgarisateurs s'engagent à fournir des
données scientifiques pertinentes quant l'utilisation de la
technologie et à transmettre cette information clairement et en temps
utile à l'industrie semencière et aux producteurs de
maïs.
En ce qui concerne la mise en oeuvre d'une stratégie de gestion
de la résistance, nous recommandons :
- Que tous les producteurs sèment chaque année au moins 20 %
de maïs non-BT non-pulvérisé d'insecticides dans la
superficie consacrée au maïs.
Que le maïs classique soit semé dans un rayon de 400 m
(un quart de mille) du plant le plus éloigné de maïs Bt de
chaque champ, de manière à créer un refuge permettant la
survie de pyrales adultes sensibles au Bt.
Que les maïs hybrides classiques semés dans le refuge
présentent des caractères de croissance, de
précocité et de rendement semblables à ceux du maïs
hybride Bt semé dans le reste du champ.
Que le refuge soit aménagé en blocs sur les bords ou
extrémités de chaque champ, ou en bandes réparties dans
l'ensemble du champ. Dans le cas d'un refuge en bandes, celles-ci
doivent chacune comprendre au moins 6 rangs de maïs classique et
alterner avec l'hybride Bt, dans l'ensemble du champ. Le mélange
de semences Bt et classiques dans la trémie ne produit pas un refuge
efficace.
La Coalition recommande en outre que chaque producteur de maïs
ayant recours à la technologie Bt se charge lui-même d'assurer
le minimum de 20 % de refuge dans son exploitation agricole.
La Coalition du maïs Bt convient, à l'unanimité,
qu'un message unique, clair et concis sur la gérance de la
technologie Bt est vital pour tous les particuliers et groupes concernés
et essentiel pour que le public comprenne et accepte la nouvelle
technologie.
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