2003-06-20 | Volume 16 Numéro 12 | ISSN 1494-1813 | N° d'AAC 2081/F

Amérique du Sud : soja

En Amérique du Sud, on s'attend à ce que les disponibilités de soja augmentent en 2002-2003 à cause de la hausse de production qu'ont connue le Brésil, l'Argentine et le Paraguay. En raison de sa production accrue, l'Amérique du Sud a supplanté les États-Unis (É.-U.) comme le premier fournisseur de soja au monde. Les échanges de soja sud-américain devraient marquer une forte hausse par suite de l'accroissement des exportations des trois pays. Au niveau mondial, on prévoit que les triturateurs absorberont sans problème la hausse des disponibilités de soja d'Amérique du Sud et des É.-U., de sorte qu'on devrait assister à une augmentation du prix du soja américain en 2002-2003. Le prix du soja canadien est soutenu par un prix américain plus élevé qu'en 2001-2002.

Situation

La production sud-américaine de soja représente environ 47 % de la production mondiale. Les trois principaux pays producteurs de soja en Amérique du Sud sont le Brésil, dont la production représente 57 % de la production sud-américaine, suivi de l'Argentine (40 %) et du Paraguay (3 %). En 2002-2003 (octobre-septembre), la superficie ensemencée en soja en Amérique du Sud s'est accrue de 3,0 millions d'hectares (Mha). Le rendement moyen a progressé, passant de 2,62 tonnes par hectare (t/ha) en 2001-2002 à 2,82 t/ha un an plus tard. Par suite de cette progression, le ministère de l'Agriculture des États-Unis (USDA) estime que la production sud-américaine de soja a grimpé de 14,3 millions de tonnes (Mt) pour s'établir à 90,9 Mt en 2002-2003. Étant donné que les stocks de début de campagne sont semblables à ceux de l'an dernier, les disponibilités de soja sud-américain ont grossi de 19 % (estimation) pour s'établir à 93,6 Mt.

En Amérique du Sud, on prévoit que la trituration du soja marquera une légère hausse pour atteindre un volume de 54,8 Mt, la reprise du prix de l'huile et du tourteau de soja ayant soutenu la rentabilité de la trituration. Le prix du tourteau de soja sud-américain est soutenu par une forte demande, alors que celui de l'huile de soja continue sa progression malgré la perspective d'une hausse de la production mondiale d'huile alimentaire. On s'attend à ce que la production sud-américaine d'huile de soja augmente pour atteindre 10,1 Mt, soit 33 % de la production mondiale. On estime que les stocks sud-américains de soja à la fin de campagne 2002-2003 seront plus importants que ceux de l'année dernière, s'établissant à 1,7 Mt.

Brésil

En 2002-2003, la production brésilienne de soja devrait atteindre un sommet de 52,0 Mt. Cette hausse de 17 % est due à l'étendue inégalée des superficies récoltées à des rendements sans précédents, estimés respectivement à 18,4 Mha et à 2,83 t/ha. L'agrandissement de la superficie résulte du prix élevé du soja, de la fermeté du dollar américain et de la rentabilité du soja, supérieure à celle du maïs ou du coton. Les producteurs brésiliens ont affecté presque 1 % de la superficie ensemencée auparavant en maïs et plus de 3 % de celle ensemencée en coton à la production du soja; la majeure partie des nouvelles surfaces ensemencées en soja provient de pâturages et de nouvelles terres. Environ 65 % des emblavures et de la production brésiliennes de soja est concentré dans les États du Mato Grosso, du Parana et du Rio Grande do Sul. La récolte brésilienne de soja s'est achevée à la fin mai, avec un léger retard par rapport à la moyenne quinquennale. On attribue la lenteur relative de la récolte à la pluie qui a causé des retards dans le Centre-Ouest du pays.

Depuis 10 ans, le rendement du soja tend à progresser, surtout à cause de l'amélioration des possibilités de financement auprès des institutions financières, qui a permis aux producteurs de continuer d'investir dans des intrants de culture efficaces. En raison de l'agrandissement des surfaces et de l'usage accru d'engrais, les ventes d'engrais ont augmenté de 13 % en 2002-2003 par rapport à l'année précédente. Comme plusieurs pâturages sont ensemencés en soja, on observe un accroissement de l'utilisation de chaux vive, qui sert à neutraliser ces sols très acides pour en faire une terre à bon potentiel agricole. Le gouvernement offre aux producteurs de soja un crédit à terme de deux ans pouvant atteindre 200 000 R (57 100 $US) dans les régions du Centre-Ouest et du Nord et 150 000 R (43 000 $US) dans les autres régions productrices, avec un taux d'intérêt de 8,75 % par année.

Tant que les prix mondiaux du soja demeurent fermes et que le taux de change se maintient à près de trois reals brésiliens pour un dollar américain, on continuera à transformer des prairies et d'autres terres pour y produire du soja. Même si le prix du soja à Chicago tombait à 4 $US le boisseau, tant que le real brésilien ne s'apprécie pas au-delà de 10 à 15 % vis-à-vis du dollar américain, la surface ensemencée en soja continuera de s'accroître à court terme.

On évalue à 19 % la hausse des disponibilités de soja brésilien qui, en raison du léger grossissement des stocks de report et d'une production accrue, atteindraient 53,5 Mt. Par suite de la hausse de la production brésilienne de soja, on prévoit un faible repli des importations, qui proviennent surtout du Paraguay. Les exportations devraient passer à 20,6 Mt, un gain de 4,4 Mt dû à la valeur relative du real par rapport au dollar américain et à l'exemption de la taxe à l'exportation dont bénéficient le soja et les produits du soja. Les principaux marchés des exportations de soja brésilien sont l'Union européenne (en particulier l'Allemagne et les Pays-Bas) et la Chine qui en absorbent respectivement 55 % et 25 %. Par ailleurs, la trituration du soja est aussi en progression au Brésil, avec une hausse estimée à 13 % qui devrait porter le volume de soja trituré à 29,1 Mt. Selon les estimations, les stocks de fin de campagne auraient grossi pour s'établir à 1,0 Mt, un volume sensiblement supérieur à celui de 2001-2002.

Au Brésil, la capacité d'entreposage chez l'exploitant n'est que de 2,5 Mt, un niveau très faible qui oblige les coopératives, les entreprises privées de trituration et les exportateurs à assumer le reste de l'entreposage. Cependant, la capacité d'entreposage chez l'exploitant augmente au fur et à mesure que les grands producteurs engagent des capitaux dans leur entreprise, ce qui pourrait entraîner une hausse des stocks de fin de campagne. En effet, les producteurs de soja seront de moins en moins enclins à livrer le soja libre de contrat aux entreprises de trituration lorsque le prix n'est pas optimal.

Actuellement, la capacité intérieure de trituration est de 111 000 t par jour, dont 60 % se trouve dans l'État de Sao Paulo et au sud de celui-ci, un territoire qui ne représente qu'environ 45 % de la production brésilienne de soja. Les États du Centre-Ouest possèdent 27 % de la capacité de trituration et produisent 47 % de la récolte. L'industrie commence graduellement à se développer dans de nouvelles régions de production, mais comme la production est déjà bien implantée dans le Sud, cette région, plus proche des ports, possède aussi une meilleure infrastructure que les autres.

Le développement des infrastructures demeure essentiel à la croissance de l'agriculture brésilienne. À cause de la faible teneur en éléments nutritifs des sols des États du Centre, il faut transporter des intrants de culture jusqu'aux régions cultivées. Par ailleurs, le soja récolté dans ces régions doit être transporté par camion, le point d'exportation le plus proche se trouvant à plus de 2 400 km.

Traditionnellement, au Brésil, on transporte le soja par camion sur un réseau routier fait d'autoroutes et de routes de terre. Grâce à la privatisation des routes principales, le nombre de routes pavées s'est accru, mais les sommes à débourser pour y circuler ont aussi augmenté, faisant gonfler le coût du transport par camion. La remorque plate-forme de 27 tonnes traditionnelle est remplacée par des trains routiers qu peuvent transporter environ 40 t. Malgré tout, le système de transport par camion est incapable de suivre la progression de la production de soja. On s'attend donc à une hausse à court terme de l'utilisation des cours d'eau et du rail pour acheminer le soja vers les ports. Actuellement, on transporte 60 % du soja par camion, 33 % par rail et 7 % par bateau.

Le seul tarif imposé par le Brésil est le tarif extérieur commun des pays du Mercosur, qui est de zéro pour la graine de soja, de 9,5 % pour le soja à triturer, de 11,5 % pour l'huile de soja brute, de 13,5 % pour l'huile de soja raffinée et de 7,5 % pour le tourteau de soja. En tant que membre du Mercosur, le Brésil n'impose aucun tarif aux importations en provenance du Paraguay, de l'Argentine et de l'Uruguay.

Argentine

En 2002-2003, la superficie récoltée a légèrement progressé pour atteindre 12,3 Mha. En effet, les producteurs argentins ont disposé de fonds leur permettant de profiter des perspectives de rendement encourageantes pour agrandir les surfaces ensemencées. La principale région productrice de soja, qui s'étend de l'est de la province de Cordoba au centre et au sud de la province de Santa Fe et au nord de la province de Buenos Aires, représente 40 % de la superficie ensemencée en soja. On estime que le rendement a augmenté pour s'établir à 2,85 t/ha, puisque les rendements élevés qui caractérisent la première des deux récoltes annuelles de soja devraient compenser l'accroissement des emblavements dans les régions à faible rendement.

Bien que la production de maïs ait un potentiel de rentabilité plus élevé que celle du soja, la faiblesse du coût de production et du risque associés à la culture du soja a incité les producteurs agricoles à cultiver plutôt du soja. Les producteurs argentins ont compensé l'absence de crédit et de financement en vendant une part de la récolte de l'an dernier qu'ils avaient gardée et entreposée à la ferme. Ils obtiennent du crédit pour financer les intrants de culture en affectant la récolte de l'année prochaine à titre de garantie. C'est pourquoi on prévoit que la production argentine de soja passera d'un volume estimé à 30,0 Mt en 2001-2002 à un niveau sans précédent de 35,0 Mt.

Selon les prévisions, les exportations devraient grimper de 56 % pour s'établir à 9,6 Mt, alors que la transformation intérieure devrait atteindre 24,6 Mt, en hausse de 11 %. Depuis 1995-1996, l'Argentine est le plus grand exportateur mondial de tourteau de soja et d'huile de soja; en 2002-2003, on s'attend à ce que les exportations argentines de ces deux produits représentent respectivement 39 % et 42 % des échanges mondiaux. Les principaux marchés pour le tourteau de soja sont l' UE, la Pologne, la Malaisie et l'Égypte, alors que les plus grands marchés pour l'huile de soja sont l' UE, l'Inde et la Chine. La progression des exportations de tourteau et d'huile résulte des taxes préférentielles qui favorisent l'exportation des produits du soja au détriment de celles des semences non-traitées. Après avoir été lié au dollar américain pendant 10 ans, au taux de change de 1 peso pour 1 dollar, le peso argentin est devenu autonome en janvier 2002 et a entamé sa chute. Cette dévaluation a rendu la production de soja plus rentable qu'avant.

En 2002-2003, on prévoit une hausse d'environ 10 % de la production, des exportations et de la consommation intérieure de tourteau de soja. Les prévisions indiquent une hausse des stocks de fin de campagne, qui atteindront 0,4 Mt, un volume inégalé depuis 1999-2000. On s'attend à ce que la production et les exportations d'huile de soja augmentent de 10 %, mais la consommation intérieure ne devrait marquer qu'une faible hausse. Les stocks de fin de campagne devraient progresser légèrement et s'établir à 0,1 Mt.

Paraguay

La production de soja est concentrée dans le Sud-Est du Paraguay, principalement sur de grandes exploitations agricoles mécanisées. En 2002-2003, la production de soja au Paraguay devrait s'accroître de 25 % pour atteindre 3,9 M, en raison d'une amélioration du rendement par rapport à 2001-2002, la superficie récoltée étant relativement inchangée. Par suite de cette augmentation, on s'attend à ce que les exportations passent de 2,1 Mt à 2,8 Mt et que la trituration intérieure connaisse une légère hausse pour s'établir à 1,1 Mt. Depuis quelques années, la capacité intérieure de trituration a augmenté en raison des rénovations apportées aux installations de transformation pour atteindre un niveau correspondant à près de 30 % de la production. Le principal marché d'exportation pour le soja du Paraguay est le Brésil, suivi de l' UE et du Japon. Les exportations destinées à ces deux derniers marchés transitent par les ports du Brésil et de l'Argentine.

Le Paraguay n'impose aucune taxe d'exportation. Le seul tarif qu'il impose est le tarif extérieur commun des pays du Mercosur.

Prix

La demande grandissante de soja et de ses produits à l'échelle mondiale a soutenu la production sud-américaine. En 2000-2001, l'interdiction de toute utilisation de farines de viande ou d'os et de produits dérivés dans l'alimentation du bétail et de la volaille en UE a stimulé la demande de soja. En 2001-2002, la consommation de soja en Asie a progressé pour la même raison. Les mesures gouvernementales de ces pays ont provoqué un mouvement de remplacement de l'alimentation protidique à base animale par une alimentation à base de tourteau de soja. On prévoit un resserrement des stocks mondiaux de fin de campagne, surtout aux É.-U. Par ailleurs, le prix du soja américain s'est raffermi en 2002-2003, entraînant dans son sillage le prix du soja canadien, qui a atteint 310 $CAN la tonne (/t) en entrepôt à Chatham, soit une hausse de 41 $CAN/t par rapport à 2001-2002.

Perspectives

En Amérique du Sud, on prévoit que la superficie ensemencée en soja connaîtra une légère augmentation à court terme. Au Brésil, on s'attend à ce que la fermeté des prix intérieurs et l'introduction continuelle de nouvelles technologies favorisent un accroissement d'environ 0,3 Mha de la superficie ensemencée, qui devrait passer à près de 19,2 Mha en 2003-2004. Au chapitre des progrès technologiques, il sera question de nouvelle machinerie agricole et de la mise au point de semences au moyen de la génétique végétale. En Argentine et au Paraguay, la superficie ensemencée en soja devrait connaître une légère hausse à cause d'une tendance favorable des prix.

Grâce à aux effets complémentaires de la hausse du rendement et de l'accroissement de la superficie ensemencée, on s'attend à une légère hausse de la production sud-américaine de soja. Par suite de cette hausse, on prévoit une augmentation des disponibilités de soja, les gains de production devant compenser le léger repli des stocks reportés.

En 2003-2004, la trituration du soja devrait afficher une hausse au Brésil et en Argentine. Au Paraguay, le volume de soja transformé devrait demeurer au même niveau que cette année.

En 2003-2004, la production sud-américaine d'huile de soja devrait afficher une hausse et exercer une pression sur les prix, par suite de l'accroissement du volume de soja trituré. Cette situation risque de causer un léger fléchissement du prix du soja canadien en 2003-2004. Pour 2003-2004, les prix du soja canadien sont appelés à baisser en raison d'une production accrue aux É.-U. et en Amérique du Sud, et de l'appréciation du dollar canadien.

Amérique du Sud : soja transgénique

Le Brésil a adopté des règles provisoires qui permettent la commercialisation du soja transgénique récolté en 2002-2003. Le gouvernement brésilien autorisera la vente de soja transgénique jusqu'au 31 janvier 2004, mais en 2003-2004, il appliquera l'interdiction actuelle d'ensemencer les terres en soja transgénique. D'ici là, les producteurs doivent faire certifier leur récolte comme étant transgénique ou conventionnelle. On estime qu'en 2002-2003, le soja transgénique représente environ 30 % de la récolte brésilienne. En Argentine, la production de soja transgénique est autorisée et connaît une grande popularité auprès des producteurs. En 2002-2003, le soja transgénique y représente environ 90 % de la récolte. Le Paraguay interdit toujours l'ensemencement des terres en soja transgénique, mais une grande partie des producteurs ne tiennent pas compte de cette interdiction, car le soja transgénique leur permet de réduire le coût des intrants de culture de 30 à 40 $US la tonne.

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par Bobby Morgan, analyste de marché

Bien que la Division de l'analyse du marché assume l'entière responsabilité de l'information présentée dans ce document; elle tient à reconnaître les organismes suivants qui ont contribué à sa préparation :  Ontario Soybean Growers' Association, Ambassade du Canada à Brasilia - Brésil (MAECI), Agence canadienne d'inspection des aliments, Direction générale des services à l'industrie et aux marchés (AAC).