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Panser les plaies cachées causées par un désastre de printemps

par
H. Sidney Alchorn et Helen Jane Blanchard

Qu'elles se produisent dans un grand centre urbain, dans une ville de taille moyenne ou dans une petite communauté rurale, toutes les catastrophes ont un dénominateur commun : elles affectent les gens, en ce sens qu'elles entraînent des pertes de vies, des pertes matérielles, de la désolation et de l'angoisse.

Dès que les eaux en crue baissent ou que les vents se calment, les images du désastre, dans la mémoire du spectateur, s'estompent, puis s'effacent. La nature aidant, l'homme peut ramasser les débris, restaurer et construire. L'événement ne laisse que quelques cicatrices physiques permanentes.

Par contre, le traumatisme psychique et l'angoisse déclenchés chez les victimes de la catastrophe peuvent persister. Si ce traumatisme n'est pas traité ou si les victimes n'ont pas eu l'occasion de s'épancher dans une ambiance curative, la guérison pourrait tarder à venir. En fait, les plaies pourraient suppurer, s'approfondir et, en fin de compte, provoquer des troubles émotifs et physiologiques.

Tel était le cas après l'inondation de Perth-Andover (Nouveau-Brunswick) le 2 avril 1987. Les résidents de cette petite communauté de fermiers et de bûcherons étaient terrassés devant l'inondation soudaine et dévastatrice de leur quartier commerçant riverain. Par bonheur, la mise en oeuvre du programme communautaire Extension a contribué à l'amortissement du profond choc émotif éprouvé par la communauté et a permis à de nombreuses victimes éperdues de reprendre leur vie normale.

Le village s'étend sur les bancs de la rivière Saint-Jean, à 144 kilomètres au sud de la frontière du Québec, et à 175 kilomètres au nord de la capitale provinciale, Fredericton.

Le mercredi soir,1er avril 1987, la rivière Saint-Jean à Perth-Andover approchait rapidement du niveau de crue de 78 mètres atteint en 1976. À cause d'un embâcle en aval, le niveau de l'eau montait plus rapidement que prévu.

Le 2 avril, à 1 h du matin, l'eau dépassait le niveau enregistré en 1976, et l'Organisation des mesures d'urgence du Nouveau-Brunswick mettait la communauté en garde contre des inondations graves. De leur côté, la Gendarmerie royale du Canada et la police routière du Nouveau-Brunswick commençaient à alerter individuellement les ménages habitant les plaines inondables.

Vers 5 h, la rivière Saint-Jean commençait à envahir la rue principale de Perth-Andover. Une heure après, l'eau inondait le rez-de-chaussée de l'hôpital. Un état d'urgence locale fut alors proclamé, et le maire ordonna à la Régie de l'électricité de la communauté de couper le courant dans le réseau qui alimente le village. Les patients et le personnel de l'hôpital furent évacués à destination du centre d'hébergement le plus proche, et les résidents menacés furent pressés d'évacuer leurs maisons le plus tôt possible.

Entre 8 h et 9 h de ce matin-là, tous les habitants du quartier commerçant étaient évacués, à destination des motels locaux ou des maisons des parents ou des amis. Vers 9 h, le pont ferroviaire qui enjambe la rivière s'écroula, et certains résidents qui ne se doutaient de rien se réveillèrent pour trouver leur rez-de-chaussée submergé sous deux mètres d'eau. La pression exercée par la glace flottante avait provoqué le glissement de plusieurs maisons.

À 11 h, ce 2 avril, le niveau de l'eau atteignit le record de 79,5 mètres par rapport au niveau de la mer. Par la suite, l'embâcle ayant cédé, les eaux commencèrent à se retirer pour couler au-dessous du niveau de crue.

Grâce à l'intervention efficace des fonctionnaires chargés des mesures d'urgence, les inondations n'ont fait aucune victime. Les dégâts matériels, d'après les différentes estimations, étaient de l'ordre de 10 à 12 millions de dollars.

Les fonctionnaires de l'administration centrale de l'Organisation des mesures d'urgence du Nouveau-Brunswick, à Fredericton, sont arrivés sur les lieux à 17 h le même jour. À cette heure-là, la seule chose qu'on pouvait faire était de procéder à l'inspection visuelle des dégâts causés par les inondations.

Le lendemain, 3 avril, on a tenu une réunion publique afin de renseigner tous les sinistrés sur l'évolution de la catastrophe. Les renseignements sur l'aide financière n'étant pas encore suffisamment détaillés, les fonctionnaires se sont bornés à assurer les gens que les représentants du gouvernement étaient déjà sur les lieux, que les maisons et commerces évacués étaient protégés par la police et qu'on procédait à la vérification des structures et des installations électriques des bâtiments.

C'est au cours de cette première réunion que les responsables des mesures d'urgence ont relevé les premiers signes manifestes de tension. Les gens voulaient savoir quand leurs maisons seraient de nouveau habitables, comment le gouvernement entendait les aider et comment ils pouvaient contribuer aux opérations de déblayage.

L'aide financière susceptible de permettre à la communauté de reprendre pied n'a pas été longue à venir. Le lendemain, 4 avril, on disposait d'un million de dollars pour pourvoir aux besoins essentiels en matière de logement, d'habillement et de nourriture.

Au cours des deux semaines qui ont suivi l'inondation, tous les villageois ont commencé à nettoyer et à remettre en état leurs biens et propriétés.

Une autre réunion a été tenue le 14 avril afin d'expliquer le Programme d'aide financière en cas de catastrophe. En présence de plus de 500 résidents de Perth-Andover, le gouvernement du Nouveau-Brunswick s'est engagé à verser une aide de 11 millions pour la remise en état des maisons et des commerces.

Cette réunion s'est déroulée dans une atmosphère de profonde émotion. Pour la première fois, les victimes des inondations pouvaient extérioriser leur colère et leur sentiment de frustration aux représentants du gouvernement. Certains résidents se sont plaints en disant que la crue a été aggravée par le barrage de Beechwood situé en aval du village et exploité par la Commission de l'énergie électrique du Nouveau-Brunswick, un organisme provincial. D'autres se sont plaints de ce que les employés des différents niveaux de gouvernement ne les ont pas prévenus suffisamment à l'avance.

Le 15 avril, l'Organisation des mesures d'urgence ouvrait un bureau d'accueil où les sinistrés pouvaient s'enregistrer et demander l'aide dont ils avaient besoin : aide financière, aide en matière de logement, assistance judiciaire, aide médicale, consultations.

Les premiers arrivants étaient tellement bouleversés qu'ils ne pouvaient même pas remplir les formules de demande. À la suite de leurs observations, les fonctionnaires ont procédé à des enquêtes sur l'état émotionnel des victimes.

De nombreuses victimes manifestaient des états d'anxiété, de confusion et d'insécurité. Les travailleurs sociaux du ministère de la Santé et des Services communautaires ont commencé à surveiller les différents rassemblements des habitants afin de détecter les signes de tout comportement dicté par des états émotionnels extrêmes.

Le personnel en charge n'a pas tardé à constater la gravité du problème. Le village de Perth-Andover avait déjà été visité par un psychologue et une infirmière spécialisée en santé mentale, lesquels traitaient déjà, en temps normal, un total de 125 à 150 patients et avaient une liste d'attente s'étendant sur une période de six mois. C'est pourquoi le traitement des 200 sinistrés qui s'ajoutaient à cette liste devait être assuré par quatre travailleurs sociaux déjà surmenés. La plupart des victimes étaient des personnes du troisième âge, et il n'y avait qu'un seul travailleur social affecté à ce groupe.

Dans une lettre portant sur ce sujet de préoccupation, un membre du clergé déclarait : « Toute aide reçue pour la reconstruction, la remise en état, la restauration et la rénovation des maisons et commerces constituera un véritable soulagement, mais la plus grande partie des dégâts est hors de prix. La catastrophe a eu des incidences dévastatrices sur la vie spirituelle, affective et psychique des résidents. »

« Les victimes manifestent des troubles affectifs et névrotiques très graves, dit un médecin de la région, chargé d'évaluer les retombées émotionnelles des inondations. Je suis persuadé que ces gens doivent être traités par des professionnels, autrement ils ne seront pas en mesure de se réadapter et de revenir à l'état où ils se trouvaient avant cette terrible catastrophe. »

Mais les résidents de Perth-Andover n'ont pas attendu que le gouvernement s'occupe d'eux. Deux semaines à peine après la seconde réunion publique, ils ont commencé à former leurs propres comités afin de pourvoir à leurs besoins.

L'un de ces comités, le Comité d'aide aux victimes des inondations, a été formé par le clergé de la ville. C'est grâce aux pressions exercées par ce comité que le ministère provincial de la Santé et des Services communautaires a mis sur pied, le 28 mai, le programme communautaire Extension.

Un travailleur social et une infirmière spécialisée en psychiatrie ont été chargés de pourvoir exclusivement, cinq jours par semaine, aux besoins des sinistrés. En outre, une ligne téléphonique pour les appels d'urgence a été installée au bureau et prise en charge par des volontaires de la communauté. Un travailleur social de Santé et Bien-être social Canada, Ray Lafond, qui avait mis en oeuvre un programme analogue à l'intention des victimes de la tornade de Barrie (Ontario), a passé deux jours sur les lieux pour expliquer au travailleur social et à l'infirmière la façon d'organiser le bureau et d'administrer le programme.

Une fois approuvé et financé par le gouvernement, le programme communautaire Extension devait être lancé. Le Comité d'aide aux victimes des inondations devint le principal acteur, la source de références, et fut chargé d'assurer le service d'aiguillage, d'engager les volontaires pour le central téléphonique au bureau d'Extension, de mettre à contribution les médias et d'assurer la liaison avec l'Association des victimes des inondations. Tout le monde s'accorde pour dire que sans l'aide de ce comité, le programme n'aurait jamais vu le jour.

Le programme communautaire Extension avait pour objectif premier de guérir et de prévenir les troubles affectifs éprouvés par les victimes de la catastrophe. À cette fin, les responsables du programme encourageaient les victimes à parler de leurs expériences et de leurs pertes et, ce faisant, à s'épancher et à extérioriser leurs sentiments dans une ambiance curative.

Par ailleurs, on devait, d'une part, apprendre aux gens la façon de maîtriser leurs réactions à l'égard des pertes provoquées par la catastrophe et, d'autre part, préparer le public aux difficultés qu'il pourrait rencontrer dans les mois subséquents. De nombreuses conférences ont été données dans le but de renseigner le public sur les symptômes du stress qui résulte du désastre et sur le comportement que ce stress peut provoquer.

Deux travailleurs ont été chargés de communiquer directement avec les victimes des inondations. La méthode adoptée à cette fin et considérée comme la plus acceptable consistait à organiser des réunions officieuses à domicile et à encourager les membres des familles à assister nombreux à ces réunions. À cette occasion, les sinistrés étaient incités à relater leurs mésaventures, à extérioriser leurs impressions et sentiments, à faire le bilan de leurs pertes et à décrire les incidences que la catastrophe a eues sur leur vie. Quant aux travailleurs sociaux, ils tentaient surtout d'écouter avec patience et sympathie.

Tous les sinistrés étaient très désireux de parler des inondations à une personne disposée à les écouter. Ils avaient besoin de se sentir protégés et soutenus dans les moments où ils extériorisaient leur colère, leur désespoir, leur tristesse et leurs craintes ainsi que leur incertitude au sujet de l'avenir. Cette incertitude se révélait manifestement dans leurs commentaires touchant la valeur des maisons et des terres, les inondations futures, les réparations des maisons et les pertes financières.

Beaucoup de sinistrés, croyant qu'ils n'avaient pas le droit de se désoler de pertes exclusivement matérielles, ont réprimé leur sentiment. Ils avaient besoin d'être assurés que la désolation devant les pertes dues à une catastrophe était une réaction très normale, un état d'âme que tous les sinistrés éprouvent chacun à sa façon et en son temps.

Les membres des familles étaient aidés au fur et à mesure qu'ils se retrouvaient. Certains fondaient en larmes et exprimaient leurs sentiments pour la première fois depuis l'inondation. Les gens étaient encouragés à communiquer ouvertement avec leurs conjoints et leurs enfants et à se soutenir mutuellement.

Durant les deux premiers mois de la phase de rétablissement, les sinistrés évoquaient en larmes leurs mésaventures et déploraient leurs pertes personnelles en mettant l'accent sur les maisons, les photographies, les meubles et les bijoux de famille... toutes ces choses que l'argent ne peut remplacer. Ils ne cessaient de porter leur colère sur Énergie Nouveau-Brunswick et sur les barrages, croyant, pour la plupart, que les inondations ont été provoquées par ces barrages et auraient pu être évitées.

Certains sinistrés souffraient d'insomnie ou étaient continuellement en proie à des rêves peuplés de visions cauchemardesques :

  • « eaux déchaînées et blocs de glace envahissant leurs maisons »;
  • « maisons et possessions emportées par le fleuve »;
  • « situation dans laquelle ils se voyaient eux-mêmes ou les membres de leur famille ou leurs animaux luttant désespérément contre les eaux d'inondation qui les engloutissaient ».

D'autres sinistrés ont constaté des changements dans leur appétit, suivis d'une perte ou d'un gain de poids. Certains membres de famille ont constaté des changements dans leurs comportements respectifs : irritabilité accrue, communication moins fréquente, isolement, scènes de ménage, rivalité fraternelle, comportement moqueur.

Beaucoup de sinistrés étaient frustrés et en colère par suite des retards dans l'arrivée de l'aide financière dont ils avaient besoin. Ils tenaient à reconstruire leur maison et à rétablir leur mode de vie, et cette préoccupation leur donnait l'impression de ne plus être maîtres de leurs destins.

Certains sinistrés se plaignaient vivement du manque d'empathie de la part des autres membres de la communauté. Ce manque d'empathie se manifestait dans les critiques et le ressentiment exprimés par les voisins au sujet des acquisitions et des nouvelles constructions. D'autres sinistrés exprimaient des sentiments de mécontentement, de déception et de désillusion au sujet de leurs résidences. Tiraillés de tout côté par les négociations avec les employés du gouvernement ou par les obligations se rapportant à la surveillance de la construction de leurs maisons, les gens étaient physiquement abattus.

Six mois environ après la catastrophe, les sinistrés qui ont été en mesure de réparer leurs maisons ou de trouver un nouveau logement se portaient généralement bien, physiquement et psychiquement parlant, malgré l'incertitude de l'avenir. Quant à ceux qui n'ont pas pu se rétablir définitivement, leur attitude à l'égard du système, surtout à l'approche de l'hiver, dénotait un mélange de colère, de frustration et de déception.

Le programme communautaire Extension a donné des résultats satisfaisants à Perth-Andover, parce qu'il a pourvu aux besoins émotionnels des sinistrés et a contribué, le temps aidant, à guérir les chagrins.

Les experts recommandent un minimum de quatre visites après les catastrophes. La première de ces visites devrait avoir lieu le plus tôt possible après la fin de la situation d'urgence. La seconde pourrait se faire en septembre, période où les parents ou les enfants, par suite de l'ouverture des écoles, auraient du mal à supporter la séparation. La troisième devrait coïncider avec Noël, étant donné que les souvenirs des fêtes de Noël passées feront surface et rappelleront aux gens les pertes qu'ils ont subies. La quatrième visite devrait coïncider avec l'anniversaire de la catastrophe, période où les sinistrés, comme l'expérience le démontre, ont souvent tendance à revivre les péripéties de leurs mésaventures.

Il est également recommandé que les programmes d'aide contre le stress continuent de fonctionner pendant une période de 18 mois après la catastrophe.

Ces programmes sont essentiels au rétablissement après n'importe quel désastre. Même des choses insignifiantes, telle la perte d'une photographie favorite ou d'un objet familier, causent aux victimes des stress considérables.

Toutes les pertes, grandes ou petites, contribuent à intensifier l'anxiété. Les programmes communautaires Extension sont indispensables et il incombe aux gouvernements de les mettre en oeuvre. Mais, à cause des tâches astreignantes qu'a à rencontrer le personnel de ces programmes, il serait utile que ceux-ci commencent par un entraînement et une formation des volontaires et des spécialistes de la santé, et ce, avant qu'une catastrophe arrive.

M. Alchorn était l'administrateur du Bureau d'aide financière en cas de catastrophe, à l'Organisation des mesures d'urgence du Nouveau-Brunswick; Mme Blanchard est une infirmière spécialisée dans les services communautaires, au ministère de la Santé et des Services communautaires du Nouveau-Brunswick.


 
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