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Commentaire N° 89

La Chine et Internet

 

Septembre 2006
Non classifié


Note du rédacteur :

La publication de Commentaire a pour objet de stimuler un débat public sur des questions rattachées à la sécurité nationale. '

Avertissement : Le fait qu’un article soit publié dans Commentaire ne signifie pas que le SCRS a confirmé l’authenticité des informations qui y sont contenues ni qu’il appuie les opinions de l’auteur.


Introduction

Le marché d'Internet continue de croître rapidement en Chine, qui compte déjà plus d'une centaine de millions d'internautes et se retrouvera bientôt en première place du point de vue du nombre d'utilisateurs du Web. Il y a dix ans, beaucoup soutenaient que la diffusion d'Internet rendrait inévitablement la Chine plus ouverte et démocratique, mais la réalité s'est révélée plus compliquée. L'État chinois a cherché avec considérablement de succès à établir un équilibre entre les avantages économiques d'Internet et ses préoccupations face au maintien et même au resserrement de son contrôle politique autoritaire, ainsi que la défense de ce qu'il perçoit comme ses intérêts nationaux. L'utilisation d'Internet en Chine soulève donc une foule de questions interdépendantes, dont plusieurs ont des répercussions directes sur le Canada.

Réglementation gouvernementale d'Internet

Pour tenter de réglementer Internet, le gouvernement chinois doit s'attaquer non seulement à la diffusion d'Internet, mais aussi à l'évolution de sa technologie. Un cycle d'innovation technologique et d'adaptation du régime s'est instauré au cours des dix dernières années. Les contrôles de l'État vont des méthodes de faible technicité, comme l'emprisonnement des dissidents qui affichent des informations sur Internet ou la surveillance matérielle des écrans des ordinateurs dans les cafés Internet, aux méthodes de plus haute technicité, comme le filtrage électronique et l'écoute en ligne. En pratique, le gouvernement aborde la question de la réglementation d'Internet de trois façons : les règles juridiques, la promotion de l'autoréglementation et de la surveillance, et les règles technologiques.

Depuis 1994, le gouvernement chinois a édicté plus de soixante règlements régissant l'utilisation d'Internet. Ces derniers sont de plus en plus exhaustifs avec le temps. La responsabilité générale de la surveillance d'Internet incombe au ministère de la Sûreté publique, mais une dizaine au moins d'autres organismes exercent aussi une certaine autorité sur l'accès à Internet et son contenu[1]. Les règlements portent sur les conditions complexes d'obtention d'une licence pour les fournisseurs de services Internet, l'inscription de chacun des utilisateurs et les vastes restrictions relatives au contenu autorisé. Le régime de réglementation est à la fois extrêmement détaillé et extrêmement vague. Ainsi, il est interdit d'afficher des « informations qui nuisent à l'honneur de l'État », mais il n'existe aucun moyen pour un utilisateur de savoir si un sujet donné répond à ce critère. L'appareil policier jouit ainsi d'énormément de latitude pour poursuivre en justice les internautes aux termes du Code pénal chinois. En 2004, Amnesty International a déclaré avoir recensé au moins cinquante dissidents politiques actuellement incarcérés pour avoir affiché des informations ou des opinions politiques sur Internet[2]. Le plus récent règlement, promulgué en septembre 2005 par le Bureau de l'information du Conseil des affaires d'État et le ministère des Industries de l'information, impose des limites aux entités légalement autorisées à diffuser les nouvelles et des peines à ceux qui propagent des informations « fausses ou déformées ». Comme le règlement semble viser non seulement les agences de presse et autres fournisseurs de contenu en tant que tels, mais aussi les systèmes de babillards électroniques et peut-être aussi les blogs, il est possible qu'il rende illégaux tous les moyens de distribution de contenu reposant sur ces nouvelles technologies[3].

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Le manque de précision sur ce qui constitue une information et les entraves juridiques à l'information sont responsables en partie d'une autre vaste tendance dans l'évolution du régime de réglementation, à savoir la délégation de la responsabilité de la réglementation aux fournisseurs de contenu et aux fournisseurs de services Internet (FSI). Cette responsabilité est conférée explicitement dans le décret no 292 (2000) du Conseil des affaires d'État intitulé « Mesures concernant les services d'information sur Internet ». Ce décret décrit sommairement les grandes catégories d'informations interdites et porte que, s'ils découvrent de telles informations, les FSI doivent les enregistrer, les conserver et prévenir les autorités. Essentiellement, il s'agit d'une tentative d'utilisation de la réglementation pour modeler le marché d'Internet en persuadant les participants d'exercer une autocensure défensive. En 2003, le gouvernement a publié un « Engagement public d'autodiscipline du secteur Internet chinois ». Le gouvernement ayant exercé des pressions pour qu'elles s'y conforment « volontairement », plus de 300 entreprises, dont les grands portails Sina.com et Sohu.com et la division chinoise de Yahoo, ont consenti à le signer, s'engageant ainsi à restreindre de façon stricte la liberté d'expression des internautes[4]. Plus bas dans la hiérarchie, l'engagement et d'autres règlements ont incité les FSI et les cafés Internet à mettre en place une panoplie de systèmes de contrôle et de surveillance.

Bien que le régime juridique et les efforts pour promouvoir l'autocensure représentent des entraves inquiétantes à la liberté d'expression en Chine, l'aspect le plus frappant de la réglementation chinoise d'Internet est ce que l'on a surnommé la « grande muraille électronique de Chine », un arsenal de technologies qui filtrent et contrôlent l'accès des Chinois à Internet. Les autorités chinoises ont imposé un système comprenant de multiples contrôles se chevauchant aux points d'accès, chez les intermédiaires comme les FSI et sur le réseau fédérateur national. Sur le plan technique, le système est notamment en mesure de bloquer des sites Web au pays et à l'étranger, de filtrer le contenu des pages Web à partir de mots clés, de contrôler et de supprimer le courrier électronique et la navigation sur le Web, de suivre les appels téléphoniques et les messages courts (SMS), de pirater des ordinateurs personnels et d'envoyer des virus. D'après les estimations, le total des dépenses liées au système pourrait s'élever à 800 millions de dollars américains. Le système de contrôle d'Internet est également étroitement lié au Bouclier d'or, projet national d'infrastructure visant à « promouvoir l'adoption des technologies de l'information et des communications de pointe pour renforcer le contrôle policier central, améliorer les capacités de réaction, aider à mieux combattre le crime et rendre plus efficace le travail des policiers »[5].

Une récente étude exhaustive de l'OpenNet Initiative démontre que, bien que certains utilisateurs expérimentés d'Internet soient en mesure de tourner les restrictions, le système de réglementation a incontestablement pour effet de limiter la libre circulation de l'information[6]. De plus, il expose les internautes à la possibilité de poursuites au criminel. Dans un récent témoignage devant la U.S.-China Economic and Security Review Commission, John Palfrey, du Berkman Center for Internet & Society de la faculté de droit de Harvard, a déclaré que, quel que soit le point de vue d'où l'on se place, le régime de filtrage sur Internet de la République populaire de Chine est celui qui a le plus de répercussions sur la liberté d'expression dans le monde[7].

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Il est difficile de parvenir à comprendre complètement l'opinion des Chinois sur la question de la censure d'Internet. Si les dissidents politiques qui vivent à l'extérieur de la Chine s'en plaignent avec véhémence, certains blogueurs chinois font aussi remarquer que l'idée que la censure d'Internet constitue un problème particulier repose sur l'hypothèse qu'Internet doit être libre. En fait, de nombreux utilisateurs chinois d'Internet risquent de ne pas remarquer les limites de la liberté d'expression sur Internet, parce que ces limites sont exactement les mêmes que celles avec lesquelles ils ont appris à composer dans d'autres aspects de leur vie. Selon ce raisonnement, les restrictions que l'État chinois impose à Internet ne sont ni plus ni moins légitimes que celles qu'il impose à tout autre type d'activité.

Dans l'ensemble, la réglementation gouvernementale chinoise d'Internet est une question de droits de la personne plutôt que de sécurité. S'il est vrai que les opposants au régime de Beijing ont utilisé Internet comme tribune de dissidence, l'argument fréquemment invoqué selon lequel la diffusion d'Internet favorisera inévitablement la liberté d'expression et la démocratisation n'est pas totalement convaincant. Au contraire, à certains égards, Internet renforce en fait les capacités du gouvernement chinois en matière d'autoritarisme et de répression. Le succès de la Chine à contenir les conséquences politiques d'Internet pourrait servir de modèle à d'autres États autoritaires.

Des entreprises étrangères participent à ces remises en question des droits de la personne à maints égards. Dans plusieurs cas récents, des entreprises étrangères ont compromis leur position sur la liberté d'expression à la suite de pressions exercées par le gouvernement chinois ou par crainte de mettre ce dernier en colère. Ainsi, le portail Internet chinois de Microsoft interdit des mots comme « démocratie » et « liberté » dans certaines parties de son site Web[8]. Plus récemment, Microsoft a également fermé le blog d'un journaliste politique populaire, Zhao Jing, qui écrit sous le nom de Michael Anti[9].  Dans le plus inquiétant des cas récents, Yahoo a fourni des dossiers de surveillance qui ont entraîné l'imposition d'une peine de dix ans de prison au journaliste Shi Tao pour communication de secrets d'État. Shi avait envoyé un courriel contenant un document du bureau de la propagande du Parti communiste chinois (PCC) interdisant la couverture médiatique de l'anniversaire du massacre de la place Tiananmen. Grâce aux dossiers que lui avait remis Yahoo, la police a pu retrouver et poursuivre Shi[10].

La réglementation chinoise d'Internet n'est pas purement une question de droits de la personne, parce que l'interconnexion de la Chine avec le reste du monde signifie que la suppression d'informations peut parfois avoir des conséquences préjudiciables au-delà du territoire chinois. La propagation du syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS) de 2003 constitue l'exemple le plus éloquent à cet égard. La plupart des analystes s'entendent pour dire que, de février à avril 2003, le gouvernement chinois a cherché à cacher la gravité de l'épidémie de SRAS. Les médias tant traditionnels qu'Internet étaient surveillés et censurés[11]. Pendant ce temps, la maladie s'est largement répandue dans toute la Chine, et plus tard ailleurs dans le monde, avec des conséquences particulièrement graves pour le Canada. Bien que le gouvernement ait finalement changé de position et reconnu le problème, il n'a jamais avoué que la censure d'Internet y avait contribué. Au contraire, en mai 2003, l'agence de presse officielle de la Chine, Xinhua, a signalé que plus de 100 personnes avaient été arrêtées pour avoir « propagé des rumeurs » ou de « fausses informations » sur Internet ou au moyen de SMS concernant le SRAS[12]. Il reste à voir si le gouvernement adoptera une position semblable lorsqu'une autre maladie épidémique, comme la grippe aviaire, se déclarera.

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La communication de l'information financière est un autre secteur dans lequel la censure d'Internet pourrait avoir des répercussions directes sur des intérêts canadiens. Des entités et des particuliers canadiens sont de plus en plus actifs sur les marchés des capitaux et autres marchés chinois, et par conséquent, comptent de plus en plus sur l'accès à une information financière exacte. Divers types d'informations pertinentes qui ont une incidence sur la juste appréciation des entreprises chinoises, comme les prêts non productifs des banques et les enquêtes sur la corruption, ont été assujettis à une censure officielle dans les médias chinois, ce qui comprend les médias Internet. En plus de dénaturer l'offre d'informations sur le marché et de nuire aux intérêts de ceux qui n'ont pas accès aux informations pertinentes, la censure de l'information financière entrave la future croissance du marché. Par contre, Internet peut aussi être utilisé pour diffuser de la désinformation. Le magazine d'information chinois CAIJING a signalé plusieurs cas d'entreprises chinoises cotées en bourse qui ont diffusé de fausses informations pour gonfler le cours de leurs actions.

Utilisation que fait le gouvernement chinois d'Internet

Comme d'autres gouvernements, le gouvernement chinois et le PCC utilisent Internet pour diffuser de la propagande qui leur est favorable. En 2001, Jiang Zemin, alors secrétaire général, a prononcé un discours dans lequel il décrivait l'importance que les dirigeants accordent à Internet. Il a déclaré : « Nous devons reconnaître l'importance d'Internet pour façonner les opinions et faire de la publicité. En gros, nous devons exploiter activement Internet, l'utiliser pleinement, en resserrer la gestion, maximiser ce qui est bon et réduire au minimum ce qui est mauvais, tirer parti de nos forces, intervenir dans cette initiative, accroître constamment l'influence et l'efficacité au combat de notre réseau de publicité sur Internet et en faire un nouveau secteur de travail idéologique et politique du Parti et de l'État, un nouvel outil de publicité à l'étranger. »[13]

Xiao Qiang, directeur du China Internet Project à l'école supérieure de journalisme de l'université de la Californie à Berkeley, estime que 10 % du contenu chinois d'Internet est produit par le gouvernement[14]. Cette propagande est liée aux mécanismes de filtrage décrits ci-dessus, parce qu'ils permettent de filtrer les recherches et de réorienter les internautes afin qu'ils n'obtiennent que le contenu que le gouvernement chinois considère comme acceptable, à commencer par sa propre propagande.

La propagande n'est pas une activité d'ingérence en soi, mais d'autres éléments de l'utilisation que le gouvernement chinois fait d'Internet le sont. Manifestement, les entités chinoises sont capables de mener des cyberattaques et de pirater des réseaux étrangers. D'ailleurs, de telles attaques coïncident souvent avec d'autres événements internationaux. À titre d'exemples, citons les attaques menées contre les réseaux américains à la suite de l'attentat de la bombe contre l'ambassade de Chine à Belgrade en 1999, et de l'incident de l'avion espion EP3 en 2001; contre les réseaux taïwanais après que le président taïwanais eut appelé à une redéfinition des relations entre Taïwan et la Chine en 1999, et pendant l'investiture du président indépendantiste Chen Shuibian en 2000; et contre les réseaux japonais pendant la récente reprise du nationalisme antijaponais en Chine. De telles attaques prévoient le sabotage de sites Web, des dénis de service et la rédaction de virus, et vont de pair avec des campagnes similaires menées par des pirates américains et taïwanais[15]. Il est généralement impossible de prouver la culpabilité du gouvernement chinois dans ces attaques.

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Il y a toutefois eu une exception notable, soit les attaques menées contre les serveurs américains, britanniques et canadiens hébergeant des données du Falungong en 1999-2000. Au cours de l'été 1999, après avoir autorisé tacitement (certains diront même soutenu) le Falungong, les dirigeants du PCC ont décrété qu'il s'agissait d'une secte hérétique et ont amorcé une campagne de répression contre ses adeptes. En juillet 2000, plusieurs sites du Falungong ont été la cible d'attaques de déni de service, au cours desquelles le serveur ciblé est inondé de demandes de données jusqu'à ce qu'il se plante. La RAND a fait enquête et constaté que l'adresse source de l'attaque était un certain Centre de services d'information de XinAn Beijing. Or, le Centre s'est révélé être logé dans les locaux principaux du ministère de la Sûreté publique (MSP). Lorsque cette information a été dévoilée dans les médias mondiaux, le Centre a immédiatement changé d'adresse, ce qui donne à penser que le MSP n'avait pas simplement été victime d'une campagne de désinformation menée par un quelconque tiers. Évidemment, on ne sait toujours pas avec certitude si l'attaque avait été officiellement autorisée par les dirigeants chinois ou s'il s'agissait plutôt du travail d'éléments indépendants ou même rebelles au sein du MSP. Il est toutefois intéressant de noter qu'elle semble avoir été conçue pour faire croire que le Falungong menait ses propres opérations d'information contre le site Web du département américain des Transports. Dans son rapport, la RAND a avancé l'hypothèse qu'il s'agissait peut-être d'un plan délibéré pour faire tomber le site du Falungong, tout en donnant l'impression que le Falungong lui-même était une organisation terroriste[16].

Dans le même rapport, la RAND fournit aussi des détails sur plusieurs autres formes de harcèlement auxquelles des entités chinoises se livrent par le biais d'Internet. Parmi celles-ci figurent l'envoi de faux courriels censés venir d'adeptes non chinois du Falungong, dont des Canadiens, et l'envoi massif de pourriels aux boîtes à lettres d'adeptes connus du Falungong afin de les empêcher concrètement d'avoir accès à Internet. En plus d'être inquiétantes en elles-mêmes, de telles activités d'ingérence constituent de nouvelles preuves de la capacité, sinon de l'intention, des Chinois d'utiliser Internet.

Les entités chinoises utilisent aussi beaucoup Internet à des fins de collecte de renseignements. L'incident le mieux documenté, sous le nom de code Titan Rain, impliquait un groupe coordonné de pirates informatiques basé en Chine qui a rassemblé des documents provenant d'institutions de l'armée américaine, comme le Redstone Arsenal en Alabama; l'Information Systems Engineering Command, la Defense Information Systems Agency, le Naval Ocean System Center et le Space and Missile Defense Acquisition Center. Les fichiers volés étaient dissimulés dans des ordinateurs en Corée du Sud avant d'être envoyés à Guangdong (Chine). Dans un cas plus récent, en 2005, des courriels qui auraient été expédiés de Chine ont été envoyés à diverses adresses du parlement britannique. Ces courriels, adaptés à chacun des destinataires, contenaient des logiciels espions qui fouillaient dans l'ordinateur du destinataire à la recherche d'informations potentiellement précieuses qui étaient ensuite secrètement renvoyées à l'expéditeur du courriel à l'insu de l'utilisateur. La complexité technologique des attaques, la nature des informations ciblées — notamment la politique du Royaume-Uni sur la question des droits de la personne en Chine, susceptible de présenter peu d'intérêt pour des pirates à motivation économique —, et le fait que le piratage informatique est une infraction passible de la peine de mort en Chine sont autant d'éléments qui ont amené les enquêteurs à croire que ces attaques avaient été menées avec l'autorisation du gouvernement[17].

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Les activités chinoises de collecte de renseignements menées par le biais d'Internet ne sont pas toutes de nature politique et militaire. Il existe une quantité considérable de preuves que des entités chinoises se servent aussi d'Internet pour mener des activités d'espionnage économique et de collecte de renseignements scientifiques et technologiques. Ainsi, en 2004, des entreprises de sécurité commerciale américaines ont découvert qu'un cheval de Troie, programme utilisé pour voler des fichiers dans les ordinateurs infectés, appelé Myfip et joint à des courriels envoyés à partir de serveurs en Chine, avait été utilisé pour repérer et transmettre des fichiers, notamment des études mécaniques et des schémas de circuits imprimés, qui étaient renvoyés en Chine. Dans une version précédente, ce programme ne cherchait que les fichiers en format PDF, mais dans les versions plus récentes, les recherches ont été étendues aux documents Word et CFAO[18]. Dans de tels cas, il est généralement impossible de déterminer si les efforts de collecte de renseignements sont autorisés ou approuvés par le gouvernement chinois ni même si les activités de collecte de renseignements sont menées d'ailleurs via la Chine.

Guerre de l'information

Un dernier aspect de l'utilisation que la Chine fait d'Internet mérite d'être examiné, celui de la guerre de l'information. L'objectif ici n'est pas d'analyser en profondeur la doctrine et les capacités de la Chine en matière de guerre de l'information ou cyberguerre, mais uniquement d'expliquer brièvement les liens entre ces éléments et Internet. La guerre de l'information est considérée comme jouant un rôle décisif dans la modernisation militaire de la Chine. La doctrine actuelle insiste sur la guerre asymétrique, ce qui, dans le contexte de la Chine, renvoie généralement à l'utilisation de méthodes non orthodoxes pour vaincre un adversaire numériquement ou technologiquement plus fort. Dans les écrits militaires chinois, la cyberguerre est considérée comme une forme de guerre asymétrique rentable, parce qu'elle peut infliger des dommages considérables à un coût minimal. Dans leur influent ouvrage Unrestricted Warfare, publié par un éditeur de l'Armée populaire de libération (APL) en 1999, les officiers Qiao Liang et Wang Xiangsui de l'APL mentionnent un scénario d'attaque combinant attaque financière, attaque sur Internet et attaque militaire. « Si l'attaquant parvient à rassembler secrètement de grandes quantités de capitaux sans que la nation ennemie en soit le moindrement consciente, lance une attaque furtive contre ses marchés financiers, puis, après avoir causé une crise financière, active un virus et un détachement de pirates enterrés à l'avance dans le système informatique de l'adversaire, tout en attaquant ses réseaux afin de paralyser complètement le réseau de distribution d'électricité civil, le réseau de répartition du trafic, le réseau des opérations financières, le réseau des communications téléphoniques et le réseau des médias de masse, il provoquera chez l'ennemi une panique sociale, des émeutes dans les rues et une crise politique »[19]. Bien que les auteurs eux-mêmes ne semblent exercer aucun pouvoir opérationnel, la publication de ces idées indique à tout le moins que l'armée chinoise discute de telles capacités et cherche à s'en doter. Cette vision est confirmée par la recherche, qui indique que l'APL se livre à des activités d'élaboration de sa doctrine ainsi que des simulations et des exercices en ce sens[20].

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Résumé et répercussions sur le Canada

L'utilisation que la Chine fait d'Internet et la réglementation à laquelle elle assujettit ce mode de communication soulèvent un large éventail de questions importantes pour le Canada, sur les plans des droits de la personne et de la sécurité notamment. Les organismes gouvernementaux, les entreprises et les particuliers canadiens qui ont des décisions à prendre doivent être au courant de ces questions. Le gouvernement chinois continuera de mettre en oeuvre des politiques visant à maximiser les avantages et à réduire au minimum les inconvénients d'Internet tels qu'il les perçoit. Le cycle d'évolution technologique et d'adaptation de l'État se poursuivra. De ce fait, le filtrage, la surveillance et les autres modes de restriction de la liberté d'expression continueront probablement aussi. De telles mesures, qui visent principalement à réduire au minimum la menace qu'Internet représente pour le maintien du contrôle politique du PCC, n'ont en général aucune répercussion directe sur la sécurité du Canada. Elles peuvent cependant nuire à des intérêts canadiens si les informations supprimées ont trait à des questions comme la santé et les activités financières. Le gouvernement chinois risque également de poursuivre ses efforts en vue de renforcer ses capacités en matière de cyberguerre par le biais d'Internet, et de maintenir ou d'améliorer encore ses habiletés à mener des activités d'ingérence dans des pays étrangers, dont le Canada, en recourant au piratage informatique, au harcèlement et à la collecte de renseignements.



 1    OpenNet Initiative, Internet Filtering in China in 2004-2005: A Country Study, http://www.opennetinitiative.net/studies/china/ONI.China_Country_Study.pdf, annexe 2.

2    http://web.amnesty.org/library/Index/ENGASA170012004

3    http://www.chinalawandpractice.com/default.asp?Page=1&SID=4869

4    Susan W. O'Sullivan, témoignage devant la US-China Economic and Security Review Commission, 14 avril 2005.

5    http://www.ichrdd.ca/site/publications/index.php?lang=fr&subsection=catalogue&id=1266&page=28&tag= &keyword=&show_all=#

6    OpenNet Initiative, Internet Filtering in China in 2004-2005: A Country Study, http://www.opennetinitiative.net/studies/china/ONI_China_Country_Study.pdf.

7    http://www.uscc.gov/hearings/2005hearings/written testimonies/05 04 14wrts/palfrey john wrts.htm.

8    Mure Dickie, « Don't Mention Democracy, Microsoft Tells China Web Users », Financial Times, 13 juin 2005.

9    http://rconversation.blogs.com/rconversation/2006/01_microsoft_takes.html.

10    Tina Rosenberg, « Building the Great Firewall of China, with Foreign Help », New York Times, 18 septembre 2005.

11    http://www.uscc.gov/hearings/2003hearings/written_testimonies/03_06_05/qiates.htm

12    http://www.freemedia.at/wpfr/Asia/china.htm.

13    Discours prononcé lors de la Conférence nationale des directeurs des services de publicité, le 10 janvier 2001, http://english.pladaily.com.cn/special/three/content/10.htm

14    http://english.epochtimes.com/news/5-10-22/33610.html

15  http://www.infowar-monitor.net/modules.php?op=modload&name=Archive&file=index&reg=listarticles&secid=4

16    http://www.rand.org/pubs/monograph reports/MR1543/index.html, p 74.

17    Peter Warren, « Smash and Grab, the hi-tech way », Guardian, 19 janvier 2006.

18    Nathan Vardi, « Chinese Take Out », Forbes, 25 juillet 2005; Robert Lemos, « Targeted Trojan-Horse Attacks Hitting US, Worldwide », Security Focus, 24 juin 2005.

19    http://www.c4i.org/unrestricted.pdf, p. 145.

20    Thomas Timothy L., Like Adding Wings to the Tiger: Chinese Information War Theory and Practice, Foreign Military Studies Office, Fort Leavenworth, KS, 2001; China: Troops Beijing Trained For Electronic Warfare Zhongguo Tongxum She News Agency, Hong Kong, 9 août 1999.

 

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Commentaire est publié régulièrement par la Direction de l'analyse et de la production du SCRS. Si vous avez des questions sur la teneur du document, veuillez vous adresser au Comité de rédaction à l'adresse suivante:

Les opinions susmentionnées sont celles de l'auteur qui peut être joint en écrivant à l'adresse suivante :

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Date de modification : 2006-10-04

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