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Discours du commissaire

Remise du prix Ron Wiebe

Allocution prononcée par :

Lucie McClung
Commissaire du Service correctionnel du Canada
le 8 novembre 2003




Remise du prix Ron Wiebe
Le mercredi 19 novembre 2003
Centre fédéral de formation Laval (Québec)


Seul le discours prononcé fait foi


Bonsoir à tous et à toutes, candidats en lice pour le prix de la justice réparatrice Ron Wiebe, membres de la famille Wiebe, Mesdames et Messieurs. C'est avec grand plaisir que j'ai pu me déplacer pour être avec vous ce soir.

Parce que cette soirée vise à prendre un temps d'arrêt dans chacune de nos vies tumultueuses pour reconnaître certaines personnes qui se sont engagées dans la résolution de conflits qui sont d'une portée extraordinairement vaste.

C'est l'occasion de célébrer les efforts individuels et collectifs qui reflètent bien le thème de la Semaine de la justice réparatrice de cette année : « Sentiers vers une communauté renouvelée ».

La justice réparatrice est une philosophie de vie et une approche par lesquelles un crime ou un différend est perçu principalement sous l'angle des dommages causé à autrui et aux relations entre les êtres humains.

La justice réparatrice vise à fournir des occasions pour appuyer, en toute sécurité, la participation volontaire des personnes concernées (les victimes, les délinquants, la collectivité) afin d'encourager la prise en charge de responsabilités, la réparation des torts causés et la sécurité des parties en cause; on veut également amener ces parties à mieux comprendre la situation, à acquérir un sentiment de satisfaction, à guérir de leurs traumatismes et à passer à autre chose.

L'avènement de la justice réparatrice est un phénomène important au Canada - car elle témoigne non seulement de notre identité collective unique, mais également de l'avenir que nous prévoyons et tentons de créer pour nous-mêmes.

Le crime n'est pas seulement l'affaire de quelques personnes - c'est l'affaire de toute la collectivité. C'est là qu'il survient, c'est là que la vie des gens en est le plus affectée, c'est là que les victimes doivent se remettre de leur épreuve, c'est de là également que les délinquants proviennent et c'est là qu'ils retourneront vivre un jour.

Les hommes et les femmes qui travaillent dans le milieu correctionnel sont parfaitement conscients de cette dynamique. Nous pouvons en constater les répercussions tous les jours - lorsque des visiteurs entrent dans nos prisons, lorsque nous faisons des enquêtes communautaires, lorsque nous communiquons des renseignements aux victimes, lorsque des membres de la collectivité donnent leur opinion sur notre travail, lorsque nous surveillons des délinquants qui se réinsèrent dans la société.

La justice réparatrice nous donne à la fois la perspective ainsi que les outils pour commencer à examiner et à influencer les réalités humaines propices au crime et aux différends.

Le SCC investit donc de plus en plus de ressources pour explorer cette approche dans notre travail. Il a, par exemple, mis sur pied un programme de médiation entre les victimes et les délinquants et d'autres approches de justice réparatrice pour les crimes graves. Les succès remportés nous obligent maintenant à mettre au point des façons de communiquer les leçons apprises à un plus grand nombre de collectivités un peu partout au Canada.

Nous avons participé, avec de nombreux partenaires, à des activités de sensibilisation et de formation et à des projets de création de documents et d'outils pour aider les collectivités à mettre en pratique les principes de la justice réparatrice. Mais, cela ne suffit pas - nous devons faire plus encore pour le bien de nos collectivités - et c'est pourquoi le Comité de direction du SCC a fait des activités de liaison un objectif pour chaque cadre de l'organisation. Il est temps d'aller vers les collectivités pour leur fournir une aide plus directe, d'aller au-delà de l'aide fournie à chaque délinquant.

Nous avons également repensé le concept de la résolution des différends dans le contexte carcéral - je peux vous parler d'un projet unique réalisé à l'établissement Grande Cache : l'unité résidentielle de la justice réparatrice où le personnel, les détenues et les membres de la collectivité ont reçu ensemble une formation sur la justice réparatrice axée sur les compétences pratiques. Dans cette unité, le quotidien est réglé sur les principes et les techniques de la justice réparatrice. Les différends de toute sorte sont abordés de façon constructive par la médiation et le processus de discussion en cercle. Les délinquantes s'appuient les unes les autres et discutent ensemble pour comprendre les conséquences de leurs crimes sur le plan humain et corriger leurs facteurs criminogènes. Elles préparent leur mise en liberté en construisant de nouveaux ponts avec la collectivité.

Le SCC s'est montré très actif sur bien des fronts dans la région du Québec, notamment en ce qui concerne les initiatives novatrices de justice réparatrice. Je pense, entre autres, au programme VISA, au projet Arc-en-ciel de l'établissement de La Macaza, de même qu'au programme de dialogue entre victimes et délinquants subrogés à l'établissement de Donnaconna.

Ici, la justice réparatrice a connu une évolution unique qu'on aurait tort de ne pas souligner. En effet, dans la Belle province, on a assisté à des développements impressionnants, mettant à contribution de nombreuses personnes et organisations. De plus, l'analyse critique et le dialogue continu entre théoriciens et intervenants donnent d'importants résultats.

Le Québec, par ses académiciens, ses praticiens et ses chercheurs, a démontré son leadership en matière de justice réparatrice au niveau de la francophonie internationale lors de l'important séminaire qui s'est tenu à Ville de L'Estérel. Un des résultats tangibles de cet événement sera la création d'un répertoire des ressources francophones en matière de justice réparatrice. De plus, l'Université de Montréal de concert avec plusieurs partenaires ainsi que le SCC développeront un cours sur la justice réparatrice. Toutes ces initiatives continueront à accroître la visibilité de la justice réparatrice et la sensibilisation du milieu francophone dans ce domaine.

Comme je l'ai mentionné précédemment, nous sommes en pleine Semaine de la justice réparatrice, qui a lieu pour la huitième année au Canada.

Le SCC est extrêmement fier d'être associé à une semaine si favorable aux occasions de partenariat.

Partout au pays, des gens tiennent des discussions et prennent des mesures pour intégrer la justice réparatrice à nos vies afin de rendre nos vies meilleures.

Vous serez impressionnés d'apprendre que plus de 100 activités ont cours au Canada cette année. La plupart de ces activités sont le fruit de partenariats et elles sont ouvertes à la population.

Par exemple, à Terre-Neuve, des responsables du système pénal et des leaders de la collectivité se sont rencontrés plut tôt cette semaine pour élaborer des stratégies susceptibles de faire progresser la justice réparatrice dans cette province.

À Peterborough, un comité local de justice réparatrice a créé un jeu de table pour les enfants et les adultes qui aide à faire comprendre les expériences de la victime et du délinquant.

À Ottawa et à North Battleford, en Saskatchewan, une tribune de discussion en direct novatrice a été mise sur pied conjointement par le SCC et la GRC; l'expérience a été tenue plus tôt aujourd'hui, dans deux écoles secondaires.

À Winnipeg, le maire de la ville a encore une fois consacré officiellement la semaine à la justice réparatrice et une gamme d'activités excitantes aura lieu tout au long de la semaine.

En Colombie-Britannique, la Semaine de la justice réparatrice sera célébrée à l'intérieur et à l'extérieur des prisons, des occasions de rencontre et de participation à des projets seront offertes aux gens. Pour la première fois, des gens d'affaires de Victoria se réuniront pour discuter de la justice réparatrice.

Aussi, dans la région du Québec, le SCC a-t-il parrainé une activité en collaboration avec le Barreau du Québec, où les membres du public étaient invités à se prononcer sur notre système de justice et à expliquer ce que les principes de justice réparatrice peuvent leur apporter.

Certes, il y a eu et il continuera d'y avoir, à l'échelle de la province comme dans tous les établissements du SCC au Québec, différentes activités et occasions nous permettant d'approfondir notre connaissance de la justice réparatrice.

Il faut se rappeler toutefois qu'il faut aller au-delà de la discussion - je compte sur Jane pour faire le tour des conclusions des débats pour proposer des actions concrètes sur lesquelles le Comité de direction du SCC pourra se pencher. Je crois que la session de janvier serait une occasion appropriée pour ce faire.

Comme vous le savez, Ron a eu une longue et remarquable carrière au SCC. Il a dirigé l'établissement Ferndale et l'établissement d'Elbow Lake. Il fut membre du Comité national de direction sur la justice réparatrice et le règlement des différends. Ron avait une foi sincère dans les principes de la justice réparatrice, qui guidaient son quotidien, tant dans son travail que dans sa vie personnelle.

L'intérêt que portait Ron à la justice réparatrice et la compréhension qu'il en avait l'ont conduit à exercer un rôle de chef de file dans la mise en place de cette forme de justice au SCC et à appuyer l'évolution des services correctionnels destinés aux Autochtones.

Ses interventions ont mené, par exemple, à un recours accru aux diverses méthodes de la médiation pour régler les différends dans nos prisons. Elles ont également pavé la voie à la transition, sous sa direction, de l'établissement d'Elbow Lake en établissement de ressourcement fondé sur les traditions autochtones.

Ron est mort le 28 juillet 1999 après une dure et intense bataille contre le cancer.

Son travail au SCC et dans sa collectivité lui avait valu le respect de tous.

Après la mort de Ron en 1999, on voulait trouver un moyen d'honorer convenablement sa mémoire, de reconnaître sa contribution à la justice réparatrice et de donner suite à son désir de faire accepter ses idées. On a donc créé le prix Ron Wiebe de la justice réparatrice.

Chaque année, un comité de sélection est choisi de façon à représenter les diverses perspectives de la justice réparatrice. Le comité de cette année se compose des personnes suivantes :

  • Gerry Baragar, coordonnateur national de la justice réparatrice à la GRC;
  • Robert Brown, un récipiendaire précédent;
  • Norma Davignon, gestionnaire principale responsable de la justice réparatrice et des victimes au ministère de la Justice du Yukon;
  • Wilma Derksen, récipiendaire du prix Ron Wiebe en 2001, qui a déjà été victime d'un acte criminel grave;
  • René Durocher, un intervenant accompagnateur du programme Option-Vie;
  • Charles Emmrys, président du Comité national de direction des comités consultatifs de citoyens;
  • Steve Sullivan, un défenseur national des droits des victimes;
  • Joanne Vallée, directrice exécutive, ASRSQ;
  • Jane Miller-Ashton, directrice générale, Justice réparatrice et règlement des différends, SCC;
  • Scott Harris, directeur, Justice réparatrice, SCC.

Chacun des membres du comité a examiné soigneusement et personnellement les candidats proposés en fonction de critères pré-établis.

À l'opposé de nombreux comités cependant, lorsque les membres se sont regroupés pour discuter des candidats mis en nomination, ils n'ont pas débattu de leur choix, ni exercé de pressions, ni simplement tenu un vote.

Ils ont plutôt utilisé un processus respectueux de discussion en cercle fondé sur le consensus.

Les candidats proviennent de toutes les provinces et de tous les territoires, ils appartiennent à des milieux variés et leurs cheminements de vie sont divers. Ils ont entre 20 ans et 90 ans environ. Six femmes, douze hommes et six groupes ont été proposés pour le prix. Cinq candidats sont des employés du SCC et huit candidats ont été mis en nomination par des employés du SCC.

Je voudrais maintenant vous donner la possibilité de connaître ces personnes remarquables. Je cède la place aux membres du comité de sélection, Jane Miller-Ashton et Joanne Vallée, qui vont nous parler des candidats et de leurs réalisations.

À mesure que Jane et Joanne présenteront les candidats, je demanderais à ceux qui sont présents de se manifester lorsque leur nom sera prononcé.

J'inviterais Jeff à se joindre à moi sur la scène pour présenter les certificats à ces personnes.

Jane, Joanne…

Il y a environ 30 ans de cela, à Elmira, en Ontario, deux jeunes ont vandalisé un quartier causant des dommages considérables à de nombreuses maisons privées et à des entreprises.

Les deux jeunes ont plaidé coupable. L'agent de probation qui a préparé le rapport présentenciel pour le tribunal, avec l'appui d'un collègue mennonite, a recommandé que les délinquants rencontrent les nombreuses victimes de leurs actes pour leur présenter des excuses et pour réparer les choses si cela était possible. Au début, le juge se montra sceptique. Il commença par dire non, puis changea d'idée le jour où il devait prononcer la sentence et donna le feu vert.

Les deux jeunes hommes accompagnés de l'agent de probation et de son collègue mennonite firent le tour de la collectivité, frappant aux portes des vingt-deux victimes. Parfois, ils étaient bien accueillis. Parfois, ils ne l'étaient pas. À la fin, toutefois, les jeunes avaient fait amende et réparé les dégâts; de ce fait, les relations avec la collectivité avaient été renforcées.

C'était en 1974 et la première médiation officielle entre les victimes et les délinquants avait eu lieu! Naturellement, la pratique de la justice réparatrice a évolué considérablement depuis, mais cet événement remarquable et courageux a ouvert la voie.

L'agent de probation ne pouvait pas savoir, alors, que cette initiative allait marquer le début du mouvement contemporain de la justice réparatrice et ouvrir la porte à des centaines de programmes semblables au Canada et partout dans le monde.

L'agent de probation en question était Mark Yantzi - le récipiendaire du prix Ron Wiebe de 2003. Mark avait présenté cette recommandation au juge parce qu'il croyait intimement en une façon différente de rendre justice, un principe qui trouvait racine dans sa foi mennonite.

Mark a poursuivi sur cette lancée et il a fondé les Community Justices Initiatives à Kitchener, un organisme qui s'occupe encore aujourd'hui de créer des occasions de médiation entre les victimes et les délinquants. Il a ensuite exercé un leadership actif pendant de nombreuses années pour mettre sur pied plusieurs autres programmes : un service pour les victimes, un programme de médiation communautaire pour les différends de quartier, des programmes de soutien pour les auteurs d'infractions sexuelles et leurs victimes ainsi qu'un programme de cercles de soutien pour les délinquantes sous responsabilité fédérale qui sont mises en liberté. Mark demeure actif à tous ces niveaux.

Imaginez les centaines et les milliers de citoyens qui ont profité de ces programmes depuis 30 ans et imaginez également le nombre de programmes que Mark a inspirés à d'autres endroits !

Selon les critères du prix, le leadership de Mark a véritablement transformé les relations humaines par des méthodes nouvelles et novatrices. Par son travail, il a pu rendre possibles et mettre en valeur la communication et la guérison entre les personnes en situation de conflit.

De plus, Mark a beaucoup écrit sur la justice réparatrice pour la faire connaître. Il a aidé trois hommes à rédiger un livre sur leur expérience personnelle de guérison. Dans un autre de ses livres, il a traité, d'une façon sensible et profonde, de la justice réparatrice appliquée aux crimes sexuels.

Partout dans son travail, Mark a fait participer la collectivité et il a travaillé avec d'autres dans les prisons, au conseil municipal, dans les classes et dans les églises, tant dans sa collectivité d'appartenance qu'un peu partout au Canada et sur la scène internationale. Mark est grandement respecté pour ses réalisations passées et actuelles. Il prend du temps pour les autres. Il a une écoute attentive et il aide les victimes et les délinquants à nouer les liens dont ils ont besoin afin de faire le travail de réparation pour eux-mêmes et pour les autres.

Comme le dirait une délinquante sous responsabilité fédérale qui avait proposé sa candidature : « Il est Monsieur Justice réparatrice pour moi … le monde a besoin de beaucoup d'autres personnes comme lui. Il m'a aidée à avoir une vision d'ensemble. Je crois que je suis devenue une meilleure personne et que je peux maintenant faire quelque chose de bien pour ma collectivité ».

Le gagnant de cette année, les candidats qui étaient en lice, les lauréats des années passées et chacun d'entre nous, nous avons tous un rôle à jouer dans l'établissement de sentiers vers une communauté renouvelée.

La justice réparatrice a besoin de l'apport des collectivités pour s'épanouir pleinement. Et ce soir, les efforts dont nous avons entendu parler nous montrent que c'est précisément cela qui est en train de se passer.

Suivons l'exemple de Ron Wiebe, de Mark Yantzi et de tous les candidats en lice pour ce prix. Ainsi, peut-être le mouvement de la justice réparatrice pourra-t-il devenir, comme Ron le souhaitait, « la pierre angulaire des services correctionnels et de la collectivité au cours du nouveau millénaire ».

Merci de votre présence. Bonsoir à tous et à toutes.

Merci d'être venus ici.

Je tiens à remercier tout particulièrement Jeff Wiebe qui s'est joint à nous pour honorer la mémoire de son père.

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