Examen de la période de formation collégiale chez les futurs agents de correction

2005 N° R-165

Philippe Bensimon
Criminologue, Ph.D

Service correctionnel du Canada

Octobre 2005

Remerciements

Dans un tout premier temps, l'auteur tient à remercier les 233 participants et participantes des dix classes du Programme de formation correctionnelle (PFC) qui se sont échelonnées du 23 septembre 2002 au 4 octobre 2004 à travers les cinq régions administratives. Avec ou sans abandon, ces 233 personnes constituent l'essence même de cette recherche puisque sans leurs participations actives, cette dernière n'aurait jamais pu voir le jour.

L'auteur tient également à souligner la collaboration soutenue de la part de tous les membres de la direction et du personnel attenant à la formation des cinq collèges et plus particulièrement en la personne de : Messieurs Éric LeBlanc et Danny LeBlanc pour la région de l'Atlantique; Monsieur Yves Malépart puis Mesdames Louise Dubreuil et Linda Goulet pour la région du Québec; Madame Tracy Fenton pour la région de l'Ontario; Messieurs Max Dallenbach, Vince Streukens, Raylean Welter et Gordon Redhead pour la région des Prairies; Madame Marg Fletcher et Monsieur Brian Ferguson pour la région du Pacifique.

À ces noms, s'ajoutent ceux du Comité directeur qui, en novembre 2001 était composé d'un membre de l'exécutif national du syndicat des agents correctionnels du Canada, d'un membre de l'exécutif régional du syndicat pour la région de l'Ontario et qui représentait également la sécurité; d'un membre de la formation en gestion et carrière, d'un membre des relations de travail et d'une gestionnaire principale de projet aujourd'hui respectivement en titre : de messieurs Pierre Mallette et Trevor Lee, agents de correction aux pénitenciers de Donnacona et de Kingston; de Monsieur Ian Nicholson, Directeur Programme d'apprentissage et avancement professionnel; de Monsieur Paul Braun, anciennement Directeur de la gestion de carrière et qui a quitté le SCC depuis; de Madame Colleen Laframboise, Directrice Opérations en relations de travail puis de Madame Claude Tellier, Directrice aux Opérations en matière de sécurité. Pour l'ensemble des analyses statistiques, l'auteur tient expressément à remercier Monsieur Yves Lepage, Ph.D, professeur titulaire au Département de mathématiques et de statistique de l'Université de Montréal ainsi que son assistant, Monsieur Miguel Chagnon, M.Sc.

Pour la confiance et la latitude qu'il a su lui témoigner tout au long de ce parcours parfois difficile, mais combien novateur et intéressant, Monsieur Larry Motiuk, Ph.D, Directeur général de la recherche.

Pour son grand dévouement, sa disponibilité et son dynamisme, l'ensemble du personnel de la bibliothèque du Ministère de la Sécurité publique et Protection civile du Canada.

Pour la version anglaise, Madame Carol Edgar, traductrice agréée (ATIO), Société Gamma Inc.

Pour la relecture du texte en français et ses ineffables coquilles, Madame Suzette Fortin, un des piliers du secrétariat à la gestion de cas au Centre régional de Réception (région du Québec).

Et pour terminer, pour tous ceux et celles qui n'auraient pas eu accès au rapport ayant servi d'introduction à cette recherche en trois phases, l'auteur ne saurait souligner son ampleur, sa vision novatrice et l'impact précurseur qu'elle aura sur d'autres études parallèles dans le domaine de la psychologie comportementale et organisationnelle en milieu carcéral, sans le travail acharné de sa consoeur de travail, Madame Claude Tellier.

Résumé

Bien des écrits se rapportant au monde de la prison ont été produits à ce jour mais aucun ne s'est véritablement penché sur l'évolution des futurs agents de correction en milieu carcéral à partir d'un calendrier concerté sur une période de quinze mois. Quinze mois d'observations à long terme entre la toute première journée de sélection et, étape par étape, pendant une année complète avec la réalité du terrain.

Objectif à atteindre? Mesurer, évaluer, comprendre l'adaptation comportementale et attitudinale des nouveaux agents de correction dans leur milieu de travail respectif afin d'y apporter les recommandations nécessaires tant dans les collèges qu'au sein des établissements carcéraux. Recommandations axées sur le recrutement au sens très large du terme et la formation à travers 22 thèmes dont 19 échelles de mesure. À ces 19 échelles et pour cette deuxième partie, une accumulation de 514 titres dans sa revue de littérature se rapportent à différentes thématiques venant explorer des données démographiques tels que l'âge, le statut social, les avantages ou désavantages liés au choix de cette profession ou encore les habitudes de vie en terme de santé puis, de façon beaucoup plus spécifique et pour ne citer là que quelques exemples, l'acquisition et le maintien des valeurs, les attitudes, la cohésion au sein du groupe, la réinsertion sociale des détenus, le stress au travail, l'engagement envers l'organisation, la motivation, l'appui des supérieurs hiérarchiques, l'empathie ou encore la satisfaction au travail.

Pour ce faire, six questionnaires vont s'échelonner dès le premier jour, la deuxième semaine, au bout de trois mois de formation au sein du collège du personnel lié, puis durant une année complète suivant sa nouvelle affectation dans une institution carcérale après 3 mois, six mois et un an.

Mise en application du 23 septembre 2002, date du tout premier questionnaire présenté en fonction du calendrier des différents Programmes de formation correctionnelle (PFC), jusqu'au 14 juillet 2003 (date de la dernière classe de P.F.C. retenue dans le calendrier), cette recherche se sera déroulée à travers les cinq régions administratives du Canada : l'Atlantique, le Québec, l'Ontario, les Prairies et le Pacifique.

Tout au long du processus, la participation fut volontaire, avec la possibilité d'y mettre un terme définitif à n'importe quel moment désiré par la personne, le tout, au demeurant strictement confidentiel.

En incluant les 15 personnes (9 hommes et 6 femmes qui ne se sont jamais présentés au premier jour de leur entrée au collège), soit au départ 249 participants inscrits, 233 répondront au questionnaire Pré A.

Résultat : aucun répondant à travers les cinq régions et pour les dix classes du PFC ne refusera de répondre au premier questionnaire (Pré A). Attrition : 0 %.

Les abandons et autres attritions ne commenceront à poindre qu'à partir de la deuxième semaine de formation puis, subséquemment, tout au long des dix semaines suivantes. Au total, un retrait définitif de 86 participants recouvre l'ensemble de la période collégiale. Six (6) personnes au Pré B et 80 pour la période Post. Parmi ces 86 personnes qui n'ont pas complété la recherche (46 hommes et 40 femmes), 74 (86 %) sont imputables à un échec lié directement à la matière; 7 (8 %) n'ont pas retourné leur questionnaire lors de la période Post et 5 autres pour des motifs tels qu'une blessure à l'entraînement, une démission, une autre offre d'emploi ou encore, la maladie.

Suite au premier volet de cette étude longitudinale¹, cette deuxième phase d'une série de trois, présente donc les données empiriques des douze premières semaines durant lesquelles 233 personnes furent sélectionnées en vue d'apprendre le métier d'agent de correction. Sur ce nombre, 123 hommes et 110 femmes. Moyenne d'âge : 32 ans au premier jour de leur formation (33 pour les hommes et 30 ans pour les femmes). Parmi ces 233 personnes, 35 sont autochtones et 35 appartiennent à des minorités visibles. Parmi ces 233 hommes et femmes, 116 sont mariés ou en union de fait, 113 avec un ou plusieurs enfants, 174 ont un niveau d'instruction collégial ou universitaire. C'est dire combien l'apprentissage de ce métier s'est modelé avec pour toile de fond, un vécu social beaucoup plus prononcé que dans bien d'autres professions.

¹ Laquelle a pour titre : La recrue en milieu correctionnel : introduction à la recherche (Bensimon, 2004).

Mais que s'est-il passé réellement durant cette période?

Les trois questionnaires Pré A, Pré B et Post remis aux participants durant cette période de formation au collège du personnel, regroupaient un total de 16 thèmes² exploratoires répartis entre l'espérance, c'est-à-dire le moment où la personne faisait part de ses aspirations dès la toute première journée où elle s'est retrouvée en classe (phase anticipatoire); celui où s'effectuaient les prémisses de la formation en salle de cours après une semaine (phase d'attente, d'apprentissage et d'observation) puis à un premier constat au bout de douze semaines (phase de perception et de constatation). Seize thèmes (incluant 13 échelles) aussi variés que celui ayant trait aux avantages et inconvénients pour le travail correctionnel, aux attentes et perceptions initiales à l'égard de la formation au sein du groupe², à l'orientation pour le travail social ou encore, celui se rapportant au groupe des pairs en classe avant et après la participation au PFC.

² L'envergure de cette recherche où chaque thème est à lui seul l'objet d'une thèse, exige une restriction : celle de son étendue. Par conséquent, l'auteur ne saurait prétendre à leur exhaustivité, mais espère toutefois que la banque de données ayant servi à leur élaboration, suscitera d'autres recherches dans le domaine des professions en milieu carcéral.

³ Pour éviter toute interprétation malencontreuse, il est important de rappeler que l'objectif de cette recherche repose principalement sur l'analyse des changements comportementaux/attitudinaux et en aucun cas de la qualité même de la formation offerte au sein des collèges du PFC. Thème totalement exclut du cadre de cette recherche.

En dépit des particularités culturelles propres à chacune des cinq régions ainsi que des variables démographiques se rapportant aux participants, toutes les questions invitant la personne apprenante à exprimer une opinion se rapportant aux détenus, demeuraient purement abstraites puisque le contexte pré institutionnel dans lequel se trouvait cette dernière, ne l'amenait pas à être confrontée avec la réalité du terrain. Ce qu'elle a appris, cru, espérait et constaté graduellement au fil de ces trois mois, appartenaient au stade préparatoire à son entrée dans le monde carcéral.

Ce deuxième rapport représente donc la phase strictement théorique entre la toute première journée de formation et pour ceux et celles qui réussirent, la dernière semaine avant l'assignation en établissement, soit un total de 147 personnes.

À travers tous ces thèmes et ces quelques 400 tableaux, sommes-nous réellement en mesure de sélectionner les personnes les plus déterminées, les plus aptes à assurer cette dualité entre sécurité et réinsertion sociale? Entre celles qui sont les plus empathiques et les plus motivées intrinsèquement? Chaque échelle renvoyant le lecteur à plusieurs explicitations entourant tous ceux et celles qui auront échoué, mais également à la mixité des genres et des croyances : les hommes et les femmes dans leurs modes de pensée.

Eh ! bien la réponse est non. Non, il n'y a pas vraiment de formule de prédiction et encore moins de prédiction infaillible, mais bien un ensemble d'indices d'attitudes forgeant des comportements et des croyances qui se moduleront au fil du temps. Richesse complémentaire à toute organisation humaine où seuls la volonté, la confiance en soi, l'apprentissage en vue de mieux aider et protéger son prochain constituent un gage de réussite et de mieux être dans le devenir des agents de correction.

Au regard de ces 13 échelles et à la toute fin de ces trois mois, plusieurs constats s'imposent entre la période Pré A et le Post au sein de ce même groupe de 147 personnes (77 hommes et 70 femmes) ayant mené à terme leur formation professionnelle :

1. Les données analytiques démontrent des différences significatives quant au mode de pensée propre au sexe (hommes et femmes), dans des thèmes aussi variés que l'Attitude envers le travail correctionnel, le Soutien à la réinsertion sociale et les différents types de motivation pour le travail correctionnel;
2. Des données non significatives entre hommes et femmes émergent des thèmes tels que l'Attitude envers les détenus, la Dissuasion, l'Orientation pour le travail social, les Aptitudes sociales, la Motivation intrinsèque à l'égard du travail, l'Efficacité dans le secteur correctionnel, les Attentes/Perceptions à l'égard de la formation, la Cohésion de groupe et la Crédibilité;
3. Dans trois paramètres déterminants et spécifiques à la profession d'agent de correction, les femmes présentent une position supérieure aux hommes, lesquels se démarquent des premières par une lente progression, de la stagnation et une régression dans le troisième cas de figure. À savoir : les Attitudes à l'égard du travail correctionnel, le Soutien à la réinsertion sociale et les Sources de motivation pour le travail correctionnel;
4. Dans l'Orientation pour le travail correctionnel, les deux genres présentent une progression conjointe;
5. Cinq autres domaines demeurent en constante et mutuelle régression pour les deux genres : la Dissuasion (plus prononcée chez les femmes), les Aptitudes sociales (bien que non significative, nous notons une tendance pour ce qui a trait à la perception de soi vis-à-vis d'autrui, laquelle semble plus prononcée chez les hommes), la Motivation intrinsèque (plus prononcée chez les femmes), l'Efficacité dans le secteur correctionnel (plus prononcée chez les femmes), et la Crédibilité (également plus prononcée chez les femmes);
6. Ces 147 recrues expriment une forte motivation au terme de leur formation professionnelle;
7. En termes d'abandons et autres attritions, un total de 86 (37 %) participants (46 hommes et 40 femmes) ne termineront pas leur Programme de formation professionnelle et par voie de conséquence, la recherche en elle-même. De ce nombre, deux régions se démarquent : l'Atlantique avec 75 % d'abandons et celle des Prairies avec 69 %, comparativement avec le Québec (30 %), l'Ontario (29 %) et le Pacifique (26 %). Autres caractéristiques qui émerge du groupe des abandons et autres attritions : un haut pourcentage de participants Autochtones (57 %) et de minorités visibles (57 %); puis, parmi les 86 abandons, une attitude coercitive plus prononcée dans l'échelle sur la Dissuasion et un sens plus faible des responsabilités (question qualitative ayant trait aux qualités que croit posséder la personne).

Nonobstant ces tendances mesurées sur une période relativement courte et que l'on retrouve dans plusieurs milieux académiques, il importe toutefois de ne pas se laisser entraîner dans la facilité, celui des amalgames : qualités/avantages/inconvénients féminins et femmes ou encore des qualités/avantages/inconvénients masculins et hommes est une approche qui à long terme, a ses propres limites car la personne peut, inversement dans les deux genres, présenter des qualités/avantages/inconvénients à la fois féminins et masculins. Ce qui bien sûr n'exclut pas non plus les spécificités et qualités tant féminines que masculines propres à chacun et ce, même si les résultats ne sont pas toujours significatifs. Certaines tendances nous démontrent que dans le domaine des sciences sociales, l'être humain ne se mesure pas comme on le ferait avec une matière non organique. Il se peut aussi qu'il y a ait des différences descriptives, sans pour autant qu'elles le soient dans un langage statistique.

Au-delà des chiffres, avoir un intérêt pour le relationnel, demeure le véritable préambule à toute forme d'engagement et pour toute personne désireuse de travailler en milieu carcéral.

La troisième et toute dernière partie de cette recherche longitudinale, portera sur l'explicitation des comportements et attitudes entourant les 147 participants et participantes à leur entrée dans le monde carcéral.

Table des matières

• Remerciements
• Résumé
• Table des matières
• Introduction
• Taux de participation et chronologie des questionnaires
• Les abandons et autres attritions

• Questionnaire Pré A
• 1) Renseignement sur le profil des nouveaux agents de correction
• 2) Santé et mode de vie
• 3) Avantages et inconvénients du travail correctionnel
• 4) Attitudes à l'égard du travail correctionnel
• 5) Attitudes à l'égard des détenus
• 6) Soutien à la réinsertion sociale
• 7) La dissuasion
• 8) Orientation pour le travail social
• 9) Aptitudes sociales
• 10) Sources de motivation pour le travail correctionnel
• 11) Motivation intrinsèque à l'égard du travail
• 12) Efficacité dans le secteur correctionnel
• 13) Attentes initiales à l'égard de la formation des nouveaux agents de correction

• Questionnaire Pré B
• 1) Questionnaire sur le climat de groupe avant la participation
• 2) Cohésion sociale initiale des agents de correction
• 3) Crédibilité initiale

• Questionnaire Post
• 1) Renseignement sur le profil des nouveaux agents de correction
• 2) Santé et mode de vie
• 3) Avantages et inconvénients du travail correctionnel
• 4) Attitudes à l'égard du travail correctionnel
• 5) Attitudes à l'égard des détenus
• 6) Soutien à la réinsertion sociale
• 7) La dissuasion
• 8) Orientation pour le travail social
• 9) Aptitudes sociales
• 10) Sources de motivation pour le travail correctionnel
• 11) Motivation intrinsèque à l'égard du travail
• 12) Efficacité dans le secteur correctionnel
• 13) Perceptions postérieures à l'égard de la formation des nouveaux agents de correction
• 14) Questionnaire sur le climat de groupe après la participation
• 15) Cohésion sociale postérieure des agents de correction
• 16) Crédibilité postérieure

• Récapitulatif du traitement des observations
• Modélisation et probabilité d'abandons
• Annexe 1
• Annexe 2
• Bibliographie

Introduction

Après avoir subi les premières épreuves de sélection, des hommes et des femmes venus de bien des horizons, de tous les coins du pays et, nous le verrons un peu plus loin, pour des motifs les plus divers, allaient suivre une formation d'agent de correction au sein de leur région respective : l'Atlantique, le Québec, l'Ontario, les Prairies et le Pacifique. Opportunité d'un nouvel emploi ou annonce d'embauche au hasard du temps, certains avaient déjà oeuvré dans un domaine connexe, d'autres non. Pour la plupart d'entre eux, ils ne se connaissaient pas que déjà ils avaient en commun certaines particularités, certaines appréhensions, ne serait-ce que dans la promiscuité des lieux qui leurs étaient impartis, des buts à atteindre en un laps de temps chargé et ce besoin de réussir dans quelque chose de nouveau : l'apprentissage d'un métier ayant le statut d'agent de la paix₄. Un métier difficile et combien mal connu, celui d'agent de correction.

⁴ Conformément à la partie I de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition (LSCMLSC).

Ensemble, hommes et femmes, peuples autochtones et minorités ethniques, du plus jeune au plus âgé, quels que soient leurs parcours académiques ou antécédents de travail, allaient vivre maintes difficultés au cours de ce premier trimestre de formation. Trimestre où nombre d'entre eux échoueront à une épreuve écrite tout au long de ce processus éliminatoire composé de plus de 95 modules d'apprentissage (droit pénal, lois, règlements, gestion de cas, principes et théories criminologiques, situations de crise en passant par la résolution de problèmes, l'autodéfense, les exercices de simulation et le maniement d'armes à feu). D'autres, pour diverses raisons, préféreront simplement abandonner : offre d'un nouvel emploi, démission ou encore résultant des aléas de l'existence, telle qu'une blessure ou la maladie qui exige l'arrêt momentané ou définitif de la formation.

Face à la multiplicité des questions recouvrant 16 thèmes dont 13 échelles de mesures, plusieurs choix s'imposèrent pour pouvoir les présenter dans un cadre le moins rébarbatif possible. Surtout lorsque déjà énoncé par Sainsaulieu (1977), les conduites collectives sous contrôle statistique tentent à démontrer une façon d'être relativement globale des relations humaines et où, face à certaines tendances, il importe de ne pas nous laisser entraîner vers des hypothèses. Ce faisant, et afin de leur rendre à la fois un caractère public de l'observabilité et de reproductibilité pour l'ensemble des périodes recouvrants la totalité de cette recherche, la lecture des données s'est effectuée sur 2 types d'analyses⁵ : descriptives et psychométriques.⁶

⁵ Bien que le cadre de cette recherche dépasse l'analyse en laboratoire puisqu'elle s'effectue sur le terrain à partir de six questionnaires échelonnés sur 15 mois (collèges et établissements carcéraux), l'auteur tient à rappeler combien il importe de ne pas tomber dans certains excès quantitatifs lorsque, à la lecture de théories en psychologie organisationnelle ou environnementale, il est question de transformer en ratio des données perceptuelles. Des données qui non seulement sont en mouvance constante dans le temps mais qui iront bien au-delà de ces 15 premiers mois puisqu'elle concerne la carrière de la personne au sein d'une organisation.

⁶ À savoir : tests t, régression logistique (Menard, 2002; Hosmer et Lemeshow, 2000), analyses de variance à mesures répétées, test du khi-deux, alpha (a) de Cronbach et test de McNemar (Siegel et Castellan, 1988). Ce dernier, non-paramétrique, compare des proportions d'échantillons dépendants. En l'occurrence ici, la présence d'une variable dichotomique avant et après l'apprentissage du PFC.

Pour éviter toute redondance qui ne ferait qu'en alourdir la liste, les 163 références bibliographiques présentées dans cette deuxième partie sont nouvelles et viennent par conséquent s'ajouter au 351 déjà contenues dans la première partie de ce rapport de recherche (voir Bensimon, 2004).

Taux de participation et chronologie des questionnaires

En continuité avec La recrue en milieu carcéral : introduction à la recherche (Bensimon, ibid) , ce deuxième rapport d'une série de trois, recouvre ici la période contenue à l'intérieur du PFC, laquelle ne concerne que le collège du personnel. Période où à différents intervalles, furent remis à chacune des recrues trois questionnaires : les questionnaires Pré A (distribués en salle de cours au tout premier jour où la recrue amorçait sa formation au collège du personnel); le Pré B (7 jours plus tard) et le Post (à la toute fin de la formation collégiale), c'est-à-dire dans la dernière semaine du troisième mois de classe précédant l'entrée au sein d'un établissement carcéral.

Chaque collège de chacune des régions administratives avait son propre calendrier débutant et se terminant comme suit :

⁷ Quatre (4) recrues incorporées dans cette classe, appartiennent à la région Atlantique mais ne seront comptabilisées comme tels qu'au moment de leur nouvelle affectation dans un établissement de leur région d'origine (établissement Nova), c'est-à-dire lors du dernier rapport de cette série de trois.

Pour le questionnaire Pré A , sur un mode d'anticipation et bien que non limité dans le temps, la recrue avait environ entre une heure et demie à deux heures pour répondre à 13 thèmes dont 10 échelles (même période de temps allouée pour le questionnaire Post ).

Au premier jour de leur formation et à travers les cinq régions, la présence au Pré A dénombre 233 participants ayant répondu aux 169 questions qui le composent.

Attrition : 0, soit un taux de participation de 100 %.

Constitué de 20 questions réparties sur 3 échelles, le questionnaire Pré B (à peine un quart d'heure pour le compléter) se veut une première observation quant au groupe qui compose la classe, le choix de carrière d'agent de correction et la formation du PFC en elle-même selon les perceptions de chacun. La présence au Pré B dénombre 227 participants. Attrition : 6, soit un taux de participation de 97,4 %.

Quant au questionnaire Post , il inclut cette fois-ci le Pré A et le Pré B soit seize thèmes dont 13 échelles recouvrant un ensemble de 182 questions⁸ par un constat entre ce que la recrue anticipait au premier jour de sa formation, ce qu'elle avait appris et la réalité qui lui aura été offerte tout au long de ces 12 semaines de formation intensive. Période où la présence au Post aura été de 147 participants. Attrition : 80, soit un taux de participation de 63 % à ce troisième questionnaire.

⁸ Pour l'ensemble de cette recherche, seules 7 variables qualitatives nominales n'apparaissent que dans le premier questionnaire ( Pré A ). Il s'agit de la date de naissance, du sexe, de la race, du plus haut niveau d'instruction atteint, de la spécialisation et de l'expérience antérieure à la formation puis par quel procédé la personne a appris l'existence de cette profession.

En résumé, pour la période collégiale seulement, un total de 378 questions aura été soumis à chaque participant. Total des attritions pour la période collégiale, c'est-à-dire tous ceux et celles qui ne termineront pas leur formation PFC : 86 recrues, soit 37 % des effectifs initiaux.

Six thèmes ne sont pas mesurés dans cette partie strictement réservée à la période collégiale, à savoir : l' Empathie , l' Engagement envers l'organisation , la Satisfaction au travail , le Stress au travail , les Conflits de rôle ainsi que le Soutien des supérieurs immédiats . Six thématiques additionnelles qui seront l'objet d'une analyse lorsque seront abordés les questionnaires correspondant aux trois phases en établissement ( 3 mois , 6 mois et 1 an ).

Si l'on tient compte des abstentions face à un ou plusieurs énoncés, sur les 13 échelles que constituent les phases Pré A et Pré B présentes dans le tableau ci-contre, 226 participants auront répondu aux 189 questions (variables quantitatives ayant chacune une valeur numérique) :

Statistiques descriptives des 13 échelles

En utilisant que les variables ouvertes ayant plus de 10 % de présence (renseignements sur le profil des nouveaux agents de correction, les avantages et désavantages du travail correctionnel, la santé et mode de vie), la régression logistique du tableau récapitulatif du traitement des observations ci-dessous montre que 189 sur 233 personnes y ont répondu sans abstention. Ce qui, là aussi, est un résultat appréciable :

Récapitulatif du traitement des observations pour le taux de participation

La répartition statistique des 2 groupes (123 hommes et 110 femmes) pour ces treize échelles, se présente comme suit :

Statistiques de groupe selon la répartition hommes/femmes et pour chacune des 13 échelles

La moyenne de chacune de ces échelles a été comparée entre les hommes et les femmes à l'aide d'un test t pour échantillons indépendants.

On remarquera dans le tableau Test d'échantillons indépendants (p. 8 et 9) que plusieurs de ces échelles sont significatives (mais sous toute réserve, compte tenu de la multiplicité des tests encourus).

À savoir :

1. Attitudes à l'égard du travail correctionnel (p = 0,001);
2. Soutien à la réinsertion sociale (p = 0,001);
3. Attentes initiales à l'égard de la formation (p = 0,005).

Test d'échantillons indépendants

Mais avant d'aller plus loin dans la configuration de ces 16 thèmes, nous ne sommes pas sans savoir que le facteur spatial relève du champ, de l'espace et de leur position évoluant sans cesse au sein de ce même champ. Autrement dit, pourquoi certaines personnes arrivent à réussir une série d'épreuves et d'autres non? Dans quelle mesure l'effet vicinitaire⁹ peut-il varier d'intensité selon la situation et le rôle joués par ces personnes à l'intérieur d'un laps de temps donné et en l'occurrence ici, de la formation professionnelle entre la réussite et l'abandon sous toutes ses formes? C'est ce que nous allons aborder dans la partie suivante.

⁹ La vicinité désigne ici tous les modes de promiscuité et de mouvements dans l'espace. Les affinités et les intérêts liés au comportement ou à l'attitude, quel qu'en soit l'objet ou le sujet, en sont un exemple (Maisonneuve, 1966).

Les abandons et autres attritions

Débuter par ce thème ne relève pas d'un hasard ni d'un choix purement méthodologique, mais bien d'abord par respect pour tous ceux et celles qui ont accepté de participer à cette recherche. En effet, dans toute étude faisant appel au volontariat des participants¹⁰, le phénomène de l'attrition sous toutes ses formes (échecs, refus de participer, démissions, désintéressement ou tout simplement abandon) demeure un terrain trop souvent laissé en friche. Il existe au travers de données mathématisées, mais notre regard se porte trop souvent ailleurs. Occultée également parce qu'elle renvoie le chercheur à des zones dites secondaires pour la suite de ses travaux, l'attrition, au sens très général du terme, reste figée entre une normalité lorsqu'il s'agit de faire appel à des personnes volontaires qui peuvent se retirer à tout moment et le non-dit. Or, quelle que soit la raison imputée à cette absence de continuité, il n'en demeure pas moins que chaque personne dont le nom figurait sur la liste du Programme de formation correctionnelle , fut bel et bien sélectionnée dans l'espoir de mener à terme cette période d'apprentissage. Période qui, en théorie, aurait été suivie d'une mise en pratique pour une année complète avec pour finalité l'octroi d'un poste d'agent(e) de correction.

¹⁰ Le mot participant fut choisi en raison de son implication beaucoup plus active en terme de groupe d'appartenance à une profession et des lieux préétablis qui le représentent que celui, à un niveau beaucoup moindre, de simple répondant.

Au regard de chacune de ces personnes qui ont cru trouver une nouvelle carrière au prix de bien des efforts et maints sacrifices que nous ne saurions passer sous silence (j'entends par là l'absence de salaire, le retour aux études sur le tard, des dates butoirs avec examens dont dépend la poursuite ou non de la formation ou encore des responsabilités familiales avec un budget très restreint), plusieurs questions se posent. Y a-t-il oui ou non un élément, un indice qui pourrait différencier le groupe entre ceux et celles qui n'ont pas terminé de ceux et celles qui ont réussi? Entre ceux qui ont démissionné et tous ceux et celles qui ont décidé de poursuivre? Dans le rang des démissions ou des refus de participer, pouvons-nous dresser un profil spécifique de la personne, quelque chose qui la distinguerait des autres afin de nous aider à mieux comprendre une possible erreur de notre part dans la présentation, l'objectif recherché ou même la construction du questionnaire (même si en soi l'échec en classe n'a aucune relation directe avec le questionnaire si ce n'est son abandon automatique par retrait de la personne du programme de formation correctionnelle)?

En incluant les 15 personnes (9 hommes et 6 femmes qui ne se sont jamais présentés au premier jour de leur entrée au collège)¹¹, soit au départ 249 participants inscrits, 233 répondront au questionnaire Pré A . Certes, sur un plan purement épistémologique, les modalités entourant généralement la première phase d'une recherche par questionnaires, dans un endroit pré-établi, tel qu'un collège de formation et avec un groupe ciblé (et en l'occurrence ici de candidats potentiels pour le métier d'agent de correction), comportent généralement un taux de réussite très élevé mais qui, pour différents facteurs, ira rapidement en décroissant. Ce qui explique qu'une totale participation à cette première phase Pré A , repose en grande partie sur six (6) facteurs :

¹¹ Ces recrues portant un code d'identification par classe de PFC, n'entrent pas dans l'analyse des données pour ce deuxième rapport. Elles figuraient néanmoins dans le recensement pour la présentation par région tel que décrit dans : La recrue en milieu carcéral : introduction à la recherche, (ibid. p. 49).

1. les participants sont réunis dans un endroit fermé et au tout premier jour de la formation;
2. parce que se sachant placés sous observation par différentes autorités (Matalon, 1988) puis mis sur la sellette par l'importance accordée à la toute première recherche effectuée par le SCC sur son personnel¹² et en l'occurrence ici, des agents de correction en devenir;
3. ayant fort probablement un désir de plaire (Blalock, 1972) ou tout bonnement de se conformer face aux personnes en position d'autorité venues présenter les objectifs de cette recherche via six questionnaires échelonnés sur un calendrier de 15 mois;
4. faisant également partie d'un groupe sélectionné par le nombre et les objectifs où personne n'est en position d'argumenter le bien fondé ou non de cette recherche;
5. par peur de refuser de répondre même si le protocole d'entente laisse le libre choix à la personne d'en accepter ou non sa participation (indicateur de neutralité);
6. et tout simplement aussi par croyance et adaptation d'un comportement apparemment recherchées par le questionnaire.

¹² Recherche que nous ne devons pas confondre avec des sondages tels que déjà effectués par le passé.

Résultat : aucun répondant à travers les cinq régions et pour les dix classes du PFC ne refusera de répondre au premier questionnaire ( Pré A ). Attrition : 0 %.

Les abandons et autres attritions ne commenceront à poindre qu'à partir de la deuxième semaine de formation puis, subséquemment, tout au long des dix semaines suivantes. Au total, un retrait définitif de 86 participants recouvre l'ensemble de la période collégiale. Six (6) personnes au Pré B et 80 pour la période Post .

En ce qui concerne la spécificité du questionnaire, dans ses différents thèmes successifs, et des motifs entourant l'attrition sous toutes ses formes, il est à noter que chaque question enregistrera s'il y a ou non un changement d'habitudes au fil du temps, tant dans la consommation de tabac ou d'alcool, que dans la perception que peut avoir la personne concernée face aux modulations évolutives de son environnement immédiat. La personne participante peut avoir formulé telle réponse ou cocher telle gradation de l'échelle dans le questionnaire Pré A , la maintenir dans les questionnaires Post et celui des trois premiers mois en établissement, puis opter pour une toute autre réponse dans celui correspondant à la période de 6 mois ou 1 an. Or, tel que déjà présenté en introduction, la gradation des réponses dans un espace temps correspond à des séquences évolutives, qui peuvent échapper au répondant et l'amener ainsi à abandonner sa participation.

Pour prendre un deuxième exemple, y a-t-il ou non un lien lorsque la personne participante n'a peut-être jamais pris d'antihistaminiques de toute son existence, mais finit par en consommer passé le sixième mois en établissement, et si oui, est-elle suffisamment significative?

Pour la personne qui répond à chacune de ces questions, l'ennui peut rapidement susciter un désintérêt et une inévitable augmentation du taux d'abandons. Malgré que le processus en lui-même ait été clairement expliqué en classe, dès la première matinée de formation au collège, il est entendu que la répétition de certaines parties du questionnaire peut, pour la personne participante, avoir un aspect redondant où il lui semble avoir déjà répondu à toutes ces questions posées dans le précédent questionnaire.

L'environnement carcéral, et nous le verrons dans le rapport final, n'est pas non plus à sous-estimer. L'objectif d'une recherche dans l'esprit des participants, s'estompe à défaut d'être réactivé sur place par ceux-là même qui en avaient présenté toute l'importance. Et puis, la teneur du questionnaire semble correspondre à une autre époque, celle du collège, or depuis, la personne a fait face à bien d'autres réalités.

Pour contrer ces types d'attritions, surtout pour les questionnaires recouvrant les échéanciers correspondant aux périodes allant de 3 mois , 6 mois et 1 an en établissement, chacune des classes du PFC et à travers les cinq régions fut suivie par le biais d'un courriel les incitant activement à poursuivre cette recherche. Nombre de recrues n'ayant pas reçu ledit questionnaire, soit par changement d'affectation, soit pour avoir omis de me le retourner par simple oubli, se virent inviter personnellement à le faire en leur rappelant à tous et à toutes qu'il s'agissait d'une première au SCC et que ce n'est qu'avec leur pleine et entière participation que les résultats de cette recherche verraient le jour.

Non spécifié dans le questionnaire, la formulation syntaxique des questions laisse au répondant une certaine marge de manoeuvre dans le choix de ses réponses (échelle de Likert graduée de 1 à 5 ou de 1 à 7). D'une clarté qui n'est pas toujours évidente, une fois traduite de l'anglais au français, rappelons que plusieurs questions ne font que respecter la validation officielle du questionnaire préétablie par son auteur et qu'il ne m'appartenait pas d'en changer la phraséologie, même si cette dernière laissait parfois à désirer.

Toutefois et en dépit des fautes langagières, pour l'ensemble de la recherche, seuls onze commentaires écrits, à la main en marge ou en page frontispice du questionnaire, furent relevés à l'effet qu'une seule question était répétée à deux endroits ou que l'énoncé ne reposait pas sur une interrogation mais bien un énoncé. Pour des raisons d'objectivité, il ne m'est pas paru nécessaire de souligner cet aspect, d'autant plus qu'une question cochée au hasard peut être facilement relevée en terme de logique axiomatique. Autre point, deux cas isolés furent notés pour les 15 mois de formation et sur l'ensemble des cinq régions pour avoir expédié un questionnaire où les réponses en zigzags (de 1 à 7 et de 7 à 1) eurent comme conséquence l'annulation du questionnaire (1 pour la période de 6 mois et le second pour celui correspondant au dernier envoi - période d'un an en établissement). Cela dit, en comptabilisant les motifs invoqués pour les abandons et autres attritions parmi ces 86 participants, sept (7) raisons sont clairement évoquées :

1. 74 échecs liés directement à la formation (examens théoriques et pratiques).
2. 7 refus de répondre par abstention ou retrait volontaire tel que permis dans le protocole de consentement dans le questionnaire Post .
3. 1 démission (autre emploi - police).
4. 1 pour raison médicale.
5. 1 pour s'être blessé à l'entraînement.
6. 1 pour maladie.
7. 1 questionnaire perdu dans le courrier.

En incluant les sept (7) refus de répondre dans le questionnaire Post , une (1) démission pour fin d'un autre emploi, une (1) pour raison médicale, une (1) pour s'être blessé à l'entraînement et une (1) pour maladie et la (1) perte d'un questionnaire dans le courrier, nous avons un cumul de 86 attritions (46 hommes et 40 femmes) à travers les cinq régions administratives et pour l'ensemble des douze premières semaines du PFC.

La période de formation au collège ne retiendra donc, à la toute fin des différentes épreuves écrites, qu'un total de 147 recrues. Cent quarante-sept recrues qui se verront affectées à un établissement selon les besoins préétablis par les régions lors de la formation initiale. Là encore, les attritions seront séquentielles pour chacune des trois phases ultérieures ( 3 mois , 6 mois et 1 an ).

À titre comparatif, dans son étude datant de 1988, et bien qu'elle diffère du contexte canadien, Kauffman avait dénombré un taux d'abandon de 20 % lors de la première année d'affectation au sein des établissements fédéraux. Ce qui en soi est énorme, ne serait-ce d'abord que sur le plan de la personne, puis ensuite, des coûts encourus pour la formation.

Face aux abandons qui ont eu lieu, avant même de se présenter au collège du personnel dès la toute première journée, il n'existe pas d'information les concernant autres que démographiques. Les raisons invoquées par ces 15 personnes demeurent inconnues puisque, telles que déjà susmentionnées, elles ne furent plus comptabilisées dans la liste des abandons et autres attritions dès l'amorce du questionnaire Pré A .

Ces abandons, tentent à démontrer qu'il ne s'agit pas d'une formation prise à la légère. Cette formation professionnelle exige à la fois des habiletés physiques implicites (même s'il s'agit moins ici d'aptitudes puisque les épreuves physiques ne sont plus éliminatoires depuis octobre 2002)¹³ et une grande capacité mnémonique à assimiler rapidement les 95 modules d'apprentissage. En s'abstenant de toutes généralisations hâtives et nous verrons un peu plus loin pourquoi, ces abandons s'expliqueraient par les différentes phases d'examens sur la matière en général¹⁴, y compris les épreuves de tir.

¹³ Le test d'aptitudes physiques des agents de correction (TAPAC) fut aboli suite à une vérification par la Commission canadienne des droits de la personne parce qu'il ne répondait pas aux exigences de la Loi sur l'équité en emploi. Identifié d'une part comme une barrière d'employabilité pour les femmes autochtones et minorités visibles et de l'autre, non seulement le TAPAC n'était pas indispensable pour assurer le fonctionnement efficace et la sécurité des établissements mais qu'il y avait une disparité entre les agents déjà en poste qui n'avaient pas eu à subir cette épreuve physique et l'élimination des recrues qui ne rencontraient pas les normes. Résultat : ladite commission ordonna son retrait définitif.

¹⁴ Mission du Service correctionnel du Canada, système de justice pénale, typologie des comportements criminels, techniques d'intervention, gestion de cas, ressources intra et extra muros, capacités à communiquer verbalement et par écrit, compétence d'analyse, motivationnelle et organisationnelle.

Face à certaines questions, les analyses statistiques suivantes, présentées sous forme de tableaux, ont toutes été établies avec test du khi deux afin de mesurer l'association des variables et les analyses de variance (test-t) pour comparer les moyennes. À savoir :

1) Y aurait-t-il une différence entre le nombre d'abandons chez les hommes et chez celui des femmes?

Réponse  :

Aucune différence significative entre ces deux groupes respectivement de 37,4 % et de 36,4 % tant dans la période Pré A que Post  :

2) Qu'en est-il de la scolarité?

Si l'aspect physique n'est plus éliminatoire dans le processus de sélection, on devrait s'attendre, en théorie tout du moins, à ce que les personnes ayant accédé à une formation universitaire complétée ou non, aient en principe de meilleures prédispositions académiques.

Réponse  :

Bien que le résultat soit non significatif, sur 86 participants n'ayant pas complété la période Post , 32 ont un degré universitaire, 27 un niveau collégial et 27 un certificat d'études secondaires. Un degré de scolarité plus élevé dans la réussite de cette formation d'agent de correction n'est donc pas le cas puisque, bien que proportionnel au nombre, 39% d'entre eux échoueront, soit la fréquence la plus élevée des trois types d'attrition :

Cette question basée sur l'autorévélation ne nous indique pas toutefois de quel cycle universitaire il s'agit ni si la personne est ou non diplômée. En regroupant les participants ayant une scolarité collégiale et universitaire ayant réussi et ceux qui ont échoué leur formation PFC, le pourcentage entre les deux n'en démontre pas moins un écart non significatif (78 % de participants contre 68 %).¹⁵

¹⁵ Le chiffre englobe tous ceux et celles qui n'ont pas répondu au Post. Les refus de répondre (7 %) ne sont significatifs.

Bien que provisoire et trop récente dans le temps, l'hypothèse de départ : La satisfaction au travail (Bensimon, ibid; Morgeson et Campion, 1997) alliant abandon et niveau de scolarité plus élevé ne peut être pour le moment corroboré car il ne s'agit que d'une très courte période (3 mois) et non d'un résultat découlant de plusieurs années autour d'une seule et même activité professionnelle. D'autres variables, regroupant des aspirations personnelles des plus diversifiées, pourront ultérieurement en expliquer l'abandon tels que : la crainte et nature des tâches répétitives, l'absence d'autonomie, un plan de carrière limité, l'anticipation d'une situation négative. Quatre variables qui ne seront pas sans se répercuter dans différentes sphères sociales après quelques années de service.

Néanmoins, pour ce qui est de la scolarisation, la formation continue offerte par l'employeur permet à la personne de parfaire ses connaissances et le cas échéant, si elle le désire, de poursuivre des études universitaires selon un horaire pré-établi et une évaluation de rendement annuel répondant à un plan de carrière défini.

3) Serait-il possible que l'âge ait un rôle à jouer?

Réponse  :

La lecture des données dans cette phase d'observation préliminaire, ne donne aucune différence entre les deux groupes ayant ou non réussi : la moyenne d'âge étant de 32 ans. Le tableau Statistiques de groupe ci-dessous, nous montre l'âge entre les deux périodes Pré A et Post  :

Statistiques de groupe

4) La personne ne serait-elle pas plus désavantagée à assumer une paternité/maternité dans le choix de cette nouvelle formation professionnelle?

Réponse  :

À la lecture du tableau suivant, même si le groupe célibataire dans la présence au Post n'en demeure pas moins le plus élevé, il n'y a pas de différence significative entre ceux et celles qui ont un ou plusieurs enfants à charge de ceux et celles qui n'en ont pas :

Les responsabilités familiales ne semblent donc pas placer la recrue dans une position désavantageuse, même si cette dernière ignore (au même titre que toutes les autres personnes participantes) si oui ou non elle réussira son stage de formation, alors qu'elle a parfois pris la décision de refuser une autre offre d'emploi; ni lorsque cette attente incertaine et sans le moindre salaire ne pouvait en toute assurance légitimer des responsabilités familiales sur une période fixe (3 mois). Logée (pour celui ou celle qui demeure en région éloignée) et exception faite des déjeuners défrayés par le collège, la recrue demeure sans la moindre garantie de terminer avec succès sa formation professionnelle et qui plus est, sans salaire pour toute la durée de son stage. Or, si cette personne mène une vie de couple avec ou sans enfant, cela exige que l'autre partenaire ait un revenu suffisant pour subvenir aux besoins les plus élémentaires. Cela exige surtout un grand courage et de la détermination à vouloir apprendre ce métier. Courage et détermination auxquels s'ajoute l'effet pervers de la compétition entre ceux qui resteront et ceux qui abandonneront, ceux qui s'intègreront rapidement au groupe pour différents motifs et ceux qui se remettront en question face au choix de cette nouvelle carrière hors du commun.

5) Serait-ce un ou plusieurs de ces 16 thèmes (incluant 13 échelles) durant cette

formation de trois mois qui auraient pu faire ressortir un rôle décisif entre la réussite et l'abandon?

Réponse  :

Au stade de ce deuxième rapport, certaines tendances présentées dans le tableau Test d'échantillons indépendants démontrent plusieurs fréquences significatives entourant ces 13 échelles dont celles sur la dissuasion plus élevée au sein des attritions et le sens des responsabilités moins marquée toujours au sein du même groupe. Mais ces deux observations exigent d'être très prudents car aux capacités cognitives qui vont évoluer dans le temps, la personne apprenante peut être déçue par son choix ou tout simplement offrir de la résistance à ce qu'elle avait perçue comme étant secondaire ou sans réelle importance. La totalité du travail assignée au personnel du SCC repose sur des principes directeurs et des valeurs chapeautés par la primauté du droit qui exigent non seulement d'être appris, compris, mais appliqués de façon systématique. Une évidence que plusieurs personnes n'ont peut être pas ressentie au cours de ces trois mois de formation.

Test d'échantillons indépendants

En tenant compte de chacune des 13 échelles et à la lueur du tableau Statistiques de groupe pour cette deuxième partie, aucune démarcation vraiment significative ne différentie les abandons de ceux qui termineront avec succès leur formation, à savoir :

Statistiques de groupe entre le Pré A et le Post

Autre observation, les attritions au sein des cinq régions. Alors que la moyenne nationale est de 36,9 %, celles de l'Atlantique présente un taux de 75% d'abandons et les Prairies, de 69,2 %.

Le tableau croisé suivant nous présente la répartition des abandons pour les cinq régions administratives :

Dernière observation : l'appartenance ethnique. Les deux groupes, Autochtones et minorités visibles après 3 mois de formation, sont les plus affectés par les abandons. Sur un total de 86 personnes n'ayant pas mené à terme le PFC, 46 (28,2 %) sont de race caucasienne; 20 (57,1 %) sont autochtones et 20 (57,1 %) relèvent de minorités ethniques visibles (on notera que dans le tableau croisé PréA -démo-race, ces deux derniers pourcentages sont identiques) :

Former de futurs professionnels nécessite des investissements à longue durée et à la lecture de ces données, consignées à partir du 23 septembre 2002 jusqu'au 3 octobre 2003 pour la seule période collégiale, il nous ait possible de voir combien ces réponses ne sont pas sans démontrer toute l'importance qu'il nous faut accorder à la philosophie du Service correctionnel du Canada, lorsqu'il s'agit de l'embauche de candidats et en l'occurrence ici, de futurs agent(e)s de correction. Lors de deux études antérieures, la première en 1985 avec Walher et Gendreau puis la seconde avec Simourd en 1997, il fut démontré à quel point les habiletés attitudinales et comportementales liées aux cinq valeurs clés du SCC ( respect, désir d'apprendre et de changer, intégrité, souci d'obtenir des résultats et travail d'équipe ) pouvaient être déterminantes à courte et moyenne échéance, indépendamment du statut social, du sexe, des antécédents de travail ou de la scolarisation de la personne.

Résultat d'une étude récente : sur un échantillonnage de 1 357 recrues, 177 (13 %) agents de correction avaient quitté le SCC dans les 30 mois suivant leur entrée en fonction (Service correctionnel du Canada, 2001). Chiffre relativement important si l'on considère que dans le cas présent, sur 233 participants, 126 ont choisi d'apprendre ce métier pour la stabilité de l'emploi (motivation extrinsèque).

Aux États-Unis, le taux de roulement du personnel relié à la sécurité dans le secteur publique des établissements carcéraux et pour la seule année 1998, se présentait comme suit : 63 % restaient en poste, 15 % prenaient leur retraite et 22 % avaient quitté la profession pour des raisons inconnues (Workforce Associates, 2004; Blakely et Bumphus, 2004).

Les besoins de la population carcérale, l'avancée des sciences sur le comportement et l'attitude des délinquants via l'aspect clinique des programmes mis en place ainsi qu'une pluralité ethnique de plus en plus présente¹⁶, exigent de la personne en place une adhésion complète au mandat de réadaptation conféré par la loi au Service correctionnel du Canada. Ce souci d'investir à la fois dans le processus de sélection initial et à la fois dans le capital humain demeure d'autant plus crucial que les trois-quarts des recrues passeront fort probablement toute leur existence professionnelle au sein du SCC (Tellier et al., 2001).

¹⁶ Présence qui correspond aux fluctuations migratoires.

Retenons que cette contribution du personnel au processus de réadaptation et son adhésion aux valeurs de la mission demeurent l'élément clé dans la sélection des nouveaux agents de correction. Sélection qui, récemment, a fait l'objet de plusieurs recherches d'appoint, dont l' Ohio Correction Assessment Center (OCAC) (Stickrath et Sheppard, 2004).

Questionnaire Pré A

Cette première partie regroupe l'ensemble des données, incluant tous ceux et celles qui ne mèneront pas à terme leur formation puisque aucune attrition n'y est relevée. Toutefois, avec ou sans abandon, la masse critique des réponses se doit d'être lue avec beaucoup de circonspection étant donné leur fréquence modulatrice entre ce qui est dit au tout premier jour de la formation et ce qui le sera au terme du troisième mois pour ces mêmes personnes. C'est pourquoi nous ne retiendrons dans cette phase du questionnaire Pré A qu'une présentation statistique descriptive sans différenciation entre les groupements autres que masculin et féminin. Certaines variables, telles que les tranches d'âge ou la scolarisation sur la polarisation des questions/réponses entre ceux et celles ayant ou non réussis, ne seront mises en valeur que dans la partie Post du présent rapport. Laquelle nous permettra d'établir des tableaux croisés entre ces deux périodes.

L'ordonnancement des questions du Pré A , Pré B et Post remis à la personne participante se présente en sections (de 1 à 5) et non par thème.¹⁷

¹⁷ Voir Annexe 1.

1) Renseignement sur le profil des nouveaux agents de correction

Nous amorçons donc cette première partie par un ensemble de variables démographiques couvrant le profil général des 233 recrues à l'échelon national.

1) L'âge  

Sur 10 classes et un total de 233 participants, l'âge moyen hommes/femmes pour les cinq régions est de 32,3 ans¹⁸:

¹⁸ L'âge est calculé en prenant le premier jour d'entrée au PFC pour chacune des dernières classes de chaque région.

Comme nous pouvons le constater ci-dessous, la moyenne est plus âgée chez les hommes (33,9 ans) que chez les femmes (30,6 ans)

Cette moyenne d'âges aussi bien pour les hommes que pour les femmes, semble vouloir démontrer que les recrues ont déjà un vécu social beaucoup plus prononcé que dans bien d'autres domaines où l'apprentissage est amorcé au début de la vingtaine. Point à souligner, cette variable démographique entre 20,5 et 52,6 ans n'est pas étrangère à l'effondrement de la natalité dans les années soixante-dix, aux conjonctures économiques et le cas échéant, à opter pour une seconde ou une troisième carrière (Foot et Stoffman, 2000). Ce qui n'était pas le cas pour la génération précédente où la personne pouvait oeuvrer toute sa vie dans un seul domaine et très souvent au même endroit.¹⁹ Situation que nous retrouvons parmi les agents ayant au moins une vingtaine d'années d'ancienneté comparativement à ceux qui ont débuté au début de l'année 2000.

¹⁹ Je fais référence ici à la génération des baby-bust contrairement à ceux communément appelé baby boomer nés au milieu des années quarante et début soixante.

Pour ce qui a trait à l'âge et l'appartenance raciale, comme le démontre ici l'analyse de variance, aucune différence significative n'est relevée :

2) L'état civil :

Comme l'indique le tableau croisé suivant :

• 101 participants sont célibataires dont 36 hommes et 65 femmes.
• 116 participants sont mariés/union de fait dont 78 hommes et 38 femmes.
• 16 participants sont séparés/divorcés dont 9 hommes et 7 femmes.
• 0 veuf/veuve.

3) Le sexe :

123 (52,8 %) hommes et 110 (47,2 %) femmes :

4) Avez-vous des enfants? 1) Oui 2) Non

113 participants ont un ou plusieurs enfants. Sur ce nombre, 15 sont célibataires; 84 sont mariés/union de fait et 14 sont divorcés/séparés. Pourcentage non négligeable dans l'amorce d'une deuxième, voir d'une troisième profession :

5) Région de sélection :

6) Quelle(s) langue(s) parlez-vous?²⁰

²⁰ Il s'agit ici de l'autorévélation du sujet et non d'une réponse certifiée par le résultat d'un concours émanant des langues officielles.

Anglais : 194 participants disent parler anglais;

Français : 72 participants disent parler français;

Autre(s) langue(s) : bien que non spécifiée(s), 26 participants (1 abstention) disent parler une langue autre que l'anglais ou le français

7) La répartition par race est la suivante :

• 163 (70 %) participants sont de type caucasien;
• 35 (15 %) participants sont autochtones;
• 35 (15 %) participants appartiennent à des minorités visibles.

Répartition de la race, selon les cinq régions administratives :

8) Quel est le plus haut niveau d'instruction que vous avez atteint?

Secondaire  : 59 participants dont 37 hommes et 22 femmes. Parmi ces deux groupes, 34 sont de type caucasien; 20 d'appartenance autochtone et 5 relevant de minorités ethniques.

Collège  : 92 participants dont 46 hommes et 46 femmes. Parmi ces deux groupes, 71 sont de type caucasien; 11 d'appartenance autochtone et 10 relevant de minorités ethniques.

Université : 82 participants dont 40 hommes et 42 femmes. Parmi ces deux groupes, 58 sont de type caucasien; 4 d'appartenance autochtone et 20 relevant de minorités ethniques.

Point particulier, des trois groupes, celui de la minorité visible présente le plus haut taux de participants ayant atteint un degré universitaire (57,1 %) :

9) Si vous avez achevé une formation post secondaire, vous êtes-vous spécialisé(e) dans les services correctionnels, la criminologie, la justice pénale ou des domaines parallèles (droit et sécurité)?

À question, 11 abstentions.

• 113 participants ont déjà étudié dans un domaine connexe :

10) Veuillez indiquer la nature de toute expérience professionnelle connexe  :

À cette variable qualitative ordinale et pour chacune des 4 modalités suivantes, 22 abstentions. La dernière présente 21 abstentions.

Police  : 13 participants ont déjà effectué un stage dans la police.

Sécurité  : 75 participants présentent des antécédents d'emploi dans le domaine de la sécurité.

Armée  : 20 participants ont déjà eu à leur actif une période d'emploi dans l'armée.

Travail social  : 57 participants ont déjà travaillé dans le domaine.

Autre  : 100 participants cumulent diverses activités autres que celles déjà énumérées.

Sur ces cinq facettes liées à une occupation professionnelle, 41 personnes déclarent avoir déjà oeuvré dans deux ou plusieurs de ces domaines. De ce nombre, 30 auraient déjà occupé un travail relié à la sécurité; 24 dans un autre domaine que ceux déjà énumérés; 19 dans un travail social et 11 dans l'armée. Si l'on regroupe la dynamique ordre, surveillance et port de l'uniforme, on totalise 108 (46 %) participants sur 233.

11) Comment avez-vous appris l'existence de cet emploi?

À cette variable qualitative et pour ces 5 modalités, aucune abstention.

• Par guichet emploi  ( Internet ) : 16 (6,9 %).
• Par un ami ou une connaissance  : 66 (28,3 %).
• Par le biais d'une relation familiale  : 29 (12,4 %).
• Par la publicité (centre d'emploi, affichage, média) : 42 (18 %).
• Par autres procédés  : 105 (45,1 %).²¹

²¹ Par autres procédés, peut signifier une circonstance fortuite (construction d'un établissement pénitentiaire dans une région éparse avec embauche prioritaire pour ses habitants) ou du milieu scolaire (présentation en classe du métier d'agent de correction parmi les différents secteurs de justice pénale).

12) Quelles sont, parmi les qualités que vous croyez posséder, celles qui vous aideront le plus à titre d'agent de correction? Veuillez vous limiter à trois²² :

²² Annexe 2. Première question qualitative où chaque mot est répertorié sous un mot clé tel qu'écrit par la personne dans l'espace qui lui ait réservé. Plusieurs mots identiques ressortent dans un seul et même questionnaire mais seulement dans l'une des trois autres questions. Aucun mot n'est employé deux fois dans la même réponse (énoncé qui s'applique également aux trois autres questions qualitatives avec écriture libre).

Le jugement que l'on peut porter envers une profession s'exerce à la fois sur son attrait affectif en rapport avec le poids économique qui lui est attribué dans la vie sociale et à la fois sur ses particularités, qui en font toute la distinction avec une autre (Cambon, 2004; Beauvois, 1995).

Afin de ne pas nous éparpiller sur la totalité des qualités présentées et dont certaines fréquences n'ont pas d'impact sur le nombre (polarisation du Pré A ) et sans pour autant les abandonner puisque tel que précédemment mentionné certaines d'entre-elles seront reprises dans la phase Post , ne sont retenues que les fréquences hommes/femmes supérieures à 10 (5 %). La personne énumère par écrit les principales qualités pouvant l'aider dans son futur travail.

Deux thèmes s'extirpent de façon très nette de cette autorévélation : l'empathie avec 156 (66,7 %) des 233 participants et 150 (64,1 %) pour l'intégrité au travail. Puis, très loin derrière, le travail d'équipe avec 37 (15,9 %) participants; le sens des responsabilités avec 34 (14,6 %) participants; le désir d'apprendre et l'expérience humaine, tout deux avec respectivement 30 (12,9 %) participants. Aux extrémités de ce tableau très fluctuant, la bonne condition physique (ns) ou un intérêt pour un travail lié à la sécurité (ns) n'est respectivement représentée ici que par 4 (1,7 %) participants. Il ne s'agit toutefois que d'un ordre de priorité donné par la personne et dont plusieurs mots-clefs se retrouveront un peu plus loin dans les trois autres questionnaires qualitatifs.

2) Santé et mode de vie²³

²³ Les deux questions suivantes se lisent 9 et 10 dans le questionnaire remis à la personne participante.

Le tabac

1) Consommez-vous des produits du tabac? 1) Oui 2) Jamais :

2) Si vous fumez, combien de cigarettes par jour fumez-vous en moyennes?

1) 1-4 2) 5-9 3) 10-19 4) 20-29 5) 30 ou plus

Sur 232 participants (1 abstention), 66 se disent fumeurs dont 29 hommes et 37 femmes. Cette donnée brute (à condition qu'elle soit significative) ne sera analysée qu'ultérieurement et en fonction de l'environnement carcéral après 3 mois, 6 mois et 1 an passé en institution.

Toutefois, avec 3 abstentions, la consommation quotidienne de cigarettes au premier jour de la formation, se présente comme suit :

La moyenne se situant ici entre 5 à 9 cigarettes par jour et sans différenciation significative entre les deux sexes.

Consommation d'alcool   :

Ce thème peut placer la personne dans une position extrêmement délicate et refléter un taux bien inférieur à la réalité lorsque l'on aborde la consommation d'alcool, surtout au premier jour de la formation. Sous toute réserve d'un effet possible de stigmatisation, 25 participants s'abstiendront de fournir une réponse (même erronée) aux questions 2 et 3 (11 et 13 dans le questionnaire).

À la question :

1) Consommez-vous de l'alcool (bière, vin, panaché ou spiritueux)?

1) oui 2) Non, je n'en ai jamais consommé

Avec 1 abstention, 211 participants reconnaissent consommer de l'alcool (105 hommes et 106 femmes) :

2) Au cours des trois derniers mois, combien de fois avez-vous pris cinq consommations ou plus en une seule et même occasion?

Comme nous le démontre le tableau croisé suivant, avec 27 abstentions, pour ce qui relève de la fréquence de consommation pour les deux sexes, 53 participants (26 hommes et 27 femmes) répondent une seule fois; 54 participants (25 hommes et 29 femmes) de deux à trois fois et 18 (14 hommes et 4 femmes) de 4 à 6 fois :

3) Au cours d'une semaine moyenne, durant combien de jours avez-vous pris au moins un verre d'alcool?

Avec 25 abstentions, 47 (30 hommes et 17 femmes) répondent une fois par semaine et 23 (14 hommes et 9 femmes) de deux à trois fois par semaine :

Tout comme pour le tabac ou l'alcool, le thème suivant, celui des produits pharmaceutiques, sera analysé selon la courbe de consommation lors de l'assignation en établissement pour les trois prochaines étapes du questionnaire ( 3 mois , 6 mois et 1 an ).

Médicaments

4) À quelle fréquence utilisez-vous des produits pharmaceutique ou médicaments vendus sans prescription?

Question totalisant 1 abstention :

a- Médicaments anti-douleur (Tylenol, Aspirine...) :

Presque une fois par semaine - 27 (11 hommes et 16 femmes).

À peu près une fois par mois - 68 (22 hommes et 46 femmes).

Rarement ou jamais - 133 (88 hommes et 45 femmes).

b- Médicaments antiacide (Tums, Rolaids, Maalox...) :

Question totalisant 9 abstentions.

Presque une fois par semaine - 9 (4 hommes et 5 femmes).

À peu près une fois par mois - 27 (16 hommes et 11 femmes).

Rarement ou jamais - 186 (99 hommes et 87 femmes).

c- Antihistaminiques (Seldane, Hismanal...) :

Question totalisant 8 abstentions.

À peu près une fois par mois - 9 (4 hommes et 5 femmes).

Rarement ou jamais - 212 (115 hommes et 97 femmes).

3) Avantages et inconvénients du travail correctionnel

1) Tout travail comporte ses avantages et ses inconvénients. Quels sont les avantages et les inconvénients liées au travail d'agent de correction? Veuillez énumérer les avantages  :

Compte tenu de la tranche d'âge, aussi bien chez les femmes (30 ans) que chez les hommes (33 ans), les attentes semblent plus marquées qu'elles ne le seraient avec un groupe dont la moyenne d'âge serait de 20 ans. Règle générale, les participants plus âgés démontrent des attentes et une plus grande reconnaissance sociale liée à leur expérience antérieure sur le marché du travail. Toutefois, même si l'aspect extrinsèque se recoupe en plusieurs endroits, il est intéressant de noter qu'au stade de cette première journée de formation au collège, la relation d'aide arrive en deuxième plan. Au regard de l'extraction des données, les 13 pôles prédominants entourant les avantages, sont les suivants :

2) Veuillez procéder de la même façon avec les inconvénients   :

N'ayant jamais exercé le métier d'agent de correction et contrairement aux avantages potentiellement mesurables (relation d'aide, permanence de l'emploi, salaire ou avantages sociaux), la liste des inconvénients se veut une anticipation à la réalité. Anticipation suscitée par l'imagerie mentale et non par l'expérience sur le terrain puisque la personne n'en est qu'au stade de l'apprentissage théorique. Apprentissage exonéré de tout contact avec la population carcérale. Contrairement à l'opinion défavorable que le public peut avoir à l'égard de la profession ou encore l'absence de reconnaissance liée à la tâche, le stress figure en tête de ligne avec 145 participants. Loin derrière mais qui interagit directement avec l'anticipation du stress : le milieu et l'ambiance négative avec 49 participants, puis 47 pour les accidents au travail (violence, suicide, prise d'otages), 12 pour la clientèle difficile.

Dans un autre ordre d'idée, viennent les quarts de travails (roulement de jour, soir, nuit, fin de semaine, jour férié) avec 82 participants, 18 pour les opinions divergentes, 15 pour la vie sociale restreinte et 11 pour la routine. Il n'en demeure pas moins que 8 domaines dominent les inconvénients :

3) Hormis les avantages et inconvénients susmentionnés, il peut y avoir d'autres raisons de vouloir exercer ce métier. Par exemple, certains membres de votre famille peuvent être ou avoir été agents de correction. Veuillez donc énoncer ces raisons :

L'influence extérieure (famille, relations extrafamiliales ou simple connaissance) domine cette question avec 73 participants et 49 pour un travail lié à la sécurité, 22 pour la stabilité d'emploi, 18 pour avoir fait des études dans un domaine parallèle, 12 pour la relation d'aide et 12 pour la promotion :

Nota  : l'ensemble des données suivantes a été récupérée sur Excel afin d'être mise en forme pour y effectuer les analyses descriptives sur le logiciel SPSS 13 . Lequel permet d'effectuer des tests du khi-deux de Pearson. Autre point, les résultats qui présentent une valeur inférieure à 5 % (.05) seront jugées statistiquement significatifs et ce, par le biais d'un second tableau test du khi-deux .

4) Attitudes à l'égard du travail correctionnel²⁴

²⁴ Au risque d'être redondant en terme d'avertissement et pour chacun des différents thèmes qui vont suivre pour les questionnaires Pré A et Post, il est important de rappeler au lecteur que plusieurs thèmes placent la personne participante dans l'expectative et non la réalité puisqu'elle amorce sa toute première journée de formation. Par ailleurs, les questions inversées n'apparaissent que dans la partie statistique.

Pour ce qui est de cette première série de 12 questions fermées et que la personne légitime par vrai ou par faux, le groupe des 233 participants se trouve départagé entre ceux et celles qui ont une vision positive de l'emploi de ceux et celles pour qui cette opportunité repose sur des considérations autres que l'objet même du travail pour lequel ils ont été initialement sélectionnés. Toutefois, pour nombre de personnes, cette vision très générale pourrait changer au fil du temps selon les renforcements (positifs ou négatifs) liés à l'environnement et l'expérience du terrain.

1) Pour différentes raisons, le public a une mauvaise perception de notre travail en milieu carcéral.

Avec 2 abstentions. 92 participants (49 hommes et 43 femmes) ont répondu par l'affirmative contre 139 :

Enfermement, murs, contrainte, réprobation sociale incarnée dans l'architecture carcérale et de tous ceux et celles qui y travaillent, l'énoncé qui ne se retrouvait pas dans la version qualitative des désavantages (puisqu'il s'agissait d'une question semi structurée), révélait 3 % de participants pour qui la représentation publique de la profession reflète un effet stigmatique. Image perceptuelle qui draine avec elle son lot de subjectivités à l'encontre de la profession et pour ces 92 personnes, avant même d'y avoir travailler.

Comme l'écrit Mbanzoulou (ibid), dans le monde d'aujourd'hui, la liberté et les droits de l'homme ont pris une telle importance que l'agent de correction, en dépit de l'utilité de ses fonctions, nous confronte à l'ambivalence de nos affects à l'égard de la peine affligée aux détenus. D'où, écrit-il, liée à l'histoire pénitentiaire, l'inclination naturelle à l'occultation envers ceux qui exercent ce métier.

2) Un des éléments les plus gratifiants du travail est son aspect stimulant.

En dépit d'une surreprésentation négative entourant la profession auprès du public, avec 1 abstention, 205 des participants sont en accord avec un des aspects intrinsèques (aspect stimulant) dont 108 hommes et 97 femmes :

Là encore, sans confrontation directe avec la pratique et au même titre que l'anticipation de plusieurs incidents possibles (émeutes, prise d'otages, blessures), le métier d'agent de correction se trouve bardé d'images liées à l'atmosphère carcérale, la sécurité intimement liée à l'insécurité latente en tout temps (contrairement à toutes les autres catégories de professionnels du monde de la justice où la criminalité est intermittente), la relation d'aide, la suspicion, la gestion du temps éternellement conjuguée au futur.

L'agent de correction est un policier intra muros dont la charge n'est pas de trouver puis d'arrêter la personne ayant posé des gestes criminels, mais bien de la garder au milieu d'autres semblables, dans un périmètre très réduit et pour qui l'enfermement demeure pour cette dernière l'obstacle majeur.

3) Si j'avais le choix, je préfèrerais de beaucoup travailler avec des personnes non délinquantes plutôt qu'avec des délinquants.

Hormis 3 abstentions, 37 participants dont 31 hommes et 6 femmes se disent en accord avec cet énoncé contre 193 dont 90 hommes et 103 femmes :

Il est pour le moins surprenant qu'au tout premier jour de leur formation, hors du contexte carcéral, 37 participants (majoritairement des hommes) reconnaissent que s'ils en avaient eu le choix ils auraient préféré, et de beaucoup, pouvoir travailler avec un tout autre type de clientèle, alors que ces derniers se trouveront d'abord et tout avant soumis au rôle et aux fonctions de la profession envers des personnes détenues.

4) Si ce n'était de la bonne rémunération, je ne choisirais probablement pas une carrière dans le domaine des services correctionnels.

Avec 2 abstentions, 213 participants soit 107 hommes et 106 femmes répondront par la négative contre 18 hommes et femmes qui reconnaissent avoir choisi ce travail seulement en fonction du salaire. Précédemment, en écriture libre concernant l'énumération des avantages liés à la profession, 77 participants désignaient le salaire. Ici, la question graduée se veut plus précise en isolant l'intérêt salarial comme seul et unique objectif :

Dans son étude sur la synergie motivationnelle, Amabile (1993), nous rappelle que les personnes sont extrinsèquement motivées lorsque le travail n'est qu'une simple activité venant combler des objectifs en dehors du travail lui-même, mais nous reviendrons sur ce thème lorsqu'il s'agira d'aborder, un peu plus loin, les sources de motivation pour le travail correctionnel adapté pour la présente étude à partir des travaux de Weiss (ibid) et également sur la motivation intrinsèque à l'égard du travail de War, Cook et Wall (ibid).

5) Même si chaque emploi comporte ses gratifications, les délinquants forment une catégorie de gens la plus intéressante et la plus stimulante avec laquelle on puisse travailler.

Système du balancier, la question peut sembler provocatrice mais elle mesure des attitudes d'un extrême à l'autre. Avec 4 abstentions, 133 participants sont en accord avec cet énoncé (62 hommes et 71 femmes) alors que 96 autres soulignent leur désaccord avec une très nette propension chez les hommes :

6) En général, une carrière au sein des services correctionnels présente plus d'avantages que d'inconvénients.

Au regard des réponses, avec 3 abstentions, la profession l'emporte très nettement sur les avantages versus les inconvénients. Un total de 219 participants (115 hommes et 104 femmes) s'entendent pour dire que les avantages, toutes catégories confondues, sont nettement supérieurs aux inconvénients :

7) Mon travail dans le domaine des services correctionnels me confère un sentiment personnel de fierté et de réalisation.

Question relevant des valeurs, du travail accompli et de l'appartenance, avec 3 abstentions, 219 participants (116 hommes et 103 femmes) sont en accord avec l'énoncé :

8) Habituellement, je ne suis pas très fier (fière) de dire que je gagne ma vie à travailler avec des délinquants.

Avec 1 abstention, 216 participants (115 hommes et 101 femmes) répondront par la négative :

9) Je préférerais exercer un emploi dans un tout autre domaine que celui du milieu correctionnel.

Avec 1 abstention, 213 participants (110 hommes et 103 femmes) sont en désaccord avec l'énoncé :

10) Ce qui m'attire le plus dans ce type d'emploi, c'est la nature de mon travail et non la rémunération, les avantages sociaux ou les conditions de travail.

Avec 3 abstentions, 173 participants (84 hommes et 89 femmes) se disent attirés par la nature des tâches que leur incombera leur futur environnement, soit près du quart des 10 classes de PFC à travers le pays. Nous rejoignons là les avantages déjà présentés dans le cadre des questions qualitatives. Toutefois, 57 personnes, qui amorcent cette formation professionnelle, le font à défaut d'avoir trouver une autre opportunité d'emploi. Chiffre imposant au regard des attentes vis-à-vis des politiques du Service correctionnel du Canada et de l'investissement assigné à la formation.

Comment, dans ces conditions, pouvoir escompter sur l'application d'une réinsertion sociale si le quart des recrues, au tout premier jour de leur formation, ne s'y intéressent même pas?

11) Je dois admettre que le travail dans les services correctionnels n'est pas un emploi très respectable.

Avec 1 abstention, 217 participants (113 hommes et 104 femmes) se disent en désaccord avec l'énoncé. Si la respectabilité du métier d'agent de la paix semble se dissocier de son contenu, même fragmenté (6,5 %), il y a probablement là, un non-sens entre la sélection des candidats et l'apprentissage :

12) Il serait acceptable de travailler dans les services correctionnels si l'on était pas directement confronté aux délinquants.

Avec 1 abstention, à cette dernière question sur les attitudes à l'égard du travail correctionnel, 223 participants sont en désaccord avec l'énoncé (118 hommes et 105 femmes) contre 9 (4 %) qui en approuvent la teneur :

Cette défection à l'égard du métier, nous la retrouvons ici sous forme de noyau dur à chacune de ces douze questions selon une fluctuation très variable. Simple hypothèse mais comment ne le serait-elle pas de façon plus prégnante une fois sur le terrain, au milieu de la population carcérale et non plus dans une chronologie de cours au sein d'une classe à peine trois heures après le début de la toute première journée de formation?

Réponse qu'il nous appartiendra de découvrir dans l'analyse des données et qui paraîtra lors du troisième et dernier rapport de cette recherche longitudinale.

5) Attitudes à l'égard des détenus²⁵

²⁵ Les échelle de type Likert ( Likert's Organizational Profile, 1967 ) présentent des énoncés formulés de façon active entre deux extrêmes graduées. Mesurant le degré de congruence relatif aux différents thèmes abordés, elles expriment ici une opinion ou une idée, non un fait. Quant à leurs formulations, ces dernières se veulent courtes et adaptées au vocabulaire de l'échantillonnage afin de maintenir toute l'attention du répondant.

Dans une étude qui remonte maintenant à près de vingt ans, Jurik et Musheno (1986) avaient déjà établit un lien de corrélation entre la motivation extrinsèque et intrinsèque que pouvaient avoir les agents de correction dans leur attitude vis-à-vis des détenus. Une attitude plus négative lorsqu'au départ leur motivation pour le choix de cette profession était reliée beaucoup plus à l'aspect sécuritaire qu'à celui porté vers la relation d'aide. Or, comme nous le rappellent Larivière et Robinson (ibid) dans leur sondage publié en 1996, lequel avait pour thème les attitudes des agents de correction fédéraux à l'égard des délinquants, toutes régions confondues, il appert que ces derniers présenteraient une attitude plus punitive, moins empathique, modérément en faveur de la réinsertion sociale comparativement avec d'autres groupes de professionnels oeuvrant dans le même environnement. Concordance entre les valeurs de l'organisation et celles du personnel, pour ces mêmes auteurs, cela ne pourrait avoir des conséquences majeures sur le recrutement. Majeures car à la lecture de leur écrit, il existe une relation entre les attitudes envers la population carcérale, le stress et la satisfaction au travail. Il est à noter cependant que cette étude menée auprès de 1 970 agents de correction en 1994, avait un taux de réponses de 48 %; qu'elle était constituée de 83 % d'hommes dont la moyenne d'âge était de 40 ans et avec à leur actif plus de 11 années d'expérience en milieu carcéral.

Dans le cas qui nous intéresse ici, il s'agit de personnes donnant leur point de vue au tout premier jour de leur formation à travers 34 énoncés. Énoncés qui ne comportent que très peu d'abstentions.

1) Les détenus diffèrent de la plupart des gens.

Sur les 233 participants, 34 (14,6 %) d'entre eux s'entendent avec l'énoncé et 42 (18,0 %) demeurent indécis :

2) Seuls quelques détenus sont vraiment dangereux.

À cette question, 1 abstention. Un total de 73 (31,5 %) recrues s'entend pour dire que la notion de dangerosité semble beaucoup plus importante que le très partiel énoncé Seuls quelques détenus (...). Là-dessus, 46 (19,8 %) demeurent indécis :

3) Les détenus ne changent jamais.

À cette question, 3 abstentions. Bien qu'il semble y avoir une certaine croyance négative quant au profil général du détenu, la très grande majorité des participants croit au changement (220 ou 95,7 %) :

4) La plupart des détenus sont des victimes de circonstances et méritent notre aide.

À cette question, 1 abstention. En dépit du résultat précédent (croyance dans le changement), 31 réponses (13,3 %) démontrent un rejet de la relation d'aide et 69 (29,7 %) demeurent indécis :

5) Les détenus ont des sentiments comme nous tous.

À cette question, 1 abstention. Contrairement au taux de réponses donné à la première question, la presque totalité des participants (228 ou 98,2 %) s'entend avec cet énoncé. L'aspect sentiments diffère ici du profil lié à la dynamique délinquantielle, tel que présenté précédemment :

6) Il est dangereux de trop faire confiance à un détenu.

À cette question, 3 abstentions. La sécurité, liée à une dangerosité anticipée, démontre ici un nombre important en accord avec l'énoncé : 148 personnes contre 30 et 52 indécises :

7) Je pense que j'aimerais beaucoup de détenus.

Au milieu des années 20, Bogardus (1925) avait cherché à mesurer la distance que souhaite avoir une personne vis-à-vis d'un groupe ethnique différent du sien. Ce faisant, il mit au point l' Échelle de distance sociale où l'on retrouve des questions telles que : Accepteriez-vous que votre voisin soit noir?  ou encore Aimeriez-vous que parmi vos amis il y ait des noirs? Dans cette même lignée d'analyse sur la distanciation sociale, Melvin, Gramling et Gardner (ibid) reprirent ce type de questions, mais cette fois-ci envers des personnes condamnées pour des délits criminels et la profession d'agent correctionnel. Ce questionnaire mesure donc les gradations attitudinales et comportementales, prémisses à la plupart des thèmes présentés successivement dans cette recherche.

Ici, aucune différence significative entre ceux qui sont en accord et ceux qui ne le sont pas et c'est là que réside l'essence même de cette question, qui, nous le verrons ultérieurement pour les trois périodes en établissement, se modulera de façon beaucoup plus précise.

L'axe de cette question se lit à travers les 116 (50,4 %) indécis. L'ambiguïté interrogative pouvant porter à équivoque, semble plus marquée chez les personnes de sexe féminin (50 indécisions) que chez le groupe masculin (66 indécisions). Cette tendance se remarque également dans le groupe en accord avec l'énoncé (15 participantes de plus que chez les hommes).

À cette question, 3 abstentions :

8) De mauvaises conditions carcérales ne font que rendre un détenu plus amer.

À cette question sans abstention, la majorité des participants (80,3 %) reconnaît ou pense que de mauvaises conditions peuvent influencer l'attitude ou le comportement de la personne détenue. À cette réflexion, 31 (13,3 %) sont indécis :

9) Donnez un centimètre à un détenu et il en prendra un kilomètre.

Là encore, à cette question sans abstention, rien ne vient départager ceux qui s'opposent à l'énoncé de ceux qui se disent en accord (63 contre 68 %). Cette gradation met surtout en évidence le nombre des 102 (43,8 %) indécis :

10) La plupart des détenus sont stupides.

À cette question sans abstention, la presque totalité des participants (216 ou 92,7 %) démontrent un désaccord avec cet énoncé :