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Je suis dernièrement tombé sur un article dans le Globe and Mail où figurait un classement des innovations et de leurs répercussions par pays. L'auteur concluait que même si le Canada dispose globalement d'un savoir-faire exceptionnel, les Canadiens manquent d'audace en matière d'innovation, ont du mal à mettre leurs idées en valeur et investissent prudemment. Par ailleurs, ils reconnaissent que l'innovation est la clé du succès en recherche et le moteur de la nouvelle économie du savoir. Sans innovation, le Canada ne peut soutenir la concurrence mondiale.
L'innovation dans le domaine de la médecine a amélioré la condition humaine par la découverte des antibiotiques et des vaccins pour combattre les infections, par le recours à des médicaments et à des techniques chirurgicales pour réduire la mortalité et la morbidité ainsi que par l'avancement des connaissances sur le patrimoine génétique humain légué par l'évolution. Innover n'est pas nécessairement coûteux. Par exemple, on a découvert que la bactérie H pylori causait des ulcères gastroduodénaux; cette découverte a fait économiser des millions de dollars en frais chirurgicaux, en plus d'améliorer la vie de nombreux patients.
On demande souvent « Comment fait-on pour innover? » Il s'avère que certaines des entreprises les mieux cotées au monde se posent la même question. Des sociétés comme Google, classée au premier rang mondial pour l'innovation continue, ont fait de l'innovation leur priorité première. Il est intéressant de noter que Google est organisée à l'interne en équipes interdisciplinaires qui rivalisent de créativité pour obtenir leur part des ressources de la compagnie - la ressemblance avec le processus de demande de subventions des IRSC est étonnante.
Les équipes de recherche ou entreprises qui réussissent à intégrer de nouvelles idées à leurs programmes sont celles qui font de l'innovation un objectif prioritaire. Dans beaucoup d'entreprises, l'innovation fait partie de la culture d'entreprise et constitue un moyen d'arriver à une fin. Dans le contexte des équipes de chercheurs, cela veut dire que la priorité et les ressources sont orientées vers les volets les plus innovateurs de leur recherche.
La recherche de qualité requiert des investissements massifs en temps et en argent, et c'est pourquoi les chercheurs doivent tenter de combler les principales lacunes dans le domaine des connaissances et se concentrer sur les grands enjeux. Cela exige de la collaboration pour déterminer et prioriser les projets de recherche où nos investissements seront les plus rentables et produiront les retombées les plus positives et les plus vastes.
Où trouve-t-on des idées? Étonnement, les idées surgissent de partout lorsqu'on a l'esprit ouvert et attentif. Les idées les plus innovatrices naissent souvent de façon inattendue, et les découvertes surviennent lorsque des connexions sont établies entre des domaines ayant normalement peu d'échanges. L'idée du « world wide web » a germé pour la première fois dans la tête d'un scientifique du CERN qui cherchait de nouveaux moyens d'aider les physiciens de différentes disciplines à communiquer entre eux; et l'idée d'attacher un ballonet aux cathéters pour les faire circuler facilement dans les artères pulmonaires des patients (cathéter de Swan-Ganz) est née de l'observation de voiliers voguant sur le Pacifique.
De nos jours, les nouvelles idées proviennent surtout des équipes interdisciplinaires formées d'experts de disciplines diverses et non traditionnelles qui discutent et interagissent entre eux pour résoudre des problèmes communs. C'est à ce moment que la recherche translationnelle peut surtout avoir des répercussions, et c'est pourquoi les IRSC font la promotion du concept de recherche interdisciplinaire.
Par définition, l'innovation fait disparaître les vieux concepts et lève les obstacles. Il a fallu du courage pour avancer que la Terre n'était pas plate et que la H. pylori était responsable des ulcères d'estomac. Les chercheurs courent certains risques en proposant de traiter les accidents vasculaires cérébraux et les crises cardiaques avec des anticoagulants ou en émettant l'hypothèse que les risques de maladie cardiovasculaire sont déterminés in utero, avant même la naissance.
Cela dit, la réalisation d'une grande découverte implique forcément de rompre avec les paradigmes traditionnels et de franchir de nouvelles frontières. Il faut toujours se demander s'il est possible d'améliorer les méthodes, les techniques et les outils existants.
Pour accélérer le processus d'innovation, il faut communiquer rapidement la nouvelle information. Pour que de nouvelles idées puissent se développer, il faut faire fi de la bureaucratie, de la hiérarchie et de l'ancienneté. Les bases de données et outils de recherche modernes permettent de trouver en quelques minutes des réponses qui demandaient autrefois des heures, voire des jours de recherche. Les outils électroniques dont nous disposons actuellement nous permettent de réunir les gens et les idées, et nous demeurerons à l'affût de moyens par lesquels l'ISCR-IRSC pourra offrir une tribune pour permettre aux collaborateurs de communiquer des idées et d'établir des liens plus efficacement.
Il faut mettre à l'essai les idées nouvelles de manière rapide et efficace pour pouvoir déterminer si elles méritent qu'on s'y attarde. Les idées nouvelles non explorées sont destinées à sombrer dans l'oubli ou à tomber entre les mains de concurrents étrangers. Elles doivent être soumises sans tarder à des tests et à des évaluations au moyen d'outils aussi fiables que possible.
Il est tout à fait naturel de craindre l'échec. Cependant, c'est la capacité de se relever après une chute qui détermine les chances d'arriver premier au fil d'arrivée. Il est essentiel de créer un climat où l'erreur est tolérée sur la route du succès.
Les chercheurs canadiens sont talentueux et très bien formés. Cependant, ils doivent placer l'innovation au coeur de leur travail de recherche quotidien s'ils veulent soutenir la concurrence mondiale. Innovons ensemble maintenant pour vivre demain dans un monde meilleur.
Veuillez agréer mes sincères salutations,
Peter Liu, M.D., FRCPC
Directeur scientifique, ISCR
