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Commission nationale des libérations conditionnelles
Renseignements pour les victimes
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Une journée dans la vie d'un membre de la CNLC

La Commission nationale des libérations conditionnelles (CNLC), en tant que partie intégrante du système de justice pénale, prend en toute indépendance des décisions judicieuses sur la mise en liberté sous condition et sur la réhabilitation et formule des recommandations en matière de clémence. Elle contribue à la protection de la société en favorisant la réintégration en temps opportun des délinquants comme citoyens respectueux des lois.

Le principe sur lequel repose l'activité de la CNLC est qu'une bonne réinsertion des délinquants dans la collectivité joue un rôle essentiel dans la prévention du crime et la protection de la population.

Ce sont les commissaires qui prennent les décisions relatives à la mise en liberté sous condition. Leur tâche est toujours ardue. Ils doivent adopter les mesures les moins restrictives qui soient compatibles avec la protection de la société. Ils se fondent pour cela sur une évaluation approfondie du risque que présente le délinquant pour la collectivité.

Doreen Dinn est une commissaire de la région de l'Atlantique. La description qu'elle donne d'une journée d'un membre de la CNLC permet au lecteur de se faire une idée de la tâche exigeante, et souvent difficile, qui incombe à ceux qui prennent les décisions relatives à la libération sous condition.

La journée que je vais décrire ne se distingue en rien des autres journées où je me rends dans les pénitenciers fédéraux de notre région pour y tenir des audiences au cours desquelles seront examinées les demandes de mise en liberté de détenus. De notre bureau à Moncton (N.-B.), nous pouvons nous rendre en voiture dans les cinq pénitenciers qui relèvent de nous. Aujourd'hui, nous allons à l'établissement à sécurité moyenne de Springhill. Il nous faut quitter le bureau à 7 h pour arriver là-bas vers 8h30.

Je me lève habituellement vers 5 h 30 afin de me préparer comme il faut. Je m'assure que j'ai avec moi les dossiers voulus ainsi que deux documents qui semblent ne jamais me quitter, le Manuel des politiques de la CNLC et la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition. Bien que je remplisse les fonctions de commissaire depuis nombre d'années déjà, je consulte encore souvent le manuel, ainsi que la loi en vertu de laquelle je peux décider de mettre en liberté un détenu. La loi a changé ces dernières années et chaque cas peut présenter des particularités bien différentes. Le cas de certains détenus peut être très compliqué, surtout si leur casier judiciaire est chargé ou s'ils ont été condamnés à l'emprisonnement pour des infractions violentes, des infractions de nature sexuelle ou encore des infractions relatives aux drogues. Je veux être absolument sûre de me conformer à la loi dans chaque cas dont je m'occupe.

Nous allons voir six détenus aujourd'hui : cinq d'entre eux ont fait une demande de libération conditionnelle totale, et le sixième, une demande de semi-liberté. Quand je me trouverai devant ces détenus, ils ne seront pas pour moi de parfaits étrangers. Hier, au bureau, j'ai passé toute la journée à lire leur dossier d'un bout à l'autre. Notre emploi du temps est prévu de façon à nous laisser une journée entière pour préparer les audiences d'une autre journée.

L'étude d'un dossier de détenu est toujours une lourde tâche. C'est particulièrement vrai lorsqu'on se trouve devant trois ou quatre chemises de documents, ce qui peut arriver dans le cas d'un délinquant au casier judiciaire chargé. En prenant connaissance des dossiers, je cherche à dégager des constantes et je vérifie soigneusement qu'il ne manque pas de renseignements importants dont j'aurais besoin pour rendre une décision. Par exemple, il est essentiel de savoir : pourquoi un délinquant est incarcéré, c'est-à-dire pour quelles infractions précises il a été condamné; ce qui l'a amené à commettre les infractions en question; s'il avait déjà commis antérieurement des infractions du même genre; quelle incidence les actes criminels ont eu sur les victimes; si la perpétration de l'infraction ou des infractions s'est accompagnée de violence; si l'infraction était de nature sexuelle; si le détenu a fait des efforts pour mettre un terme à son comportement criminel; et enfin, si le risque présenté par le détenu se trouve suffisamment réduit pour être géré efficacement et en toute sécurité dans la collectivité.

Nos dossiers, qui contiennent des renseignements détaillés sur chaque délinquant, sont préparés par le Service correctionnel du Canada (SCC). C'est à ce dernier qu'il revient d'obtenir les rapports de police sur les infractions commises, les dossiers relatifs aux infractions antérieures et les observations ou les motifs énoncés au moment de l'imposition de la peine par le juge présidant l'audience. Le SCC nous fournit aussi un rapport d'enquête communautaire établi en faisant appel à de nombreuses sources dans la collectivité d'origine du délinquant - ses victimes, sa famille, ses amis, la police, etc. Chaque délinquant est également évalué à son admission en prison; le rapport d'évaluation initiale du délinquant alors établi indique de façon détaillée ses besoins en fonction des facteurs criminogènes intervenant dans son cas, comme l'abus d'alcool ou d'autres intoxicants, le manque d'instruction (les délinquants auxquels nous avons affaire sont pour une bonne part analphabètes), des problèmes psychologiques ou psychiatriques graves, ou la difficulté à maîtriser sa colère ou ses émotions. Un plan correctionnel peut ainsi être élaboré, de concert avec le délinquant; ce document indique ce que doit faire l'intéressé pour mettre fin à son comportement criminel, prendre un nouveau départ et reprendre sa place dans la collectivité en tant que citoyen respectueux des lois. Des programmes sont alors offerts à ceux qui en ont besoin; il s'agit par exemple de rattrapage scolaire, de programmes de traitement pour toxicomanes ou pour délinquants sexuels, de programmes de maîtrise de la colère ou d'acquisition de compétences cognitives - en d'autres mots, de programmes destinés à aider les délinquants à prendre conscience des conséquences que peuvent avoir (pour eux-mêmes et pour d'autres) certains genres de comportement avant de passer aux actes. Des rapports décrivant la participation des délinquants à ces programmes et les progrès réalisés par eux sont ensuite établis.

Les progrès effectués par le détenu en établissement font aussi l'objet d'un rapport. Il s'y ajoute au besoin des rapports psychiatriques et psychologiques qui fournissent des renseignements d'importance cruciale sur le comportement de l'intéressé et disent si ce dernier semble avoir besoin d'aide professionnelle pour faire face à ses problèmes. Ces rapports incluent des opinions et des évaluations professionnelles qui donnent de bonnes indications du risque de récidive.

On comprend donc que les dossiers peuvent être volumineux et que l'information qu'ils recèlent est essentielle pour se faire une idée de la personne à qui on a affaire. L'examen des dossiers permet aussi d'établir un plan pour interroger le détenu lorsqu'il se présentera à l'audience. Vous pouvez ainsi vous concentrer sur les choses qu'il vous faut réellement savoir, sur les questions que vous vous posez sans avoir de réponse.

Aujourd'hui, je pars pour l'établissement de Springhill en compagnie d'un autre commissaire et d'un greffier d'audience. Pour satisfaire aux exigences, dans la majorité des cas, deux membres de la Commission nationale des libérations conditionnelles doivent examiner les demandes de mise en liberté sous condition présentées par les détenus des établissements fédéraux et faire part de leur décision. Dans certains cas toutefois, notamment lorsqu'il s'agit de condamnés à perpétuité ou de délinquants dont on envisage le maintien en incarcération (c'est à dire le maintien en prison jusqu'au tout dernier jour de leur peine), l'examen et la prise de décision doivent être faits par trois membres de la Commission.

Aux termes de la loi, nous sommes tenus de faire part aux détenus des motifs de nos décisions et de leur remettre un relevé complet de la décision. En outre, si des parties intéressées telles que les victimes ou les représentants des médias demandent une copie de nos décisions, elles doivent la recevoir. Il est très important d'employer un langage clair et direct lorsqu'on rend une décision car le nom du décideur figure sur le document, à la vue de chacun - collègues, voisins, amis et famille.

Aujourd'hui, toute une série d'audiences nous attendent. Nous verrons six détenus, avec chacun desquels nous passerons environ une heure. Ils seront accompagnés d'un agent de gestion de cas (AGC) de l'établissement, c'est-à-dire de l'employé du SCC auquel incombait la responsabilité première de la préparation du cas en vue de l'audience. L'AGC donne son opinion sur l'état de préparation à la liberté sous condition du détenu et formule une recommandation précise en faveur de l'octroi ou du refus de la mise en liberté.

Au cours de chaque audience, nous examinons les faits saillants de la vie criminelle du détenu et nous questionnons celui-ci sur ses antécédents et sur ses plans d'avenir. Il est essentiel de pouvoir déterminer si des changements se sont produits chez le détenu, si ces changements sont suffisants pour donner à penser qu'il est prêt à purger le reste de sa peine dans la collectivité sous la surveillance d'un agent de libération conditionnelle, et si le risque qu'il récidive une fois revenu dans la collectivité n'est plus très élevé.

Bien entendu, lorsqu'il s'agit de comportement humain, il n'y a pas de garanties ou de moyens sûrs de déterminer que quelqu'un va rester dans le droit chemin et se tenir à l'écart de toute activité criminelle. Je crois cependant qu'il est préférable qu'un délinquant se réinsère dans la collectivité graduellement et de manière contrôlée, sous la surveillance et avec l'appui de professionnels, plutôt que d'être libéré à la fin de sa peine sans qu'aucun filet de sécurité ait été mis en place.

Lorsque nous avons épuisé nos questions et que nous nous sommes assurés de tous les faits pertinents, nous, c'est-à-dire les deux commissaires, demandons au détenu et aux autres personnes présentes de quitter la salle d'audience. C'est alors, après en avoir délibéré, que nous prenons notre décision définitive quant à l'octroi ou au refus de la mise en liberté.

C'est une lourde responsabilité, qui donne à réfléchir, que de décider de la liberté d'un autre être humain. Savoir que l'on peut mettre en liberté quelqu'un qui va récidiver, et penser aux conséquences que cela peut avoir, voilà également de quoi faire réfléchir. Peser tous les arguments pour et contre n'est pas facile et, comme je l'ai déjà dit, il n'existe pas de garantie absolue lorsqu'il s'agit de comportement humain. Cependant, j'ai pour tâche de rendre de telles décisions et je dois en rendre chaque jour. Mon souci primordial est toujours la protection de la société.

La décision rendue ainsi que les motifs de celle-ci sont immédiatement communiqués verbalement au détenu, que l'on a fait revenir dans la salle d'audience ainsi que les autres assistants.

Aujourd'hui, nous décidons d'accorder la libération conditionnelle totale à deux des six détenus qui ont comparu aux audiences, et la semi-liberté à un troisième. Nous refusons la mise en liberté à trois détenus, en leur déclarant que nous ne les estimons pas encore prêts à se réinsérer dans la société.

Le premier détenu auquel nous avons accordé la libération conditionnelle est un homme de 32 ans. Il a été condamné à quatre ans d'emprisonnement pour une série de vols avec effraction qu'il a commis pour se procurer la drogue dont il ne pouvait se passer. Depuis son admission à l'établissement de Springhill, il a suivi un cours de formation de base et passé le Test de connaissances générales; il a aussi suivi un programme intensif pour toxicomanes; enfin, un emploi l'attend dans sa collectivité d'origine où il compte vivre avec sa conjointe de fait et ses deux enfants qui appuient fortement son retour au foyer. Durant toute sa période de surveillance, il sera tenu de s'abstenir de consommer des drogues ou de l'alcool.

Le deuxième est un jeune homme de 25 ans purgeant une peine d'emprisonnement de trois ans et demi qui lui a été infligée pour avoir vendu de la drogue à un agent de la GRC en civil. Il n'avait pas d'antécédents d'infractions et son activité criminelle avait pour but de se procurer rapidement les moyens nécessaires à un genre de vie que ne lui permettait pas son salaire de manœuvre. Les policiers de sa collectivité d'origine ne sont pas opposés à son retour là-bas, pourvu qu'il soit surveillé de près et qu'il sache que la police gardera l'œil sur lui. L'intéressé a aussi l'appui de son ancien employeur, qui tient un emploi à sa disposition, et il peut vivre chez ses parents qui ne l'ont jamais abandonné.

Le détenu auquel nous avons accordé la semi-liberté est un délinquant sexuel de 57 ans qui purge une peine de cinq ans et demi que lui ont value des infractions sexuelles commises sur la personne de sa fille et d'une amie de celle-ci lorsqu'elles étaient adolescentes. Il n'a pas fait de difficulté pour reconnaître sa culpabilité lorsque la police l'a questionné et lorsqu'il a comparu devant le tribunal. Il a manifesté des remords sincères et a conscience du tort causé à ses victimes. Il est entré dans un programme de traitement pour délinquants sexuels lorsque celui-ci a été offert dans l'établissement et les rapports établis par le responsable du programme sont très positifs. Le rapport psychiatrique figurant au dossier ne fait pas mention de tendances pédophiles et le psychiatre estime qu'il n'y a pas de sérieux risque de récidive si le détenu continue de suivre un programme de traitement pour délinquants sexuels dans la collectivité. La semi-liberté permettra une réintégration graduelle de ce délinquant dans la collectivité : il devra passer les six prochains mois dans une maison de transition et il lui faudra continuer de suivre un programme offert par la Sexual Behavior Clinic locale. Il lui est aussi strictement interdit d'avoir quelque contact que ce soit avec les victimes de ses infractions. S'il enfreint cette condition de sa libération, il court le risque d'être réincarcéré.

Nous avons refusé la libération à un détenu de 20 ans qui purge une peine de deux ans seulement mais qui a commis des voies de fait graves à l'encontre de deux personnes. Ce détenu à des antécédents d'agression remontant à l'adolescence et il ne nous a pas convaincus qu'il était prêt à assumer la responsabilité de son comportement, ni à prendre les mesures nécessaires pour régler ses problèmes de colère. Notre second refus concernait un récidiviste de 27 ans incarcéré pour une série d'infractions contre les biens et qui a manqué aux conditions d'une libération antérieure. Ce délinquant n'a rien fait pour venir à bout de ses problèmes de toxicomanie et il ne dispose d'aucun appui dans la collectivité.

Le troisième détenu que nous avons décidé de ne pas mettre en liberté purge une peine qui lui a été infligée pour des infractions relatives à la drogue et pour violence conjugale. Il a aussi été reconnu coupable de voies de fait causant des lésions corporelles. C'est sa deuxième incarcération dans un pénitencier fédéral et, bien qu'il ait suivi quelques programmes pour régler ses problèmes, nous estimons qu'il a besoin de passer plus de temps en incarcération et de suivre encore des programmes avant qu'on puisse lui octroyer une libération sous condition.

Notre travail à l'établissement se termine. Il est 17h15 et un trajet de 90 minutes en voiture nous attend encore pour retourner à Moncton. Lorsque je repense à la journée qui vient de s'écouler, je pense pouvoir dire que j'ai été équitable dans mon évaluation du risque posé par les détenus dont j'ai examiné le cas, et équitable aussi envers les collectivités où ils vont retourner.

Cependant, vous vous faites toujours du souci au sujet de ceux que vous avez remis en liberté, et lorsqu'on annonce aux nouvelles qu'une infraction a été commise à un certain endroit, vous priez pour que personne n'ait été blessé et pour que l'infraction n'ait pas été commise par quelqu'un à qui vous avez accordé la mise en liberté. Mais je sais que cela fait partie du travail de commissaire - si bons que soient les instruments d'évaluation du risque, rien n'est garanti. Je suis malgré tout sincèrement convaincue que la libération conditionnelle constitue le meilleur moyen d'assurer la protection de la population, dans la mesure où elle permet de remettre les délinquants dans la collectivité de façon graduelle et au moment de leur peine le plus approprié. Et, en tant que membre de la société où retournent beaucoup des délinquants dont j'examine le cas, je sais que mon évaluation du risque qu'ils présentent et de leurs chances de succès revêt une importance essentielle pour la sécurité de ma propre collectivité.

 
    Dernière mise à jour: 2005-12-09

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