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Commentaire N° 12

Avenir du processus de paix au proche-orient

M. W. Millward

Septembre 1991
Non classifié

Précis : Depuis la fin de la guerre du Golfe, il est implicitement entendu que les membres de la coalition et surtout les États-Unis ont la responsabilité de chercher activement à résoudre le conflit qui oppose Arabes, Israéliens et Palestiniens. Quelles sont leurs chances de succès? Septembre 1991. Auteur : M. W. Millward.

Note du rédacteur : Le sujet de ce Commentaire a été rédigé par le Dr. W. Millward, analyste stratégique de la direction de l'analyse et de la production (EAP) du SCRS.

Avertissement : Le fait qu'un article soit publié dans Commentaire ne signifie pas que le SCRS a confirmé l'authenticité des informations qui y sont contenues ni qu'il appuie les opinions de l'auteur.


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Milieu géopolitique en évolution

Les guerres et les conflits sont légion dans l'histoire contemporaine du Proche-Orient. Les Occidentaux estiment généralement que les conflits et la violence sont endémiques dans cette région du globe, qu'ils soient dus aux traditions et à l'histoire ou à des événements plus récents et au choc entre la culture proche-orientale traditionnelle et la culture occidentale moderne. Quoi qu'il en soit, cette deuxième guerre du Golfe n'a fait qu'illustrer encore une fois qu'un conflit dans cette région, où la situation est explosive, risque de dégénérer en violence à l'échelle internationale.

La dimension internationale qu'a pris le règlement de la crise du Golfe est considérée par beaucoup comme le présage d'une méthode future de règlement des conflits dans cette région et ailleurs dans le monde. Vu la rapidité de l'invasion et l'importance de la violation du droit et des accords internationaux, beaucoup souhaitaient la réparation la plus rapide possible des torts causés au Koweït. Comme la rivalité habituelle entre les superpuissances avait fait place à la coopération américano-soviétique, les Nations Unies ont pu servir de tribune afin de mobiliser les efforts et de sanctionner des mesures collectives pour régler la crise.

À mesure que les pressions exercées sur l'Irak pour qu'il quitte le Koweït s'intensifiaient graduellement et que le nombre des résolutions du Conseil de sécurité non respectées par l'Irak augmentaient régulièrement, les porte-parole du régime et certains de ses partisans dans d'autres pays se sont étonnés que les dernières résolutions de l'ONU soient traitées en priorité. Chaque fois qu'ils en ont eu l'occasion, ils ont souligné que plusieurs résolutions semblables s'appliquant à la région avaient été adoptées il y a des années (nos 242, 338 et 425), mais qu'on les avaient laissé devenir caduques ou simplement passé sous silence et jamais mises en oeuvre.

À la suite de ces Commentaires, les États-Unis et certains de leurs alliés ont été accusés de faire montre de parti pris et d'utiliser deux poids deux mesures, en insistant pour la mise en application immédiate des résolutions contre l'Irak adoptées sous l'égide de l'ONU, tout en laissant inappliquées les résolutions de longue date touchant Israël.

Malgré le refus d'établir officiellement un lien entre la crise du Golfe et le conflit israélo-arabe, les membres de la coalition ont tacitement convenu qu'une fois la crise réglée, ils auraient une raison de plus, voire même la responsabilité, de consacrer leurs ressources et celles de la communauté internationale à la solution du problème apparemment insoluble du Proche-Orient — les conflits qui opposent Arabes, Israéliens et Palestiniens.

Les États-Unis peuvent théoriquement imposer leur volonté dans la région, y compris le règlement de cette épineuse question. Il est toutefois difficile de déterminer ce qu'a donné

l'humiliation de l'Irak dans le Golfe, à moins que cette victoire ne permette aux États-Unis d'obliger les États arabes, Israël et les Palestiniens à arrêter de se quereller à propos des procédures et à se mettre à discuter des questions de fond en vue d'arriver à un compromis. Sinon, il pourrait y avoir reprise des conflits, de la violence et des actes de terrorisme, commis dans cette région ou depuis celle-ci, ce qui favoriserait l'instabilité et nuirait à la croissance et aux prévisions économiques.

Après la guerre, James Baker s'est rendu à six reprises dans la région pour tenter de persuader les parties d'assister à une conférence de paix en octobre afin de régler leurs différends. La plupart des intervenants ont accepté avec ou sans condition. Il y a encore des doutes sur la participation d'Israël et de l'OLP, mais les deux camps devraient probablement y assister. À la fin d'août, plusieurs événements imprévus se sont produits qui pourraient compromettre les pourparlers, notamment la demande d'une garantie bancaire pour des emprunts d'un montant de dix milliards de dollars que le gouvernement israélien a l'intention de présenter à l'administration américaine.

L'évolution récente de la situation au Proche-Orient a entraîné la reprise des activités visant la libération des otages étrangers détenus au Liban par le Jihad islamique, ainsi que d'autres otages, prisonniers ou captifs détenus en Israël, au Sud-Liban et dans divers centres européens. Une entente globale pour la libération de la plupart de ces détenus créerait un climat très favorable à la paix et à la réconciliation dans la région. Si les délicates négociations en cours finissaient par échouer ou étaient compliquées par la perpétration d'un attentat terroriste, le processus de paix perdrait de sa vigueur, mais ne serait pas annulé ou reporté indéfiniment. Le désir de paix au Proche-Orient gagne manifestement du terrain tant dans la région que dans le monde entier.

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Les intervenants et leurs positions respectives

L'attention est maintenant tournée vers les principaux intervenants qui s'assoiront à une même table, et vers leurs revendications respectives.

Israël

Depuis longtemps, Israël et ses gouvernements successifs soutiennent que les pourparlers directs avec leurs opposants arabes constituent le meilleur moyen de régler leurs différends. Ils estiment que la tenue de négociations directes signifierait en fait la reconnaissance et l'acceptation de l'existence d'Israël, ce qu'ils tentent d'obtenir depuis longtemps. Les critiques du gouvernement de droite d'Itzhak Shamir ont souvent affirmé qu'Israël avait appris à vivre avec l'intifada et à coexister dans un climat de "ni guerre ni paix" avec ses voisins arabes, et qu'il préférerait maintenir le statu quo plutôt que courir le risque de ce qui pourrait survenir à la table des négociations.

Les ultra-conservateurs de la coalition du Likoud représentent une menace plus grande que les autres mouvements d'opposition au pays, car ils menacent de quitter la coalition si M. Shamir accepte de participer à une conférence de paix. Ils craignent en effet que M. Shamir soit forcé de céder une partie des territoires de la Judée et de la Samarie (Cisjordanie) dans le cadre d'un règlement global. La façon dont il réagira aux réalités nouvelles et réconciliera celles-ci avec ses propres convictions et avec les attentes de ses partisans, déterminera la place qu'occupera son gouvernement dans les courants politiques d'Israël.

Une évaluation des manoeuvres diplomatiques en cours a permis de constater qu'après 43 ans de guerre ouverte et froide, les Israéliens en ont assez de vivre dans un pays transformé en garnison et ont besoin d'un accord avec les Arabes qui leur permette de vivre en paix, de réduire leurs dépenses militaires, de se concentrer sur leur croissance économique et de créer des emplois pour faire face à l'arrivée d'un nombre sans précédent d'immigrants, bref, de faire partie intégrante de la région. D'après certains observateurs qui s'intéressent aux affaires internes d'Israël, les partisans du Likoud, en majorité des séfarades originaires du Proche-Orient, et surtout les électeurs de la jeune génération, ne voient pas pourquoi il faut refuser de céder une parcelle du territoire et ils pourraient bien appuyer un compromis territorial dans le cadre d'un accord de paix global. Comme la plupart des partisans du parti travailliste et des groupes tels que La Paix maintenant partagent cet avis, on peut supposer que la majorité des Israéliens serait favorable à un compromis.

Quoi qu'il en soit, le gouvernement Shamir a adopté la position inflexible de "la paix pour la paix" et refuse toute concession. Il se réserve le droit d'imposer des conditions concernant la composition de la délégation palestinienne. Les Israéliens ne discuteront pas avec des Palestiniens qui font partie de l'OLP, qui habitent à Jérusalem-Est ou qui représentent la diaspora palestinienne à l'extérieur de la Cisjordanie et de Gaza. La conférence proposée ne devra pas avoir une dimension internationale et l'ONU ne devra y jouer aucun rôle. Israël accepte que la CEE envoie un observateur à la séance d'ouverture. Par la suite, il y aura des négociations bilatérales directes entre gouvernements, et aucune séance plénière ne sera reconvoquée, même en cas d'impasse. Le gouvernement israélien accepte que la conférence soit parrainée conjointement par les États-Unis et l'Union soviétique, si les relations diplomatiques ont été rétablies avec les Soviétiques ou sont sur le point de l'être. Le statut de la ville de Jérusalem n'est discutable à aucun moment, et le concept de "la paix en échange de territoires" n'est pas une option viable. Dans l'intervalle, il n'y aura aucun arrêt des implantations dans les Territoires occupés avant et pendant les négociations, car les Israéliens estiment qu'il n'y a absolument aucun rapport entre ces deux questions.

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Palestiniens

Selon tous les bilans, les Palestiniens sont un des grands perdants de la guerre du Golfe. Pour avoir appuyé l'Irak, l'OLP et Yasser Arafat auraient perdu beaucoup de leur statut et de leur crédibilité auprès de leurs partisans dans le monde entier. Théoriquement, les Palestiniens tiennent à participer à une conférence de paix organisée par les États-Unis, mais leurs dirigeants craignent d'en être écartés à la suite des ententes déjà conclues entre l'organisateur et leur adversaire, Israël. Les dirigeants de Cisjordanie ont reconnu qu'ils devaient se montrer plus souples pour arriver à faire la paix avec Israël, mais ils redoutent que même leurs revendications minimales soient exclues par le protocole d'entente israélo-américain. Au début d'août, leur position était la même que celle de l'autre intervenant principal: ils répondaient "oui, mais ..." à l'invitation du secrétaire d'État James Baker.

La question de savoir qui les représentera est un des principaux obstacles à la participation des Palestiniens à la conférence proposée. Depuis un certain temps, Israël refuse toute relation avec des Palestiniens membres de l'OLP, et il a même ajouté d'autres restrictions. Le 2 août, le Premier ministre Shamir a déclaré à la télévision israélienne: "Nous nous sommes entendus avec les États- Unis sur la composition de la délégation palestinienne. Il n'y aura aucun membre de l'OLP, aucun résident de Jérusalem-Est, aucun représentant de la diaspora palestinienne [de l'extérieur de la Cisjordanie et de Gaza]. Il semble que les États-Unis n'ont pas encore réussi à s'entendre avec l'autre camp."

Yasser Arafat aurait réagi avec frustration à la prise de position d'Israël: "Avec qui feront-ils la paix, des fantômes?" Lors d'une entrevue accordée le 5 août, un des principaux interlocuteurs palestiniens du secrétaire d'État américain, le dirigeant de la Cisjordanie Faysal al-Husayni a indiqué que les Palestiniens insisteront sur le droit qu'ils ont de déterminer eux-mêmes la composition de leur délégation sans ingérence de l'extérieur, qu'ils ne soumettront pas la liste de leurs représentants avant la conférence et que les autres participants découvriront la composition de la délégation palestinienne seulement lorsqu'ils se présenteront à la conférence.

Les questions de fond les plus épineuses pour les Israéliens et les Palestiniens, s'ils acceptent de négocier, semblent être celles du statut de la ville de Jérusalem et de la création prochaine d'un État distinct et indépendant, appelé Palestine, dans les Territoires occupés (Cisjordanie et Gaza). La ville que les Israéliens considèrent comme leur capitale maintenant et toujours, qui fait partie intégrante d'Eretz Israël et qui ne peut faire l'objet de négociations, est considérée par les Palestiniens comme une composante essentielle de leur patrimoine et comme la future capitale d'un État palestinien autonome. Les Palestiniens refusent donc toute indication selon laquelle Jérusalem ne figurerait pas à l'ordre du jour dès les premières étapes des négociations et ses habitants seraient exclus de la délégation palestinienne, comme le propose le plan américain.

Au début du mois d'août, les Palestiniens semblaient avoir pour stratégie de gagner du temps et de prolonger les discussions actuelles afin d'essayer d'obtenir de meilleures conditions pour leur participation et, dans l'intervalle, d'arriver à une position commune de négociation au sein des principales factions de l'OLP. Il semble qu'Arafat prendra la décision finale, même si des porte- parole comme Bassam Abu Sharif se montrent habituellement plus optimistes en disant qu'ils ne prévoient aucun obstacle assez important pour empêcher les Palestiniens d'assister à la conférence de paix, et même si Elias Freij, maire de Bethléem qui n'est toutefois pas membre de l'OLP, soutient que les Palestiniens s'y rendront certainement. Dans une entrevue accordée le 6 août, Arafat a en effet déclaré que la paix ne pouvait se faire sans les Palestiniens et que, sans l'autorisation de l'OLP, aucun Palestinien ne se présentera à la conférence proposée. À la mi-août, il a été question que les États arabes voisins d'Israël et l'OLP tiennent un sommet en vue de coordonner leur point de vue sur la conférence et que le Conseil national palestinien se réunisse à Alger, en septembre, pour déterminer les tactiques et politiques de négociation.

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Syrie

L'acceptation par la Syrie des propositions américaines concernant une conférence de paix a été considérée comme une percée, même par Israël. Le Premier ministre Shamir a déclaré qu'il ne s'était jamais attendu à ce qu'un dirigeant syrien accepte de discuter avec son pays. Les Syriens auraient expliqué que l'expérience acquise au sein de la coalition contre l'Irak leur avait fait voir leur rôle dans la région sous un jour nouveau et qu'ils étaient convaincus que, pour la première fois, les Américains souhaitaient sincèrement parrainer un règlement juste et durable du perpétuel problème de la région.

Depuis, la Syrie s'est montrée inflexible sur les conditions préalables à la tenue de la conférence, vraisemblablement en guise de tactique de pré-négociation. Le vice-président syrien a déclaré le 4 août que son pays s'était engagé à appuyer le peuple arabe palestinien dans sa lutte pour l'obtention de ses droits fondamentaux. La Syrie rejetterait donc toute tentative d'Israël visant à imposer des conditions à la participation des Palestiniens à la conférence. Lors d'une rencontre avec ses homologues de l'Organisation de la Conférence islamique (OCI), le ministre syrien des Affaires étrangères, Farouq al-Shara', a déclaré: "Nous rejetons tant le fond que la forme des conditions établies par Israël pour la conférence de paix. La composition de la délégation palestinienne est une question qui concerne uniquement le peuple palestinien. Israël n'a nullement le droit de s'en mêler en désignant les membres de cette délégation ou les villes et régions d'où ils viennent."

Les observateurs qui s'intéressent au rôle éventuel de la Syrie à la conférence de paix se demandent surtout si celle-ci appuiera les Palestiniens pendant toutes les négociations ou si elle tentera de conclure une entente distincte dans le cadre de pourparlers bilatéraux avec Israël afin de reprendre le contrôle des territoires du Golan qu'il a perdu pendant la guerre des "six jours" en 1967. Il est bien connu que la Syrie et son dirigeant sont brouillés avec certaines factions du mouvement palestinien depuis un certain temps. Depuis une cinquantaine d'années, la pierre angulaire de la politique étrangère syrienne a été de se présenter comme le défenseur des intérêts panarabes, y compris la cause palestinienne. Farouq al-Shara' a également dit, à la réunion de l'OCI susmentionnée, que Jérusalem, le Golan, la Cisjordanie et Gaza devraient tous être rendus à leurs propriétaires arabes.

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Jordanie

Dans la longue saga du conflit israélo-arabe, la Jordanie est l'un des rares pays arabes dont le gouvernement a établi des contacts directs, quoique secrets, avec Israël pour discuter de problèmes communs. À maintes reprises, le roi Hussein s'est dit prêt à négocier directement avec Israël afin d'arriver à un règlement global et équitable des questions israélo-arabes. Dans une entrevue accordée à la télévision jordanienne le 7 août, il a rappelé que son pays souscrivait pleinement à l'initiative diplomatique américaine et aux objectifs nationaux des Palestiniens. La Jordanie est considérée par certains comme un intervenant clé dans l'organisation d'une conférence de paix régionale, car elle a une frontière commune avec Israël, elle a déjà administré la bande de Gaza avant de la perdre aux mains d'Israël en 1967 et elle a accepté d'appuyer politiquement la participation des Palestiniens au sein d'une délégation mixte jordanienne- palestinienne si ceux-ci y consentent.

Officiellement, la Jordanie a bien accueilli la proposition américaine, mais entend rester au second plan pendant les discussions sur les conditions et d'autres questions de procédure. Elle coordonne ses prises de position avec l'OLP, l'Égypte et d'autres États arabes grâce à une diplomatie active et discrète. Dans une entrevue accordée au Point à la fin mai, le roi Hussein a souligné que la Jordanie appuyait une solution aux problèmes du Proche-Orient fondée sur les résolutions nos 242 et 338 du Conseil de sécurité de l'ONU, sur le principe de la paix en échange de territoires et sur la participation des Palestiniens aux négociations selon leurs propres conditions afin qu'ils puissent décider eux-mêmes de leur avenir. Bien que la Jordanie ait proposé la formule d'une délégation mixte pour assurer la participation palestinienne, Taher al-Masri, premier ministre d'origine palestinienne, a souligné, dans un discours prononcé devant le parlement le 11 juillet, que son pays considérait l'OLP comme le seul représentant légitime du peuple palestinien et qu'Amman ne remplacerait jamais l'OLP dans des négociations quelles qu'elles soient.

La Jordanie pense en outre qu'une conférence de paix devrait avoir une dimension tant israélo- palestinienne qu'israélo-arabe, et porter notamment sur les questions israélo-jordaniennes, mais qu'en fait une solution globale pour l'ensemble de la région s'impose. En effet, les problèmes sont d'ordre non seulement politique mais aussi économique, écologique et environnemental et ne peuvent être réglés sans l'adoption d'une démarche globale et d'accords collectifs. La Jordanie espère qu'un règlement de paix au Proche-Orient l'aidera à se remettre des conséquences de la crise du Golfe et à relancer son économie chancelante. Elle est encore aux prises avec la présence d'innombrables réfugiés venant d'Irak et du Koweït. De plus, le gouvernement estime qu'un accord global l'aiderait à enrayer toute opposition intérieure à un rapprochement avec Israël.

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Égypte

L'Égypte, autre intervenant clé qui milite en faveur d'une conférence de paix d'envergure sur le Proche-Orient, est le seul pays arabe à avoir signé un traité de paix avec Israël et à avoir échangé avec lui des représentants diplomatiques. Bien que certains radicaux arabes considèrent qu'elle a trahi la cause arabe et que certains groupes palestiniens se montrent soupçonneux à son égard, l'Égypte exerce toujours une certaine influence dans les milieux arabes et travaille dans les coulisses afin de persuader les deux camps des vertus de la souplesse et du compromis.

Ismat Abd al-Majid, alors vice-premier ministre et ministre des Affaires étrangères, a fait connaître le 10 avril dernier la position officielle de l'Égypte sur les conditions d'une conférence de paix, soulignant que l'Égypte appuyait la tenue d'une conférence internationale à laquelle participeraient toutes les parties concernées et les cinq membres permanents du Conseil de sécurité. Il a également demandé la mise en application des résolutions de l'ONU sur la question israélo-arabe et l'amorce d'un dialogue entre Israéliens et Palestiniens. Il a ajouté que les Palestiniens devraient choisir eux-mêmes leurs représentants à la conférence et qu'Israël doit se retirer des territoires arabes qu'il a occupés par la force — Cisjordanie, Gaza, plateau du Golan et Sud-Liban. Il faudra une solution équitable et globale pour que la paix soit durable.

Condition préalable, Israël devra mettre fin à la colonisation dans les territoires contestés. Le ministre des Affaires étrangères, Amr Musa, a déclaré le 24 mai que la position de l'Égypte était claire: "Nous nous opposons à l'installation d'immigrants, qu'ils viennent d'Union soviétique ou soient Falachas, dans les territoires arabes occupés. Les implantations empoisonnent le climat qui entoure le processus de paix. Leur arrêt rendrait les choses plus faciles."

En juillet, le président égyptien, Hosni Moubarak, a incité les Arabes à examiner la possibilité de suspendre le boycott économique décrété contre Israël en échange de l'arrêt des implantations israéliennes dans les Territoires occupés. La singularité de cette demande n'a pas échappé aux autres États arabes. Bien qu'elle abrite le siège de la Ligue arabe, l'Égypte a mis fin au boycott lorsqu'elle a fait la paix avec Israël en 1979. Elle semble avoir actuellement pour stratégie d'amadouer et de menacer tour à tour les Israéliens et les Palestiniens pour qu'ils fassent des compromis et trouvent des mesures susceptibles d'inspirer la confiance. Le président Moubarak se charge des menaces tandis que son ministre des Affaires étrangères courtise les deux camps tout en exerçant des pressions. Ces tactiques ont été reconnues à Washington, mais leur influence sur la tenue d'une conférence de paix reste encore à déterminer.

États-Unis et Union soviétique

Les États-Unis ont leurs propres raisons de vouloir le règlement de ce pénible conflit qu'ils souhaitent peut-être davantage que les protagonistes eux-mêmes. Face à des positions de négociation diamétralement opposées et à des problèmes de procédure, le gouvernement américain a-t-il maintenant l'intention de faire pression sur les deux camps pour les obliger à se rencontrer et à régler leurs différends face à face. Tout porte à croire qu'il le fera.

Lors d'un sommet tenu à Moscou en juillet, les présidents Bush et Gorbatchev ont annoncé qu'ils projetaient de parrainer conjointement la tenue d'une conférence de paix sur le Proche-Orient en octobre afin de profiter du climat de l'après-guerre du Golfe. La déclaration suivante a été faite à une conférence de presse postérieure au sommet: "Les États-Unis et l'Union soviétique s'engagent à faire tout leur possible pour promouvoir le processus de paix. Ainsi, ils co-parraineront en octobre une conférence de paix visant à amorcer des négociations bilatérales et multilatérales." Depuis la rupture des relations diplomatiques entre Israël et l'URSS en 1967, à la suite de la guerre des "six jours", les Soviétiques ont loyalement appuyé la cause palestinienne et plusieurs États arabes. L'Union soviétique s'étant ralliée aux États-Unis en qualité co-organisateur de la conférence, bon nombre des principaux intervenants, dont le Premier ministre Shamir, estiment que Moscou jouera un rôle encore plus important dans le processus de paix.

Les événements survenus en Union soviétique pendant les deux dernières semaines d'août ont suscité de nombreux doutes sur l'utilité du rôle que pourrait jouer l'URSS en tant que co- organisateur. À la suite de l'échec du coup d'État contre le Président Gorbatchev, il faudra, selon certains, reporter la conférence jusqu'à ce que la situation se stabilise en Union soviétique. Même si le nouveau ministre soviétique des Affaires étrangères affirme que le gouvernement entend donner suite au projet comme prévu, il est difficile de croire, vu la situation intérieure actuelle, que l'URSS, quelle que soit la façon dont elle évoluera, pourra bientôt s'intéresser à un problème international aussi complexe et délicat que la paix au Proche-Orient.

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Marge de manoeuvre

Les positions susmentionnées laissent entrevoir que les perspectives de réussite des négociations tenues dans le cadre d'une conférence de paix sur le Proche-Orient, en octobre, ne sont absolument pas encourageantes. Les principaux intervenants ont des opinions fort éloignées les unes des autres et, dans certains cas, diamétralement opposées. Il y a aussi des différences appréciables entre Israël et plusieurs de ses principaux interlocuteurs arabes tels que la Jordanie et la Syrie.

Dans les circonstances actuelles, les camps opposés pourraient être forcés d'accepter de participer à une conférence, mais contrairement à ce que pensent la plupart des observateurs, les conditions d'une telle participation sont plus que de simples questions de procédure. Le 31 juillet, un aide du Premier ministre Shamir a déclaré, dans une entrevue radiophonique: "La composition de la délégation [palestinienne] semble une question de procédure, mais pour nous, c'est une question de fond. Nous ne changerons pas d'avis." Parlant au nom des Palestiniens sur le même sujet, Hanan Ashrawi a dit que le sort de la conférence était toujours incertain et que les Palestiniens ne voulaient pas transiger davantage. Ces derniers, conscients de la faiblesse relative de leur position, prévoient de consulter leurs propres spécialistes en droit international afin de vérifier les répercussions juridiques qu'auraient sur leurs intérêts leur acceptation des conditions posées par Israël et appuyées par les Américains pour la tenue des pourparlers. Ils espèrent également coordonner leurs points de vue et leurs positions avec les autres États arabes intéressés.

Quelles cartes détiennent les États-Unis dans leurs relations avec Israël pour assurer la présence de celui-ci à la conférence? La CEE et l'Union soviétique appuient notamment leur attitude ferme vis-à-vis d'Israël. Les sondages selon lesquels 69 % des Israéliens seraient disposés à renoncer aux Territoires occupés en échange d'une paix assurée avec leurs voisins arabes constituent un atout supplémentaire. Certains observateurs soutiennent également que le Congrès, où les gouvernements israéliens sont habituellement le plus forts, est maintenant l'endroit où le Premier ministre Shamir semble le plus faible. "Si le Président Bush décide de monter en épingle la question des garanties bancaires liées au logement accordées à Israël, il n'y aura pas suffisamment de républicains et de démocrates pour passer outre à son veto." [R.H. Curtiss, The Washington Report on Middle East Affairs, août-septembre 1991, p.7]. Les déclarations agressives et belligérantes du ministre israélien de l'Habitat, Ariel Sharon, sur les implantations prévues dans les Territoires occupés et sur les raisons pour lesquelles les Américains s'y opposent n'ont peut-être fait que renforcer la position américaine.

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Deux scénarios

Le processus de paix au Proche-Orient peut évoluer de deux façons d'ici à octobre ou par la suite.

Il est tout d'abord possible que la conférence proposée n'ait pas lieu, parce que le camp palestinien décidera qu'il ne doit pas accepter les conditions préalables d'Israël concernant la composition de sa délégation. Les dirigeants palestiniens pourraient aussi décider que ces conditions sont trop humiliantes pour qu'ils les prennent en considération et préférer accepter la responsabilité du sabotage d'une autre tentative de paix. Dans ce cas, Yasser Arafat interdirait à tout Palestinien, quel qu'il soit, de se présenter à la conférence et, en l'absence des Palestiniens, les autres États arabes ne s'y présenteraient probablement pas non plus. Un tel scénario constituerait alors une victoire considérable pour Israël sur le plan de la propagande et se traduirait en outre par une baisse de la crédibilité du désir de paix des Palestiniens. Il reposerait sur le calcul selon lequel il serait moins désavantageux de laisser passer une occasion que de la saisir. Il s'agit ici d'une question de perception et de définition.

Il est plus probable que les Palestiniens acceptent les conditions posées par Israël, peu importe leur caractère excessif et injustifiable, et nient ainsi toutes les répercussions qui s'ensuivront pour le statut légal de leur délégation. Il serait possible de trouver des représentants qui satisfont à toutes les restrictions imposées par Israël. Une telle acceptation serait principalement due au fait que les dirigeants palestiniens connaissent mieux que personne la faiblesse de leur position sur le plan stratégique. Après des années d'échecs et de défaites, qu'ils se sont parfois infligés eux-mêmes, ils se rendent compte qu'ils n'ont pratiquement aucune carte à jouer dans les pré-négociations. À moins que rien ne leur soit offert concernant leurs attentes fondamentales, les Palestiniens voudront assister à tout pourparler de paix afin de voir ce qui se passe et de protéger leurs intérêts le mieux possible plutôt que de dépendre des autres.

Tandis que les dirigeants palestiniens sont pratiquement sans pouvoir et que leur position est vulnérable, la majorité des Palestiniens de la Cisjordanie et de Gaza est exposée quotidiennement à des épreuves, à des privations et trop souvent même à la mort. Les Palestiniens installés au Koweït et dans d'autres États arabes sont en butte à diverses formes de traitement préjudiciable, à savoir arrestation, incarcération, renvoi de leur emploi, expulsion et autres genres de harcèlement. Même Arafat ne peut se permettre de négliger la possibilité de réussite, même faible, de ce qui est peut-être la dernière chance pour la paix dans la région. Sinon, la survie de l'identité palestinienne serait incertaine. Israël et ses citoyens ont peut-être besoin d'un accord de paix pour faire face à des problèmes urgents, mais les Palestiniens en ont encore plus besoin qu'eux.

Pourtant, une évaluation sérieuse de l'équilibre actuel des forces au Proche-Orient permet de constater que tous les espoirs du gouvernement américain d'imposer la paix à Israël et à ses voisins arabes sont voués à l'échec. Les États-Unis réussiront probablement à forcer les belligérants à se présenter à la table de négociation, mais les chances d'arriver à un accord sont négligeables. Il est évident que rien ne peut modifier le statu quo, peu souhaitable, si les parties en litige n'acceptent même pas de se parler. Les Palestiniens demandent et espèrent toujours un État indépendant, et les États arabes demandent et espèrent le retrait complet d'Israël des territoires arabes occupés. De son côté, Israël demande et espère des accords de paix avec ses voisins arabes, notamment des frontières sûres, et rejette l'idée d'un État palestinien autonome. L'incompatibilité manifeste de ces attentes ne permet guère d'être optimiste et d'espérer qu'elles seront facilement conciliables. Toutes les parties doivent espérer qu'une fois réunies autour d'une table, le simple fait de dialoguer les aidera à arriver à un compromis.

Comme l'équilibre des forces et des influences dans les circonstances actuelles est favorable à Israël de façon disproportionnée, il n'est guère possible, même en faisant montre d'un optimisme prudent, d'espérer un compromis. Il n'est pas nécessaire d'aller en chercher la raison bien loin. Le facteur le plus important est peut-être la nature des relations israélo-américaines. En théorie, les relations de style protecteur-protégé devraient permettre aux États-Unis de décider de la politique et du programme. En pratique, la dynamique entre les deux intervenants est contrôlée par Israël. [G.H. Aronson, World Monitor, avril 1991, p. 25]. En plus de la prédominance traditionnelle des intérêts israéliens dans la politique étrangère américaine sur le Proche-Orient, la guerre du Golfe a été bénéfique à Israël sur le plan tactique et stratégique auprès de son protecteur et de ses ennemis dans la région.

La destruction de l'un des adversaires les plus acharnés d'Israël pendant cette guerre a éliminé l'une des menaces les plus graves qui planaient sur le pays et a fait pencher encore davantage en sa faveur l'équilibre des forces militaires dans la région. Les images télévisées de missiles Scud irakiens tombant sur Israël ont attiré davantage de sympathie pour l'État juif et ont permis de contrebalancer la réputation de tyran agressif et intransigeant qu'il avait acquise récemment dans la région. Son autorité morale de victime prévue qui a survécu sera., pour Israël, un solide atout stratégique lorsque viendra le temps de résister aux pressions exercées sur lui pour qu'ils fassent des compromis et cèdent des territoires que de nombreux Israéliens considèrent essentiels à la sécurité de l'État.

Son présumé arsenal nucléaire est une autre raison pour laquelle Israël, sous son gouvernement actuel, pourrait résister vigoureusement à toute tentative faite pour le forcer à accepter un compromis, surtout si ce compromis prévoit la "paix en échange de territoires". Si, pendant la guerre, les missiles Scuds irakiens avaient contenu des ogives chimiques, on pense en général qu'Israël aurait été prêt à réagir en portant un "coup terrible" à l'agresseur et, donc, à donner à la guerre du Golfe une nouvelle dimension qui aurait échappé au contrôle des États-Unis. En détruisant à peu près la moitié de la machine de guerre traditionnelle de l'Irak et en prenant des dispositions pour démanteler, après la guerre, ses installations d'armes nucléaires, chimiques et biologiques, les États-Unis et leurs alliés occidentaux ont éliminé la principale menace qui planait sur la sécurité d'Israël. Le tout s'est fait sans demander en contrepartie à Israël de prendre des engagements concernant le processus de paix. Israël a donc conservé sa supériorité en armes conventionnelles sur ses voisins arabes et il dispose toujours de l'atout que constitue son arsenal nucléaire présumé.

De plus, le gouvernement du Likoud d'Israël ne sera guère disposé à faire des concessions pour la paix, car il estime que ses adversaires arabes et palestiniens dépendent encore plus qu'Israël de la bienveillance et des largesses des États-Unis. Dans les délibérations de l'après-guerre, les États arabes du Golfe ont reconnu cette dépendance sur le plan de la sécurité régionale. Comme ses défenseurs nous le rappellent si souvent, pour Israël, c'est la sécurité qui compte avant tout. Israël a besoin de la Cisjordanie, dit-on, pour disposer d'une profondeur stratégique. Bien qu'en cette ère de missiles et d'anti-missiles, le concept de la profondeur stratégique soit sérieusement remis en question, de nombreux Israéliens ne veulent pas prendre le risque calculé que comporte, sur le plan de la sécurité, la reconnaissance d'un État palestinien indépendant en Cisjordanie et à Gaza.

Les Israéliens plus âgés, dont un grand nombre appartiennent à la génération des pionniers, ne sont pas prêts en général à prendre des risques que certains jeunes pourraient accepter. Or, ce sont eux qui ont le pouvoir. Malgré les récents sondages selon lesquels il existe une tendance favorable au concept de la "paix en échange de territoires", de nombreux observateurs expérimentés pensent que les séfarades de la jeune génération sont même plus partisans de la ligne dure et contribueraient, s'il y avait bientôt des élections en Israël, à la réélection du parti du Likoud avec une nette majorité.

Les territoires arabes détenus par Israël sont aussi intéressants aux fins de la colonisation. L'immigration soviétique se poursuit rapidement et, avec le temps, des colonies sont agrandies ou créées librement. Les garanties bancaires d'un montant de dix milliards de dollars dont a besoin Israël pour accueillir ces immigrants ne serviront pas à exercer des pressions auprès des Israéliens afin d'obtenir des compromis liés aux pourparlers de paix. Contrairement à l'opinion mentionnée précédemment, tout veto imposé par l'administration américaine sur une telle aide serait rejeté au Congrès par un vote majoritaire.

Dans les moments cruciaux, le Congrès a toujours appuyé les positions qui servaient Israël. Lorsque la demande israélienne de garanties bancaires lui sera présentée au début du mois prochain, l'administration américaine demandera probablement d'en reporter l'examen, craignant qu'elle compromette les pourparlers de paix. Comme cette demande est maintenant en suspens depuis un moment, Israël et ses partisans voudront qu'elle soit prise rapidement en considération, ce qui pourrait amener les deux gouvernements à s'affronter. Cependant, Israël est convaincu que, indépendamment de ses actes et de ses positions, il continuera de recevoir une aide internationale pour ses colonies d'immigrants. Le 12 août, l'ambassadeur d'Israël à Ottawa a annoncé que le Canada avait offert cent millions de dollars sous forme de crédit, par l'entremise de la Société pour l'expansion des exportations, pour aider l'État juif à installer plus de 800 000 réfugiés au cours des cinq prochaines années.

Enfin, l'Assemblée générale des Nations Unies, qui a été exclue du processus de paix par Israël, avec le consentement des co-organisateurs, est le seul soutien international important dont jouissent les Arabes et les Palestiniennes et qui fait contrepoids au déséquilibre actuel. La lutte des Palestiniens pour l'auto-détermination et la reconnaissance à l'échelle internationale de leurs droits à une patrie indépendante est étroitement liée, depuis le début, aux Nations Unies. Le monde entier s'attend donc à ce que cet organisme international, qui a joué un rôle si essentiel dans la création de l'État d'Israël, veille à ce que le processus de paix aboutisse à la création d'un État palestinien. Les résolutions nos 242, 338 et 425 du Conseil de sécurité constituent la principale reconnaissance, à l'échelle internationale, des droits des Palestiniens et de l'inadmissibilité de l'occupation de territoires arabes par Israël. Elles ont été appuyées, avec une ferveur toujours croissante, par un nombre de plus en plus élevé d'organisations non gouvernementales partout dans le monde.

Il n'est guère étonnant que le gouvernement du Likoud rejette tout rôle important des Nations Unies dans le processus de paix. On sait que l'ONU et un grand nombre de ses organismes ont été littéralement submergés de protestations de gouvernements membres, dont l'Allemagne, le Japon et le Canada, concernant la non-application par Israël en Cisjordanie et à Gaza de la Quatrième Convention de Genève, ou les violations de cette convention, et la prétendue "zone de sécurité" israélienne au Sud-Liban. Le prétexte utilisé par Israël pour rejeter tout rôle de l'ONU est la résolution no 3379 de 1975 disant que le "sionisme est une forme de racisme". Depuis, les gouvernements israéliens ont considéré les Nations Unies comme une assemblée dominée par une "majorité tyrannique" qui a peu de sympathie pour les besoins d'Israël en matière de sécurité et pour ses ambitions territoriales. La résolution venait toutefois de l'Assemblée générale, et il existe actuellement un mouvement qui a pour but l'annulation de cette motion, car de nombreux gouvernements qui ont voté en sa faveur à l'origine auraient revu leur position.

Vu l'intérêt de longue date que l'ONU porte à cette région du monde, de nombreux éléments étrangers au conflit et qui en espèrent le règlement trouveront difficile de comprendre le bien- fondé de l'exclusion de l'ONU à cette étape-ci. L'ONU a en effet été le principal organisme mis à contribution pour autoriser les sanctions prises contre l'Irak, notamment le recours à la force, à la suite de la violation par l'Irak de la souveraineté du Koweït. Elle participe actuellement aux négociations générales tenues pour obtenir la libération de tous les otages au Proche-Orient. Le président Bush s'est dit heureux de ce que l'ONU a un secrétaire-général qui est prêt à faire plus qu'il n'y est tenu pour obtenir des résultats. Le plan de paix de l'ONU en cinq points pour l'Afghanistan a obtenu un appui conditionnel a la suite de la tenue d'entretiens tripartites à Islamabad, auxquels ont participé l'Iran, le Pakistan et les moudjahidin afghans. Dans le conflit opposant le Maroc et le Sahara occidental, le MINURSO a été chargé de superviser le référendum sur la détermination de l'avenir du Sahara occidental.

Entre les principaux protagonistes — Israël et les Palestiniens, c'est-à-dire l'OLP, et ses voisins arabes — il ne peut y avoir de compromis sur les positions déclarées. Le point essentiel est l'attribution d'un territoire à l'État palestinien déjà déclaré. Si ce territoire n'est pas la Cisjordanie et la bande de Gaza, où sera-t-il alors? Israël répond en Jordanie. Quant aux Palestiniens, ils acceptent la solution des deux États et la mise en oeuvre de toutes les résolutions pertinentes de l'ONU; leurs représentants dans les Territoires occupés sont prêts à se joindre à une équipe de négociation afin de mettre progressivement en oeuvre cette solution. Ils accepteraient donc en fait le plan prévoyant leur autonomie, qu'ils avaient rejeté par le passé, comprenant une période de transition de trois à cinq ans. Pendant cette période, des élections seraient tenues, sous surveillance internationale, en Cisjordanie et à Gaza, pour permettre aux Palestiniens de choisir leur équipe de négociation, d'élire des conseils locaux qui dirigeraient les affaires quotidiennes et d'ouvrir éventuellement la voie à une assemblée nationale qui assumerait les responsabilités gouvernementales lorsque les Territoires passeraient de l'étape de transition à celle d'État complètement indépendant. (E. Zureik, NECEF Report, juin 1991, p. 8) Le gouvernement du Likoud d'Israël ne s'attend pas à ce que ces territoires deviennent un jour un État indépendant au plein sens du mot.

À toute conférence de paix à laquelle il pourrait assister, Israël aura pour priorité de conclure des ententes bilatérales avec ses voisins arabes. Du point de vue israélien, les pourparlers les plus importants seront tenus avec la Syrie sur la question de la souveraineté du plateau du Golan, conquis lors de la guerre des "six jours" en 1967. La Syrie veut récupérer tout le territoire. Israël pourrait cependant accepter un compromis selon lequel le territoire serait divisé à peu près en deux, Israël conservant la chaîne de montagnes qui surplombe le lac de Tibériade et toute la région serait démilitarisée. Les deux pays s'entendraient alors pour assurer de concert la supervision et la mise en application de l'accord. Ainsi, la Syrie récupérerait une grande partie du territoire perdu et Israël serait rassuré sur le plan de la sécurité. Les co-organisateurs, surtout les États-Unies, interviendraient en cas d'impasse pour forcer les deux parties à en arriver à un compromis.

On peut prédire avec certitude que les deux camps s'en tiendront à leurs positions et résisteront aux pressions exercées pour qu'ils en arrivent à un compromis. Le président syrien Hafez al-Asad ne pourra pas, sur le plan politique, accepter les conditions d'un règlement avec Israël qui seraient moins favorables que celles obtenues par l'Égypte lorsque celle-ci a récupéré le Sinaï après les accords de Camp David. Les négociateurs israéliens ne voudront surtout pas remettre une partie du Golan au dirigeant actuel de la Syrie qui pourrait alors de nouveau attaquer Israël quand il le voudrait. Les États-Unis ne pourront obliger Israël à se retirer complètement de ce territoire et devront éventuellement accepter le statu quo. Même si le président syrien n'obtient pas la promesse de la restitution du Golan en échange de sa participation à la conférence, les tensions et l'animosité qui règnent entre Israël et la Syrie continueront d'empoisonner les relations entre ces deux voisins ainsi que l'atmosphère dans la région. Cet élément contribuera donc au caractère extrêmement explosif de ce conflit régional.

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Facteurs négatifs et risques d'échec

Dans les deux camps, plusieurs intervenants ne souhaitent pas que les belligérants se rencontrent pour parler de paix. Ils sont, dans le camp israélien, les chefs des deux partis dissidents de droite — membres du front du Likoud — et le ministre de l'Habitat Ariel Sharon, membre du parti au pouvoir qui, au cabinet, a voté contre l'approbation des pourparlers. Ces éléments pourraient renverser le gouvernement du Likoud lors d'un vote de non-confiance, ce qui obligerait à tenir de nouvelles élections, comme ce fut le cas en 1990. Comme ce processus prend quatre mois, le nouveau gouvernement israélien serait en place au moment où l'administration américaine serait en pleine préparation pour les élections de novembre 1992.

Dans le camp palestinien, le Commandement unifié du soulèvement palestinien — groupe appuyé mais non contrôlé par l'OLP et qui dirige l'intifada — a dit considérer la conférence de paix proposée comme un complot sioniste. Le Jihad islamique palestinien a menacé d'assassiner Faysal al-Husaini et tout autre Palestinien qui acceptera d'assister aux pourparlers de paix. Le Hamas s'oppose aux pourparlers et espère qu'ils échoueront, mais il ne les entravera pas. Quant à l'OLP, elle décidera en septembre, à la réunion du Conseil national palestinien, si elle accepte ou non les conditions d'Israël concernant la représentation palestinienne; elle a toujours le pouvoir d'empêcher toute participation palestinienne.

Au Liban, des groupes politiques se sont également opposés avec violence au plan américain concernant la tenue d'une conférence de paix. Ils aimeraient en empêcher complètement la tenue ou, du moins, la participation du gouvernement libanais. À la tête de ces groupes se trouve le Hezbollah, mouvement intégriste chiite pro-iranien. Comme le gouvernement iranien s'oppose avec véhémence aux pourparlers et craint que son allié syrien les accepte, il n'est pas surprenant que le Hezbollah et d'autres groupes aient annoncé leur intention d'intensifier leurs attentats dans la zone de sécurité israélienne auto-déclarée au Sud-Liban dans l'espoir de susciter d'importantes représailles israéliennes.

Le Conseil chiite suprême du Liban et le parti chiite modéré Amal, dirigé par Nabih Berri, s'opposent également à la tenue de pourparlers. Comme ces groupes ont besoin de soutiens extérieurs pour commettre des attentats d'envergure contre Israël et son mandataire, l'armée du Sud-Liban, ils sont en contact avec plusieurs mouvements palestiniens radicaux — FPLP-CG, FDLP et le Fatah — Conseil révolutionnaire d'Abou Nidal — afin d'obtenir l'aide nécessaire pour réaliser leur plan et compromettre toute conférence de paix. Une opération d'envergure menée en Israël ou visant des intérêts israéliens pourrait amener Israël à réagir vivement, mais n'anéantirait pas nécessairement les espoirs de pourparlers de paix entre Israël et le Liban.

Les efforts de paix au Proche-Orient risquent fort d'échouer, et les conséquences d'un tel échec seraient probablement désastreuses. Après des années d'impasse pendant lesquelles les démarches pour en arriver à un accord dans le cadre de la Conférence de Genève n'ont donné aucun résultat et compte tenu l'intensification des attentes après la deuxième guerre du Golfe, les négociations tenues lors d'une conférence de paix pourraient, si elles sont longues et peu concluantes, faire naître brusquement des sentiments de déception et même de désespoir. Pour les Palestiniens qui souffrent déjà beaucoup, une telle évolution de la situation serait dévastatrice. Comme l'a dit le professeur de sciences politiques palestinien Sa'eb Erakat, "et le désespoir mène non seulement à des actes désespérés, mais aussi à des opinions désespérées". [Globe & Mail, 5 septembre 1991].

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Date de modification : 2005-11-14

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