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Commentaire N° 20

La religion et le dilemme du pouvoir en Iran

M.W. Millward

Avril 1992
Non classifié

Précis : Depuis 1979, la légitimité du pouvoir religieux en Iran est mise en doute. L'auteur se demande si la légitimité du régime en place découle du soutien populaire ou de l'autorité des religieux. Avril 1992. Auteur : M.W. Millward.

Note du rédacteur : Au cours de l'histoire, plusieurs pays ont été gouvernés par une élite ou un clergé se réclamant de l'autorité divine: l'Israël après l'Exode; Rome sous César; plusieurs pays européens sous le droit divin des rois, pour en nommer quelques uns. Alors que la plupart des pays modernes vivent avec une division relativement confortable entre l'État et l'Église, l'Iran fait face a un dilemme unique.

Dans sa série sur le Moyen-Orient le docteur W. Millward examine les sources à partir desquelles le gouvernement iranien tente de tirer sa légitimité. Comme il le note, l'autorité religieuse s'est accrue au détriment de l'autorité royale (le turban surpasse la couronne), de façon dramatique en Iran depuis 1978. Cependant, le gouvernement maintient sa suspicion à l'égard du concept du peuple comme source légitime de pouvoir.

Avertissement : Le fait qu'un article soit publié dans Commentaire ne signifie pas que le SCRS a confirmé l'authenticité des informations qui y sont contenues ni qu'il appuie les opinions de l'auteur.


La République islamique d'Iran, qui est à l'avant-garde du mouvement islamique depuis bientôt quinze ans, est le symbole de la réussite à laquelle aspirent d'autres mouvements nationaux islamistes ou intégristes islamiques. Bien qu'elle ait pris le pouvoir à la suite d'un soulèvement révolutionnaire, elle est une source d'inspiration pour des mouvements semblables dans d'autres États où la population est en majorité musulmane, même lorsque le modèle révolutionnaire ne peut être utilisé pour arriver au pouvoir. Le fait que cet État, qui constitue un modèle pour toute théocratie islamique, connaît actuellement de sérieux problèmes est donc important. L'élément fondamental est la question du pouvoir et de la légitimité. Ajouté à une grave stagnation économique, il semble devoir prendre les proportions d'une crise, si le régime en place ne peut opérer de rapides améliorations d'ici la fin de l'année.

Depuis qu'il a pris le pouvoir en 1979, l'actuel régime iranien a vu sa légitimité remise régulièrement en question, pour de nombreuses raisons, mais surtout parce qu'il exclut tellement d'Iraniens de toute participation au gouvernement et aux affaires publiques. Le fait qu'environ plus de deux millions d'Iraniens préfèrent vivre en exil plutôt que de rentrer dans la République islamique contredit, à première vue, sa prétention à représenter tous les Iraniens. Sa légitimité sera de nouveau mise à dure épreuve au moment de la nouvelle série d'élections parlementaires qui doit avoir lieu en avril. Si les autorités donnent suite à un plan visant à exclure arbitrairement ceux dont on sait qu'ils s'opposent à certaines des politiques du gouvernement en leur refusant le droit de se porter candidats aux élections, la crédibilité du gouvernement pourra être encore davantage ternie et sa légitimité, remise en question en termes islamiques.

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Pouvoir et légitimité en Iran

Historiquement, la tradition iranienne reconnaît deux sources ou pôles d'autorité légitime: la religion et la royauté, le turban et la couronne. Dans les premiers temps de l'ancien pouvoir impérial perse, ces deux sources étaient réunies dans l'institution de la royauté sacrée. Pendant des siècles d'histoire iranienne, pré-islamique et islamique, ces deux pôles d'autorité ont constitué, parfois ensemble, parfois séparément, les sources légitimes du contrôle politique et social.

À la suite de l'évolution politique et sociale de l'Iran depuis la chute de la dynastie des séfévides en 1722 les deux pôles de légitimité ont coexisté dans le cadre d'une relation en général difficile, sinon carrément hostile, où chacun exerçait son autorité dans son propre domaine. Comme l'institution religieuse avait ses propres ressources financières—de taxes religieuses et de dîmes de terres—elle pouvait fonctionner, et elle fonctionnait, indépendamment de l'Etat.

À la suite de la révolution islamique survenue en 1978-1979, le pouvoir royal a été considérablement délégitimé, tandis que la religion voyait son autorité renforcée, tout comme celle de ses gardiens, et devenait le principal détenteur légitime du pouvoir. Ce principe est enchâssé dans la nouvelle constitution de la République islamique. Certains observateurs pensent qu'il s'agit là du premier exemple véritable de gouvernement théocratique dans l'histoire iranienne, mais d'autres ne partagent pas cette certitude.

Dans les temps modernes et anciens, les citoyens iraniens devaient payer leur dû aux deux pôles d'autorité, le spirituel et le temporel. Lorsque l'un de ces deux pôles s'effondre, ce qui fut le cas en 1979, la question se pose de savoir si le pôle qui reste doit assumer la totalité du pouvoir traditionnel. Dans le cas de la théocratie islamique d'Iran, la question n'a toujours pas été résolue et il faut attendre que la situation évolue. De graves problèmes théoriques et pratiques vont encore se poser.

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Une nouvelle source de légitimité: le peuple!

En Iran, des pressions considérables sont exercées pour modifier les notions traditionnelles du pouvoir légitime depuis le début de l'ère moderne. Lorsque la première constitution iranienne (lois fondamentales) a été promulguée en 1906-1907, elle faisait mention des droits de la nation perse et laissait entendre que le peuple d'Iran avait certains droits devant la loi, ainsi qu'un rôle à jouer dans l'élaboration des nouvelles lois. En vertu d'une division tripartite des pouvoirs, il était reconnu en droit, pour la première fois, que le peuple iranien avait son mot à dire dans les affaires du gouvernement et la détermination des politiques sociales et des sanctions. L'idée que le peuple était la source de la légitimité a continué de croître en Iran, même si elle a été en général ignorée par les élites indélogeables, tant spirituelles que temporelles.

Après quinze ans d'exil, lorsque l'ayatollah Khomeini est rentré en Iran le1er février 1979, il a été accueilli par quelques-unes des foules les plus considérables jamais rassemblées dans l'histoire de ce pays. Bien des gens qui se trouvaient dans ces foules avaient également participé aux manifestations tenues contre le régime du chah d'Iran plusieurs mois auparavant. Lorsque l'ayatollah a publié un décret autorisant le premier ministre qui venait d'être nommé à la tête du gouvernement provisoire, Mehdi Bazargan, à donner suite à un programme dont l'objet était d'établir une nouvelle constitution et un nouveau cadre pour un gouvernement élu, l'autorité de l'approbation populaire qu'il avait reçue et son autorité spirituelle ont été invoquées pour donner plus de poids encore à la légitimation des mesures prescrites.

En février 1979, très peu d'Iraniens savaient ce qu'était une république islamique, quelle forme elle aurait et comment elle fonctionnerait. Ils ont néanmoins été exhortés à participer à un référendum, les 29 et 30 mars 1979, afin de déterminer s'ils approuvaient le remplacement de la monarchie par le nouveau système de gouvernement. La question suivante leur a été posée: «L'Iran devrait-il être une république islamique?» et, d'après les dossiers officiels, 98,2 pour 100 des 20 251 000 d'électeurs y ont répondu par l'affirmative. Comme le taux de participation électorale a été de 89 pour 100, le résultat du vote indiquait une nette approbation. Ainsi, dans la mesure où elles étaient comprises, la révolution et l'idée que se faisait l'ayatollah d'une république islamique ont été approuvées et légitimés.

Pour de nombreux observateurs, tant partisans qu'opposants, la création de la République islamique a semblé être une entreprise essentiellement improvisée, sans schéma directeur pour guider le processus. Quand il y avait un problème de structure dans le nouveau système, les autorités remaniaient le mécanisme et improvisaient une solution. Elles ont néanmoins constamment fait appel au pouvoir populaire et à la légitimité. À toutes les étapes de l'édification de la nouvelle structure gouvernementale et administrative, y compris l'Assemblée constituante chargée de rédiger une nouvelle Constitution en juin 1979 et le référendum tenu en décembre 1979 pour faire approuver les résultats des délibérations de cette assemblée, puis lors de toutes les élections à la présidence et au parlement (le Majlis), le rôle du peuple comme source d'approbation légitime a souligné.

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Le pouvoir populaire est devenu pratiquement un mot d'ordre utilisé par tous les politiciens et les bureaucrates du régime, du sommet à la base du système. Tous affirment agir au mieux des intérêts des masses iraniennes déshéritées qui souffrent depuis longtemps et comptent de nombreux martyrs, y compris les responsables de la prolongation de la douloureuse participation à une guerre imposée avec l'Irak longtemps après qu'il était raisonnable d'espérer un règlement avantageux.

«Masses déshéritées» restent une expression qui se retrouve dans le discours politique des partisans du régime, un symbole que manipulent les politiciens de toutes les nuances et de toutes les factions. Aucun membre du Majlis, peu importe la tendance qu'il représente, se hasarderait à parler sur une question fondamentale sans utiliser ce talisman à un moment ou à un autre de son discours. Lors d'une séance publique du Majlis tenue le 9 octobre 1991, Muhammad Akbarzadeh, député de Nishapur, a fait un discours dans lequel il a expliqué comment il comprenait le rôle des masses dans la pyramide de l'autorité. «Il en est ainsi parce que le gouvernement de la République islamique est sacré et tient son caractère sacré des votes des musulmans, qui sont les véritables propriétaires de la révolution et du pays, ainsi que de quelques membres de l'Assemblée des experts, qui sont choisis par les séminaires, et de son Guide, qui est choisi par l'Assemblée des experts.» [Resalat, 10 octobre 1991, pp. 5, 12, cité dans le FBIS-NES-91-226-S, du 22 novembre 1991, p. 19] Cette explication n'indique pas clairement qui est le principal tenant de la légitimité, le peuple, le pouvoir religieux ou une combinaison des deux.

Les droits et les devoirs des musulmans iraniens sont énoncés dans deux sources: le droit canonique de l'Islam—la charia—et la Constitution de la République islamique; la première exprime la volonté divine et est un répertoire des sanctions sacrées dans la vie quotidienne, tandis que la deuxième est un symbole de la légitimité populaire dans les affaires publiques. En incorporant le principe de la velayat faguih—la confiance au juriste, la Constitution aurait mis fin à la division du pouvoir laïc et du pouvoir religieux, le premier étant assimilé par le deuxième.

D'après la nouvelle constitution, le gouvernement de la République islamique est doté d'une aile populaire grâce à l'Assemblée islamique qui compte 270 membres élus par suffrage universel. Il y a eu des élections à cette assemblée, ou Majlis, en 1980, en 1984 et en 1988, et une nouvelle série d'élections est prévue pour le début d'avril 1992. Les membres du Majlis sont de plus en plus contrôlés par le régime; seuls les candidats qui satisfont aux critères fixés par le régime et imposés par le Conseil des gardiens sont autorisés à se présenter aux élections. Le régime actuel, qui depuis longtemps empêche tous les groupes et partis non religieux d'avoir accès aux élections au Majlis, se préparerait à réduire encore davantage la base populaire de légitimité que cette assemblé représente.

Jusqu'à récemment, le Majlis était contrôlé par une majorité de députés radicaux qui ont réussi à retarder ou à rejeter plusieurs mesures législatives importantes du programme de M. Rafsanjani. On pense généralement que celui-ci utilisera son pouvoir et son influence auprès du Conseil des gardiens, par l'intermédiaire du Guide spirituel Ali Khamenei, pour que soient rejetées les qualifications des candidats radicaux aux élections. Il semble raisonnable de supposer que M. Rafsanjani fera montre de retenue dans la manipulation du processus électoral. Il n'est pas nécessaire de beaucoup modifier l'équilibre qui existe entre les radicaux et les modérés au Majlis pour donner la majorité aux partisans modérés du président. Une manipulation trop maladroite pour exclure tous les partisans de la tendance radicale susciterait des clameurs dans l'opposition et ferait perdre au gouvernement une grande partie de son soutien public. Ces derniers temps, les soi-disant radicaux sont devenus beaucoup plus pragmatiques que d'habitude, et il serait souhaitable de garder un certain nombre d'entre eux au Majlis où il est possible de les surveiller et de les utiliser comme contraste dans l'élaboration des programmes du gouvernement. Tout le monde sait que certaines personnalités radicales, comme l'hodjatoleslam Mohtashemipur, sont toujours considérées par un nombre considérable d'électeurs du peuple comme les interprètes de la «ligne» de l'ayatollah Khomeini.

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La fonction de chef religieux et politique

L'établissement d'une république islamique présente une autre contradiction qu'ont illustrée les changements apportés aux conditions requises pour occuper le plus haut poste du système, celui de Guide suprême (Vali Faguih), après la mort de son fondateur et premier titulaire, Ruhollah Khomeini, au début de juin 1989. En effet, en mars de la même année, l'héritier présomptif qui avait été soigneusement préparé à ce rôle et qui était depuis longtemps le confident de Khomeini et un de ses anciens étudiants, Hossein Ali Montazeri, a été brusquement écarté et, comme il n'y avait aucun candidat dont le rang et le prestige théologiques étaient comparables, les autorités du régime ont dû réduire les conditions requises par la Constitution pour occuper ce poste afin d'y placer Ali Khamenei, le seul religieux de haut rang du régime qui avait une vaste expérience politique.

En édulcorant à ce point l'importance de ce poste, qui est le pilier central de la nouvelle structure, les autorités ont porté un coup volontaire mais apparemment inévitable à la légitimité et à la crédibilité de tout le processus. En raison de son érudition et de ses partisans, l'ayatollah Khomeini était sans doute l'une des quelques six personnalités de haut rang de la hiérarchie religieuse chiite en 1970, lorsqu'il a donné ses célèbres conférences sur le gouvernement islamique à Nadjaf. Lorsqu'il a assumé le rôle de Guide suprême en 1979, il était le primus inter pares des Grands ayatollahs du milieu dirigeant religieux chiite en Iran en termes de prestige et de situation politique.

Par comparaison, son successeur Ali Khamnehi'h n'était qu'un néophyte. Pour masquer son statut relativement peu élevé parmi les érudits religieux, il a été élevé du rang d'hodjatoleslam à celui d'ayatollah par les partisans du régime. Il est aussi maintenant parfois appelé Grand ayatollah, ce qui cause un certain degré d'hilarité dans les milieux religieux traditionnels.

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Théocratie ou coup d'État religieux?

La contradiction fondamentale qui apparaît dans le système républicain islamique en tant qu'incarnation viable de la théocratie est le fait évident que l'institution politique et l'institution religieuse ne sont ni coextensives ni conformes. L'une n'a pas été complètement absorbée ou intégrée par l'autre. Tandis que l'appareil politique de l'Etat domine et contrôle toujours la vie politique à Téhéran et dans l'ensemble du pays, l'institution religieuse traditionnelle, ses piliers et ses partisans continuent de perpétuer la tradition sacrée du chiisme ja'fari et de l'utiliser à Qom, à Mashad et dans d'autres centres pour assurer l'orientation spirituelle et pratique des masses.

À Qom, les rangs du clergé traditionnel s'éclaircissent au niveau le plus élevé—celui de Grand ayatollah. Lorsque Mohammad Reza Golpaygani, doyen des Grands ayatollahs de haut rang vivant encore à Qom, qui est censé avoir plus de quatre-vingt-dix ans et être en mauvaise santé, disparaître, la scène sera prête pour l'apparition d'une nouvelle génération de Grands ayatollahs en Iran. Une de ces personnalités est l'ayatollah Montazeri, qui a été dépouillé de son statut de successeur de l'ayatollah Khomeini qui habite maintenant à Qom et dont les qualifications politiques ont été rejetées. Pour de nombreux chiites iraniens cependant, y compris quelque quatre-vingts députés ou plus du Majlis qui lui ont rendu visite, parmi d'autres, lorsqu'ils sont allés à Qom en décembre dernier après la conférence sur la Palestine tenue à Téhéran, ses opinions sur les affaires étrangères méritent encore d'être connues et son autorité spirituelle est intacte.

La question de la direction spirituelle et temporelle de l'Iran chiite continue toutefois d'évoluer. Le Grand ayatollah Montazeri représente seulement une menace limitée pour le régime parce que ses qualifications et son érudition spirituelles traditionnelles sont plus grandes que celles de l'actuel Guide, Ali Khamenei. Ironiquement toutefois, il a depuis longtemps embrassé le principe théorique de l'autorité du juriste (velayat faguih) qu'énonçait son collègue et mentor, l'ayatollah Khomeini. Tant qu'il ne renie pas ce principe et prête allégeance au dirigeant actuel en tant que chef politique de l'Etat, il ne menace pas la stabilité du régime. Sa sécurité n'est cependant pas garantie.

La situation actuelle de l'expérience théocratique iranienne est paradoxale car la majorité des ayatollahs et des marjas de deuxième niveau à Qom, les gens comme Mohammad Mehdi Shirazi, sont presque tous des anciens étudiants du Grand ayatollah Abol Qasem Khui, chef spirituel chiite prééminent reconnu de Nadjaf, en Irak, dont l'opinion négative sur le principe de la velayat faguih est toujours partagée par certains. Dans le milieu chiite spirituel traditionnel, certains observateurs estiment que jusqu'à 80 pour cent des masses croyantes reconnaissent la direction spirituelle et la prééminence de l'ayatollah Khui par l'intermédiaire de son représentant local dans leur région.

Lorsque le Grand ayatollah Khui mourra, la désapprobation qu'il a exprimée contre l'expérience théocratique lancée par l'ayatollah Khomeini en Iran existera toujours parmi ses partisans et ses anciens étudiants. Le Grand ayatollah Khui ne s'oppose pas au droit du clergé de jouer un rôle dans le gouvernement, mais il rejette la notion voulant que le clergé ait un droit exclusif à cet égard. Comme il est assez âgé et qu'on le dit souvent sur le point de mourir—soit de mort naturelle soit à la suite des mauvais traitements de Saddam Hussein, des chiites de partout s'intéressent à la question de sa succession au poste de dirigeant qu'il exerce. D'autres religieux importants en Irak hériteront de la responsabilité de la direction spirituelle collective lorsque Khui moussa. Dans l'intervalle, en raison de sa population plus nombreuses et de son poids financier, l'Iran est toujours, et restera probablement, le centre de gravité.

Tant qu'il y aura, dans les séminaires et les centres d'enseignement à Qom et à Mashad, un nombre considérable de religieux de haut rang qui ne souscrivent pas au concept du pouvoir universel ou absolu d'un juriste suprême qui exerce tous les pouvoirs légaux, politiques et spirituels sur la totalité de croyants chiites, il sera impossible de parler d'une théocratie véritable en Iran. Comme les anciens étudiants du Grand ayatollah Khui ont maintenant leurs propres partisans et enseignent à des milliers d'étudiants, il est certain que les institutions religieuse et politique en Iran ne seront jamais complètement fusionnées. Le pouvoir politique et la direction de l'ayatollah Khamenei peuvent être, et sont en grande partie, reconnus et acceptés, sans qu'il y ait pour autant renoncement à prêter allégeance à d'autres concernant l'orientation relative à des questions de droit religieux et d'ascendant spirituel. L'édifice politique n'est pas sur le point de pouvoir récupérer et assimiler l'institution traditionnelle de l'autorité juridique et de la légitimité en Iran.

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Une autre contradiction

Sur le plan de la légitimité islamique, une des contradictions les plus coûteuses de la République islamique est l'utilisation que fait celle-ci d'une cour religieuse spéciale pour imposer une rigidité et une uniformité étouffantes au sein même de ses loyaux partisans. Le gouvernement de la République islamique a fait récemment de la Cour religieuse spéciale un instrument qu'il utilise pour intimider l'opposition et tous les religieux rivaux qui ne sont pas parfaitement alignés sur les politiques officielles. Après avoir été interrogé, M. Hashemian, le vice-président du Mahtis a été autorisé à rentrer chez lui, mais il n'y a eu aucune indication claire de son acquittement. Il faudra voir s'il fera l'objet d'une sanction ultérieure. Un de ses collègues radicaux intransigeants, l'hodjatoleslam Abolfazl Mousavian, ex-rédacteur en chef du journal Khorasan, n'a pas eu autant de chance.

Nommé rédacteur en chef du Khorasan en 1985 Mousavian, religieux âgé de 38 ans, a publié une réplique lors du débat sur la rivalité entre factions dans les milieux du régime. Il y était dit qu'une faction modérée prétendait être appuyée par Ali Khamenei, Guide spirituel, dans ses efforts pour se débarrasser des intransigeants. Le 28 septembre 1991, Mousavian a été convoqué par la Cour spéciale du clergé de Téhéran et interrogé à huis clos, sans jury et en l'absence de la presse. Le gouvernement s'est alors opposé à un de ses propres organismes, le ministère de la Culture et de la conduite islamiques, qui a fait remarquer que cette façon de procéder allait à l'encontre de l'article 168 de la Constitution et des articles 23 et 24 des lois sur la presse, ratifiées par le Majlis.

Le 30 septembre 1991, la Cour spéciale du clergé a publié son propre communiqué, qui s'opposait à celui du ministère et renseignait la nation du Hezbollah (le public iranien) sur le fondement de sa propre légitimité et de ses actes. La Cour a affirmé qu'elle n'était pas assujettie aux lois qui régissent le judiciaire et que ses actes étaient sanctionnés par les lois religieuses sacrées de l'Islam. Elle a promis qu'à l'avenir, elle allait traiter sans hésiter les contrevenants et les déviants à tous les niveaux et elle a prévenu l'opposition et les médias que les mensonges, les calomnies et la déformation étaient considérés comme des crimes selon le droit religieux et pouvaient faire, et feraient, l'objet de poursuites en justice.

Le Salam, journal de Téhéran partisan de la ligne dure, a défendu Mousavian et déclaré que cette affaire était importante car elle pouvait créer un précédent pour museler la presse. Toutefois, dans son numéro du 9 novembre 1991, il a présenté un reportage spécial sur le rassemblement qui avait eu lieu deux jours plus tôt à la mosquée de l'Université Ferdowsi pour dire adieu à l'hodjatoleslam Mousavian. Les obsèques de ce dernier ont attiré des centaines d'étudiants, de religieux, d'hommes d'affaires et de divers représentants du peuple. Après coup, il était difficile de ne pas être d'accord avec l'observation faite précédemment dans la déclaration du ministère et selon laquelle passer outre à la Constitution et aux autres lois susciterait sans doute le désenchantement social et la stagnation et militerait contre la sécurité professionnelle, sociale et politique du peuple.

La République islamique d'Iran ne ressemble guère à la cour royale de Jacques Ier et de Charles Ier d'Angleterre au début du dix-septième siècle, mais le parallèle qui existe entre la Cour religieuse spéciale et la Chambre étoilée du palais de Westminster est trop évident pour ne pas être noté. La Chambre se réunissait en effet secrètement, sans jury, et exerçait ses pouvoirs arbitraires pour traiter sévèrement les opposants au roi qui étaient trop puissants et échappaient aux juridictions ordinaires. Le message transmis par la Cour religieuse était particulièrement terrible parce que Mousavian était un fidèle défenseur du régime et du principe du droit du clergé à gouverner. Il est difficile d'imaginer une démarche des autorités qui causerait un plus profond malaise et une plus grande insécurité parmi les partisans du régime.

L'incapacité à fournir des structures intégrées pour adapter des points de vue et des programmes dissidents et l'insistance des représentants du gouvernement sur «l'unité de la pensée, des mots et des actes» constituent une contradiction systémique de la République islamique. Des opinions et des points de vue différents sont par le fait même séditieux. Même les champions des principes fondamentaux de cette république ne sont pas à l'abri de représailles. Dans tout système qui repose sur l'autorité de Dieu et sur sa loi, interprétée par un juriste tout puissant (le Guide suprême), il n'y a pas de place pour la contribution de cette autre source de légitimité qu'est le peuple. C'est pourtant ce dernier qui fait les révolutions et qui renverse ou installe les régimes. Lorsque les gens se rendront enfin compte que le régime qui a demandé au peuple d'approuver ses politiques ne peut ni garantir la sécurité de ses loyaux partisans, ni produire des résultats pratiques qui relèvent le niveau de vie des masses, la question du pouvoir et de la légitimité soulèvera la controverse.

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Date de modification : 2005-11-14

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