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Commentaire N° 21

L'Activisme et la défense des animaux

M. G.D. (Tim ) Smith

Avril 1992
Non classifié

Précis : L'auteur s'intéresse au militantisme accru des activistes associés à la défense des droits de l'animal. Avril 1992. Auteur : M. G.D. (Tim ) Smith.

Note du rédacteur : On retrouve derrière les actions des activistes associés à la défense des animaux, depuis dix ans, notamment en Grande-Bretagne et aux États-Unis, plusieurs questions ennuyeuses. Dans certains milieux, la sympathie exprimée envers leur cause a éclipsé l'étendue étonnante des dommages faits aux commerces, aux laboratoires et aux cliniques. Aussi, plusieurs personnes ont échappé de justesse à des empoisonnements, des attentats à la bombe et à des incendies volontaires. En tout et partout, un militantisme croissant caractérise les actions de plusieurs groupes visant le respect des droits des animaux. Cette dernière question est abordée dans ce numéro de Commentaire par G.D. (Tim) Smith, analyste stratégique de la Direction de l'analyse et de la production du SCRS.

Avertissement : Le fait qu'un article soit publié dans Commentaire ne signifie pas que le SCRS a confirmé l'authenticité des informations qui y sont contenues ni qu'il appuie les opinions de l'auteur.


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Introduction

L'année 1992 n'avait que trois jours, et le souvenir des célébrations du temps des fêtes était encore tout frais lorsque les reportages des médias sur un empoisonnement de friandises à Edmonton et à Calgary, qui a ravivé bien des maux de tête, ont mis fin à cet agréable état d'esprit. En effet, un groupe jusqu'alors inconnu, qui s'est donné le nom de Milice des droits des animaux (MDA), a affirmé avoir injecté du nettoyant pour four dans quatre-vingt-sept barres Cold Buster pour protester contre les prétendus mauvais traitements subis par des animaux lors de la mise au point de ce produit. Ces allégations ont été niées par le concepteur de la barre, physiologiste à l'Université de Calgary.

Les tests faits par la police sur une barre ont révélé la présence d'une substance alcaline «susceptible de causer des brûlures si elle était avalée». Le distributeur du produit Cold Buster a donc immédiatement rappelé des dizaines de milliers de barres de quelque 250 points de vente en Colombie-Britannique, en Alberta, en Saskatchewan et au Manitoba, et le fabriquant en a interrompu la production, ce qui a entraîné la mise à pied temporaire de 22 employés.

Dix jours après l'incident, les bureaux du Edmonton Journal ont reçu de la MDA une deuxième lettre confirmant que la prétendue contamination était une plaisanterie et expliquant que le but recherché était de nuire, sur le plan économique, à l'inventeur, à ses cofinanciers et à ceux à qui profitait le succès de la barre Cold Buster. Il y était en outre précisé que la MDA allait prendre d'autres mesures si l'exploitation des animaux continuait et que, cette fois-là, ce ne serait pas un canular.

L'action directe associée à la protection des animaux n'est pas une nouveauté pour les Canadiens. Ainsi, les efforts controversés de Greenpeace pour empêcher le massacre des blanchons du Groënland ont déjà beaucoup retenu l'attention du public au Canada—et partout dans le monde. Toutefois, le recours à l'activisme pour défendre les animaux est une tendance qui est devenue de plus en plus manifeste ces dernières années, davantage d'ailleurs en Grande-Bretagne et aux États-Unis qu'au Canada. Cette progression comporte des aspects difficiles qui méritent réflexion.

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Contexte

Au cours des dix dernières années, la responsabilité de quelque 40 cas de vandalisme, d'incendie criminel et d'introduction par effraction commis au Canada a été attribuée à une organisation connue sous le nom de Front de libération des animaux (FLA). Ramification d'un groupe britannique du même nom, le FLA est apparu au Canada en 1981, où il s'est mis à poser des actes semblables à ceux que commettait son équivalent britannique. Les activistes, qui ont en général pris les fourreurs pour cibles de leurs manifestations, ont peint des graffiti sur des immeubles, versé de la colle dans des serrures de porte et brisé des fenêtres. Ils ont utilisé ces mêmes tactiques contre des boucheries et des poissonneries, et de façon encore plus violente par la suite:

  • le 24 avril 1989, à Vancouver (C.-B.), deux boucheries ont été détruites par des incendies criminels, pour marquer la «Journée mondiale des animaux de laboratoire»;
  • le 17 décembre 1991, à Edmonton, un incendie criminel dans une poissonnerie a causé des dommages évalués à 46 000 $. Ironie du sort, quelque 12 homards et crabes sont morts lorsque leurs réservoirs se sont vidés à la suite de la panne de courant provoqué par l'incendie.

Le FLA a revendiqué la responsabilité de ces deux attentats, dans le premier cas en téléphonant, et dans le second, en peignant à l'aérosol les lettres «FLA» sur les murs de la poissonnerie.

Les militants pour la défense des animaux n'ont pas ciblé uniquement les fourreurs, les boucheries et les poissonneries. Ils ont également saccagé des laboratoires de recherche ainsi que des écoles de médecine et de médecine vétérinaire. Des activistes se sont introduits par effraction dans des laboratoires de recherche, où ils ont enlevé des animaux utilisés à des fins expérimentales, et ils ont envoyé de la correspondance haineuse aux scientifiques en cause. Au Canada, il y aurait de 350 à 400 groupes qui s'intéressent à la protection des animaux, et le FLA semble le plus radical d'entre eux.

Formé en Angleterre en 1976, le premier FLA était un groupe dissident de l'Association des saboteurs de la chasse (Hunt Saboteurs Association) qu'il ne jugeait pas suffisamment militant. Depuis sa création, ce mouvement a acquis une redoutable réputation au Royaume-Uni. Il est même allé jusqu'à des tentatives de meurtre, puisqu'en 1990, deux scientifiques britanniques ont échappé de justesse à la mort lorsque leurs voitures piégées ont explosé. Lors du deuxième attentat, un bébé de treize mois qui se trouvait dans un landau tout près a été blessé.

Le FLA a acquis sa réputation au cours d'une campagne de destruction de dix ans. Les raids contre des laboratoires et des chenils, au cours desquels il endommageait les installations et remettait des animaux en liberté, ainsi que les peintures à l'aérosol sur des véhicules et à l'intérieur et à l'extérieur d'immeubles, sont typiques de ses agissements. Des scientifiques et leur famille ont reçu des appels téléphoniques injurieux, leurs voitures ont été couvertes de décapant et des tracts ont été distribués dans les écoles fréquentées par leurs enfants. En janvier 1981, le FLA estimait avoir causé pour plus de deux millions de dollars de dommages au cours de ses quatre dernières années d'existence.

En Grande-Bretagne, 1984 a été une année des plus occupées pour le FLA, qui a d'abord effectué des raids dans des élevages de visons et des laboratoires scientifiques, puis fait des appels téléphoniques obscènes—dont un appel de menace de mort—à un sous-secrétaire du ministère de l'Intérieur (responsable de la législation sur la protection des animaux), dont il a endommagé la maison pour 2 000 $. L'affaire la plus spectaculaire a été, en novembre, la menace d'empoisonnement à la mort-aux-rats des populaires tablettes de chocolat Mars. Des millions de tablettes ont été retirées du marché et vérifiées, après la découverte de notes à l'intérieur d'emballages de ces barres dans six villes anglaises.

Le FLA a poursuivi sa campagne de vandalisme et de violence en 1987, jusqu'à ce qu'une série d'attentats à la bombe contre de grands magasins, dont le prestigieux Harrods de Londres, finisse par entraîner l'arrestation, la condamnation et l'incarcération d'un bon nombre de ses dirigeants militants.

Le FLA a cependant réussi à réapparaître en Angleterre en 1991 et à se venger. Au cours des six premiers mois de l'année, il a commis des attentats presque quotidiens contre des boucheries, des usines de transformation de la viande, des pharmacies, des laboratoires et d'autres commerces de la région métropolitaine de Manchester. Plus de mille devantures de magasins ont été fracassées, et les activistes du FLA se sont vantés de pouvoir «causer en une semaine pour 60 000 $ de dommages, juste en brisant des vitrines». De plus, des engins incendiaires placés dans les cabines de trois camions de livraison ont causé pour près de 50 000 $ de dommages à une usine de transformation de la viande.

En novembre 1991, une affaire particulièrement dangereuse et onéreuse a été la menace faite par des membres du FLA de contaminer une boisson populaire, la Lucozade. Prévenu par la police, le fabriquant a fait retirer des magasins plus de cinq millions de bouteilles de cette boisson, une opération dont le coût total n'a pas été déterminé mais pourrait atteindre des centaines de milliers de dollars.

La première apparition connue du FLA aux États-Unis date de 1982; depuis, le groupe aurait commis plus de 100 actes criminels liés à sa cause. Poursuivant des activités semblables à celles menées au Royaume-Uni et au Canada, le FLA américain a perpétré des attentats contre des laboratoires de recherche médicale et scientifique, des boucheries et des magasins qui vendent des fourrures. Il a revendiqué la responsabilité du vol d'animaux utilisés pour la recherche, de la destruction de matériel et de dossiers de recherche, d'actes de vandalisme et d'incendies criminels.

Le FBI a classé comme actes de terrorisme national trois incidents mettant en cause des activistes du FLA:

  • un incendie criminel qui a causé plusieurs millions de dollars de dommages au laboratoire de diagnostic vétérinaire de l'Université de la Californie, à Davis et endommagé 17 véhicules garés dans le voisinage, le 16 avril 1987;
  • un incendie criminel et le vol d'animaux à l'Immeuble de la microbiologie pharmaceutique et au bureau de la Division des ressources animales de l'Université de l'Arizona, à Tucson, en avril 1989;
  • des actes de vandalisme et des vols au Centre des sciences de la santé à l'Université technique du Texas, à Lubbock, en juillet 1989.

D'après un article paru récemment dans un magazine d'actualités, il y a environ 7 000 groupes de défense des animaux aux États-Unis. Seulement une poignée d'entre eux semblent toutefois tendre vers l'activisme comme le fait le FLA, notamment un groupe qui est connu sous le nom de Personnes pour le traitement éthique des animaux (PETA) et dont les membres organisent souvent des manifestations et des protestations pour la défense des animaux et font beaucoup de publicité pour le travail du FLA. Earth First!, organisme qui s'intéresse surtout aux questions écologiques, a aussi été associé au FLA. Ainsi, en 1989, des membres du FLA et de Earth First! auraient incendié, en Californie, une installation de vente de bétail aux enchères et causé alors pour quelque 350 000 $ de dommages.

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Discussion

L'appui positif de la protection des animaux n'est pas une nouveauté, ni au Canada ni ailleurs dans le monde, comme en témoigne largement le prestige et l'influence dont jouissent la RSPCA, qui existe depuis 156 ans au Royaume-Uni, et ses organisations soeurs dans de nombreux pays (y compris le Canada et les États-Unis). Ce qui diffère aujourd'hui, c'est la montée du militantisme violent depuis dix ans.

Jusqu'à maintenant, les militants ont réussi à éviter de blesser grièvement des gens, même s'ils ont bien failli le faire à l'occasion. Cependant, la volonté apparente d'élargir les limites du comportement extrémiste suscite de vives inquiétudes. Bien sûr, les actes de violence retiennent l'attention des médias et favorisent probablement un peu le recrutement ... ainsi qu'un certain soutien de la part de radicaux animés des mêmes sentiments. La frustration suscitée par l'apathie ou le revirement du public pourrait cependant fort bien amener les éléments les plus extrémistes à décider de mener une campagne spectaculaire—avec attentats et raids susceptibles de causer des tragédies en termes de pertes de vies humaines.

La protection des animaux est une cause populaire—peu de gens sont si insensibles, si inhumains ou si indifférents qu'ils n'en épousent pas les objectifs généraux. Elle bénéficie donc d'un appui général dans de nombreuses communautés et elle attire les électeurs. A l'heure actuelle, une certaine atmosphère «chic» entoure le mouvement, ce qui offre un exutoire excitant aux personnes dans le vent qui en ont assez de leur style de vie insipide. En Amérique du Nord et au Royaume-Uni, la plupart des militants du FLA sont jeunes et viennent de la classe moyenne.

Le mouvement attire en outre des extrémistes dont le programme dépasse celui de la cause innocente qu'ils prétendent avoir épousée. Sous le déguisement sûr d'un sujet populaire, telle la défense des animaux, ces personnes peuvent poursuivre leurs idéaux radicaux clandestinement et impunément. Ainsi, le FLA a été fondé par Ronnie Lee, un anarchiste déclaré qui est toujours actif au sein de l'organisation. On sait également que de nombreux partisans du FLA au Canada ont des opinions anarchistes ou d'extrême gauche.

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Conclusion

Sans exagérer cette montée de l'activisme croissant, il convient d'examiner sérieusement la situation. Un public bien informé, au courant de ce que représente l'activisme et des dangers d'une réaction inconsidérée, constitue l'un des moyens qui permettra d'obtenir la réaction calme et raisonnée qui s'impose.

Il serait absurde de supposer que le mouvement de défense des animaux peut compromettre sérieusement le tissu politique, social ou économique du Canada, du Royaume-uni ou des États-Unis. Il s'agit cependant d'un sujet qui soulève bien des émotions et suscite de vives préoccupations concernant le bien-être économique et les moyens d'existence de nombreuses personnes. Ainsi, les manifestations pour la défense des animaux ont contribué au grave effondrement de l'industrie de la fourrure en Amérique du Nord et outre-mer. La fin de la chasse aux phoques sur la côte est du Canada aurait contribué à la diminution marquée des stocks de morue, ce qui a des répercussions désastreuses sur l'industrie de la pêche. Il est maintenant évident que l'activisme des militants commence à susciter des réactions négatives.

Il faudra agir avec prudence pour éviter les réactions excessives et faire montre de vigilance pour empêcher la loi de tomber entre les mains de ceux qui ne sont pas autorisés à l'appliquer. Il sera néanmoins possible d'assurer une réaction bien équilibrée en veillant à ce que le public, tous les paliers de gouvernement et les autorités chargées de la sécurité soient bien informés. Les actes de vandalisme, quelle qu'en soit la nature, doivent être clairement montrés pour ce qu'ils sont—un affront aux principes démocratiques et à la suprématie du droit.

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Commentaire est publié régulièrement par la Direction de l'analyse et de la production du SCRS. Si vous avez des questions sur la teneur du document, veuillez vous adresser au Comité de rédaction à l'adresse suivante:

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Date de modification : 2005-11-14

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