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Commentaire N° 27

Les pays d'Asie centrale : Des recrues pour l'islam révolutionnaire?

MM. A. Kagedan et W. Millward

Novembre 1992
Non classifié

Précis : Les cinq nouveaux États indépendants d'Asie centrale s'efforcent de définir leur rôle dans la région et sur la scène internationale. L'instabilité politique et économique risque-t-elle de créer les conditions favorables à la naissance de cinq États intégristes sur le modèle de l'Iran? Novembre 1992. Auteurs : MM. A. Kagedan et W. Millward.

Note du rédacteur : Quelles sont les chances que les cinq nouveaux États indépendants de l'Asie centrale deviennent cinq Iran intégristes, au moment où ils s'efforcent de définir leurs rôles sur les scènes régionale et internationale?

L'analyse des auteurs suggère plusieurs facteurs qui semblent, du moins à court terme, aller au- devant des peurs de l'islamisme dans la région : l'étouffement de l'économie, la pollution environnementale et l'instabilité politique. Il est ironique que ce sont ces mêmes difficultés qui, à moyen terme, «pourraient favoriser l'intégrisme». L'exception est le Tadjikistan, où une situation qui ne cesse de s'aggraver menace déjà la sécurité de ses voisins.

Les docteurs Allan Kagedan et William Millward sont des analystes stratégiques de la Direction de l'analyse et de la production du SCRS.

Avertissement : Le fait qu'un article soit publié dans Commentaire ne signifie pas que le SCRS a confirmé l'authenticité des informations qui y sont contenues ni qu'il appuie les opinions de l'auteur.


L'effondrement de l'empire soviétique a amené les États peu connus de l'Asie centrale — le Kazakhstan, le Kirghizistan, le Tadjikistan, le Turkménistan et l'Ouzbékistan — à faire les manchettes. Des commentateurs inquiets ont parlé de la possibilité que ces nouveaux États deviennent cinq Iran intégristes additionnels ayant accès à l'arme nucléaire. La bonne nouvelle, c'est qu'à court terme la révolution islamique est improbable; la mauvaise, c'est que la stabilité économique et politique est elle aussi improbable, ce qui pourrait à la longue favoriser l'intégrisme.

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Un handicap économique

L'Asie centrale doit se débattre contre le terrible héritage de soixante-dix années de régime colonialiste communiste. Les républiques ont été victimes de l'obsession de Moscou pour la production du coton, cet «or blanc» de consommation intérieure et étrangère. L'irrigation abondante des champs de coton a épuisé les ressources hydrauliques et causé une désertification. En fait, la mer d'Aral, qui autrefois s'enorgueillissait de son industrie de la pêche, s'assèche. Lorsque, dans les années 80, la concurrence du coton chinois et des fibres synthétiques s'est faite plus vive, la demande internationale pour le coton des pays centre-asiatiques a dégringolé. À l'avenir, les ressources naturelles — soit les réserves de pétrole et de gaz du Kazakhstan, du Turkménistan et de l'Ouzbékistan — et la production agricole pourront peut-être compenser pour cette importance démesurée accordée à tort au coton. Cependant, le Tadjikistan et le Kirghizistan ne peuvent même pas compter sur de tels atouts.

Pour le moment, les économies des républiques sont dans un état pitoyable (OMS Rapport d'une mission de l'OMS en collaboration avec l'UNICEF qui s'est déroulée du 17 février au 2 mars 1992). Depuis août 1991, le prix des aliments monte en flèche, ayant augmenté de cinq à vingt fois, alors que les salaires ont à peine triplé. Toutes les républiques, sauf le Kazakhstan, doivent importer les trois quarts des céréales dont elles ont besoin. De plus, le système soviétique des «cantines à lait», qui fournissait du lait aux nourrissons et aux jeunes enfants, a disparu.

La situation économique difficile fournit un terrain fertile pour la croissance de la culture et du trafic de stupéfiants. Le Kirghizistan, l'Ouzbékistan et le Tadjikistan sont les principaux producteurs de morphine illicite et d'autres drogues dérivées de l'opium dans l'ancienne Union soviétique.

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Pollution environnementale

La pauvreté des États de l'Asie centrale est encore aggravée par le fait qu'ils n'ont pas accès à de l'eau saine. Les pesticides utilisés pour protéger les récoltes de coton ont empoisonné le sol de la région et contaminé ses sources d'approvisionnement en eau. Faute d'entretien adéquat, les pipelines sont porteurs de maladies d'origine hydrique, comme l'hépatite A, et, à cause du gaspillage lié aux pratiques d'irrigation, les sols sont engorgés, et les réserves d'eau tant de surface que souterraines sont salines et minéralisées.

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Démographie

Malgré un haut taux de mortalité infantile (en Ukraine, ce taux est de 12,9 par millier; en Asie centrale, il va de 26,4 à un étonnant 45,2 par millier), les États centre-asiatiques sont, de tous les pays qui formaient l'ex-Union soviétique, ceux où la population croît le plus rapidement et est la plus jeune. En 1990, le taux de croissance démographique naturelle dans les cinq États d'Asie centrale variait de 14,0 par millier, au Kazakhstan, à 32,6 par millier, au Tadjikistan. En Russie, il était de 2,2 par millier. Au Tadjikistan, 44 % de la population est âgée de moins de 15 ans; au Kirghizistan, cette proportion est de 36 %. Au cours des dix prochaines années, des millions de Centre-asiatiques seront en chômage, ce qui en soi pourrait être une cause d'agitation sociale.

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Difficultés politiques

Les problèmes économiques de l'Asie centrale sont assortis de difficultés politiques. Presque tous les dirigeants (à l'exception d'Askar Akayev, du Kirghizistan) sont d'anciens membres de l'élite communiste soviétique, ou nomenklatura. Choisie pour son asservissement à Moscou, cette élite est minée par la corruption, le népotisme et ses relations avec le crime organisé. Ses membres, dignes descendants du Parti communiste, n'ont qu'une compréhension limitée des questions économiques et sociales; ils sont surtout aptes à assurer leur survie politique personnelle.

La rivalité interethnique représente un autre défi. Les Kazakhs et les Kirghiz, peuples historiquement nomades et islamiques, mais peu pieux, n'acceptent pas les Ouzbeks, sédentaires, plus nombreux et plus pieux. L'une des grandes causes de conflit entre les pays d'Asie centrale est la fertile vallée du Fergana, que les Ouzbeks, les Kirghiz et les Tadjiks se partagent et dont les terres et les ressources hydrauliques sont régulièrement causes de bagarres. En 1990, les combats dans la ville de Osh, située dans un secteur ouzbek du Kirghizistan et que les Kirghiz voulaient exclusivement pour eux, ont fait des centaines de morts. (Critchlow, 1992.) L'Ouzbékistan a des visées sur Khudzhand, secteur situé dans le nord du Tadjikistan et en grande partie ouzbek.

Les problèmes auxquels les républiques centre-asiatiques font face décourageraient même les dirigeants les plus capables; malheureusement les républiques ont raison de ne pas faire confiance aux leurs. Pères fondateurs peu enthousiastes, les dirigeants centre-asiatiques étaient les alliés les plus sûrs de Mikhail Gorbatchev lorsque ce dernier cherchait désespérément à renouveler la fédération soviétique. Contrairement aux chefs baltes, qui se sont dirigés vers l'indépendance soutenus par un solide consensus politique, ou même aux dirigeants ukrainiens, qui ont tiré parti de l'appui de nationalistes de longue date pour faire l'indépendance, les dirigeants centre-asiatiques sont des capitaines sans équipage.

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La peur de l'islamisme

La situation de l'islam en Asie centrale est une question complexe. En apparence, la région semble mûre pour l'intégrisme, ce type d'islam militant et radical qui se sert de la religion pour accéder au pouvoir politique. L'islamisme pourrait en effet profiter de l'échec du système économique communiste et de la crise économique dans laquelle la région est plongée. Comme les autres religions monothéistes sémitiques, le judaïsme et le christianisme, la foi islamique aide les croyants à supporter les épreuves individuelles et de groupe. Il est possible de ne pas en tenir compte en tant que déterminant et source d'inspiration, mais, lorsque les conditions sont mûres, elle réapparaît. Ainsi, dans d'autres sociétés islamiques, l'intégrisme est apparu lorsque la situation économique s'est mise à décliner — en Algérie par exemple, où le socialisme a échoué, ou en Iran, où le gouvernement monarchique et le capitalisme fondé sur le régime des rentes sont tombés. Cependant, il s'agissait là de sociétés dans lesquelles l'islam était solidement implanté, voire florissant. De même, les intégristes ne connaissent qu'un succès modéré lorsqu'ils tentent d'enthousiasmer les populations d'Égypte, de Jordanie, de Cisjordanie et de Gaza avec les avantages sociaux de leurs programmes.

Toutefois, en Asie centrale, l'islam a été étouffé et marginalisé par soixante-dix ans de communisme soviétique. Les Centre-asiatiques veulent récupérer leur foi et, avec un peu d'aide de sources extérieures, seront capables de combler les vides sur le plan des connaissance dûs à l'évolution de l'islam pendant le dernier siècle, mais tant que l'islam ne sera pas solidement rétabli — surtout dans la conscience du peuple — l'intégrisme ne pourra pas faire de nombreux adeptes.

Les dirigeants centre-asiatiques constituent un autre obstacle à l'intégrisme, car ils font tout ce qu'ils peuvent pour alimenter les doutes sur les promesses économiques de l'intégrisme, émousser l'influence intégriste iranienne et empêcher le Parti du renouveau islamique d'entrer sur la scène politique et électorale. Les dirigeants d'Ouzbékistan et de Turkménistan peuvent compter sur l'aide du clergé musulman établi, traditionnellement servile. En avril 1992, un dirigeant du Conseil des affaires religieuses du Turkménistan a noté que, malgré les pressions exercées par «les émissaires des États voisins» pour que des partis favorables à l'islam soient formés, le président du Turkménistan avait déclaré que l'État resterait laïc et que «l'enseignement d'un dogme religieux dans le système d'éducation (était) interdit» (FBIS, Central Eurasia 29 avril 1992).

L'intégrisme fait face à un autre obstacle car, bien que les peuples centre-asiatiques se réclament de l'islamisme (de fait, la carte de la région est parsemée de centres historiques de la civilisation islamique, comme Boukhara et Samarkand), leur religion est en concurrence avec les traditions nomades, historiquement opposées à la dévotion religieuse.

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L'intégrisme étranger?

L'intégrisme a ses champions, dont le plus important est l'Iran. Outre que l'Iran a une frontière commune avec le Turkménistan, la langue et la culture iraniennes font partie de la vie de l'Asie centrale depuis l'antiquité. Toutefois, l'Iran ne réussira probablement pas à exporter sa version de l'intégrisme là-bas; la Turquie a plus de chance d'exercer une influence sur la région. En effet, les peuples d'Asie centrale sont musulmans sunnites comme les Turcs, et non chiites comme les Iraniens; de plus, tous les États d'Asie centrale, sauf le Tadjikistan, parlent des langues turques, et non farsi. Par ailleurs, l'Iran a de graves problèmes économiques et politiques et est souvent en désaccord avec l'Ouest. La Turquie, État plus laïc et plus proche de l'Ouest, est plus stable économiquement parlant et représente un pôle plus attirant à imiter pour l'Asie centrale. C'est la raison pour laquelle Dedehan Hassanov, l'un des dirigeants du Parti du renouveau islamique en Ouzbékistan, croit qu'il est trop tôt pour créer un État islamique, reproche aux Iraniens d'être trop radicaux et estime que l'accent devrait être mis sur l'éducation pendant quelques années. (FBIS, Central Eurasia, 4 mai 1992.)

Dans le domaine crucial de l'économie, la Turquie et l'Iran essaient tous deux de vendre de systèmes de communications par satellites aux États de l'Asie centrale et sont en concurrence pour l'établissement de nouvelles liaisons aériennes. Une liaison ferroviaire Turkménistan-Iran devrait être inaugurée à la fin de 1993 (Olcott, Foreign Affairs, Été 1992). Toutefois, en termes économiques, l'Arabie saoudite, qui jusqu'ici s'occupe surtout de fournir des textes religieux et de soutenir les mosquées, a beaucoup plus de capitaux à investir que l'Iran, qui lui est à court d'argent.

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Autres influences

Ces problèmes d'ordre économique et politique ouvrent les portes de l'Asie centrale à d'autres joueurs. L'entreprise American Chevron a signé un contrat de plusieurs milliards de dollars avec le Kazakhstan au cours de l'été 1992. La Chine a une frontière commune avec trois républiques centre-asiatiques et y a des intérêts commerciaux; les Chinois sont surtout inquiets parce qu'ils craignent que l'intégrisme religieux ou le nationalisme ethnique en Asie centrale se répercutent sur leurs territoires du nord, où la population est en partie d'origine centre-asiatique. Israël cherche à fournir une aide technique à l'Asie centrale et espère que la région s'alignera davantage sur l'amicale Turquie que sur l'hostile Iran.

Dans ce tableau, où s'inscrit la Russie? Centre-Asiatiques et Russes entretiennent une relation familière de post-dépendance coloniale et d'hostilité. Après 1917, les communistes russes ont traité avec arrogance la région peu avancée de l'Asie centrale, ayant la haute main sur les sections locales du Parti communiste, le ministère de la sécurité et les principaux secteurs industriels. Estimant le nomadisme rétrograde, les bolchevistes ont décidé d'essayer de «sédentariser» les Kazakhs nomades pendant la collectivisation, décimant ainsi 30 % du peuple kazakh.

Cette malheureuse histoire a rendu les Centre-asiatiques hostiles à l'égard des Russes. Ce sentiment est manifeste dans les propos d'un journaliste kazakh, qui décrit comment les enfants kazakhs, forcés d'étudier dans des écoles russes, «ont été battus et victimes d'abus, ont été forcés de fumer du tabac, se sont fait voler l'argent qu'ils avaient dans leurs poches et ont été exclus des cafétérias et des toilettes.» (FBIS, 4 mai 1992.) L'hostilité et les piètres conditions économiques ont poussé 170 000 Russes à sortir de la région depuis 1989. Ce mouvement d'émigration se poursuivra, sauf peut-être dans les cas de la population cosaque bien implantée d'Alma-Ata, capitale Kazakh, et des Russes du nord de l'État, qui préféreraient emporter avec eux leur portion du Kazakhstan plutôt que de simplement traverser la frontière vers la Russie.

Malgré le sentiment d'opposition aux Russes, la présence économique et militaire de la Russie se fait toujours lourdement sentir dans la région. Les républiques d'Asie centrale étant toujours à l'intérieur de la zone du rouble, elles sont à la merci de la politique monétaire russe. Les principaux réseaux de communication et de transport les relient à la Russie, tout comme la main-d'oeuvre spécialisée, en grande partie russe. Sur le plan militaire, des troupes russes sont en garnison dans les États d'Asie centrale, et le Turkménistan et le Tadjikistan ont officiellement demandé à la Russie de surveiller leurs frontières extérieures. La Russie conservera son rôle de responsable de la sécurité jusqu'à ce que les Centre-asiatiques décident de constituer leurs propres armées — une décision que certains dirigeants peureux, craignant un coup d'État interne dirigé par un pouvoir rival, pourraient hésiter à prendre. D'ailleurs, les Centre-asiatiques ont toujours été tenus à l'écart du corps des officiers de l'Armée rouge et il faudra un certain temps avant qu'ils puissent aligner une armée importante. La Russie pourrait toutefois en venir à regretter d'avoir maintenu sa présence militaire dans le secteur car, étant donné les conflits locaux, comme celui qui déchire le Tadjikistan, les troupes russes soit sont contraintes de participer aux hostilités, soit en sont les victimes.

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L'agitation tadjik

Il n'est guère surprenant que le Tadjikistan soit l'État de l'Asie centrale qui connaît le plus d'agitation depuis août 1991. Le régionalisme tadjik associé aux localités de Garm, Pamir, Kulyab et Khudzhand revêt souvent la forme de «guerres locales» ou de «conflits entre districts», dont le but est de prendre le pouvoir ou d'exercer une influence. Le problème est encore aggravé par le ressentiment des Tadjiks, qui s'estiment privés de leurs racines historiques et culturelles depuis qu'ils ont perdu leurs anciennes cités iraniennes de Boukhara et de Samarkand au profit de l'Ouzbékistan. Qui plus est, de plus en plus de Tadjiks vivent en Afghanistan, maintenant déchirée par les guerres de factions.

Depuis ses débuts au printemps 1992, la guerre civile tadjik a amené le limogeage de Rahmon Nabiyev, dont la base politique se situe dans la région de Kulyab au nord, et la prise du pouvoir par Akbarsho Iskandarov au mois de septembre. Rahmon Nabiyev, Tadjik du Nord expulsé du Kremlin au début des années 80 à la suite d'accusations de corruption, puis élu par le peuple pour diriger un Tadjikistan indépendant, était détesté par les Tadjiks du Sud, islamiques, généralement plus pieux et plus pauvres. Le mouvement d'opposition au régime autoritaire «néo-communiste» du président Nabiyev a été déclenché par l'Alliance des forces populaires du Tadjikistan, constituée du Parti démocratique du Tadjikistan, du Parti du renouveau islamique et du mouvement culturel Rastakhiz (Renaissance). Les étiquettes «démocratique» et «islamique» sont plus souvent qu'autrement des armes pratiques dans la quête pour la prééminence personnelle.

Avec ses amples réserves d'armes et de guérilleros, le Tadjikistan du Sud ressemble de plus en plus à son voisin, l'Afghanistan. En effet, le trafic d'armes s'opère dans les deux sens entre ces États. À la fin du mois d'octobre, de véritables batailles entre les forces fidèles à Iskandarov et celles fidèles à Nabiyev ont fait des centaines de victimes dans la capitale Douchanbé. Les dirigeants de l'Ouzbékistan et du Kirgizistan surveillent de près les batailles, craignant être entraînés à leur tour dans le conflit. Dans l'intervalle, les soldats russes se retrouvent entre deux feux, essayant d'une part d'assurer la protection des Russes de la région et de l'autre, encourager les pourparler de paix, sans toutefois recevoir de directives précises du gouvernement russe, aux prises lui aussi avec des conflits politiques internes.

Il est à peu près certain que, si la situation s'aggravait encore au Tadjikistan, le conflit pourrait prendre des dimensions géopolitiques et menacer la sécurité des pays voisins. Il est concevable que des événements urgents puissent justifier l'intervention des troupes de maintien de la paix de l'ONU ou de la CÉI (Russie) au Tadjikistan.

Le Tadjikistan, actuellement en plein chaos, est donc l'État le plus susceptible de se laisser recruter par l'intégrisme islamique. Les valeurs sociales traditionnelles associées à la vie rurale y sont encore prédominantes, même parmi les migrants urbains de la première génération, et les enseignements islamiques y sont strictement respectés. L'autorité du clergé traditionnel, lui-même redevable à l'élite néo-communiste au pouvoir, est pratiquement illimitée dans les masses rurales. Les paysans tadjiks, pauvres et à peine éduqués, ignorent tout des concepts associés à la démocratie et au changement. Cette forte majorité de la population pourrait s'avérer être un obstacle à la politisation de l'islam au Tadjikistan, à moins que les conditions économiques se détériorent encore. Le conservatisme religieux jouit de l'appui du gouvernement, qui a décrété qu'il n'y aurait pas de parti entremêlant religion et politique dans le nouvel État indépendant.

Bien que le clergé officiel du Tadjikistan ait l'appui des opposants à Nabiyev, ses membres ne prônent pas tous la constitution d'une république islamique. Lorsqu'on lui a demandé si l'État deviendrait une république islamique, le Cadi du Tadjikistan, Haji Akbar Turanzhonzoda, a répondu «Même si tous les mollahs le voulaient, ce serait impossible pour le moment. La république est allée très loin sur le chemin du laïcisme, et les gens ne renonceront pas aisément à leur habitudes et à leur mode de vie... La religion doit être distincte de l'État afin que les péchés de la société ne soient pas attribués à l'islam, comme ce fut le cas pour le Parti communiste.» (CDSP, 1991.)

Les autres États d'Asie centrale ont jusqu'ici évité les luttes internes, mais il n'est pas certain qu'ils puissent continuer de le faire pendant la prochaine décennie. L'un des effets secondaires négatifs de l'agitation au Tadjikistan est la tendance qu'ont le président ouzbek, Karimov, et le président kazakh, Nazarbayev, depuis juin 1992, à réprimer les opposants politiques en les harcelant et en les incarcérant — repoussant ainsi les perspectives d'avenir de la démocratie.

Les États de l'Asie centrale cherchent à définir leur avenir national propre, mais sont confrontés à d'énormes obstacles économiques, sociaux et politiques. Les opposants politiques feront pression pour obtenir une amélioration des conditions, peut-être sous la bannière de l'islam. Si les dirigeants actuels se révèlent inefficaces ou corrompus et s'ils perdent leur crédibilité auprès du peuple en tant qu'agents de modernisation, l'intégrisme en profitera.

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Date de modification : 2005-11-14

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