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Commentaire N° 53

Terrorisme: Motivations et causes

Janvier 1995
Non classifié

Précis : Dans ce numéro de Commentaire, l'auteur commente sur le terrorisme d'après-guerre froide en général, il fournit des points de vue très spécifiques sur le terrorisme au Moyen-Orient, sur les menaces de l'extrême droite et sur le terrorisme d'une question particulière. Il termine en énonçant cinq principes qui ont le mieux réussi à combattre le terrorisme. Janvier 1995. Auteur : Paul Wilkinson.

Note du rédacteur : Nous sommes heureux d'accueillir les propos de Paul Wilkinson dans ce numéro de Commentaire. Plusieurs lecteurs/lectrices connaissent déjà l'étendue de ses travaux, soit dans le domaine de la violence politique et celui du terrorisme international. Le professeur Wilkinson occupe le poste de chef de l'École d'histoire et de relations internationales à l'université St-Andrews en Écosse.

En plus de commenter sur le terrorisme d'après-guerre froide en général, il fournit des points de vue très spécifiques sur le terrorisme au Moyen-Orient, sur les menaces de l'extrême droite et sur le terrorisme d'une question particulière. Il termine en énonçant cinq principes qui ont le mieux réussi à combattre le terrorisme.

Avertissement : Le fait qu'un article soit publié dans Commentaire ne signifie pas que le SCRS a confirmé l'authenticité des informations qui y sont contenues ni qu'il appuie les opinions de l'auteur.


Malgré la fin de la guerre froide et les débuts chancelants d'un processus de paix au Moyen-Orient, le terrorisme continue d'être une menace sérieuse en de nombreux pays. Pas étonnant puisque les causes profondes des âpres luttes ethniques et religieuses qui engendrent le terrorisme existaient avant la guerre froide et que la majorité de ces conflits ne sont toujours pas résolus.

Il est certain que l'ancienne Union soviétique parrainait le terrorisme de façon opportuniste. L'idée que tout le terrorisme international était tramé par le KGB pendant la guerre froide est de toute évidence une simplification excessive. Le renversement des dictatures communistes a supprimé un groupe important d'États qui parrainaient le terrorisme. Cependant, l'un des principaux attraits du terrorisme pour ses auteurs est le fait qu'il constitue une arme peu coûteuse susceptible d'être très productive, et qu'il est généralement possible d'obtenir des armes et de l'argent d'autres sources, y compris des partisans et sympathisants militants vivant soit sur leur propre territoire, soit dans des pays prospères de l'Ouest et y travaillant, le racket, l'extorsion et d'autres formes d'activités criminelles, et, dans certains cas, d'autres États parrains. La fin de la guerre froide a également eu un effet négatif important sur la violence politique. L'effacement des gouvernements communistes à parti unique a déclenché nombre de conflits ethniques violents qui avaient longtemps été réprimés.

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Europe de l'Ouest

En Europe de l'Ouest, c'est le séparatisme historique des républicains irlandais d'Irlande du Nord et des nationalistes basques d'Espagne qui a engendré le terrorisme le plus meurtrier et le plus prolongé. En Irlande du Nord, les cessez-le-feu conclus par l'IRA et les loyalistes tiennent toujours, et les gouvernements britannique et irlandais ainsi que le chef du Social Democratic and Labour Party, John Hume, méritent des éloges pour leurs efforts de paix. Mais le cessez-le-feu est encore extrêmement fragile et il sera très difficile de le transformer en une paix durable et honorable. Les objectifs déclarés de l'IRA et du Sinn Fein, d'une part, et des unionistes, d'autre part, sont toujours aussi éloignés les uns des autres, et les groupes paramilitaires terroristes conservent leurs réserves d'armes et d'explosifs. En Espagne, l'amélioration de la coopération entre les autorités policières françaises et espagnoles a considérablement affaibli l'ETA, mais les terroristes ne se montrent nullement prêts à rendre les armes.

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Europe de l'Est

Dans l'ancienne Union soviétique et en Europe de l'Est, la révocation des dictatures communistes a donné libre cours à de nombreuses rivalités et haines ethniques qui couvaient. La Bosnie fournit l'exemple le plus horrifiant de recours au terrorisme. Les conflits qui sévissent au Nagorny-Karabakh et en Géorgie sont moins bien connus dans l'Ouest. La récente tentative de l'armée russe pour réprimer le séparatisme tchétchène rappelle de manière dramatique que la Fédération russe elle-même regorge de groupes ethniques qui rejettent avec acharnement le droit de Moscou de les gouverner.

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Afrique

C'est en Afrique qu'on trouve les exemples les plus tragiques de conflits s'appuyant sur le terrorisme. Au Rwanda, celui-ci a pris l'ampleur d'un génocide qui a entraîné la fuite de centaines de milliers de personnes ou leur massacre aux mains de tribus ennemies. Les guerres ethniques de ce genre sont habituellement menées par des milices armées et sont caractérisées par une brutalité extrême à l'égard de la population civile, y compris la politique de «purification ethnique» pour terroriser des groupes complets de celle-ci et les inciter à quitter leurs foyers, et le recours au massacre, au viol et à la torture en tant qu'armes de guerre.

Les conflits ethniques sont la principale motivation de la violence politique en cette période de l'après-guerre froide. Il importe de reconnaître que l'idée du «dilemme de la sécurité», conventionnellement appliquée par les réalistes uniquement aux relations entre États, s'applique aussi bien aux rivalités entre groupes ethniques. Lorsqu'un groupe considère ses voisins et décide d'accroître ses armements et ses forces de sécurité au nom de sa légitime défense, les voisins sont susceptibles de voir dans ces démarches une menace à leur propre sécurité; ils commenceront alors à améliorer leur propre force de frappe, ce qui déclenchera très probablement le conflit qu'ils cherchaient à éviter.

Le débordement international de ces conflits sous la forme d'attentats terroristes dans d'autres pays variera selon les circonstances politiques et stratégiques. Lorsqu'un groupe ethnique juge sa situation désespérée, dans des circonstances où il peut risquer d'être supprimé ou délogé de son territoire, en particulier lorsqu'il dispose de sympathisants militants ayant accès à des armes et à des explosifs entreposés dans des pays étrangers, l'éventualité d'une campagne terroriste internationale est beaucoup plus probable. A la fin du XIXe siècle et au début du XXe, les conflits ethniques dans les Balkans ont occasionné une somme importante de terrorisme qui a débordé les frontières de la péninsule. Les extrémistes sikhs, tamouls et cachemiriens ont aussi mis sur pied une importante infrastructure de terrorisme et d'appui logistique de celui-ci à l'étranger. On n'a pas observé ces tendances dans le cas des conflits survenus dans le Caucase ainsi qu'en Afrique centrale et du Sud, qui ont pourtant été très meurtriers et prolongés.

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Moyen-Orient

La zone de conflit qui a occasionné le débordement de violence terroriste le plus important et le plus impitoyable depuis 1968 est, bien sûr, le Moyen-Orient. Cela peut paraître étonnant compte tenu de la percée incroyable des négociations entre Israël et l'OLP, de l'entente sur la Déclaration de principes de septembre 1993, de l'accord entre Israël et la Jordanie et des efforts soutenus déployés par Israël et la Syrie, avec l'encouragement des États-Unis, pour résoudre le conflit prolongé au sujet des hauteurs du Golan. Si l'on considère que le Moyen- Orient englobe l'Algérie et la Turquie, qui ont toutes deux engendré des conflits s'accompagnant d'énormément de violence terroriste, dont une partie a débordé sur la scène internationale, cette région demeure la plus dangereuse source de défis terroristes pour la collectivité internationale dans son ensemble. En effet, plus de 21 p. 100 de tous les incidents terroristes internationaux survenus dans le monde s'y sont produits en 1992, et ce pourcentage était passé à plus de 23 p. 100 en 1993.

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Terrorisme au Moyen-Orient

Quatre motivations fondamentales expliquent le terrorisme au Moyen-Orient.

1. L'âpre opposition des groupes palestiniens opposés à l'existence d'Israël qui rejettent l'accord entre M. Arafat et le gouvernement israélien. Pour ces groupes, Arafat a trahi la cause de l'autodétermination palestinienne. De plus, la principale opposition inconditionnelle à Arafat et à Israël vient maintenant non pas des groupes révolutionnaires marxistes séculaires comme le Front populaire de libération de la palestine de George Habash, mais des mouvements fondamentalistes islamiques Hamas et Jihad islamique, qu'animent le fanatisme religieux et la haine ethnique d'Israël. Les groupes islamiques palestiniens gagnent rapidement l'appui de la masse dans les territoires occupés, aux dépens de M. Arafat. Tout porte à croire qu'ils vont probablement intensifier leur recours au terrorisme contre des cibles israéliennes dans les territoires occupés et à l'intérieur des frontières d'Israël même, tandis que le processus de paix se poursuivra, dans un effort désespéré pour le faire échouer. La majorité de ces actes de terrorisme seront vraisemblablement commis en Israël et en Cisjordanie. Mais les récents attentats à la bombe perpétrés à Buenos Aires et à Londres contre des cibles des collectivités israélienne et juive, et les pertes de vie massives qu'ils ont entraînés à Buenos Aires, démontrent de façon tragique que les fondamentalistes islamiques opposés à l'existence d'Israël, le principal État qui les soutient, l'Iran, et leurs sympathisants militants à l'étranger sont disposés à recourir au terrorisme international dans le but de renverser ce processus, et capables de le faire.

2. Il existe, dans presque tous les pays musulmans, des groupes de fondamentalistes islamiques extrémistes inspirés et activement encouragés par le régime révolutionnaire islamique d'Iran, qui sont prêts à faire une guerre sainte aux régimes arabes pro- occidentaux dans le but de les remplacer par des républiques islamiques. Comme le manifestent le Front islamique du salut (FIS) et le Groupe islamique armé (GIA) en Algérie ainsi que le Groupe islamique en Égypte, ces groupes ne sont pas confinés aux populations shi'ites. Les cibles fondamentales des campagnes menées par ceux-ci sont les régimes en place et leurs militaires, policiers et fonctionnaires ainsi que les intellectuels identifiés à ces régimes.

3. Cependant, les groupes fondamentalistes islamiques ne menacent pas uniquement les régimes en place dans le monde musulman. Ces groupes englobent souvent parmi leurs cibles les Occidentaux vivant dans leurs pays. En Algérie, par exemple, les militants du GIA s'attaquent délibérément aux citoyens français depuis septembre 1993 parce que, disent-ils, la France appuie et aide secrètement le régime militaire algérien et est historiquement responsable de la situation qui existe dans ce pays. Mais, comme l'a montré le détournement de l'Airbus A300 d'Air France, la veille de Noël 1994, les groupes terroristes islamiques sont aussi prêts à transporter leur guerre de terreur en France même. Il n'y a guère de doute que les terroristes avaient pleinement l'intention de provoquer l'écrasement de l'Airbus au-dessus de Paris. La France n'est bien sûr pas la seule cible étrangère de ces groupes, qui sont tous profondément anti-Américains et hostiles à tous les pays de l'Ouest.

La menace de terrorisme des fondamentalistes islamiques dirigée contre des cibles occidentales comporte un autre aspect extrêmement dangereux. Les conclusions du FBI et de la magistrature en Amérique indiquent que le groupe responsable de l'explosion au World Trade Centre en février 1993 opérait à titre indépendant des fondamentalistes islamiques, sous l'inspiration et avec l'encouragement de leur guide spirituel, le cheik Omar Abdel-Rahman, mais sans être contrôlé directement par un État parrain ou un autre intervenant terroriste important connu. Les groupes «amateurs» ou «indépendants» de ce genre posent un problème particulièrement difficile aux organismes de renseignements et de police, car ils n'ont aucune identité politique connue, aucune infrastructure organisationnelle et de communications identifiable et aucuns antécédents. De plus, comme ils peuvent recruter des membres fanatiques parmi leurs compatriotes expatriés, y compris ceux qui vivent et travaillent dans les pays d'accueil depuis un certain temps, il est possible que nombre de ces groupes apparaissent spontanément dans des pays occidentaux abritant des populations minoritaires musulmanes importantes, comme les États-Unis, le Canada, la France, la Grande-Bretagne, l'Allemagne et l'Australie.

4. Le Moyen-Orient est aussi la principale région où l'on trouve les États parrains et partisans du terrorisme : Iran, Iraq, Syrie, Soudan et Libye. Le fait que, d'une part, les États-Unis soient la seule superpuissance qui reste au monde et que, d'autre part, le président de la Syrie, M. Assad, souhaite améliorer ses relations avec celle-ci pour accroître son influence diplomatique sur les pourparlers de paix au Moyen- Orient a sans aucun doute contribué à mettre en veilleuse, pour l'instant, les démarches terroristes de la Syrie. Mais Damas n'a pas écarté cette arme : elle donne encore asile à une variété de groupes qu'il pourrait être utile de lancer dans la mêlée un jour ou l'autre. Entre-temps, l'Iran demeure de loin le plus important État parrain. Comme on l'a mentionné précédemment, c'est le principal soutien des groupes islamiques et palestiniens opposés à l'existence d'Israël, et il fournit à ceux-ci des armes, de l'argent, de la formation et des renseignements. Et ses activités de parrainage ne se limitent pas au Moyen-Orient et à l'Europe de l'Ouest. Il a été extrêmement actif au Pakistan et en Turquie, par exemple, et a été lié à l'attentat à la bombe du 17 mars 1992 contre l'ambassade d'Israël à Buenos Aires, qui a fait 29 morts et 242 blessés. En plus d'utiliser le terrorisme comme arme pour soutenir le fondamentalisme islamique et l'opposition palestinienne à l'existence d'Israël, l'Iran vise depuis longtemps les dissidents iraniens à l'étranger. Des opérations iraniennes ont été liées aux meurtres de dissidents en France, en Allemagne et en Suisse.

Le régime iranien maintient en outre la fatwa, lancé par l'ayatollah Khomeiny en 1989, qui condamne Salman Rushdie à mort pour avoir supposément blasphémé contre l'Islam dans son livre, Les Versets sataniques. Une fondation iranienne appuyée par le gouvernement a offert une récompense de deux millions de dollars à quiconque tuera Rushdie. Entre-temps, les attaques contre les éditeurs, traducteurs et libraires participant à la diffusion des oeuvres de Rushdie se poursuivent, et il serait insensé de présumer qu'un pays ou un autre est à l'abri des tentatives d'exécution des menaces de ce genre.

L'Iraq reste, en puissance, le plus dangereux des autres États parrains, bien que ses efforts pour persuader la collectivité internationale de lever les sanctions décrétées contre lui par l'ONU et les travaux de reconstruction interne qui l'accaparent depuis la guerre de Golfe, aient récemment mis une sourdine à ses activités dans ce sens.

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Transfert du terrorisme de l'aile gauche

La motivation idéologique sous-tendant le terrorisme de l'extrême-gauche a été presque complètement éliminée en Europe. Au milieu des années 1980, les autorités ouest-allemandes avaient déjà cassé les reins de la Fraction armée rouge; les Italiens ont complètement mis en déroute les Brigades rouges, tandis que la France et la Belgique ont supprimé respectivement Action Directe (AD) et les Cellules communistes combattantes (CCC). Les seuls pays de l'OTAN où le terrorisme de l'extrême-gauche pose un problème intérieur sérieux sont la Grèce (17-novembre et ELA) et la Turquie (DevSol). La disparition des groupes terroristes précités a sans aucun doute été accélérée par la qualité de plus en plus grande de la réaction des services de renseignements et de police et des autorités judiciaires des pays concernés, par les modifications ingénieuses apportées à la législation antiterroriste provisoire, comme la loi Pentiti en Italie, et par le discrédit des régimes marxistes-léninistes et leur renversement, en 1990.

Toutefois, c'est une erreur d'exclure l'influence que continuent d'exercer les idéologies d'extrême-gauche sur les mouvements révolutionnaires ailleurs dans le monde. Par exemple, le mouvement du Sentier lumineux, au Pérou, se considère indubitablement comme le véritable héritier du maoïsme et ambitionne d'être à l'avant-garde de l'évolution communiste en Amérique latine. Malgré les revers qu'il a subis depuis la capture de son fondateur, Guzman, le mouvement continue de présenter une menace sérieuse pour la vie et le bien-être social et économique de nombreuses régions du pays et sert de modèle à d'autres groupes violents de pays voisins.

Le Sentier lumineux est une appellation singulièrement impropre pour un mouvement dont les membres ont tué et blessé des milliers de leurs compatriotes. Mais son action meurtrière est minime comparée au terrorisme exercé par le brutal mouvement communiste cambodgien des Khmers rouges. Même si ceux-ci ont subi nombre de revers importants depuis le début des opérations de maintien de la paix des Nations Unies au Cambodge, ils combattent encore les forces du gouvernement cambodgien dans le nord-ouest du pays et peuvent toujours utiliser la frontière avec la Thaïlande et la collaboration secrète des généraux thaïlandais corrompus avec qui ils se livrent à la contrebande.

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Menaces de l'extrême-droite

La menace de violence de l'extrême-droite existe dans de nombreux pays depuis plusieurs décennies. Des groupes néo- fascistes et néo-nazis sont actifs aux États-Unis, au Canada, en Afrique du Sud, en Amérique centrale et en Amérique du Sud ainsi qu'en Europe et dans l'ancienne Union soviétique. En Afrique du Sud, des groupes extrémistes comme l'Afrikaner Weerstandsbeweging (AWB) constituent toujours une menace pour la vie et le bien-être social et économique et se sont montrés capables de commettre des assassinats politiques visant à déstabiliser le pays et son gouvernement.

En Europe, le problème de la réapparition de la violence d'extrême-droite est devenu, ces dernières années, une menace beaucoup plus sérieuse que la violence motivée par l'idéologie de l'extrême-gauche. En Allemagne, par exemple, le désenchantement général à l'égard des principaux partis politiques, les pressions exercées sur l'économie par la réunification, des taux de chômage élevés et l'arrivée de centaines de milliers d'immigrants ont créé un climat dans lequel l'extrémisme violent d'extrême-droite est florissant. En 1992, 2 000 attentats perpétrés par des groupes d'extrême-droite ont fait 17 morts et plus de 2 000 blessés. Le ministère de l'Intérieur allemand estime à quelque 75 les groupes d'extrême-droite actifs en Allemagne; ceux-ci comptent 65 000 militants, dont environ 10 p. 100 ont déjà commis des actes de violence. Entre 1991 et 1993, les groupes d'extrême- droite ont tué 30 personnes. En septembre 1993, le chancelier Kohl a condamné plutôt tardivement l'essor de ces groupes et leurs actes de violence et déclaré qu'ils présentaient pour la société démocratique une menace égale à celle du terrorisme de l'extrême-gauche dans les années 1970 et au début des années 1980.

Les actes de violence des skinheads et voyous racistes d'extrême- droite ont aussi augmenté dans d'autres régions de l'Europe centrale ainsi que de l'Est et de l'Ouest, de la Russie à l'est à la Grande-Bretagne à l'ouest. En Russie, le Parti libéral- démocrate d'extrême-droite de Jirinovski et des groupements semblables ont la capacité d'engendrer de la violence dans les rues. Il n'est pas prudent non plus d'évaluer le risque présenté par l'extrême-droite uniquement du point de vue électoral. Les partis néo-fascistes de gens d'affaires ont étonnamment bien réussi aux élections en Italie, en Autriche et dans plusieurs autres pays d'Europe continentale, mais en Grande-Bretagne, où les résultats électoraux de l'extrême-droite ont été lamentables, le nombre des attentats racistes a augmenté de façon spectaculaire. Ainsi, au cours des cinq dernières années, les incidents racistes notés par les forces de police y ont doublé. Il est probable que les attentats violents motivés par l'idéologie de l'extrême-droite augmenteront, au cours des cinq prochaines années, dans de nombreux pays où les conditions s'y prêtent. Mais le terrorisme d'extrême-droite se confinera probablement aux pays qu'il touche et ne semble pas devoir prendre une dimension internationale importante.

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Terrorisme d'une question particulière

Les extrémistes faisant partie de groupes voués à une question particulière constituent une autre source croissante de violence terroriste. L'escalade récente des attentats dirigés contre du personnel médical, des cliniques et des hôpitaux par des militants anti-avortement aux États-Unis, et contre des chercheurs scientifiques, des laboratoires et des établissements commerciaux par les défenseurs des droits des animaux en Grande- Bretagne, donne une idée de la nature des motivations en cause. Même si ce groupe d'extrémistes visent à modifier des politiques ou des pratiques précises, plutôt que l'ensemble du régime socio- politique, on ne devrait pas sous-estimer leur capacité de mettre en danger la vie et le bien-être social et économique. Par exemple, ils ont fait preuve d'énormément de raffinement dans le choix de leurs tactiques, comme le recours à la contamination de produits et le sabotage informatique. Tout porte à croire que le terrorisme motivé par les groupes de promotion de questions particulières augmentera dans les démocraties pluralistes fortement urbanisées dotées, entre autres, de systèmes complexes et vulnérables de communications, de transport et de transfert électronique de fonds.

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Groupes cibles probables

L'analyse statistique des tendances du ciblage par les groupes terroristes internationaux au cours des dernières années permet de prévoir facilement leurs cibles futures probables. Plus de la moitié des attentats visant des biens ou des installations toucheront vraisemblablement des établissements commerciaux ou industriels, environ 10 p. 100, des locaux diplomatiques, et à peu près 5 p. 100, d'autres édifices gouvernementaux et des installations militaires.

Il importe de ne pas trop s'en remettre aux statistiques sur les incidents terroristes, car elles ne font pas ressortir les différences qualitatives entre les effets d'attentats terroristes précis. Par exemple, dans les données sur le terrorisme international de 1993, l'Amérique du Nord s'est vu attribuer, parmi toutes les régions du monde, le plus grand nombre de blessés résultant de l'activité terroriste internationale en raison du seul attentat à la bombe dont a été l'objet le World Trade Centre. Cela ne reflète cependant pas fidèlement la répartition caractéristique des victimes du terrorisme à l'échelle internationale.

Compte tenu du fait que les groupes terroristes ont manifesté une propension croissante à être plus meurtriers ces dernières années, il est judicieux de prévoir que la tendance vers les attentats à la bombe massifs contre des voitures et des camions dans les secteurs urbains encombrés et vers les attentats terroristes «spectaculaires», par exemple contre des vols de l'aviation civile, des aéroports ou des installations militaires ou diplomatiques en vue d'attirer au maximum l'attention des médias et de causer le plus de stupéfaction et le plus d'indignation possibles, tout en obtenant gain de cause pour certaines des demandes faites par les terroristes, se poursuivra.

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Conclusion

Face à ce scénario du terrorisme futur, quelles chances les États européens ont-ils d'améliorer de façon radicale leurs mesures de lutte contre ce fléau d'ici à l'an 2010 et au delà? La véritable pierre de touche à cet égard sera la constance et le courage avec lesquels les pays de l'Ouest appliqueront une politique ferme et efficace contre le terrorisme sous toutes ses formes. Ils devront exécrer l'idée que le terrorisme peut être toléré tant qu'il touche seulement les droits démocratiques et la règle de droit d'un autre pays. Et ils doivent faire leur le principe évident selon lequel le terroriste qui s'attaque à une démocratie est l'ennemi de toutes les autres démocraties. Les principes généraux qui ont le mieux réussi à combattre le terrorisme sont les suivants :

  • ne pas céder aux terroristes et être absolument déterminé à vaincre le terrorisme dans le cadre de la règle de droit et du processus démocratique;
  • ne pas transiger ni faire de concessions, même face à l'intimidation et au chantage les plus sérieux;
  • intensifier les efforts pour poursuivre les terroristes en justice et les faire déclarer coupables par les tribunaux;
  • prendre des mesures sévères pour pénaliser les États parrains qui donnent aux mouvements terroristes un refuge, des explosifs, de l'argent et un appui moral et diplomatique;
  • se montrer déterminé à ne jamais laisser les menaces des terroristes entraver ou faire échouer les efforts diplomatiques internationaux visant à résoudre les grands conflits politiques dans les régions déchirées par les luttes, comme le Moyen-Orient; dans nombre de ces régions, le terrorisme est devenu une menace capitale pour la paix et la stabilité, et sa suppression répond par conséquent à l'intérêt commun de la collectivité internationale.

Pour conclure sur une note optimiste, un aspect important de la technique de pointe donne aux régimes démocratiques un atout virtuel dans leur lutte contre les organisations terroristes. Si le perfectionnement des armes du terrorisme et la vulnérabilité des sociétés modernes complexes favorisent les terroristes, la mise au point d'ordinateurs sophistiqués capables de détecter de fines particules et de bases de données sur le terrorisme offre un atout magnifique aux services de renseignements dans leur guerre contre le terrorisme. Si, à ce perfectionnement, viennent s'ajouter un partage international des renseignements et une collaboration anti-terroriste nettement accrus, on pourra jeter les bases nécessaires au succès à long terme de la lutte contre les organisations terroristes.

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Commentaire est publié régulièrement par la Direction de l'analyse et de la production du SCRS. Si vous avez des questions sur la teneur du document, veuillez vous adresser au Comité de rédaction à l'adresse suivante:

Les opinions susmentionnées sont celles de l'auteur qui peut être joint en écrivant à l'adresse suivante:

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Date de modification : 2005-11-14

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