Perspectives

Rapport N° 2000/01 : Tendances du terrorisme

18 decembre 1999

Introduction

1. Le 22 juillet 1999 peut être considéré comme le trente-et-unième anniversaire du terrorisme international moderne. Ce jour-là en 1968, trois membres du Front populaire de libération de la Palestine (FPLP) ont détourné un Boeing 707 d’El Al, parti de Rome à destination de Tel Aviv avec à son bord dix membres d’équipage et 38 passagers. Les pirates ont ordonné au pilote de se diriger vers l’aéroport Dar al-Bayda à Alger, où de longues négociations ont été entreprises en vue d’obtenir la libération des passagers et des membres de l’équipage, de reprendre possession de l’appareil et de régler le sort des pirates de l’air. Cet attentat est généralement considéré comme l’un des principaux éléments à l’origine de la série meurtrière d’attentats terroristes internationaux qui ont exercé une influence politique considérable au cours des trente dernières années.

2. Victime dès le départ et de façon répétée du terrorisme, l’aviation commerciale a été prise pour cible dans de nombreux attentats nationaux et internationaux. Au début, les attentats perpétrés contre des avions étaient entourés de beaucoup de publicité, atteignaient souvent leur objectif et se révélaient donc intéressants pour les États qui les parrainaient. L’industrie a cependant réagi de façon positive et responsable en resserrant ses mesures de sécurité et en préconisant la coopération internationale sur le plan de la protection. Les détournements aériens et les agressions armées sont moins fréquents de nos jours — ce qui montre bien que la sensibilisation à la sécurité est meilleure — quoiqu’il existe toujours un risque aux endroits où les mesures préventives ne sont pas rigoureusement appliquées. À l’heure actuelle, le plus grand danger vient des actes de sabotage ou des attentats à la bombe commis contre les avions commerciaux, une menace qui ne pourra que s’atténuer étant donné l’amélioration constante des précautions de sécurité.

3. L’évolution de la menace qui pèse sur l’aviation commerciale met en évidence la nature dynamique du terrorisme. Les motivations, les cibles, les stratégies, les tactiques — même la logistique — ne cessent d’évoluer, s’adaptant aux efforts déployés par les services de sécurité pour se montrer à la hauteur de la tâche et prévenir les dangers. Les atrocités commises en Algérie, caractérisées par d’horribles massacres de femmes et d’enfants, les bombes dissimulées à bord d’un train au Pakistan, qui ont fait 23 morts et 75 blessés, et le décès de plus de 260 personnes à la suite de l’explosion de camions piégés aux ambassades des États-Unis à Nairobi (Kenya) et à Dar-es-Salaam (Tanzanie) sont autant de rappels que les terroristes sont toujours prêts et aptes à frapper impitoyablement des cibles très variées à de nombreux endroits.

4. Parce que le terrorisme est un phénomène complexe, la lutte contre les dangers qu’il représente nécessite une extraordinaire collaboration aux niveaux national et international. Depuis dix ans, l’amélioration de la coopération entre les gouvernements a entraîné une remarquable diminution du nombre des attentats terroristes commis à l’échelle internationale¹. Même si le nombre des attentats est moins élevé, la violence terroriste dans de nombreux coins du monde continuera de déstabiliser l’environnement de sécurité et de représenter une menace constante pour la stabilité internationale et nationale et pour la vie et le mode de subsistance de centaines d’innocents.

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Examen

5. Motivation. À l’origine, les terroristes s’inspiraient d’une idéologie généralement de gauche, mais aujourd’hui ils sont de plus en plus susceptibles d’être motivés par les campagnes liées au nationalisme ethnique ou à l’extrémisme religieux. Il arrive souvent que ces deux éléments soient réunis, comme dans le cas des militants sikhs qui aspirent à créer un État indépendant, le Khalistan, ou du Jihad islamique égyptien (JIE), qui cherche à instaurer un État islamique en Égypte.

6. Extrémisme religieux. Les extrémistes islamiques sont véritablement ceux qui représentent le plus grand danger sur le plan du terrorisme religieux. C’est en partie dû à leur nombre et à la mondialisation de l’islam, mais aussi au fait que, contrairement aux regroupements solidaires du passé, beaucoup d’islamistes militants n’ont juré allégeance à aucune organisation précise, ce qui complique énormément leur identification et la vérification de leurs antécédents. Les terroristes sunnites, comme Ramzi Yousef qui a été reconnu coupable de l’attentat à la bombe contre le World Trade Center de New York, sont généralement représentatifs de cette tendance, tandis que les terroristes chiites continuent de poursuivre leurs objectifs de façon plus collective, recevant des directives et des appuis de l’Iran. Même si la séparation entre sunnites et chiites demeure, il existe manifestement une certaine coopération entre membres des deux courants de l’islam.

7. Les terroristes musulmans sont souvent des moudjahiddin, fidèles à l’islam et partisans de la Jihad, qui ont acquis une expérience du combat notamment en Afghanistan, en Bosnie ou en Tchétchénie. Ayant reçu un solide entraînement au maniement des armes, des explosifs et du matériel de communication, ils connaissent la valeur d’Internet, des télécopieurs, des téléphones cellulaires et des systèmes de chiffrement. De plus en plus avisés et disposés à voyager, ils ont accès à d’excellents faux documents et contacts internationaux et peuvent facilement se fondre dans la communauté locale des émigrés, au sein de laquelle ils peuvent planifier et commettre des attentats sans être facilement identifiés. S’ils représentent une menace, c’est dans une large mesure à cause de leurs caractéristiques obscures et non structurées, combinées à l’ardeur de leur dévouement. Osama bin Laden constitue un extraordinaire exemple de ce type de terroriste, que son immense fortune, ses capacités personnelles et son charisme rendent beaucoup plus dangereux encore.

8. Des militants extrémistes d’autres confessions sont aussi impliqués dans la violence terroriste et ne sont pas à négliger. Des groupes religieux chrétiens, comme les Nations aryennes, sont actifs en Amérique du Nord et s’associent de plus en plus étroitement au mouvement des milices. La Ligue de défense juive a elle aussi des représentants en Amérique du Nord, mais c’est en Israël et dans les Territoires occupés que son mélange de nationalisme et de ferveur religieuse se traduit par des actes de terrorisme juif.

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9. Nationalisme. Le nationalisme ethnique continue d’être un facteur de motivation important dans plusieurs campagnes terroristes, dont certaines durent depuis longtemps (Irlande du Nord, Basques, Palestiniens, Kurdes) tandis que d’autres sont relativement récentes (Ouïgours, Timorais, Acehnais). Individuellement ou conjugués, le nationalisme, le séparatisme et l’irridentisme connaissent un nouvel essor remarquable depuis l’effondrement de l’Union soviétique; plusieurs États actuellement ravagés par la violence à caractère politique faisaient autrefois partie de l’URSS ou d’entités communistes. L’idéologie joue effectivement un rôle dans certains mouvements nationalistes, mais le complément le plus courant est l’intégrisme religieux. De solides convictions religieuses et des objectifs nationalistes ou séparatistes représentent une combinaison motivationnelle particulièrement efficace.

10. Idéologie. Le rôle de l’idéologie n’a pas été complètement remplacé par l’influence de la religion. Il existe encore plusieurs mouvements de gauche, comme le Parti/Front révolutionnaire de libération populaire (DHKP-C) turc, le Sendero Luminoso (Sentier lumineux) péruvien et les Naxalites en Inde. Les défenseurs des droits des animaux et les écologistes — les groupes liés à la défense d’une cause particulière — ont eux aussi tendance à se trouver à gauche dans le spectre politique. Cependant, la motivation de droite est beaucoup plus courante. Les groupes racistes, personnifiés par le Ku Klux Klan, le groupe britannique Combat-18 (C-18) et divers regroupements de skinheads (ces derniers étant particulièrement courants en Allemagne), constituent le coeur du mouvement de droite. Un grand nombre des mouvements extrémistes chrétiens sont fermement de droite par nature, tout comme les groupes qui constituent le mouvement des milices en Amérique du Nord.

11. Parrainage d’États. Le parrainage d’actes de terrorisme par des États demeure un sujet de grande préoccupation. Les appuis assurés par les États commanditaires, qu’il s’agisse de financement, de refuge, d’armes ou de logistique, sont importants pour le fonctionnement de nombreuses organisations terroristes. L’Iran, Cuba, l’Iraq, la Libye, le Soudan, la Syrie et la Corée du Nord figurent toujours sur la liste des États qui commanditent le terrorisme dressée par le Département d’État américain. Cependant, la coopération internationale dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, conjuguée aux réalités politiques et aux difficultés économiques, a réussi à réduire l’ampleur du parrainage assuré par des États au niveau mondial. Bien que ces gains soient positifs, la réduction des appuis des États a incité des terroristes à se tourner vers des entreprises purement criminelles à des fins de financement, y compris la participation au trafic des stupéfiants.

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12. Cibles et méthodes. L’amélioration de la coopération internationale dans le cadre de la lutte contre le terrorisme et le resserrement des mesures de sécurité autour des missions diplomatiques et installations militaires ont incité les terroristes à changer de cibles et de méthodes :

• les attentats aveugles contre les touristes et l’assassinat de travailleurs humanitaires étrangers et d’employés d’ONG sont des tendances inquiétantes;

• les enlèvements et les prises d’otages sont devenus fréquents en Amérique du Sud et en ex-Union soviétique;

• les attentats terroristes axés sur l’infrastructure économique risquent de se poursuivre, y compris ceux qui visent les réseaux de distribution de l’énergie et de transports, le système bancaire et l’industrie touristique;

• les canulars, surtout lorsqu’il est question de menaces d’attentats à la bombe, sont employés de temps à autres pour perturber gravement les transports et le tourisme, ce qui a de graves conséquences au niveau local;

• le réseau Internet devient une ressource vers laquelle les terroristes se tournent de plus en plus souvent pour avoir accès à des informations, diffuser de la propagande, recueillir des fonds, communiquer et planifier des opérations;

• la possibilité d’une menace terroriste visant des applications gouvernementales et commerciales gérées par ordinateur est un sujet de préoccupation croissante².

13. Le fusil et la bombe demeurent en tête de liste des méthodes que les terroristes préfèrent, comme en ont témoigné l’assassinat par balles de l’ancien gouverneur provincial Hakim Said au Pakistan et l’attentat à la grenade contre un arrêt d’autobus israélien à Beersheba. Les véhicules piégés intéressent particulièrement les terroristes, en partie parce que la tendance depuis quelques années est aux attentats aveugles qui font un grand nombre de victimes, et en partie parce qu’ils sont puissants, meurtriers et faciles à fabriquer et à utiliser, les instructions étant disponibles sur Internet et les composants faciles à trouver. Les attentats-suicide et les menaces d’attentats-suicide sont plus nombreux dans certaines régions, au Moyen-Orient et au Sri Lanka par exemple, et risquent d’être répétés.

14. La secte Aum Shinri Kyo a été une des premières à utiliser un agent neurotoxique pour perpétrer un attentat terroriste, à Tokyo en 1995, et nombreux sont ceux qui considèrent qu’elle a ainsi franchi un seuil. Cette théorie est renforcée par les preuves mises au jour récemment de l’intérêt manifesté par Osama bin Laden pour les armes chimiques et biologiques. L’attentat de Tokyo avait éveillé plusieurs graves craintes, dont les suivantes :

• que certains terroristes puissent maintenant estimer l’indifférence du public telle que pour attirer l’attention, il leur faut commettre un attentat plus spectaculaire faisant davantage de victimes;

• que l’efficacité des mesures de sécurité améliorées puisse inciter les terroristes à chercher une méthode différente pour commettre un attentat;

• qu’un groupe puisse avoir atteint un niveau de frustration et éprouver un sentiment d’impuissance tels qu’il sera prêt à tout pour tenter d’atteindre son objectif.

Étant donné l’approche du millénaire, le risque que des individus animés de convictions extrêmes, en particulier les membres des sectes, décident d’agir de façon indépendante et d’utiliser un dispositif chimique, biologique ou à rayonnement nucléaire, est considéré comme plus grand.

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15. L’utilisation d’une arme nucléaire demeure le scénario le moins probable, étant donné les mesures de sécurité qui entourent actuellement les armes nucléaires et la réticence certaine des États à soutenir l’utilisation d’une telle arme à des fins terroristes. La dispersion d’une substance radioactive au cours d’un attentat terroriste reste une possibilité bien réelle. Néanmoins, malgré les possibilités apparemment avantageuses des armes nucléaires, chimiques ou biologiques, les armes conventionnelles sont toujours considérées comme celles que préfèrent les terroristes, principalement parce qu’elles leur sont familières et parce qu’elles sont faciles à utiliser.

16. Le nombre de victimes que feront les attentats terroristes nationaux et internationaux à l’avenir variera. Généralement plus fréquents, les complots nationaux sont habituellement des attentats par balles ou à la bombe dirigés contre les forces de sécurité ou contre des adversaires civils précis; de tels attentats font moins de victimes. De temps à autre, le nombre de victimes est plus élevé, par exemple lorsqu’un attentat est commis à bord d’un transporteur commercial ou lorsqu’un véhicule piégé ou un engin explosif est placé dans un endroit bondé, comme ce fut le cas dans l’attentat à la bombe contre l’immeuble Murrah à Oklahoma City. Les attentats internationaux sont caractérisés par de grands nombres de victimes parce que, bien que moins fréquents, ils visent à obtenir un maximum de publicité et un effet de choc.

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Aperçu de la situation dans le monde

17. Les États-Unis continueront d’être la principale cible des terroristes à l’échelle internationale. Malgré la participation relativement médiatisée du Canada aux opérations militaires en ex-Yougoslavie et dans le Golfe, le Canada et les Canadiens ont toujours de la chance et n’ont pas été pris pour cibles récemment par des terroristes. Les Canadiens qui vont à l’étranger doivent cependant être conscients qu’ils risquent de se trouver au mauvais endroit au mauvais moment et, à cause des ressemblances, d’être pris par erreur pour des Américains.

18. L’historique accord de paix en Irlande du Nord, signé en mai 1998, a d’abord permis de réaliser des progrès encourageants, mais s’est heurté à des difficultés. Les élections de la nouvelle assemblée législative regroupant 108 députés catholiques et protestants ont eu lieu : David Trimble, protestant unioniste, a été élu premier ministre et Seamus Mallon, catholique nationaliste, vice-premier ministre. Il reste des questions litigieuses, dont le désarmement, mais les participants se disent déterminés à faire de l’accord de paix un succès.

19. Des éléments rebelles, comme l’Armée nationale de libération irlandaise (INLA), l’Armée républicaine irlandaise de la continuité (IRA de la continuité) et l’Armée républicaine irlandaise véritable (IRA véritable) représentent toujours une menace meurtrière sur le plan de la sécurité. L’IRA véritable a revendiqué la responsabilité de l’attentat à la voiture piégée commis le 15 août 1998 à Omagh, dont le bilan a été de 29 morts et 330 blessés, ce qui en a fait l’attentat le plus meurtrier en Irlande du Nord depuis 1969. Cependant, l’INLA a conclu une trêve à la fin d’août et l’IRA véritable a décrété un arrêt complet des activités militaires en septembre; les deux principaux groupes loyalistes, l’Association de défense de l’Ulster (UDA) et les Forces de volontaires de l’Ulster (UVF) ont annoncé conjointement un cessez-le-feu en 1994. L’IRA de la continuité reste donc le seul groupe à ne pas avoir indiqué qu’il cessait les hostilités.

20. De l’autre côté de la Manche, en France, les retombées du conflit algérien représentent toujours une menace. Triste exemple de personnes se trouvant au mauvais endroit au mauvais moment, une femme de Montréal a été tuée et son mari blessé lorsqu’une bombe, qui aurait été déposée par des extrémistes algériens, a explosé dans le métro de Paris en décembre 1996, faisant en tout quatre morts et des dizaines de blessés.

21. Bien que les efforts de coopération entre les forces de sécurité espagnoles et françaises aient terriblement éclairci ses rangs, le groupe séparatiste basque ETA continue de représenter une menace grave pour l’Espagne. Le public lui assure cependant moins d’appuis, surtout à la suite d’une série de meurtres de représentants municipaux : l’ETA a assassiné trois représentants du parti au pouvoir en Espagne, le Partido Popular, au cours des deux premiers mois de 1998. L’assassinat du conseiller municipal Alberto Jimenez Becerril et de sa femme, au moment où ils rentraient d’un souper à Séville, a été particulièrement brutal et horrible.

22. L’ETA a décrété un cessez-le-feu à la mi-septembre 1998, mais a récemment annoncé qu’il reprendrait les armes dès décembre 1999. Un peu plus tôt cette année, trois petits attentats à la bombe commis à Madrid ont été revendiqués par le Groupe de résistance antifasciste et patriotique du 1er octobre (GRAPO), groupe marxiste radical qui avait été inactif pendant plusieurs années.

23. En Allemagne, les extrémistes de droite, en particulier les éléments à motivation raciale, continuent de fomenter des troubles et de commettre des attentats à la bombe incendiaire contre des travailleurs immigrants et des réfugiés.

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24. Le Groupe du 17 novembre, organisation terroriste peu connue qui commet de temps à autres des attentats à Athènes, échappe toujours aux autorités. Le groupe, qui est opposé au gouvernement, à l’OTAN, aux Turcs et aux Américains, a assassiné plusieurs membres du corps diplomatique américain et représentants officiels de la Grèce au cours des vingt dernières années.

25. Malgré l’arrestation du chef du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), Abdullah (« Apo ») Ocalan, les services de sécurité de la Turquie demeurent préoccupés par la menace constante de violence terroriste que représentent le PKK et plusieurs plus petits groupes de gauche, comme le DHKP-C communiste. Des attentats à la bombe, dont l’objectif est souvent de nuire à l’industrie du tourisme, sont commis sporadiquement à Istanbul et à Ankara.

26. De l’autre côté de la Méditerranée, en Afrique du Nord, le Groupe islamique armé (GIA) algérien poursuit sa campagne d’opposition au régime : il commet des attentats à la bombe dans les grandes villes, surtout à Alger, et mène d’horribles attaques contre les villageois, ses victimes se faisant souvent trancher la gorge ou décapiter. Les femmes et les enfants ne sont pas épargnés dans ces massacres.

27. En Égypte, les forces de sécurité et les terroristes nationaux s’affrontent de temps à autre dans la vallée du Haut-Nil — ces derniers cherchant eux aussi à préjudicier l’industrie du tourisme dans le but d’ébranler l’économie égyptienne. Des attentats sont également commis à l’occasion contre les chrétiens coptes dans le but de tenter de diviser les deux communautés religieuses.

28. Israël et les Territoires occupés continuent de vivre sous la menace et d’affronter la réalité des attentats terroristes; qu’il suffise de penser aux attentats-suicide commis à Jérusalem par des groupes opposés aux propositions de paix, comme le Hamas et le Jihad islamique palestinien. À moins que de remarquables progrès se réalisent dans le cadre du processus de paix, la situation ne risque guère de s’améliorer.

29. La rivalité constante entre les groupes musulmans chiites et sunnites caractérise les attentats terroristes perpétrés au Pakistan, qui revêtent le plus souvent la forme de fusillades commises par un terroriste se trouvant à l’arrière d’une motocyclette en marche. Les bilans sont cependant considérablement moins élevés que ceux de l’an dernier. Associé d’un point de vue régional, puisqu’il opère depuis l’Afghanistan, Osama bin Laden menace des particuliers et des intérêts occidentaux (principalement américains) partout dans le sous-continent, au Moyen-Orient et en Afrique. Il continuera de chercher à frapper des cibles occidentales chaque fois qu’il en aura l’occasion et partout où il le pourra.

30. En Inde, plusieurs attentats à la bombe commis récemment dans des autobus et des trains laissent croire que des efforts sont faits pour agiter de nouveau le spectre du terrorisme sikh. D’autres sont liés au conflit d’inspiration séparatiste en cours au Cachemire ou aux revendications tribales des Bodos en Assam.

31. Des preuves d’agitation et d’aspirations séparatistes ouïgoures ont été mises au jour dans l’Ouest de la Chine, où les explosions d’au moins trois bombes à bord d’autobus à Xinjiang et à Beijing auraient fait neuf morts et huit blessés.

32. Dans l’ensemble, l’agitation extrémiste est considérablement moins forte en Amérique latine. La majorité des attentats sont commis en Colombie ou au Pérou. En Colombie, les Occidentaux, en particulier les hommes d’affaires, risquent fort de se faire enlever. Au Pérou, tant le Mouvement révolutionnaire Tupac Amaru (MRTA) que le Sentier lumineux sont toujours considérés comme des organisations très dangereuses, malgré les extraordinaires succès remportés par les forces de sécurité, ainsi lorsqu’elles ont pris d’assaut la résidence de l’ambassadeur du Japon à Lima afin de libérer les otages pris par le MRTA.

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Intérêts Nord-Américans

33. Comme tout autre pays démocratique développé, le Canada est essentiellement vulnérable aux actes de terrorisme. À l’heure actuelle, ses principaux sujets de préoccupation sur ce plan sont les attentats associés à des conflits qui se déroulent à l’étranger mais sont importés dans le contexte canadien, que nous regroupons sous l’expression questions liées au pays d’origine.

34. Le Canada est un endroit attirant pour les terroristes et ce, pour plusieurs raisons. Nos frontières et nos côtes sont longues, offrant de nombreux points d’entrée qui peuvent faciliter les déplacements à destination ou en provenance de divers endroits dans le monde, en particulier des États-Unis. Le Canada étant une riche société industrielle, il est facile d’y recueillir des fonds au nom de causes défendues à l’étranger. Enfin, comme le pays accepte un grand nombre d’immigrants et de réfugiés, il compte d’importantes communautés d’immigrés dans lesquelles des terroristes peuvent se réfugier ou obtenir un soutien.

35. Bon nombre des groupes terroristes dans le monde ont des représentants au Canada qui mènent diverses activités à l’appui du terrorisme, dont les suivantes :

• assurer un soutien logistique à des actes de terrorisme commis à l’extérieur du territoire, en s’efforçant d’obtenir des armes et du matériel qui seront expédiés à l’étranger, comme des détonateurs électriques pour des explosifs ou des télécommandes pouvant être utilisées pour faire exploser des bombes à distance. Un Canadien a déjà été impliqué dans une tentative d’achat d’un missile Stinger pour l’IRA provisoire;

• tenter d’établir une base de soutien opérationnel au Canada, afin de permettre au groupe d’envoyer des commandos chargés de commettre des attentats contre des cibles d’occasion;

• recueillir des fonds, défendre la cause et faire de la propagande. Par exemple, il n’y a pas très longtemps, des membres du PKK kurde ont tenté d’entrer illégalement au Canada pour assumer la direction de l’aile canadienne, faire de la propagande et recueillir des fonds;

• intimider et manipuler des citoyens canadiens au sein des communautés d’émigrés afin de les amener à soutenir des activités exercées pour appuyer des questions liées au pays d’origine;

• héberger des terroristes. Le cas récent du saoudien Hani al-Sayegh, impliqué dans l’attentat à la bombe contre les tours Al Khobar, constitue un bon exemple de cette tendance;

• utiliser le Canada comme base d’où organiser et diriger des activités terroristes menées dans d’autres pays. Cela pose un problème particulier dans le cas des membres de certains groupes terroristes sikhs dont les dirigeants cherchent toujours à utiliser le Canada comme quartier général;

• recueillir des fonds au moyen d’activités illégales. Des partisans des Tigres tamouls ont été accusés de recueillir des fonds en recourant à l’intimidation ainsi qu’à la fabrication et à la vente de faux passeports et de faux documents.

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36. Les autorités réussissent assez bien à contrecarrer la croissance de l’extrémisme de droite sur le continent nord-américain, mais les activités de certains groupes continuent de représenter une menace considérable. Le mouvement des milices, par exemple, n’est pas établi au Canada, mais cherche à s’étendre vers le Nord — une cache d’armes et de matériel appartenant à un groupe américain a été découverte en Colombie-Britannique.

37. L’extrême droite — les skinheads racistes et les néo-nazis — est constituée de plusieurs factions distinctes sans leadership central, ce qui en soi contribue à son imprévisibilité. Dans l’ensemble, les préoccupations qu’elles suscitent sur le plan de la sécurité ne découlent pas tant du nombre de leurs membres que des quelques éléments imprévisibles prêts à commettre des actes de violence extrême pour la cause. L’utilisation d’Internet facilite les communications, la coordination et le recrutement, et tant les particuliers que les groupes commencent à être conscients des avantages que présente le chiffrement des messages.

38. Les extrémistes qui défendent une cause particulière, ce qui comprend les écologistes et les groupes de défense des droits des animaux, sont alignés à peu près de la même façon, mais ont une attitude davantage de gauche. Bien qu’ils soient peu nombreux au Canada, ils peuvent être dangereux et destructeurs. Entre autres activités, citons les suivantes :

• le piégeage d’arbres au moyen de clous, les dommages causés au matériel et la pulvérisation de substances nocives dans des immeubles publics pour tenter de prévenir des opérations forestières;

• l’envoi par la poste à des scientifiques, des taxidermistes et des pourvoyeurs de bombes tuyaux et de lettres contenant des lames de rasoir, qui auraient été trempées dans des substances toxiques, ainsi que la mise en liberté extrêmement coûteuse d’animaux à fourrure qui se trouvaient dans des établissements commerciaux et les menaces d’empoisonnement de dindes dans des supermarchés au moment de fêtes importantes, le tout à l’appui du mouvement pour la défense des droits des animaux.

Il existe des liens étroits entre les écologistes et les extrémistes qui défendent les droits des animaux partout dans le monde. Les deux mouvements se servent d’Internet pour communiquer et pour se faire connaître, en plus de publier des bulletins et des guides qui contiennent des instructions sur la façon de se livrer à la désobéissance civile, au vandalisme et au sabotage (les écologistes parlent d’« écotage »), dont certaines sont extrêmement dangereuses.

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Conclusion

39. À elles seules, les raisons qui précèdent montrent bien que le Canada doit se tenir à l’affût et au courant de la menace que représente le terrorisme à l’échelle tant nationale qu’internationale. La diminution notée depuis quelques années du le nombre d’attentats terroristes internationaux découle, en partie, d’une combinaison des facteurs suivants :

• une nette amélioration de la collaboration internationale dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, par exemple la mise en commun des renseignements;

• une diminution du parrainage assuré par des États;

• le resserrement des mesures de sécurité dans certains pays;

• les changements positifs survenus dans plusieurs situations politiques et économiques.

Cependant, il faudrait éviter de se montrer trop optimiste à long terme — l’utilité et l’attrait du terrorisme en tant qu’instrument permettant d’influencer les politiques nationales et étrangères, ainsi que d’autres éléments, comme le comportement irrationnel de certains individus, des facteurs culturels ou un désir de vengeance, pourraient entraîner une reprise des attentats. L’approche du nouveau millénaire et les divers événements liés au passage à l’an 2000 pourraient aussi influer sur la fréquence et la nature des attentats terroristes, surtout dans les pays occidentaux dotés d’infrastructures très complexes.

40. Le Canada a réagi à la menace que représente le terrorisme surtout en préconisant la collaboration internationale et en participant aux efforts faits en ce sens. Il a accueilli de nombreuses conférences consacrées au problème du terrorisme, ou y a participé : le Sommet du G-7 à Halifax, la réunion des ministres à Ottawa, la rencontre extraordinaire des chefs de gouvernement à Sharm el-Sheikh, ainsi que d’autres tenues à Lima, aux Philippines, à Tokyo, à Paris et, récemment, à Denver (Colorado). Les relations de coopération bilatérale et multilatérale croissent rapidement entre les divers services de sécurité.

41. La coopération internationale est un élément important dans la lutte contre le terrorisme. Cependant, étant donné la nature dynamique du phénomène, et l’expérience technique et pratique croissante de ceux qui embrassent le recours à la violence politique, l’intervention des services qui combattent le terrorisme doit être ingénieuse et d’envergure. Le renseignement joue un rôle de premier plan à cet égard et commence à donner des résultats impressionnants. L’amélioration de la collaboration au sein de la communauté du renseignement est le résultat d’ententes bilatérales et multilatérales. Le soutien accordé aux activités aussi mutuellement avantageuses est un moyen efficace de réagir aux diverses menaces que représente le terrorisme.

42. Il y a longtemps maintenant que le Canada subit les retombées de conflits en cours dans d’autres pays ­ l’influence des « questions liées au pays d’origine ». D’après les chercheurs, la violence ethnopolitique reste à des niveaux historiquement élevés. Bien que le nombre des attentats commis à l’échelle internationale ait diminué en 1997-1998, les spécialistes s’attendent à ce qu’il remonte sans avertissement d’une année à l’autre. Le nombre des attentats terroristes à l’échelle nationale restera élevé lui aussi. Les Canadiens doivent demeurer attentifs à ces indicateurs, continuer d’encourager les efforts déployés dans le cadre de la lutte au niveau tant international que national, et prendre des précautions lorsqu’ils travaillent ou voyagent à l’étranger.

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Annexe I

Activités terroristes

¹ Dans le document intitulé Patterns of Global Terrorism, le Département d'État américain reconnaît que le nombre d'attentats commis en 1998 représentait le total annuel le plus bas depuis 1971. Par contre, il y a eu en 1998 plus de 700 morts et quelque 6 000 blessés, soit un nombre record de victimes au cours d'une seule année.[Retournez]

² La recherche de mesures de sécurité adéquates pour protéger contre les incursions des pirates informatiques et contre les cyberattaques demeure une interminable bataille technologique. Un attentat terroriste concerté et dirigé contre des réseaux informatiques pourrait faire tomber les réseaux électriques et de communication, ce qui rappellerait la tempête de verglas que l’Amérique du Nord a connue en 1998 et pourrait dévaster le monde des affaires. De même, la destruction matérielle de réseaux informatiques essentiels pourrait gravement paralyser des infrastructures commerciales clés à l’échelle mondiale, comme les transports aériens, le marché boursier et les opérations bancaires internationale [Retournez]

Date de modification : 2005-11-14

Avis importants