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2  Les effluents urbains : leurs effets sur
    l’environnement, l’économie et la santé
    humaine au Canada


Les effluents urbains, y compris le rejet d’eaux usées traitées et non traitées, les trop-pleins d’égouts séparatifs et d’égouts pluviaux et les eaux de ruissellement ont un effet sur la santé des humains et des écosystèmes. Les composantes d’un effluent peuvent être de nature chimique, physique ou biologique, et leurs impacts incluent les changements dans les habitats aquatiques et la composition des espèces, la réduction de la biodiversité, des restrictions quant à l’utilisation de l’eau pour les loisirs et dans la récolte des mollusques et des crustacés et la contamination de l’eau potable (tableau 3). Tous ces impacts nuisent à la valeur de l’environnement, à la prospérité de l’économie et, ultimement, à la qualité de vie.

L'eau peu profonde
(Crédit : Vincent Mercier, Bureau des indicateurs et de l’évaluation)

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Tableau 3. Effets écologiques et socioéconomiques des effluents urbains

Les impacts écologiques et leurs conséquences

Les effluents urbains sont responsables de la dégradation de plusieurs écosystèmes partout au pays. Les impacts peuvent découler d’une augmentation des charges nutritives, d’une réduction de l’oxygène dissous et du rejet de substances toxiques, dont un grand nombre peuvent se bioaccumuler et se bioamplifier dans la faune sauvage aquatique. Des changements physiques peuvent également nuire à l’environnement, dont une élévation de la température, une augmentation du débit de l’eau, qui peut causer des inondations et de l’érosion, une augmentation des solides en suspension et le rejet de débris flottants dans les plans d’eau.

Enrichissement en éléments nutritifs
L’enrichissement en éléments nutritifs est l’un des effets environnementaux les plus connus et les plus étudiés des effluents urbains (Welch, 1992). Certains éléments nutritifs, particulièrement le phosphore et l’azote, sont essentiels à la production végétale dans tous les écosystèmes aquatiques. Cependant, un apport excessif en éléments nutritifs peut engendrer des proliférations massives d’algues et la croissance de vastes herbiers. C’est l’eutrophisation, processus qui dégrade les écosystèmes aquatiques de plusieurs façons.

Dans les lacs où surviennent des proliférations d’algues, la destruction des nombreux phytoplanctons qui composent les proliférations va faire en sorte que le fond d’un lac sera recouvert de matières organiques. La décomposition de ces matières peut consommer la quasitotalité ou la totalité de l’oxygène dissous dans l’eau ambiante, menaçant ainsi la survie de plusieurs espèces de poissons ainsi que les vertébrés et les invertébrés qui vivent au fond de l’eau. Dans les lacs et les régions côtières, certaines proliférations d’algues contiennent également des substances toxiques pour les humains et les espèces sauvages.

Dans les rivières et les cours d’eau, l’addition d’éléments nutritifs stimule la croissance du périphyton, qui est une forme d’algues filamenteuses croissant sur les surfaces rocheuses, et des plantes aquatiques à racines. Un enrichissement excessif peut toutefois désoxygéner l’eau et entraîner une baisse de la productivité du périphyton, ainsi qu’une réduction des populations d’invertébrés et de poissons vivant au fond de l’eau et la perte de certaines espèces.

Dans les eaux côtières, les éléments nutritifs stimulent la croissance du phytoplancton et d’algues de plus grandes dimensions, ce qui réduit la quantité de lumière qui atteint les herbiers du fond. Ceux-ci stabilisent les sédiments du fond et, quand ils disparaissent, la turbidité de l’eau augmente, ce qui la rend moins accueillante pour la flore du fond. En même temps, le phytoplancton qui flotte au voisinage de la surface où l’exposition à la lumière est plus grande continue de se multiplier. Avec la disparition des herbiers, plusieurs poissons et organismes benthiques perdent un élément important de leur habitat et ne peuvent survivre.

L’effet net de l’eutrophisation sur un écosystème est généralement une augmentation de l’abondance de quelques types de végétaux (jusqu’au point où ils deviennent les espèces dominantes) et une baisse du nombre et de la variété des autres espèces végétales et animales du système. Les poissons-gibiers sont parmi les espèces le plus fréquemment perdues dans l’eutrophisation des plans d’eau. L’un des exemples les plus connus d’un lac encore eutrophisé ces dernières années et de sa restauration ultérieure est probablement celui du lac Érié (encadré 2). Les problèmes d’eutrophisation locale demeurent toutefois une préoccupation dans plusieurs collectivités canadiennes de la région des Grands Lacs. On détecte également des signes d’enrichissement en éléments nutritifs en aval des points de déversement d’eaux usées urbaines ou de zones d’agriculture intensive dans la plupart des rivières des régions peuplées du Canada. De plus, des cas périodiques de mortalité massive du poisson dans le port de Halifax ont été liés en partie à des apports de phosphore provenant d’eaux d’égout brutes.

Encadré 2. Restauration du lac Érié


Le lac Érié est l’un des exemples les mieux connus illustrant comment un écosystème aquatique peut être endommagé par des charges nutritives excessives et comment il peut être restauré par la réduction des apports nutritifs. Les dommages ont commencé au XIXe siècle quand l’érosion du sol résultant du défrichement pour l’agriculture et le peuplement a entraîné une augmentation des charges de phosphore dans le lac. Une autre augmentation des charges de phosphore, plus impressionnante celle-là, a commencé dans les années 1940, quand de plus en plus de personnes ont eu recours aux réseaux d’égouts se déversant dans le lac et que l’on a commencé à utiliser des détergents à forte teneur en phosphore.

Les préoccupations liées à la mousse persistante produite par les détergents, la dégradation croissante de la qualité visible de l’eau et d’autres problèmes environnementaux ont amené les autorités à entreprendre des études scientifiques sur les causes et les impacts de la pollution du lac. En 1970, une étude binationale a confirmé l’existence d’un lien entre l’accroissement des concentrations de nutriments, particulièrement du phosphore, et l’apparition d’algues nuisibles. Pour résoudre le problème, des exercices de modélisation ont indiqué qu’il fallait ramener la charge de phosphore de 28 000 tonnes par année environ à quelque 11 000. En 1972, avec la signature de l’Accord relatif à la qualité de l’eau dans les Grands Lacs entre le Canada et les États-Unis, les deux pays ont convenu de ramener la charge de phosphore au niveau recommandé de 11 000 tonnes par année.

Quatre stratégies ont été utilisées pour atteindre cet objectif :

  1. L’utilisation du phosphore dans les détergents, qui à l’époque représentait environ 25 % du phosphore dans les eaux d’égout, a été graduellement éliminée.
  2. Des UTEUU ont été construites dans des collectivités où il n’y en avait pas, et un traitement secondaire a été ajouté aux usines de traitement primaire.
  3. Un traitement spécial a été utilisé pour ramener la concentration de phosphore à 1 mg par litre ou moins dans les effluents des usines de traitement des eaux usées d’une capacité de traitement supérieure à 265 000 litres par jour.
  4. Le phosphore provenant des engrais agricoles et du fumier étant une composante importante du problème, les fermiers ont été encouragés à adopter pour leurs champs des méthodes qui réduisent le ruissellement et l’érosion.

Au milieu des années 1980, la charge totale de phosphore du lac Érié avait été réduite de plus de 50 %. Depuis, elle oscille autour du niveau recommandé de 11 000 tonnes par an.


Restauration du lac Érié

(Source : Environnement Canada, 1999c)

Épuisement de l’oxygène dissous
Bien que les nutriments présents dans les eaux usées contribuent à appauvrir l’oxygène par eutrophisation, d’autres constituants des effluents peuvent l’épuiser plus directement. Les effluents contiennent en effet de grandes quantités de solides organiques, et la décomposition bactérienne de ces substances et l’oxydation des produits chimiques qu’elles contiennent peuvent consommer une grande partie de l’oxygène dissous dans les eaux réceptrices. La quantité d’oxygène consommée par la décomposition sur quelques jours est mesurée par la DBO dans les analyses des effluents en laboratoire. L’oxygène consommé en une heure ou deux par les réactions chimiques constitue la demande chimique en oxygène de l’effluent.

Étant donné que l’oxygène dissous est essentiel à la plupart des organismes aquatiques, la perte d’oxygène peut avoir des conséquences graves pour la vie aquatique (encadré 3). Ces effets peuvent être immédiats et à court terme, ou se prolonger durant des mois ou des années par suite de l’accumulation de matières consommatrices d’oxygène dans les sédiments de fond (Hvitved- Jacobsen,1982).

La quantité d’oxygène dissous dans l’eau dépend de la température de l’eau, de l’élévation du niveau de la mer et de la salinité de l’eau. L’oxygène se dissout plus facilement dans les eaux froides que dans les eaux chaudes. De même, l’eau douce contient plus d’oxygène que l’eau salée, et l’eau à faible élévation (où la pression atmosphérique est plus élevée) plus que l’eau à haute élévation. Les épisodes nocifs d’appauvrissement en oxygène surviennent souvent l’été quand l’eau est chaude et ne peut pas contenir autant d’oxygène. Toutefois, des cas d’épuisement grave peuvent également se produire l’hiver quand la couverture de glace sur les rivière et les lacs empêche l’atmosphère de remplacer l’oxygène dissous qui a disparu de l’eau (Chambers et Mills, 1996). Au Canada, de nombreuses rivières du Nord couvertes de glace pourraient être vulnérables aux effets des effluents d’eaux usées sur les niveaux d’oxygène durant l’hiver.

Encadré 3. Épuisement de l’oxygène dissous dans l’estuaire du Fraser


Dans les années 1980, des études ont été menées pour évaluer l’impact des eaux usées de l’usine de traitement d’Iona Island sur le poisson et le milieu récepteur du banc Sturgeon de l’estuaire du Fraser en Colombie-Britannique. Avant 1988, l’effluent de l’usine de traitement était rejeté à marée haute dans la zone intertidale du banc. À marée basse, il était évacué vers la mer par un canal dragué traversant des platins de sable qui s’étendent sur plus de 6 kilomètres dans le détroit de Georgie. Une jetée rocheuse longeait le côté nord du canal d’évacuation de l’effluent sur une longueur d’environ 4 kilomètres et limitait efficacement la dispersion de l’effluent dans la partie sud du banc. Quand celui-ci était submergé par la marée, la demande en oxygène de l’effluent et des lits de boues au voisinage de l’exutoire réduisait progressivement la quantité d’oxygène dissous dans les eaux réceptrices. La zone d’épuisement de l’oxygène dissous s’étendait sur plus de 4 kilomètres, jusque dans le détroit de Georgie, mais restait près de la jetée à marée basse. Plusieurs organismes étaient stressés par cette eau faible en oxygène, ou en mouraient.

Étant donné que les espèces benthiques telles que la plie et le flétan et les espèces pélagiques comme le hareng étaient touchées, il était évident que l’oxygène s’était épuisé dans toute la colonne d’eau. Le poisson dans les eaux faibles en oxygène monte généralement à la surface pour respirer et devient alors une proie facile pour les oiseaux prédateurs. Les hérons et les mouettes du banc Sturgeon convergeaient généralement vers les eaux pauvres en oxygène où l’on pouvait trouver du poisson à la surface.

Plusieurs poissons plats morts d’âges différents ont été trouvés sur les platins de sable intertidaux du banc Sturgeon. De plus, les prises de poissons plats ont commencé à décliner dans la zone de pêche voisine du Fraser immédiatement après l’entrée en opération de l’usine de traitement d’Iona Island (Birtwell, 1996).

L’observation de ces impacts écologiques importants a mené en 1988 au prolongement du diffuseur de l’exutoire d’Iona Island au-delà de l’estuaire dans le détroit de Georgie, ce qui a fait disparaître l’ancien point de rejet du banc Sturgeon. Les chercheurs ont depuis étudié le rétablissement de la vie aquatique au voisinage de l’ancien exutoire et ont mesuré les changements dans la qualité de l’eau et des sédiments. Plusieurs améliorations ont été constatées et la concentration en oxygène dans l’eau au-dessus des sédiments a augmenté par rapport aux faibles concentrations mesurées quand l’exutoire était dans le banc Environnement Canada, 1998a).

De faibles concentrations d’oxygène dissous nuisent à la survie des poissons en augmentant leur sensibilité aux maladies, en ralentissant leur croissance, en gênant leurs mouvements, en altérant leur alimentation, leur migration et leur reproduction, et en les rendant moins aptes à éviter les prédateurs. Un épuisement extrême de l’oxygène entraîne une mort rapide. De faibles concentrations d’oxygène dissous peuvent également nuire aux poissons indirectement en réduisant les populations d’organismes dont ils se nourrissent (Alberta Environmental Protection, 1996).

Les réductions à long terme des concentrations d’oxygène dissous peuvent entraîner des changements dans la composition des espèces. Une augmentation des réserves alimentaires sous la forme d’une augmentation de la quantité de détritus peut réduire la diversité de la faune de fond, qui est dominée par les vers et les larves de moucherons. Cette situation tend à favoriser les poissons qui se nourrissent sur le fond, tels que les meuniers et les carpes. Dans le lac Érié, par exemple, les populations de ciscos, de grands corégones, de dorés jaunes, de dorés noirs et de dorés bleus ont considérablement décliné durant les 40 ans pendant lesquels les charges nutritives du lac étaient en hausse. Les prises totales de poisson n’ont toutefois pas diminué. Les espèces préférées ont été remplacées par la carpe, le poisson buffalo, le malachigan et l’éperlan (Welch, 1992).

Toxicité directe pour les espèces sauvages
Les impacts toxiques des eaux usées urbaines sur les espèces sauvages peuvent être aigus et se produire rapidement, ou être cumulatifs et ne se manifester qu’après une période relativement longue (Hvitved-Jacobsen, 1986; Harremoes, 1988). Les impacts aigus des effluents d’usine de traitement sont généralement le résultat de niveaux élevés d’ammoniac et de chlore, de grandes charges de matières exerçant une DBO ou de concentrations toxiques de métaux lourds et de contaminants organiques. Les effets cumulatifs sont le résultat d’une accumulation graduelle de polluants dans l’eau réceptrice ou ses sédiments et le biote et ne deviennent apparents qu’audessus d’un certain seuil d’accumulation. En raison de la complexité et de la variabilité des effluents urbains, ainsi que de la diversité des facteurs environnementaux qui influent sur leurs activités biologiques individuelles et combinées, il n’est pas facile de tirer des conclusions générales quant à la toxicité des effluents urbains (Welch,1992; Chambers et al., 1997).

Des tests de toxicité en laboratoire utilisant des algues planctoniques, du zooplancton et des poissons ont été effectués sur les effluents de plusieurs usines de traitement canadiennes afin de déterminer le niveau auquel les concentrations deviennent létales ou causent des changements physiologiques ou comportementaux9. Bien que les organismes aient des réactions différentes quand ils sont exposés à des effluents complexes (et à des substances particulières dans ces effluents), on a démontré que l’ammoniac non ionisé était la cause la plus fréquente de toxicité dans les effluents urbains. Les usines de traitement urbaines sont en fait la principale source quantifiable d’ammoniac pour les écosystèmes aquatiques de tout le Canada.

Les organismes d’eau douce sont les plus vulnérables à l’exposition à l’ammoniac (Environnement Canada, 2000). Les espèces les plus sensibles sont entre autres la truite arc-en-ciel, la crevette d’eau douce, le doré jaune, le ménomini de montagne et les sphaeriinés. Les insectes aquatiques et les microcrustacés sont plus résistants à l’ammoniac, bien qu’il y ait une grande variation de sensibilité entre les divers insectes aquatiques (Environnement Canada, 2000). Le principal impact de l’ammoniac sur les écosystèmes aquatiques est probablement la toxicité chronique pour le poisson et les invertébrés benthiques; elle réduit leur capacité de reproduction et la croissance chez les jeunes.

La zone d’impact des composants toxiques des effluents urbains varie considérablement selon les conditions de rejet, telles que le débit, la température et le pH du cours d’eau. Par exemple, les eaux les plus vulnérables à l’ammoniac produit par les eaux eaux usées urbaines sont celles qui sont généralement basiques, quand une température d’été relativement élevée est combinée à un faible débit. Dans les conditions moyennes estimatives, certains rejets urbains pourraient être toxiques jusqu’à une distance de 10 à 20 kilomètres du point de rejet. On a noté une grave perturbation de la flore et de la faune benthiques en aval des exutoires d’eaux usées urbaines; parfois, les conditions de fond ne reviennent à la normale qu’à une distance de 20 à 100 kilomètres du point de rejet.

Bioaccumulation et bioamplification des contaminants
Certaines substances que l’on ne trouve qu’à des concentrations très faibles, voire à peine mesurables, dans l’eau peuvent parfois se retrouver à de très fortes concentrations dans les tissus des végétaux et des animaux. Ce phénomène est appelé bioaccumulation. Les substances bioaccumulables sont généralement très stables au point de vue chimique, avec une très grande durée de vie, et ne sont pas facilement décomposées par la digestion. Beaucoup sont plus solubles dans les graisses que dans l’eau et ont, par conséquent, tendance à s’accumuler dans les tissus adipeux plutôt qu’à être éliminées de l’organisme. Dans un nombre limité de ces contaminants, la concentration peut augmenter de façon encore plus radicale quand ils sont transmis de la proie au prédateur dans la chaîne alimentaire. Chaque prédateur reçoit en effet les contaminants que chacune de ses proies a accumulés au cours de sa vie et transmet sa propre accumulation quand il est lui-même ingéré par d’autres prédateurs au niveau suivant de la chaîne alimentaire. Ce processus, appelé bioamplification, fait que la concentration d’une substance toxique persistante dans un animal au sommet de la chaîne alimentaire, tel que le goéland argenté ou le béluga, peut être 10 millions de fois plus grande que sa concentration dans l’eau.

En raison de ces processus, même de très faibles concentrations de certaines substances dans les eaux usées sont préoccupantes. Comme exemples de substances persistantes bioaccumulables et toxiques détectées dans les eaux usées urbaines, on trouve les BPC, les dioxines et les furannes, les pesticides organochlorés, ainsi que le mercure et d’autres métaux lourds. Bien que de nombreuses substances puissent se bioaccumuler, seuls quelques métaux et substances chimiques organiques, comme le mercure et le DDT, se bioamplifient par l’intermédiaire du réseau trophique. Les effets des substances bioaccumulables sur les espèces sauvages sont bien connus : réduction du taux de réussite de la reproduction, difformités, tumeurs et lésions, réduction de la vitesse de croissance et déficience du système nerveux central (encadré 4). Bien qu’il y ait plusieurs autres sources de substances persistantes, bioaccumulables et toxiques dans l’environnement, y compris les rejets industriels et les contaminants déposés par l’atmosphère, les eaux usées urbaines restent parmi les plus importantes (Gouvernement du Canada, 1996).

Encadré 4. Les contaminants toxiques et la situation du béluga


De fortes concentrations de plusieurs substances bioaccumulables, toxiques et persistantes ont été détectées dans les prédateurs de niveau trophique supérieur dans diverses régions du Canada. Un exemple remarquable est celui des bélugas du Saint-Laurent. Depuis 1885, époque où il y avait environ 5 000 bélugas dans le Saint-Laurent, la population a diminué, pour se situer entre 300 et 700 individus. Comme résultat, le béluga a été inscrit sur la liste des espèces en péril du Comité sur le statut des espèces menacées de disparition au Canada.

La diminution de cette population a été attribuée, en partie, aux niveaux élevés des contaminants contenus dans les tissus adipeux des baleines. Les concentrations de BPC, de DDT et de mirex sont respectivement de 25, 32 et 100 fois plus élevées dans les bélugas mâles du Saint-Laurent que dans les mâles de la population arctique. Ces contaminants proviennent surtout des espèces-proies, particulièrement l’anguille, espèce migratrice qui descend de la région fortement urbanisée des Grands Lacs et du Haut Saint-Laurent. On croit que l’anguille est la seule source de mirex (produit ignifuge et pesticide dont l’utilisation est maintenant interdite) et qu’elle transmet jusqu’à 50 % des autres produits chimiques toxiques trouvés dans les baleines. On estime que ces fortes concentrations de contaminants sont responsables de la réduction du taux de réussite de la reproduction, de l’apparition de maladies rares et de la suppression du système immunitaire dans le béluga (Béland et al., 1993; Béland, 1996).

Changements physiques des eaux réceptrices
Élévation de la température
Étant donné que les formes de vie aquatique ont des plages thermiques et des limites de tolérance propres, une élévation de la température moyenne d’un plan d’eau peut avoir d’importants effets écologiques, dont des changements dans la variété et l’abondance des espèces ainsi que la prolifération algale accrue (Welch, 1992). Les effluents d’eaux usées urbaines peuvent faire monter la température de l’eau parce qu’elle est généralement plus haute que celle des plans d’eau dans lesquels ils sont déversés. Les surfaces urbaines chaudes, telles que les routes et les toits, réchauffent les eaux pluviales quand celles-ci ruissellent sur elles et s’introduisent dans les égouts pluviaux et les égouts unitaires. L’élévation de la température peut aussi se produire dans les installations de régulation des eaux de ruissellement, particulièrement dans les bassins d’eau pluviales où le temps de séjour est prolongé. En fait, des études ont démontré que, durant les mois d’été, la température des effluents de ces bassins peut être plus haute de 10 °C que celle des eaux à l’entrée (Schueler, 1987). Les effluents des usines de traitement des eaux usées peuvent également contribuer à l’élévation de la température. Celle-ci est plus facile à déceler durant les périodes où le débit est faible, particulièrement quand l’effluent est rejeté dans un plan d’eau calme.

Augmentation du débit d’eau
Le débit d’eau est l’un des facteurs physiques les plus importants qui déterminent la structure des habitats aquatiques. Une augmentation ou une variation du débit des eaux de ruissellement et des effluents d’eaux usées urbaines peuvent entraîner des modifications des habitats dans toutes les eaux réceptrices. Toutefois, ce sont les petits ruisseaux urbains qui subissent les effets les plus graves. L’urbanisation augmente le volume des eaux de ruissellement en réduisant l’infiltration des eaux pluviales dans le sol et en diminuant l’évapotranspiration de la végétation. Les réseaux de drainage urbains constituent également des voies plus efficaces pour évacuer les eaux de ruissellement et en accroître ainsi le débit de pointe.

Les effets environnementaux de l’augmentation du débit des eaux usées sont entre autres les inondations et l’érosion des berges, l’érosion du lit des cours d’eau et les affouillements, qui tous dégradent l’habitat (Schueler, 1987; Borchardt et Statzner, 1990). Certains impacts, tels que les inondations et les affouillements, sont instantanés, alors que d’autres, comme les changements dans la structure physique d’un cours d’eau et la perte d’habitat qu’ils entraînent, se produisent à long terme. Les impacts écologiques à plus long terme peuvent être une modification du réseau trophique et des pertes d’espèces vitales. La pêche est l’utilisation bénéfique de l’eau la plus touchée (Lijklema et al., 1993).

Augmentation de la concentration des solides en suspension
Les solides en suspension sont naturellement présents dans les eaux de surface par suite de l’érosion, du transport de matériaux provenant du fond des lacs ou des rivières et de l’apport des affluents. L’érosion causée par l’activité humaine et les effluents en est une autre source. Les effluents d’eaux usées urbaines sont responsables d’un apport continu à long terme de solides en suspension dans l’environnement.

Les solides en suspension rejetés dans les eaux réceptrices, principalement ceux qui proviennent des eaux pluviales ou des TEU, peuvent avoir un certain nombre d’effets environnementaux directs et indirects, dont la réduction de la pénétration de la lumière solaire (et donc de la photosynthèse), l’étouffement des frayères, des dommages physiques aux poissons et les effets toxiques de contaminants fixés aux particules en suspension (Horner et al. 1994). La croissance et la survie de certaines espèces peuvent également être perturbées, soit par des effets directs (p. ex., l’érosion de tissus sensibles), soit par des effets indirects résultant de changements dans le réseau trophique ou de perturbations de la dispersion ou de la migration (p. ex., l’obstruction de zones de passage). Ces effets peuvent se manifester à diverses échelles temporelles. Un fort épisode unique de pluie ou de ruissellement peut avoir de grands impacts immédiats, mais ce sont les effets à long terme qui sont généralement les plus importants.

Débris flottants
Nos cours d’eau, lacs et océans contiennent des quantités étonnantes de débris de sources humaines. Les débris produits sur le sol comprennent les sacs de plastique, les contenants de restauration rapide, les canettes d’eau gazeuse, les sacs de croustilles et de bonbons en plastique, les gobelets à café, les mégots, les tampons hygiéniques, les condoms et les porte-canettes en plastique. Ces débris sont généralement éliminés par filtration quand ils arrivent à une usine de traitement.

Les mammifères marins et les oiseaux de mer sont particulièrement exposés aux dangers que présentent ces matières. Les sacs de plastique flottant à la surface de l’eau ressemblent aux méduses consommées par de nombreuses espèces de poissons, de dauphins et de tortues, chez qui ils peuvent causer l’obstruction du tube digestif ou un empoisonnement par les sous-produits toxiques résultant de la digestion de certains plastiques; les animaux peuvent également mourir d’inanition parce qu’ils ont l’impression d’être rassasiés. Les animaux sauvages qui restent emprisonnés dans les débris de plastique risquent l’inanition, l’épuisement, l’infection de leurs plaies et la noyade.

Même s’il semblerait que les océans aient une capacité infinie pour disperser et absorber ces matières, les courants ont tendance à les concentrer dans les zones de convergence des courants. L’une de ces zones est le nord de la mer des Sargasses, dans l’Atlantique, qui est l’aire de fraye de nombreuses espèces de poissons. Il est difficile de déterminer la quantité de débris présente dans une région océanique donnée mais, selon les estimations d’une étude, 8 tonnes de débris, dont environ 92 % est du plastique, s’accumulent chaque année sur les rives de l’île de Sable, au large de la Nouvelle-Écosse. Sur la côte Ouest, Pêches et Océans Canada a estimé qu’il flotte entre 100 000 et 500 000 morceaux de débris sur les eaux côtières de la Colombie-Britannique.

Bien que les UTEUU filtrent les matières solides dans les eaux d’égout brutes, les effluents d’eaux usées urbaines restent une source importante de débris dans l’environnement. Les eaux pluviales et les TEU en sont les principaux contributeurs; toutefois, dans nombre de régions côtières du Canada, la pratique encore répandue de rejeter les eaux d’égout brutes directement dans les océans est une source importante et constante de débris flottants.

Impacts sur la santé humaine et impacts socioéconomiques

Au Canada, le coût des problèmes de santé liés à la pollution de l’eau est estimé à environ 300 millions de dollars par année (Santé Canada, 1997). Les Canadiens peuvent être exposés de diverses façons aux substances chimiques et aux pathogènes présents dans l’eau. Ils peuvent ingérer de petites quantités de polluants dans l’eau qu’ils consomment, absorber des contaminants à travers la peau quand ils se baignent ou se lavent, ou inhaler des gouttelettes ou des vapeurs en suspension dans l’air en prenant une douche. Ils peuvent également ingérer des aliments (poisson, mollusques, crustacés, etc.) qui sont contaminés par des polluants d’origine hydrique (Santé Canada, 1997). En plus des ces impacts sur la santé humaine, la pollution des effluents d’eaux usées peut réduire les avantages sociaux et économiques résultant de l’utilisation de l’eau. Ces impacts sont entre autres des fermetures périodiques de plages urbaines, des fermetures d’exploitations de pêche commerciale pour cause de contamination du poisson, des mollusques et des crustacés, et la diminution de l’attrait esthétique (avec perte de recettes touristiques).

Contamination de l’eau potable et maladies d’origine hydrique
Les maladies d’origine hydrique causées par des bactéries, virus et protozoaires sont au Canada les dangers sanitaires les plus courants associés à l’eau utilisée pour la consommation et les loisirs Santé Canada, 1997). Les déchets des humains et des animaux sont les principales sources de ces contaminants microbiens. La plupart des municipalités traitent et désinfectent l’eau utilisée pour la consommation; c’est pourquoi les éclosions généralisées d’infections d’origine hydrique sont rares. Au Canada, des incidents isolés de contamination microbienne de l’eau potable par des TEU, des eaux pluviales ou des eaux d’égout traitées inadéquatement ont néanmoins été signalés (encadré 5). Ils sont généralement attribuables au mauvais fonctionnement des installations de traitement de l’eau ou à l’inexistence d’installations, ainsi qu’à l’habitude de disposer d’eau brute de bonne qualité.

Encadré 5. Contamination microbienne de l’eau potable au Canada par les trop-pleins d’égout unitaire, les eaux pluviales et les effluents traités inadéquatement d’usines de traitement d’eaux usées urbaines


La plupart des éclosions de maladies d’origine hydrique signalées au Canada sont dues aux protozoaires Giardia et Cryptosporidium. Les protozoaires peuvent survivre durant de longues périodes dans le milieu aquatique sous la forme de spores ou d’oocystes et sont généralement plus résistants à la chloration que les bactéries ou les virus pathogènes.

Giardia cause la lambliase, qui est une maladie gastro-intestinale de longue durée. La contamination fécale due à des mammifères sauvages et domestiques a souvent été en cause dans l’éclosion de la lambliase d’origine hydrique. Bien que la maladie puisse être transmise par les animaux au Canada, la plupart des éclosions d’origine hydrique ont été attribuées à la contamination par les eaux d’égout (Santé Canada, 1998). En 1988 et 1989, cinq éclosions de lambliase dues à l’eau potable contaminée, qui ont fait 18 victimes, ont été signalées au Canada. Depuis, d’autres sont survenues. La contamination par les eaux d’égout a été la cause de celles de Temagami (Ontario) en 1994 et de Dauphin (Manitoba) en 1996. Trente cas de lambliase ont été confirmés dans ce dernier incident (Gouvernement du Manitoba, 1997). La possibilité d’éclosions de lambliase est plus grande dans les régions septentrionales, car les eaux froides et les glaces sont des milieux présentant des conditions idéales pour la prolifération des parasites (Yukon Department of Renewable Resources et Environnement Canada, 1996).

Cryptosporidium est encore plus résistant à la chloration que Giardia. En 1996, une éclosion de cryptosporidiose, maladie intestinale semblable à la lambliase, a été signalée à Kelowna (Colombie-Britannique) et 15 000 personnes environ ont été atteintes. De fortes pluies et la fonte printanière peuvent en avoir été les facteurs. Il a également été suggéré que des conditions de vent inhabituelles ont inversé l’écoulement normal dans le lac Okanagan et repoussé vers la prise d’eau municipale les eaux d’égout rejetées. La cryptosporidiose peut être mortelle pour les personnes dont le système immunitaire est affaibli, telles que les personnes atteintes du sida.

Santé Canada a indiqué que l’incidence exacte des maladies d’origine hydrique est probablement beaucoup plus élevée que l’incidence mesurée, car la majorité des cas ne se traduisent que par des symptômes légers, semblables à ceux de la grippe, qui ne nécessitent pas de traitement médical (Santé Canada, 1997).

Paradoxalement, un autre risque potentiel des effluents d’eaux usées urbaines pour la santé humaine est lié à l’utilisation du chlore comme désinfectant dans le traitement des eaux usées et de l’eau potable. La chloration pour désinfecter l’eau potable a commencé vers 1916 au Canada et a virtuellement éliminé la typhoïde, le choléra et d’autres maladies d’origine hydrique; elle a été une des grandes réalisations de la politique de santé publique au Canada au cours du XXe siècle. Malheureusement, le grand pouvoir oxydant du chlore fait qu’il réagit avec les matières organiques naturelles de l’eau brute pour donner des centaines de composés organiques chlorés que l’on appelle sous-produits de la chloration. Leur présence a été signalée pour la première fois dans l’eau potable en 1974. Les plus courants d’entre eux sont les trihalométhanes (THM), qui forment un groupe de produits chimiques incluant le chloroforme, le bromodichlorométhane, le chlorodibromométhane et le bromoforme. Les Canadiens peuvent être exposés aux THM par la consommation d’eau chlorée ou de boissons préparées avec de l’eau chlorée, en inhalant des THM en suspension dans l’air provenant de l’eau du robinet, ou en absorbant des THM directement à travers la peau, particulièrement en prenant une douche (Santé Canada, 1997). Bien que quelques sous-produits de la chloration seulement aient été testés jusqu’ici, il semblerait que ces substances peuvent présenter un risque de cancer important (le cancer de la vessie particulièrement) pour les humains (Wigle, 1998).

En plus des risques pour la santé associés à l’eau contaminée, les collectivités peuvent devoir composer avec des problèmes de goût et d’odeur causés par de grandes accumulations d’algues. Une filtration additionnelle peut régler la situation, mais entraîne des dépenses supplémentaires pour les municipalités (Anderson et Quartermaine, 1998). La ville de Toronto, par exemple, a récemment dépensé 6 millions de dollars pour installer des filtres à charbon granulé à ses quatre usines de filtration afin de régler des problèmes d’odeur liés aux algues.

Dégradation de l’eau et utilisations récréatives de l’eau
Les zones récréatives proches des rives peuvent être facilement contaminées par des bactéries et d’autres pathogènes présents dans les TEU, les eaux pluviales et les eaux d’égout insuffisamment traitées. Le contact avec des eaux contaminées par des microbes peut causer des troubles gastrointestinaux et des infections mineures de la peau, des yeux, des oreilles, du nez et de la gorge.

E. coli et/ou les coliformes fécaux sont généralement utilisés comme indicateurs de contamination par les pathogènes qui causent des maladies telles que l’hépatite B, l’entérite, le choléra et la fièvre typhoïde (encadré 6). La directive fédérale actuelle sur la qualité de l’eau utilisée pour les loisirs indique qu’entre 1 et 2 % des utilisateurs de cette eau risquent de contracter une maladie gastrointestinale à une concentration en E. coli (ou coliformes fécaux) de 200 par 100 millilitres (Santé et Bien-être social Canada, 1992). Beaucoup des provinces et territoires ont toutefois leurs propres directives sur la qualité de l’eau utilisée pour les loisirs.

Image de plage

(Crédit : Vincent Mercier, Bureau des indicateurs et de l’évaluation)

Encadré 6. Les coliformes fécaux : Des indicateurs de la qualité de l’eau


Les coliformes fécaux comprennent plusieurs espèces de bactéries qui vivent normalement dans les intestins des humains et des animaux. Étant donné qu’ils sont évacués des intestins avec les selles, ils se retrouvent finalement dans les eaux d’égout et le ruissellement urbain. Certains d’entre eux, comme certaines souches de E. coli, peuvent être pathogènes, c’est-à-dire qu’ils peuvent causer des maladies (Santé Canada, 1997). D’autres bactéries, virus et protozoaires pathogènes provenant d’individus infectés peuvent également être transmis dans les plans d’eau par les rejets d’eaux usées. Heureusement, les types les plus perfectionnés de traitement des eaux usées, particulièrement ceux qui ont recours à la désinfection (p. ex., par l’irradiation ultraviolette ou la chloration), sont efficaces pour réduire les pathogènes dans l’effluent final.

L’identification et la numération sur une base régulière de la totalité des virus, des bactéries et des protozoaires pathogènes présents dans les eaux usées nécessiteraient beaucoup de temps, de travail et d’argent (Droste, 1997). Cependant, quand des coliformes fécaux sont présents dans l’eau, on peut supposer que d’autres pathogènes issus de l’appareil digestif des humains et des animaux le sont également. C’est ainsi que les autorités municipales et provinciales/territoriales mesurent les niveaux de coliformes fécaux afin d’évaluer le degré de contamination de l’eau par les pathogènes fécaux. Les coliformes fécaux sont particulièrement utiles à cette fin parce qu’ils sont généralement nombreux dans les eaux usées, qu’ils peuvent être facilement identifiés et comptés et que leur présence a été corrélée avec celle d’autres pathogènes (Geldreich, 1978; Droste, 1997).

Au Canada, la numération des coliformes est utilisée pour déterminer si les plages peuvent être ouvertes aux loisirs, si l’eau est potable et si les frayères de mollusques et de crustacés peuvent être ouvertes pour la récolte. Bien que le total des coliformes fécaux ait historiquement été l’indicateur le plus couramment utilisé, d’autres indicateurs bactériens, tels que la numération de E. coli et de streptocoques fécaux, sont maintenant utilisés plus fréquemment au Canada.

Les plages sont fermées par les autorités locales quand les niveaux de contaminants dépassent les seuils fixés par les directives, et elles le restent parfois plusieurs jours, jusqu’à ce que les contaminants soient revenus à des niveaux plus sécuritaires. Il est difficile d’obtenir des données exhaustives sur les fermetures de plages à l’échelle nationale en raison des différences entre les méthodes de collecte de données d’une municipalité à l’autre. On en a toutefois certaines. Par exemple, entre 1986 et 1994, 44 % des plages ontariennes des Grands Lacs, la plupart situées sur les rives du lac Ontario, ont fait l’objet d’avis de fermeture à un moment ou l’autre (Edsall et Charlton, 1997). Durant la saison de baignade de l’an 2000 au Manitoba, 46 plages ont été surveillées, et le seuil spécifié pour les loisirs a été dépassé au moins une fois à cinq d’entre elles (11 %). Les fermetures de plages au Canada surviennent surtout après de fortes pluies.

La surabondance d’algues peut également nuire aux utilisations récréatives et réduire l’esthétique du littoral. Les proliférations d’algues peuvent accroître la turbidité et changer la couleur de l’eau, en plus de causer des odeurs désagréables, l’encrassement des engins de pêche et la formation d’écume le long du littoral. Aux endroits où l’espèce nuisible Cladophora s’est implantée, de longs filaments qui se détachent à la fin de l’été et durant les orages peuvent s’accumuler le long du littoral jusqu’à une épaisseur d’un mètre ou plus. Ces accumulations découragent la baignade et leur décomposition ultérieure produit des quantités nuisibles d’ammoniac qui peuvent rendre les propriétés voisines inutilisables et en faire baisser la valeur marchande. Les proliférations de végétaux peuvent également causer des problèmes aux plaisanciers.

Certaines espèces d’algues, les cyanobactéries, qui produisent des toxines puissantes pouvant endommager le foie ou le système nerveux, constituent une menace plus sérieuse. Leurs toxines ont également été mises en cause dans l’empoisonnement d’animaux en Alberta, en Saskatchewan, au Manitoba et en Ontario. Bien que l’aspect et l’odeur repoussants de l’eau dissuadent les gens d’en boire, des expositions accidentelles peuvent se produire au cours d’activités récréatives comme la baignade, le canot et la voile.

Parmi les autres problèmes dus aux eaux usées qui nuisent aux utilisations récréatives figurent les débris flottants, qui réduisent l’attrait esthétique du rivage et le rendent moins attrayant pour les touristes (encadré 7), ainsi que les perturbations résultant des augmentations de débit, des solides en suspension, de la DBO et de l’élévation de température, qui peuvent réduire l’abondance et la variété des poissons dans une région et, par conséquent, son potentiel pour la pêche sportive. En Nouvelle-Écosse, par exemple, le nombre des poissons pris par les pêcheurs à la ligne a baissé de près de 1,7 million, c’est-à-dire de 45 %, entre 1990 et 1995, d’après le « Survey of Recreational Fishing ». Il s’en est suivi une baisse de 5,5 millions de dollars des dépenses en hébergement et restauration, en transport et en services pour la pêche récréative durant ces années. Ces diminutions étaient dues en partie aux effluents d’eaux usées urbaines non traités (Wilson, 2000a).

Encadré 7. Le tourisme et les eaux d’égout non traitées


Le Norwegian Sky, le deuxième navire de croisière au monde par la taille avec 76 000 tonnes, a visité récemment St. John’s (Terre-Neuve) et a contribué pour plus de 200 000 $ à l’économie locale. Le port est maintenant accessible aux grands navires grâce à l’élargissement de l’entrée du port. L’attrait de St. John’s comme destination touristique est toutefois quelque peu compromis par le rejet de 120 millions de litres d’eaux d’égout brutes et d’eaux pluviales par jour dans le port par les municipalités voisines. Une grande partie de ces rejets se déposent sur le fond. Quand les déchets organiques sont décomposés par les bactéries anaérobies, il s’accumule du sulfure d’hydrogène, gaz d’odeur très forte. Quand les hélices des gros navires soulèvent les sédiments et libèrent le gaz, son odeur peut carrément rendre certaines personnes malades.

Les organisateurs d’excursions en bateau signalent également que les touristes n’aiment pas voir des déchets (condoms, serviettes hygiéniques, tampons, papier de toilette et autres matières jetées dans les toilettes) flotter, aussi bien dans le port de St. John’s qu’au cours d’excursions le long de la côte. Il ne fait pas de doute que la pollution par les eaux d’égout des collectivités côtières du Canada a un impact négatif considérable sur l’industrie touristique.

Contamination des frayères de mollusques et de crustacés
Les côtes maritimes du Canada font vivre une industrie coquillière dont la valeur totale au débarquement a dépassé 1 milliard de dollars en 1997 (Statistique Canada, 2000). Malheureusement, cette industrie pourrait ne pas atteindre son plein potentiel parce que de vastes zones au large des côtes de l’Atlantique et du Pacifique sont fermées aux récoltes par suite d’une contamination par les eaux d’égout ou de la présence de niveaux dangereux de toxines et de pathogènes provenant de sources naturelles et humaines. Les crustacés sont constitués d’espèces telles que le homard et le crabe, et les mollusques, qui sont des mollusques bivalves, d’espèces telles que les palourdes, les moules et les huîtres. C’est la consommation des mollusques bivalves qui est la plus grande menace à la santé humaine. Étant donné que ces mollusques filtrent de grands volumes d’eau pour en extraire les particules de nourriture en suspension, les bactéries et les virus nuisibles ainsi que les substances toxiques en présence dans l’eau peuvent se concentrer dans leurs organismes à des niveaux beaucoup plus élevés que ceux des eaux ambiantes.

Les effluents d’eaux usées urbaines et le ruissellement urbain contribuent à la pollution nuisible aux mollusques et aux crustacés de trois façons : la pollution chimique, la pollution bactériologique et la pollution par les biotoxines naturelles présentes dans des algues toxiques. La plupart des fermetures de frayères de mollusques et de crustacés au Canada sont imputables à la pollution bactériologique; les biotoxines naturelles viennent en second lieu pour le nombre de fermetures. Seulement quelques exploitations de mollusques et de crustacés ont été fermées principalement pour cause de contamination chimique. Dans ces cas, les dioxines et les furannes, les pesticides, et le mercure et d’autres métaux étaient les principaux contaminants.

La contamination bactériologique est ordinairement associée au rejet d’effluents de ruissellement urbain ou d’eaux d’égout urbaines qui n’ont pas été désinfectés. Les mollusques et les crustacés qui vivent dans les zones exposées à ces rejets peuvent être contaminés par des bactéries fécales et leur consommation peut entraîner des maladies telles que la gastro-entérite, la salmonellose, la fièvre typhoïde, le choléra et l’hépatite (Menon, 1988; Nelson, 1994; Nantel, 1996).

La contamination par les biotoxines naturelles se produit, dans l’eau douce et dans l’eau salée, quand les nutriments des rejets d’eaux d’égout, par exemple, stimulent la croissance d’espèces toxiques d’algues microscopiques. Les toxines produites par ces algues peuvent atteindre des concentrations indésirables quand celles-ci prolifèrent et forment de grandes masses. Ces toxines deviennent de plus en plus concentrées dans la chaîne alimentaire à mesure que les algues sont consommées par les crustacés et mollusques et les autres organismes marins. Bien que les mollusques et crustacés ne soient que marginalement perturbés par les toxines, une seule palourde peut en accumuler une quantité suffisante pour causer la mort d’un adulte (Anderson, 1994). Au Canada, trois formes d’empoisonnement grave résultant de la contamination par les algues ont été signalées : l’intoxication par la phycotoxine paralysante (PSP), l’intoxication par la phycotoxine amnestique (ASP) et l’intoxication par la phycotoxine diarrhéique (DSP) (Santé Canada, 1997).

L’intoxication par la PSP est due aux toxines produites par le dinoflagellé Alexandrium fundyense. Ces toxines peuvent se trouver dans le homard, les palourdes, les huîtres et les moules. Bien que les cas en soient rares au Canada, quelques-uns par année seulement, l’intoxication par la PSP reste un problème dans trois régions du pays : l’estuaire du Saint-Laurent, le tronçon inférieur de la baie de Fundy et toute la côte de la Colombie-Britannique (Santé Canada, 1997).

L’intoxication par l’ASP est causée par l’acide domoïque, une toxine produite par des algues microscopiques appelées diatomées, qui peuvent former de grandes proliférations. Dans la seule éclosion confirmée d’ASP au monde, qui s’est produite en novembre et décembre 1987, plus de 100 Canadiens ont été malades et 3 personnes sont mortes après avoir consommé des moules contaminées de l’Île-du-Prince-Édouard.

L’intoxication par la DSP est due à des toxines produites par le dinoflagellé Dinophysis. Ces toxines se trouvent parfois dans les palourdes et les moules. En 1990, la première éclosion de DSP signalée en Amérique du Nord s’est produite en Nouvelle-Écosse quand 13 personnes ont consommé des moules contaminées. Depuis, il y a eu un autre cas confirmé d’intoxication par la DSP, mais le nombre réel de cas est probablement beaucoup plus élevé, car les symptômes peuvent facilement être confondus avec ceux de la grippe intestinale (Santé Canada, 1997).

En réponse aux préoccupations soulevées par la contamination des mollusques et des crustacés par les algues et d’autres sources, le gouvernement du Canada a élaboré le Programme canadien de contrôle de la salubrité des mollusques et le Programme canadien de salubrité des coquillières. Les principaux objectifs de ces programmes sont de faire en sorte que les frayères de palourdes, de moules, d’huîtres, de pétoncles et d’autres mollusques bivalves soient conformes aux critères fédéraux sur la qualité de l’eau, que les sources de pollution y soient identifiées et que tous les mollusques vendus commercialement soient récoltés, transportés et traités selon des modalités approuvées. On examine maintenant systématiquement les mollusques pour y détecter les toxines provenant du phytoplancton qui pourraient être une grave menace pour la santé.

La fermeture des lieux de récolte a sérieusement limité le potentiel économique de toutes les grandes pêcheries de mollusques du Canada. Sur la côte de la Colombie-Britannique, par exemple, il y a eu 246 fermetures pour cause de contamination par des pathogènes aux termes de la Loi sur les pêches en date de juillet 1999, sur une superficie d’environ 1 050 kilomètres carrés. Les sources de pollution multiples étaient responsables du plus grand nombre de fermetures, suivies par les exutoires d’égout, le drainage des terres agricoles et de l’arrière-pays, les rejets d’eaux usées de navires, le ruissellement urbain (incluant les eaux d’infiltration des fosses septiques) et la pollution par les usines de pâtes (Environnement Canada, 1999d). La portion du littoral de la Colombie- Britannique qui a été fermée à la récolte des mollusques s’est étendue substantiellement depuis qu’Environnement Canada a commencé à évaluer systématiquement la qualité de l’eau pour la consommation de mollusques au début des années 1970. Toutefois, une partie seulement de cette expansion peut être attribuée à une plus grande surveillance.

Au Québec, parmi les 196 zones coquillières évaluées en 1999, 114 (58 %) ont été fermées de façon permanente et 21 autres (11 %) du 1er juin au 30 septembre (Environnement Canada, 1999e). Les habitations privées, les usines de traitement d’eaux usées urbaines et le ruissellement des terres agricoles étaient responsables des 114 fermetures permanentes. Les égouts urbains étaient également directement responsables de la fermeture de 34 des 190 zones de récolte de myes et de moules bleues du Québec (Nantel, 1995).

Sur la côte atlantique (à l’exclusion du Québec), près de 36 %, ou 2 092 kilomètres carrés, des zones jugées appropriées à la récolte directe des mollusques ont été fermées en 1995 (Statistique Canada, 2000). En 1999, la superficie des zones fermées était pratiquement la même, soit 2 065 kilomètres carrés (Menon, 2000). Les pertes pour l’économie locale ont été évaluées à 10–12 millions de dollars environ.

Le risque de récolter des mollusques provenant d’eaux polluées augmente avec la proximité des zones fortement urbanisées ou agricoles. Les conditions de pollution sont souvent aggravées par les pluies, qui font que le ruissellement contaminé par les eaux d’égout ou les trop-pleins des installations de traitement des eaux d’égout atteignent les parcs à mollusques. Les zones voisines des villes, des villages et d’autres habitations restent souvent fermées toute l’année.

Contamination des ressources halieutiques
On sait que plusieurs substances toxiques s’accumulent dans le poisson, et les autorités provinciales et territoriales publient régulièrement des avis sur les limites de consommation sécuritaires de la consommation d’espèces prises dans certaines zones. La plupart de ces avis sont liés à cinq contaminants ou groupes de contaminants : le mercure, les BPC, le mirex/photomirex, le toxaphène (un pesticide) et les dioxines (OMOE, 1999). Bien que ces contaminants proviennent d’une grande variété de sources, ils ont tous été détectés dans les effluents d’eaux usées urbaines.

On s’inquiète également des effets des toxines algales sur l’aquaculture du poisson. Comme le poisson en cage ne peut éviter les zones de prolifération des algues, il pourrait y avoir des mortalités massives dues à l’ingestion directe de toxines, à la désoxygénation de l’eau ambiante ou à l’obstruction des branchies des poissons. Les proliférations de phytoplancton sont déjà une menace pour l’aquaculture de la baie de Fundy (Percy, 1996), une industrie de 100 millions de dollars, et la température de l’eau et les populations de phytoplancton sont maintenant surveillées régulièrement afin d’éviter les problèmes.

Il peut également y avoir des mortalités massives chez les poissons sauvages quand les toxines des proliférations d’algues sont introduites dans la chaîne alimentaire. On sait, par exemple, que les anchois des eaux de la Colombie-Britannique ont subi les effets nocifs de l’acide domoïque. Des centaines de tonnes de harengs ont également été empoisonnés sur la côte de l’Atlantique en 1976 et 1979 par des PSP qui s’étaient accumulées dans la chaîne alimentaire.

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(Crédit : DC Corel, photo no 185033)

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Mise à jour le : 2005-04-11 Avis importants