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Système de soins de santé

Prendre en main sa santé : l'apport des infirmières et des médecins

Chapitre 1
L'autogestion en matière de santé :  quelques données bibliographiques

La littérature spécialisée en sciences de la santé constitue la première source où nous avons puisé des données sur l'autogestion en matière de santé et sur la façon dont les professionnels peuvent y contribuer. Bien que cette revue bibliographique ne soit pas exhaustive, plusieurs publications de premier plan sont présentées ici. Pour commencer, nous décrivons le contexte historique où s'insère notre intérêt actuel pour l'autogestion et nous esquissons une perspective d'avenir. Nous passons ensuite en revue plusieurs définitions et descriptions de l'autogestion et des concepts qui s'y rattachent. Suivent les présentations de plusieurs publications concernant l'impact de l'autogestion et l'appui des médecins et des infirmières à l'autogestion. Nous décrivons aussi certaines stratégies pouvant faciliter cet appui. En fin de chapitre, nous examinons brièvement plusieurs théories, modèles et cadres d'action en soulignant comment ils affectent l'appui à l'autogestion.

Historique et vision d'avenir

Le concept d'auto-soin n'est pas nouveau. Depuis les temps les plus reculés, les soins de santé sont, pour l'essentiel, prodigués par la personne qui se soigne elle-même et par sa famille. L'intérêt contemporain pour l'autogestion en matière de santé a ses racines dans les mouvements sociaux des années 60, comme le mouvement féministe, où l'on prônait l'autonomie, l'auto-détermination et l'indépendance dans tous les domaines, santé et maladie comprises. Le livre Notre corps, nous-mêmes (The Boston Women's Health Book Collective, 1977) d'abord publié en anglais en 1971 sous le titre Our Bodies, Ourselves, fut le premier d'une longue liste d'outils mis au point pendant cette période pour aider les femmes à se réapproprier leur santé et à acquérir de nouvelles compétences dans ce domaine. Au cours des années 70, grâce aux mouvements pour le mieux-être et pour l'entraide, un public plus vaste se familiarisait avec la notion d'autogestion de la santé (Kickbush, 1989). Les publications de cette époque soulignent que chacun « doit devenir un consommateur de soins plus sûr de lui-même » et qu'il y a « de multiples façons de recouvrer la santé, y compris lorsqu'on suit un traitement médical » (Kickbush, 1989, p. 125).

Diverses interprétations ont été proposées pour expliquer l'intérêt croissant que suscite l'autogestion depuis le début des années 90. Mentionnons, entre autres, la transition actuelle d'un contexte où les soins aigus dominaient à un autre où la prévalence des soins chroniques est de plus en plus marquée; de « curative » qu'elle était, la philosophie des soins devient plus « caritative » (en anglais, from cure to care). D'autres interprétations ont été proposées : une méfiance croissante par rapport à une technologie envahissante et à une dépersonnalisation des soins, un public de mieux en mieux informé et désireux de jouer un rôle de plus en plus grand dans la gestion de sa santé et dans ses transactions avec les professionnels, et le besoin d'enrayer l'escalade des coûts reliés à la santé ( Dean, 1981 ; Padula, 1992 ). On sait maintenant que toute stratégie visant à améliorer la santé des Canadiens doit tenir compte d'un grand nombre de déterminants. Prendre en main sa santé exige en particulier que l'on ait de saines habitudes de vie et que l'on sache s'adapter -- deux facteurs reconnus comme des déterminants importants en matière de santé (Comité consultatif fédéral-provincial-territorial sur la santé de la population, 1994).

L'initiative personnelle est un des trois mécanismes de promotion de la santé proposés dans un cadre de référence visant à réaliser la santé pour tous les Canadiens (Santé et Bien-être social Canada, 1986). Ce document, intitulé La santé pour tous : plan d'ensemble pour la promotion de la santé, reprend la définition proposée par l'Organisation mondiale de la santé selon laquelle la promotion de la santé est « le processus qui permet aux personnes de mieux contrôler leur santé et de l'améliorer » (p. 6). Trois défis majeurs y sont précisés : réduire les inégalités, accroître la prévention et favoriser la capacité de chacun de gérer la maladie chronique ou d'autres problèmes de santé. Les mécanismes proposés pour relever ces défis sont, outre l'initiative personnelle déjà mentionnée, l'entraide et la création d'un environnement sain. Dans ce contexte, l'initiative personnelle désigne « les décisions et les mesures que les individus prennent dans l'intérêt de leur propre santé » (p. 7). (N.d.T. Self-care, l'autogestion en matière de santé, est traduit par initiative personnelle dans le document cité.

D'autres publications détaillent le rôle de l'autogestion dans une approche de promotion de la santé. Selon le modèle de promotion de la santé centré sur la personne ( Romeder et al., 1990 ), tout individu confronté à un problème de santé dispose de cinq ressources fondamentales pour se rétablir et se garder en santé, soit, respectivement : soi-même, les autres, les professionnels, l'information et l'environnement. L'autonomie en matière de santé (ou auto-soin) met en œuvre la première de ces ressources, soi-même, ce qui veut dire que l'on prend en main sa santé et que l'on agit de manière autonome. Agir de manière autonome consiste à prendre soi-même ses décisions, ce qui n'exclut pas que l'on consulte des professionnels et des non-professionnels.

Dans l'optique du modèle et du cadre de référence décrits ci-dessus, on peut placer les principales sources de soins de santé à trois sommets d'une pyramide des soins tel qu'illustré à la figure 1 . Les soins autonomes (auto-soins) sont placés à la partie supérieure de la figure pour symboliser qu'ils sont le premier niveau de soins accessible lorsqu'on est confronté à un problème de santé. Les soins prodigués par la famille et les aidants bénévoles se situent à un des sommets de la base, tout comme ceux prodigués par les professionnels et les institutions. L'importance de l'environnement (physique, social et économique) pour tous les niveaux de soins est symbolisée par le cercle où s'inscrit la pyramide. La pyramide des soins symbolise aussi l'appui important que la famille, les amis, les bénévoles, les professionnels et les institutions peuvent offrir à ceux qui pratiquent l'autogestion.

Dans un contexte où les soins de santé sont en pleine évolution, Ferguson (1995) émet l'idée intéressante que l'on assiste à une transition entre ce qu'il appelle « la médecine de l'ère industrielle » et « les soins de l'ère de l'information ». Comme le montre la figure 2 , la carte des soins de santé de l'ère industrielle est en train de devenir rapidement désuète avec sa répartition en trois secteurs, primaire, secondaire et tertiaire; l'autogestion est à toutes fins pratiques hors-carte, ce qui peut s'interpréter par le fait qu'elle n'est pas mise en valeur par la médecine de l'ère industrielle qui l'ignore même souvent. Sur la carte correspondant à l'ère de l'information qui remplace peu à peu la précédente, on voit que les individus, leur famille, et même les professionnels, sont beaucoup mieux informés et ont de meilleures connaissances dans le domaine des soins grâce aux multiples systèmes d'information qui deviennent accessibles au public. Cette vision de l'avenir des soins de santé n'est pas sans rapport avec la pyramide des soins de la figure 1 . Elle repose sur un modèle en six étapes dont la première est l'autogestion. Si les soins autonomes sont insuffisants, la personne concernée peut recourir successivement à la famille et aux amis, aux groupes et aux réseaux d'entraide, et aux professionnels de la santé dans des rôles successifs d'appui, de partenariat et finalement d'autorité. Selon Ferguson (1992, p. 11), « l'ère de l'information a légitimé l'auto-soin et démontré son importance ».

Définition et description de l'autogestion en matière de santé

Les opinions divergent dans la littérature spécialisée quant à la définition de l'autogestion en matière de santé et la portée de ce concept ( Padula, 1992 ). Levin la définit comme « le fait pour un non-professionnel de garder l'initiative sur tout ce qui concerne l'amélioration de sa santé, la prévention, le diagnostic des maladies et leur traitement de première ligne » (Levin, Katz et Holst, 1976, p. 11). Selon Levin, l'autogestion n'implique généralement aucune assistance professionnelle. Il reconnaît toutefois que la personne qui s'auto-gère bénéficie « d'un transfert d'information sous forme de connaissances et de compétences techniques provenant d'un réservoir d'expérience professionnelle et non professionnelle » (Levin et Idler, 1983, p. 181). Selon d'autres auteurs comme Hickey, Dean et Holstein (1986), au lieu d'en être indépendante, l'autogestion inclut une interaction avec le système de soins professionnels.

Vickery et Iverson (1994) font une distinction entre auto-soin médical (agir pour régler un problème de santé) et auto-soin sanitaire (agir pour maintenir sa santé ou l'améliorer). Selon leur perspective, c'est l'individu concerné qui prend l'essentiel des décisions aussi bien dans l'auto-soin médical que sanitaire, car il est le seul à pouvoir vraiment apprécier les bénéfices et les risques des actes considérés.

Barofsky (1978) établit quatre catégories d'auto-soin suivant la fonction qui y est assumée : la régulation des fonctions physiologiques, la prévention des maladies, le soulagement des symptômes et l'atténuation de la maladie. Segall et Goldstein (1989, p. 154) proposent quatre types d'auto-soin basés sur les quatre fonctions de Barofsky :

  1. l'auto-soin régulateur (activités courantes visant au maintien de la santé comme l'alimentation, le sommeil et l'hygiène personnelle);
  2. l'auto-soin préventif (adoption et pratique d'une discipline comme l'exercice physique, un régime alimentaire et l'auto-surveillance);
  3. l'auto-soin réactif (réponse personnelle à un symptôme avant qu'il ne soit diagnostiqué par un médecin);
  4. l'auto-soin restaurateur (observance d'un traitement prescrit par un professionnel et modification du comportement).

Cette catégorisation peut faciliter la discussion concernant l'autogestion, mais elle soulève un problème intéressant à propos de la définition même de l'auto-soin (Segall & Goldstein, 1989). Si les trois premières catégories relèvent de l'initiative personnelle, la quatrième concerne l'observance d'un traitement dont l'initiative revient à un professionnel. Selon Segall et Goldstein, les concepts d'autogestion et d'observance de directives sont assez inconciliables. Ils proposent donc, pour clarifier ces diverses conceptions de l'auto-soin, que l'on distingue, comme Dean l'avait fait avant eux, un auto-soin primaire et un auto-soin secondaire. Dea n (1986) avait en effet désigné comme auto-soin primaire l'ensemble des initiatives fondées sur les connaissances et l'expérience personnelle, et comme auto-soin secondaire les mesures qui font suite à des consultations privées ou professionnelles. L'élément clé, selon Segall et Goldstein, est que les soins restent autogérés par la personne qui les reçoit ou tout au moins restent sous son contrôle, qu'ils soient ou non prodigués directement par elle.

Presque tous les éléments de la discussion ci-dessus sont condensés par Dean (1986, p. 62) dans la définition suivante de l'auto-soin :
L'auto-soin couvre toutes les activités par lesquelles une personne cherche à améliorer son état de santé, à prévenir la maladie, à interpréter ses symptômes et à retrouver la santé. Ces activités sont menées par des non-professionnels qui agissent en leur propre nom, soit de manière isolée, soit avec la participation de professionnels. L'auto-soin inclut la décision de ne rien faire, l'action autonome visant à améliorer sa santé ou à traiter une maladie, et la décision de consulter dans des milieux non professionnels, professionnels ou alternatifs. L'auto-soin inclut aussi l'évaluation des mesures découlant de ces conseils et la prise de décision finale.

Bien que diverses définitions et descriptions de l'auto-soin aient été publiées, on ne trouve dans la littérature qu'une seule théorie de l'auto-soin. L'infirmière théoricienne Dorothea Orem a mis au point une théorie de l'auto-soin entre 1958 et 1965 dans le cadre de sa Théorie du déficit d'auto-soin en sciences infirmières (Self-Care Deficit Theory of Nursing), qui sert de référence à de nombreux projets de recherche, à des programmes de formation et à l'organisation de départements de sciences infirmières dans certains hôpitaux et centres de soins communautaires partout au Canada. Orem définit l'auto-soin comme « une activité ciblée apprise (learned goal-oriented activity). C'est un comportement que les individus mettent en œuvre dans des situations concrètes, qui produit un effet sur eux-mêmes ou sur leur environnement et qui a pour but (cible) de réguler dans un sens favorable à la vie, à la santé ou au bien-être, certains facteurs qui influent sur leur développement et leur fonctionnement. » (Orem, 1991, p. 64).

Orem reconnaît trois groupes de facteurs régulateurs ou préalables pour qu'il y ait auto-soin : les préalables universels (air, alimentation, eau, etc.), les préalables reliés au développement personnel (ceux qui mettent en jeu des facteurs affectant et facilitant le développement humain) et les besoins causés par des déséquilibres de la santé (facteurs reliés à l'état de santé de la personne et aux soins qu'elle reçoit) (Easton, 1993; Orem, 1991). La présente étude porte surtout sur cette dernière catégorie de facteurs régulateurs -- ceux qui concernent les déséquilibres de la santé. La théorie de Orem suppose entre autres que (1) chacun a le potentiel de développer des compétences et de maintenir une motivation pour autogérer sa santé et prendre soin des membres de sa famille dont il peut avoir la responsabilité, et (2) c'est à travers la culture et les coutumes que l'on apprend à satisfaire aux préalables de l'autogestion (Easton, 1993; Orem, 1991).

Gantz (1990, p. 2) signale que plusieurs domaines reliés aux soins de santé, entre autres la médecine et les sciences infirmières, s'accordent pour reconnaître que l'auto-soin :

  • est fonction du contexte et de la culture;
  • implique la capacité d'agir et de faire des choix;
  • dépend des connaissances, des compétences, des valeurs, de la motivation, du champ de contrôle et de l'assurance de chacun;
  • s'applique aux aspects de la santé sur lesquels l'individu a le contrôle (par opposition aux politiques sociales et à la législation en vigueur).

Cette étude préliminaire met l'accent sur un cas particulier d'auto-soin, celui où un problème de santé est déclaré et où l'autogestion bénéficie de l'appui de professionnels de la santé. Pour les fins de cette étude, autogérer sa santé (s'auto-soigner) signifie prendre soi-même des décisions et poser des gestes concrets pour faire face à ses problèmes de santé et améliorer son état.

Concepts apparentés

Jusqu'ici la discussion n'a porté que sur le concept d'autogestion. Certains autres concepts peuvent toutefois en faciliter la compréhension. Nous décrivons brièvement ci-dessous les notions d'usager actif, de réappropriation de pouvoir, d'assurance de réussite ( self-efficacy ) et d'entraide.

Ferguson (1992) décrit trois catégories d'usagers du système de santé : les patients passifs, les usagers ouverts et ceux qui ont en main leur santé et la gèrent de façon responsable. Il montre aussi que le pourcentage d'usagers appartenant à la troisième catégorie s'est accru depuis les années 70. Pour ce type de personnes, le médecin est un consultant avec lequel elles entreprennent « un processus de négociation clinique conjointe » (Ferguson, 1992, p. 11). Bien qu'un accord sur la décision à prendre soit le résultat souhaitable d'une telle coopération, l'usager actif garde le contrôle des décisions et des actions concernant sa santé.

Dans un contexte de promotion de la santé où celle-ci est considérée comme une ressource de vie quotidienne, l'autogestion est perçue comme une source de renforcement du pouvoir individuel ( empowerment ). En acquérant de nouvelles aptitudes d'autogestion, on est mieux en mesure de contribuer activement à générer sa propre santé et les conditions qui l'influencent (Kickbush, 1989). Wilson (sous presse) se penche sur la réappropriation du pouvoir du patient dans le domaine de la santé mentale. Selon elle, savoir reconnaître et accepter les contraintes inhérentes à tout problème de santé et apprendre à fonctionner sur la base de telles contraintes sont des éléments qui permettent à la personne concernée de sentir qu'elle a tout le potentiel requis et qu'elle a sa santé en main.

L'assurance de réussite (N.d.T. Self-efficacy , l'assurance de réussite, parfois traduit par auto-efficience ou par sentiment d'efficacité personnelle , est la confiance que l'on a de pouvoir faire face à un problème spécifique) peut, selon certains auteurs, jouer un rôle encore plus important dans l'auto-soin médical que l'information et les compétences ( Vickery et Iverson, 1994 ). Ainsi, certaines études ont permis de constater que l'état de santé des participants à un cours d'autogestion de l'arthrite modifié pour développer chez eux l'assurance de réussite, s'améliorait plus rapidement que celui des participants du cours original ( Lorig et Gonzalez, 1992 ). Une étude récente (Mendes de Leon et al., 1996) portant sur des personnes âgées et autonomes a mis en évidence une corrélation entre un haut niveau d'assurance de réussite et la diminution des pertes de fonctions d'auto-soin chez ceux des plus anciens dont les facultés physiques étaient réduites. Par conséquent, les plans d'intervention auprès des personnes âgées susceptibles de perdre certaines fonctions pourraient inclure des méthodes leur permettant d'acquérir une meilleure assurance de réussite face à des tâches de plus en plus difficiles.

Finalement, autogestion et entraide sont des concepts apparentés constituant l'un et l'autre des mécanismes puissants de promotion de la santé (N.d.T. Ce commentaire est fondé sur l'ambiguïté du terme self-help qui désigne en anglais tantôt une activité d'auto-soin en général, tantôt une activité spécifique d'auto-soin : l'entraide). Si l'autogestion peut se pratiquer seul ou en famille, l'entraide implique généralement une activité plus formelle en groupe. Le concept [anglais] de self-help est ambigu puisqu'il désigne une autogestion tantôt autonome (sans appui extérieur), tantôt fondée sur l'apport des autres comme c'est le cas dans les groupes d'entraide ( Romeder et al., 1990 ). Il a été démontré que les groupes d'entraide renforcent le pouvoir de la personne, notamment en lui permettant d'acquérir de l'information et des compétences pour gérer son problème ( Stewart et al., 1995a ).

L'impact de l'autogestion

Les travaux de recherche sur des pratiques spécifiques d'autogestion et sur leur impact sont relativement rares en dépit de la prévalence et de l'ancienneté de telles pratiques (Haug, Wylke et Namazi, 1989; Kemper, Lorig et Mettler, 1993 ; Padula, 1992 ). Étant donné qu'une analyse détaillée de chaque étude dépasserait le cadre de ce projet, nous avons choisi, pour illustrer le type de travaux publiés sur l'évaluation de l'autogestion, de présenter un article où les auteurs passent en revue la littérature sur l'efficacité des initiatives d'auto-soin médical ( Kemper, Lorig et Mettler, 1993 ). Presque tous les travaux résumés par ces auteurs ont trait à des enquêtes internationales sur les pratiques d'autogestion et datent des années 80.

Kemper et ses collègues en arrivent à la conclusion que (1) l'auto-soin est une pratique courante, (2) les pratiques d'auto-soin sont souvent bénéfiques et rarement nocives, et (3) l'auto-soin semble être un comportement universel. Ils tirent les mêmes conclusions après avoir examiné 15 études d'intervention au niveau de l'autogestion de tout un éventail de problèmes de santé ou de symptômes mineurs et spécifiques. Parmi ces interventions, figuraient des programmes systématiques d'éducation à l'autogestion mettant en œuvre diverses méthodes comme des fascicules, des protocoles, des diaporamas et des affiches. L'objectif principal de ces programmes était de permettre aux participants de ne recourir aux soins médicaux que si leurs symptômes le justifiaient et d'adopter des pratiques d'auto-soin adéquates. En règle générale, ces expériences se sont soldées par une diminution du recours aux soins professionnels et ont montré que l'auto-soin est une pratique sécuritaire.

De l'avis des auteurs, il faut toutefois interpréter ces études quantitatives avec précaution, car la recherche sur l'autogestion souffre des faiblesses suivantes : les données ne sont pas toujours représentatives, elles comportent une bonne part d'auto-évaluation subjective, et on manque de cadres de référence théorique susceptibles d'orienter ceux qui enseignent l'autogestion et en font la promotion. D'autres auteurs sont d'avis qu'il est impossible de déterminer si les programmes d'autogestion ont ou non un impact sur les comportements ou sur l'état de santé ( Perreault et Malo, 1989 ). Il est donc souhaitable que de nouvelles études soient entreprises sur l'impact de l'autogestion sur le comportement, l'état de santé et la qualité de vie. Perreault et Malo (1989) ont aussi souligné la nécessité d'une approche multidisciplinaire pour étudier qualitativement l'autogestion.

Plusieurs auteurs émettent un point de vue plus général. Certains s'alarment devant la récupération possible de l'autogestion pour réduire les coûts du système de santé en faisant porter une part de responsabilité de plus en plus grande aux individus et à leur famille ( Dean et Kickbush, 1995 ). Selon Anderson (1990, p. 76), on doit prendre en considération les coûts réels pour les individus et pour leur famille et ne pas prendre pour acquis « que chacun doit assumer seul la responsabilité des soins que son état requiert quel qu'en soit l'impact sur sa vie quotidienne ». L'analyse des coûts et des bénéfices doit prendre en considération la qualité de vie individuelle, familiale et sociale ainsi que certains indicateurs économiques ( Padula, 1992 ).

Selon d'autres auteurs, la croyance que chacun contrôle tous les leviers de sa santé peut engendrer une attitude de blâme envers les victimes. Cette attitude est manifeste dans la formule « C'est de ta faute si tu es malade » ( Dean et Kickbush, 1995 ; Vickery et Levinson, 1993). Elle ne tient pas compte de la complexité et de l'interdépendance de tous les facteurs qui contribuent à la santé ou à la maladie. Pour éviter un tel usage déplacé de la notion d'autogestion, il est essentiel de reconnaître que tout en présentant de réels avantages, l'autogestion a aussi ses limites (Vickery et Levinson, 1993).

Le fait qu'en prenant soin d'elle-même, la personne acquiert bon nombre de nouvelles compétences et d'habiletés ne doit pas être utilisé pour « déléguer des tâches que personne d'autre ne veut accomplir ou que la société n'a plus les moyens de financer au tarif professionnel » (Kickbush, 1989, p. 129). L'autogestion est pour la plupart des gens la base des efforts qu'ils font pour essayer d'éviter la maladie et l'infirmité et elle constitue un des principaux vecteurs de bonnes pratiques de santé ( DeFriese et al., 1989 ). Pour conclure, Perreault et Malo (1989) suggèrent que le but de l'autogestion devrait être d'établir un système de soins de santé plus efficace basé sur une meilleure gestion de toutes les composantes en cause et de toutes les compétences disponibles, ainsi que sur la participation dynamique et intégrale de la population.

L'apport des infirmières et des médecins

On comprend de mieux en mieux le rôle d'appui que les professionnels de la santé peuvent jouer par rapport à l'autogestion. Par exemple, en 1978, Barofsky soulignait qu'une des conditions préalables au développement de l'autogestion est la présence de professionnels réceptifs. D'autres ont depuis analysé le point de vue des médecins et des infirmières qui appuient l'autogestion et les stratégies qu'ils mettent en œuvre. La majorité des publications cliniques et des résultats de recherche portent sur les soins infirmiers.

Gantz (1990) a étudié l'autogestion du point de vue de six disciplines différentes. Elle suggère que l'élément central de l'auto-soin médical est le transfert au patient de la responsabilité de quelques aspects des soins -- comme l'évaluation, la surveillance et le traitement. À cet égard, le médecin doit s'assurer de la capacité du patient à se substituer à lui dans la pratique, par exemple dans la surveillance des symptômes. Dans cette optique, le patient est invité à faire part de ses principales observations au médecin afin d'améliorer le diagnostic et les décisions thérapeutiques. Gantz fait remarquer que « l'accent est mis sur la nécessité pour le patient d'adapter ou de modifier son comportement pour faire face à la maladie et non sur la modification du traitement pour tenir compte des réalités du patient » (p. 3). Dans un modèle médical, l'autogestion vise, entre autres, « la mise en pratique adéquate d'aptitudes à s'évaluer et à se traiter soi-même, la réduction du nombre de consultations injustifiées et l'augmentation de la participation active (et, par conséquent, de l'observance) » (p. 3).

Contribuer à l'autogestion, pour une infirmière, consiste à mettre l'accent sur la reconnaissance et l'évaluation des besoins et des capacités du client à s'auto-soigner, à intervenir pour répondre aux besoins ainsi déterminés, et à évaluer l'efficacité de cette intervention ( Gantz, 1990 ). Du point de vue des sciences infirmières, le but de l'autogestion est d'améliorer l'état de santé du client ainsi que sa capacité d'adaptation et de fonctionnement. On y parvient par une collaboration entre les membres de l'équipe soignante et les clients, leur famille, et les réseaux de soutien.

On reconnaît depuis longtemps, en pratique infirmière, l'importance d'appuyer l'autogestion. Henderson (1966, p. 15), ne reconnaît qu'un seul rôle pour l'infirmière :

aider le client, malade ou en santé, à faire ce qu'il ferait tout seul pour se maintenir en santé ou se rétablir (ou mourir en paix) s'il avait la force, la volonté ou le savoir requis, et de le faire de façon à accélérer son retour à l'autonomie.

Henderson considère que le client est l'expert principal : son expertise ne porte pas sur la maladie, mais sur la vie « en dépit de la maladie ». Le but de l'intervention infirmière est donc d'aider les clients à vivre en dépit de leur maladie (Blanchet, 1996).

Steiger et Lipson (1985) dans une étude de la théorie et de la pratique de l'intervention infirmière en matière d'autogestion, montrent qu'en général les gens sont plus ouverts à des initiatives de santé comme une alimentation équilibrée et la gestion du stress qu'à se prendre en main quand ils sont malades. C'est, par contre, souvent pendant la phase aiguë d'une maladie qu'il est le plus productif d'enseigner des comportements et des techniques d'autogestion. Les infirmières peuvent aider leurs clients à acquérir trois catégories de comportements d'autogestion durant une maladie : la prévention, la détection et la gestion.

Les modèles conceptuels dont s'inspire la pratique infirmière ont des implications importantes sur l'appui à l'autogestion. Ainsi, la Théorie des soins infirmiers de Orem (Orem's Self-Care Deficit Theory of Nursing ou Théorie du déficit d'auto-soin) a été mise au point pour fournir un cadre théorique aux infirmières qui s'interrogent sur la nature de leur profession et sur les rapports entre infirmières et médecins. Orem (1991) définit trois rôles principaux pour les infirmières :

  • compenser l'incapacité du patient à se soigner lui-même en le faisant pour lui;
  • collaborer avec le patient pour que ses besoins de santé soient satisfaits;
  • aider le patient disposé à s'auto-soigner et lui montrer comment le faire dans un contexte de maladie, de blessure ou d'intervention médicale.

La présente étude met surtout l'accent sur ce dernier rôle en présentant des approches mises au point par des infirmières et des médecins pour remplir cette fonction d'éducation et de soutien de patients capables de prendre soin d'eux-mêmes.

Stratégies d'appui à l'autogestion

Les stratégies mises en œuvre par les infirmières et les médecins pour aider leurs clients à mieux s'autogérer comprennent divers types d'intervention comme l'éducation (transmission d'un savoir et de compétences) et le conseil (counseling) visant à influencer certains facteurs comme l'image de soi, l'assurance de réussite face à certains objectifs (self-efficacy) et la motivation (Edwards et al., 1995). Des stratégies visant des concepts apparentés, comme le renforcement du potentiel de la personne (empowerment) et son aiguillage vers certains programmes ou certains groupes, font aussi l'objet de publications.

L'éducation en matière d'autogestion fonctionne sur le principe de base que la personne qui apprend n'est pas un malade, et les objectifs de cette éducation s'inspirent directement des objectifs individuels de cette personne. De plus, « le contenu en est déterminé par l'usager, on y tient compte de ses méthodes favorites d'apprentissage, et l'évaluation est faite selon les critères qu'il propose » (Levin, 1978, p. 171). Les professionnels de la santé qui enseignent l'autogestion doivent en particulier cultiver chez leurs patients un sentiment de compétence, les encourager à acquérir des compétences nouvelles en tenant compte de leur motivation et créer un environnement mutuellement enrichissant (Levin et Idler, 1983).

Outre l'éducation, d'autres stratégies de soutien à l'autogestion ont été proposées. En étudiant les facteurs pouvant influencer l'autogestion chez des personnes âgées autonomes, Smits et Kee (1992) ont mis en évidence une corrélation positive significative entre image de soi et autogestion. Selon leurs données, des interventions au niveau de l'image de soi chez les aînés peuvent les amener à mieux s'autogérer et, inversement, leur participation à des activités d'autogestion peut améliorer l'image qu'elles ont d'elles-mêmes. Ces mêmes auteurs recommandent, entre autres, de renforcer les comportements sains en mentionnant clairement qu'on les a remarqués et en félicitant leur auteur, en n'insistant pas sur les tâches qu'un patient ne peut accomplir, en s'assurant que les personnes âgées possèdent bien les connaissances et habiletés requises pour mener à bien telle ou telle tâche d'auto-soin et en les encourageant à accomplir les tâches quotidiennes leur permettant de fonctionner à un niveau d'autonomie raisonnable.

Certaines stratégies ont été proposées pour améliorer l'assurance de réussite chez les patients ( Lorig et Gonzalez, 1992 ; Taal et al., 1993). Ayant étudié des personnes souffrant d'arthrite rhumatoïde, Taal et ses collègues concluent qu'une éducation visant à renforcer l'assurance des patients de pouvoir s'adapter à leur état peut les aider à mieux autogérer leur invalidité et la douleur en général ainsi qu'à mieux suivre les recommandations qui leur sont faites concernant leur santé. S'inspirant des travaux de Bandura (1986), ils proposent comme méthodes efficaces de renforcement de l'assurance de réussite des exercices dirigés portant sur de nouvelles habiletés, l'élaboration de buts à court terme, la reconnaissance des progrès accomplis et l'émulation de modèles (patients ayant réussi à gérer un problème de santé et qui servent de modèles aux autres).

Dans une étude comparative et descriptive, Page et Ricard (1995) examinent l'importance donnée par des patientes traitées pour dépression aux divers facteurs considérés comme nécessaires pour s'autogérer. Par rapport à un groupe témoin de femmes non traitées pour dépression, ces patientes donnaient une importance plus grande à des facteurs comme la capacité de s'affirmer, le contrôle des états d'âme et l'estime de soi. Ces femmes affirmaient aussi avoir besoin d'aide pour développer de l'estime de soi, contrôler leur humeur et leur dépression en général. Cependant, elles trouvaient que les infirmières ne les aidaient généralement pas à répondre à ces besoins. Dans une autre publication, Page (1995) décrit un programme éducatif visant à aider des femmes traitées pour dépression à mieux se prendre en main. Ce programme utilise des modalités d'assistance tirées du modèle de soins infirmiers de Orem, soit : orienter, soutenir psychologiquement, offrir un environnement propice au développement et transmettre un enseignement.

Parmi les autres stratégies suggérées pour promouvoir l'autogestion, mentionnons encore la négociation en vue d'aider clients et professionnels à partager leur pouvoir (Roberts et Krouse, 1990) et la prise en considération de l'impact de la maladie chronique sur le patient pour évaluer s'il est prêt à s'autogérer ( Baker et Stern, 1993 ). D'autres auteurs recommandent de passer du temps avec le patient, de lui assurer une continuité dans la livraison des soins (McWilliam et al., 1996) et de tenir compte de la façon dont il prend ses décisions (Utz, 1990). Ce même auteur souligne l'importance d'établir un climat de confiance et un mode de relation propice à la coopération. Green (1987) propose un questionnaire et une série d'interventions destinées aux médecins qui veulent aider leurs patients à mieux s'autogérer et à mener une vie plus saine.

D'autres stratégies pouvant avoir des implications sur l'autogestion nous viennent de publications consacrées au renforcement du potentiel des patients (empowerment). Laffrey (1995) observe que les professionnels de la santé ne peuvent pas donner de pouvoir à leurs clients et que seuls ceux-ci peuvent se réapproprier un pouvoir qui leur appartient. Le professionnel peut seulement éliminer les obstacles et faciliter cette réappropriation de pouvoir. En étudiant le renforcement du potentiel des personnes, Lord et Farlow (1990) mettent en évidence l'importance pour les personnes qui se sentent impuissantes de trouver quelqu'un qui sait les écouter. Le professionnel doit aussi mettre l'accent sur le potentiel du client et l'aider à se prévaloir du soutien de sa famille, de réseaux sociaux et de la communauté en général. Il est reconnu que les professionnels qui savent appuyer leurs patients savent les écouter, les traitent d'égal à égal, leur servent de guide et sont des personnes de coeur.

Un article de Bohart et Tallman (1996) sur un modèle thérapeutique peut également servir aux professionnels qui appuient l'autogestion. Ces deux auteurs se penchent sur le concept de « client actif » et suggèrent que le thérapeute peut offrir trois choses à ce type de clients. Un client actif est quelqu'un qui « essaie de résoudre les dilemmes auxquels il fait face dans la vie » (p.16). Le thérapeute peut lui offrir un espace et un temps de travail, des techniques et des outils, et une présence interactive (en partageant ses réactions en tant qu'être humain et en étant ouvert à une collaboration fertile).

Finalement, on peut aussi appuyer l'autogestion en recommandant certains outils à ses clients et en les référant à certains programmes ou à certains groupes (Ferguson, 1992, 1995; Levin, 1978). Comme l'affirment Vickery et Iverson (1994, p. 386), certains programmes « peuvent aider la personne à devenir un consommateur averti capable de participer activement aux décisions qui concernent sa santé ». Le chapitre 4 de ce rapport décrit un vaste éventail de programmes et d'outils et montre comment ils sont utilisés par des médecins et des infirmières qui appuient l'autogestion.

En dépit de toutes ces stratégies, certains auteurs font remarquer qu'il est sans doute difficile pour les professionnels de la santé, quelle que soit leur spécialité, de ne pas succomber à leur tendance à priver leurs clients de la responsabilité qui leur revient de prendre leurs propres décisions, car nombreux sont ceux parmi ces professionnels à qui leur formation a inculqué la conviction que pour aider on doit contrôler ( Vickery et Iverson, 1994 ). Plusieurs publications, comme celles présentées dans ce chapitre, sont susceptibles d'aider infirmières et médecins à acquérir ou à développer de nouvelles stratégies d'appui à l'autogestion. Certains auteurs ont cependant établi comme priorités de recherche dans le domaine de l'auto-soin, l'étude plus approfondie d'approches de soutien à l'autogestion et une recherche sur les barrières entre les non-professionnels et les professionnels ( Dean et Kickbush, 1995 ; Kemper, Lorig et Mettler, 1993 ). La présente étude est le fruit d'une volonté marquée d'apprendre, par le biais de cas réels, comment les médecins et les infirmières aident leurs clients à prendre leur santé en main et à s'auto-soigner.

Théories, modèles et cadres de référence

Un grand nombre de théories, modèles et cadres de référence ont été élaborés et mis en pratique dans des domaines comme l'éducation en matière de santé, la modification du comportement et la pratique clinique. La plupart de ceux dont les points saillants sont résumés ci-dessous ont été rassemblés durant la sélection des programmes et outils présentés au chapitre 4. Ils sont décrits ici, car ils ont des implications sur la pratique des infirmières et des médecins qui appuient l'autogestion et sur les individus et les groupes qui élaborent des outils et des programmes d'aide à l'autogestion et en font la promotion. Cette information d'arrière-plan peut être utile au lecteur qui cherchera à identifier les comportements favorables à l'autogestion dans les récits des médecins et des infirmières ( chapitre 2 ) et à celui qui voudra identifier les éléments favorables à l'autogestion dans les descriptions de programmes et d'outils ( chapitre 4 et annexe B ).

Trois théories tirées de la littérature des sciences sociales nous ont semblé particulièrement à propos.

La théorie de l'apprentissage social (Social Learning Theory) élaborée par Bandura (1977, 1986) voit dans le comportement le produit de déterminants personnels et environnementaux. Parmi les implications de cette théorie sur notre étude, mentionnons (Hyndman et al., 1993) :

  1. la nécessité d'agir au niveau de l'environnement de la personne chez qui on veut encourager des comportements sains (par exemple, fournir un service de garde facilite la participation des mères à faible revenu à des programmes d'autogestion);
  2. la nécessité de modifier les croyances personnelles lorsqu'elles ne sont pas fondées;
  3. la nécessité de fournir un apprentissage et de développer des compétences visant de nouveaux comportements et la résolution de problèmes;
  4. l'importance de l'émulation de modèles et des récompenses;
  5. l'importance de l'assurance de réussite ( self-efficacy ) pour les modifications du comportement;
  6. la nécessité de procéder par étapes modestes lorsqu'un nouveau comportement est proposé afin de permettre à l'apprenti de développer de la confiance en soi.

Les théories du faire-face et du soutien social (Coping and Social Support theories) élaborées par différents auteurs s'appliquent particulièrement bien lorsqu'il s'agit d'aider ceux qui ont des ennuis de santé à s'auto-soigner. Parmi leurs implications, mentionnons en particulier :

  1. la nécessité de situer l'adaptation dans un contexte social (les stratégies d'adaptation peuvent influencer l'autogestion et le soutien reçu des autres);
  2. le fait que la disponibilité d'un soutien social peut modifier l'impact du stress aigu ou chronique sur la santé (Bloom, 1990);
  3. le fait que les membres d'un réseau peuvent offrir des conseils et de l'encouragement et que les modèles (personnes exemplaires) peuvent aider à éviter des comportements inadéquats (Stewart, 1993);
  4. le fait que le soutien social peut favoriser la réappropriation de pouvoir, l'estime de soi et l'assurance de réussite.

La théorie « transthéorique » ou théorie du changement par phases (Transtheoretical or Stages of Change Theory) (Prochaska et DiClemente, 1982, 1985) suggère que :

  1. les phases de changement sont similaires, qu'on ait affaire à un problème de dépendance (assuétude), de détresse psychique ou de mauvaise alimentation;
  2. il est essentiel que patients et professionnels comprennent les phases de modification du comportement;
  3. les interventions et stratégies dont disposent ceux qui sont dans un processus de changement doivent être adaptées à la phase où ils se trouvent (par exemple, il est inutile de fournir à un fumeur une information détaillée sur les moyens de s'adapter quand il aura cessé de fumer s'il n'a pas encore pris conscience de l'impact de son comportement sur sa santé);
  4. les interventions devraient offrir plusieurs options dont l'entraide, des stratégies individuelles et de groupe, et des actions au niveau de l'environnement et des politiques;
  5. les programmes et les outils grâce auxquels patients et professionnels peuvent évaluer leur degré de préparation au changement les aideront aussi à choisir l'approche utile au fil du temps.

Plusieurs cadres de référence spécifiques à certains types de pratique et à certaines disciplines sont également tout à fait à propos ici.

Le cadre de référence de promotion de la santé et de réappropriation de pouvoir (The Health Promotion and Empowerment Framework) (Labonte, 1993) suggère que :

  1. le professionnel doit apprendre à partager le pouvoir et encourager son client à utiliser le sien;
  2. les professionnels, programmes et outils devraient
    • respecter l'autonomie des personnes et être sensibles à leur culture d'origine,
    • tenir compte du contexte psychologique et environnemental entourant les préoccupations ou les problèmes de la personne,
    • développer et renforcer la capacité de chacun d'agir à la fois au niveau des symptômes et des racines de son problème.

La médecine centrée sur le patient (Patient-Centered Medicine) (Stewart et al., 1995b) suggère que les médecins doivent :

  1. examiner à la fois la maladie et le vécu de la personne par rapport à la maladie;
  2. comprendre la personne dans sa totalité et dans le contexte de son environnement personnel et physique;
  3. trouver un terrain d'entente concernant la gestion (par exemple, concernant les objectifs de traitement et les rôles spécifiques de docteur et de patient);
  4. incorporer à leur pratique la promotion de la santé et la prévention;
  5. renforcer la relation patient-docteur (y compris le partage de pouvoir et de contrôle);
  6. être réalistes (au niveau des échéances et des ressources).

Plusieurs cadres de référence théoriques en sciences infirmières ont de profondes implications sur l'appui à l'autogestion, c'est le cas de la Théorie du déficit d'auto-soin de Orem (Orem's Self-Care Deficit Theory of Nursing) mentionnée plus haut. Le modèle des soins infirmiers de McGill (Gottlieb et Rowat, 1987) résumé ci-dessous en est un autre exemple.

Selon ce modèle, la santé constitue la composante centrale et l'objet de la profession d'infirmière. La santé inclut des mécanismes importants comme le faire-face ( coping ) et le développement, et est considérée comme un phénomène appris. La famille constitue le principal terrain d'apprentissage où l'individu apprend à apprécier la santé. Le rôle de l'infirmière est de :

  1. faire participer activement le client à un processus d'apprentissage visant à maintenir, à renforcer et à développer sa santé;
  2. fixer des objectifs de concert avec le client et, en s'appuyant sur les points forts et les ressources de ce dernier, de mettre en place les moyens de les atteindre;
  3. créer un environnement favorable à un apprentissage qui engage la participation de la personne.

Finalement, selon un programme de planification intitulé le PROCÉDÉ/PROCEED Model (Green et Kreuter, 1991) :

  1. tous les éléments tirés des principaux modèles et théories doivent être unifiés en un modèle général de planification et d'évaluation des programmes d'autogestion;
  2. ceux qui conçoivent et appliquent des programmes et des outils d'autogestion doivent tenir compte des facteurs qui prédisposent, facilitent et renforcent les comportements souhaités afin de maximiser leurs chances de succès.

Après ce rapide examen de la littérature consacrée au concept d'autogestion en matière de santé, à l'apport des infirmières et des médecins dans ce domaine, et aux quelques cadres de référence théoriques associés, la parole est maintenant à des infirmières et des médecins qui expliquent comment ils appuient l'autogestion.

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Mise à jour : 2004-10-01 Haut de la page