Jump to Left NavigationJump to Content Commissariat à la protection de la vie privée du Canada / Office of the Privacy Commissioner of Canada Gouvernement du Canada
EnglishContactez-nousAideRechercheSite du Canada
AccueilQuoi de neufÀ propos de nousFAQsCarte du site
Mandat et mission
Législation
Trousse pour le grand public
Trousse pour les entreprises
Activité parlementaire
Centre des médias
Discours
Activités à venir
Blogue
Conclusions de la commissaire
Évaluation des facteurs relatifs à la vie privée
Rapports et Publications
Centre des ressources
Questions-clés
Fiches d'information
Jeu-questionnaire sur la protection de la vie privée
Divulgation proactive

Centre des médias

Trouver le bon équilibre en ce qui concerne la protection de la vie privée en milieu de travail

Atelier de l’Université Ryerson concernant la protection de la vie privée en milieu de travail

Le 30 novembre 2006
Toronto, Ontario

Allocution prononcée par Jennifer Stoddart
Commissaire à la protection de la vie privée du Canada

(LE TEXTE PRONONCÉ FAIT FOI)


Introduction

Merci beaucoup de m’avoir invitée à vous adresser la parole aujourd’hui.

D’abord, je tiens à féliciter les auteurs du rapport intitulé « Dans la mire? », Avner Levin, Mary Foster, Mary Jo Nicholson et Tony Hernandez pour l’important document qu’ils ont produit.

Leur recherche s’avère une contribution majeure au débat en cours sur l’équilibre entre les préoccupations opérationnelles des employeurs et le droit à la vie privée des employés. L’une des idées maîtresses de ce rapport est que les employeurs doivent s’intéresser davantage à la protection de la vie privée en milieu de travail et aux répercussions potentielles sur la vie privée des nouvelles techniques de surveillance.

Je suis entièrement d’accord. La société canadienne est toujours aux prises avec les répercussions sur la protection de la vie privée de technologies désormais bien connues comme la surveillance vidéo – sans parler de la prochaine génération d’outils technologiques sophistiqués utilisés pour surveiller les travailleurs.

Je suis heureuse que le Commissariat ait financé cette recherche dans le cadre de son programme des contributions. Les résultats témoignent parfaitement des raisons pour lesquelles ce programme de financement est si important. Le rapport a suscité beaucoup d’intérêt de la part des médias – lesquels ont ainsi grandement sensibilisé les Canadiennes et les Canadiens à la question de la protection de la vie privée en milieu de travail. Dans les journaux, dans les émissions de radio et les entrevues télévisées, tout le monde parlait du rapport – éveillant ainsi les Canadiennes et les Canadiens à la question de la protection de la vie privée en milieu de travail. J’estime qu’il est très utile d’encourager d’autres intervenants, comme les chercheurs qui ont produit ce document, à sensibiliser davantage le grand public aux enjeux touchant la protection de la vie privée.

J’aimerais vous entretenir aujourd’hui de cette recherche d’équilibre relativement à la protection de la vie privée en milieu de travail – et le rôle clé que joue le Commissariat à la protection de la vie privée dans l’évolution constante d’une approche canadienne. Nous estimons que les principes régissant la protection de la vie privée en milieu de travail doivent respecter à la fois la nécessité pour les employeurs de savoir ce que font leurs employés pendant que ceux-ci sont à leur service, ainsi que le droit humain fondamental à la protection de la vie privée.

J’aimerais également m’attarder un bon moment sur les nouveaux enjeux et l’avenir de la protection de la vie privée en milieu de travail. Le milieu de travail de demain pourrait être un endroit angoissant si nous n’arrivons pas à contenir cette surveillance de plus en plus envahissante.

Historique

La surveillance en milieu de travail, bien sûr, n’a rien de nouveau. À l’époque du système féodal, les seigneurs surveillaient leurs cerfs. Aux temps de la révolution industrielle, les contremaîtres avaient les ouvriers – souvent des femmes et des enfants – à l’œil.

Le constructeur automobile Henry Ford a été l’un des patrons les plus notoires de l’histoire lorsqu’il s’agissait de bafouer le droit des travailleurs à la vie privée. Il engageait une équipe d’enquêteurs chargés de se rendre régulièrement chez ses ouvriers pour leur poser des questions au sujet de leur budget, de leur alimentation, de leur mode de vie et de leurs valeurs morales. Henry Ford voulait savoir si ses travailleurs traitaient bien leurs familles, s’ils votaient comme il le fallait, s’ils fréquentaient l’église et s’ils mangeaient des aliments approuvés par Ford, ce qui, apparemment, incluait du soja.

Ce qui est nouveau dans le milieu de travail quant à la protection de la vie privée, ce sont ces technologies de plus en plus envahissantes qui permettent aux patrons de suivre même les plus petits gestes de leurs employés.

Il n’est plus nécessaire de regarder par-dessus l’épaule de quelqu’un pour voir à quel point ses doigts bougent rapidement – un logiciel peut suivre chaque frappe qu’une personne effectue ou chaque objet qu’elle produit. Les patrons méfiants n’ont plus besoin de faire suivre les travailleurs affectés à la livraison – le système mondial de localisation, le GPS, peut transmettre au bureau chaque virage et chaque arrêt que peut faire un camion. Les téléphones cellulaires et les cartes d’identité de haute technologie peuvent également être utilisés pour surveiller les déplacements des travailleurs. Une société américaine a même implanté dans le corps de ses employés des puces d’identification par radiofréquence (IRF).

Imaginez seulement le milieu de travail totalitaire que Henry Ford aurait pu créer avec les technologies d’aujourd’hui.

À la recherche de l’équilibre

Contrairement à ce que Ford semblait croire, les employés ne laissent pas leur droit à la protection de la vie privée au vestiaire de l’usine ou à la porte du bureau. La protection de la vie privée en milieu de travail est une composante importante des droits fondamentaux à l’autonomie des personnes dans notre société. Les gens passent une bonne partie de leur vie au travail.

Or, ce qui se produit au travail – y compris la protection de la vie privée – peut avoir un effet marqué sur le sentiment de dignité, de liberté et d’autonomie des employés. La surveillance continuelle est déshumanisante. Elle n’aide pas à créer un milieu de travail agréable. De plus, je ne serais pas surprise que cela ait des effets négatifs sur la productivité.

Bien sûr, une certaine surveillance en milieu de travail est nécessaire – et acceptable. Les employeurs ont le droit de savoir si leurs employés font le travail pour lequel ils sont rémunérés.

Néanmoins, les employeurs doivent trouver des moyens de repérer les mauvais employés sans saper la dignité et le droit à la protection de la vie privée des bons employés – lesquels constituent la vaste majorité des effectifs.

La protection de la vie privée demeure cependant un facteur dont il faut tenir compte – qu’il soit question des lieux d’une entreprise, des ordinateurs de celle-ci ou de ses véhicules. Il faut tracer une limite quant à la surveillance, et cette limite ne doit pas être dictée par ce que la toute dernière technologie peut avoir à offrir. La possibilité d’exercer une extrême surveillance auprès des employés ne signifie pas qu’on doive le faire.

Comment le Commissariat établit un équilibre

Le Commissariat à la protection de la vie privée est de plus en plus préoccupé par la dignité humaine dans le contexte de la surveillance. Nous avons informé les employeurs assujettis à nos lois qu’ils ne peuvent pas aveuglément installer des caméras vidéo qui soient dirigées vers leurs employés simplement pour savoir ce que chaque personne fait – ce que j’appelle de la gestion par caméra vidéo. À cet égard, nous sommes conformes à l’approche adoptée sur le continent européen.

Dans d’autres domaines, cependant, je constate que le Canada est en train d’adopter une approche qui s’inspire davantage du style américain. Les entreprises peuvent vérifier ce que nous faisons sur Internet – à condition de nous en informer – parce que nous surfons sur le Net pendant les heures de travail grâce à l’équipement et à l’énergie fournis par l’entreprise.

Je crois qu’il existe une différence qualitative entre la surveillance vidéo et le GPS installé dans un véhicule. L’information recueillie par une caméra vidéo est beaucoup plus intime. Lorsqu’une caméra vidéo est dirigée vers vous, vous ne pouvez même pas vous arrêter pour vous gratter le nez sans que cette information soit recueillie. Le GPS ne peut pas aller jusque-là.

Je ne pense pas non plus qu’il faille avoir une réaction négative à l’égard de chaque nouvelle technologie qui recueille des renseignements personnels. Nous avons constaté qu’un système d’identification téléphonique impliquant la biométrie – l’empreinte vocale – était acceptable dans ce contexte. Dans des conclusions rendues publiques aujourd’hui, nous avons approuvé, sous réserve de certaines conditions, l’utilisation que peut faire une entreprise de GPS dans son parc de véhicules.

Cela dit, les employeurs ne peuvent bafouer les droits en affichant simplement un écriteau à la porte de leur entreprise disant: « La vie privée n’est pas respectée ici. »

La LPRPDÉ et la protection de la vie privée en milieu de travail

La loi canadienne qui régit la protection de la vie privée dans le secteur privé, soit la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques, ou la LPRPDÉ, protège les renseignements personnels des employés qui travaillent pour des entreprises sous réglementation fédérale. Cela comprend les télécommunications, la radiodiffusion, le transport interprovincial, l’aviation, les services bancaires, l’énergie nucléaire, la navigation maritime et l’expédition.

Les employeurs qui œuvrent dans ces secteurs doivent respecter tout un ensemble de principes largement acceptés en matière de protection de la vie privée. Essentiellement, ces principes requièrent l’adoption des mesures suivantes :

Les organisations doivent – sauf dans quelques circonstances bien définies – obtenir le consentement de l’employé avant de recueillir, d’utiliser ou de transmettre des renseignements personnels qui le concernent.

Les organisations ne peuvent utiliser ou transmettre les renseignements personnels de l’employé qu’à des fins pour lesquelles un consentement a été donné au moment où l’information a été recueillie.

Même avec le consentement, les organisations doivent limiter la collecte, l’utilisation et la communication de renseignements personnels à des fins qu’une personne raisonnable considérerait comme appropriées dans les circonstances. C’est souvent l’élément clé dont nous tenons compte dans nos enquêtes concernant la surveillance en milieu de travail.

Enfin, la LPRPDÉ donne aux employés le droit de voir les renseignements personnels que détient sur eux leur employeur et de corriger toute inexactitude.

Enquête du Commissariat à la protection de la vie privée en milieu de travail

La LPRPDÉ est pleinement en vigueur depuis près de trois ans. Nous avons fait enquête sur de nombreuses plaintes relatives au milieu de travail. Nombre d’entre elles proviennent de travailleurs qui ont eu de la difficulté à obtenir l’accès à des renseignements personnels les concernant. D’autres plaintes portent sur une surveillance quelconque – qui va de la surveillance audio à l’enregistrement sur vidéo, en passant par des technologies plus avancées comme la biométrie et les systèmes mondiaux de localisation (GPS).

Dans une des plaintes, il s’agissait d’une tentative plutôt maladroite d’enregistrer les conversations d’employés d’une société aérienne dans un fumoir. La gestionnaire avait tenté de coller un magnétophone numérique sous la table, mais apparemment, le ruban adhésif qu’elle avait utilisé n’était pas très solide et la machine est tombée sur le plancher, là où les travailleurs l’ont rapidement trouvée.

La plupart de nos enquêtes relatives à la surveillance en milieu de travail ont trait à l’emploi de caméras vidéo.

Surveillance vidéo

L’une de ces enquêtes impliquait un fournisseur de services Internet qui avait installé des caméras Web pour surveiller ses employés. L’une des principales préoccupations de l’entreprise était que les employés en service pendant la fin de semaine – alors que l’employeur ne voulait pas payer de surveillant la fin de semaine – laissaient le téléphone sonner et prenaient trop de pauses. Nous avons constaté qu’il y avait des moyens moins envahissants à l’égard de la vie privée pour atténuer les inquiétudes de l’entreprise.

Les entreprises qui songent à installer des caméras vidéo ou tout autre dispositif de surveillance sur les lieux de travail devraient tenir compte des quatre questions que le Commissariat pose de façon générale, à savoir :

  • La surveillance est-elle manifestement nécessaire pour répondre à un besoin en particulier?
  • Sera-t-elle efficace pour répondre à ce besoin?
  • Est-ce que la perte de vie privée est proportionnelle au gain qui en résultera?
  • Existe-t-il un moyen moins envahissant à l’égard de la protection de la vie privée pour atteindre le même objectif?

Nouveaux types de surveillance

Les entreprises qui songent à adopter de nouveaux types de technologies de surveillance comme la biométrie doivent également se poser ces questions.

Dans un autre cas, plusieurs employés se sont plaints au Commissariat que leur employeur les obligeait à consentir à la collecte de données biométriques – plus particulièrement leur empreinte vocale – afin d’accéder à un système téléphonique pour saisir des données relatives au travail et signaler les absences. Essentiellement, la voix de la personne sert de mot de passe pour entrer dans le système. Lorsque les employés téléphonent, on leur demande de prononcer une série de chiffres à plusieurs reprises. Le logiciel du système transforme les chiffres énoncés en matrices numériques qui représentent les caractéristiques comportementales et physiques de la voix de chaque personne.

La société en question a déterminé que ce système offrait le niveau le plus élevé de sécurité en ce qui concerne les données sur les clients saisies dans le cadre d’applications commerciales. Il s’agit également d’une méthode très rentable. Les employés craignaient que ces données soient utilisées pour usurper leur identité, chose que nous avons jugée impossible. Nous avons constaté que – dans les circonstances de cette affaire – l’empreinte vocale n’était pas indûment envahissante. L’entreprise estimait à juste titre qu’il est important de préserver les données sur les clients. Il y avait donc un équilibre approprié entre le droit de l’employé à la vie privée et les besoins de l’employeur.

Cette affaire a toutefois été portée à l’attention de la Cour d’appel fédérale afin de préciser un certain nombre de questions, dont les suivantes : 1) comment évaluer le « caractère volontaire » du consentement d’un employé dans un contexte de travail?, 2) peut-on appliquer des sanctions disciplinaires aux employés qui font valoir leurs droits légitimes en vertu de la LPRPDÉ? et 3) la Loi oblige‑t‑elle une entreprise à obtenir le consentement du syndicat avant de recueillir des renseignements personnels des employés?

Nouvelles conclusions sur le GPS

Comme je l’ai mentionné antérieurement, le Commissariat vient de publier aujourd’hui dans son site Web les conclusions d’une enquête lancée après que plusieurs employés d’une société de télécommunications se sont plaints que leur employeur installait un GPS dans les véhicules de travail.

Les employés soutenaient que l’entreprise recueillait de façon inadéquate des renseignements personnels qui les concernaient – particulièrement leurs déplacements quotidiens pendant qu’ils étaient au travail. Ils ont déclaré n’avoir donné aucun consentement à cet égard.

La société a fait remarquer que d’autres entreprises utilisent déjà le GPS. Elle a soutenu que pour demeurer concurrentielle, elle devait installer des GPS dans tous ses véhicules d’installation, de réparation et de construction. Le système permet à l’entreprise de voir et de repérer ses véhicules en temps réel et de produire des rapports à l’aide de données historiques. L’entreprise affirmait vouloir utiliser le GPS pour gérer la productivité de son effectif, assurer sa sécurité et son perfectionnement ainsi que protéger et gérer les biens de la compagnie.

Certains employés craignaient que les renseignements tirés du GPS ne soient utilisés pour surveiller leur rendement au travail et pénaliser des employés. La société a rejeté cette idée voulant que les gestionnaires surveilleraient les employés à l’aide du GPS. Elle a fait remarquer que le GPS n’avise pas automatiquement les gestionnaires si un employé fait un excès de vitesse. Le gestionnaire doit produire un rapport s’il veut obtenir ces renseignements. Cependant, l’entreprise a effectivement reconnu que le GPS pouvait être utilisé pour mener une enquête sur un travailleur ou surveiller un employé s’il existe des doutes quant au travail de ce dernier, ou sur une personne qui ne se présente pas au travail à temps, ou pour des plaintes sur la façon de conduire d’une personne.

Nous avons accepté la plupart des objectifs énoncés par la société pour recueillir et utiliser des renseignements personnels à l’aide du GPS. Nous avons constaté qu’il y avait consentement implicite pour de telles fins.

Ce qui nous préoccupait le plus, c’était l’utilisation du GPS comme outil de surveillance des employés.

Dans le cadre de notre enquête, la société a accepté d’élaborer une politique sur l’utilisation du GPS pour surveiller les employés et leur rendement au travail. Elle a également promis de former ses gestionnaires sur l’utilisation appropriée du GPS.

La politique établie par la suite par l’entreprise décrivait les situations où l’entreprise utilisera les données du GPS pour surveiller les employés. Ces situations incluent une enquête sur une plainte de la part d’un membre du public au sujet d’un excès de vitesse, par exemple, ou une enquête sur des préoccupations soulevées au sein de l’entreprise, ou encore pour régler des problèmes de productivité.

Repérer l’endroit où se trouve un véhicule de l’entreprise est une chose, mais utiliser le GPS pour surveiller tous les déplacements des employés et se servir ensuite de cette information pour échafauder des hypothèses au sujet de leur rendement est manifestement envahissant et contraire à la protection de la vie privée.

En soi, le GPS n’est pas très envahissant pour la protection de la vie privée parce qu’il ne donne qu’une partie des renseignements. Par exemple, si un camion est stationné à l’heure du dîner, le GPS ne dit pas à l’employeur où se trouve l’employé. Il peut à la limite indiquer depuis combien de temps quelqu’un est en train de dîner, mais là encore, ce n’est pas certain.

Ce genre d’imprécision pourrait amener les patrons à tirer les mauvaises conclusions quant à la façon dont un employé fait son travail.

Le camion peut être arrêté pendant une heure et demie parce que l’employé étire son heure de dîner. En revanche, l’employé peut être assis dans le camion stationné, en train de remplir des papiers pour le travail.

Utiliser systématiquement le GPS pour surveiller les employés et tirer des conclusions quant à la façon dont ils font leur travail pourrait être terriblement injuste et, du point de vue de la protection de la vie privée, manifestement, c’est aller beaucoup trop loin. Les employeurs n’ont pas carte blanche pour utiliser le GPS afin de surveiller constamment leurs effectifs.

Nous pourrions accepter un tel usage dans certaines circonstances – lorsque celles-ci ont été précisées au préalable aux employés. Néanmoins, le GPS ne devrait pas être habituellement utilisé pour voir si les employés font leur travail ou non.

Nous sommes satisfaits de la réaction de l’entreprise à l’égard de nos préoccupations et, en bout de ligne, nous considérons les plaintes comme réglées.

Cependant, le GPS et toute autre nouvelle technologie soulèvent des préoccupations plus grandes quant au détournement d’usage. Il y a détournement d’usage lorsqu’une technologie mise en place à une fin est utilisée ultérieurement à d’autres fins pour lesquelles elle n’est pas prévue au départ. En somme, je ne veux pas qu’un GPS installé pour repérer des véhicules soit utilisé comme outil de surveillance systématique des employés.

Technologies d’identification par radiofréquence

Nous n’avons pas encore reçu de plaintes concernant les dispositifs d’identification par radiofréquence (IRF), mais nous travaillons actuellement à l’élaboration d’un document qui permettra d’orienter les employeurs sur l’utilisation de cette technologie.

On commence à peine à voir les dispositifs d’IRF utilisés pour surveiller les employés. IBM, par exemple, est en train de commercialiser l’utilisation d’une étiquette d’identification par radiofréquence qui serait intégrée à des cartes d’identité. Des récepteurs installés sur le lieu de travail peuvent repérer l’endroit exact de l’étiquette – et par conséquent de l’employé – à n’importe quel moment. Les étiquettes peuvent également être attachées à des outils, à de la machinerie et à d’autres articles.

Comme le coût de mise en œuvre de ces systèmes diminuera au cours des prochaines années, les organisations pourraient être de plus en plus tentées de les utiliser pour surveiller la productivité, améliorer la sécurité et réduire les vols. Toutes ces possibilités ajoutent une nouvelle dimension à la surveillance des employés.

Les dispositifs d’IRF sont suffisamment petits pour être implantés sous la peau des personnes et certains soutiennent que de tels implants pourraient être utiles pour certains types d’emplois. Au début de l’année, une entreprise de sécurité de l’Ohio a implanté des puces d’IRF dans deux de ses employés pour leur permettre d’accéder aux installations de l’entreprise. Cela pourrait bien être le début d’une nouvelle tendance plutôt inquiétante.

Examen de la LPRPDÉ

Le Parlement vient d’entreprendre un examen de la LPRPDÉ, un processus qui doit être fait tous les cinq ans selon la loi. Au début de la semaine, j’ai comparu devant un comité parlementaire à ce sujet; ma déclaration et mes observations se trouvent sur notre site Web.

Attitudes des employeurs

J’ai été déçue par les attitudes de certains employeurs dont il est question dans le document Dans la mire? Certains considèrent la protection de la vie privée en milieu de travail comme un privilège accordé aux employés. Personne n’accepte l’idée que les employés ont droit à une certaine protection de la vie privée qui ne peut leur être enlevée. Cela est fortement inquiétant pour un défenseur de la vie privée tel que moi.

Ces employeurs devraient peut-être se poser certaines questions. Aimeriez-vous avoir des caméras dans la salle de toilettes des cadres ? Comment vous sentiriez-vous si une caméra vidéo était dirigée vers votre bureau à longueur de journée?

Il semble que les employeurs considèrent la protection de la vie privée comme une question négligeable et que leurs employés ne s’en préoccupent pas non plus. Ce n’est pas ce que nous croyons.

J’aimerais également répondre à certains commentaires figurant au rapport, lesquels commentaires ont été émis par des employeurs qui estiment que la vie privée est une question de « bon sens » et que, par conséquent, aucune politique à cet effet n’est nécessaire. Le bon sens, manifestement, ne suffit pas.

L’ancienne présidente de Hewlett-Packard, Patricia Dunn, a causé tout un émoi lorsqu’il a été révélé qu’elle avait espionné les propres membres de son conseil d’administration, des employés et des journalistes. Nul doute que Mme Dunn pensait que ce qu’elle faisait relevait « du bon sens » et était tout à fait nécessaire pour son entreprise.

À son époque, Henry Ford croyait probablement que les visites à la résidence de ses travailleurs étaient tout à fait appropriées. Les enquêteurs du Commissariat ont rencontré des employeurs qui estiment avoir le droit inaliénable de surveiller tout ce que fait un employé lorsque celui-ci est au travail.

La tendance actuelle est à l’accroissement de la surveillance, et non le contraire. Le « bon sens » ne nous indique pas où cela doit s’arrêter.

Les enquêtes révèlent également qu’il y a parfois un écart entre ce que les employeurs et les employés croient être une pratique acceptable de protection de la vie privée.

Une enquête effectuée par la Society for Human Resource Management des États-Unis a révélé que 90 % des gestionnaires de ressources humaines pensent que les organisations ont le droit de surveiller l’utilisation de l’ordinateur et du téléphone par les employés, comparativement à quelque 70 % des employés. La grande majorité des spécialistes des RH – près de 90 % – estiment que les organisations ont le droit de surveiller l’utilisation d’Internet comparativement à environ 60 % chez les employés.

Là encore, je reviens à la même question : où cela doit-il s’arrêter?

Que nous réserve l’avenir?

Impossible de répondre clairement à cette question.

Cependant, au minimum, les employeurs doivent informer les employés – très, très clairement – de ce qui sera et ne sera pas surveillé. Des politiques sur la protection de la vie privée doivent être élaborées et les employés doivent en être informés. Il faut que les gens soient tenus au courant. On ne peut supposer que les gens savent comment ils sont – ou ne sont pas – surveillés. Et, j’insiste à nouveau sur ce point, lorsque les entreprises élaborent de telles politiques, elles doivent toujours chercher la façon la moins envahissante à l’égard de la protection de la vie privée afin d’obtenir l’information nécessaire pour mener leurs activités.

Au travail, la protection de la vie privée ne consiste pas seulement à éviter les plaintes, les griefs ou les poursuites judiciaires. Favoriser une culture du travail où l’on discute de protection de la vie privée, où cette dernière est valorisée et respectée, contribue à renforcer le moral et la confiance mutuelle.

J’aimerais bien que le droit à la vie privée de tous les travailleurs au Canada soit protégé par la loi. Malheureusement, des problèmes de compétences fédérales/provinciales font en sorte que cela est impossible en vertu de la LPRPDÉ. J’espère que les provinces qui n’ont pas encore adopté de loi sur la protection de la vie privée en milieu de travail envisageront de le faire.

Faute de lois rigoureuses, j’ai bien peur de ce que l’avenir nous réserve.

Notre proximité et les liens commerciaux étroits que nous entretenons avec les États-Unis – où les employeurs sont heureux d’adopter toutes sortes de nouvelles technologies de surveillance – font en sorte qu’il est inévitable que d’autres enjeux de cette nature feront surface dans un avenir rapproché.

Nous devons faire preuve d’une vigilance constante. La protection de la vie privée s’effrite petit à petit. Je crains qu’un jour les employeurs disent aux employés : vous avez un travail, mais pas de vie privée.

En tant que gardienne de la protection de la vie privée au Canada, je vais continuer de m’opposer à ce que les employeurs astreignent de plus en plus leurs employés à diverses formes de surveillance et de suivi.

Parfois les organisations – dans leur désir d’être proactives – recourent à la technologie pour prévoir les problèmes ou encore pour maintenir leur compétitivité. Les droits des travailleurs sont lentement grugés par les effets cumulatifs de mesures visant à répondre à des besoins financiers.

Les effets de toutes les mesures potentiellement gênantes pour la vie privée ont des répercussions sur la dignité des employés et doivent être pris en compte dans la recherche de l’équilibre entre le droit d’une personne à la vie privée et les besoins de l’organisation de recueillir, d’utiliser ou de communiquer des renseignements personnels.

J’espère vous avoir donné matière à réflexion aujourd’hui quant aux raisons pour lesquelles nous devrions également nous battre pour maintenir le droit des travailleurs – le droit des gens – à la vie privée, même sur leurs lieux de travail.

En conclusion, j’aimerais préciser que le Commissariat tiendra une conférence internationale très importante sur les problèmes liés à la protection de la vie privée, l’automne prochain, à Montréal. La 29e Conférence internationale des commissaires à la protection des données et de la vie privée réunira plusieurs grands experts mondiaux sur la protection des données, lesquels viendront nous entretenir des défis qui nous attendent, y compris ceux que nous sommes en train d’examiner aujourd’hui. J’espère que vous songerez à vous joindre à moi à Montréal.