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Répondre à l'urgence par l'éducation, l'action sociale et les services communautaires : Portrait d'un organisme dirigé par des utilisateurs de drogue

Étude de cas du VANDU
(Réseau des utilisateurs de drogue de la région de Vancouver)

Préparé pour le :
Programme de prévention, de soutien et de recherche pour l'hépatite C
Division de l'hépatite C
Direction générale de la santé de la population et de la santé publique

Notre mission est d'aider les Canadiens et les Canadiennes à maintenir et à améliorer leur état de santé.

Santé Canada

Pour obtenir plus d'information sur cette publication ou des exemplaires, prière de communiquer avec :
Division de l'hépatite C
Centre de prévention et de contrôle des maladies infectieuses
Direction générale de la santé de la population et de la santé publique
Santé Canada
2e étage
400, rue Cooper
Ottawa, Ontario
K1A 0K9
Tél. : (613) 941-7532
Téléc. : (613) 941-7563
Site Internet : www.healthcanada.ca/hepc

This document is also available in English under the title:
Responding to an Emergency : Education, Advocacy and Community Care by a Peer-driven Organization of Drug Users. A Case Study of Vancouver Area Network of Drug Users (VANDU)

Les opinions exprimées dans le présent document sont celles des auteurs et ne reflètent pas nécessairement les politiques officielles de Santé Canada.

Cette étude de cas a été préparée par Thomas Kerr1, Dave Douglas4, Wally Peeace4, Adam Pierre4 et Evan Wood2,3.

  1. Department of Educational Psychology, University of Victoria
  2. Department of Health Care and Epidemiology, University of British Columbia
  3. British Columbia Centre for Excellence in HIV/AIDS, St. Paul's Hospital
  4. Vancouver Area Network of Drug Users (VANDU)

décembre 2001

Le Vancouver Area Network of Drug Users - VANDU - est un groupe d'utilisateurs et d'ex-utilisateurs qui s'efforce d'améliorer par l'entraide et l'éducation entre pairs la vie des personnes qui consomment des drogues illégales.

Tiré de l'énoncé de mission du VANDU

Nous dédions ce document à nos frères et soeurs qui ont payé de leur vie.

Le conseil d'administration du VANDU

Le conseil d'administration du VANDU aimerait remercier toutes les personnes qui ont contribué à la réalisation de ce document : les utilisateurs de drogue de l'est du centre-ville, les bénévoles du VANDU, les principaux répondants, Duane Prentice, et Hudson Photographic. VANDU aimerait également souligner la participation de trois membres : Dave Douglas, Wally Peeace et Adam Pierre.

Résumé analytique

Le secteur est du centre-ville de Vancouver est depuis longtemps au centre de la vie de la communauté des utilisateurs de drogues illégales de la ville. Le quartier compte parmi les plus pauvres au Canada et depuis 1970, on y enregistre des décès par surdose et d'autres problèmes de santé dus à l'utilisation des drogues.1,2 En 1997, en dépit d'un programme multiforme d'échange d'aiguilles facilitant l'accès à des seringues stériles, on observait une explosion du nombre de cas de VIH chez les utilisateurs de drogues injectables du quartier, une épidémie parmi les plus virulentes jamais enregistrées dans les pays développés.3 Par ailleurs, le virus de l'hépatite C se propageant rapidement, on croit que plus de 90 pour cent des personnes qui s'injectent des drogues à Vancouver sont aujourd'hui infectées par le VHC.4 Depuis 1990, la région de Vancouver est aussi aux prises avec un pourcentage alarmant de décès par surdose reliés à l'utilisation des drogues injectables : plus de 300 par année, en moyenne, depuis 1996.5

En 1997, devant l'inaction du gouvernement, et en réponse à l'urgence de la situation, un groupe de Vancouver se rassemblait pour mettre sur pied un organisme dirigé par des utilisateurs de drogue. Collectivement, le groupe était d'avis que trop peu était entrepris pour répondre à l'urgence sanitaire documentée à laquelle les utilisateurs de drogue faisaient face; les membres croyaient également que la voix des " utilisateurs " n'avait pas été entendue par les instances chargées de coordonner la réponse à la crise. Cette première association devait éventuellement devenir le Vancouver Area Network of Drug Users (VANDU), le réseau des utilisateurs de drogue de la région de Vancouver. On considère aujourd'hui qu'avec plus de 1 000 membres, le VANDU pourrait devenir l'un des organismes d'utilisateurs de drogue les mieux organisés au monde.6

Appuyé par le gouvernement et les autorités sanitaires locales, le VANDU a pu augmenter considérablement le nombre de ses membres et intensifier ses activités. Il compte aujoud'hui un conseil d'administration de 25 membres, où siègent exclusivement des utilisateurs de drogue, et trois employés. Son énoncé de mission se lit comme suit :

Le Vancouver Area Network of Drug Users - VANDU - est un groupe d'utilisateurs et d'ex-utilisateurs qui s'efforce d'améliorer par l'entraide et l'éducation entre pairs la vie des personnes qui consomment des drogues illégales.

À l'origine, le VANDU se consacrait à l'action sociale et à l'activisme politique, mais au fil du temps, le groupe a amélioré sa capacité et diversifié ses activités. En plus de poursuivre son activité politique et de participer aux groupes de travail communautaires et gouvernementaux, le VANDU fait aussi de l'éducation populaire et offre différents programmes d'aide et de soins aux utilisateurs de drogue. Les activités comprennent des groupes de soutien pour les personnes atteintes de l'hépatite C, pour les femmes séropositives et pour les utilisateurs de méthadone, un programme post-cure, un programme d'échange de seringues, des patrouilles de ruelles, ainsi que des programmes dispensés dans la rue, les hôpitaux et les hôtels.

Le but de notre étude consistait à documenter la naissance, l'évolution, la structure organisationnelle et les activités du VANDU. Pour mener notre tâche à bien, nous avons utilisé une méthodologie communautaire, en accord avec la philosophie du groupe qui prône " l'engagement et l'autonomisation des utilisateurs ".

Le VANDU a démontré que les personnes qui consomment de la drogue peuvent s'organiser et enrichir leur communauté et l'ensemble de la collectivité. Depuis sa mise sur pied, le VANDU a fréquemment utilisé l'action sociale pour exprimer aux représentants politiques les préoccupations des utilisateurs de drogue. Il a également joué un rôle essentiel d'éducateur populaire en confrontant les décisionnaires, les chercheurs et tous les parties intéressées à la réalité de l'est du centre-ville de Vancouver. Il est clair que le VANDU fournit de l'aide et des soins indispensables dans ce quartier. Comme le déclarait en 1998 Sam Friedman, épidémiologiste new-yorkais de renom et spécialiste reconnu internationalement dans le domaine de l'utilisation des drogues injectables et de la prévention du VIH : " Le VANDU est un organisme extrêmement prometteur. Il pourrait devenir l'un des organismes d'utilisateurs les plus puissants au monde ".6

Il faut espérer que les stratégies élaborées pour concevoir et développer le VANDU et les leçons que l'organisme a tirées de son expérience pourront être appliquées dans d'autres villes où les groupes d'utilisateurs commencent tout juste à s'organiser. C'est en reconnaissant le potentiel de tels organismes de réduire les méfaits associés à l'utilisation des drogues injectables que l'information disponible pourra être utilisée pour mettre sur pied un réseau de groupes d'utilisateurs pancanadien.

Table des matières

Introduction

Méthodologie utilisée

Historique

Philosophie
Gouvernance
Fonctionnement

Programmes

Leçons tirées de l'expérience
Directions d'avenir
Études subséquentes
Bibliographie

Introduction

Plusieurs stratégies ont été mises en oeuvre pour réduire l'incidence élevée de décès par surdose et d'infection par le VIH et l'hépatite C chez les personnes qui s'injectent des drogues illégales.7-9 Face à l'utilisation des drogues illicites, l'intervention la plus courante consiste en une application ciblée de la loi. 10,11 Par ailleurs, et bien que cette décision soit controversée dans certains milieux, il existe des services d'échange grâce auxquels les utilisateurs de drogue peuvent échanger leurs seringues contre de l'équipement stérile.7,8 Vancouver, en Colombie-Britannique, a été confrontée à une explosion de surdoses et à une épidémie de maladies infectieuses à diffusion hématogène. Plusieurs services pour utilisateurs de drogue, entre autres un programme d'infirmerie de rue, ont été ajoutés aux efforts ciblés de la police et aux services d'échange de seringues.3,5 La plupart des services sont offerts suivant le modèle " fournisseur-client ", où les fournisseurs de soins s'efforcent de satisfaire les besoins de la clientèle.

Or, dans les cercles de la santé publique, il devient de plus en plus évident que ce modèle présente des limites,9,12 parmi lesquelles il y a la difficulté, pour les fournisseurs de soins, de rejoindre les utilisateurs de drogue sur leur propre territoire, les problèmes de communication entre fournisseurs et clients, et la peur, chez les utilisateurs, que les services comme les échanges de seringues servent à informer la police sur leurs activités.9,13,14

C'est pour répondre à ces limites et à l'absence généralisée d'interventions en santé publique pour les utilisateurs de drogues injectables que des regroupements d'utilisateurs ont officiellement vu le jour dans plusieurs grandes villes à travers le monde.9,13,15 Ils intéressent beaucoup les décisionnaires du domaine de la santé, non seulement parce qu'ils ont le potentiel de repousser les limites des programmes fournisseur-client et d'en combler les lacunes en services, mais aussi parce qu'ils peuvent jouer un rôle important dans la réduction de la transmission des maladies à diffusion hématogène et du nombre de décès par surdose.6,9,12,13,15-17

Sur le plan international, le VANDU (Vancouver Area Network of Drug Users) est l'un des organismes d'utilisateurs de drogue les mieux connus et les plus respectés.6 L'organisme compte plus de 1 000 membres et suscite de plus en plus d'intérêt et de questions. Comment et pourquoi a-t-il vu le jour? Quelle a été son évolution? Comment fonctionne-t-il? Notre étude de cas tente de répondre à ces questions, dans l'espoir que les stratégies élaborées pour concevoir et développer le VANDU et les leçons que l'organisme a tirées de son expérience pourront être appliquées dans d'autres villes où les groupes d'utilisateurs commencent tout juste à s'organiser. C'est en reconnaissant le potentiel de tels organismes de réduire les méfaits associés à l'utilisation des drogues injectables que l'information disponible pourra être utilisée pour mettre sur pied un réseau de groupes d'utilisateurs pancanadien.

Méthodologie utilisée

Le but de notre étude consistait à documenter la naissance, l'évolution, la structure organisationnelle et les activités du VANDU. Les projets du VANDU devant tous offrir aux membres l'occasion d'acquérir de la formation et de l'expérience, nous avons employé une approche méthodologique communautaire pour réaliser notre étude de cas. Des utilisateurs engagés comme chercheurs ont travaillé avec les consultants de l'extérieur pour recueillir les données à l'aide de méthodes et de sources diverses : entrevues structurées et non structurées, documents et archives de l'organisme, matériel éducatif (ex. : dépliants), photographies, et observation des participants. Le rapport d'étude a ensuite été préparé par les consultants avant d'être révisé par l'équipe de chercheurs utilisateurs et par plusieurs des répondants rencontrés lors de la collecte de données.

Équipe de chercheurs utilisateurs

Préalablement au projet, il avait été entendu que les membres du VANDU prendraient part à toutes les étapes du processus. Après en avoir discuté avec la direction de l'organisme, il a été convenu qu'au mimimum trois membres seraient nommés par le conseil d'administration pour collaborer avec les chercheurs de l'extérieur. Ces derniers ont assisté à une réunion du conseil : ils ont expliqué le projet et animé la discussion subséquente sur l'organisation d'un processus de sélection équitable parmi les utilisateurs. Au terme de la discussion, un groupe d'environ trente-cinq membres a conclu à la nécessité de former un sous-comité pour rencontrer les membres intéressés à participer à ce projet qui en intéressait plus d'un. Le sous-comité a finalement désigné quatre membres comme chercheurs.

Ceux-ci ont commencé à rencontrer chaque semaine les consultants de l'extérieur pour discuter de la méthodologie du projet et du rôle de chaque membre de l'équipe de recherche. L'équipe a ensuite conçu des questions d'entrevue et dressé la liste des personnes à rencontrer et des documents à rassembler. Au fil du temps, les rencontres se sont espacées, les chercheurs utilisateurs s'occupant de mener les entrevues individuelles et de rassembler la documentation. À l'étape finale, ils ont commenté la première ébauche du rapport d'étude et toutes les versions subséquentes.

Entrevues individuelles

Lors de la première rencontre, l'équipe de recherche a déterminé le nombre d'entrevues et les personnes à cibler. Il a été décidé que deux entrevues seraient nécessaires pour recueillir les données sur la naissance et l'évolution du VANDU, et que deux des fondateurs devaient être interviewés. Pour recueillir des renseignements sur le fonctionnement interne, la forme de gouvernance, le processus décisionnel et les activités, l'équipe a rencontré deux membres du conseil de direction, un employé et trois membres actifs de l'organisme.

Pour définir la contribution du VANDU en termes de soins et de soutien communautaire, l'équipe a interviewé deux fournisseurs de soins locaux qui travaillent étroitement avec l'organisme à assurer la prestation des soins et des services aux utilisateurs de drogue. Afin de mieux cerner l'action sociale du VANDU et son rôle dans l'élaboration des politiques gouvernementales, deux décisionnaires des paliers municipal et gouvernemental ont été rencontrés. Enfin, pour comprendre le rôle de l'organisme sur l'échiquier financier, une entrevue a été menée avec un bailleur de fonds fédéral. L'équipe ayant convenu qu'un intervieweur objectif obtiendrait plus facilement des réponses transparentes de la part des décisionnaires, bailleur de fonds et fournisseurs de services, les chercheurs de l'extérieur se sont chargés de ces entrevues. Les autres ont été menées par les chercheurs utilisateurs. En résumé, l'équipe a interviewé :

  • 2 membres du conseil de direction
  • 2 membres fondateurs
  • 3 membres actifs
  • 1 employé
  • 2 décisionnaires
  • 1 bailleur de fonds
  • 2 fournisseurs de services locaux.

Documents et archives de l'organisme

L'équipe de recherche a rassemblé et étudié toute la documentation disponible afin de recueillir de l'information sur l'origine, l'évolution et les activités actuelles du VANDU. Les documents papier comprenaient les propositions originales, un guide de procédure, des plans d'affaires, les comptes rendus des réunions générales, du conseil d'administration et des différents comités, du matériel éducatif sur la réduction des méfaits, des lettres de soutien, ainsi que divers autres documents écrits. La tâche de les recueillir a été entreprise par un utilisateur de l'équipe et un des consultants.

Observation des participants

Tout au long de la collecte de données, les consultants ont observé les participants. Ils étaient présents à plusieurs réunions du conseil d'administration, en plus d'assister à la prestation de différentes initiatives de soins et de soutien dans la collectivité. Ainsi, un des chercheurs a fait un quart de six heures de travail à la table que le VANDU dresse au coin de Main et Hastings, dans l'est du centre-ville de Vancouver, où il offre un service d'échange d'aiguilles et supervise les toilettes publiques. Les chercheurs ont également assisté à des rencontres locales auxquelles les représentants du VANDU participent activement. Selon le cas, des notes ont été prises sur le terrain ou par la suite.

Historique

" Les révolutions commencent quand les individus qui sont perçus comme le problème obtiennent le pouvoir de redéfinir le problème lui-même. " - John McKnight, La société négligente

Le secteur est du centre-ville de Vancouver est depuis longtemps au centre de la vie de la communauté des utilisateurs de drogues illégales de la ville. Le quartier compte parmi les plus pauvres au Canada et on estime à environ 5 000 le nombre d'utilisateurs de drogue qui y résident. Depuis 1970, on y enregistre des décès par surdose et d'autres problèmes de santé dus à l'utilisation des drogues.1,18 En 1989, une intervention en santé publique visant à prévenir la transmission des maladies à diffusion hématogène chez les utilisateurs de drogues injectables, a été mise sur pied sous la forme d'un programme d'échange de seringues. 19-21

Mais en 1997, en dépit d'un programme de distribution de seringues se présentant sous différentes formes, telles des camionnettes itinérantes et plusieurs centres permanents, Vancouver a été confrontée à une explosion épidémique des cas d'infection par le VIH et l'hépatite C chez les utilisateurs de drogues injectables de l'est du centre-ville.3,22 On a suggéré que certains facteurs locaux, comme la prévalence de la consommation de cocaïne injectable - dont la fréquence d'utilisation peut atteindre 30 injections par jour - et l'absence de mesures de prévention additionnelles - comme des centres d'injection supervisés et des programmes de traitement des pharmacodépendances accessibles - ont contribué à cette épidémie parmi les plus catastrophiques des pays développés.2,23 En plus de l'épidémie de VIH, la région de Vancouver enregistre depuis le début des années '90 un nombre alarmant de décès par surdose d'opiacés, soit plus de 300, en moyenne, depuis 1996.5 En 1997, devant la vague de maladies infectieuses à diffusion hématogène (ex. : VIH, hépatite C) et de surdoses chez les utilisateurs de drogues injectables, le Vancouver/Richmond Health Board décrétait l'existence d'une situation d'urgence en santé publique.2

Devant cette admission, les membres de différents projets d'entraide de la ville - utilisateurs de drogue, artistes, groupes d'intérêt du domaine de la santé et autres intéressés - se rassemblèrent pour discuter de la formation d'un organisme d'utilisateurs de drogue pour répondre à la crise, lequel devait éventuellement devenir le Vancouver Area Network of Drug Users (VANDU). Collectivement, le groupe était d'avis que trop peu était entrepris pour répondre à l'urgence sanitaire documentée à laquelle les utilisateurs de drogue faisaient face; les membres croyaient également que la voix des " utilisateurs " n'avait pas été entendue par les instances chargées de coordonner la réponse à la crise. Un fondateur a évoqué l'urgence de la situation en rappelant que " le VANDU est né à cause de l'horreur que nous vivions dans l'est du centre-ville où les surdoses et les épidémies se multipliaient ".

Parmi les fondateurs, certains avaient déjà fait l'expérience du lobbying, participant à des groupes d'entraide et ou de défense des intérêts des consommateurs. Plusieurs connaissaient également les conclusions de la recherche établissant l'efficacité des organismes d'utilisateurs de drogue à combattre l'infection par le VIH et les surdoses associées aux drogues, et à fournir des services d'approche aux membres de la communauté des utilisateurs de drogue. D'autres participants avaient été membres de projets comme IV Feed et le Political Response Group, qui avaient fait connaître les préoccupations des utilisateurs de drogue de Vancouver. Du mois d'avril 1995 jusqu'à sa débandade en 1996, IV Feed a brièvement exploité un centre d'injection illégal dans l'est du centre-ville de Vancouver. Les groupes et les projets à l'origine de la fondation d'un organisme d'utilisateurs de drogue sont MindBody Love (un groupe de pairs fournissant des services d'approche aux jeunes consommateurs de drogues illégales, y compris ceux actifs sur la scène rave); The Hype (un bulletin rédigé par et pour les utilisateurs de drogues injectables); HCV+IDU (un groupe de pairs animant des rencontres d'information destinées aux utilisateurs de drogue atteints de l'hépatite C); et Compassion Club (un organisme qui fournit de la marijuana médicale à différents membres de la collectivité).

À l'origine, les groupes se rencontraient à différents endroits pour établir des plans et des stratégies pour former un organisme d'utilisateurs de drogue. Les participants ont rapidement défini leur mission qui consiste à " améliorer la qualité de la vie des personnes qui utilisent des drogues, par l'entraide et l'éducation entre pairs ". Des objectifs sont donnés dans les comptes rendus des premières rencontres et propositions de financement. Parmi les plus souvent mentionnés, on retrouve :

  • briser l'isolement social et la stigmatisation associés à l'utilisation des drogues;
  • permettre aux utilisateurs de drogue de s'informer sur les risques de santé associés à l'utilisation des drogues injectables et de partager cette information;
  • inviter les communautés utilisatrices de drogue de Vancouver, pour qui la consommation de drogue fait partie du mode de vie, à participer à la mise sur pied d'un réseau d'entraide et d'éducation entre pairs;
  • exercer des pressions sur les gouvernements fédéral, provincial et local pour que les politiques sur les drogues soient modifiées;
  • rencontrer les utilisateurs de drogue dans un milieu sécuritaire et non discriminatoire, afin de cerner leurs préoccupations immédiates; et
  • en adoptant la perspective de l'utilisateur de drogue, mettre au point un plan qui répondra aux préoccupations exprimées.

Au fil du temps, certains groupes se sont éloignés, alors que d'autres ont assumé le leadership de la mise sur pied de ce qui devait éventuellement devenir le VANDU. Ainsi, après plusieurs réunions préliminaires de développement, qu'ils ont organisé et auxquelles ils ont participé, les représentants du Compassion Club ont été débordés par les demandes de service et ont dû cesser de contribuer. Le départ de Kenn Quayle, membre de MindBody Love, engagé par le gouvernement fédéral australien comme coordonnateur de l'éducation pour un organisme d'utilisateurs de drogue, a également représenté un virage important. Ironiquement, les deux personnes qui ont rédigé la première proposition de financement, Kenn Quayle et Brian MacKenzie, n'étaient pas au pays lorsque les fonds ont finalement été octroyés. Avant leur départ, tous deux ont beaucoup contribué à définir la vision du VANDU. Le travail essentiel d'un cinquième groupe, le Political Response Group (PRG), doit également être souligné. Le PRG était un groupe d'activisme politique qui a organisé de nombreuses manifestations politiques à Vancouver, entre autres une manifestation sous le thème " detox not jail " (la désintox, pas la prison ), et le premier 1000 Crosses Event au parc Oppenheimer. En 1997, juste avant sa disparition, le PRG commençait à exercer des pressions pour la reconnaissance des besoins des utilisateurs de drogue. Avec le temps, les personnes et les groupes - dont certains membres du défunt PRG - se sont rassemblés pour définir la vision de ce qui devait devenir le VANDU.

Groupe de discussion des utilisateurs de drogue de l'est du centre-ville : méthodologie pour organiser les utilisateurs de drogue

L'un des premiers événements à avoir tracé le chemin du VANDU s'est produit lorsque Bud Osborn et Ann Livingston, membres du défunt PRG, et des anciens membres de IV Feed ont organisé le premier " groupe de discussion des utilisateurs de drogue de l'est du centre-ville ". Bud et Ann ont mêlé les influences de l'éducation populaire, du développement communautaire et de la théologie de la libération pour créer une méthode visant à organiser les utilisateurs de drogue du quartier. Mère célibataire non-utilisatrice et assistée sociale, Ann Livingston est une lobbyiste aguerrie. S'étant d'abord engagée comme mère d'un enfant souffant de paralysie cérébrale, elle s'est plus tard portée à la défense des droits des utilisateurs de drogue. Ann a participé à la fondation de IV Feed et a été membre du PRG. Elle apporte donc au projet son intérêt pour l'éducation populaire et le développement communautaire. Très tôt dans sa carrière, elle a été influencée par le travail de Cantera, un organisme du Nicaragua faisant usage d'approches en éducation populaire pour contribuer au développement communautaire. Selon Cantera : " L'éducation populaire est une méthode qui consiste à enseigner aux gens comment définir leurs problèmes et leurs questionnements et comment travailler ensemble à les résoudre. Cette méthode suppose également une critique sévère des structures sociales puisqu'elle est motivée par un profond désir de changement ". Un des principes de Cantera appliqué et suivi par Ann consiste à jouer le rôle d'agent ou de serviteur de la communauté. Comme l'explique l'organisme : " Nous sommes des animateurs de la collectivité, mais nous ne sommes pas au même niveau que ses membres. (...) Nous ne prenons pas parti dans les débats politiques. Cela nous permet de travailler avec les idées et de rejoindre la collectivité sur les enjeux communautaires ".

Bud Osborn est un poète activiste connu de Vancouver. Membre fondateur du PRG, ex-utilisateur de drogue, et ancien membre du Vancouver/Richmond Health Board, Bud a appliqué la théologie de la libération au projet de mobilisation des utilisateurs de drogue. Mouvement à l'intérieur de la foi catholique visant l'émancipation politique du prolétariat face à l'oppression de l'appareil de pouvoir social et gouvernemental, la théologie de la libération s'est développée en Amérique latine : elle utilise le christianisme et le marxisme pour promouvoir la participation légitime des classes ouvrières à la religion et à la politique. Selon Bud : " La voix du prolétariat est la voix de Dieu. Ce que notre société nie et réprime le plus, c'est l'expression collective de la souffrance. Il y a tellement d'institutions qui la privatisent et la cachent, que ce soit le cabinet du psychiatre, le système de santé mentale ou la prison. Favoriser l'expression publique de la souffrance nous apparaissait comme la chose la plus subversive à faire ".

La stratégie d'organisation des utilisateurs de drogue de l'est du centre-ville se fit en plusieurs étapes : on afficha d'abord dans la collectivité des annonces invitant les utilisateurs de drogue à participer à un " groupe de discussion ". Les rencontres furent organisées dans le lieu qui serait susceptible d'attirer le plus de monde possible. Lors des premières rencontres, les participants furent invités à discuter librement de leurs problèmes. Afin que chacun puisse s'exprimer, il arriva que l'animateur demande aux gens de parler " chacun leur tour ". Tous les commentaires furent écrits sur un tableau de conférence et étudiés par la suite. À la fin de la première rencontre, le sujet glissa sur " la façon d'amener plus de gens à la prochaine rencontre ". Les personnes qui offrirent des suggestions furent invitées à participer à une rencontre de planification, tenue avant le groupe de discussion suvant. Selon Ann Livingston et Bud Osborn, cette façon de faire permit aux utilisateurs de drogue de commencer à " s'approprier " les réunions en les organisant ou en les animant. Après plusieurs de ces rencontres, les participants commencèrent à dire : " Tout ce qu'on fait ici, c'est se plaindre ". Les animateurs fournirent alors un résumé des préoccupations exprimées afin à présenter des cibles d'action. Toutes les actions suggérées furent notées, et plusieurs des idées non concrétisées restèrent dans les archives et sur les listes. Ainsi, la suggestion que les utilisateurs reçoivent une formation en RCR resta un an sur le tableau de conférence avant de devenir réalité. Différentes actions étaient réalisées : organiser des manifestations, mettre sur pied des initiatives d'entraide et inviter des conférenciers à des rencontres. Lorsque les problématiques ou les actions reflétaient les intérêts d'un sous-groupe (ex. : les buveurs de vin de riz), un sous-comité était créé, ce qui a d'ailleurs mené à la création de nouveaux groupes, comme la British Columbia Association of People on Methadone. À la suite d'une action, les participants procédaient à " un exercice de réflexion et d'analyse " pour évaluer les efforts et planifier les modifications.

Le premier groupe de discussion s'est réuni dans le quartier est du centre-ville, au parc Oppenheimer, alors l'une des scènes de drogues les plus visibles et les plus achalandées de Vancouver. La réunion eut lieu au milieu du parc, les animateurs demandant au petit groupe réuni d'exprimer ses préoccupations et ses besoins. Selon un fondateur, les premières questions posées furent : " Quels sont les problèmes rencontrés par les utilisateurs de drogue? " et " Qu'est-ce qui vous serait le plus utile en ce moment? ". Les animateurs prirent note des préoccupations exprimées en les inscrivant sur le tableau de conférence. Elles furent ensuite présentées au Vancouver/Richmond Health Board (V/RHB) par Bud Osborn qui avait contribué à organiser et à animer ces groupes, lesquels devinrent par la suite les " réunions générales " du VANDU.

Derrière les utilisateurs de drogue assistant à l'une des premières recontres du VANDU, à l'église de 4 Squares Street, une affiche proclame : « La guerre contre la drogue est une guerre contre les pauvres ».)

Avant l'apparition de ces groupes, les utilisateurs de drogue n'avaient que peu d'occasions de participer aux discussions concernant la situation d'urgence et les réponses proposées. Comme l'a fait remarquer un des fondateurs : " La voix des utilisateurs de drogue n'avait jamais été entendue des gouvernements, des services de santé et des bureaucrates des échelons supérieurs ". En tenant ces réunions sur le territoire des utilisateurs et en leur donnant la parole, peu importe leur degré d'intoxication ou leur bizarrerie, les organisateurs ont documenté les préoccupations des utilisateurs grâce à une formule à seuil bas. Un des fondateurs a expliqué que " c'était presque spirituel, ce dont nous parlions, à savoir que l'arme la plus efficace était les cris de souffrance des utilisateurs eux-mêmes, en autant qu'ils puissent être entendus sur la place publique ". Pour en arriver là, il fallut mettre en branle un processus de " démarginalisation ". Comme l'a déclaré un fondateur : " Pour pouvoir améliorer la situation, nous devions vaincre un obstacle de taille, soit la marginalisation des utilisateurs de drogue, et la distance entre les toxicomanes et le reste de la société. Nos premières actions ont donc consisté à démarginaliser les utilisateurs ".

Les comptes rendus et les registres de présence des premières rencontres font état d'une augmentation vertigineuse de la participation : on passa de 20 à 100 personnes en quelques mois. Les rencontres intéressèrent beaucoup les bailleurs de fonds et les décisionnaires, comme l'indique un commentaire de l'un de ces derniers : " J'ai assisté à une des premières rencontres au parc Oppenheimer. Bud Osborn a convoqué la réunion et Ann a planté son tableau de conférence au milieu du parc. Il y avait les vieux joueurs d'échecs d'un côté, les revendeurs qui y allaient de leurs commentaires de l'autre, et les utilisateurs au milieu ". Après un certain temps, le groupe dut trouver un autre endroit pour tenir les réunions. Bud réussit à obtenir un espace à l'église de 4 Squares Street, coin Hastings, où des hot dogs sont encore servis chaque soir. Au début, les organisateurs utilisèrent une partie de leurs prestations d'assistance sociale pour fournir des sandwiches et des boissons gazeuses, mais une modeste " subvention de développement " fut bientôt accordée par le V/RHB et les organisateurs purent alors donner à chaque utilisateur présent une allocation de 3 $ de frais de transport. Au bout de six mois, il fallut refuser des gens, puisque les fonds ne permettaient de distribuer que cent allocations.

Naissance du VANDU

Ann Livingston, coordonnatrice des programmes, s'adressant aux membres lors d'une des premières réunions du VANDU. À l'arrière-plan, les feuilles du tableau de conférence énumèrent les préoccupations des utilisateurs.)

En janvier 1998, dans le cadre du Community Health Innovation Fund du Vancouver/Richmond Health Board (fonds d'initiatives en santé communautaire), le VANDU reçoit une subvention de 62 500 $ s'étalant sur 15 mois. Les membres des différents groupes (comme MindBody Love et le PRG) réunis pour créer l'organisme donnent alors forme à la vision du VANDU. La proposition originale est ambitieuse; si elle est acceptée, les fonds seront utilisés pour poursuivre le processus de consultation, mettre sur pied des réseaux d'entraide et des partenariats avec les agences de services, et définir un plan stratégique pour répondre aux problèmes des utilisateurs de drogue. Faisant plusieurs fois mention de l'ouverture d'un point de services pour utilisateurs, la proposition demandait quatre fois le montant finalement accordé. Comme le VANDU n'était pas encore une association charitable ou sans but lucratif, il devait être parraîné par un autre organisme pour que les fonds lui soient octroyés. Le groupe négocia heureusement un parrainage avec la Lookout Emergency Aid Society et le financement fut rapidement obtenu.

Une fois les fonds reçus, les organisateurs des réunions demandèrent aux participants de se joindre à un conseil de direction qui déciderait de l'allocation des fonds. Les réunions générales du samedi se poursuivirent et le conseil de direction commença à se rencontrer le jeudi. Les comptes rendus des premières rencontres indiquent que le groupe commença par discuter des possibilités d'action sociale et d'activités de soins et de soutien. Au départ, le conseil de direction se concentra sur la planification et la prestation de manifestations à caractère politique pour souligner l'urgence de la situation; mais, comme le démontrent les comptes rendus, les membres étudièrent également la possibilité d'offrir des services d'approche aux utilisateurs les plus à risque en patrouillant les ruelles - endroits où les fournisseurs de soins ne s'aventurent pas. Durant cette période, le conseil d'administration en place engagea aussi son unique employée : Ann Livingston.

Peu après l'obtention du financement, le VANDU ouvre son premier bureau, au-dessus du Living Room, un centre de rencontre pour personnes avec des difficultés de santé mentale de l'est du centre-ville. Le petit local coûte 450 $ par mois, et le groupe dispose d'un plus grand espace pour les réunions.

En septembre 1998, le VANDU devient une société à but non lucratif et tient, en décembre de la même année, sa première assemblée générale annuelle. Un premier conseil d'administration est alors officiellement élu : il comprend un président, un vice-président, un trésorier, un secrétaire et 21 directeurs. En octobre 1999, le VANDU déménage de l'immeuble de Powell Street dans un espace plus grand, sur Hastings coin Cambie. Les rencontres générales se poursuivent, moins fréquentes. En s'appuyant sur des calculs approximatifs à la suite de réunions consécutives, le VANDU estime que le tiers de ses membres sont des femmes et que de ce nombre, un tiers sont d'origine autochtone. La plupart ont entre 30 et 50 ans : actuellement, le plus jeune membre a 18 ans et le plus âgé, plus de 70 ans. Il n'existe pas de données officielles permettant de définir les caractéristiques démographiques des membres. L'organisme continue de considérer comme prioritaire la consultation avec l'ensemble de la communauté d'utilisateurs. Comme l'a déclaré un membre du conseil de direction : " Nous prenons note de tout ce qui se dit aux réunions du samedi. C'est comme ça que nous définissons les besoins, que nous planifions notre action et que nous évaluons nos efforts : en épluchant le tableau de conférence ".

Le V/RHB a graduellement augmenté le financement du VANDU et l'organisme a récemment reçu une subvention de Santé Canada sur trois ans, destinée à un groupe de soutien sur l'hépatite C, visant à améliorer la santé des personnes atteintes de la maladie et à éduquer les membres de l'organisme sur la réduction des méfaits. Dans le cadre du Programme d'action communautaire VIH/sida de Santé Canada, le VANDU a également reçu une modeste subvention pour augmenter temporairement le nombre d'heures de travail de son personnel.

Philosophie

Notre étude de cas a mis en lumière des thèmes cohérents dans la philosophie et le mandat du VANDU. Premièrement, l'organisme s'efforce d'inclure tous les utilisateurs de drogue, actifs ou non. Par exemple, lorsque des bénévoles sont assignés à des tâches encadrées, comme les patrouilles de ruelles, on donne toujours la priorité aux utilisateurs de drogue qui n'ont jamais travaillé bénévolement pour le VANDU auparavant. Cette stratégie vise à empêcher le VANDU de devenir un groupe élitiste éloigné de la réalité des personnes qu'il cherche à représenter et à servir. Deuxièmement, l'organisme est dirigé par les utilisateurs, et c'est un conseil d'administration démocratiquement élu, composé d'utilisateurs et d'ex-utilisateurs, qui prend les décisions. Troisièmement, le VANDU s'efforce d'améliorer la vie des utilisateurs en adoptant une politique de mentorat entre pairs, qui consiste à jumeler une personne qui possède de l'expérience ou des compétences dans un domaine particulier, avec une personne intéressée à en faire l'apprentissage. On rapporte que le système s'avère un outil efficace d'autonomisation et d'organisation pour les membres. Enfin, le VANDU vise fondamentalement la réduction des méfaits. Le site Internet de l'organisme présente en ces termes la réduction des méfaits et la position du VANDU à cet égard :

La réduction des méfaits est un ensemble de stratégies pratiques et éprouvées qui visent à rencontrer les utilisateurs de drogue " là où ils sont " afin de les aider à réduire les méfaits associés à leur consommation. En collaboration avec les citoyens de Vancouver, le VANDU travaille à minimiser les effets néfastes de l'utilisation des drogues en militant pour des interventions efficaces et bien documentées, comme des drogues de maintien légales, des logements pour les utilisateurs, des centres d'injection supervisés, des opportunités d'emploi et l'accès à des traitements et à des cures de désintoxication.

L'énoncé de mission se lit comme suit :

Des membres du VANDU portent un cercueil vers un édifice du gouvernement provincial, à Victoria

Le Vancouver Area Network of Drug Users - VANDU - est un groupe d'utilisateurs et d'ex-utilisateurs qui s'efforce d'améliorer par l'entraide et l'éducation entre pairs la vie des personnes qui consomment des drogues illégales. Nous servons les membres de la population de l'est du centre-ville qui se considèrent comme des utilisateurs de drogue, les personnes qui prennent de la méthadone, et les consommateurs de médicaments d'ordonnance sans prescription. Plusieurs des membres du VANDU sont atteints du VIH/sida, la plupart ont l'hépatite C, et beaucoup proviennent d'un milieu multiculturel. La santé des utilisateurs et ex-utilisateurs s'améliore lorsqu'ils participent au processus de prise de décision et qu'ils ont l'occasion d'accomplir des tâches qui augmentent leur estime d'eux-même, leur confiance en eux et leur sentiment d'appartenance, tout en leur permettant de créer des réseaux d'entraide. Nous formons un groupe d'intérêt pour des services de " réduction des méfaits " destinés aux personnes qui utilisent des drogues. Le VANDU est la voix des utilisateurs dans la collectivité; elle peut contribuer à réduire la propagation des maladies et le nombre de décès par surdose.

Les objectifs du VANDU sont :

  • d'organiser une réponse des utilisateurs face aux problèmes de la rue au fur et à mesure qu'ils apparaissent - à ce jour, la prévention des décès par surdose, le logement, la violence policière, le traitement par la méthadone, les problèmes concernant les hôpitaux et l'accès à la formation;
  • d'aider les utilisateurs à modeler les communautés dans lesquelles ils vivent et à y participer de façon à assurer l'amélioration continue de leurs compétences et de leur qualité de vie, et d'éduquer les fournisseurs de services qui travaillent avec une clientèle d'utilisateurs de drogue;
  • de dresser chaque semaine la liste des problèmes rencontrés, d'en discuter, de les analyser, et de planifier des actions visant à éradiquer les décès par surdose et la propagation du VIH/sida, de l'hépatite et des autres maladies infectieuses;
  • d'exercer des pressions pour des politiques et des traitements qui prônent des principes d'inclusion et sont sensibles à la condition des utilisateurs de drogue.

Le site Internet de l'organisme présente aussi le principes directeurs qui le guide :

  • le VANDU s'engage à augmenter la capacité des utilisateurs de drogue à mener une vie saine et productive; afin d'y parvenir, nous encourageons les utilisateurs à réduire les méfaits qu'ils s'infligent et font subir à leur collectivité, et nous les soutenons dans leur démarche; nous nous organisons, à l'intérieur de notre collectivité, pour sauver des vies, en promouvant l'éducation sur la réduction des méfaits, l'entraide et les interventions entre pairs au plan local et régional;
  • nous remettons en question la relation traditionnelle client-fournisseur et autonomisons les utilisateurs de drogue afin qu'ils conçoivent et mettent en ouvre des interventions de réduction des méfaits;
  • nous croyons que chaque personne a droit à la santé et au bien-être; nous croyons aussi que chaque personne a les compétences pour se protéger des méfaits associés aux drogues, et en protéger les êtres qui lui sont chers et l'ensemble de sa collectivité;
  • nous croyons que certains modes de consommation sont beaucoup plus sécuritaires que d'autres;
  • nous reconnaissons que la pauvreté, le racisme, l'isolement social, les traumatismes passés, la maladie mentale et les injustices augmentent la vulnérabilité des individus aux dépendances et diminuent leur capacité de réduire efficacement les méfaits associés aux drogues.

Gouvernance

" Le VANDU, mon gars, ils ont des tas de réunions chaque semaine. S'il se passe quelque chose, il faut probablement que le VANDU donne son OK. Ils sont toujours à la table. " - un membre

La constitution du VANDU prévoit deux statuts de membre : celui de membre à part entière, réservé aux personnes qui utilisent ou ont déjà utilisé des drogues illégales; et celui de membre de soutien, réservé aux personnes qui n'utilisent pas ou n'ont jamais utilisé des drogues illégales. Les membres à part entière ont droit de parole et de vote à toutes les rencontres. Les membres de soutien peuvent exprimer leur opinion mais ne peuvent pas voter. À ce jour, la plupart des membres de soutien sont des parents ou amis qui souhaitent participer aux activités du VANDU. La constitution de l'organisme stipule que le nombre de membres de soutien ne dépassera pas 10 pour cent du nombre total des membres à part entière. Toute personne intéressée à devenir membre est invitée à se présenter à une rencontre parrainée par le VANDU, ou à passer au bureau de l'association pour s'inscrire et recevoir une carte de membre.

Le VANDU a élu son premier conseil d'administration en décembre 1998. Les membres du conseil sont élus chaque année lors de l'assemblée générale. Seuls les membres à part entière peuvent siéger au conseil qui comprend un conseil de direction (président, vice-président, trésorier et secrétaire) et un certain nombre de membres. Bien que la constitution déclare que le conseil sera composé d'un conseil de direction et d'au moins " une personne ou plus ", le VANDU a toujours nommé environ 25 directeurs. Lorsque les chercheurs ont voulu savoir pourquoi, un des membres a expliqué que " les gens tombent malades, se retrouvent en prison, ou trouvent un emploi; ils ne peuvent pas toujours être là ".

Membres du VANDU

Les rencontres du conseil ont lieu chaque jeudi et attirent beaucoup de membres. Le président mène la réunion en établissant l'ordre du jour, et en animant la discussion et les procédures de vote. Lorsque certains problèmes déclenchent des discussions enflammées, un membre du conseil de direction tient la liste des personnes qui souhaitent prendre la parole de façon que chacun puisse être entendu. Le conseil recherche avant tout le consensus. Comme l'explique un des membres du conseil de direction : " Le consensus est obtenu grâce au conseil. Aucun problème n'est laissé sans réponse; une fois que le consensus est obtenu, une résolution est passée ". Un autre membre décrit ainsi le pouvoir de décision du conseil : " Personne ne peut dire : 'voici une nouvelle politique ou voici un nouveau programme'. Tout ce qui arrive ici doit d'abord passer par le conseil ". Les réunions se terminent toujours par un moment de silence en souvenir " de nos frères et sours qui ont payé de leur vie ".

Comme plusieurs des membres du conseil d'administration sont actifs dans différents programmes, on peut décrire celui-ci comme un conseil " de terrain " plutôt que comme un simple outil d'approbation. Le président agit généralement comme porte-parole et doit souvent participer à des entrevues médiatiques. Le président a ainsi participé récemment à deux groupes de travail fédéraux d'élaboration des politiques. Des représentants de l'organisme contribuent aussi régulièrement aux activités des associations et coalitions communautaires locales (ex. : Harm Reduction Action Society, Coalition for Crime Prevention and Drug Treatment, Community Directions, Community Health Committee no 2, et British Columbia Association of People on Methadone).

Dans le passé, la gouvernance du VANDU a été marquée de conflits et de manquements à la tâche. Certains observateurs ont noté que ces événements ont forcé le VANDU à faire un examen de conscience. Certains problèmes ont mené à des mesures disciplinaires ou au congédiement de membres du conseil. La preuve suggère qu'en général, l'organisme a géré ses problèmes prudemment, en accord avec ses principes de respect et de justice. Dans certains cas, des individus extérieurs au VANDU, jugés impartiaux et dignes de confiance, ont été invités à agir comme observateurs indépendants. Plusieurs de ces situations s'étant bien terminées, certaines des personnes exclues du conseil d'administration ont gardé de bonnes relations avec le VANDU et continuent même de participer comme membres.

Fonctionnement

Ann Livingston, coordonnatrice des programmes, et Brian A., ex-président, discutent avec les participants des problèmes recontrés par les utilisateurs de drogue de l'est du centre-ville.

Les bureaux du VANDU sont situés au troisième étage d'un édifice historique, au coin des rues Hastings et Cambie. Bien qu'ils soient à une certaine distance du carrefour tristement célèbre de Hastings et Main, ils se trouvent à quelques pas de plusieurs endroits clés et en face du square Victoria, une autre scène de drogue très active. Règle générale, un membre du personnel ouvre vers 9 heures et les bureaux ferment entre 16 et 18 heures. À l'occasion, des réunions y sont tenues le soir. L'espace loué par le VANDU comprend deux petits bureaux et un hall avec un ordinateur réservé à l'usage des membres. Une grande pièce centrale, meublée de tables et de chaises, sert de salle de réunion et de salle de jour aux membres qui viennent boire un café, lire le journal, rencontrer d'autres membres ou utiliser l'équipement. L'endroit est assez vaste pour accommoder les quelques 30 membres qui assistent aux réunions du conseil d'administration; par contre, il est trop petit pour les réunions générales qui attirent habituellement plus de 100 personnes.

De janvier 1998 à septembre 1999, les fonds du VANDU ont été administrés par la Lookout Emergency Aid Society; depuis octobre 1999, la Portland Hotel Society a été chargée de cette tâche et de la tenue des livres comptables. Le changement s'est fait avec le déménagement dans les nouveaux locaux. Plusieurs des membres de l'association et du personnel rencontrés rapportent que cette relation s'avère positive, puisqu'elle permet au VANDU d'obtenir des services de comptabilité gratuits et de consacrer ses ressources limitées au lobbying et aux activités de soins et de soutien. D'autres membres ont par contre exprimé le vou que le VANDU assume bientôt toutes ses responsabilités financières.

À l'origine, le VANDU n'avait qu'une seule employée, la coordinatrice des programmes. Deux nouveaux postes à temps plein ont été créés depuis : directrice administrative et coordonnateur des bénévoles. Ces postes présentent des tâches précises, mais les employés se les partagent et se remplacent souvent mutuellement. Ils assument également plusieurs fonctions qui ne font pas partie de leur description de tâches. La plus importante est sans conteste le soutien psychosocial qu'ils donnent aux membres qui passent chaque jour au bureau. Notons qu'aucun des employés actuels n'est un utilisateur de drogue actif. Cela pourra sembler inhabituel, étant donné que le VANDU est un organisme dirigé par des utilisateurs. Néanmoins, nos nombreuses observations nous ont permis de constater que l'engagement du personnel face à la gouvernance de l'organisme est tel qu'il permet au VANDU de continuer à être dirigé par les utilisateurs. Le personnel est en effet très sensible au pouvoir décisionnel du conseil d'administration et très respectueux de ses prérogatives; bien que fragile, c'est probablement le seul déterminant de la congruence qui continue d'exister entre la philosophie du VANDU et ses activités.

Coordonnatrice des programmes

Ann Livingston occupe le poste de coordonnatrice des programmes depuis janvier 1998. Les responsabilités qui lui échoient consistent à assister aux événements et aux réunions communautaires, à coordonner la représentation des membres, à s'assurer que les comptes rendus sont conformes et disponibles, à gérer les finances, à organiser les différentes réunions et à engager les conférenciers suivant les suggestions des membres. L'arrivée de nouveaux employés a permis de modifier cette description et Ann consacre maintenant plus de temps à rédiger des propositions de financement, et moins de temps à gérer les fonds. Selon l'entente signée avec le VANDU, toutes les tâches de la coordonnatrice des programmes doivent être accomplies sous la direction du conseil d'administration.

L'attribution du poste à une non-utilisatrice de drogues illégales a créé une controverse. Les observations et les entrevues avec les membres et les fondateurs indiquent que les préoccupations entourant cette attribution originent de l'extérieur. Certaines personnes ont en effet remis en question la présence d'une non-utilisatrice à un poste de pouvoir dans un organisme supposément dirigé par des utilisateurs, mais les membres du VANDU écartent ces préoccupations. Comme le précise l'un d'eux : " Nous faisons confiance à Ann pour que les choses soient faites comme nous le voulons. Quiconque remet cela en question ignore ce qu'elle fait pour nous. Les personnes qui croient que c'est Ann qui mène se trompent lourdement. En fait, nous lui avons demandé de faire des choses qui vont à l'encontre de ses principes : elle le fait parce qu'elle croit à la voix des utilisateurs. " Un fondateur a aussi mentionné, comme facteur de sélection d'une non-utilisatrice pour le poste, l'impact toujours perceptible des politiques et des lois en matière de drogue : " Si je devais expliquer à Santé Canada pourquoi Ann occupe ce poste, je dirais que c'est parce que les drogues sont illégales. Comment peut-on diriger un organisme quand les gens meurent, sont évincés, hospitalisés ou en prison? Il faut pouvoir compter sur une personne qui ne vit pas une telle instabilité. "

Directrice administrative

En mars 2001, le VANDU a créé un poste de directrice administrative à temps partiel. La description de tâches comprend la réception et le travail administratif. La personne actuellement en poste est aussi responsable d'une partie de la comptabilité du VANDU; elle gère l'encaisse, ce qui inclut l'administration du registre des paiements des cachets aux bénévoles. Elle facilite énormément la communication entre les membres, le personnel et les parties intéressées de l'extérieur.

Coordonnateur de bénévoles

Le poste de coordonnateur des bénévoles a été créé en août 2001. Selon la description de tâches, les principales responsabilités du poste sont de " coordonner les quelques 100 bénévoles de notre organisme, et de définir, évaluer et mettre en ouvre les activités des bénévoles en utilisant des approches de groupe équitables, transparentes et autonomisantes ". Le coordonnateur voit au recrutement et à la formation des bénévoles; il anime les réunions hebdomadaires où les bénévoles s'inscrivent à des programmes ou à des sessions de formation. Il collabore avec la directrice administrative pour s'assurer que les bénévoles reçoivent leurs cachets à point nommé.

Programmes

" La beauté de VANDU est qu'il agit sur plusieurs tableaux, que ce soit en fournissant une tribune à un utilisateur de drogue mentalement troublé et complètement givré lors d'une réunion, ou en participant aux activités politiques des comités nationaux de haut niveau. " - un décisionnaire

" 'Merci pour la salle de bains, merci pour l'équipement propre, merci de m'avoir aidé.' Le VANDU sauve beaucoup de vies et ces gens-là veulent vivre. " - un membre du comité de direction

Le VANDU travaille toujours à la prestation de plusieurs initiatives d'éducation, de soins et de soutien communautaires, et de défense des intérêts de ses membres. Tous les programmes sont conçus, organisés et mis en ouvre par le conseil d'administration élu et les bénévoles participants. Les membres contribuent leurs idées concernant le genre de programmes à mettre sur pied et les améliorations à apporter aux initiatives existantes, mais en bout de ligne, c'est le conseil de 25 membres qui détermine quels programmes seront offerts et de quelle façon. Le conseil cherche à promouvoir la philosophie de " mise en réseau " de l'organisme, et une étude des activités du VANDU indique qu'il a établi des partenariats en ce sens avec un éventail d'organismes de services et d'agences gouvernementales.

Éducation

Le VANDU offre plusieurs programmes officiels et officieux destinés à éduquer les utilisateurs de drogue sur des sujets spécifiques se rapportant à la santé. Les programmes visent à encourager l'entraide et plusieurs des groupes ont mis sur pied des activités d'action sociale pour défendre leurs intérêts. ·

  • Rencontre sur l'hépatite C : chaque semaine, le VANDU tient une rencontre sur l'hépatite C; il fournit rafraîchissements et tickets d'autobus à tous les participants utilisateurs de drogue. Lors des rencontres, des conférenciers invités - en général des professionnels en soins de santé - parlent des problèmes sanitaires auxquels les utilisateurs de drogues injectables séropositifs sont confrontés et présentent des stratégies de prévention pour les personnes qui ne sont pas infectées.
  • Groupe de femmes séropositives : le VANDU organise aussi des rencontres pour un groupe de femmes séropositives. Bien que cette formule soit semblable à la précédente, les rencontres d'information et de soutien se font discrètement, étant donné que la communauté des utilisateurs de drogues injectables porte un jugement négatif sur les personnes séropositives.
  • Site Internet : le VANDU a maintenant un site Internet (www.vandu.org), où on retrouve de l'information sur les défis des utilisateurs de drogues injectables (ex. : les problèmes sanitaires et légaux, la pauvreté), des renseignements précis sur le VANDU et de l'information sur la réduction des méfaits. Le site présente également des poèmes et des récits de la main des membres.
  • BC Association of People on Methadone : le VANDU anime les rencontres hebdomadaires d'un groupe de personnes sous traitement par la méthadone, maintenant une association officielle. Les problèmes entourant le programme de maintien par la méthadone dispensé en Colombie-Britannique ont toujours fait l'objet de fréquentes discussions et ce, dès la première réunion générale, aussi le groupe a-t-il été fondé très tôt dans l'histoire du VANDU. Lors des réunions, l'association étudie les préoccupations des membres sous méthadone et leur apporte son aide. L'information recueillie est ensuite relayée aux instances chargées de superviser le programme provincial de maintien.
  • Bulletin : le VANDU distribue un bulletin format magazine, le VANDU Voice, qui contient de l'information sur l'organisme, des renseignements utiles aux utilisateurs de drogue et des textes sur l'utilisation des drogues. La publication sert de tribune aux utilisateurs qui peuvent y exprimer leurs idées ou y présenter leurs ouvres d'art.
  • Éducation populaire : le VANDU utilise plusieurs voies pour éduquer la société en général. Comme l'a expliqué un des fournisseurs de soins rencontrés : " Historiquement, nous avons tous ignoré l'ensemble du domaine de l'utilisation des drogues injectables; nous ne comprenons pas la dynamique qui anime les personnes qui s'injectent de la cocaïne jusqu'à 20 fois par jour : nous avons donc besoin de gens qui peuvent nous fournir plus d'information. [Le VANDU] est prêt à nous faire connaître cette réalité. Peu importe qu'elle provienne des médias ou du monde académique, toute personne souhaitant comprendre la situation est invitée à venir la constater par elle-même. [Le VANDU] a joué un rôle essentiel d'éducateur populaire : 'Vous voulez savoir? Venez voir, nous allons vous montrer!' ". Il est arrivé au VANDU de fournir une rétroaction indispensable concernant des études ou des services, aux chercheurs et aux dirigeants du domaine de la santé publique, en leur offrant des descriptions vibrantes puisées à même la culture et l'organisation sociale de la communauté des utilisateurs de drogue. Dans ce domaine comme tant d'autres, le VANDU demeure une ressource sous-utilisée. Comme l'a mentionné Sam Friedman, chercheur très connu : " Les groupes d'utilisateurs peuvent nous fournir des données sociales et épidémiologiques sur l'évolution de l'organisation sociale des utilisateurs de drogue et sur leurs comportements à risque et de protection. Ces données permettraient aux autorités de cerner les situations pouvant conduire à l'éruption d'épidémies avant qu'elles ne se produisent ".6 Plusieurs étudiants universitaires ont consacré du temps au VANDU afin d'acquérir de l'expérience sur le terrain. Les membres de l'organisme ont aussi travaillé bénévolement à organiser conférences et colloques sur l'utilisation des drogues injectables à Vancouver, dont " Out of Harm's Way " (1999) et " Keeping the Door Open: Health, Addictions and Social Justice " (2000), auxquels ils ont aussi participé. Les membres ont également prononcé des allocutions lors de conférences nationales et internationales, y compris lors de la Conférence internationale sur la réduction des méfaits de 2000, tenue à New Delhi, en Inde.

Soins et soutien communautaire

Les membres du VANDU fournissent des soins et du soutien aux utilisateurs de drogue par l'entremise de plusieurs programmes :

Dans une ruelle du centre-ville, un bénévole d'une patrouille de ruelles s'arrête pour échanger des seringues et offrir quelques mots de réconfort.

  • Patrouilles de ruelles : les membres de ce programme patrouillent les ruelles de l'est du centre-ville par quart de huit heures. Le programme fournit des services d'approche aux utilisateurs de drogue dans les ruelles et les cours du quartier. Ces services permettent de contacter les utilisateurs de drogue qui sont le plus à risque de contracter l'infection par le VIH ou de mourir d'une surdose. Les bénévoles distribuent du matériel d'injection stérile pour aider à prévenir la propagation du VIH et de l'hépatite C; ils ramassent les seringues utilisées et offrent du réconfort aux personnes qu'ils rencontrent. Les bénévoles de ce programme ont tous reçu une formation en premiers soins et en RCR. Les patrouilles travaillent généralement lorsque les échanges de seringues sont fermés pour la nuit.

Les bénévoles du programmes de rue, derrière la table du VANDU, coin Hastings et Main.

  • Récupération de seringues : les bénévoles du VANDU ramassent les seringues dans les hôtels bas de gamme du quartier. Commentant leurs efforts pour nettoyer le quartier Strathcona, un fournisseur de service a mentionné que " [le VANDU voulait] montrer que les utilisateurs peuvent être un élément de solution ". À propos du programme de récupération des seringues dans les hôtels, un bailleur de fonds a fait remarquer que " les bénévoles se présentent dans les hôtels et ramassent les seringues. Ils rencontrent des propriétaires très durs qui ne s'intéressent qu'à leurs 325 dollars par mois, et ils leur enseignent la réduction des méfaits. " ·
  • Toilettes de nuit : en réponse aux inquiétudes croissantes concernant l'accès limité à des installations sanitaires de base pour les personnes qui vivent la nuit dans les rues de l'est du centre-ville, le VANDU a exercé des pressions sur la Ville de Vancouver pour que des toilettes portables soient accessibles coin Hastings et Main. Elles sont supervisées par les bénévoles du VANDU et du Carnegie Centre, en deux quarts - de 18 heures à minuit et de minuit à 6 heures - heures pendant lesquelles les autres installations du quartier sont fermées. Il faut souligner que le VANDU a d'abord milité pour que des toilettes portables soient installées coin Hastings et Main. Comme l'a constaté un décisionnaire : " Ils ont vraiment dû se battre pour cette toilette, ce qui indique une réelle lacune dans notre prestation des services dans ce quartier. Ça semblait si simple! C'est triste à dire, mais ces toilettes portables sont l'une des choses les plus importantes qui soient arrivées ".

Un bénévole d'une patrouille de ruelles s'assure que les seringues utilisées sont ramassées de manière sécuritaire.

  • Échange de seringues : les membres du VANDU ayant mentionné qu'il est difficile d'obtenir des seringues durant les heures où les échanges de l'est du centre-ville sont fermés, le VANDU a tenté d'améliorer l'accès à des seringues stériles; il échange actuellement les seringues sur le site des toilettes de nuit.
  • Programme de visite à l'hôpital : Grâce à ce programme, les utilisateurs hospitalisés reçoivent la visite de membres venus les réconforter. Un membre du comité de direction explique : " Nous visitons nos frères et sours une fois par semaine, et nous leur disons de ne pas partir avant le temps et de prendre leurs médicaments. Nous leur offrons du réconfort et nous leur racontons ce qui se passe dans la rue ". ·
  • Défense des intérêts : le VANDU s'efforce également d'aider les personnes dans le besoin grâce à un travail individuel de défense des intérêts. L'ensemble des membres possède une riche expérience et des connaissances considérables sur la façon d'obtenir des services limités - tel un logement à prix modique. Les utilisateurs de drogue s'entraident pour affronter les différents défis qui se présentent à eux : faire affaires avec les bureaucraties, remplir des formulaires de demande d'emploi, surmonter les obstacles juridiques. Étant donné le potentiel de cette ressource, au demeurant fort peu soutenue, certaines des personnes rencontrées se sont dites frustrées d'une situation qui ne permet pas au VANDU de créer un poste à temps plein pour répondre aux besoins individuels de défense des droits de ses membres dans des domaines comme l'assistance sociale, la prison, le logement et l'accès à la méthadone.

L'étude des documents et des registres de l'organisme nous a permis de découvrir quelques programmes qui n'ont plus cours. Ainsi, le projet de services d'approche officiellement intitulé le VANDU Health Network n'existe plus, bien que l'entraide et l'éducation entre pairs fassent toujours partie du programme, avec les réunions et les services d'approche. En utilisant un réseau d'éducation dirigé par les utilisateurs, le programme visait à réduire la transmission des maladies à diffusion hématogène et les décès par surdose. Pendant trois mois, les membres ont occupé un local de plain-pied sur la rue Dunlevy, en face du parc Oppenheimer. Grâce à ce point de service, ils ont pu offrir des services d'approche à plusieurs utilisateurs de rue et à des travailleurs de l'industrie du sexe.

Éventuellement, le manque de fonds a eu raison du VANDU Health Network. Le financement constitue toujours une contrainte majeure, mais les entrevues et les documents suggèrent que d'autres facteurs ont contribué aux changements de programmation. Plusieurs des personnes rencontrées ont mentionné que les activités naissent en réponse aux besoins exprimés par les personnes qui s'impliquent dans le VANDU et que les programmes visent à répondre aux problèmes immédiats des utilisateurs. De plus, les changements au sein des membres et du conseil d'administration, tout comme la participation des bénévoles aux comités consultatifs ou aux groupes d'intérêt, peuvent signifier que l'énergie consacrée aux différentes activités variera selon les priorités du moment. Un fournisseur de services a commenté en ces termes : " Je crois que le plus difficile pour le VANDU - et c'est là qu'ils sont vraiment épatants - c'est de conserver une certaine formule. Je crois que le fait qu'ils y arrivent est en grande partie dû à Ann Livingston. Cela fait aussi partie du cycle de la dépendance : les gens jouent un rôle qui finit par les dépasser, les choses commencent à mal aller, alors quelqu'un d'autre doit prendre la relève, ou les choses doivent attendre ".

Le VANDU évalue constamment ses activités en consultant ses membres lors des rencontres du conseil d'administration. Les questions soulevées par les membres du VANDU ou du conseil d'administration sont étudiées lors des rencontres hebdomadaires et des réunions du conseil d'administration. Lorsque ce dernier vote une résolution concernant la solution à un problème, les activités sont ajustées pour refléter cette décision. Les membres du comité de direction et du conseil d'administration peuvent exprimer leur opinion sur la façon dont les programmes sont menés, mais au bout du compte, les décisions sont prises démocratiquement par l'ensemble du conseil. Aucune opinion n'est plus importante qu'une autre; peu importe leur position ou leur ancienneté, tous les membres ont le même poids. Comme l'explique un des membres du conseil : " Nous sommes au service de la communauté. Pas de communauté, pas de VANDU. Nous prenons note de tout ce qui se dit aux rencontres. C'est comme ça que nous définissons les besoins, que nous planifions notre action, et que nous évaluons nos efforts : en épluchant le tableau de conférence ".

Le VANDU a aussi engagé des consultants du milieu académique pour obtenir de l'aide dans l'évaluation officielle de ses programmes. Des méthodes qualitatives et quantitatives ont été utilisées, jumelées à des approches en recherche communautaire. Ainsi, un consultant a récemment été engagé pour évaluer les rencontres sur l'hépatite C. L'évaluation a démontré que les utilisateurs qui assistent aux réunions les trouvent aidantes en termes de soutien social, d'éducation sur leur maladie et sur les façons d'éviter de contracter ou de transmettre d'autres maladies à diffusion hématogène. Le VANDU est tenu de produire des évaluations afin de pouvoir continuer à recevoir du financement.

Action sociale : le VANDU dans la collectivité

" Nous sommes au service de la communauté. Pas de communauté, pas de VANDU. " - un membre du comité de direction

" Il en faut, des gens véhéments et revendicateurs, à la périphérie, si on veut que le centre bouge... et inutile d'essayer de faire comme s'ils n'existaient pas. Ils sont éloquents, ils sont passionnément engagés, et ils s'accrochent à leurs demandes jusqu'à ce que quelque chose de déterminant se produise ". - un décisionnaire

Earl Crow, président du VANDU, s'adressant à la foule devant le Carnegie Centre.

Le VANDU revendique et défend les droits des utilisateurs de drogue en mettant en oeuvre des actions de différent ordre. Les membres du comité de direction participent aux rencontres municipales de planification des politiques sur les drogues, ainsi qu'aux rencontres fédérales et provinciales sur la réduction des méfaits. Un fournisseur de service l'a souligné : " Le VANDU représente la voix des utilisateurs et, à mon avis, il rend un immense service à la collectivité. Leurs représentants participent à toutes les conférences : ils sont à Ottawa, ils sont même en Inde! ". Un bailleur de fonds a ajouté : " Ils sont considérés comme la voix des utilisateurs de drogues injectables, et cette voix est écoutée parce qu'elle est à la fois passionnée et rationnelle. Si le VANDU n'existait pas, comment la communauté des utilisateurs de drogues injectables pourrait-elle se faire entendre? Ces personnes souffriraient encore davantage! ".

Bud OSborn, fondateur du VANDU, s'adressant à la foule devant le Parlement à Ottawa

Le VANDU organise des marches et des manifestations pacifiques et participent à cette forme d'action sociale afin d'attirer l'attention des décisionnaires du domaine de la santé sur les problèmes de l'utilisation des drogues injectables. Comme l'a rappelé un fournisseur de services : " Je me souviens de quelques-unes de leurs extraordinaires manifestations, la marche à l'Hôtel de Ville, les 2 000 croix érigées dans le parc Oppenheimer. Il y avait des infirmières en larmes, c'était terriblement émouvant! ".

Les membres du VANDU agissent directement comme consultants auprès des ministères fédéraux et de l'administration locale en ce qui a trait aux programmes pour utilisateurs de drogues injectables. Le coordonnateur de la politique sur les drogues de Vancouver explique : " L'organisme est un allié très important. Il faut que nous soyons soutenus dans nos initiatives par un groupe bien organisé et assez important qui peut nous dire 'oui, cela aiderait' ". Rappelant le rôle du VANDU lors d'une récente conférence sur l'utilisation des drogues à Vancouver, un bailleur de fonds a mentionné : " Le VANDU a beaucoup contribué à cette conférence, à sa réalisation ".

L'éducation populaire est aussi un domaine où le VANDU joue un rôle communautaire essentiel. Plusieurs des personnes rencontrées ont mentionné que le VANDU avait beaucoup contribué au changement des perceptions sur les utilisateurs de drogue. Un fondateur a expliqué que " le VANDU avait aidé beaucoup de gens à se débarrasser de leurs stéréotypes "; il a raconté ce qu'a signifié la présence d'un membre du VANDU au comité d'organisation de la conférence : " Les gens du comité ont commencé à voir X comme une personne, et non plus comme un utilisateur de drogue ".

Presque toutes les personnes rencontrées s'entendent pour dire que la principale force du VANDU est sa capacité d'aller chercher les utilisateurs sur leur propre territoire. C'est l'un des thèmes que nous avons dégagés des rencontres avec les membres et les non-membres. On croit à juste titre que le VANDU peut aider les utilisateurs de multiples manières, puisque qu'il est dirigé par des utilisateurs. Un bailleur de fonds a constaté que " la position du VANDU est idéale pour exercer de la prévention secondaire et tertiaire ".

Les membres du VANDU interrompent la réunion du conseil municipal après que le maire ait annoncé un moratoire de 90 jours sur la création de nouveaux services pour les utilisateurs de drogue. Le maire a suspendu la séance pour permettre aux membres du VANDU de s'exprimer.

Les activités du VANDU influencent la communauté des utilisateurs de drogue de plusieurs façons. Les programmes mentionnés plus haut ciblent les besoins de manière spécifique et planifiée, et leurs bienfaits profitent à l'ensemble de la communauté. Un autre avantage est que les utilisateurs directement impliqués dans le VANDU profitent également du soutien social qui découle de la participation communautaire. Cette conséquence est illustrée par ce commentaire d'un ancien membre du conseil d'administration : " Je n'ai pas arrêté de consommer, mais le sentiment de fraternité, quand tu te retrouves entre pairs... le VANDU a fait beaucoup pour moi! ". En plus du soutien entre pairs, il semble que le VANDU permette aussi aux utilisateurs de prendre conscience de leur valeur, au-delà des stéréotypes que leur impose la société bien-pensante. Comme l'a expliqué un membre : " [Le VANDU] permet aux gens de vivre ce que cela signifie, avoir du travail et des responsabilités. Toutes les croyances négatives dont ils ont été abreuvés en tant que toxicomanes disparaissent et ils constatent qu'ils sont compétents. Cela les aident à grandir, à se connaître et à comprendre qu'ils ont le choix ". En réalisant qu'en tant qu'utilisateurs, leurs choix peuvent faire une différence, les membres peuvent se réinventer ou se considérer sous un angle plus positif et plus productif qui contraste radicalement avec le jugement débilitant que porte habituellement la société sur les utilisateurs de drogue. Un des membres fondateurs l'explique clairement lorsqu'il déclare :

" La sagesse et l'expérience collective s'unissent, mais tu commences aussi à te percevoir différemment. Je fais partie de quelque chose pour ce que je suis, pas pour ce que je ne suis pas. Pour ce que je suis : un toxicomane, pauvre, atteint de l'hépatite C, qui vit dans un taudis et tout ça. Et quelqu'un te dit : 'Ouais, c'est à cause de ça que tu es important. Tu peux contribuer à aider beaucoup de gens et à sauver des vies. Ton expérience peut contribuer à ça.' Alors, j'éprouve un sentiment différent envers moi-même ".

Leçons tirées de l'expérience

Plusieurs leçons ont été tirées de l'expérience du petit groupe réuni pour former l'organisme qui devait devenir le Vancouver Area Network of Drug Users. La plus importante est probablement que le VANDU a démontré, comme d'autres organismes dirigés par les utilisateurs, que les utilisateurs de drogue peuvent s'organiser et enrichir leur communauté et l'ensemble de la collectivité. Tout au long de ses années de lobbying et d'action sociale, le VANDU a exprimé les inquiétudes des utilisateurs de drogue sur la scène politique. Qui plus est, il a joué un rôle extrêmement important d'éducateur populaire en confrontant le monde extérieur - décisionnaires, chercheurs et autres parties intéressées - à la réalité de l'est du centre-ville de Vancouver. Il est clair que les soins et le soutien fournis par le VANDU sont indispensables à la population de ce quartier. Comme l'explique un fondateur : " Le groupe d'utilisateurs accomplira des choses qu'aucun professionnel de la santé ne pourra jamais réussir. Ça, c'est une leçon importante. " Les membres gagnent beaucoup à participer au VANDU. Un des fondateurs le souligne : " Tu apprends énormément avec le VANDU. Tu apprends comment animer une réunion, parler aux représentants des gouvernements, aux médias; ensuite, tu peux partir et faire la même chose ailleurs ". Au-delà de l'acquisition des compétences, il semble que leur participation donne un but à plusieurs membres, de même qu'une occasion d'acquérir plus de respect d'eux-mêmes. Un des membres du comité de direction a déclaré : " Le VANDU nous offre un peu de dignité. Il nous donne une raison de sortir du lit, le matin ".

On ne peut mettre en doute l'importance de l'aide apportée par le VANDU à la réduction des méfaits associés aux drogues chez ses membres, grâce à des activités de soutien, d'éducation et de soins. Les membres sont aussi d'avis que leur message éducatif est entendu par l'ensemble de la communauté des personnes qui consomment des drogues. De plus, la réduction des méfaits a été fortement encouragée chez les personnes directement touchées par les services d'approche du VANDU, que ce soit parce qu'elles ont reçu des seringues stériles d'une patrouille de ruelles ou parce qu'on leur a rappelé de ne pas s'injecter en solitaire.

Au fil des années, le VANDU a dû faire face à un certain nombre de défis. Dans l'ensemble, les difficultés de financement et le décès des membres, suite à des accidents, à des surdoses, au VIH/sida ou aux autres maladies, ont pesé lourd sur l'organisme. De plus, les modestes subventions accordées, et le désir des membres d'en faire tant et plus, ont quelquefois mis les ressources humaines et financières à rude épreuve. Le personnel se dépense sans compter, travaillant d'innombrables heures sans être payé, se rendant entre autres au coin de Hastings et Main pour superviser le changement de quart de minuit. Qui plus est, certains membres dévoués travaillent quart après quart, à des heures indues, pour un cachet dérisoire. Une des personnes rencontrées a déclaré : " C'est difficile pour le personnel de ralentir quand autour, les bénévoles travaillent passionnément et terriblement fort pour sauver quelques vies de plus. Nous vivons avec la mort, ici! " Un décisionnaire a indiqué qu'en dépit du dévouement des bénévoles et du personnel, il s'inquiète que " l'organisme n'implose à cause du manque d'appui et de l'envergure de son action ". Il est vrai que plusieurs programmes ont dû être abandonnés, alors que d'autres, disparus, ont été repris quelques mois plus tard. À l'avenir, faire fonctionner et soutenir toutes ces activités exigera une augmentation substantielle du financement, à défaut d'une réduction de l'ampleur des programmes et des activités.

L'organisme déclare n'avoir aucun regret. Comme le mentionnait un des membres au sujet de la mise sur pied du VANDU : si c'était à refaire, il faudrait juste espérer que " les décisionnaires et les agences extérieures soient disposés à répondre au problème plutôt qu'à se contenter d'en parler ". La santé de l'organisme est bonne, son fonctionnement bien géré, et les problèmes qu'on s'attendrait à rencontrer dans un organisme dirigé par des utilisateurs de drogue n'existent pas. Ainsi, en ce qui concerne la violence et la criminalité, l'expérience du VANDU tendrait à réfuter plusieurs des stéréotypes sur les utilisateurs de drogue. Un des membres du conseil d'administration a expliqué cette constatation en ces termes : " Le respect des pairs prévient l'apparition de cette forme d'hostilité entre nous. Même si une question est férocement débattue lors d'une réunion, personne ne quittera la table en colère ". Un autre membre a par ailleurs souligné : " Il n'y a pas plus de vols au VANDU qu'il n'y en aurait à la bibliothèque municipale si vous y laissiez vos affaires sans surveillance pendant un moment ". Le dévouement étant la qualité qui décrit le mieux l'engagement des membres, les problèmes découlant de l'engagement et de la fiabilité sont donc rares chez les bénévoles.

Alors que l'engagement de non-utilisateurs dans les activités du VANDU suscite une certaine controverse, certains des membres rencontrés le considère comme un atout. Il semble que le personnel fournisse la continuité et la stabilité nécessaires à cet organisme souvent troublé par l'instabilité qui colore la vie de plusieurs de ses membres. Néanmoins, cela peut aussi signifier que jusqu'ici, le VANDU a eu de la chance. En effet, l'organisme est extrêmement fortuné de pouvoir compter sur des employés qui soutiennent la mission et les objectifs du VANDU parce que leur propre philosophie en épouse les valeurs et les principes. Après avoir observé le fonctionnement interne, nous avons constaté que l'utilisation, par le personnel, de méthodes d'éducation populaire et d'animation de groupe sert à minimiser leur influence personnelle et à maximiser l'apport des utilisateurs eux-mêmes. Dans un autre milieu, et avec des personnes moins engagées, cet équilibre fragile serait vite rompu. Comme l'a déclaré un fondateur, en bout de ligne, " il faut que ce soit les utilisateurs qui s'organisent ". L'organisme aurait du mal à remplacer le personnel actuel. Le cas échéant, cette tâche reviendrait au conseil d'administration qui devra s'assurer de l'intensité de l'engagement du nouveau personnel envers la mission du VANDU et du respect de ses valeurs.

Directions d'avenir

Par nécessité, l'avenir du VANDU risque fort de ressembler à son passé. La crise en santé publique fait toujours rage chez les utilisateurs de drogue, et l'inaction gouvernementale en la matière est fort bien documentée.2,3,24,25 Comme l'a déclaré un décisionnaire : " Toute cette situation d'urgence en santé publique a surgi et a disparu. Rien d'important n'est arrivé. Le VANDU continue de ramener le sujet sur le tapis en disant : 'Venez faire un tour au centre-ville et nous vous montrerons que la situation n'a pas changé depuis 1997' ". Rien n'indique que le VANDU mettra fin à ses activités. Un membre du conseil de direction résume ainsi la question : " Il y a plusieurs problèmes et le VANDU veut tous les régler ". L'organisme entend continuer à mener les luttes dans lesquelles il est engagé depuis toujours. Un membres du conseil de direction a élaboré sur le sujet : " La vision du conseil est d'avoir des centres d'injection supervisés, de meilleures conditions de vie, de mettre fin à la maladie, et d'empêcher la mort... Que les gens que nous représentons puissent vivre. Longtemps ". Un membre du conseil d'administration a aussi mentionné qu'il existe une volonté de mettre en ouvre de nouvelles activités pour venir en aide au tiers des membres de l'organisme qui sont d'origine autochtone.

Le VANDU entend également avoir un local de plain-pied avec la rue près d'une des scènes de drogue. L'expérience du VANDU Health Network a démontré que le local sur Dunlevy était très apprécié des bénévoles, de plusieurs des utilisateurs de drogue de la rue et des travailleurs de l'industrie du sexe. Un membre du conseil de direction a déclaré : " Le seul changement que j'apporterais au service serait d'ouvrir un local sur la rue où les gens se tiennent. Comme celui sur Dunlevy. Cet endroit a changé la vie de beaucoup de gens. Si nous avions de l'argent, je crois que c'est ce que nous ferions. Ici, nous sommes à la limite de Gastown, et peu de nos frères et sours s'aventurent jusqu'ici ". Le fait que les bénévoles pouvaient accommoder plus de femmes constituait un autre des avantages de ce local sur la rue. Situé en face du parc Oppenheimer, ouvert toute la nuit, il permettait aux travailleuses de l'industrie du sexe et au reste de la clientèle d'entrer se reposer un moment, à proximité de la scène de drogue.

L'avenir pourrait également consister à retourner à la vision originale du VANDU qui se voulait un réseau de groupes d'utilisateurs de drogue dirigés par des pairs. Pour l'instant, les activités du VANDU se limitent à l'est du centre-ville de Vancouver. Toutefois, il est de notoriété publique que des communautés utilisatrices de drogue existent également dans le Lower Mainland.26 Elles gagneraient beaucoup à instaurer une relation de mentorat avec le VANDU. Par ailleurs, le rôle grandissant de l'organisme dans le débat national sur l'utilisation des drogues l'a conduit à établir des contacts pancanadiens : à long terme, le VANDU aimerait devenir un maillon du réseau national des utilisateurs de drogue. " Que ce soit le MANDU à Montréal ou le WANDU à Winnipeg, à long terme, nous sommes intéressés à former un réseau national préconisant une stratégie nationale de réduction des méfaits ". Selon l'organisme, cette stratégie consisterait à mettre sur pied des centres d'injection supervisés où les utilisateurs auraient accès à du matériel d'injection stérile, à des services de traitement et aux services d'un personnel médical, ainsi qu'à instaurer des programmes de maintien par les stimulants et les opiacés. En dépit de ces buts à large portée, l'organisme se concentre toujours sur les défis actuels, tout en continuant de croire que ses buts à long terme seront atteints une étape à la fois, qu'il s'agisse de faire visiter les ruelles de l'est du centre-ville aux membres du Parlement, ou d'exiger du conseil municipal qu'il installe des toilettes de nuit pour la population de rue.

Les agences et les fournisseurs de services ont tout à gagner d'une collaboration avec le VANDU. Comme l'a souligné un fondateur : " Je crois que les agences hésitent à utiliser le VANDU au meilleur de ses capacités. En fait, si l'organisme recevait une aide adéquate, il pourrait accomplir encore plus qu'on le croit ". En étudiant les efforts de prévention du VIH à Vancouver, Sam Friedman a en effet recommandé que :

" (...) les utilisateurs qui ont de l'expérience dans les activités de réduction des méfaits accompagnent les intervenants en services d'approche, les infirmières et les autres fournisseurs de soins dans la rue et les hôtels. Cela présente plusieurs avantages, comme augmenter la crédibilité du personnel auprès des utilisateurs et le former aux réalités de la rue. Cela augmente aussi l'impact des services d'approche et des autres programmes, dans la mesure où le travail à deux répond au besoin du personnel de renforcer sa sécurité (puisque l'utilisateur accompagnateur contribue à sa protection) ".6

Mais en essence, l'avenir du VANDU peut dépendre de sa capacité à concevoir des façons créatives d'appuyer le personnel et les membres. Depuis ses débuts, l'organisme a assumé des responsabilités considérables sans beaucoup de soutien, financier ou autre. Les récompenses sont évidentes pour le personnel et les membres, mais elles ont leur prix. Il semble peu probable que le VANDU puisse soutenir le même rythme face aux terribles conditions actuelles et à l'inaction gouvernementale. Adéquatement soutenu, le VANDU peut perpétuer le travail unique et sans prix qu'il a entrepris en réponse aux crises actuelles en santé publique et continuer à prendre de l'expansion. Comme l'a écrit Sam Friedman : " Le VANDU est un organisme extrêmement prometteur. Il pourrait devenir l'un des organismes d'utilisateurs les plus puissants au monde, en particulier s'il est appuyé et financé par les autorités sanitaires ".

Études subséquentes

Dans cette étude de cas, notre objectif consistait à documenter l'évolution du VANDU, des premières rencontres des fondateurs au réseau actif d'aujourd'hui. Ce projet de recherche éclairera donc le sujet de la naissance du VANDU, mais soulèvera aussi des questions sur la façon dont l'organisme pourrait être mieux incorporé au cadre de la santé publique pour réduire davantage les méfaits associés à l'utilisation des drogues illégales. Ces questions s'avèrent particulièrement pertinentes, au vu du fait que le modèle de santé publique, tel qu'il existe actuellement, n'a pas réussi à prévenir la transmission du VIH et de l'hépatite C, ni à réduire de beaucoup le nombre de décès par surdose et les autres méfaits associés aux drogues. Compte tenu de la complexité des organismes d'utilisateurs de drogue et de la crise en santé publique qui continue de ravager cette population, les décisionnaires chargés des politiques de santé pourraient être intéressés à en apprendre davantage sur les organismes comme le VANDU.

Ainsi, peu d'études ont étudié l'impact de leur participation à un groupe d'utilisateurs de drogue chez les personnes activement engagées dans de telles organisations. Il faut souligner que les décès par surdose sont extrêmement rares chez les membres du VANDU, alors qu'il sont fréquents chez les non-membres. Il faut également souligner que, dans le cadre de notre étude, plusieurs des membres rencontrés ont mentionné que leur participation au VANDU les avaient également aidés à abandonner les comportements qui comportent le risque de contracter les maladies à diffusion hématogène, ce qui présente des implications significatives en ce qui concerne la transmission de l'hépatite C, du VIH et des autres maladies infectieuses. D'autres questions demandant réponse portent sur les bienfaits sur la santé physique et psychosociale attribuables à la participation des membres au VANDU.

Par ailleurs, l'impact du VANDU sur les utilisateurs de drogue qui ne sont pas membres de l'organisme est un sujet qui n'a pas encore été évalué. Grâce aux initiatives de soutien et aux services d'approche - tel le programme de rue et les patrouilles de ruelles - les membres du VANDU rencontrent des utilisateurs chaque jour. Or, l'influence de ces initiatives sur la vie et les comportements à risque des non-membres doit être évaluée le plus rapidement possible, si l'on veut mettre en lumière le potentiel applicable à d'autres activités de réduction des méfaits et de promotion de la santé.

Il serait judicieux d'engager les membres du VANDU dans tous les aspects des futurs travaux de recherche, l'organisation et la mobilisation de l'organisme étant suffisante pour assurer l'efficacité de sa contribution. Au cours de notre étude, plusieurs membres se sont dits intéressés à préparer un " guide d'utilisateur " en version papier et électronique, afin de faciliter la création d'un réseau national d'utilisateurs de drogue. Compte tenu de l'expérience des membres, un guide très simple, avec des exemples de formulaire et d'affiche, et de l'information sur la façon de se constituer en société, représenterait un outil indispensable pour les personnes qui n'ont qu'une expérience limitée dans l'organisation des utilisateurs de drogue ou la négociation du labyrinthe bureaucratique.

Enfin, étant donné son contact étroit et quotidien avec les utilisateurs des scènes de drogue, le VANDU est idéalement placé pour obtenir de l'information sur les besoins des utilisateurs les plus marginalisés. À ce sujet, un débat national est présentement en cours, concernant la mise en place d'infrastructures d'injection sécuritaires ou supervisées.11 Malheureusement, obtenir de l'information des personnes qui seraient les plus susceptibles d'utiliser de telles infrastructures peut s'avérer particulièrement difficile pour les initiatives de recherche conventionnelles. Grâce à ses liens étroits avec les utilisateurs de rue, nul doute que le VANDU peut contribuer à la faisabilité des enquêtes précédant la mise en ouvre de nouveaux services, telles des infrastructures d'injection sécuritaires. Tiré de la Complainte d'un lobbyiste

et je me souviens de ce junkie de l'est du centre-ville
celui qui est sidatique
il est venu me voir récemment
après une de nos rencontres de drogués
où nous avons discuté
de notre lutte pour atteindre cet endroit
salvateur et éclairé
il avait été d'une telle éloquence pendant la réunion
il comprend la situation
dans sa chair
dans sa misère
dans sa colère
il comprend
pourquoi les gens le détestent
pourquoi ils veulent
le voir disparaître
et mourir
il m'a dit
tu me connais, je suis cynique
je crois pas que rien de bon
puisse nous arriver
mais la rencontre d'aujourd'hui
ça fait un peu
rêver
et l'espace d'un moment
j'ai vu sur son visage
une expression fugace
étrangère
une lueur d'espoir

- Bud Osborn Bibliographie

Bibliographie

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  2. O'Shaughnessy MV, Montaner JS, Strathdee S, Schechter MT. " Deadly public policy ", Int. Conf. AIDS, vol. 12, no 982, 1998 (abrégé no 44233).
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