Attachement aux parents et adaptation pendant l'adolescence : analyse
bibliographique et incidences politiques
Anna Beth Doyle, Ph.D. et Marlene M. Moretti, Ph.D.
Université Concordia
Université Simon Fraser
Avec la collaboration de
Kirsten Voss, M.A. Stephanie K. Margolese, M.A.
Université Concordia
Rapport préparé pour la Division de l'enfance et de
l'adolescence
(Numéro de dossier 032ss.H5219-9-CYH7/001/SS) 31 mars
2000
Adresse du premier auteur : Centre de recherche
en développement humain, Université Concordia, 7141, rue
Sherbrooke Ouest, Montréal (Québec), Canada H4B 1R6. Téléphone
: (514) 848-7538 - Télécopieur : (514) 848-2815 -Courriel
: abdoyle@vax2.concordia.ca.
Attachement aux parents et adaptation pendant l'adolescence
: analyse bibliographique et incidences politiques
Résumé
Ce document présente un compte rendu de l'analyse bibliographique
concernant le rapport entre l'attachement aux parents pendant l'adolescence
et l'adaptation psychologique et sociale des adolescents. Le document
résume les recommandations en matière de pratiques parentales
saines, les programmes gouvernementaux et la recherche.
Conclusions
"Question de recherche no 1 : L'attachement aux parents pendant l'adolescence a-t-il une
incidence sur l'adaptation psychologique et sociale des adolescents?
L'attachement profond pendant l'adolescence est lié à un
nombre moins élevé de problèmes de santé mentale,
notamment une diminution des taux de dépression, d'anxiété
et de sentiments d'incompétence personnelle1-5. Les
adolescents très attachés à leurs parents ont moins
de chances de se livrer à la toxicomanie, à adopter un comportement
antisocial et agressif et à s'engager dans des activités
sexuelles risquées2,6-9. Ils gèrent aussi beaucoup
mieux le passage à l'école secondaire et jouissent de relations
plus positives avec leur famille et leurs pairs10, 11. Ils
démontrent moins de préoccupations envers la solitude et
le rejet social que les adolescents moins attachés à leurs
parents et ils font preuve de plus de stratégies d'adaptation1,12.
Question de recherche no 2 : Quel rôle
les parents jouent-ils pour assurer un attachement profond pendant l'adolescence?
Les relations parent-enfant traversent d'importantes transitions pendant
l'adolescence, notamment une diminution du temps consacré aux parents
et un déplacement de la dépendance vers une réciprocité
mutuelle13,14. Les parents jouent un rôle important en
soutenant un attachement profond pendant ces transitions15.
Les adolescents profitent d'un soutien parental favorisant le développement
de l'autonomie tout en assurant une surveillance continue et une connexité
émotive. La disponibilité psychologique, la chaleur, l'écoute
active, la maîtrise du comportement, l'établissement de limites,
l'acceptation de la personnalisation et la négociation des règlements
et des responsabilités font partie des compétences parentales
particulières qui mettent en valeur le renforcement de l'attachement
et le développement de l'autonomie16-18. Le soutien
parental pendant les périodes stressantes de transition (par exemple,
le passage à l'école secondaire) laisse présager
une adaptation positive de l'adolescent11.
RECOMMANDATIONS
Incidences sur l'efficacité du rôle parental
- Les parents doivent reconnaître l'importance continue de leur
relation avec leur adolescent. Ils doivent prendre soin de ne pas confondre
le développement de l'autonomie de l'adolescent et le rejet de
la relation parentale.
- Les parents doivent être à la disposition de leur adolescent,
l'appuyer et être activement engagés à négocier
une plus grande autonomie et autosuffisance.
- Les parents doivent s'attendre à ce que leur adolescent leur
demande d'être plus disponibles et de l'appuyer pendant les périodes
de transition comme le passage à l'école secondaire. Les
parents doivent appuyer leur adolescent dans la planification et la
gestion efficaces de cette transition.
- Les parents doivent appuyer leur adolescent dans l'exploration des
normes sociales en écoutant ses préoccupations concernant
l'acceptation sociale et la pression des pairs, en discutant des valeurs
et des motifs d'établissement de limites et en négociant
les règlements nécessaires. Les parents doivent surveiller
la participation de leur adolescent à des situations susceptibles
de présenter un danger et voir avec lui à assurer sa sécurité.
- Les parents doivent prendre soin de ne pas faire abstraction des vrais
problèmes émotifs de leur adolescent en assumant qu'ils
sont causés par des changements physiologiques ou hormonaux associés
à cette période de développement.
- Les parents doivent prendre soin de ne pas rejeter les problèmes
associés à la relation adolescent-parent comme s'ils étaient
causés par l'âge, le tempérament ou d'autres caractéristiques
de l'enfant. Les parents et leur adolescent contribuent ensemble à
cette relation.
- Les parents doivent reconnaître l'importance continue de leur
relation avec leur adolescent pour que celui-ci puisse s'adapter, en
dépit de l'augmentation de l'intérêt et du temps
que leur enfant consacre à ses pairs. Les parents doivent connaître
et surveiller les groupes de pairs desquels leur adolescent fait partie
et leurs activités à l'école.
- Les parents doivent comprendre qu'au moment où leur adolescent
entre dans des relations romantiques, celui-ci peut profiter de leur
soutien affectif et de leur encadrement. Les parents doivent être
disponibles pour discuter avec leur adolescent de ses émotions,
de ses valeurs et de sa prise de décision concernant les questions
touchant l'intimité et l'aspect sexuel dans les relations romantiques.
- Il est conseillé aux parents d'un enfant ayant vécu
de grandes difficultés au cours des premières relations
enfant-parent de prévoir les défis de l'adolescence et
d'évaluer s'il a besoin d'un soutien en santé mentale.
- Les parents qui reconnaissent en eux les facteurs de risque pouvant
mettre en danger l'attachement précaire de leur adolescent peuvent
profiter de conseils ou de thérapies pour régler leurs
propres difficultés ou pour réduire la transmission du
risque à d'autres membres de la famille.
Incidences sur les programmes gouvernementaux
Le gouvernement doit appuyer les initiatives suivantes dans son programme
de santé mentale :
- Élaborer des initiatives d'éducation publique qui démythifient
l'éloignement de l'adolescent de ses parents et qui mettent en
valeur la reconnaissance et la compréhension de l'importance
de la relation parent-enfant. Parmi les stratégies visant ce
but figurent les campagnes de publicité-médias et la distribution
de brochures d'information par l'entremise des organismes gouvernementaux,
des bureaux de santé publique et des écoles. L'affectation
de fonds pour couvrir les frais de conférenciers spécialisés
et de matériel écrit et vidéo pour les groupes
de parents d'écoles secondaire de premier cycle et de second
cycle, les centres communautaires, les bibliothèques et autres
constituerait aussi une mesure efficace.
- Élaborer et évaluer des programmes pour aider les parents
à acquérir des compétences parentales efficaces
axées sur les adolescents, notamment les compétences nécessaires
pour les soutenir et les encadrer pendant les périodes de transition.
Cette initiative peut se réaliser rapidement par l'élaboration
de programmes universels ciblant l'entrée à l'école
secondaire et fournissant l'éducation et le soutien en relation
avec les transitions dans les relations parent-enfant et les compétences
parentales efficaces.
- Élaborer et évaluer des programmes ciblés se
concentrant sur les questions relatives à l'attachement et les
stratégies parentales efficaces pour les adolescents à
risque élevé et leur famille.
- Appuyer une formation éducative offerte par des professionnels
de la santé mentale et d'autres professionnels touchés
par la prestation de services pour augmenter la compréhension
des questions ayant trait à l'attachement de l'adolescent et
accroître la sensibilisation à ce sujet.
"Recommandations pour les initiatives de recherche
- Élaborer et valider des mesures d'attachement pour les adolescents
fondées sur l'autodéclaration, l'observation ou l'entrevue.
- Effectuer une recherche sur les déterminants de stabilité
et de changement dans l'attachement, de l'enfance à l'adolescence
et de l'adolescence à l'âge adulte.
- Enquêter sur les transitions dans les fonctions d'attachement
des parents, des pairs et des partenaires romantiques, du début
de l'adolescence jusqu'au début de l'âge adulte.
- Documenter l'émergence des représentations d'attachement
généralisées par rapport aux représentations
d'attachement différenciées, du début de l'adolescence
jusqu'au début de l'âge adulte.
- Enquêter sur le rôle parental relatif aux changements
reliés à l'attachement pendant l'adolescence : passage
de l'attachement profond à l'attachement précaire par
rapport au passage de l'attachement précaire à l'attachement
profond.
- Déterminer les éléments de médiation et
de modération du rapport entre l'attachement de l'adolescent
et son fonctionnement au début de l'âge adulte (c'est-à-dire
la pauvreté, la psychopathologie parentale, les relations avec
les pairs, la réussite scolaire).
- Élaborer et évaluer des programmes universels et ciblés
se concentrant sur l'attachement aux parents, les relations familiales
et l'adaptation pendant l'adolescence.
Principales références
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- Karavasilis, K., Doyle, A.-B., et Margolese, S. K. (1999). Links
between parenting styles and adolescent attachement. Poster presented
at the biennial meetings of the Society for Research in Child Development,
Albuquerque, Mars.
I Objectifs |
|
|
II Analyse bibliographique |
1. |
Contexte: Le défi de l'adolescence pour les jeunes
et leurs parents |
2. Théorie de l'attachement |
3. Attachement et adaptation pendant l'enfance |
4. |
Développement de l'attachement pendant l'adolescence |
5. Attachement et adaptation pendant l'adolescence |
6. Rôle parental, profondeur de l'attachement et
adaptation pendant l'adolescence |
7. Attachement, socialisation parentale et sexe |
8. Contexte culturel et social |
|
|
III Incidences sur le rôle parental |
1. |
Adolescence : Détachement ou autonomie? |
|
Ce que les parents doivent savoir |
|
Ce que les parents doivent faire |
2. |
De quelle façon les parents peuvent-ils contribuer
au développement sain de l'adolescent? |
|
Ce que les parents doivent savoir |
|
Ce que les parents doivent faire |
3. |
À quel moment l'attachement profond est-il particulièrement
bénéfique aux adolescents? |
|
Ce que les parents doivent savoir |
|
Ce que les parents doivent faire |
4. |
Hormones : Quelle est leur importance? |
|
Ce que les parents doivent savoir |
|
Ce que les parents doivent faire |
5. |
Relations avec les pairs et pairs par rapport à
parents comme sources d'influence sur les adolescents. |
|
Ce que les parents doivent savoir |
|
Ce que les parents doivent faire |
6. |
Relations romantiques |
|
Ce que les parents doivent savoir |
|
Ce que les parents doivent faire |
7. |
Est-ce que certains adolescents ont plus de chances
d'avoir des problèmes d'attachement pendant l'adolescence? |
|
Ce que les parents doivent savoir |
|
Ce que les parents doivent faire |
8. |
De quelle façon la psychopathologie parentale
et le style d'attachement du parent sont-ils reliés à
l'attachement de l'adolescent? |
|
Ce que les parents doivent savoir |
|
Ce que les parents doivent faire |
9. |
Jusqu'à quel point les caractéristiques
de l'enfant plutôt que les caractéristiques du rôle
parental représentent-elles la profondeur de l'attachement?
xviii Ce que les parents doivent savoir Ce que les parents doivent
faire |
|
Ce que les parents doivent savoir |
|
Ce que les parents doivent faire |
10. |
Stabilité de l'attachement pendant l'adolescence |
|
Ce que les parents doivent savoir |
|
Ce que les parents doivent faire |
IV Incidences sur les politiques gouvernementales
et recommandations pour la recherche à venir |
1. |
Éducation parentale ciblant le mythe du détachement
de l'adolescent |
|
|
|
|
|
|
|
|
2. |
Stratégies de soutien pour les parents d'adolescents |
3. |
Ressources existantes et besoins à venir |
4. |
Comprendre l'influence des pairs et des partenaires
romantiques |
5. |
Le rôle du contexte dans le lien attachement-'adaptation |
|
|
|
|
Résumé des directives de recherche |
Résumé : recommandations pour
la recherche à venir |
I Objectifs
L'attachement profond est de plus en plus reconnu comme un élément
central de l'apprentissage fonctionnel à l'indépendance
durant tout la vie. Au cours des deux dernières décennies,
les chercheurs ont précisé le rôle du renforcement
de l'attachement en mettant en valeur le bien-être psychologique
pendant l'enfance et l'âge adulte. Plus récemment, l'attention
s'est tournée sur la compréhension du rôle de l'attachement
aux parents pour assurer une adaptation saine pendant l'adolescence. Les
objectifs de ce document comportent deux volets :
- Analyser la bibliographie et fournir une critique qualitative du rapport
entre l'attachement adolescent-parent et l'adaptation de l'adolescent;
- Élaborer des recommandations relatives à des pratiques
parentales saines mettant en valeur la qualité de l'attachement
adolescent-parent et déterminer les incidences politiques sur
les programmes gouvernementaux.
II Analyse bibliographique
À titre d'introduction à la question du rôle de l'attachement
profond dans l'adaptation saine de l'adolescent, nous commençons
par une brève discussion sur le défi spécial qu'engendre
la période d'adolescence pour les enfants et leurs parents.
1. Contexte : Le défi de l'adolescence pour les jeunes et leurs
parents
L'adolescence apporte de nouveaux défis et de nouvelles possibilités
pour se comprendre à l'intérieur de notre contexte social.
Les écarts de croissance dans la capacité métacognitive
et représentationnelle qui surviennent pendant l'adolescence (Case,
1985; Chalmers et Lawrence, 1993; Selman, 1980) favorisent une vision
hautement différenciée et complexe de soi et des autres
(Harter, 1990; Marsh, 1989; Moretti et Higgins, 1990; Moretti et Higgins,
1999). Les adolescents se forment des perceptions généralement
de plus en plus abstraites d'eux-mêmes et des autres en considérant
de multiples attributs.
Mais le plus important, c'est qu'ils acquièrent des capacités
métacognitives leur permettant simultanément de comparer
leur propre évaluation de ces attributs et de les distinguer des
évaluations qu'ils croient que les autres, tels que leurs parents
et leurs pairs, font. Les adolescents peuvent de plus spéculer
sur ce que serait le fait d'être une personne différente,
d'être dans une relation différente avec leurs parents ou
avec leurs pairs, et ainsi de suite. La capacité de l'adolescent
à représenter ces scénarios lui fournit la possibilité
d'imaginer et de jouer un autre rôle de lui-même dans sa relation
avec les autres et de considérer les conséquences liées
au fait d'essayer des rôles différents.
L'adolescence apporte aussi une période de transition importante
dans les attentes de la famille et en ce qui a trait au rôle social,
accompagnée d'un accroissement de l'étendue et du degré
d'intimité dans les rapports sociaux (Buhrmester et Furman, 1987;
Selman, 1980). Les transitions cognitives et sociales de la période
d'adolescence offrent la possibilité d'explorer de nouveaux rôles
personnels et sociaux et d'entamer de nouvelles relations, différents
et complexes. L'intégration de nouveaux renseignements, complexes
et parfois contradictoires, sur soi-même à l'intérieur
du contexte social constitue l'un des principaux défis de l'adolescence
(Collins, 1990). Il n'est pas surprenant que cette période de croissance
soit caractérisée par une intense préoccupation de
soi (Elkind, 1967; Elkind, 1985) en raison du fait que les adolescents
essaient de comprendre, d'intégrer et de solidifier leur identité
et leur position par rapport à ceux qui les entourent.
L'adolescence se divise généralement en trois phases :
une première phase (13 et 14 ans), une phase intermédiaire
(de 15 à 18 ans) et une dernière phase (19 ans - adoption
des rôles d'adulte). Pendant la première phase de l'adolescence,
l'émergence de l'autonomie est perçue comme une importante
tâche développementale (Allen, Hauser, Bell et O'Connor,
1994; Collins, 1990). Les modèles précédents de l'adolescence
ont mis l'accent sur le détachement et la dissociation comme l'étape
normative de développement des relations parent-enfant (Blos, 1968).
Bien que l'adolescence comporte une transition d'un rapport de dépendance
envers les parents vers des relations mutuellement réciproques
avec d'autres (des parents, des pairs et des partenaires intimes, par
exemple), ce changement ne force pas les adolescents à se détacher
de leurs parents (Lamborn et Steinberg, 1993; Ryan, Deci et Grolnick,
1995). Les modèles récents, fondés sur une théorie
de l'attachement, insistent sur l'importance de l'attachement ou de la
connexité aux figures parentales pour pouvoir s'adapter pendant
les années de l'adolescence, malgré une réduction
du nombre d'activités partagées et d'interactions (Bowlby,
1969, 1973, 1980; Larson, Richards, Moneta et Holbeck, 1996). Les chercheurs
soutiennent aujourd'hui que l'attachement profond aux parents et la connexité
émotive aux parents facilitent la transition à une plus
grande autonomie (Ryan et Lynch, 1989). Par exemple, Grolnick et Ryan
(1989) ont découvert que l'autorégulation autonome chez
les enfants est reliée au soutien parental de l'autonomie - c'est-à-dire
à l'encouragement et au soutien des parents à participer
aux prises de décision et à la résolution indépendante
des problèmes. Ils affirment que l'autonomie est facilitée
lorsque les parents permettent aux enfants de se diriger vers l'indépendance
dans l'autorégulation à l'intérieur d'une relation
solide et cordiale. Comme le précisent Ryan et Lynch (1989), «
l'individualisation ne vient des parents, mais plutôt des adolescents
» (p. 341).
Même avec le soutien parental, la transition à l'autonomie
constitue toutefois un défi pour l'adolescent et ses parents. Cette
tâche développementale demande que les adolescents se différencient
de plus en plus et définissent qui ils sont, les valeurs auxquelles
ils aspirent et l'incidence des relations sur leur identité. Au
fur et à mesure que les jeunes approchent de l'adolescence, ils
sont plus préoccupés par les opinions des autres à
leur endroit, surtout par celles de leurs pairs et de leurs partenaires
romantiques (Keating, 1990). Les sentiments intenses de connexion avec
leurs partenaires romantiques et leurs meilleurs amis prennent le dessus
et les jeunes doivent établir un équilibre entre ces relations
et les relations avec leurs parents et les membres de la famille. Les
adolescents sont fortement motivés à se faire accepter des
autres et peuvent y arriver en se présentant eux-mêmes «
faussement » , c'est-à-dire en démontrant des attributs
ou des croyances qui ne sont pas les leurs, mais qui sont conçus
pour impressionner les autres ou pour cacher des attributs qu'ils croient
inacceptables pour les autres (Harter, Marold, Whitesell et Cobbs, 1996).
Bien qu'elle soit parfois difficile et douloureuse, la consolidation
de l'identité et la clarification des valeurs aident les adolescents
à établir leurs règles de conduite indépendamment
de ceux qui les entourent. Mais ce processus peut poser des risques aux
adolescents et à leurs relations avec leurs proches. Au fur et
à mesure que les adolescents différencient leurs propres
croyances et valeurs de celles de leurs parents, de leurs pairs et des
autres figures sociales, il est de plus en plus vraisemblable qu'ils décèleront
un conflit entre ces diverses sources d'information (Collins, 1990; Moretti
et Higgins, 1999). Le conflit entre leurs propres valeurs et croyances
et celles de leurs parents, de leurs pairs et des autres figures sociales
importantes est particulièrement aigu du début à
la mi-adolescence, car la capacité de représenter des opinions
multiples et peut-être contradictoires l'emporte sur la capacité
cognitive d'intégrer ces perspectives divergentes (Harter et Monsour,
1992). Pendant cette phase de développement, les adolescents peuvent
être plus intensément conscients de la divergence plutôt
que de la convergence entre leurs croyances, celles de leurs parents et
celles de leurs pairs et d'autres personnes importantes.
En tentant de différencier leurs propres croyances et valeurs
de celles des autres, plusieurs adolescents vivent des comportements risqués
dans les domaines de la délinquance, de la consommation de drogues
et de la toxicomanie, ainsi que du sexe (Adlaf, Ivis, Smart et Walsh,
1995; King, Beazley, Warren, Hankins, Robertson et al., 1988; Moffitt,
1993; Moore et Rosenthal, 1993). Certains ne s'engagent que de façon
limitée dans ces comportements risqués; pour d'autres, cependant,
l'adoption de ces comportements devient inquiétante. De plus, le
processus stressant de la distinction et de la consolidation de l'identité
peut mener à une détresse psychologique importante. Comparativement
aux adultes, les adolescents montrent des degrés plus élevés
de stress et ont moins de ressources d'adaptation (Allen et Hiebert, 1991).
En outre, les symptômes dépressifs et la dépression
augmentent grandement chez les adolescents qui passent de la phase intermédiaire
à la dernière phase de l'adolescence (Compas, Orosan et
Grant, 1993), surtout chez les filles (Nolen-Hoeksema et Girgus, 1994).
Il est important de comprendre que la qualité des relations parent-adolescent
est liée à la qualité des relations pré-adolescence
et l'adaptation pendant l'adolescence est reliée à l'adaptation
pendant l'enfance. Dans le même ordre d'idées, bien que l'adolescence
marque une période durant laquelle la cristallisation de l'identité
est au centre du défi qu'engendre le développement, la construction
de soi-même s'étend de la naissance jusqu'à la fin
de la vie (Erikson, 1963). Néanmoins, la période d'adolescence
présente des défis de développement uniques pour
l'adaptation et de nouvelles possibilités de croissance dans les
relations parent-enfant. Certains adolescents et leurs parents vivent
cette période de développement comme une expérience
enrichissante et fortifiante pour l'adaptation et leur relation, alors
que d'autres la vivent comme une expérience stressante et dommageable.
2. Théorie de l'attachement
La théorie de l'attachement a été proposée
par John Bowlby (1969, 1973, 1980) pour représenter le développement
et l'adaptation sociale et émotionnelle de l'enfant. Il a conceptualisé
l'attachement comme une construction qui s'échelonne tout au long
de la vie, dans laquelle les enfants conservent des liens d'attachement
envers leurs parents pendant l'enfance et jusqu'à l'âge adulte.
Une condition élémentaire de la théorie veut que
la qualité des rapports d'attachement proviennent des interactions
des enfants et des personnes qui leur prodiguent des soins, reflétant
le degré auquel les enfants peuvent se fier à leurs fournisseurs
de soins pour obtenir de l'intimité et une camaraderie, une sécurité
face à toute menace ou anxiété et un tremplin sans
risque à partir duquel ils peuvent explorer. Le modèle unique
de sensibilité et de réceptivité aux besoins de l'enfant
du fournisseur de soins mène à une organisation particulière
d'attachement chez l'enfant (Ainsworth, Blehar, Waters et Wall, 1978).
Après un certain temps, les expériences d'attachement de
l'enfant sont consolidées en des « modèles réduits
» internes de soi, des autres et de soi par rapport aux autres en
ce qui concerne l'attachement. Ces modèles réduits comprennent
des aspects cognitifs, affectifs et comportementaux à l'aide desquels
ils influent sur l'adaptation. Les attentes et les attributions concernant
les relations proches (Youngblade, Park et Belsky, 1993), la capacité
de maîtriser ses émotions (Kobak, Cole, Ferenz-Gillies et
Fleming, 1993) et le comportement (Putallaz et Heflin, 1990) sont influencées
par les représentations d'attachement à chaque phase de
développement.
La recherche sur l'attachement pendant la petite enfance et la première
enfance a progressé en deux vagues (Lyons-Ruth, 1996). Les premières
enquêtes (de 1970 à 1985) étaient concentrées
sur l'établissement de la validité de trois modèles
élémentaires démontrés dans des situations
présentant une menace pour la sécurité :
- Attachement profond : la tendance à reconnaître les menaces
à la sécurité et à y répondre convenablement,
et à s'approcher des fournisseurs de soins pour se faire rassurer;
- Attachement anxieux-évasif : la tendance à supprimer
l'affect et le comportement reliés aux menaces à la sécurité,
d'éviter les figures d'attachement et de rejeter les émotions
associées vers les fournisseurs de soins;
- Attachement anxieux-ambivalent : la tendance à être vigilant
et anxieux en ce qui concerne les menaces à la sécurité
et la disponibilité et la réceptivité d'un fournisseur
de soins, recherchant la proximité du fournisseur de soins, mais
négligeant de se faire rassurer par lui.
La phase de recherche suivante (de 1985 à ce jour) s'est concentrée
sur la compréhension de l'adaptation de l'attachement dans les
populations d'enfants à risque élevé et une définition
plus étendue des modèles d'une organisation d'attachement.
En 1990, Main et Solomon ont introduit le concept « d'attachement
désorganisé » pour faire référence au
manque ou à l'effondrement d'un modèle constant de comportements
d'attachement, que l'on retrouve généralement chez les enfants
exposés aux mauvais traitements et à d'autres formes d'épreuves
(Lyons-Ruth, Repacholi, McLeod et Silva, 1991).
Alors que les chercheurs faisaient des progrès définissant
ces modèles de comportement d'attachement et examinant la distribution
des modèles d'attachement dans différentes populations d'enfants,
d'autres élaboraient aussi des méthodes d'évaluation
des modèles d'attachement chez les adultes. Main et Goldwyn (1984)
ont présenté l'Entrevue d'attachement chez
l'adulte, une entrevue semi-structurée évaluant
le contenu et la cohérence des souvenirs des adultes concernant
leurs propres expériences de premier attachement. Quatre modèles
d'attachement ont été définis dans l'attachement
de l'adulte, correspondant aux quatre modèles d'attachement définis
chez les enfants : profond, rejetant (évitant), préoccupé
(ambivalent) et non résolu (désorganisé). Au même
moment, de brèves mesures d'autodéclaration ont été
élaborées pour déterminer les modèles d'attachement
dans les relations romantiques des adultes (Hazan et Shaver, 1987; Simpson,
1990). Au cours de la dernière décennie, d'autres chercheurs
ont présenté des méthodes d'entrevue et d'autodéclaration
pour distinguer encore plus de modèles d'attachement dans les relations
des adolescents de troisième phase avec leur famille et leurs pairs.
Ces travaux se sont concentrés sur la façon de distinguer
deux formes d'attachement évitant : rejetant par rapport à
craintif. L'attachement rejetant se caractérise par la tendance
à se dissocier des figures d'attachement et à dévaluer
l'importance de l'attachement et des sentiments associés. À
l'opposé, l'attachement craintif se caractérise par la tendance
à éviter les figures d'attachement de peur d'être
rejeté combinée au désir de poursuivre les rapports
et d'exprimer un comportement d'attachement (Bartholomew et Horowitz,
1991). Certains chercheurs ont comparé la catégorie craintive
de Bartholomew (1990) à la catégorie désorganisée/non
résolue de Main (Brennan, Shaver et Tobey, 1991).
Les plus récentes découvertes dans la recherche sur l'attachement
ont été concentrées sur la compréhension de
l'attachement pendant la transition de l'enfance à l'âge
adulte, c'est-à-dire pendant l'adolescence. Diverses méthodes
ont été utilisées pour évaluer les modèles
d'attachement de la dernière phase de l'adolescence, notamment
les séquences d'interaction parent-adolescent, les entrevues sur
l'attachement des adolescents et les mesures d'autodéclaration
(entre autres, Bartholomew et Horowitz, 1991; Hauser, 1984; Kobak et Sceery,
1988). On a reconnu dans la dernière phase de l'adolescence des
modèles d'attachement semblables à ceux que l'on a observés
dans l'enfance (entre autres, Kobak et Sceery, 1988) et dans des échantillons
de jeunes adultes (entre autres, Collins et Read, 1990; Hazan et Shaver,
1987; Main et Goldwyn, 1984).
Il est important de remarquer que les mesures d'attachement encore existantes
ont été initialement élaborées pour les jeunes
enfants ou les adultes, et les chercheurs viennent à peine d'élargir
ces instruments à l'examen des modèles d'attachement des
adolescents. Les chercheurs commencent maintenant à mettre en contraste
et à comparer ces outils et à se demander s'ils mesurent
vraiment ce qu'il faut mesurer (Bartholomew et Shaver, 1998; Brennan,
Clark et Shaver, 1998; Stein, Jacobs, Ferguson, Allen et Fonagy, 1998).
Les progrès qu'ont réalisés les chercheurs dans
le domaine de la définition des modèles d'attachement ont
eu des incidences sur l'intégration des conclusions de la recherche
sur une période de temps. Par exemple, avec la détermination
du modèle d'attachement désorganisé dans l'enfance
(Main et Solomon, 1990), les études commencent à rapporter
que l'attachement désorganisé plutôt que l'attachement
évitant permet de prédire les problèmes de comportement
et de non-conformité (Lyons-Ruth, 1996). Par conséquent,
en examinant la documentation sur l'attachement et l'adaptation, il importe
de se rappeler qu'il faut comprendre les conclusions par rapport aux progrès
historiques réalisés par les chercheurs dans leur définition
des modèles d'attachement. Il faut poursuivre la recherche pour
renforcer notre compréhension de la portée des modèles
d'attachement dans la population à chaque phase de développement
et les facteurs contribuant à l'émergence de ces modèles
et à leur stabilité ou à leur transformation sur
une période de temps.
3. Attachement et adaptation pendant l'enfance
La recherche exhaustive relie l'attachement et l'adaptation pendant l'enfance.
Par exemple, dans un échantillonnage de référence,
des enfants profondément attachés à leur mère
montrent un comportement plus prosocial et sont perçus comme plus
sociaux que les enfants peu attachés à leur mère
(Sroufe, 1983). Ils démontrent un affect positif plus élevé
et un affect négatif moins élevé dans leurs interactions
sociales que les enfants peu attachés à leur mère.
Les enseignants des enfants profondément attachés à
leur mère disent qu'ils sont plus empathiques et plus dociles (LaFreniere
et Sroufe, 1985).
Par ailleurs, plusieurs sources de recherche établissent un lien
entre les modèles d'attachement moins profonds (évitant,
ambivalent, désorganisé) pendant la petite enfance et des
comportements de non-conformité et d'agression au début
de l'enfance. Conformément à la théorie voulant que
l'attachement moins profond soit proportionnel à une faible régulation
émotive, les résultats d'études longitudinales démontrent
que l'attachement évitant pendant la petite enfance prédit
la négativité, la non-conformité et l'hyperactivité
à l'âge de 3,5 ans et des taux plus élevés
de comportement problématique de la première à la
troisième année scolaire. Comparativement aux enfants profondément
attachés, les enfants évitants sont plus agressifs envers
leur mère et l'affrontent plus (Main et Weston, 1981) et ils sont
plus agressifs, hostiles et distants avec leurs pairs (Erikson, Sroufe
et Egeland, 1985; Sroufe, 1983). De même, l'attachement désorganisé
pendant la petite enfance laisse prévoir un comportement agressif
ultérieur. Plusieurs chercheurs ont démontré, par
exemple, que les enfants ayant des modèles d'attachement désorganisés
pendant la petite enfance manifestent un comportement dominateur et coercitif
lorsqu'ils entrent dans la période préscolaire et de début
d'enfance (Lyons-Ruth et al. , 1991; Wartner, Grossmann, Fremmer-Bombik
et Suess, 1994). Les enfants ayant un attachement ambivalent sont par
contre plus orientés vers l'adulte et plus dépendants sur
le plan émotionnel que les enfants profondément attachés
(Erikson et al., 1985; Renken, Egeland, Marvinney, Mangelsdorf et Sroufe,
1989). Avec leurs pairs, les enfants ayant un attachement ambivalent sont
mal acceptés et plus repliés sur eux-mêmes et constituent
des proies plus faciles (Finnegan, Hodges et Perry, 1996; LaFreniere et
Sroufe, 1985; Renken et al., 1989)
Les modèles d'attachement précaires ne sont cependant pas
constamment reliés à des problèmes de comportement
ultérieurs. Bon nombre de chercheurs (Fagot et Kavanagh, 1990;
Goldberg, Perrotta, Minde et Corter, 1986) ne mentionnent pas que l'attachement
évitant ou désorganisé laisse prévoir un comportement
agressif. L'examen de cette documentation montre que le rapport entre
l'attachement précaire et les problèmes ultérieurs
de comportement se retrouve plus constamment chez des enfants vivant dans
des contextes à risque élevé (par exemple, la pauvreté
de la famille, un faible soutien social, une psychopathologie parentale)
que chez des enfants vivant dans des contextes à risque moins élevé.
Par exemple, Lyons-Ruth et al. (1991) ont découvert que la sécurité
de l'enfant prédit plus les problèmes d'agressivité
ultérieurs dans des familles où la mère souffre d'une
psychopathologie, surtout de dépression chronique, et lorsque la
mère utilise des pratiques parentales importunes et hostiles envers
l'enfant. Elle mentionne que 56 % des enfants de famille à faible
revenu ayant été classés comme désorganisés
à l'enfance et dont la mère souffrait à un moment
ou l'autre d'une psychopathologie ont affiché un comportement agressif
en maternelle. Par contre, seulement 25 % des enfants de famille à
faible revenu ayant un seul facteur de risque et 5 % des enfants de famille
à faible revenu sans facteur de risque (psychopathologie maternelle,
utilisation maternelle de pratiques parentales hostiles et importunes)
ont démontré un comportement agressif en maternelle.
En résumé, il existe un consensus sur le fait que l'attachement
précaire est un facteur qui risque d'occasionner des problèmes
ultérieurs, mais il n'est ni nécessaire ni suffisant en
lui-même. Ce sont cependant des généralisations fondées
sur de petits échantillons, avec des mesures d'attachement effectuées
à un point seulement à un moment donné.
4. Développement de l'attachement pendant l'adolescence
Il faut considérer trois points élémentaires et
reliés en ce qui concerne l'attachement pendant l'adolescence :
1) la nature des changements dans les relations enfant-parent et leur
influence sur le rapport d'attachement; 2) le développement de
nouvelles relations intimes chez l'adolescent (par exemple, avec des pairs
et des partenaires romantiques) et l'incidence de ces nouveaux liens sur
les relations enfant-parent; 3) l'émergence d'un système
d'attachement différencié par rapport à un système
d'attachement généralisé.
La relation enfant-parent subit des changements complexes pendant l'adolescence.
Bien que les résultats de certaines études démontrent
qu'un attachement profond autodéclaré aux deux parents diminue
avec la maturité pubérale (Papini, Roggman et Anderson,
1991), les récentes enquêtes indiquent que seules certaines
composantes de la relation d'attachement changent, alors que d'autres
demeurent stables. Ainsi, le degré auquel les enfants recherchent
la proximité et se fient sur la figure principale d'attachement
en situation de stress diminue, contrairement à la perception de
la disponibilité de la figure d'attachement (Lieberman, Doyle et
Markiewicz, 1999). Ces conclusions donnent à entendre que le maintien
de la proximité physique des parents et le besoin de protection
en situation de menace ou de stress sont moins essentiels pour les enfants
plus âgés en raison de leurs plus grandes capacités
mentales et physiques (ils ont, par exemple, des mécanismes d'adaptation
plus complexes), mais que la disponibilité de la figure d'attachement
(c'est-à-dire la croyance que la figure d'attachement est ouverte
à la communication et réceptive au besoin) demeure importante
(Bowlby, 1973; Kerns, Klepac et Cole, 1996). En plus, bien qu'il soit
reconnu que la fréquence et l'intensité de certains comportements
d'attachement diminuent avec l'âge, la qualité de la liaison
d'attachement est vue comme relativement stable (Bowlby, 1980). La capacité
des adolescents à réussir à équilibrer leur
besoin d'autonomie et leur désir de conserver un sens de rapprochement,
surtout dans le contexte des désaccords adolescent-parent, peut
même être considérée comme une manifestation
d'attachement profond particulière à une phase (Allen, Moore
et Kuperminc, 1997).
Pour ce qui est du développement de nouvelles relations d'attachement
pendant l'adolescence, il est généralement accepté
que cette phase de développement comprenne une transition allant
d'une concentration première sur les parents en tant que figures
d'attachement au développement d'une plus grande gamme de relations
d'attachement (comme les pairs et les partenaires romantiques) (Fraley
et Davis, 1997; Hazan et Zeifman, 1994; Trinke et Bartholomew, 1997).
Le temps passé avec des amis du même sexe et la variété
des activités réalisées avec eux sont à leur
plus haut niveau en neuvième année et diminuent ensuite
lorsque les adolescents plus âgés passent plus de temps avec
leurs partenaires romantiques (Laursen et Williams, 1997). Les pairs remplacent
les parents comme compagnons des enfants à partir de 9 ans, et
à titre de confidents à l'âge de 12 ou 13 ans (Fraley
et Davis, 1997; Hazan et Zeifman, 1994). Cependant, les parents, et surtout
les mères, continuent d'être recherchés plus que les
meilleurs amis en tant qu'appui de sécurité, et ce, jusqu'à
la dernière phase de l'adolescence (Fraley et Davis, 1997; Trinke
et Bartholomew, 1997). Certains chercheurs soutiennent que les adolescents
généralisent de l'attachement à leurs parents à
l'attachement aux meilleurs amis et, plus tard, à l'attachement
à leurs partenaires romantiques (Furman et Wehner, 1994), mais
il manque de preuve.
Il est largement accepté que les relations romantiques adultes
à long terme soient des relations d'attachement aussi bien que
des relations sexuelles (Hazan et Shaver, 1987; Hazan et Zeifman, 1994).
Les personnes recherchent une proximité avec leurs partenaires
romantiques, ont le désir de se fier sur eux en tant que refuge
sûr et base solide, se sentent liés à eux sur le plan
émotif et pleurent leur perte (Bowlby, 1979/77, dans Trinke et
Bartholomew, 1997). Cependant, dans les phases primaire et intermédiaire
de l'adolescence, les relations romantiques sont souvent très transitoires
et les parents, surtout les mères, demeurent les principaux fournisseurs
de sécurité (Hazan et Zeifman, 1994). Bien que pendant la
dernière phase de l'adolescence, tout comme dans l'âge adulte,
les relations romantiques deviennent la principale relation d'attachement
après deux ans (Fraley et Davis, 1997; Hazan et Zeifman, 1994),
les parents demeurent d'importantes, mais secondaires, figures d'attachement
(Trinke et Bartholomew, 1997).
La question de savoir si l'adolescence marque l'arrivée de l'émergence
d'une orientation généralisée de l'attachement est
discutable. D'une part, certains théoriciens posent comme hypothèse
qu'une orientation généralisée de l'attachement ressort
et qu'elle peut compléter ou déplacer d'anciens modèles
multiples d'attachement pertinents à des relations particulières
d'attachement (par exemple, à la mère ou au père)
(Allen et Land, 1999). Ces chercheurs font ressortir des études
démontrant que ce point de vue généralisé
est, à l'âge adulte, très prédictif du comportement
à venir en matière d'attachement et de relations avec les
fournisseurs de soins (Steele, Steele et Fonagy, 1996). D'autres chercheurs
ne sont cependant pas d'accord et soutiennent que le système d'attachement
pendant l'adolescence se caractérise par la différenciation
et les modèles de comportement particuliers à une relation.
Par exemple, Furman et Wehner (1994) ont remarqué que, bien que
le modèle d'attachement d'une personne soit relativement stable
à l'intérieur de relations particulières, son style
d'attachement diffère fréquemment selon les relations. Cette
preuve suggère qu'un style généralisé d'attachement
n'est pas bien établi dans l'adolescence. Ces chercheurs et bien
d'autres concluent qu'un modèle réduit de l'attachement
est composé d'un regroupement de représentations de différentes
relations d'attachement, organisées de façon hiérarchique
(Trinke et Bartholomew, 1997).
Si un style généralisé d'attachement apparaît
pendant l'adolescence, il ne semble pas produire une stabilité
plus marquée du modèle d'attachement pour les adultes par
rapport aux enfants. Des estimations typiques de stabilité d'attachement
de la petite enfance jusqu'aux premières années de l'enfance,
comme l'évalue la situation étrange, sont de l'ordre de
53 % à 96 % (Thompson, Lamb et Estes, 1982; Waters, 1978). Au début
de l'âge adulte, le taux typique de stabilité à court
terme dans l'attachement autodéclaré est de 70 % (Baldwin,
Keelan, Fehr, Enns et Koh-Rangarajoo, 1996; Scharfe et Bartholomew, 1994).
En outre, on a découvert une concordance de 70 % entre la classification
selon la situation étrange du bébé et celle de l'entrevue
sur l'attachement à l'adulte pendant la dernière phase de
l'adolescence (Waters, Merrick, Albersheim et Treboux, 1995, dans Allen
et Land, 1999). Bien que des changements dans le style d'attachement autodéclaré
chez les jeunes adultes aient été moins clairement reliés
aux changements dans les circonstances environnementales que dans les
études chez les enfants (Scharfe et Bartholomew, 1994, par rapport
à Thompson et al., 1982), dans au moins une étude couvrant
les années d'adolescence (Waters et al. , 1995, dans Allen et Land,
1999), les adolescents ayant vécu d'importants changements de vie
ont démontré des taux de concordance inférieurs à
ceux qui ne les ont pas vécus (44 % contre 78 %).
La nature des attachements particuliers aux parents, leur relation avec
un style généralisé d'attachement et l'incidence
de ces attachements sur l'adaptation pendant l'adolescence méritent
un examen plus minutieux et une recherche supplémentaire (Cantor
et Sanderson, 1998; Trinke et Bartholomew, 1997). Il s'avère nécessaire
d'approfondir la recherche pour établir avec précision si
l'état d'attachement devient un caractère stable de la personne,
et à quelle phase de développement il le devient, plutôt
que principalement une réflexion des qualités d'une relation
permanente (Allen et Land, 1999). Les résultats indiquent aussi
une possibilité de changement considérable dans le style
d'attachement pendant l'adolescence ainsi que plus tôt dans l'enfance.
Toutefois, la variété des instruments de mesure utilisés
dans la recherche sur la stabilité de l'attachement fait en sorte
qu'il est difficile d'arriver à des conclusions fermes sur les
questions essentielles de la stabilité, de la possibilité
de changement et sur le rapport entre l'attachement aux parents et l'adaptation.
5. Attachement et adaptation pendant l'adolescence
Au cours de la dernière décennie, des études ont
commencé à examiner la contribution de l'attachement adolescent-parent
à l'adaptation psychologique. La plupart de ces études ont
évalué cette relation dans les limites d'un échantillonnage
d'adolescents de la dernière phase de développement (collège,
première année universitaire) et relativement peu dans des
échantillonnages d'adolescents en phase première et en phase
intermédiaire.
Pour ce qui est de la relation entre les modèles d'attachement
pendant l'adolescence et l'adaptation, les rapports présentés
corroborent les conclusions fondées sur des études réalisées
auprès de jeunes enfants, à savoir qu'un attachement profond
est généralement lié à une adaptation plus
saine, alors qu'un attachement moins profond est relié à
diverses formes d'inadaptation.
Dans des études réalisées sur une population normale,
les adolescents de dernière phase classés comme profondément
attachés sont considérés par leurs pairs comme moins
anxieux, moins hostiles et plus aptes à réguler avec succès
leurs sentiments (c'est-à-dire à avoir une plus grande souplesse
du moi) comparativement aux adolescents moins profondément attachés
(Kobak et Sceery, 1988). Lorsqu'ils règlent des problèmes
avec leur mère, les adolescents profondément attachés
réussissent mieux à moduler leur rage et à équilibrer
leur affirmation de soi et leur désir de demeurer « connectés
» à leur parent, suggérant une plus grande capacité
de réguler leur émotion (Kobak et al., 1993). Les personnes
profondément attachées peuvent aussi reconnaître leurs
attributs positifs et négatifs et présentent une structure
de soi cohérente et bien organisée (Mikulincer, 1995). Les
adolescents rapportant qu'ils ont une relation positive avec leurs parents
et qui se sentent à l'aise de se tourner vers eux pour obtenir
du soutien maîtrisent mieux leur monde (Paterson, Pryor et Field,
1995) et vivent moins de solitude (Kerns et Stevens, 1996). Dans le même
ordre d'idées, les adolescents engagés dans une relation
romantique présentent beaucoup moins de symptômes de détresse
psychologique et ont un meilleur concept de soi (Cooper, Shaver et Collins,
1998). Enfin, l'attachement plus positif des adolescents de 15 ans à
leurs parents est aussi associé à un moins grand nombre
de problèmes de santé mentale comme les problèmes
d'anxiété, de dépression, d'inattention et de conduite
(Nada-Raja, McGee et Stanton, 1992).
L'attachement profond semble aussi jouer un rôle important dans
le développement de capacités d'adaptation efficaces. Mikulincer
et ses collègues (Florian, Mikulincer et Bucholtz, 1995; Mikulincer,
Florian et Weller, 1993) ont découvert que les jeunes adultes profondément
attachés recherchent chez les autres un soutien plus émotif
et instrumental en situation de stress. Les adolescents plus profondément
attachés à leur mère adoptent des habiletés
d'adaptation plus constructives (par exemple, la résolution de
problèmes, la réévaluation positive et la recherche
de soutien) (Voss, 1999). L'attachement profond amortit aussi le passage
stressant à l'école secondaire (Papini et Roggman, 1992)
et, pendant leur première année au collège, les adolescents
profondément attachés se voient comme des gens plus socialement
compétents et rapportent moins de détresse psychologique
que leurs pairs, même si la séparation les rend anxieux (Kenny
et Donaldson, 1991).
Une bonne relation avec les parents peut aussi protéger les adolescents
du risque. Les adolescents qui déclarent avoir des relations étroites
et acceptantes avec leur mère affirment qu'ils participent moins
à des activités délinquantes (Aseltine, 1995; Smith
et Krohn, 1995). De même, le ton affectif, le temps consacré
et l'identification avec les deux parents, ainsi que la préférence
des parents sur les pairs ont été négativement associés
à l'utilisation subséquente de drogues chez les adolescents,
directement et indirectement par l'adoption d'attitudes conventionnelles
par l'adolescent (Brook, Whiteman et Finch, 1993) et une diminution de
la recherche de sensations (Barnea, Teichman et Rahav, 1992). Ces relations
positives sont typiques chez les adolescents profondément attachés.
Effectivement, l'attachement profond de l'adolescent à sa mère
a été lié à moins d'expérimentations
avec les drogues (Voss, 1999) et à une diminution de la fréquence
d'utilisation des drogues (Cooper et al., 1998). La profondeur de l'attachement
est aussi reliée à des attitudes plus positives envers la
sexualité sans risque (Voss, 1999) et, pour les filles, à
des taux réduits de comportement sexuel risqué et à
moins d'antécédents de grossesse comparativement aux filles
moins profondément attachées (Cooper et al., 1998).
Par rapport à un style particulier d'attachement moins profond,
un style de rejet (c'est-à-dire une mauvaise communication et une
faible confiance combinées à des sentiments d'aliénation
et de décrochage de la relation d'attachement) a été
associé à l'extériorisation des comportements problématiques
(comme l'agression et la délinquance) (Nada-Raja et al., 1992;
Voss, 1999), plus d'expérimentations avec les drogues (Voss, 1999)
et des attitudes plus risquées envers la sexualité sans
risque (Voss, 1999). Les adolescents et les jeunes adultes ayant un style
de rejet sont évalués par leurs pairs comme étant
plus hostiles que les personnes de tous les autres groupes d'attachement
(Bartholomew et Horowitz, 1991; Kobak et Sceery, 1988). Dans les interactions
de résolution de problèmes avec leur mère, les garçons
adolescents (mais non les filles) ayant un style de rejet montrent plus
de rage dysfonctionnelle que les adolescents profondément attachés
(Kobak et al., 1993). D'un autre côté, les filles ayant un
style de rejet désactivent la relation d'attachement, leurs mères
dominant l'interaction (Kobak et al., 1993). Enfin, les jeunes adultes
ayant un style de rejet déclarent qu'ils ont moins de soutien familial
et souffrent plus de solitude que leurs pairs (Kobak et Sceery, 1988).
Les personnes qui rejettent semblent se protéger des sentiments
de rejet en adoptant une position défensive et en ne reconnaissant
que leurs attributs positifs (Mikulincer, 1995). Cette position défensive
se reflète aussi dans l'utilisation de stratégies d'éloignement
pour gérer des situations pénibles (Mikulincer et al., 1993;
Mikulincer et Orbach, 1995). Les adolescents dont l'attachement à
la mère et au père est très rejeté mentionnent
aussi qu'ils évitent les émotions en situation de stress
(Voss, 1999).
Comme les adolescents qui rejettent, les adolescents craintifs sont évitants,
mais ils souffrent de leur manque d'intimité avec les autres et
de sentiments d'incapacité et d'anxiété (Griffin
et Bartholomew, 1994). L'attachement craintif à la mère
a été lié à la délinquance et à
une plus grande expérimentation avec les drogues (Voss, 1999).
En plus, les deux formes d'attachement évitant (rejetant et craintif)
au père sont associées au fait que les adolescents déclarent
qu'ils consomment de la drogue en réponse aux émotions négatives
et au conflit avec les autres (Voss, 1999).
Bien que la recherche concernant l'attachement craintif soit limitée,
les conclusions existantes suggèrent que les adultes présentant
un style d'attachement craintif sont socialement inhibés, manquent
d'assertivité et sont susceptibles d'être exploités
par les autres (Bartholomew et Horowitz, 1991). Les adolescents qui ont
un attachement très craintif à leur père et à
leur mère sont portés à l'autocritique en situation
de stress, les empêchant de gérer efficacement leur stress
(Voss, 1999). En outre, ces adolescents qui craignent beaucoup leur père
sont aussi portés à adopter un comportement de retrait en
réponse au stress (Voss, 1999).
Les adolescents qui présentent un style d'attachement préoccupé
(c'est-à-dire qui ont des opinions positives des autres et négatives
d'eux-mêmes) se voient comme socialement incompétents et
leurs pairs les évaluent comme plus anxieux que ceux de tous les
autres groupes d'attachement (Kobak et Sceery, 1988). Comparativement
aux autres adolescents, ils présentent plus de symptômes
physiques (Kobak et Sceery, 1988). En réponse à la détresse,
les étudiants universitaires qui présentent un style d'attachement
préoccupé sont portés à demander le soutien
des autres (Ognibene et Collins, 1998). Les adolescents qui présentent
un style d'attachement plus préoccupé à leur mère
peuvent aussi éviter les émotions en situation de stress,
peut-être pour réduire le taux élevé d'anxiété
associé à un système d'attachement « hyperactivé
» (Voss, 1999). Dans un système de classification d'attachement
comportant trois catégories (profond, rejetant, préoccupé),
les adolescents préoccupés sont les plus vulnérables
à l'inadaptation (Cooper et al., 1998). L'attachement préoccupé
chez les adultes est relié à une structure de soi mal intégrée,
présentant peu de distinction, et à une difficulté
à réguler la détresse (Mikulincer, 1995).
Il est important de mener un sondage de recherche auprès de populations
normatives et cliniques pour étudier l'attachement et l'adaptation
des adolescents. Premièrement, l'étude des deux populations
donne une image des associations entre la profondeur de l'attachement
et l'adaptation sur une plus vaste gamme de profondeur. La recherche montre
que l'attachement profond domine dans un échantillonnage non clinique,
alors que l'attachement moins profond domine dans un échantillonnage
clinique (Van-IJzendoorn et Bakermans-Kranenburg, 1996). Deuxièmement,
ces deux documentations réunies fournissent une structure pour
élaborer des recommandations sur le rôle parental applicable
à une vaste gamme de contextes familiaux et ont une incidence sur
la suggestion d'initiatives en santé mentale.
La recherche auprès de populations à risque très
élevé confirme les conclusions fondées sur un échantillonnage
normatif : les adolescents à risque élevé qui présentent
des modèles d'attachement précaire sont plus susceptibles
de vivre une gamme de psychopathologies que les adolescents plus profondément
attachés (Allen, Hauser et Borman-Spurrell, 1996), notamment la
suicidabilité (Lessard et Moretti, 1998), la consommation de drogues
(Lessard, 1994) et le comportement agressif et antisocial (Fonagy, Target,
Steele, Steele, Leigh et al. , 1997; Moretti, Holland et Moore, 1998;
Reimer, Overton, Steidl, Rosenstein et Horowitz, 1996; Rosenstein et Horowitz,
1996). Par exemple, dans un échantillon d'adolescents hospitalisés
de sexe mâle, Rosenstein et Horowitz (1996) ont découvert
que les symptômes du trouble des conduites étaient associés
à un modèle d'attachement rejetant. Le style d'attachement
a aussi été examiné par rapport aux traits de personnalité.
En harmonie avec la théorie de l'attachement, les personnes qui
rejettent sont plus antisociales, narcissiques et paranoïaques que
les sujets préoccupés. Allen et ses collègues (1996)
ont aussi découvert que la dépréciation de l'attachement,
caractéristique du style rejetant, était associée
à un comportement criminel concurrent et à la consommation
de drogues à l'âge adulte chez les malades hospitalisés
pendant l'adolescence pour une psychopathologie. Les adolescents préoccupés,
d'autre part, sont plus portés à mentionner de l'anxiété,
de la dysthymie et un intérêt pour les autres combiné
à une crainte de la critique ou d'une rebuffade (Allen, Moore,
Kuperminc et Bell, 1998; Rosenstein et Horowitz, 1996). La préoccupation
est aussi associée aux comportements d'extériorisation des
adolescents, bien que seulement en présence de facteurs de risque
démographiques supplémentaires comme le sexe mâle
et le faible revenu (Allen et al., 1998).
Dans une étude récente, Moretti et ses collègues
ont utilisé l'entrevue sur l'attachement familial de Bartholomew
pour différencier les styles d'attachement profond, préoccupé,
craintif et rejetant chez des adolescents chez qui l'on a diagnostiqué
un trouble des conduites (Moretti, Lessard, Scarfe et Holland, 1999).
La majorité des adolescents ont été classés
surtout comme craintifs ou préoccupés plutôt que comme
rejetants; conformément à la recherche précédente,
très peu d'entre eux ont été classés comme
ayant un attachement profond. L'attachement craintif et l'attachement
préoccupé laissent prévoir des taux élevés
de problèmes d'internalisation; par contre, l'attachement profond
et l'attachement rejetant prédisent des taux plus bas de psychopathologies.
L'étude, en plus des autres études ayant examiné
séparément l'attachement rejetant et l'attachement craintif
(Bartholomew et Horowitz, 1991; Voss, 1999), souligne l'importance de
distinguer les adolescents qui désirent établir des relations
avec d'autres, mais qui craignent le rejet (craintifs) des adolescents
non intéressés à des relations étroites avec
les autres (rejetants). Les adolescents craintifs sont plus susceptibles
d'anticiper le rejet dans les relations sociales; ce genre de croyances
combiné à un désir d'intimité est probablement
associé à une hypersensibilité aux indices sociaux
bénins, ce qui peut mener à l'adoption d'un comportement
agressif.
Bien que des modèles semblables de résultats soient présents
dans un échantillonnage normatif et clinique (par exemple, Allen
et Hauser, 1996), la recherche réalisée auprès de
jeunes enfants (Lyons-Ruth et al., 1991) montre aussi que le rapport entre
l'attachement et l'adaptation est plus fort chez les
enfants à risque élevé (c'est-à-dire ceux
qui vivent dans la pauvreté, qui ont un faible soutien social,
dont un des parents souffre d'une psychopathologie) que dans des contextes
à risque peu élevé. Autrement dit, le rapport entre
l'attachement et l'adaptation semble être modéré par l'exposition à l'adversité, ce qui laisse entendre que
le seul attachement précaire ne différencie pas les adolescents
bien adaptés des adolescents mal adaptés. Une recherche
plus poussée s'impose pour confirmer les effets de modération
de l'adversité sur le rapport entre l'attachement et l'adaptation
chez les adolescents. Généraliser les résultats de
la recherche existante à de jeunes enfants suggère que les
adolescents qui grandissent dans des conditions d'adversité et
d'accès non convenable aux ressources ne souffriront peut-être
pas d'une psychopathologie s'ils partagent des rapports d'attachement
profond avec leurs parents. Réciproquement, les adolescents qui
se développent dans un milieu favorable et riche en ressources,
mais dont l'attachement à leurs parents est moins profond, peuvent
avoir de moins bons résultats dans certains domaines.
6. Rôle parental, profondeur de l'attachement et adaptation pendant
l'adolescence
Les fournisseurs de soins aux nouveau-nés qui sont sensibles et
constamment réceptifs aux besoins de leur enfant favorisent l'attachement
profond. Ces enfants développent des perceptions ( « se créent
des modèles réduits internes » ) d'eux-mêmes
en tant qu'êtres aimables et des perceptions des autres en tant
qu'êtres aidants et disponibles. Réciproquement, les fournisseurs
de soins qui sont insensibles et rejetants ont des enfants évitants
qui se voient comme indignes et qui voient les autres comme des personnes
qui ne veulent pas les aider et sur lesquels ils ne peuvent se fier. La
recherche a relié l'attachement évitant à la colère
réprimée de la mère, au manque de tendresse lorsqu'elle
touche et prend l'enfant et au rejet du comportement d'attachement entamé
par l'enfant. Ces enfants ont tendance à réprimer leurs
émotions et à éviter le contact en situation de stress
afin d'échapper encore plus à l'aliénation de leurs
fournisseurs de soins (Main et Weston, 1981; Renken et al., 1989; Shaw
et Bell, 1993). Les fournisseurs de soins inconstants, parfois réceptifs
et parfois rejetants, semblent avoir des enfants préoccupés
à découvrir des façons d'obtenir des soins et hypervigilants
aux sources de détresse. Ces enfants vivent un conflit entre le
désir d'approcher le fournisseur de soins et les sentiments de
colère et d'anxiété à l'égard de leur
manque de fiabilité (Bowlby, 1973). Ils en viennent à se
voir comme incapables et indignes d'obtenir du soutien.
Pendant l'adolescence, des études empiriques réalisées
sur le style de rôle parental ont établi que la participation
parentale réceptive, l'encouragement de l'autonomie psychologique
et les demandes de comportement appropriées à l'âge
combinés à l'établissement de limites et à
la surveillance (rôle parental « autoritaire » ) contribuent
à une bonne adaptation psychosociale, scolaire et comportementale
(Baumrind, 1971, 1991; Steinberg, Dornbusch et Brown, 1992; Steinberg,
Darling et Fletcher, 1995). Des conclusions d'études récentes
indiquent que, tout comme la sensibilité et la réceptivité
parentales contribuent à un attachement profond dans la petite
enfance, la chaleur et la participation parentale, l'autonomie et l'attribution
psychologique ainsi que le contrôle et la surveillance du comportement
sont associés à la profondeur de l'attachement vers la fin
de l'enfance et au début de l'adolescence (Karavasilis, Doyle et
Margolese, 1999). Peu de chaleur et peu de contrôle sont particulièrement
significatifs pour l'attachement rejetant et évitant, et une faible
attribution d'autonomie psychologique l'est pour l'attachement préoccupé
des adolescents. Par conséquent, pendant l'adolescence, il semble
que les comportements des parents qui encouragent l'autonomie dans le
contexte de la disponibilité parentale, en plus de la chaleur et
de la réceptivité parentales, deviennent des facteurs importants
pour créer un attachement profond.
Pour ce qui est des corrélats avec l'adaptation de l'adolescent,
la chaleur et la participation parentales de même que le contrôle
du comportement sont associés à une plus grande compétence
sociale, à l'autonomie, à des attitudes positives envers
l'école et le travail, à la réussite scolaire et
à l'estime de soi ainsi qu'à moins de dépression,
d'inconduite à l'école, de délinquance et de consommation
de drogues (Allen et Hauser, 1996, ID : 1142)(Lamborn, Mounts et al.,
1991, ID : 846)(Parish et McCluskey, 1992, ID : 1435) (Steinberg, Lamborn
et al., 1992, ID : 1168). Pour ce qui est de la protection contre la dépression,
les perceptions de l'adolescent à l'égard de la disponibilité
parentale semblent être particulièrement importantes (Margolese,
Markiewicz et Doyle, 1999; Margolese, Markiewicz, Doyle et Ducharme, 1999).
Quant à la résistance à la toxicomanie, l'effet du
rôle parental semble opérer par l'entremise de l'adolescent
qui développe de meilleures aptitudes d'autorégulation (c'est-à-dire
un contrôle de soi, des compétences comportementales et l'adaptation
face au stress) et moins d'affiliation avec des pairs déviants
(Wills, DuHamel et Vaccaro, 1995). Les associations négatives entre
les observations de la chaleur maternelle et les rapports de l'enseignant
et les rapports officiels rapportant de la délinquance sont robustes
et persistent même après le contrôle du QI de l'enfant,
de l'âge, de l'attachement à des pairs délinquants,
de la situation ethnique, de la pauvreté, de la taille de la famille,
de la déviance parentale, de la surveillance et de la discipline
(Sampson et Laub, 1994). D'un autre côté, le châtiment
hostile et les interactions coercitives entre les parents et les enfants
combinés à une mauvaise surveillance parentale contribuent
à créer des troubles des conduites chez les préadolescents
et un comportement antisocial chez les adolescents (Conger, Patterson
et Ge, 1995; Dishion, Patterson, Stoolmiller et Skinner, 1991).
Bien qu'il se puisse que le lien entre la qualité de l'attachement
de l'adolescent et le comportement parental soit bidirectionnel, les études
longitudinales susmentionnées et au moins une autre, montrant que
le rejet parental est un indicateur prévisionnel de la délinquance
plus fort que le contraire (Simons, Robertson et Downs, 1989), soutiennent
l'importance cruciale du comportement parental pour les résultats
des adolescents. En plus, il importe de remarquer dans les conclusions
des études récentes que, dans les contextes à risque
élevé (par exemple, la pauvreté du voisinage, les
crimes et le chômage), la surveillance parentale ne sera peut-être
efficace que pour diminuer la déviation adolescente chez les adolescents
profondément attachés (Allen, Moore, Bell et Kuperminc,
1998).
7. Attachement, socialisation parentale et sexe
Il est important de comprendre le rapport entre l'attachement adolescent-parent
et l'adaptation pour examiner deux importants effets de modération
: le sexe de l'enfant et le sexe du parent. Premièrement, il est
prouvé que les différences sexuelles émergent dans
les modèles d'attachement de l'adolescence et du début de
l'âge adulte. Il est essentiel de se pencher sur les facteurs qui
contribuent à ces différences. Deuxièmement, il est
prouvé que les relations d'attachement avec les mères et
les pères peuvent différer dans leur importance pour prédire
l'adaptation.
À propos des différences de sexe dans les modèles
d'attachement, dans la première enfance et l'enfance, les différences
de sexe dans la qualité de l'attachement ne sont ni théoriquement
implicites ni typiquement découvertes. Cependant, vers la fin de
l'adolescence et à l'âge adulte, les différences de
sexe dans les modèles d'attachement précaire ressortent
parfois, plus d'hommes étant rejetants et plus de femmes étant
préoccupées (entre autres, Bartholomew et Horowitz, 1991).
Les pratiques parentales de socialisation particulières au sexe
peuvent contribuer à ces différences de sexe dans un style
d'attachement. Par exemple, les parents surveillent plus le comportement
de leurs filles que celui de leurs garçons (consulter Cross et
Madsen, 1997). De plus, bien que les parents exercent un degré
semblable de contrôle sur le comportement de leurs filles et de
leurs garçons, les résultats découlant d'enquêtes
récentes ont montré des différences subtiles dans
la façon utilisée pour exercer ce contrôle. Cela dit,
Pomerantz et Ruble (1998) ont démontré que les mères
étaient capables de contrôler de façon égale
leurs filles et leurs garçons sans toutefois accorder d'autonomie
à leurs filles. En outre, ils ont découvert que contrôler
sans accorder d'autonomie augmente l'étendue à laquelle
les enfants acceptent la responsabilité d'un échec. Les
différences de ce type en socialisation sont probablement associées
non seulement à une autoefficacité réduite pour le
comportement autonome chez les filles (Bussey et Bandura, 1999), mais
aussi à des opinions positives de soi en moindre quantité,
comme cela se reflète dans l'attachement préoccupé
ou craintif par rapport à l'attachement rejetant et profond.
D'autres études réalisées sur la socialisation particulière
au sexe ont démontré que les filles sont plus encouragées
que les garçons à s'occuper des besoins des autres, à
se conformer aux attentes des autres et à juger leur réussite
ou leur échec en fonction de l'acceptation des autres. Les mères
sont plus portées à discuter des sentiments des autres avec
leurs filles plutôt qu'avec leurs garçons (à l'âge
de 18 mois) (Parke, 1967) et, dès l'âge de 2 ans, les filles
sont plus susceptibles que les garçons de parler de leurs sentiments
(Dunn, Bretherton et Munn, 1987). Les parents encouragent aussi plus leurs
filles que leurs garçons à s'occuper des sentiments des
autres en utilisant des techniques d'induction qui les aident à
comprendre les répercussions de leur comportement sur les autres
(Grusec, Dix et Mills, 1982; Smetana, 1989). Pour leur part, les filles
sont plus susceptibles que les garçons à s'attendre à
se sentir mal à l'aise si elles agissent agressivement envers les
autres et à exprimer leur préoccupation concernant les conséquences
de leur comportement agressif sur les autres (Perry, Perry et Weiss, 1989).
Il est possible que le rôle parental particulier à un sexe
augmente le risque d'attachement anxieux et préoccupé chez
les filles et d'attachement rejetant chez les garçons; cependant,
la recherche n'a toujours pas exploré ce lien. Il faut réaliser
des études pour déterminer si la confiance parentale dans
les pratiques de socialisation particulière à un sexe est
reliée à des différences qualitatives dans l'orientation
de l'attachement, et dans quelle mesure.
En ce qui concerne les différences dans les relations d'attachement
avec les mères et les pères, il est important de comprendre
que la plupart des études sur l'attachement et l'adaptation de
l'enfant se sont concentrées sur les relations mère-enfant
plutôt que sur les relations père-enfant en raison du fait
que la mère est généralement le principal fournisseur
de soins pendant l'enfance et que la profondeur de l'attachement pendant
l'enfance est prévisible plus pour l'attachement de l'enfant à
sa mère que pour l'attachement de l'enfant à son père
(Cassidy, 1988; Main, Kaplan et Cassidy, 1985). De surcroît, l'attachement
de l'enfant est prévisible principalement à partir du style
d'attachement de la mère plutôt qu'à celui du père
(Van-IJzendoorn et De-Wolff, 1997). Vers la fin de l'adolescence, comme
pendant l'enfance, les mères demeurent la principale figure d'attachement
(Hazan et Zeifman, 1994; Trinke et Bartholomew, 1997). Bien que les garçons
et les filles voient que la disponibilité de leur mère demeure
constante au cours des ans, les adolescentes perçoivent plus que
les filles plus jeunes que leur père est moins disponible (Lieberman
et al., 1999). En harmonie avec ces constatations, les résultats
de plusieurs études ont démontré qu'il existe d'importants
changements dans la qualité des rapports des filles avec leur père
pendant l'adolescence (Hosley et Montemayor, 1997, ID : 1187)(Paterson,
Pryor et al., 1995, ID : 1012)(Youniss et Smollar, 1985, ID : 695). Ainsi,
avec le passage à l'adolescence, les filles mentionnent qu'elles
se sentent plus distantes, mal à l'aise et éloignées
de leur père et pensent que leur père ne respecte pas leurs
besoins émotifs (Youniss et Smollar, 1985).
Les chercheurs ont quelquefois découvert que l'attachement au
père, plus que l'attachement à la mère, a des associations
significatives, bien que différentes, à l'adaptation (compétence
des pairs) (Kerns et Stevens, 1996; Kerns et Barth, 1995; Suess, Grossmann
et Sroufe, 1992; Youngblade et Belsky, 1992; Youngblade et al., 1993).
Il semble que la chaleur et la participation du père jouent un
rôle unique dans le développement intellectuel (Radin, 1981)
et dans la réussite scolaire (Wagner et Phillips, 1992), et qu'elle
est associée à une plus grande estime de soi au milieu de
l'enfance (Amato, 1986). Il est en plus possible que des relations plus
fortes entre l'attachement enfant-père et l'adaptation émergent
pendant l'adolescence. Par exemple, dans une étude longitudinale
menée auprès d'enfants du nord de l'Allemagne, les styles
de gestion du stress des adolescents âgés de 16 ans ont été
reliés à plusieurs mesures de la qualité de l'attachement
au père au tout début de l'enfance, mais non à la
mère (Grossmann, Grossmann et Zimmermann, 1999). En outre, les
évaluations des adolescents concernant l'affection négative
de leur père, mais non de leur mère, étaient associées
aux évaluations des adolescents concernant la qualité de
leurs relations avec leur parent (Flannery, Montemayor et Eberly, 1994).
Enfin, en ce qui a trait aux symptômes dépressifs à
la mi-adolescence, il a été démontré que les
perceptions de soi en tant que personne indigne de l'amour du père
sont d'une importance particulière (Margolese et al., 1999a et
b).
Il est important d'éclaircir la nature changeante de l'attachement
des filles à leur père, comparativement à celui des
garçons, pendant l'adolescence, la relation de ces différences
à la socialisation parentale différentielle et les incidences
dans l'adaptation. Une fois de plus, il faut poursuivre la recherche pour
comprendre pleinement le rôle différentiel des relations
d'attachement avec les mères par rapport aux relations d'attachement
avec les pères au cours de la croissance.
8. Contexte culturel et social
Étant donné la diversité des cultures contribuant
à la société canadienne, il importe d'évaluer
le degré auquel les constatations examinées plus haut s'appliquent
à toutes les familles canadiennes de divers horizons ethniques.
Des chercheurs ont découvert que les pratiques parentales varient
selon les normes culturelles et les valeurs de socialisation (Ellis et
Petersen, 1992). En Chine, par exemple, les parents contrôlent plus
le comportement de leurs enfants et leur accordent moins d'autonomie psychologique
que les parents d'origine européenne aux États-Unis (Lin
et Fu, 1990). La distribution des styles d'attachement moins profond chez
les enfants varie aussi entre les pays selon que l'on met l'accent sur
l'individualisme ou sur l'interdépendance (Sagi, Van-IJzendoorn
et Koren-Karie, 1991). Ainsi, plus d'enfants allemands sont classés
comme évitants et plus d'enfants japonais le sont comme ambivalents.
Dans un échantillonnage de 400 enfants et adolescents montréalais,
on a découvert que les parents arabes sont plus chaleureux et participent
plus avec leurs enfants et que les parents canadiens-français accordent
plus d'autonomie psychologique; les parents des Indes occidentales font
moins des deux (Karavasilis, Dayan, Doyle, Lanaro et Markiewicz, 1999).
Cependant, les différences interculturelles sont généralement
moins prononcées que les différences intraculturelles (Sagi
et al., 1991). Au surplus, malgré les différences culturelles
dans le style parental ou l'attachement de l'enfant, le rapport entre
le style parental et l'adaptation de l'enfant demeure généralement
le même (Feldman et Rosenthal, 1991). Les enfants qui perçoivent
leurs parents comme chaleureux, intéressés, faisant des
demandes appropriées et permettant une autonomie psychologique
ont généralement une meilleure estime de soi, une plus grande
autonomie et moins de dépression et de délinquance, peu
importe l'origine ethnique ou l'orientation culturelle (Karavasilis et
al., 1999; Steinberg et al., 1995). La seule exception est la réussite
scolaire; là où les adolescents européens et hispano-américains
ont profité de ce style parental autoritaire, contrairement aux
adolescents africains et américains d'origine asiatique (Steinberg
et al., 1995).
Il est aussi important d'évaluer la généralité
des constatations susmentionnées dans différentes structures
familiales (un ou deux revenus). La plupart des études réalisées
sur les effets de l'emploi maternel sur le rôle parental et l'attachement
se sont concentrées sur les nouveau-nés et les jeunes enfants.
Les résultats de ces études indiquent que ce n'est pas vraiment l'emploi de la mère qui affecte la solidité de
l'attachement de l'enfant, mais plutôt sa sensibilité et
sa réceptivité envers son enfant, l'investissement dans
le rôle parental et la participation dans des activités partagées
(Hoffman, 1989; Moorehouse, 1991). Les jeunes adolescents dont les mères
travaillent à l'extérieur ne passent pas moins de temps
avec leur famille, leurs parents, leurs amis, en classe ou seuls, mais
ils passent plus de temps seuls avec leur père (Richards et Duckett,
1994). En plus, les adolescents de mères monoparentales ou travaillant
à l'extérieur ne vivent pas de relations plus litigieuses
ou distantes avec elles que leurs pairs appartenant à des familles
« traditionnelles » (Laursen, 1995). Cependant, il faut réaliser
plus de recherche pour déterminer la façon dont l'emploi
maternel et la condition monoparentale interagissent avec d'autres facteurs
comme la pauvreté, le faible soutien social et le stress de la
vie pour influencer la disponibilité parentale et l'attachement
adolescent-parent.
III Répercussions sur le rôle parental
La prochaine section du rapport se concentre sur les répercussions
de la recherche sur l'attachement et les recommandations concernant le
rôle parental. Il est important de reconnaître que l'attachement
seul ne peut permettre de prédire l'adaptation. Il y a une multitude
de facteurs, notamment l'attachement, qui interagissent de façon
complexe et qui permettent de prévoir l'adaptation. En conséquence,
il faut considérer les incidences discutées dans cette section
dans le contexte de la recherche sur d'autres facteurs qui influencent
l'adaptation de l'enfant et de l'adolescent.
1.Adolescence : Détachement ou autonomie?
Ce que les parents doivent savoir
Une perception erronée commune dans la société insinue
que l'adolescence est une période de détachement des parents.
Cette perception est renforcée par plusieurs facteurs :
- Le temps que les adolescents consacrent à leur famille diminue
d'une façon spectaculaire. La recherche montre que le temps consacré
à la famille durant les heures de veille chute de 35 % à
14 % entre la fin de l'enfance et la mi-adolescence (Larson et al.,
1996). Les parents attribuent souvent ce changement dans le comportement
de leur adolescent au détachement croissant ou au rejet de la
famille.
- La vision voulant que les adolescents se détachent de leurs
parents a été propagée par des théories
de l'adolescence dépassées qui dominaient au cours des
dernières décennies. Ces théories proposaient que
les défis de l'adolescence liés au rôle pubertaire
et social nécessitaient une augmentation graduelle de l'éloignement
émotif des parents.
- Les anciennes théories ont mêlé les concepts de
détachement et d'autonomie. « Être autonome
signifie être autoinitié et autorégulé »
(Ryan et al., 1995). L'autonomie, pour les parents, est le sentiment
qu'un adolescent a la liberté d'exprimer ses croyances et ses
désirs, le choix de négocier avec ses parents et les autres
symboles d'autorité et la possibilité d'assumer un pouvoir
raisonnable sur les décisions importantes de sa vie. Par contre,
le détachement demande nécessairement un désengagement
émotif et physique des parents, jumelé à des sentiments
négatifs concernant l'importance de la relation enfant-parent
et la valeur des parents comme source d'orientation et de confort émotionnel
(Steinberg et Silverberg, 1986). Les adolescents qui vivent la séparation
de leurs parents comme un mouvement vers une plus grande autonomie et
une autodirection combinées à une relation continue avec
leurs parents, vivent plus positivement le passage à l'âge
adulte que les adolescents qui vivent la séparation de leurs
parents comme un détachement émotionnel (Moore, 1987).
Il est maintenant clair que les relations parent-enfant traversent une
transformation pendant l'adolescence, mais que la plupart des adolescents
demeurent sur les plans émotif et psychologique en lien avec leurs
parents. Les efforts éducatifs déployés pour défaire
le mythe du détachement de l'adolescent peuvent être profitables
aux parents.
Ce que les parents doivent faire
Les parents doivent reconnaître l'importance continue de leur relation
avec leur adolescent malgré les changements dans la nature de leurs
interactions. Ils doivent faire attention de ne pas prendre le besoin
d'autonomie pour un rejet de la relation parentale et doivent travailler
avec leur adolescent pour établir un équilibre entre la
connexité continue et l'autonomie croissante.
2. De quelle façon les parents peuvent-ils contribuer au développement
sain de l'adolescent?
Ce que les parents doivent savoir
Si l'adolescent n'a pas besoin de la présence et de la protection
physique des parents de la même manière que le jeune enfant,
de quoi alors a-t-il besoin?
- Bien que le temps consacré à la famille diminue
pendant cette période, l'adolescent continue de passer autant
de temps seul avec sa mère et son père
qu'il le faisait à la fin de l'enfance et il passe plus de temps à discuter de questions interpersonnelles.
- L'adolescent a besoin de ressentir que ses parents sont accessibles
et qu'ils le soutiennent. L'adolescent qui se sent en confiance devant
la disponibilité du soutien émotif de ses parents développe
plus facilement ses habiletés d'adaptation.
- L'adolescent profite surtout du soutien parental au cours du développement
de son autonomie. Le soutien de l'autonomie par les parents (comme le
soutien de l'adolescent lorsqu'il exprime son désaccord et qu'il
en explique les motifs; l'écoute de ses commentaires; la confirmation
de sa position et de ses sentiments) pendant la phase intermédiaire
de l'adolescence (14 ans) laisse prévoir un attachement profond
et une adaptation saine au début de l'âge adulte (Allen
et Hauser, 1996). Les adolescents à qui les parents permettent
de participer graduellement aux prises de décision pendant les
années de l'adolescence sont moins portés à répondre
à la pression exercée par les pairs pour participer à
des activités délinquantes (Fuligni et Eccles, 1993).
- Pendant l'adolescence, la sensibilité parentale s'exprime par
une disponibilité psychologique pour l'enfant tout en favorisant
l'autonomie. Les habiletés parentales particulières comprennent
la chaleur, l'acceptation de l'individualisme, l'écoute active,
la surveillance du comportement, l'établissement de limites et
la négociation. Les adolescents demandent la participation de
leurs parents dans les discussions sur les rapports interpersonnels,
les valeurs et les buts. Les adolescents demandent aussi à leurs
parents d'être disposés à renégocier les
règles et les responsabilités. Il faut toujours éviter
la négligence, l'hostilité, l'excès de contrôle
et l'indiscrétion.
Aider les parents à acquérir des habiletés parentales
qui soutiennent l'autonomie de leur adolescent et la connexité
à lui peut être profitable pour maintenir la profondeur de
l'attachement pendant cette période de développement.
Ce que les parents doivent faire
Les parents doivent être disponibles pour leur adolescent, lui
donner leur appui et participer activement à la négociation
d'une plus grande autonomie et liberté. Ils doivent soutenir l'expression
des sentiments, croyances et buts de leur adolescent. Cela peut s'avérer
difficile, car l'affrontement entre les valeurs parentales et celles de
l'adolescent peut mener à un conflit et à une détresse
émotive. Comprendre que le conflit peut être une possibilité
de développer l'autonomie, de résoudre les problèmes
interpersonnels et de faire croître la relation adolescent-parent
peut aider à éviter des conflits de pouvoir, l'escalade
du conflit et les sentiments de rejet. Les parents doivent continuer à
préciser leurs préoccupations et leurs limites mais en restant
ouverts à la discussion et à la négociation.
Par exemple, un parent dont l'adolescent songe à prendre un premier
emploi dans un café de fin de soirée du centre-ville, loin
de la maison, a peut-être raison de s'inquiéter de sa sécurité
au retour à la maison, du temps pris sur le temps consacré
à ses travaux scolaires et de sa capacité de se présenter
à l'école à l'heure. Au lieu de mentionner à
l'adolescent qu'il ne peut pas accepter cet emploi, le parent doit plutôt
écouter l'adolescent parler de son intérêt pour l'emploi
et peut-être lui demander ce qu'il en pense. Cela donne à
l'adolescent la chance de prendre l'initiative de mentionner ses propres
désirs et préoccupations concernant l'emploi. Si l'adolescent
soulève des préoccupations, le parent doit appuyer l'idée
d'avoir un emploi à temps partiel et s'informer de la possibilité
de solutions de rechange comprenant moins de points négatifs. Si
l'adolescent croit que le parent pourrait le conduire au travail et le
ramener à la maison, ou dit qu'il est prêt à accepter
n'importe quel horaire de travail, le parent doit préciser les
limites et les raisons de ces limites, être disposé à
discuter de façon raisonnable, écouter le point de vue de
l'adolescent et être ouvert à la possibilité de négocier
des changements. La participation parentale peut, par exemple, s'exprimer
par une disponibilité continue pour parler de ces questions et
de ces préoccupations, en fournissant une aide temporaire pour
le transport, en manifestant son intérêt en visitant le café
comme client, si l'adolescent le souhaite.
3. À quel moment l'attachement profond est-il particulièrement
bénéfique à l'adolescent?
Ce que les parents doivent savoir
L'attachement profond est important pour fournir un refuge sûr
pendant les périodes de stress et pour encourager l'exploration
pendant les périodes de croissance. Les adolescents traversent
généralement plusieurs transitions importantes associées
à une augmentation des sentiments de stress et d'anxiété.
Le soutien parental pendant ces périodes peut être particulièrement
utile pour favoriser l'attachement profond et promouvoir une adaptation
saine.
- Transitions scolaires : Le passage à l'école
secondaire est fréquemment associé à une augmentation
de la vulnérabilité, à une baisse de l'estime de
soi et à des sentiments d'incompétence, combinés
à une augmentation du risque de dépression et de comportement
antisocial. La preuve montre que l'attachement profond constitue, pour
les adolescents, une mesure de protection contre le stress associé
à ce genre de transitions (Papini et Roggman, 1992).
- Exploration des règles et des normes sociales : La
participation à certaines activités délinquantes
est normative pendant l'adolescence (entre autres, Shedler et Block,
1990) et peut être reliée à l'exploration, par l'adolescent,
des règles et des normes sociales. Les pressions sociales qu'on
exerce sur les adolescents pour qu'ils se conforment aux attentes du
groupe contribuent aussi à la participation à des activités
délinquantes. Les adolescents tirent profit de l'accessibilité
parentale pour obtenir un soutien émotif, une structure et une
surveillance quant à leur participation à ce genre de
comportement et à leur association avec des pairs qui appuient
ce comportement. En fait, pour les adolescents de contextes à
risque élevé, la structure et la surveillance parentales
sont moins efficaces en l'absence d'une relation fondée sur un
attachement adolescent-parent profond (Allen, Moore, Kuperminc et Bell,
1998). Discuter avec les adolescents des valeurs associées au
comportement, fournir une structure claire et favoriser l'autonomie
dans une bonne prise de décision constituent aussi des comportements
parentaux productifs pendant cette période.
Aider les parents à déterminer les périodes particulières
de stress de leurs adolescents au cours desquelles l'accessibilité
et le soutien parentaux sont critiques peut contribuer à élaborer
des stratégies parentales efficaces.
Ce que les parents doivent faire
Les parents doivent anticiper que leur adolescent aura besoin d'une plus
grande disponibilité et de leur soutien émotif pendant les
périodes de transition, comme l'entrée à l'école
secondaire. Avant le début de la transition, les parents doivent
être disponibles pour leur adolescent afin de discuter, entre autres,
des changements que peut apporter l'entrée à l'école
secondaire, de ses sentiments à cet égard, de ce qu'il peut
faire s'il se sent stressé et des ressources disponibles. Les parents
doivent participer à ce genre de discussions d'une façon
terre-à-terre, sans minimiser les préoccupations de leur
adolescent ni créer d'inquiétudes inutiles. Les parents
peuvent trouver que les enseignants et les autres parents constituent
une ressource utile pour soutenir le passage à l'école secondaire.
Par exemple, une telle transition se déroule plus facilement lorsqu'un
groupe de pairs la traverse ensemble et lorsque de nouvelles amitiés
se forment. Les parents peuvent faciliter l'intégration sociale
de leur adolescent dans le nouveau milieu en discutant et en collaborant
avec les autres parents et les enseignants, par exemple en fournissant
le transport aux événements et aux sorties scolaires, en
établissant des règles normatives comme un couvre-feu et
en fournissant une surveillance convenable lors d'activités sociales
comme les fêtes à la maison.
Les parents doivent soutenir les adolescents dans leur exploration des
normes sociales en écoutant les préoccupations de leur adolescent
concernant l'approbation sociale et la pression du groupe, en discutant
des valeurs associées à divers comportements, en discutant
des raisons expliquant l'établissement de limites et, au besoin,
en négociant les règles. Si les parents s'aperçoivent
que leur adolescent ne peut pas gérer l'exploration des normes
sociales, ils doivent exprimer leurs préoccupations et travailler
avec lui pour assurer sa sécurité.
4. Hormones : Quelle est leur importance?
Ce que les parents doivent savoir
Dans le passé, on considérait généralement
que les changements hormonaux pendant l'adolescence créaient invariablement
de l'agitation, des perturbations et un désengagement de la famille.
Les recherches montrant que la plupart des adolescents ne souffrent pas
de détresse profonde ni de perturbations pendant cette période
et qu'ils ont des sentiments positifs envers eux-mêmes et leur famille
ont dissipé ce mythe (Arnett, 1999). Bien que certains chercheurs
aient avancé que la puberté stimule l'éloignement
de l'enfant et de ses parents, tel un mécanisme biologique chargé
de décourager l'accouplement endogène (Steinberg, 1990),
les recherches n'ont pas démontré de preuve concluante à
cet effet. Dans une étude, on relie le début de la puberté
chez les garçons à une diminution du temps passé
en famille pendant la première phase de l'adolescence; cependant,
cet effet ne s'est pas produit chez les filles (Larson et al., 1996).
En outre, d'autres facteurs, comme les occasions de socialiser avec les
pairs, se présentent comme des médiateurs plus importants
de la réduction du temps passé en famille chez les garçons.
Dissiper les mythes de l'agitation et du désengagement de l'adolescent
en raison de changements hormonaux peut aider les parents à mieux
déterminer et reconnaître les vrais défis que leur
adolescent doit affronter.
Ce que les parents doivent faire
Les parents doivent reconnaître les périodes de détresse
chez leur adolescent. Ils doivent s'assurer de ne pas négliger
les vraies difficultés émotionnelles ni de croire faussement
qu'elles sont causées par des changements physiques associés
à l'adolescence.
5. Relations avec les pairs et pairs par rapport à parents comme
sources d'influence sur les adolescents
Ce que les parents doivent savoir
Les adolescents, en vieillissant, passent de plus en plus de temps avec
leurs pairs, surpassant le temps passé avec les parents dès
la 12e année (17 ans) (Clark-Lempers, Lempers et Ho,
1991; Larson et Richards, 1991), et se fient plus sur leurs pairs que
sur leurs parents pour obtenir de l'intimité et du soutien (Furman
et Buhrmester, 1992; Laursen et Williams, 1997). Les amitiés étroites
durent plus longtemps et valent plus pour les jeunes adolescents que pour
les jeunes enfants (Sullivan, 1953). Les jeunes adolescents ressentent
souvent beaucoup de pression de la part de leurs pairs pour être
conformes dans plusieurs aspects de l'habillement, des activités,
des choses qu'ils aiment et détestent (Feldman et Elliott, 1990).
Il en résulte que les parents peuvent se sentir inefficaces et
peu importants dans leur rôle d'orienter et de soutenir leur adolescent.
Les parents peuvent aussi sentir que l'ami de l'adolescent les remplace
comme figure primaire d'attachement (c'est-à-dire qu'il le recherche
en situation de stress, qu'il lui manque lorsqu'ils sont séparés).
Ils peuvent craindre que de « mauvais » amis influencent leur
adolescent à suivre des directions indésirables dans leurs
buts et leurs comportements. Bien que les amis influencent les adolescents,
ces derniers jouent aussi un rôle dans la sélection des pairs.
La tendance d'un adolescent à s'associer à des pairs qu'il
perçoit semblables à lui (homophilie) est un processus primaire
régissant la sélection des amis des adolescents (Fletcher,
Darling, Steinberg et Dornbusch, 1995).
- Il est important que les parents comprennent que, malgré l'accroissement
de l'importance des relations avec les pairs, les parents continuent
d'avoir une forte influence dans la vie de leur adolescent (Laursen
et Williams, 1997). L'intimité avec les parents, le soutien parental
et l'orientation sont d'importants déterminants de l'adaptation
de l'adolescent. Les amitiés étroites remplacent surtout
les besoins d'affiliation plutôt que les besoins d'attachement.
L'investissement croissant de l'adolescent dans des amitiés étroites
et dans les activités des pairs est mieux perçu, tout
comme l'adolescent qui utilise la relation d'attachement parental comme
une base sûre pour explorer le monde social des relations avec
les pairs.
- En général, les adolescents sont moins influencés
par les pairs et plus influencés par leurs parents à l'égard
des valeurs fondamentales comme les objectifs scolaires, les croyances
religieuses et la moralité (Laursen et Williams, 1997). En fait,
comme il est mentionné plus haut, en soutenant le développement
de l'autonomie d'une façon convenable, les parents protègent
leur adolescent de l'influence exagérée des pairs. Par
exemple, les adolescents que les parents font de plus en plus participer
aux prises de décision sont moins portés à succomber
à l'influence des pairs pour s'engager dans des activités
antisociales (Fuligni et Eccles, 1993). De plus, comme il est mentionné
plus haut, les parents qui surveillent les activités et les compagnons
de leur adolescent le protègent des relations avec des pairs
délinquants, qui constituent un facteur qui risque de l'embarquer
dans des activités délinquantes comme la consommation
de drogues illicites (Dishion, Patterson et Kavanagh, 1992). Le besoin
de conformité aux pairs à l'égard de l'habillement
et des activités, si puissant chez les plus jeunes adolescents
(Feldman et Elliott, 1990), diminue avec les années et est mieux
vu comme une indication de la fragilité de leur autonomie et
de leur besoin d'avoir des preuves tangibles de similitude, d'acceptation
et d'appartenance.
- Il est important que les parents comprennent le sens de la surveillance
(contrôle ferme) exercée dans une ambiance chaleureuse
et visant à encourager l'autonomie. Il est nécessaire
également qu'ils comprennent la distinction entre la disponibilité
et l'indiscrétion, comme ces termes ont été définis
plus haut.
- La participation et la communication des parents avec les responsables
de l'école de leur adolescent sont aussi associées à
la compétence scolaire. Par exemple, les parents qui participent
aux activités scolaires sont mieux renseignés et sont
plus disponibles pour leur adolescent, tant dans les bons moments pour
soutenir leur autonomie que dans les moments stressant pour leur fournir
la sécurité et la protection.
Fournir aux parents une compréhension du rôle des pairs
par rapport à celui des parents comme sources de soutien et d'orientation
pendant l'adolescence est une stratégie utile pour améliorer
l'efficacité des parents.
Ce que les parents doivent faire
Les parents doivent reconnaître l'importance continue de leur engagement
avec l'adolescent à l'égard de l'adaptation, même
si ce dernier accorde plus d'intérêt et de temps à
ses pairs. Ils doivent écouter ses préoccupations en ce
qui a trait aux pressions du groupe, au choix judicieux de ses relations
d'amis et à ses sentiments d'acceptation sociale. Les parents doivent
être au courant de la participation de leur adolescent à
divers groupes de pairs et aux activités scolaires. Ils doivent
surveiller ces points de façon convenable et respectueuse. Comme
il a été mentionné précédemment, si
les parents découvrent que leur adolescent participe à des
situations de groupe dangereuses et hors de ses compétences en
matière de jugement et d'influence, ils doivent agir de façon
à le protéger de ces situations.
6. Relations romantiques
Ce que les parents doivent savoir
La nature et l'importance des relations romantiques au début de
l'adolescence sont imprécises et ont fait l'objet d'une recherche
considérable, dont voici les questions fondamentales : 1) Jusqu'à
quel point les relations romantiques remplissent-elles les fonctions d'attachement
pendant la période de l'adolescence? 2) De quelle façon
les relations romantiques sont-elles reliées aux tendances de l'attachement
adolescent-parent? 3) Quelles sont les incidences des relations romantiques
sur l'adaptation?
- Sur le plan du développement, les relations romantiques sont
généralement brèves au début de l'adolescence
et consistent souvent à peu de connaissance intime du partenaire
et à beaucoup de fantaisie. Au moins pendant la première
phase de l'adolescence, elles sont mieux conceptualisées comme
une exploration du monde social plutôt que comme des relations
d'attachement.
- Cette vision des relations romantiques ne rejette pas le fait qu'elles
constituent des expériences importantes et puissantes sur le
plan émotif pour les adolescents. Bien que les relations romantiques
peuvent être surtout importantes pour les adolescents plus âgés
en raison du transfert graduel des fonctions d'attachement, les adolescents
plus jeunes peuvent vivre des relations romantiques aussi puissantes
sur le plan émotif en raison de leurs capacités non développées
pour traiter des événements émotionnels. La disponibilité
et le soutien parentaux comme source et refuge sûrs pendant ces
événements sont importants. Les adolescents profondément
attachés à leurs parents sont mieux munis pour se débrouiller
de façon adaptative dans ce nouveau domaine. Par exemple, pendant
la phase intermédiaire de l'adolescence, les adolescents profondément
attachés s'engagent plus tard dans des rapports sexuels et les
jeunes adultes profondément attachés ont moins de partenaires
sexuels et sont moins portés à participer à des
relations sexuelles risquées que leurs pairs moins profondément
attachés (Cooper et al., 1998).
Fournir aux parents des renseignements concernant l'importance d'entreprendre
des relations romantiques à la fin plutôt qu'au début
de l'adolescence et concernant le besoin continu de la disponibilité
parentale comme base sûre pour les adolescents les aidera à
répondre convenablement à ces nouvelles relations.
Ce que les parents doivent faire
Les parents doivent comprendre que leur adolescent peut profiter de leur
soutien émotionnel et de leur orientation au moment d'entamer des
relations romantiques. Ils doivent s'assurer de ne pas interpréter
faussement la participation à des relations romantiques comme un
déplacement de l'importance de la relation parentale. Les parents
doivent être à la disposition des adolescents pour discuter
de leurs sentiments, de leurs valeurs et de leurs prises de décision
concernant les questions d'intimité et de participation sexuelle
dans les relations romantiques.
7. Est-ce que certains adolescents ont plus de chances d'avoir des problèmes
d'attachement pendant l'adolescence?
Ce que les parents doivent savoir
Certains adolescents sont vulnérables aux modèles d'attachement
profond en raison de la grande difficulté de leurs premières
expériences de socialisation. Par exemple, les enfants exposés
à de mauvais traitements comme la violence physique ou sexuelle,
la négligence ou la violence familiale sont plus à risque
d'attachement précaire (Cicchetti et Barnett, 1991; Morton et Browne,
1998). Lorsque ces enfants arrivent à l'adolescence, les modèles
d'attachement précaire et d'autres problèmes affectifs peuvent
rendre cette période de développement plus difficile pour
eux et pour leurs fournisseurs de soins primaires. Les relations avec
les fournisseurs de soins peuvent être menacées et le risque
de psychopathologie peut grandement augmenter. Il est particulièrement
important de prédire les besoins de ces adolescents avant l'émergence
des difficultés et de faire en sorte que ces familles aient accès
à des programmes spéciaux. Les mesures préventives,
mises en oeuvre avant l'entrée dans l'adolescence, peuvent s'avérer
rentables à long terme.
Ce que les parents doivent faire
Il est conseillé aux parents d'enfants ayant vécu des difficultés
extrêmes dans les premières relations enfant-parent d'anticiper
les défis de l'adolescence et d'évaluer le besoin de soutien
en santé mentale. Lorsque les enfants ont vécu une interruption
de leurs relations avec les fournisseurs de soins qui a résulté
en une séparation prolongée ou une perte, l'adolescence
peut raviver des questions émotives reliées à ces
premières expériences. Cela dépendra des relations
passées et actuelles et de l'importance de soutien qu'ont reçu
les adolescents en intégrant ces différentes relations avec
les fournisseurs de soins. Les parents doivent appuyer leur adolescent,
comprendre le sens de ses relations avec divers fournisseurs de soins
et l'aider à équilibrer ses liens et son autonomie au sein
de ces relations. Ils doivent s'efforcer de comprendre ce processus et
de ne pas l'interpréter comme un rejet de la relation parentale.
Dans certaines situations, cette démarche demande le soutien de
la famille ou de thérapeutes individuels.
8. De quelle façon la psychopathologie parentale et le style
d'attachement du parent sont-ils reliés à l'attachement
de l'adolescent?
Ce que les parents doivent savoir
La recherche montre des taux plus élevés d'attachement
précaire chez les enfants de parents souffrant de divers désordres,
notamment la dépression (Lyons-Ruth et al., 1991) et l'alcoolisme
(Brennan et al., 1991). Dans le même ordre d'idées, les enfants
de parents ayant eux-mêmes vécu un attachement précaire
dans leurs relations avec leurs propres parents sont plus portés
à être moins profondément attachés que les
enfants de parents ayant profité d'une relation profonde avec leurs
propres parents (Van-IJzendoorn et Bakermans-Kranenburg, 1996). Par exemple,
Benoit et Parker (1994) montrent que le style d'attachement de la mère
a prédit l'attachement du bébé dans 81 % des cas
et que le style d'attachement des grands-mères a prédit
l'attachement du bébé dans 75 % des cas. Bien que la recherche
n'ait toujours pas examiné la transmission de l'attachement entre
les générations pendant la période de l'adolescence,
il est presque certain que l'attachement précaire des parents sera
associé à une augmentation des taux d'attachement précaire
chez les adolescents, peut-être un peu moins profondément
que dans la prime enfance.
Ce que les parents doivent faire
Les parents qui reconnaissent en eux les facteurs qui risquent de mettre
leur adolescent dans une relation d'attachement précaire peuvent
profiter de conseils ou de thérapies pour régler leurs propres
difficultés ou pour réduire la transmission du risque à
l'intérieur de la famille.
9. Jusqu'à quel point les caractéristiques de l'enfant
plutôt que les caractéristiques du rôle parental représentent-elles
la profondeur de l'attachement?
Ce que les parents doivent savoir
La recherche sur les modèles d'attachement pendant la période
de l'adolescence est malheureusement insuffisante pour fournir une réponse
à cette question; cependant, les études d'autres phases
de développement sont informatives. Bien que le parent et l'enfant
contribuent à leurs relations sur une période de temps (Lollis
et Kuczynski, 1997), la preuve recueillie auprès de jeunes enfants
souligne l'importance des parents pour le modelage des modèles
d'attachement de leurs enfants. Par exemple, si le style d'attachement
était inhérent à l'enfant, on s'attendrait à
voir les mêmes genres d'attachement chez les parents. Pourtant,
il est bien connu que la qualité de l'attachement d'un enfant à
un parent n'est pas fortement associée à la qualité
de son attachement à l'autre parent (Lyons-Ruth, 1996). En outre,
bien que le tempérament permette de prédire l'étendue
de la détresse qu'exprime un enfant à la séparation
de sa mère, il ne permet pas de prédire des modèles
particuliers d'attachement (Belsky et Rovine, 1987; Vaughn, Lefever, Seifer
et Barglow, 1989). Le fait que l'attachement de l'enfant peut être
anticipé par le modèle d'attachement propre de la mère
avant la naissance de l'enfant est peut-être l'élément
le plus convaincant (Fonagy, Steele et Steele, 1991).
- Il est évident qu'il faut poursuivre la recherche pour comprendre
le rôle des facteurs endogènes aux adolescents par rapport
à la socialisation parentale qui représente l'attachement
pendant cette période particulière de développement.
La recherche examinée dans ce document, combinée aux études
sur les bébés et les jeunes enfants, mentionne le rôle
puissant et important des parents en modelant l'attachement de l'adolescent.
Ce que les parents doivent faire
Bien que les enfants et leurs parents contribuent activement à
leur relation au cours des ans, les parents qui reconnaissent l'importance
de leur rôle dans le modelage de l'orientation d'attachement de
leur adolescent et qui se sentent en confiance et appuyés dans
le respect des besoins de leur adolescent seront plus portés à
contribuer à un développement sain. Les parents doivent
s'assurer de ne pas rejeter les problèmes de la relation adolescent-parent
comme s'ils étaient simplement causés par le tempérament
ou les autres caractéristiques de l'enfant. Ils doivent reconnaître
qu'ils contribuent avec leur adolescent aux modèles d'interaction
et de comportement.
10. Stabilité de l'attachement pendant l'adolescence
Ce que les parents doivent savoir
Il existe une multitude de possibilités de changement dans les
modèles d'attachement pendant l'adolescence. Ainsi, la recherche
montre qu'environ 30 % des jeunes adultes changent dans leur orientation
d'attachement sur une courte période (Baldwin et al., 1996; Scharfe
et Bartholomew, 1994).
Ce que les parents doivent faire
À la lumière de ces constatations, les parents doivent
comprendre l'importance de continuer à déployer des efforts
pour favoriser l'attachement profond chez leur adolescent. Par contre,
les parents d'adolescents présentant des modèles d'attachement
précaire peuvent être renforcés en sachant que cette
période de développement offre une importante conjoncture
qui favorise le changement vers une plus grande profondeur.
Fournir aux parents une compréhension du rôle des pairs
comparativement à celui des parents comme sources de soutien et
d'orientation pendant l'adolescence (consulter la section III 5., de ce
document) est une stratégie utile pour améliorer l'efficacité
des parents.
IV Incidences sur les politiques gouvernementales et recommandations
pour la recherche à venir
1. Éducation parentale ciblant le mythe du détachement
de l'adolescent
L'éducation publique devrait cibler le mythe du détachement
de l'adolescent et du rejet de la famille (consulter les sections III
1 et 5).
Il faudrait assurer le soutien continu des parents par l'entremise de
programmes parentaux communautaires qui adoptent des concepts d'attachement
et de transformation plutôt que de dissolution de la relation parent-adolescent.
Les programmes de formation au rôle de parent devraient aider les
parents à déterminer les périodes importantes de
transition dans la vie de leur adolescent, à établir une
communication efficace avec lui et à lui assurer un soutien.
2. Stratégies de soutien pour les parents d'adolescents
La transformation de la relation parent-enfant pendant l'adolescence
demande aux parents d'adapter convenablement leurs pratiques parentales.
La documentation examinée indique que la disponibilité parentale,
le soutien et la surveillance continuent d'être des composantes
importantes de l'efficacité du rôle parental. Contrairement
aux jeunes enfants, cependant, les adolescents s'éloignent plus
de la surveillance parentale immédiate et ils souhaitent une plus
grande participation et une négociation des règles et des
attentes. En plus, l'importante croissance cognitive qui se produit pendant
l'adolescence signifie que les adolescents pensent maintenant au genre
de personne qu'ils sont, au genre de personne que sont leurs parents et
aux valeurs chères à chacun. Les valeurs et les croyances
de l'adolescent deviennent des indicateurs prévisionnels importants
de leurs attentes et de leurs comportements.
La recherche sur l'attachement a donné lieu à l'élaboration
d'interventions concentrées sur la prévention et la correction
de l'attachement précaire chez les bébés et les jeunes
enfants (en autres, Crittenden, 1992; Leiberman, Weston et Pawl, 1991;
van den Boom, 1994). Les interventions ont été concentrées
sur deux objectifs complémentaires : 1) modifier la sensibilité
parentale aux besoins et aux comportements d'attachement chez les bébés
et les jeunes enfants; 2) modifier les représentations d'attachement
parental pour qu'elles deviennent un véhicule favorisant la modification
du comportement parental. La recherche sur ces interventions est relativement
préliminaire, mais elle indique à ce jour une certaine forme
de réussite (Lieberman et al., 1991; van den Boom, 1994).
Il est surprenant de constater qu'on a peu tenté d'appliquer la
théorie de l'attachement aux interventions avec les adolescents
et leur famille ou d'adapter des modèles d'intervention pour les
plus jeunes enfants afin qu'ils puissent être appliqués aux
adolescents. Cependant, les principes de l'attachement s'appliquent clairement
tout au long de la vie et il est possible d'adapter les interventions
pour les rendre appropriées au développement des adolescents
et à leur famille. Par exemple, les points suivants représentent
fidèlement la sensibilité et l'habitude des parents d'adolescents
:
- Reconnaissance et réceptivité des besoins de l'adolescent
en matière d'accessibilité et de soutien continus des
parents en tant que base sûre;
- Détermination des besoins de l'adolescent pour accéder
à l'autonomie par l'entremise de négociations actives
à l'intérieur de la relation parent-adolescent;
- Acceptation et soutien des perspectives et des expériences
de l'adolescent comme mode de garantie d'une interdépendance
continue entre le parent et l'adolescent en dépit de la différence
des rôles et des valeurs.
Soutenir les parents dans l'élaboration d'un rôle parental
adapté à leur adolescent peut constituer une intervention
productive justifiant une enquête.
De quelle façon le gouvernement peut-il contribuer à la
mise sur pied de programmes qui mettent en valeur le rôle parental
pour les adolescents et, en fin de compte, l'adaptation de l'adolescent?
- Il est essentiel de concevoir des programmes fondés sur la
sensibilisation aux besoins de la population générale
(c'est-à-dire des programmes universels) et aux besoins de groupes
spéciaux (c'est-à-dire des programmes ciblés).
Il faut poursuivre la recherche pour porter à la connaissance
des parents les défis de l'adolescence et le rôle joué
par leurs relations pour assurer un apprentissage fonctionnel. Cette
recherche montrera probablement que plusieurs parents possèdent
des croyances erronées concernant l'adolescence et sous-évaluent
l'importance des relations avec leur enfant. Elle montrera aussi que
l'adolescence est une période difficile pour les parents et que
plusieurs parents veulent des renseignements sur la façon de
bien jouer leur rôle parental pendant cette période. Avec
ces renseignements, il est possible de prendre des mesures pour cibler
des programmes universels aux domaines particuliers des besoins en éducation.
Les résultats de la recherche montrent que les enfants exposés
aux mauvais traitements, à la négligence et à l'abandon
sont plus à risque d'attachement précaire. Ces adolescents
ont particulièrement besoin d'interventions qui aident au développement
de la profondeur de l'attachement.
- La sensibilité aux périodes spéciales de défi
pendant le développement de l'adolescent constituera aussi un
élément important de ce genre de programme.
- Pour ce qui est des programmes universels, l'affectation de fonds
pour des conférenciers, des animateurs de groupe, des listes
de livres et de matériel recommandés et des enregistrements
vidéo pour les groupes de parents d'écoles secondaires
de premier et de second cycle, les centres communautaires, les bibliothèques,
la télévision et la radio serait précieuse pour
augmenter la sensibilisation et l'éducation. Les annonces télévisées
semblables à celles qui ont été conçues
pour augmenter la sensibilité à l'intimidation et à
la consommation de drogues (entre autres, Olweus, 1992, 1997) seraient
une méthode idéale pour communiquer l'information aux
parents et aux adolescents. La distribution de dépliants dans
les écoles et les cabinets de médecin aiderait aussi à
transmettre l'information à grande échelle. On pourrait
aussi envoyer ces dépliants à tous les parents d'adolescents
entrant à l'école secondaire, accompagnés des renseignements
sur les centres de soutien à joindre pour obtenir plus d'information.
- Étant donné que plusieurs parents peuvent vivre des
difficultés de gestion de l'équilibre entre l'établissement
de limites et le soutien de l'autonomie et interpréter la recherche
d'autonomie de leur adolescent comme une menace à leur relation,
les programmes parentaux communautaires ou scolaires concentrés
particulièrement sur ces questions peuvent leur être utiles.
Ces programmes ont plus de chances de réussir s'ils sont fournis
par des professionnels formés pour travailler avec des groupes
de parents et d'adolescents en vue de les éduquer, de faciliter
une meilleure communication et de résoudre les problèmes
par des jeux de rôles.
- Les programmes de cette nature devraient être offerts pendant
les jonctions importantes du développement de l'adolescent, où
le changement dans l'attachement est très probable et le risque,
très élevé. Il serait donc idéal d'offrir
des programmes ciblant le début de l'adolescence ou l'entrée
à l'école secondaire. Par exemple, les programmes scolaires
offrant de tels groupes à tous les parents et adolescents dès
l'entrée à l'école secondaire peuvent aider à
prévenir, pour la famille et l'adolescent, le développement
des difficultés associées à cette transition.
- Pour ce qui est des programmes ciblés, la recherche montre
que les adolescents provenant de populations cliniques sont portés
à avoir un attachement précaire et il serait avantageux
d'élaborer des interventions concentrées sur l'attachement
pour les besoins spéciaux de ces adolescents et leur famille.
La recherche sur la thérapie utilisée chez des adolescents
montre que l'efficacité est rehaussée lorsque les interventions
ciblent des facteurs multiples dans l'écologie de la jeunesse,
par exemple les problèmes individuels, les questions familiales
et les sujets scolaires et professionnels. Dans une récente tentative
pour présenter les incidences de la théorie de l'attachement
pour une intervention auprès d'adolescents à risque élevé,
Moore et ses collègues (Moore, Moretti et Holland, 1998) ont
proposé plusieurs principes élémentaires pour orienter
l'application de la théorie de l'attachement à l'élaboration
des programmes. Bien qu'il soit préliminaire, ce travail fournit
une base pour la poursuite du développement dans ce domaine.
L'importance de comprendre le sens du comportement dans la perspective
de l'attachement et des modèles réduits internes est un
principe fondamental de cette approche. Les principes reconnaissent
aussi l'importance des premières expériences répétées
avec des proches pour former la base des modèles d'attachement,
tout en reconnaissant que les modèles d'attachement sont «
en cours » et qu'ils peuvent être révisés
en fournissant de nouvelles expériences et une réintégration
des expériences passées. Les jeunes à risque élevé
ont généralement des antécédents d'expériences
d'attachement anormal mal adapté, y compris des expériences
de mauvais traitements, de négligence et d'abandon. Ils se méfient
de l'autorité et sont portés à interpréter
les tentatives de rôle parental conventionnel comme coercitives
et menaçantes. Par l'entremise de la compréhension et
l'empathie de ce que les jeunes perçoivent de leurs relations
avec les fournisseurs de soins, les cliniciens peuvent mieux réussir
à établir une relation avec eux et les aider à
transformer leurs modèles et leur comportement d'attachement.
L'un des principes importants de cette approche réside dans le
fait que les nouveaux fournisseurs de soins, qu'ils soient des parents
de famille d'accueil ou des professionnels de la santé mentale,
doivent élargir leurs relations avec les jeunes et comprendre
que les expériences vécues à l'intérieur
de la relation influencent et peuvent modifier les modèles d'attachement
des jeunes. Dans le même ordre d'idées, il est reconnu
qu'endurer le changement ne se produit que s'il est appuyé par
un changement suffisant et durable des systèmes (par exemple,
le contexte scolaire, familial et social plus large) dans lesquels vivent
les jeunes.
- Cette approche requiert un déplacement de la position primaire
de « contrôle » vers une position de « connexion
» . Ce genre de déplacement s'avère un défi
en raison des pressions sociales exigeant un « contrôle
» du comportement alarmant des jeunes à risque élevé.
L'adoption d'une perspective d'attachement comprend une volonté
de comprendre la jeunesse et de s'y connecter en dépit de son
comportement, accompagnée de l'établissement de limites
claires concernant le comportement problématique. Le but ultime
de ce genre d'approche est d'aider la jeunesse à développer
un « contrôle interne » plutôt que de la laisser
se fier sur un « contrôle externe » par l'entremise
de services de santé mentale ou de services de psychiatrie légale
pour les jeunes.
- ·La preuve suggère beaucoup de similitude entre le style
d'attachement des parents et des enfants (Van IJzendoorn, 1995). Par
conséquent, la prestation de soutien social et de thérapie
pour les parents en ce qui concerne leurs propres besoins d'attachement
ainsi qu'une concentration sur leur prestation pour les besoins de leur
adolescent peuvent être un ajout important aux interventions à
l'adresse des adolescents et de leur famille.
- Il faut appuyer les efforts déployés pour comprendre
la valeur de l'attachement pour intervenir auprès des adolescents
et de leur famille, pour les échantillonnages normatifs et cliniques.
La recherche concentrée sur l'articulation des programmes et
l'évaluation de leur efficacité est justifiée.
3. Ressources existantes et besoins à venir
La disponibilité de programmes universels et ciblés pour
les adolescents et leur famille varie considérablement entre les
provinces et les collectivités. Les ressources communes s'étendent
des groupes de parents et de soutien et des groupes communautaires connexes
qui ne dépendent pas d'un financement gouvernemental aux services
de santé mentale qui sont financés au sein de chaque collectivité.
Parfois, des programmes universels médiatisés et financés
par les gouvernements sont offerts pour accroître la sensibilisation
à des problèmes particuliers (comme les problèmes
de consommation de drogues chez les adolescents, de violence et d'intimidation).
Il est essentiel de déplacer l'attention et de se concentrer dans
les limites des services existants afin de mieux comprendre, connaître
et intégrer dans des programmes les problèmes d'attachement
des adolescents et des parents. Les chances de réussite sont meilleures
grâce aux efforts des gouvernements qui déplacent la concentration
des programmes existants et désuets dans des initiatives spéciales
(par exemple, une campagne médiatique concentrée sur l'importance
des parents tout au long de l'adolescence) ou des programmes spéciaux
(par exemple, l'appui de nouveaux programmes ou la restructuration de
programmes existants).
Une des préoccupations est que les programmes ont surtout été
mis en place pour les jeunes enfants (c'est-à-dire les enfants
âgés de moins de 10 ans) et les adolescents plus âgés
(de 15 ans et plus). Les interventions pour les plus jeunes enfants se
concentrent sur l'acquisition de nouvelles compétences parentales,
l'acquisition de nouvelles compétences sociales et l'intervention
correctrice en milieu scolaire. Par contre, les interventions pour les
adolescents plus âgés se concentrent sur la psychothérapie
individuelle, les installations récréatives et sociales
(programmes pour les adolescents) et la formation professionnelle. Il
existe relativement peu de programmes pour les jeunes adolescents (de
11 à 14 ans). Cela est regrettable en raison des risques documentés
associés au passage à l'école secondaire pour les
membres de ce groupe d'âge et le fait que la période de la
pré-adolescence jusqu'au début de l'adolescence est connue
comme une période dangereuse pour l'émergence du trouble
des conduites à début tardif. Les programmes pour ce groupe
d'âge peuvent être particulièrement rentables en prévenant
l'émergence des problèmes fonctionnels de l'adolescent qui
s'empirent et placent éventuellement un fardeau important sur les
ressources en santé mentale. Comme il a été mentionné
précédemment, les programmes universels ciblant l'entrée
à l'école secondaire peuvent être très utiles
à cet égard. Ce genre de programme pourrait être intégré
dans l'orientation de l'école secondaire, exigeant la participation
et des parents et des jeunes. Ce programme peut être fourni très
efficacement dans l'année de transition précédant
l'entrée à l'école secondaire, bien qu'il faille
penser à élargir certaines composantes du programme aux
premières années de l'école secondaire (par exemple,
poursuivre la distribution d'information aux parents et aux adolescents).
Un tel programme pourrait être intégré à une
visite de l'école secondaire et à une discussion du protocole
de l'établissement (attentes) et à ses préoccupations
(sécurité). À l'intérieur de ce contexte,
on pourrait discuter, entre autres, des questions concernant la transition
à l'adolescence et de l'importance du soutien et de la surveillance
continus dans les limites de la relation parent-enfant. Une présentation
vidéo et la distribution de matériel éducatif (par
exemple, des dépliants, des ressources de référence
pour les parents et la jeunesse en besoin) pourraient être ajoutées
si le temps le permet. Les programmes devraient cibler et les parents et les adolescents à des niveaux appropriés
pour assurer un changement dans la façon dont les membres de la
famille comprennent la période de l'adolescence et le rôle
parental pendant cette période. Les composantes clés de
ce programme comprendraient la dissipation des mythes au sujet de l'adolescence,
la compréhension des défis de l'adolescence et les transitions
dans la relation parent-enfant et mettraient l'accent sur le besoin d'une
participation active et continue pour soutenir et surveiller les adolescents.
Il est essentiel que les professionnels de la santé mentale et
autres professionnels participant à la prestation de services soient
sensibilisés et connaissent les questions d'attachement adolescent-parent
et incorporent ces connaissances dans des programmes d'intervention. En
ce moment, il y a un manque de personnel bien formé pour voir à
l'élaboration du programme et pour former d'autres personnes oeuvrant
déjà dans le milieu. La formation est nécessaire
non seulement pour l'attachement adolescent-parent, mais aussi pour le
développement psychologique de l'adolescent, le rôle parental
et les interventions d'attachement avec des personnes et des groupes.
Il faut organiser des programmes de formation interne.
La formation devrait être offerte aussi aux nouveaux praticiens
dans les programmes de formation appliquée du développement,
clinique ou communautaire spécialisés dans l'adaptation
de l'adolescent. Des programmes médicaux, de soins infirmiers et
de travail social axés sur la médecine familiale, la médecine
communautaire et la médecine de l'adolescent ainsi que des programmes
en éducation peuvent aussi fournir des contextes pour ce genre
de formation. Il faut déployer des efforts pour que ces programmes
traitent des questions d'attachement afin que les diplômés,
et surtout les praticiens fournissant les services à toute la population
(médecins de famille ou généralistes, enseignants),
puissent mieux comprendre les besoins de leur clientèle et y répondre.
4. Comprendre l'influence des pairs et des partenaires romantiques
Compte tenu de la transition dans les relations avec la famille et les
pairs pendant l'adolescence, il est nécessaire d'avoir des programmes
d'éducation parentale soulignant les renseignements importants
en matière d'attachement aux pairs et le développement des
relations romantiques.
Beaucoup plus de recherche s'impose pour comprendre les transitions dans
les fonctions d'attachement à différentes figures ciblées
pendant les années de l'adolescence.
5. Le rôle du contexte dans le lien attachement-adaptation
La recherche existante suggère qu'il existe une relation modérée
entre l'attachement et l'adaptation pour que la relation entre l'attachement
et l'adaptation soit élargie dans les contextes à risque.
Bien que la recherche ne suffise pas à tirer avec certitude ce
genre de conclusion, une des incidences est que les programmes d'intervention
pour favoriser l'attachement sain entre l'adolescent et le parent devraient
cibler des familles de contextes à risque élevé.
On devrait effectuer ce genre d'interventions dans des centres de santé
communautaire ou dans des écoles situées dans des secteurs
à faible revenu.
V. Résumé des l' orientation de la recherche
- Étant donné les changements normatifs au comportement
d'attachement avec les parents au milieu de l'enfance et pendant l'adolescence,
il faut poursuivre la recherche pour déterminer la façon
dont se manifestent les différences qualitatives dans l'attachement
adolescent-parent pendant l'adolescence. Par exemple, nous n'avons pas
établi de mesures d'autodéclaration pour les périodes
de la mi-enfance et de l'adolescence pour les différents modèles
d'attachement précaire, malgré la réussite des
mesures d'autodéclaration dans d'autres domaines (par exemple,
l'autoconcept, le style parental) avec ce groupe d'âge. Ainsi,
il semble que les pointages préoccupés des enfants de
cinquième année sur le Coping Strategies Questionnaire
(Finnegan et al., 1996) ont un rapport positif plutôt que négatif
avec les instruments de mesure de la profondeur de l'attachement (Karavasilis
et al., 1999; Mayseless, communication personnelle, 28 juillet 1999).
La majorité de la documentation sur les enfants de ce groupe
d'âge est fondée sur des études longitudinales d'enfants
classés par la situation étrange en tout bas âge
ou au début de l'enfance. Le travail d'entrevue (entre autres,
Bartholomew, Moretti et Kobak) a élargi les mesures élaborées
d'abord chez les adultes, mais ces mesures d'entrevue n'ont pas été
généralement utilisées dans des études d'adaptation.
- La recherche sur le déplacement du développement dans
les fonctions d'attachement des parents vers les partenaires romantiques
n'a pas évalué les adolescents manifestant des différences
qualitatives dans la profondeur d'attachement.
- Il faut poursuivre la recherche sur les mesures d'autodéclaration,
d'entrevue et d'observation de l'attachement chez les adolescents et
leurs parents pour évaluer la façon dont les différences
développementales et qualitatives sont reliées à
l'adaptation.
- Ce genre de recherche doit aussi incorporer une approche à
plusieurs méthodes de mesure d'attachement et d'adaptation, incorporant
des mesures de différents informants (Ge, Best, Conger et Simons,
1996), pour éviter les associations gonflées par une méthode
de variance partagée.
- Il faut aussi poursuivre la recherche développementale qui
prend en considération la différence qualitative de l'attachement,
comme il est souligné dans la section III 4, pour examiner l'incidence
des nouvelles figures d'attachement (proches amis, partenaires romantiques)
sur la relation parent-enfant, notamment le degré auquel le parent
est recherché pour remplir des fonctions d'attachement (proximité,
base sûre, estime de soi, refuge sûr, etc.). Le travail
réalisé sur des adultes (Fraley et Davis, 1997; Trinke
et Bartholomew, 1997) touche à l'importance et à la complexité
de ces travaux dans le contexte développemental.
- Il faut aussi poursuivre la recherche pour évaluer si un style
d'attachement généralisé, propriété
assez stable de la personne, se développe pendant l'adolescence
ou si l'attachement de l'adolescent est surtout une réflexion
des qualités des relations continues d'attachement (Allen et
Land, 1989). Ce genre de recherche, expliquant le raffinement des mesures
disponibles, doit évaluer la qualité de l'attachement
à différentes figures ciblées, aux parents, aux
amis et aux partenaires romantiques. Il faut en fin de compte effectuer
des études longitudinales comprenant des mesures d'attachement
et de contexte préliminaires et concurrentes. Dans ce genre de
recherche, il est surtout important de prendre simultanément
en considération les différences qualitatives dans le
style parental à long terme (Ge et al., 1996) et dans les changements
de développement dans l'interaction adolescent-parent (Fuligni
et Eccles, 1993). Ce genre de recherche s'impose pour planifier les
cibles les plus efficaces et le calendrier des interventions dans l'intention
d'améliorer les relations d'attachement des adolescents avec
leurs parents.
- Le recherche existante sur la stabilité de l'état d'attachement
(seulement 70 % de stabilité sur une période de plusieurs
mois) suggère actuellement un potentiel considérable d'interventions
pendant l'adolescence conçues pour favoriser un attachement plus
profond. Il est pleinement justifié de poursuivre la recherche
concernant les déterminants de stabilité et de changement
dans l'attachement de l'adolescent, surtout sur le degré auquel
le changement est possible dans les limites du contexte d'une relation
parent-adolescent continue par rapport au contexte de nouvelles relations.
Ce genre de connaissances est essentiel à la conception de programmes
d'intervention pour favoriser un attachement sain et une adaptation
saine pour l'adolescent.
- Ce genre de recherche doit comprendre une vaste gamme de classes sociales,
de structures familiales et d'origines ethniques, des pères et
des mères ainsi que des garçons et des filles. La taille
de l'échantillonnage doit être convenable pour permettre
des analyses statistiques valables à l'intérieur de sous-groupes
pour évaluer la généralisabilité de tout
le sous-groupe.
- Il faut appuyer les efforts déployés pour comprendre
la valeur de l'attachement pour une intervention auprès des adolescents
et de leur famille, pour un échantillonnage normatif et un échantillonnage
clinique. La recherche concentrée sur l'articulation des programmes
et l'évaluation de leur efficacité est essentielle.
- Une recherche suffisante a été effectuée
pour justifier d'autres étapes visant une orientation universelle
vers le genre de programme d'école secondaire susmentionné.
Il faut poursuivre les travaux de développement de programmes
pour préciser les composantes de l'intervention. Cette initiative
peut comprendre la sélection préliminaire des attitudes
des parents et des adolescents envers l'adolescence et la relation
parent-adolescent pour déterminer les secteurs clés
des besoins en éducation. Une évaluation formelle
du programme demanderait une mise à l'essai de l'incidence
du programme sur les connaissances et le comportement du rôle
parental et sur les attitudes et l'adaptation des adolescents fréquentant
les écoles ciblées par rapport aux écoles n'offrant
pas ce genre de programme.
- Pour ce qui est de l'évaluation des interventions cliniques,
bien que certains praticiens et centres utilisent actuellement une
théorie de l'attachement pour orienter la pratique clinique,
il faut poursuivre les travaux pour articuler clairement les composantes
de ces programmes et préparer les manuels de traitement,
après quoi la recherche peut alors être concentrée
sur l'évaluation de l'efficacité de ce genre de programmes
à l'intérieur de populations particulières
(par exemple, les adolescents agressifs, les adolescents souffrant
de dépression ou d'anxiété). L'efficacité
sera mieux évaluée à l'aide de méthodes
d'évaluation comparative (par exemple, l'intervention d'attachement
comparée à d'autres formes d'intervention) et d'approches
qualitatives (par exemple, des études de cas).
Résumé : Recommandations pour la recherche à venir
- Élaborer et valider des mesures d'autodéclaration, d'observation
ou d'entrevue fondées sur des mesures de l'attachement pour les
adolescents.
- Préciser les déterminants de la stabilité et
du changement dans l'attachement de l'enfance à l'adolescence
et de l'adolescence à l'âge adulte.
- Enquêter sur les transitions dans les fonctions d'attachement
des parents, des pairs et des partenaires romantiques du début
de l'adolescence au début de l'âge adulte.
- Documenter l'émergence des représentations d'attachement
généralisées par rapport aux représentations
d'attachement différenciées du début de l'adolescence
au début de l'âge adulte.
- Enquêter sur les facteurs du rôle parental pertinents
aux déplacements de l'attachement profond à l'attachement
précaire par rapport à celui de l'attachement précaire
à l'attachement profond pendant l'adolescence.
- Examiner les facteurs de médiation et de modération
en matière de relation entre l'attachement et le fonctionnement
de l'adolescent au début de l'âge adulte (c'est-à-dire
la pauvreté, une psychopathologie parentale, les relations avec
les pairs, la réussite scolaire).
- Élaborer et évaluer les programmes universels et ciblés
qui se concentrent sur l'attachement, les relations familiales et l'adaptation
pendant l'adolescence.
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Attachement aux parents et adaptation pendant l'adolescence : analyse
bibliographique et incidences politiques
Anna Beth Doyle, Ph.D. et Marlene M. Moretti, Ph.D.
Université Concordia
Université Simon Fraser
Avec la collaboration de
Kirsten Voss, M.A. Stephanie K. Margolese, M.A.
Université Concordia
Rapport préparé pour la Division de l'enfance et de
l'adolescence
(Numéro de dossier 032ss.H5219-9-CYH7/001/SS) 31 mars
2000
Adresse du premier auteur : Centre de recherche
en développement humain, Université Concordia, 7141, rue
Sherbrooke Ouest, Montréal (Québec), Canada H4B 1R6. Téléphone
: (514) 848-7538 - Télécopieur : (514) 848-2815 -Courriel
: abdoyle@vax2.concordia.ca.
Attachement aux parents et adaptation pendant l'adolescence
: analyse bibliographique et incidences politiques
Résumé
Ce document présente un compte rendu de l'analyse bibliographique
concernant le rapport entre l'attachement aux parents pendant l'adolescence
et l'adaptation psychologique et sociale des adolescents. Le document
résume les recommandations en matière de pratiques parentales
saines, les programmes gouvernementaux et la recherche.
Conclusions
"Question de recherche no 1 : L'attachement aux parents pendant l'adolescence a-t-il une
incidence sur l'adaptation psychologique et sociale des adolescents?
L'attachement profond pendant l'adolescence est lié à un
nombre moins élevé de problèmes de santé mentale,
notamment une diminution des taux de dépression, d'anxiété
et de sentiments d'incompétence personnelle1-5. Les
adolescents très attachés à leurs parents ont moins
de chances de se livrer à la toxicomanie, à adopter un comportement
antisocial et agressif et à s'engager dans des activités
sexuelles risquées2,6-9. Ils gèrent aussi beaucoup
mieux le passage à l'école secondaire et jouissent de relations
plus positives avec leur famille et leurs pairs10, 11. Ils
démontrent moins de préoccupations envers la solitude et
le rejet social que les adolescents moins attachés à leurs
parents et ils font preuve de plus de stratégies d'adaptation1,12.
Question de recherche no 2 : Quel rôle
les parents jouent-ils pour assurer un attachement profond pendant l'adolescence?
Les relations parent-enfant traversent d'importantes transitions pendant
l'adolescence, notamment une diminution du temps consacré aux parents
et un déplacement de la dépendance vers une réciprocité
mutuelle13,14. Les parents jouent un rôle important en
soutenant un attachement profond pendant ces transitions15.
Les adolescents profitent d'un soutien parental favorisant le développement
de l'autonomie tout en assurant une surveillance continue et une connexité
émotive. La disponibilité psychologique, la chaleur, l'écoute
active, la maîtrise du comportement, l'établissement de limites,
l'acceptation de la personnalisation et la négociation des règlements
et des responsabilités font partie des compétences parentales
particulières qui mettent en valeur le renforcement de l'attachement
et le développement de l'autonomie16-18. Le soutien
parental pendant les périodes stressantes de transition (par exemple,
le passage à l'école secondaire) laisse présager
une adaptation positive de l'adolescent11.
RECOMMANDATIONS
Incidences sur l'efficacité du rôle parental
- Les parents doivent reconnaître l'importance continue de leur
relation avec leur adolescent. Ils doivent prendre soin de ne pas confondre
le développement de l'autonomie de l'adolescent et le rejet de
la relation parentale.
- Les parents doivent être à la disposition de leur adolescent,
l'appuyer et être activement engagés à négocier
une plus grande autonomie et autosuffisance.
- Les parents doivent s'attendre à ce que leur adolescent leur
demande d'être plus disponibles et de l'appuyer pendant les périodes
de transition comme le passage à l'école secondaire. Les
parents doivent appuyer leur adolescent dans la planification et la
gestion efficaces de cette transition.
- Les parents doivent appuyer leur adolescent dans l'exploration des
normes sociales en écoutant ses préoccupations concernant
l'acceptation sociale et la pression des pairs, en discutant des valeurs
et des motifs d'établissement de limites et en négociant
les règlements nécessaires. Les parents doivent surveiller
la participation de leur adolescent à des situations susceptibles
de présenter un danger et voir avec lui à assurer sa sécurité.
- Les parents doivent prendre soin de ne pas faire abstraction des vrais
problèmes émotifs de leur adolescent en assumant qu'ils
sont causés par des changements physiologiques ou hormonaux associés
à cette période de développement.
- Les parents doivent prendre soin de ne pas rejeter les problèmes
associés à la relation adolescent-parent comme s'ils étaient
causés par l'âge, le tempérament ou d'autres caractéristiques
de l'enfant. Les parents et leur adolescent contribuent ensemble à
cette relation.
- Les parents doivent reconnaître l'importance continue de leur
relation avec leur adolescent pour que celui-ci puisse s'adapter, en
dépit de l'augmentation de l'intérêt et du temps
que leur enfant consacre à ses pairs. Les parents doivent connaître
et surveiller les groupes de pairs desquels leur adolescent fait partie
et leurs activités à l'école.
- Les parents doivent comprendre qu'au moment où leur adolescent
entre dans des relations romantiques, celui-ci peut profiter de leur
soutien affectif et de leur encadrement. Les parents doivent être
disponibles pour discuter avec leur adolescent de ses émotions,
de ses valeurs et de sa prise de décision concernant les questions
touchant l'intimité et l'aspect sexuel dans les relations romantiques.
- Il est conseillé aux parents d'un enfant ayant vécu
de grandes difficultés au cours des premières relations
enfant-parent de prévoir les défis de l'adolescence et
d'évaluer s'il a besoin d'un soutien en santé mentale.
- Les parents qui reconnaissent en eux les facteurs de risque pouvant
mettre en danger l'attachement précaire de leur adolescent peuvent
profiter de conseils ou de thérapies pour régler leurs
propres difficultés ou pour réduire la transmission du
risque à d'autres membres de la famille.
Incidences sur les programmes gouvernementaux
Le gouvernement doit appuyer les initiatives suivantes dans son programme
de santé mentale :
- Élaborer des initiatives d'éducation publique qui démythifient
l'éloignement de l'adolescent de ses parents et qui mettent en
valeur la reconnaissance et la compréhension de l'importance
de la relation parent-enfant. Parmi les stratégies visant ce
but figurent les campagnes de publicité-médias et la distribution
de brochures d'information par l'entremise des organismes gouvernementaux,
des bureaux de santé publique et des écoles. L'affectation
de fonds pour couvrir les frais de conférenciers spécialisés
et de matériel écrit et vidéo pour les groupes
de parents d'écoles secondaire de premier cycle et de second
cycle, les centres communautaires, les bibliothèques et autres
constituerait aussi une mesure efficace.
- Élaborer et évaluer des programmes pour aider les parents
à acquérir des compétences parentales efficaces
axées sur les adolescents, notamment les compétences nécessaires
pour les soutenir et les encadrer pendant les périodes de transition.
Cette initiative peut se réaliser rapidement par l'élaboration
de programmes universels ciblant l'entrée à l'école
secondaire et fournissant l'éducation et le soutien en relation
avec les transitions dans les relations parent-enfant et les compétences
parentales efficaces.
- Élaborer et évaluer des programmes ciblés se
concentrant sur les questions relatives à l'attachement et les
stratégies parentales efficaces pour les adolescents à
risque élevé et leur famille.
- Appuyer une formation éducative offerte par des professionnels
de la santé mentale et d'autres professionnels touchés
par la prestation de services pour augmenter la compréhension
des questions ayant trait à l'attachement de l'adolescent et
accroître la sensibilisation à ce sujet.
"Recommandations pour les initiatives de recherche
- Élaborer et valider des mesures d'attachement pour les adolescents
fondées sur l'autodéclaration, l'observation ou l'entrevue.
- Effectuer une recherche sur les déterminants de stabilité
et de changement dans l'attachement, de l'enfance à l'adolescence
et de l'adolescence à l'âge adulte.
- Enquêter sur les transitions dans les fonctions d'attachement
des parents, des pairs et des partenaires romantiques, du début
de l'adolescence jusqu'au début de l'âge adulte.
- Documenter l'émergence des représentations d'attachement
généralisées par rapport aux représentations
d'attachement différenciées, du début de l'adolescence
jusqu'au début de l'âge adulte.
- Enquêter sur le rôle parental relatif aux changements
reliés à l'attachement pendant l'adolescence : passage
de l'attachement profond à l'attachement précaire par
rapport au passage de l'attachement précaire à l'attachement
profond.
- Déterminer les éléments de médiation et
de modération du rapport entre l'attachement de l'adolescent
et son fonctionnement au début de l'âge adulte (c'est-à-dire
la pauvreté, la psychopathologie parentale, les relations avec
les pairs, la réussite scolaire).
- Élaborer et évaluer des programmes universels et ciblés
se concentrant sur l'attachement aux parents, les relations familiales
et l'adaptation pendant l'adolescence.
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between parenting styles and adolescent attachement. Poster presented
at the biennial meetings of the Society for Research in Child Development,
Albuquerque, Mars.
I Objectifs |
|
|
II Analyse bibliographique |
1. |
Contexte: Le défi de l'adolescence pour les jeunes
et leurs parents |
2. Théorie de l'attachement |
3. Attachement et adaptation pendant l'enfance |
4. |
Développement de l'attachement pendant l'adolescence |
5. Attachement et adaptation pendant l'adolescence |
6. Rôle parental, profondeur de l'attachement et
adaptation pendant l'adolescence |
7. Attachement, socialisation parentale et sexe |
8. Contexte culturel et social |
|
|
III Incidences sur le rôle parental |
1. |
Adolescence : Détachement ou autonomie? |
|
Ce que les parents doivent savoir |
|
Ce que les parents doivent faire |
2. |
De quelle façon les parents peuvent-ils contribuer
au développement sain de l'adolescent? |
|
Ce que les parents doivent savoir |
|
Ce que les parents doivent faire |
3. |
À quel moment l'attachement profond est-il particulièrement
bénéfique aux adolescents? |
|
Ce que les parents doivent savoir |
|
Ce que les parents doivent faire |
4. |
Hormones : Quelle est leur importance? |
|
Ce que les parents doivent savoir |
|
Ce que les parents doivent faire |
5. |
Relations avec les pairs et pairs par rapport à
parents comme sources d'influence sur les adolescents. |
|
Ce que les parents doivent savoir |
|
Ce que les parents doivent faire |
6. |
Relations romantiques |
|
Ce que les parents doivent savoir |
|
Ce que les parents doivent faire |
7. |
Est-ce que certains adolescents ont plus de chances
d'avoir des problèmes d'attachement pendant l'adolescence? |
|
Ce que les parents doivent savoir |
|
Ce que les parents doivent faire |
8. |
De quelle façon la psychopathologie parentale
et le style d'attachement du parent sont-ils reliés à
l'attachement de l'adolescent? |
|
Ce que les parents doivent savoir |
|
Ce que les parents doivent faire |
9. |
Jusqu'à quel point les caractéristiques
de l'enfant plutôt que les caractéristiques du rôle
parental représentent-elles la profondeur de l'attachement?
xviii Ce que les parents doivent savoir Ce que les parents doivent
faire |
|
Ce que les parents doivent savoir |
|
Ce que les parents doivent faire |
10. |
Stabilité de l'attachement pendant l'adolescence |
|
Ce que les parents doivent savoir |
|
Ce que les parents doivent faire |
IV Incidences sur les politiques gouvernementales
et recommandations pour la recherche à venir |
1. |
Éducation parentale ciblant le mythe du détachement
de l'adolescent |
|
|
|
|
|
|
|
|
2. |
Stratégies de soutien pour les parents d'adolescents |
3. |
Ressources existantes et besoins à venir |
4. |
Comprendre l'influence des pairs et des partenaires
romantiques |
5. |
Le rôle du contexte dans le lien attachement-'adaptation |
|
|
|
|
Résumé des directives de recherche |
Résumé : recommandations pour
la recherche à venir |
I Objectifs
L'attachement profond est de plus en plus reconnu comme un élément
central de l'apprentissage fonctionnel à l'indépendance
durant tout la vie. Au cours des deux dernières décennies,
les chercheurs ont précisé le rôle du renforcement
de l'attachement en mettant en valeur le bien-être psychologique
pendant l'enfance et l'âge adulte. Plus récemment, l'attention
s'est tournée sur la compréhension du rôle de l'attachement
aux parents pour assurer une adaptation saine pendant l'adolescence. Les
objectifs de ce document comportent deux volets :
- Analyser la bibliographie et fournir une critique qualitative du rapport
entre l'attachement adolescent-parent et l'adaptation de l'adolescent;
- Élaborer des recommandations relatives à des pratiques
parentales saines mettant en valeur la qualité de l'attachement
adolescent-parent et déterminer les incidences politiques sur
les programmes gouvernementaux.
II Analyse bibliographique
À titre d'introduction à la question du rôle de l'attachement
profond dans l'adaptation saine de l'adolescent, nous commençons
par une brève discussion sur le défi spécial qu'engendre
la période d'adolescence pour les enfants et leurs parents.
1. Contexte : Le défi de l'adolescence pour les jeunes et leurs
parents
L'adolescence apporte de nouveaux défis et de nouvelles possibilités
pour se comprendre à l'intérieur de notre contexte social.
Les écarts de croissance dans la capacité métacognitive
et représentationnelle qui surviennent pendant l'adolescence (Case,
1985; Chalmers et Lawrence, 1993; Selman, 1980) favorisent une vision
hautement différenciée et complexe de soi et des autres
(Harter, 1990; Marsh, 1989; Moretti et Higgins, 1990; Moretti et Higgins,
1999). Les adolescents se forment des perceptions généralement
de plus en plus abstraites d'eux-mêmes et des autres en considérant
de multiples attributs.
Mais le plus important, c'est qu'ils acquièrent des capacités
métacognitives leur permettant simultanément de comparer
leur propre évaluation de ces attributs et de les distinguer des
évaluations qu'ils croient que les autres, tels que leurs parents
et leurs pairs, font. Les adolescents peuvent de plus spéculer
sur ce que serait le fait d'être une personne différente,
d'être dans une relation différente avec leurs parents ou
avec leurs pairs, et ainsi de suite. La capacité de l'adolescent
à représenter ces scénarios lui fournit la possibilité
d'imaginer et de jouer un autre rôle de lui-même dans sa relation
avec les autres et de considérer les conséquences liées
au fait d'essayer des rôles différents.
L'adolescence apporte aussi une période de transition importante
dans les attentes de la famille et en ce qui a trait au rôle social,
accompagnée d'un accroissement de l'étendue et du degré
d'intimité dans les rapports sociaux (Buhrmester et Furman, 1987;
Selman, 1980). Les transitions cognitives et sociales de la période
d'adolescence offrent la possibilité d'explorer de nouveaux rôles
personnels et sociaux et d'entamer de nouvelles relations, différents
et complexes. L'intégration de nouveaux renseignements, complexes
et parfois contradictoires, sur soi-même à l'intérieur
du contexte social constitue l'un des principaux défis de l'adolescence
(Collins, 1990). Il n'est pas surprenant que cette période de croissance
soit caractérisée par une intense préoccupation de
soi (Elkind, 1967; Elkind, 1985) en raison du fait que les adolescents
essaient de comprendre, d'intégrer et de solidifier leur identité
et leur position par rapport à ceux qui les entourent.
L'adolescence se divise généralement en trois phases :
une première phase (13 et 14 ans), une phase intermédiaire
(de 15 à 18 ans) et une dernière phase (19 ans - adoption
des rôles d'adulte). Pendant la première phase de l'adolescence,
l'émergence de l'autonomie est perçue comme une importante
tâche développementale (Allen, Hauser, Bell et O'Connor,
1994; Collins, 1990). Les modèles précédents de l'adolescence
ont mis l'accent sur le détachement et la dissociation comme l'étape
normative de développement des relations parent-enfant (Blos, 1968).
Bien que l'adolescence comporte une transition d'un rapport de dépendance
envers les parents vers des relations mutuellement réciproques
avec d'autres (des parents, des pairs et des partenaires intimes, par
exemple), ce changement ne force pas les adolescents à se détacher
de leurs parents (Lamborn et Steinberg, 1993; Ryan, Deci et Grolnick,
1995). Les modèles récents, fondés sur une théorie
de l'attachement, insistent sur l'importance de l'attachement ou de la
connexité aux figures parentales pour pouvoir s'adapter pendant
les années de l'adolescence, malgré une réduction
du nombre d'activités partagées et d'interactions (Bowlby,
1969, 1973, 1980; Larson, Richards, Moneta et Holbeck, 1996). Les chercheurs
soutiennent aujourd'hui que l'attachement profond aux parents et la connexité
émotive aux parents facilitent la transition à une plus
grande autonomie (Ryan et Lynch, 1989). Par exemple, Grolnick et Ryan
(1989) ont découvert que l'autorégulation autonome chez
les enfants est reliée au soutien parental de l'autonomie - c'est-à-dire
à l'encouragement et au soutien des parents à participer
aux prises de décision et à la résolution indépendante
des problèmes. Ils affirment que l'autonomie est facilitée
lorsque les parents permettent aux enfants de se diriger vers l'indépendance
dans l'autorégulation à l'intérieur d'une relation
solide et cordiale. Comme le précisent Ryan et Lynch (1989), «
l'individualisation ne vient des parents, mais plutôt des adolescents
» (p. 341).
Même avec le soutien parental, la transition à l'autonomie
constitue toutefois un défi pour l'adolescent et ses parents. Cette
tâche développementale demande que les adolescents se différencient
de plus en plus et définissent qui ils sont, les valeurs auxquelles
ils aspirent et l'incidence des relations sur leur identité. Au
fur et à mesure que les jeunes approchent de l'adolescence, ils
sont plus préoccupés par les opinions des autres à
leur endroit, surtout par celles de leurs pairs et de leurs partenaires
romantiques (Keating, 1990). Les sentiments intenses de connexion avec
leurs partenaires romantiques et leurs meilleurs amis prennent le dessus
et les jeunes doivent établir un équilibre entre ces relations
et les relations avec leurs parents et les membres de la famille. Les
adolescents sont fortement motivés à se faire accepter des
autres et peuvent y arriver en se présentant eux-mêmes «
faussement » , c'est-à-dire en démontrant des attributs
ou des croyances qui ne sont pas les leurs, mais qui sont conçus
pour impressionner les autres ou pour cacher des attributs qu'ils croient
inacceptables pour les autres (Harter, Marold, Whitesell et Cobbs, 1996).
Bien qu'elle soit parfois difficile et douloureuse, la consolidation
de l'identité et la clarification des valeurs aident les adolescents
à établir leurs règles de conduite indépendamment
de ceux qui les entourent. Mais ce processus peut poser des risques aux
adolescents et à leurs relations avec leurs proches. Au fur et
à mesure que les adolescents différencient leurs propres
croyances et valeurs de celles de leurs parents, de leurs pairs et des
autres figures sociales, il est de plus en plus vraisemblable qu'ils décèleront
un conflit entre ces diverses sources d'information (Collins, 1990; Moretti
et Higgins, 1999). Le conflit entre leurs propres valeurs et croyances
et celles de leurs parents, de leurs pairs et des autres figures sociales
importantes est particulièrement aigu du début à
la mi-adolescence, car la capacité de représenter des opinions
multiples et peut-être contradictoires l'emporte sur la capacité
cognitive d'intégrer ces perspectives divergentes (Harter et Monsour,
1992). Pendant cette phase de développement, les adolescents peuvent
être plus intensément conscients de la divergence plutôt
que de la convergence entre leurs croyances, celles de leurs parents et
celles de leurs pairs et d'autres personnes importantes.
En tentant de différencier leurs propres croyances et valeurs
de celles des autres, plusieurs adolescents vivent des comportements risqués
dans les domaines de la délinquance, de la consommation de drogues
et de la toxicomanie, ainsi que du sexe (Adlaf, Ivis, Smart et Walsh,
1995; King, Beazley, Warren, Hankins, Robertson et al., 1988; Moffitt,
1993; Moore et Rosenthal, 1993). Certains ne s'engagent que de façon
limitée dans ces comportements risqués; pour d'autres, cependant,
l'adoption de ces comportements devient inquiétante. De plus, le
processus stressant de la distinction et de la consolidation de l'identité
peut mener à une détresse psychologique importante. Comparativement
aux adultes, les adolescents montrent des degrés plus élevés
de stress et ont moins de ressources d'adaptation (Allen et Hiebert, 1991).
En outre, les symptômes dépressifs et la dépression
augmentent grandement chez les adolescents qui passent de la phase intermédiaire
à la dernière phase de l'adolescence (Compas, Orosan et
Grant, 1993), surtout chez les filles (Nolen-Hoeksema et Girgus, 1994).
Il est important de comprendre que la qualité des relations parent-adolescent
est liée à la qualité des relations pré-adolescence
et l'adaptation pendant l'adolescence est reliée à l'adaptation
pendant l'enfance. Dans le même ordre d'idées, bien que l'adolescence
marque une période durant laquelle la cristallisation de l'identité
est au centre du défi qu'engendre le développement, la construction
de soi-même s'étend de la naissance jusqu'à la fin
de la vie (Erikson, 1963). Néanmoins, la période d'adolescence
présente des défis de développement uniques pour
l'adaptation et de nouvelles possibilités de croissance dans les
relations parent-enfant. Certains adolescents et leurs parents vivent
cette période de développement comme une expérience
enrichissante et fortifiante pour l'adaptation et leur relation, alors
que d'autres la vivent comme une expérience stressante et dommageable.
2. Théorie de l'attachement
La théorie de l'attachement a été proposée
par John Bowlby (1969, 1973, 1980) pour représenter le développement
et l'adaptation sociale et émotionnelle de l'enfant. Il a conceptualisé
l'attachement comme une construction qui s'échelonne tout au long
de la vie, dans laquelle les enfants conservent des liens d'attachement
envers leurs parents pendant l'enfance et jusqu'à l'âge adulte.
Une condition élémentaire de la théorie veut que
la qualité des rapports d'attachement proviennent des interactions
des enfants et des personnes qui leur prodiguent des soins, reflétant
le degré auquel les enfants peuvent se fier à leurs fournisseurs
de soins pour obtenir de l'intimité et une camaraderie, une sécurité
face à toute menace ou anxiété et un tremplin sans
risque à partir duquel ils peuvent explorer. Le modèle unique
de sensibilité et de réceptivité aux besoins de l'enfant
du fournisseur de soins mène à une organisation particulière
d'attachement chez l'enfant (Ainsworth, Blehar, Waters et Wall, 1978).
Après un certain temps, les expériences d'attachement de
l'enfant sont consolidées en des « modèles réduits
» internes de soi, des autres et de soi par rapport aux autres en
ce qui concerne l'attachement. Ces modèles réduits comprennent
des aspects cognitifs, affectifs et comportementaux à l'aide desquels
ils influent sur l'adaptation. Les attentes et les attributions concernant
les relations proches (Youngblade, Park et Belsky, 1993), la capacité
de maîtriser ses émotions (Kobak, Cole, Ferenz-Gillies et
Fleming, 1993) et le comportement (Putallaz et Heflin, 1990) sont influencées
par les représentations d'attachement à chaque phase de
développement.
La recherche sur l'attachement pendant la petite enfance et la première
enfance a progressé en deux vagues (Lyons-Ruth, 1996). Les premières
enquêtes (de 1970 à 1985) étaient concentrées
sur l'établissement de la validité de trois modèles
élémentaires démontrés dans des situations
présentant une menace pour la sécurité :
- Attachement profond : la tendance à reconnaître les menaces
à la sécurité et à y répondre convenablement,
et à s'approcher des fournisseurs de soins pour se faire rassurer;
- Attachement anxieux-évasif : la tendance à supprimer
l'affect et le comportement reliés aux menaces à la sécurité,
d'éviter les figures d'attachement et de rejeter les émotions
associées vers les fournisseurs de soins;
- Attachement anxieux-ambivalent : la tendance à être vigilant
et anxieux en ce qui concerne les menaces à la sécurité
et la disponibilité et la réceptivité d'un fournisseur
de soins, recherchant la proximité du fournisseur de soins, mais
négligeant de se faire rassurer par lui.
La phase de recherche suivante (de 1985 à ce jour) s'est concentrée
sur la compréhension de l'adaptation de l'attachement dans les
populations d'enfants à risque élevé et une définition
plus étendue des modèles d'une organisation d'attachement.
En 1990, Main et Solomon ont introduit le concept « d'attachement
désorganisé » pour faire référence au
manque ou à l'effondrement d'un modèle constant de comportements
d'attachement, que l'on retrouve généralement chez les enfants
exposés aux mauvais traitements et à d'autres formes d'épreuves
(Lyons-Ruth, Repacholi, McLeod et Silva, 1991).
Alors que les chercheurs faisaient des progrès définissant
ces modèles de comportement d'attachement et examinant la distribution
des modèles d'attachement dans différentes populations d'enfants,
d'autres élaboraient aussi des méthodes d'évaluation
des modèles d'attachement chez les adultes. Main et Goldwyn (1984)
ont présenté l'Entrevue d'attachement chez
l'adulte, une entrevue semi-structurée évaluant
le contenu et la cohérence des souvenirs des adultes concernant
leurs propres expériences de premier attachement. Quatre modèles
d'attachement ont été définis dans l'attachement
de l'adulte, correspondant aux quatre modèles d'attachement définis
chez les enfants : profond, rejetant (évitant), préoccupé
(ambivalent) et non résolu (désorganisé). Au même
moment, de brèves mesures d'autodéclaration ont été
élaborées pour déterminer les modèles d'attachement
dans les relations romantiques des adultes (Hazan et Shaver, 1987; Simpson,
1990). Au cours de la dernière décennie, d'autres chercheurs
ont présenté des méthodes d'entrevue et d'autodéclaration
pour distinguer encore plus de modèles d'attachement dans les relations
des adolescents de troisième phase avec leur famille et leurs pairs.
Ces travaux se sont concentrés sur la façon de distinguer
deux formes d'attachement évitant : rejetant par rapport à
craintif. L'attachement rejetant se caractérise par la tendance
à se dissocier des figures d'attachement et à dévaluer
l'importance de l'attachement et des sentiments associés. À
l'opposé, l'attachement craintif se caractérise par la tendance
à éviter les figures d'attachement de peur d'être
rejeté combinée au désir de poursuivre les rapports
et d'exprimer un comportement d'attachement (Bartholomew et Horowitz,
1991). Certains chercheurs ont comparé la catégorie craintive
de Bartholomew (1990) à la catégorie désorganisée/non
résolue de Main (Brennan, Shaver et Tobey, 1991).
Les plus récentes découvertes dans la recherche sur l'attachement
ont été concentrées sur la compréhension de
l'attachement pendant la transition de l'enfance à l'âge
adulte, c'est-à-dire pendant l'adolescence. Diverses méthodes
ont été utilisées pour évaluer les modèles
d'attachement de la dernière phase de l'adolescence, notamment
les séquences d'interaction parent-adolescent, les entrevues sur
l'attachement des adolescents et les mesures d'autodéclaration
(entre autres, Bartholomew et Horowitz, 1991; Hauser, 1984; Kobak et Sceery,
1988). On a reconnu dans la dernière phase de l'adolescence des
modèles d'attachement semblables à ceux que l'on a observés
dans l'enfance (entre autres, Kobak et Sceery, 1988) et dans des échantillons
de jeunes adultes (entre autres, Collins et Read, 1990; Hazan et Shaver,
1987; Main et Goldwyn, 1984).
Il est important de remarquer que les mesures d'attachement encore existantes
ont été initialement élaborées pour les jeunes
enfants ou les adultes, et les chercheurs viennent à peine d'élargir
ces instruments à l'examen des modèles d'attachement des
adolescents. Les chercheurs commencent maintenant à mettre en contraste
et à comparer ces outils et à se demander s'ils mesurent
vraiment ce qu'il faut mesurer (Bartholomew et Shaver, 1998; Brennan,
Clark et Shaver, 1998; Stein, Jacobs, Ferguson, Allen et Fonagy, 1998).
Les progrès qu'ont réalisés les chercheurs dans
le domaine de la définition des modèles d'attachement ont
eu des incidences sur l'intégration des conclusions de la recherche
sur une période de temps. Par exemple, avec la détermination
du modèle d'attachement désorganisé dans l'enfance
(Main et Solomon, 1990), les études commencent à rapporter
que l'attachement désorganisé plutôt que l'attachement
évitant permet de prédire les problèmes de comportement
et de non-conformité (Lyons-Ruth, 1996). Par conséquent,
en examinant la documentation sur l'attachement et l'adaptation, il importe
de se rappeler qu'il faut comprendre les conclusions par rapport aux progrès
historiques réalisés par les chercheurs dans leur définition
des modèles d'attachement. Il faut poursuivre la recherche pour
renforcer notre compréhension de la portée des modèles
d'attachement dans la population à chaque phase de développement
et les facteurs contribuant à l'émergence de ces modèles
et à leur stabilité ou à leur transformation sur
une période de temps.
3. Attachement et adaptation pendant l'enfance
La recherche exhaustive relie l'attachement et l'adaptation pendant l'enfance.
Par exemple, dans un échantillonnage de référence,
des enfants profondément attachés à leur mère
montrent un comportement plus prosocial et sont perçus comme plus
sociaux que les enfants peu attachés à leur mère
(Sroufe, 1983). Ils démontrent un affect positif plus élevé
et un affect négatif moins élevé dans leurs interactions
sociales que les enfants peu attachés à leur mère.
Les enseignants des enfants profondément attachés à
leur mère disent qu'ils sont plus empathiques et plus dociles (LaFreniere
et Sroufe, 1985).
Par ailleurs, plusieurs sources de recherche établissent un lien
entre les modèles d'attachement moins profonds (évitant,
ambivalent, désorganisé) pendant la petite enfance et des
comportements de non-conformité et d'agression au début
de l'enfance. Conformément à la théorie voulant que
l'attachement moins profond soit proportionnel à une faible régulation
émotive, les résultats d'études longitudinales démontrent
que l'attachement évitant pendant la petite enfance prédit
la négativité, la non-conformité et l'hyperactivité
à l'âge de 3,5 ans et des taux plus élevés
de comportement problématique de la première à la
troisième année scolaire. Comparativement aux enfants profondément
attachés, les enfants évitants sont plus agressifs envers
leur mère et l'affrontent plus (Main et Weston, 1981) et ils sont
plus agressifs, hostiles et distants avec leurs pairs (Erikson, Sroufe
et Egeland, 1985; Sroufe, 1983). De même, l'attachement désorganisé
pendant la petite enfance laisse prévoir un comportement agressif
ultérieur. Plusieurs chercheurs ont démontré, par
exemple, que les enfants ayant des modèles d'attachement désorganisés
pendant la petite enfance manifestent un comportement dominateur et coercitif
lorsqu'ils entrent dans la période préscolaire et de début
d'enfance (Lyons-Ruth et al. , 1991; Wartner, Grossmann, Fremmer-Bombik
et Suess, 1994). Les enfants ayant un attachement ambivalent sont par
contre plus orientés vers l'adulte et plus dépendants sur
le plan émotionnel que les enfants profondément attachés
(Erikson et al., 1985; Renken, Egeland, Marvinney, Mangelsdorf et Sroufe,
1989). Avec leurs pairs, les enfants ayant un attachement ambivalent sont
mal acceptés et plus repliés sur eux-mêmes et constituent
des proies plus faciles (Finnegan, Hodges et Perry, 1996; LaFreniere et
Sroufe, 1985; Renken et al., 1989)
Les modèles d'attachement précaires ne sont cependant pas
constamment reliés à des problèmes de comportement
ultérieurs. Bon nombre de chercheurs (Fagot et Kavanagh, 1990;
Goldberg, Perrotta, Minde et Corter, 1986) ne mentionnent pas que l'attachement
évitant ou désorganisé laisse prévoir un comportement
agressif. L'examen de cette documentation montre que le rapport entre
l'attachement précaire et les problèmes ultérieurs
de comportement se retrouve plus constamment chez des enfants vivant dans
des contextes à risque élevé (par exemple, la pauvreté
de la famille, un faible soutien social, une psychopathologie parentale)
que chez des enfants vivant dans des contextes à risque moins élevé.
Par exemple, Lyons-Ruth et al. (1991) ont découvert que la sécurité
de l'enfant prédit plus les problèmes d'agressivité
ultérieurs dans des familles où la mère souffre d'une
psychopathologie, surtout de dépression chronique, et lorsque la
mère utilise des pratiques parentales importunes et hostiles envers
l'enfant. Elle mentionne que 56 % des enfants de famille à faible
revenu ayant été classés comme désorganisés
à l'enfance et dont la mère souffrait à un moment
ou l'autre d'une psychopathologie ont affiché un comportement agressif
en maternelle. Par contre, seulement 25 % des enfants de famille à
faible revenu ayant un seul facteur de risque et 5 % des enfants de famille
à faible revenu sans facteur de risque (psychopathologie maternelle,
utilisation maternelle de pratiques parentales hostiles et importunes)
ont démontré un comportement agressif en maternelle.
En résumé, il existe un consensus sur le fait que l'attachement
précaire est un facteur qui risque d'occasionner des problèmes
ultérieurs, mais il n'est ni nécessaire ni suffisant en
lui-même. Ce sont cependant des généralisations fondées
sur de petits échantillons, avec des mesures d'attachement effectuées
à un point seulement à un moment donné.
4. Développement de l'attachement pendant l'adolescence
Il faut considérer trois points élémentaires et
reliés en ce qui concerne l'attachement pendant l'adolescence :
1) la nature des changements dans les relations enfant-parent et leur
influence sur le rapport d'attachement; 2) le développement de
nouvelles relations intimes chez l'adolescent (par exemple, avec des pairs
et des partenaires romantiques) et l'incidence de ces nouveaux liens sur
les relations enfant-parent; 3) l'émergence d'un système
d'attachement différencié par rapport à un système
d'attachement généralisé.
La relation enfant-parent subit des changements complexes pendant l'adolescence.
Bien que les résultats de certaines études démontrent
qu'un attachement profond autodéclaré aux deux parents diminue
avec la maturité pubérale (Papini, Roggman et Anderson,
1991), les récentes enquêtes indiquent que seules certaines
composantes de la relation d'attachement changent, alors que d'autres
demeurent stables. Ainsi, le degré auquel les enfants recherchent
la proximité et se fient sur la figure principale d'attachement
en situation de stress diminue, contrairement à la perception de
la disponibilité de la figure d'attachement (Lieberman, Doyle et
Markiewicz, 1999). Ces conclusions donnent à entendre que le maintien
de la proximité physique des parents et le besoin de protection
en situation de menace ou de stress sont moins essentiels pour les enfants
plus âgés en raison de leurs plus grandes capacités
mentales et physiques (ils ont, par exemple, des mécanismes d'adaptation
plus complexes), mais que la disponibilité de la figure d'attachement
(c'est-à-dire la croyance que la figure d'attachement est ouverte
à la communication et réceptive au besoin) demeure importante
(Bowlby, 1973; Kerns, Klepac et Cole, 1996). En plus, bien qu'il soit
reconnu que la fréquence et l'intensité de certains comportements
d'attachement diminuent avec l'âge, la qualité de la liaison
d'attachement est vue comme relativement stable (Bowlby, 1980). La capacité
des adolescents à réussir à équilibrer leur
besoin d'autonomie et leur désir de conserver un sens de rapprochement,
surtout dans le contexte des désaccords adolescent-parent, peut
même être considérée comme une manifestation
d'attachement profond particulière à une phase (Allen, Moore
et Kuperminc, 1997).
Pour ce qui est du développement de nouvelles relations d'attachement
pendant l'adolescence, il est généralement accepté
que cette phase de développement comprenne une transition allant
d'une concentration première sur les parents en tant que figures
d'attachement au développement d'une plus grande gamme de relations
d'attachement (comme les pairs et les partenaires romantiques) (Fraley
et Davis, 1997; Hazan et Zeifman, 1994; Trinke et Bartholomew, 1997).
Le temps passé avec des amis du même sexe et la variété
des activités réalisées avec eux sont à leur
plus haut niveau en neuvième année et diminuent ensuite
lorsque les adolescents plus âgés passent plus de temps avec
leurs partenaires romantiques (Laursen et Williams, 1997). Les pairs remplacent
les parents comme compagnons des enfants à partir de 9 ans, et
à titre de confidents à l'âge de 12 ou 13 ans (Fraley
et Davis, 1997; Hazan et Zeifman, 1994). Cependant, les parents, et surtout
les mères, continuent d'être recherchés plus que les
meilleurs amis en tant qu'appui de sécurité, et ce, jusqu'à
la dernière phase de l'adolescence (Fraley et Davis, 1997; Trinke
et Bartholomew, 1997). Certains chercheurs soutiennent que les adolescents
généralisent de l'attachement à leurs parents à
l'attachement aux meilleurs amis et, plus tard, à l'attachement
à leurs partenaires romantiques (Furman et Wehner, 1994), mais
il manque de preuve.
Il est largement accepté que les relations romantiques adultes
à long terme soient des relations d'attachement aussi bien que
des relations sexuelles (Hazan et Shaver, 1987; Hazan et Zeifman, 1994).
Les personnes recherchent une proximité avec leurs partenaires
romantiques, ont le désir de se fier sur eux en tant que refuge
sûr et base solide, se sentent liés à eux sur le plan
émotif et pleurent leur perte (Bowlby, 1979/77, dans Trinke et
Bartholomew, 1997). Cependant, dans les phases primaire et intermédiaire
de l'adolescence, les relations romantiques sont souvent très transitoires
et les parents, surtout les mères, demeurent les principaux fournisseurs
de sécurité (Hazan et Zeifman, 1994). Bien que pendant la
dernière phase de l'adolescence, tout comme dans l'âge adulte,
les relations romantiques deviennent la principale relation d'attachement
après deux ans (Fraley et Davis, 1997; Hazan et Zeifman, 1994),
les parents demeurent d'importantes, mais secondaires, figures d'attachement
(Trinke et Bartholomew, 1997).
La question de savoir si l'adolescence marque l'arrivée de l'émergence
d'une orientation généralisée de l'attachement est
discutable. D'une part, certains théoriciens posent comme hypothèse
qu'une orientation généralisée de l'attachement ressort
et qu'elle peut compléter ou déplacer d'anciens modèles
multiples d'attachement pertinents à des relations particulières
d'attachement (par exemple, à la mère ou au père)
(Allen et Land, 1999). Ces chercheurs font ressortir des études
démontrant que ce point de vue généralisé
est, à l'âge adulte, très prédictif du comportement
à venir en matière d'attachement et de relations avec les
fournisseurs de soins (Steele, Steele et Fonagy, 1996). D'autres chercheurs
ne sont cependant pas d'accord et soutiennent que le système d'attachement
pendant l'adolescence se caractérise par la différenciation
et les modèles de comportement particuliers à une relation.
Par exemple, Furman et Wehner (1994) ont remarqué que, bien que
le modèle d'attachement d'une personne soit relativement stable
à l'intérieur de relations particulières, son style
d'attachement diffère fréquemment selon les relations. Cette
preuve suggère qu'un style généralisé d'attachement
n'est pas bien établi dans l'adolescence. Ces chercheurs et bien
d'autres concluent qu'un modèle réduit de l'attachement
est composé d'un regroupement de représentations de différentes
relations d'attachement, organisées de façon hiérarchique
(Trinke et Bartholomew, 1997).
Si un style généralisé d'attachement apparaît
pendant l'adolescence, il ne semble pas produire une stabilité
plus marquée du modèle d'attachement pour les adultes par
rapport aux enfants. Des estimations typiques de stabilité d'attachement
de la petite enfance jusqu'aux premières années de l'enfance,
comme l'évalue la situation étrange, sont de l'ordre de
53 % à 96 % (Thompson, Lamb et Estes, 1982; Waters, 1978). Au début
de l'âge adulte, le taux typique de stabilité à court
terme dans l'attachement autodéclaré est de 70 % (Baldwin,
Keelan, Fehr, Enns et Koh-Rangarajoo, 1996; Scharfe et Bartholomew, 1994).
En outre, on a découvert une concordance de 70 % entre la classification
selon la situation étrange du bébé et celle de l'entrevue
sur l'attachement à l'adulte pendant la dernière phase de
l'adolescence (Waters, Merrick, Albersheim et Treboux, 1995, dans Allen
et Land, 1999). Bien que des changements dans le style d'attachement autodéclaré
chez les jeunes adultes aient été moins clairement reliés
aux changements dans les circonstances environnementales que dans les
études chez les enfants (Scharfe et Bartholomew, 1994, par rapport
à Thompson et al., 1982), dans au moins une étude couvrant
les années d'adolescence (Waters et al. , 1995, dans Allen et Land,
1999), les adolescents ayant vécu d'importants changements de vie
ont démontré des taux de concordance inférieurs à
ceux qui ne les ont pas vécus (44 % contre 78 %).
La nature des attachements particuliers aux parents, leur relation avec
un style généralisé d'attachement et l'incidence
de ces attachements sur l'adaptation pendant l'adolescence méritent
un examen plus minutieux et une recherche supplémentaire (Cantor
et Sanderson, 1998; Trinke et Bartholomew, 1997). Il s'avère nécessaire
d'approfondir la recherche pour établir avec précision si
l'état d'attachement devient un caractère stable de la personne,
et à quelle phase de développement il le devient, plutôt
que principalement une réflexion des qualités d'une relation
permanente (Allen et Land, 1999). Les résultats indiquent aussi
une possibilité de changement considérable dans le style
d'attachement pendant l'adolescence ainsi que plus tôt dans l'enfance.
Toutefois, la variété des instruments de mesure utilisés
dans la recherche sur la stabilité de l'attachement fait en sorte
qu'il est difficile d'arriver à des conclusions fermes sur les
questions essentielles de la stabilité, de la possibilité
de changement et sur le rapport entre l'attachement aux parents et l'adaptation.
5. Attachement et adaptation pendant l'adolescence
Au cours de la dernière décennie, des études ont
commencé à examiner la contribution de l'attachement adolescent-parent
à l'adaptation psychologique. La plupart de ces études ont
évalué cette relation dans les limites d'un échantillonnage
d'adolescents de la dernière phase de développement (collège,
première année universitaire) et relativement peu dans des
échantillonnages d'adolescents en phase première et en phase
intermédiaire.
Pour ce qui est de la relation entre les modèles d'attachement
pendant l'adolescence et l'adaptation, les rapports présentés
corroborent les conclusions fondées sur des études réalisées
auprès de jeunes enfants, à savoir qu'un attachement profond
est généralement lié à une adaptation plus
saine, alors qu'un attachement moins profond est relié à
diverses formes d'inadaptation.
Dans des études réalisées sur une population normale,
les adolescents de dernière phase classés comme profondément
attachés sont considérés par leurs pairs comme moins
anxieux, moins hostiles et plus aptes à réguler avec succès
leurs sentiments (c'est-à-dire à avoir une plus grande souplesse
du moi) comparativement aux adolescents moins profondément attachés
(Kobak et Sceery, 1988). Lorsqu'ils règlent des problèmes
avec leur mère, les adolescents profondément attachés
réussissent mieux à moduler leur rage et à équilibrer
leur affirmation de soi et leur désir de demeurer « connectés
» à leur parent, suggérant une plus grande capacité
de réguler leur émotion (Kobak et al., 1993). Les personnes
profondément attachées peuvent aussi reconnaître leurs
attributs positifs et négatifs et présentent une structure
de soi cohérente et bien organisée (Mikulincer, 1995). Les
adolescents rapportant qu'ils ont une relation positive avec leurs parents
et qui se sentent à l'aise de se tourner vers eux pour obtenir
du soutien maîtrisent mieux leur monde (Paterson, Pryor et Field,
1995) et vivent moins de solitude (Kerns et Stevens, 1996). Dans le même
ordre d'idées, les adolescents engagés dans une relation
romantique présentent beaucoup moins de symptômes de détresse
psychologique et ont un meilleur concept de soi (Cooper, Shaver et Collins,
1998). Enfin, l'attachement plus positif des adolescents de 15 ans à
leurs parents est aussi associé à un moins grand nombre
de problèmes de santé mentale comme les problèmes
d'anxiété, de dépression, d'inattention et de conduite
(Nada-Raja, McGee et Stanton, 1992).
L'attachement profond semble aussi jouer un rôle important dans
le développement de capacités d'adaptation efficaces. Mikulincer
et ses collègues (Florian, Mikulincer et Bucholtz, 1995; Mikulincer,
Florian et Weller, 1993) ont découvert que les jeunes adultes profondément
attachés recherchent chez les autres un soutien plus émotif
et instrumental en situation de stress. Les adolescents plus profondément
attachés à leur mère adoptent des habiletés
d'adaptation plus constructives (par exemple, la résolution de
problèmes, la réévaluation positive et la recherche
de soutien) (Voss, 1999). L'attachement profond amortit aussi le passage
stressant à l'école secondaire (Papini et Roggman, 1992)
et, pendant leur première année au collège, les adolescents
profondément attachés se voient comme des gens plus socialement
compétents et rapportent moins de détresse psychologique
que leurs pairs, même si la séparation les rend anxieux (Kenny
et Donaldson, 1991).
Une bonne relation avec les parents peut aussi protéger les adolescents
du risque. Les adolescents qui déclarent avoir des relations étroites
et acceptantes avec leur mère affirment qu'ils participent moins
à des activités délinquantes (Aseltine, 1995; Smith
et Krohn, 1995). De même, le ton affectif, le temps consacré
et l'identification avec les deux parents, ainsi que la préférence
des parents sur les pairs ont été négativement associés
à l'utilisation subséquente de drogues chez les adolescents,
directement et indirectement par l'adoption d'attitudes conventionnelles
par l'adolescent (Brook, Whiteman et Finch, 1993) et une diminution de
la recherche de sensations (Barnea, Teichman et Rahav, 1992). Ces relations
positives sont typiques chez les adolescents profondément attachés.
Effectivement, l'attachement profond de l'adolescent à sa mère
a été lié à moins d'expérimentations
avec les drogues (Voss, 1999) et à une diminution de la fréquence
d'utilisation des drogues (Cooper et al., 1998). La profondeur de l'attachement
est aussi reliée à des attitudes plus positives envers la
sexualité sans risque (Voss, 1999) et, pour les filles, à
des taux réduits de comportement sexuel risqué et à
moins d'antécédents de grossesse comparativement aux filles
moins profondément attachées (Cooper et al., 1998).
Par rapport à un style particulier d'attachement moins profond,
un style de rejet (c'est-à-dire une mauvaise communication et une
faible confiance combinées à des sentiments d'aliénation
et de décrochage de la relation d'attachement) a été
associé à l'extériorisation des comportements problématiques
(comme l'agression et la délinquance) (Nada-Raja et al., 1992;
Voss, 1999), plus d'expérimentations avec les drogues (Voss, 1999)
et des attitudes plus risquées envers la sexualité sans
risque (Voss, 1999). Les adolescents et les jeunes adultes ayant un style
de rejet sont évalués par leurs pairs comme étant
plus hostiles que les personnes de tous les autres groupes d'attachement
(Bartholomew et Horowitz, 1991; Kobak et Sceery, 1988). Dans les interactions
de résolution de problèmes avec leur mère, les garçons
adolescents (mais non les filles) ayant un style de rejet montrent plus
de rage dysfonctionnelle que les adolescents profondément attachés
(Kobak et al., 1993). D'un autre côté, les filles ayant un
style de rejet désactivent la relation d'attachement, leurs mères
dominant l'interaction (Kobak et al., 1993). Enfin, les jeunes adultes
ayant un style de rejet déclarent qu'ils ont moins de soutien familial
et souffrent plus de solitude que leurs pairs (Kobak et Sceery, 1988).
Les personnes qui rejettent semblent se protéger des sentiments
de rejet en adoptant une position défensive et en ne reconnaissant
que leurs attributs positifs (Mikulincer, 1995). Cette position défensive
se reflète aussi dans l'utilisation de stratégies d'éloignement
pour gérer des situations pénibles (Mikulincer et al., 1993;
Mikulincer et Orbach, 1995). Les adolescents dont l'attachement à
la mère et au père est très rejeté mentionnent
aussi qu'ils évitent les émotions en situation de stress
(Voss, 1999).
Comme les adolescents qui rejettent, les adolescents craintifs sont évitants,
mais ils souffrent de leur manque d'intimité avec les autres et
de sentiments d'incapacité et d'anxiété (Griffin
et Bartholomew, 1994). L'attachement craintif à la mère
a été lié à la délinquance et à
une plus grande expérimentation avec les drogues (Voss, 1999).
En plus, les deux formes d'attachement évitant (rejetant et craintif)
au père sont associées au fait que les adolescents déclarent
qu'ils consomment de la drogue en réponse aux émotions négatives
et au conflit avec les autres (Voss, 1999).
Bien que la recherche concernant l'attachement craintif soit limitée,
les conclusions existantes suggèrent que les adultes présentant
un style d'attachement craintif sont socialement inhibés, manquent
d'assertivité et sont susceptibles d'être exploités
par les autres (Bartholomew et Horowitz, 1991). Les adolescents qui ont
un attachement très craintif à leur père et à
leur mère sont portés à l'autocritique en situation
de stress, les empêchant de gérer efficacement leur stress
(Voss, 1999). En outre, ces adolescents qui craignent beaucoup leur père
sont aussi portés à adopter un comportement de retrait en
réponse au stress (Voss, 1999).
Les adolescents qui présentent un style d'attachement préoccupé
(c'est-à-dire qui ont des opinions positives des autres et négatives
d'eux-mêmes) se voient comme socialement incompétents et
leurs pairs les évaluent comme plus anxieux que ceux de tous les
autres groupes d'attachement (Kobak et Sceery, 1988). Comparativement
aux autres adolescents, ils présentent plus de symptômes
physiques (Kobak et Sceery, 1988). En réponse à la détresse,
les étudiants universitaires qui présentent un style d'attachement
préoccupé sont portés à demander le soutien
des autres (Ognibene et Collins, 1998). Les adolescents qui présentent
un style d'attachement plus préoccupé à leur mère
peuvent aussi éviter les émotions en situation de stress,
peut-être pour réduire le taux élevé d'anxiété
associé à un système d'attachement « hyperactivé
» (Voss, 1999). Dans un système de classification d'attachement
comportant trois catégories (profond, rejetant, préoccupé),
les adolescents préoccupés sont les plus vulnérables
à l'inadaptation (Cooper et al., 1998). L'attachement préoccupé
chez les adultes est relié à une structure de soi mal intégrée,
présentant peu de distinction, et à une difficulté
à réguler la détresse (Mikulincer, 1995).
Il est important de mener un sondage de recherche auprès de populations
normatives et cliniques pour étudier l'attachement et l'adaptation
des adolescents. Premièrement, l'étude des deux populations
donne une image des associations entre la profondeur de l'attachement
et l'adaptation sur une plus vaste gamme de profondeur. La recherche montre
que l'attachement profond domine dans un échantillonnage non clinique,
alors que l'attachement moins profond domine dans un échantillonnage
clinique (Van-IJzendoorn et Bakermans-Kranenburg, 1996). Deuxièmement,
ces deux documentations réunies fournissent une structure pour
élaborer des recommandations sur le rôle parental applicable
à une vaste gamme de contextes familiaux et ont une incidence sur
la suggestion d'initiatives en santé mentale.
La recherche auprès de populations à risque très
élevé confirme les conclusions fondées sur un échantillonnage
normatif : les adolescents à risque élevé qui présentent
des modèles d'attachement précaire sont plus susceptibles
de vivre une gamme de psychopathologies que les adolescents plus profondément
attachés (Allen, Hauser et Borman-Spurrell, 1996), notamment la
suicidabilité (Lessard et Moretti, 1998), la consommation de drogues
(Lessard, 1994) et le comportement agressif et antisocial (Fonagy, Target,
Steele, Steele, Leigh et al. , 1997; Moretti, Holland et Moore, 1998;
Reimer, Overton, Steidl, Rosenstein et Horowitz, 1996; Rosenstein et Horowitz,
1996). Par exemple, dans un échantillon d'adolescents hospitalisés
de sexe mâle, Rosenstein et Horowitz (1996) ont découvert
que les symptômes du trouble des conduites étaient associés
à un modèle d'attachement rejetant. Le style d'attachement
a aussi été examiné par rapport aux traits de personnalité.
En harmonie avec la théorie de l'attachement, les personnes qui
rejettent sont plus antisociales, narcissiques et paranoïaques que
les sujets préoccupés. Allen et ses collègues (1996)
ont aussi découvert que la dépréciation de l'attachement,
caractéristique du style rejetant, était associée
à un comportement criminel concurrent et à la consommation
de drogues à l'âge adulte chez les malades hospitalisés
pendant l'adolescence pour une psychopathologie. Les adolescents préoccupés,
d'autre part, sont plus portés à mentionner de l'anxiété,
de la dysthymie et un intérêt pour les autres combiné
à une crainte de la critique ou d'une rebuffade (Allen, Moore,
Kuperminc et Bell, 1998; Rosenstein et Horowitz, 1996). La préoccupation
est aussi associée aux comportements d'extériorisation des
adolescents, bien que seulement en présence de facteurs de risque
démographiques supplémentaires comme le sexe mâle
et le faible revenu (Allen et al., 1998).
Dans une étude récente, Moretti et ses collègues
ont utilisé l'entrevue sur l'attachement familial de Bartholomew
pour différencier les styles d'attachement profond, préoccupé,
craintif et rejetant chez des adolescents chez qui l'on a diagnostiqué
un trouble des conduites (Moretti, Lessard, Scarfe et Holland, 1999).
La majorité des adolescents ont été classés
surtout comme craintifs ou préoccupés plutôt que comme
rejetants; conformément à la recherche précédente,
très peu d'entre eux ont été classés comme
ayant un attachement profond. L'attachement craintif et l'attachement
préoccupé laissent prévoir des taux élevés
de problèmes d'internalisation; par contre, l'attachement profond
et l'attachement rejetant prédisent des taux plus bas de psychopathologies.
L'étude, en plus des autres études ayant examiné
séparément l'attachement rejetant et l'attachement craintif
(Bartholomew et Horowitz, 1991; Voss, 1999), souligne l'importance de
distinguer les adolescents qui désirent établir des relations
avec d'autres, mais qui craignent le rejet (craintifs) des adolescents
non intéressés à des relations étroites avec
les autres (rejetants). Les adolescents craintifs sont plus susceptibles
d'anticiper le rejet dans les relations sociales; ce genre de croyances
combiné à un désir d'intimité est probablement
associé à une hypersensibilité aux indices sociaux
bénins, ce qui peut mener à l'adoption d'un comportement
agressif.
Bien que des modèles semblables de résultats soient présents
dans un échantillonnage normatif et clinique (par exemple, Allen
et Hauser, 1996), la recherche réalisée auprès de
jeunes enfants (Lyons-Ruth et al., 1991) montre aussi que le rapport entre
l'attachement et l'adaptation est plus fort chez les
enfants à risque élevé (c'est-à-dire ceux
qui vivent dans la pauvreté, qui ont un faible soutien social,
dont un des parents souffre d'une psychopathologie) que dans des contextes
à risque peu élevé. Autrement dit, le rapport entre
l'attachement et l'adaptation semble être modéré par l'exposition à l'adversité, ce qui laisse entendre que
le seul attachement précaire ne différencie pas les adolescents
bien adaptés des adolescents mal adaptés. Une recherche
plus poussée s'impose pour confirmer les effets de modération
de l'adversité sur le rapport entre l'attachement et l'adaptation
chez les adolescents. Généraliser les résultats de
la recherche existante à de jeunes enfants suggère que les
adolescents qui grandissent dans des conditions d'adversité et
d'accès non convenable aux ressources ne souffriront peut-être
pas d'une psychopathologie s'ils partagent des rapports d'attachement
profond avec leurs parents. Réciproquement, les adolescents qui
se développent dans un milieu favorable et riche en ressources,
mais dont l'attachement à leurs parents est moins profond, peuvent
avoir de moins bons résultats dans certains domaines.
6. Rôle parental, profondeur de l'attachement et adaptation pendant
l'adolescence
Les fournisseurs de soins aux nouveau-nés qui sont sensibles et
constamment réceptifs aux besoins de leur enfant favorisent l'attachement
profond. Ces enfants développent des perceptions ( « se créent
des modèles réduits internes » ) d'eux-mêmes
en tant qu'êtres aimables et des perceptions des autres en tant
qu'êtres aidants et disponibles. Réciproquement, les fournisseurs
de soins qui sont insensibles et rejetants ont des enfants évitants
qui se voient comme indignes et qui voient les autres comme des personnes
qui ne veulent pas les aider et sur lesquels ils ne peuvent se fier. La
recherche a relié l'attachement évitant à la colère
réprimée de la mère, au manque de tendresse lorsqu'elle
touche et prend l'enfant et au rejet du comportement d'attachement entamé
par l'enfant. Ces enfants ont tendance à réprimer leurs
émotions et à éviter le contact en situation de stress
afin d'échapper encore plus à l'aliénation de leurs
fournisseurs de soins (Main et Weston, 1981; Renken et al., 1989; Shaw
et Bell, 1993). Les fournisseurs de soins inconstants, parfois réceptifs
et parfois rejetants, semblent avoir des enfants préoccupés
à découvrir des façons d'obtenir des soins et hypervigilants
aux sources de détresse. Ces enfants vivent un conflit entre le
désir d'approcher le fournisseur de soins et les sentiments de
colère et d'anxiété à l'égard de leur
manque de fiabilité (Bowlby, 1973). Ils en viennent à se
voir comme incapables et indignes d'obtenir du soutien.
Pendant l'adolescence, des études empiriques réalisées
sur le style de rôle parental ont établi que la participation
parentale réceptive, l'encouragement de l'autonomie psychologique
et les demandes de comportement appropriées à l'âge
combinés à l'établissement de limites et à
la surveillance (rôle parental « autoritaire » ) contribuent
à une bonne adaptation psychosociale, scolaire et comportementale
(Baumrind, 1971, 1991; Steinberg, Dornbusch et Brown, 1992; Steinberg,
Darling et Fletcher, 1995). Des conclusions d'études récentes
indiquent que, tout comme la sensibilité et la réceptivité
parentales contribuent à un attachement profond dans la petite
enfance, la chaleur et la participation parentale, l'autonomie et l'attribution
psychologique ainsi que le contrôle et la surveillance du comportement
sont associés à la profondeur de l'attachement vers la fin
de l'enfance et au début de l'adolescence (Karavasilis, Doyle et
Margolese, 1999). Peu de chaleur et peu de contrôle sont particulièrement
significatifs pour l'attachement rejetant et évitant, et une faible
attribution d'autonomie psychologique l'est pour l'attachement préoccupé
des adolescents. Par conséquent, pendant l'adolescence, il semble
que les comportements des parents qui encouragent l'autonomie dans le
contexte de la disponibilité parentale, en plus de la chaleur et
de la réceptivité parentales, deviennent des facteurs importants
pour créer un attachement profond.
Pour ce qui est des corrélats avec l'adaptation de l'adolescent,
la chaleur et la participation parentales de même que le contrôle
du comportement sont associés à une plus grande compétence
sociale, à l'autonomie, à des attitudes positives envers
l'école et le travail, à la réussite scolaire et
à l'estime de soi ainsi qu'à moins de dépression,
d'inconduite à l'école, de délinquance et de consommation
de drogues (Allen et Hauser, 1996, ID : 1142)(Lamborn, Mounts et al.,
1991, ID : 846)(Parish et McCluskey, 1992, ID : 1435) (Steinberg, Lamborn
et al., 1992, ID : 1168). Pour ce qui est de la protection contre la dépression,
les perceptions de l'adolescent à l'égard de la disponibilité
parentale semblent être particulièrement importantes (Margolese,
Markiewicz et Doyle, 1999; Margolese, Markiewicz, Doyle et Ducharme, 1999).
Quant à la résistance à la toxicomanie, l'effet du
rôle parental semble opérer par l'entremise de l'adolescent
qui développe de meilleures aptitudes d'autorégulation (c'est-à-dire
un contrôle de soi, des compétences comportementales et l'adaptation
face au stress) et moins d'affiliation avec des pairs déviants
(Wills, DuHamel et Vaccaro, 1995). Les associations négatives entre
les observations de la chaleur maternelle et les rapports de l'enseignant
et les rapports officiels rapportant de la délinquance sont robustes
et persistent même après le contrôle du QI de l'enfant,
de l'âge, de l'attachement à des pairs délinquants,
de la situation ethnique, de la pauvreté, de la taille de la famille,
de la déviance parentale, de la surveillance et de la discipline
(Sampson et Laub, 1994). D'un autre côté, le châtiment
hostile et les interactions coercitives entre les parents et les enfants
combinés à une mauvaise surveillance parentale contribuent
à créer des troubles des conduites chez les préadolescents
et un comportement antisocial chez les adolescents (Conger, Patterson
et Ge, 1995; Dishion, Patterson, Stoolmiller et Skinner, 1991).
Bien qu'il se puisse que le lien entre la qualité de l'attachement
de l'adolescent et le comportement parental soit bidirectionnel, les études
longitudinales susmentionnées et au moins une autre, montrant que
le rejet parental est un indicateur prévisionnel de la délinquance
plus fort que le contraire (Simons, Robertson et Downs, 1989), soutiennent
l'importance cruciale du comportement parental pour les résultats
des adolescents. En plus, il importe de remarquer dans les conclusions
des études récentes que, dans les contextes à risque
élevé (par exemple, la pauvreté du voisinage, les
crimes et le chômage), la surveillance parentale ne sera peut-être
efficace que pour diminuer la déviation adolescente chez les adolescents
profondément attachés (Allen, Moore, Bell et Kuperminc,
1998).
7. Attachement, socialisation parentale et sexe
Il est important de comprendre le rapport entre l'attachement adolescent-parent
et l'adaptation pour examiner deux importants effets de modération
: le sexe de l'enfant et le sexe du parent. Premièrement, il est
prouvé que les différences sexuelles émergent dans
les modèles d'attachement de l'adolescence et du début de
l'âge adulte. Il est essentiel de se pencher sur les facteurs qui
contribuent à ces différences. Deuxièmement, il est
prouvé que les relations d'attachement avec les mères et
les pères peuvent différer dans leur importance pour prédire
l'adaptation.
À propos des différences de sexe dans les modèles
d'attachement, dans la première enfance et l'enfance, les différences
de sexe dans la qualité de l'attachement ne sont ni théoriquement
implicites ni typiquement découvertes. Cependant, vers la fin de
l'adolescence et à l'âge adulte, les différences de
sexe dans les modèles d'attachement précaire ressortent
parfois, plus d'hommes étant rejetants et plus de femmes étant
préoccupées (entre autres, Bartholomew et Horowitz, 1991).
Les pratiques parentales de socialisation particulières au sexe
peuvent contribuer à ces différences de sexe dans un style
d'attachement. Par exemple, les parents surveillent plus le comportement
de leurs filles que celui de leurs garçons (consulter Cross et
Madsen, 1997). De plus, bien que les parents exercent un degré
semblable de contrôle sur le comportement de leurs filles et de
leurs garçons, les résultats découlant d'enquêtes
récentes ont montré des différences subtiles dans
la façon utilisée pour exercer ce contrôle. Cela dit,
Pomerantz et Ruble (1998) ont démontré que les mères
étaient capables de contrôler de façon égale
leurs filles et leurs garçons sans toutefois accorder d'autonomie
à leurs filles. En outre, ils ont découvert que contrôler
sans accorder d'autonomie augmente l'étendue à laquelle
les enfants acceptent la responsabilité d'un échec. Les
différences de ce type en socialisation sont probablement associées
non seulement à une autoefficacité réduite pour le
comportement autonome chez les filles (Bussey et Bandura, 1999), mais
aussi à des opinions positives de soi en moindre quantité,
comme cela se reflète dans l'attachement préoccupé
ou craintif par rapport à l'attachement rejetant et profond.
D'autres études réalisées sur la socialisation particulière
au sexe ont démontré que les filles sont plus encouragées
que les garçons à s'occuper des besoins des autres, à
se conformer aux attentes des autres et à juger leur réussite
ou leur échec en fonction de l'acceptation des autres. Les mères
sont plus portées à discuter des sentiments des autres avec
leurs filles plutôt qu'avec leurs garçons (à l'âge
de 18 mois) (Parke, 1967) et, dès l'âge de 2 ans, les filles
sont plus susceptibles que les garçons de parler de leurs sentiments
(Dunn, Bretherton et Munn, 1987). Les parents encouragent aussi plus leurs
filles que leurs garçons à s'occuper des sentiments des
autres en utilisant des techniques d'induction qui les aident à
comprendre les répercussions de leur comportement sur les autres
(Grusec, Dix et Mills, 1982; Smetana, 1989). Pour leur part, les filles
sont plus susceptibles que les garçons à s'attendre à
se sentir mal à l'aise si elles agissent agressivement envers les
autres et à exprimer leur préoccupation concernant les conséquences
de leur comportement agressif sur les autres (Perry, Perry et Weiss, 1989).
Il est possible que le rôle parental particulier à un sexe
augmente le risque d'attachement anxieux et préoccupé chez
les filles et d'attachement rejetant chez les garçons; cependant,
la recherche n'a toujours pas exploré ce lien. Il faut réaliser
des études pour déterminer si la confiance parentale dans
les pratiques de socialisation particulière à un sexe est
reliée à des différences qualitatives dans l'orientation
de l'attachement, et dans quelle mesure.
En ce qui concerne les différences dans les relations d'attachement
avec les mères et les pères, il est important de comprendre
que la plupart des études sur l'attachement et l'adaptation de
l'enfant se sont concentrées sur les relations mère-enfant
plutôt que sur les relations père-enfant en raison du fait
que la mère est généralement le principal fournisseur
de soins pendant l'enfance et que la profondeur de l'attachement pendant
l'enfance est prévisible plus pour l'attachement de l'enfant à
sa mère que pour l'attachement de l'enfant à son père
(Cassidy, 1988; Main, Kaplan et Cassidy, 1985). De surcroît, l'attachement
de l'enfant est prévisible principalement à partir du style
d'attachement de la mère plutôt qu'à celui du père
(Van-IJzendoorn et De-Wolff, 1997). Vers la fin de l'adolescence, comme
pendant l'enfance, les mères demeurent la principale figure d'attachement
(Hazan et Zeifman, 1994; Trinke et Bartholomew, 1997). Bien que les garçons
et les filles voient que la disponibilité de leur mère demeure
constante au cours des ans, les adolescentes perçoivent plus que
les filles plus jeunes que leur père est moins disponible (Lieberman
et al., 1999). En harmonie avec ces constatations, les résultats
de plusieurs études ont démontré qu'il existe d'importants
changements dans la qualité des rapports des filles avec leur père
pendant l'adolescence (Hosley et Montemayor, 1997, ID : 1187)(Paterson,
Pryor et al., 1995, ID : 1012)(Youniss et Smollar, 1985, ID : 695). Ainsi,
avec le passage à l'adolescence, les filles mentionnent qu'elles
se sentent plus distantes, mal à l'aise et éloignées
de leur père et pensent que leur père ne respecte pas leurs
besoins émotifs (Youniss et Smollar, 1985).
Les chercheurs ont quelquefois découvert que l'attachement au
père, plus que l'attachement à la mère, a des associations
significatives, bien que différentes, à l'adaptation (compétence
des pairs) (Kerns et Stevens, 1996; Kerns et Barth, 1995; Suess, Grossmann
et Sroufe, 1992; Youngblade et Belsky, 1992; Youngblade et al., 1993).
Il semble que la chaleur et la participation du père jouent un
rôle unique dans le développement intellectuel (Radin, 1981)
et dans la réussite scolaire (Wagner et Phillips, 1992), et qu'elle
est associée à une plus grande estime de soi au milieu de
l'enfance (Amato, 1986). Il est en plus possible que des relations plus
fortes entre l'attachement enfant-père et l'adaptation émergent
pendant l'adolescence. Par exemple, dans une étude longitudinale
menée auprès d'enfants du nord de l'Allemagne, les styles
de gestion du stress des adolescents âgés de 16 ans ont été
reliés à plusieurs mesures de la qualité de l'attachement
au père au tout début de l'enfance, mais non à la
mère (Grossmann, Grossmann et Zimmermann, 1999). En outre, les
évaluations des adolescents concernant l'affection négative
de leur père, mais non de leur mère, étaient associées
aux évaluations des adolescents concernant la qualité de
leurs relations avec leur parent (Flannery, Montemayor et Eberly, 1994).
Enfin, en ce qui a trait aux symptômes dépressifs à
la mi-adolescence, il a été démontré que les
perceptions de soi en tant que personne indigne de l'amour du père
sont d'une importance particulière (Margolese et al., 1999a et
b).
Il est important d'éclaircir la nature changeante de l'attachement
des filles à leur père, comparativement à celui des
garçons, pendant l'adolescence, la relation de ces différences
à la socialisation parentale différentielle et les incidences
dans l'adaptation. Une fois de plus, il faut poursuivre la recherche pour
comprendre pleinement le rôle différentiel des relations
d'attachement avec les mères par rapport aux relations d'attachement
avec les pères au cours de la croissance.
8. Contexte culturel et social
Étant donné la diversité des cultures contribuant
à la société canadienne, il importe d'évaluer
le degré auquel les constatations examinées plus haut s'appliquent
à toutes les familles canadiennes de divers horizons ethniques.
Des chercheurs ont découvert que les pratiques parentales varient
selon les normes culturelles et les valeurs de socialisation (Ellis et
Petersen, 1992). En Chine, par exemple, les parents contrôlent plus
le comportement de leurs enfants et leur accordent moins d'autonomie psychologique
que les parents d'origine européenne aux États-Unis (Lin
et Fu, 1990). La distribution des styles d'attachement moins profond chez
les enfants varie aussi entre les pays selon que l'on met l'accent sur
l'individualisme ou sur l'interdépendance (Sagi, Van-IJzendoorn
et Koren-Karie, 1991). Ainsi, plus d'enfants allemands sont classés
comme évitants et plus d'enfants japonais le sont comme ambivalents.
Dans un échantillonnage de 400 enfants et adolescents montréalais,
on a découvert que les parents arabes sont plus chaleureux et participent
plus avec leurs enfants et que les parents canadiens-français accordent
plus d'autonomie psychologique; les parents des Indes occidentales font
moins des deux (Karavasilis, Dayan, Doyle, Lanaro et Markiewicz, 1999).
Cependant, les différences interculturelles sont généralement
moins prononcées que les différences intraculturelles (Sagi
et al., 1991). Au surplus, malgré les différences culturelles
dans le style parental ou l'attachement de l'enfant, le rapport entre
le style parental et l'adaptation de l'enfant demeure généralement
le même (Feldman et Rosenthal, 1991). Les enfants qui perçoivent
leurs parents comme chaleureux, intéressés, faisant des
demandes appropriées et permettant une autonomie psychologique
ont généralement une meilleure estime de soi, une plus grande
autonomie et moins de dépression et de délinquance, peu
importe l'origine ethnique ou l'orientation culturelle (Karavasilis et
al., 1999; Steinberg et al., 1995). La seule exception est la réussite
scolaire; là où les adolescents européens et hispano-américains
ont profité de ce style parental autoritaire, contrairement aux
adolescents africains et américains d'origine asiatique (Steinberg
et al., 1995).
Il est aussi important d'évaluer la généralité
des constatations susmentionnées dans différentes structures
familiales (un ou deux revenus). La plupart des études réalisées
sur les effets de l'emploi maternel sur le rôle parental et l'attachement
se sont concentrées sur les nouveau-nés et les jeunes enfants.
Les résultats de ces études indiquent que ce n'est pas vraiment l'emploi de la mère qui affecte la solidité de
l'attachement de l'enfant, mais plutôt sa sensibilité et
sa réceptivité envers son enfant, l'investissement dans
le rôle parental et la participation dans des activités partagées
(Hoffman, 1989; Moorehouse, 1991). Les jeunes adolescents dont les mères
travaillent à l'extérieur ne passent pas moins de temps
avec leur famille, leurs parents, leurs amis, en classe ou seuls, mais
ils passent plus de temps seuls avec leur père (Richards et Duckett,
1994). En plus, les adolescents de mères monoparentales ou travaillant
à l'extérieur ne vivent pas de relations plus litigieuses
ou distantes avec elles que leurs pairs appartenant à des familles
« traditionnelles » (Laursen, 1995). Cependant, il faut réaliser
plus de recherche pour déterminer la façon dont l'emploi
maternel et la condition monoparentale interagissent avec d'autres facteurs
comme la pauvreté, le faible soutien social et le stress de la
vie pour influencer la disponibilité parentale et l'attachement
adolescent-parent.
III Répercussions sur le rôle parental
La prochaine section du rapport se concentre sur les répercussions
de la recherche sur l'attachement et les recommandations concernant le
rôle parental. Il est important de reconnaître que l'attachement
seul ne peut permettre de prédire l'adaptation. Il y a une multitude
de facteurs, notamment l'attachement, qui interagissent de façon
complexe et qui permettent de prévoir l'adaptation. En conséquence,
il faut considérer les incidences discutées dans cette section
dans le contexte de la recherche sur d'autres facteurs qui influencent
l'adaptation de l'enfant et de l'adolescent.
1.Adolescence : Détachement ou autonomie?
Ce que les parents doivent savoir
Une perception erronée commune dans la société insinue
que l'adolescence est une période de détachement des parents.
Cette perception est renforcée par plusieurs facteurs :
- Le temps que les adolescents consacrent à leur famille diminue
d'une façon spectaculaire. La recherche montre que le temps consacré
à la famille durant les heures de veille chute de 35 % à
14 % entre la fin de l'enfance et la mi-adolescence (Larson et al.,
1996). Les parents attribuent souvent ce changement dans le comportement
de leur adolescent au détachement croissant ou au rejet de la
famille.
- La vision voulant que les adolescents se détachent de leurs
parents a été propagée par des théories
de l'adolescence dépassées qui dominaient au cours des
dernières décennies. Ces théories proposaient que
les défis de l'adolescence liés au rôle pubertaire
et social nécessitaient une augmentation graduelle de l'éloignement
émotif des parents.
- Les anciennes théories ont mêlé les concepts de
détachement et d'autonomie. « Être autonome
signifie être autoinitié et autorégulé »
(Ryan et al., 1995). L'autonomie, pour les parents, est le sentiment
qu'un adolescent a la liberté d'exprimer ses croyances et ses
désirs, le choix de négocier avec ses parents et les autres
symboles d'autorité et la possibilité d'assumer un pouvoir
raisonnable sur les décisions importantes de sa vie. Par contre,
le détachement demande nécessairement un désengagement
émotif et physique des parents, jumelé à des sentiments
négatifs concernant l'importance de la relation enfant-parent
et la valeur des parents comme source d'orientation et de confort émotionnel
(Steinberg et Silverberg, 1986). Les adolescents qui vivent la séparation
de leurs parents comme un mouvement vers une plus grande autonomie et
une autodirection combinées à une relation continue avec
leurs parents, vivent plus positivement le passage à l'âge
adulte que les adolescents qui vivent la séparation de leurs
parents comme un détachement émotionnel (Moore, 1987).
Il est maintenant clair que les relations parent-enfant traversent une
transformation pendant l'adolescence, mais que la plupart des adolescents
demeurent sur les plans émotif et psychologique en lien avec leurs
parents. Les efforts éducatifs déployés pour défaire
le mythe du détachement de l'adolescent peuvent être profitables
aux parents.
Ce que les parents doivent faire
Les parents doivent reconnaître l'importance continue de leur relation
avec leur adolescent malgré les changements dans la nature de leurs
interactions. Ils doivent faire attention de ne pas prendre le besoin
d'autonomie pour un rejet de la relation parentale et doivent travailler
avec leur adolescent pour établir un équilibre entre la
connexité continue et l'autonomie croissante.
2. De quelle façon les parents peuvent-ils contribuer au développement
sain de l'adolescent?
Ce que les parents doivent savoir
Si l'adolescent n'a pas besoin de la présence et de la protection
physique des parents de la même manière que le jeune enfant,
de quoi alors a-t-il besoin?
- Bien que le temps consacré à la famille diminue
pendant cette période, l'adolescent continue de passer autant
de temps seul avec sa mère et son père
qu'il le faisait à la fin de l'enfance et il passe plus de temps à discuter de questions interpersonnelles.
- L'adolescent a besoin de ressentir que ses parents sont accessibles
et qu'ils le soutiennent. L'adolescent qui se sent en confiance devant
la disponibilité du soutien émotif de ses parents développe
plus facilement ses habiletés d'adaptation.
- L'adolescent profite surtout du soutien parental au cours du développement
de son autonomie. Le soutien de l'autonomie par les parents (comme le
soutien de l'adolescent lorsqu'il exprime son désaccord et qu'il
en explique les motifs; l'écoute de ses commentaires; la confirmation
de sa position et de ses sentiments) pendant la phase intermédiaire
de l'adolescence (14 ans) laisse prévoir un attachement profond
et une adaptation saine au début de l'âge adulte (Allen
et Hauser, 1996). Les adolescents à qui les parents permettent
de participer graduellement aux prises de décision pendant les
années de l'adolescence sont moins portés à répondre
à la pression exercée par les pairs pour participer à
des activités délinquantes (Fuligni et Eccles, 1993).
- Pendant l'adolescence, la sensibilité parentale s'exprime par
une disponibilité psychologique pour l'enfant tout en favorisant
l'autonomie. Les habiletés parentales particulières comprennent
la chaleur, l'acceptation de l'individualisme, l'écoute active,
la surveillance du comportement, l'établissement de limites et
la négociation. Les adolescents demandent la participation de
leurs parents dans les discussions sur les rapports interpersonnels,
les valeurs et les buts. Les adolescents demandent aussi à leurs
parents d'être disposés à renégocier les
règles et les responsabilités. Il faut toujours éviter
la négligence, l'hostilité, l'excès de contrôle
et l'indiscrétion.
Aider les parents à acquérir des habiletés parentales
qui soutiennent l'autonomie de leur adolescent et la connexité
à lui peut être profitable pour maintenir la profondeur de
l'attachement pendant cette période de développement.
Ce que les parents doivent faire
Les parents doivent être disponibles pour leur adolescent, lui
donner leur appui et participer activement à la négociation
d'une plus grande autonomie et liberté. Ils doivent soutenir l'expression
des sentiments, croyances et buts de leur adolescent. Cela peut s'avérer
difficile, car l'affrontement entre les valeurs parentales et celles de
l'adolescent peut mener à un conflit et à une détresse
émotive. Comprendre que le conflit peut être une possibilité
de développer l'autonomie, de résoudre les problèmes
interpersonnels et de faire croître la relation adolescent-parent
peut aider à éviter des conflits de pouvoir, l'escalade
du conflit et les sentiments de rejet. Les parents doivent continuer à
préciser leurs préoccupations et leurs limites mais en restant
ouverts à la discussion et à la négociation.
Par exemple, un parent dont l'adolescent songe à prendre un premier
emploi dans un café de fin de soirée du centre-ville, loin
de la maison, a peut-être raison de s'inquiéter de sa sécurité
au retour à la maison, du temps pris sur le temps consacré
à ses travaux scolaires et de sa capacité de se présenter
à l'école à l'heure. Au lieu de mentionner à
l'adolescent qu'il ne peut pas accepter cet emploi, le parent doit plutôt
écouter l'adolescent parler de son intérêt pour l'emploi
et peut-être lui demander ce qu'il en pense. Cela donne à
l'adolescent la chance de prendre l'initiative de mentionner ses propres
désirs et préoccupations concernant l'emploi. Si l'adolescent
soulève des préoccupations, le parent doit appuyer l'idée
d'avoir un emploi à temps partiel et s'informer de la possibilité
de solutions de rechange comprenant moins de points négatifs. Si
l'adolescent croit que le parent pourrait le conduire au travail et le
ramener à la maison, ou dit qu'il est prêt à accepter
n'importe quel horaire de travail, le parent doit préciser les
limites et les raisons de ces limites, être disposé à
discuter de façon raisonnable, écouter le point de vue de
l'adolescent et être ouvert à la possibilité de négocier
des changements. La participation parentale peut, par exemple, s'exprimer
par une disponibilité continue pour parler de ces questions et
de ces préoccupations, en fournissant une aide temporaire pour
le transport, en manifestant son intérêt en visitant le café
comme client, si l'adolescent le souhaite.
3. À quel moment l'attachement profond est-il particulièrement
bénéfique à l'adolescent?
Ce que les parents doivent savoir
L'attachement profond est important pour fournir un refuge sûr
pendant les périodes de stress et pour encourager l'exploration
pendant les périodes de croissance. Les adolescents traversent
généralement plusieurs transitions importantes associées
à une augmentation des sentiments de stress et d'anxiété.
Le soutien parental pendant ces périodes peut être particulièrement
utile pour favoriser l'attachement profond et promouvoir une adaptation
saine.
- Transitions scolaires : Le passage à l'école
secondaire est fréquemment associé à une augmentation
de la vulnérabilité, à une baisse de l'estime de
soi et à des sentiments d'incompétence, combinés
à une augmentation du risque de dépression et de comportement
antisocial. La preuve montre que l'attachement profond constitue, pour
les adolescents, une mesure de protection contre le stress associé
à ce genre de transitions (Papini et Roggman, 1992).
- Exploration des règles et des normes sociales : La
participation à certaines activités délinquantes
est normative pendant l'adolescence (entre autres, Shedler et Block,
1990) et peut être reliée à l'exploration, par l'adolescent,
des règles et des normes sociales. Les pressions sociales qu'on
exerce sur les adolescents pour qu'ils se conforment aux attentes du
groupe contribuent aussi à la participation à des activités
délinquantes. Les adolescents tirent profit de l'accessibilité
parentale pour obtenir un soutien émotif, une structure et une
surveillance quant à leur participation à ce genre de
comportement et à leur association avec des pairs qui appuient
ce comportement. En fait, pour les adolescents de contextes à
risque élevé, la structure et la surveillance parentales
sont moins efficaces en l'absence d'une relation fondée sur un
attachement adolescent-parent profond (Allen, Moore, Kuperminc et Bell,
1998). Discuter avec les adolescents des valeurs associées au
comportement, fournir une structure claire et favoriser l'autonomie
dans une bonne prise de décision constituent aussi des comportements
parentaux productifs pendant cette période.
Aider les parents à déterminer les périodes particulières
de stress de leurs adolescents au cours desquelles l'accessibilité
et le soutien parentaux sont critiques peut contribuer à élaborer
des stratégies parentales efficaces.
Ce que les parents doivent faire
Les parents doivent anticiper que leur adolescent aura besoin d'une plus
grande disponibilité et de leur soutien émotif pendant les
périodes de transition, comme l'entrée à l'école
secondaire. Avant le début de la transition, les parents doivent
être disponibles pour leur adolescent afin de discuter, entre autres,
des changements que peut apporter l'entrée à l'école
secondaire, de ses sentiments à cet égard, de ce qu'il peut
faire s'il se sent stressé et des ressources disponibles. Les parents
doivent participer à ce genre de discussions d'une façon
terre-à-terre, sans minimiser les préoccupations de leur
adolescent ni créer d'inquiétudes inutiles. Les parents
peuvent trouver que les enseignants et les autres parents constituent
une ressource utile pour soutenir le passage à l'école secondaire.
Par exemple, une telle transition se déroule plus facilement lorsqu'un
groupe de pairs la traverse ensemble et lorsque de nouvelles amitiés
se forment. Les parents peuvent faciliter l'intégration sociale
de leur adolescent dans le nouveau milieu en discutant et en collaborant
avec les autres parents et les enseignants, par exemple en fournissant
le transport aux événements et aux sorties scolaires, en
établissant des règles normatives comme un couvre-feu et
en fournissant une surveillance convenable lors d'activités sociales
comme les fêtes à la maison.
Les parents doivent soutenir les adolescents dans leur exploration des
normes sociales en écoutant les préoccupations de leur adolescent
concernant l'approbation sociale et la pression du groupe, en discutant
des valeurs associées à divers comportements, en discutant
des raisons expliquant l'établissement de limites et, au besoin,
en négociant les règles. Si les parents s'aperçoivent
que leur adolescent ne peut pas gérer l'exploration des normes
sociales, ils doivent exprimer leurs préoccupations et travailler
avec lui pour assurer sa sécurité.
4. Hormones : Quelle est leur importance?
Ce que les parents doivent savoir
Dans le passé, on considérait généralement
que les changements hormonaux pendant l'adolescence créaient invariablement
de l'agitation, des perturbations et un désengagement de la famille.
Les recherches montrant que la plupart des adolescents ne souffrent pas
de détresse profonde ni de perturbations pendant cette période
et qu'ils ont des sentiments positifs envers eux-mêmes et leur famille
ont dissipé ce mythe (Arnett, 1999). Bien que certains chercheurs
aient avancé que la puberté stimule l'éloignement
de l'enfant et de ses parents, tel un mécanisme biologique chargé
de décourager l'accouplement endogène (Steinberg, 1990),
les recherches n'ont pas démontré de preuve concluante à
cet effet. Dans une étude, on relie le début de la puberté
chez les garçons à une diminution du temps passé
en famille pendant la première phase de l'adolescence; cependant,
cet effet ne s'est pas produit chez les filles (Larson et al., 1996).
En outre, d'autres facteurs, comme les occasions de socialiser avec les
pairs, se présentent comme des médiateurs plus importants
de la réduction du temps passé en famille chez les garçons.
Dissiper les mythes de l'agitation et du désengagement de l'adolescent
en raison de changements hormonaux peut aider les parents à mieux
déterminer et reconnaître les vrais défis que leur
adolescent doit affronter.
Ce que les parents doivent faire
Les parents doivent reconnaître les périodes de détresse
chez leur adolescent. Ils doivent s'assurer de ne pas négliger
les vraies difficultés émotionnelles ni de croire faussement
qu'elles sont causées par des changements physiques associés
à l'adolescence.
5. Relations avec les pairs et pairs par rapport à parents comme
sources d'influence sur les adolescents
Ce que les parents doivent savoir
Les adolescents, en vieillissant, passent de plus en plus de temps avec
leurs pairs, surpassant le temps passé avec les parents dès
la 12e année (17 ans) (Clark-Lempers, Lempers et Ho,
1991; Larson et Richards, 1991), et se fient plus sur leurs pairs que
sur leurs parents pour obtenir de l'intimité et du soutien (Furman
et Buhrmester, 1992; Laursen et Williams, 1997). Les amitiés étroites
durent plus longtemps et valent plus pour les jeunes adolescents que pour
les jeunes enfants (Sullivan, 1953). Les jeunes adolescents ressentent
souvent beaucoup de pression de la part de leurs pairs pour être
conformes dans plusieurs aspects de l'habillement, des activités,
des choses qu'ils aiment et détestent (Feldman et Elliott, 1990).
Il en résulte que les parents peuvent se sentir inefficaces et
peu importants dans leur rôle d'orienter et de soutenir leur adolescent.
Les parents peuvent aussi sentir que l'ami de l'adolescent les remplace
comme figure primaire d'attachement (c'est-à-dire qu'il le recherche
en situation de stress, qu'il lui manque lorsqu'ils sont séparés).
Ils peuvent craindre que de « mauvais » amis influencent leur
adolescent à suivre des directions indésirables dans leurs
buts et leurs comportements. Bien que les amis influencent les adolescents,
ces derniers jouent aussi un rôle dans la sélection des pairs.
La tendance d'un adolescent à s'associer à des pairs qu'il
perçoit semblables à lui (homophilie) est un processus primaire
régissant la sélection des amis des adolescents (Fletcher,
Darling, Steinberg et Dornbusch, 1995).
- Il est important que les parents comprennent que, malgré l'accroissement
de l'importance des relations avec les pairs, les parents continuent
d'avoir une forte influence dans la vie de leur adolescent (Laursen
et Williams, 1997). L'intimité avec les parents, le soutien parental
et l'orientation sont d'importants déterminants de l'adaptation
de l'adolescent. Les amitiés étroites remplacent surtout
les besoins d'affiliation plutôt que les besoins d'attachement.
L'investissement croissant de l'adolescent dans des amitiés étroites
et dans les activités des pairs est mieux perçu, tout
comme l'adolescent qui utilise la relation d'attachement parental comme
une base sûre pour explorer le monde social des relations avec
les pairs.
- En général, les adolescents sont moins influencés
par les pairs et plus influencés par leurs parents à l'égard
des valeurs fondamentales comme les objectifs scolaires, les croyances
religieuses et la moralité (Laursen et Williams, 1997). En fait,
comme il est mentionné plus haut, en soutenant le développement
de l'autonomie d'une façon convenable, les parents protègent
leur adolescent de l'influence exagérée des pairs. Par
exemple, les adolescents que les parents font de plus en plus participer
aux prises de décision sont moins portés à succomber
à l'influence des pairs pour s'engager dans des activités
antisociales (Fuligni et Eccles, 1993). De plus, comme il est mentionné
plus haut, les parents qui surveillent les activités et les compagnons
de leur adolescent le protègent des relations avec des pairs
délinquants, qui constituent un facteur qui risque de l'embarquer
dans des activités délinquantes comme la consommation
de drogues illicites (Dishion, Patterson et Kavanagh, 1992). Le besoin
de conformité aux pairs à l'égard de l'habillement
et des activités, si puissant chez les plus jeunes adolescents
(Feldman et Elliott, 1990), diminue avec les années et est mieux
vu comme une indication de la fragilité de leur autonomie et
de leur besoin d'avoir des preuves tangibles de similitude, d'acceptation
et d'appartenance.
- Il est important que les parents comprennent le sens de la surveillance
(contrôle ferme) exercée dans une ambiance chaleureuse
et visant à encourager l'autonomie. Il est nécessaire
également qu'ils comprennent la distinction entre la disponibilité
et l'indiscrétion, comme ces termes ont été définis
plus haut.
- La participation et la communication des parents avec les responsables
de l'école de leur adolescent sont aussi associées à
la compétence scolaire. Par exemple, les parents qui participent
aux activités scolaires sont mieux renseignés et sont
plus disponibles pour leur adolescent, tant dans les bons moments pour
soutenir leur autonomie que dans les moments stressant pour leur fournir
la sécurité et la protection.
Fournir aux parents une compréhension du rôle des pairs
par rapport à celui des parents comme sources de soutien et d'orientation
pendant l'adolescence est une stratégie utile pour améliorer
l'efficacité des parents.
Ce que les parents doivent faire
Les parents doivent reconnaître l'importance continue de leur engagement
avec l'adolescent à l'égard de l'adaptation, même
si ce dernier accorde plus d'intérêt et de temps à
ses pairs. Ils doivent écouter ses préoccupations en ce
qui a trait aux pressions du groupe, au choix judicieux de ses relations
d'amis et à ses sentiments d'acceptation sociale. Les parents doivent
être au courant de la participation de leur adolescent à
divers groupes de pairs et aux activités scolaires. Ils doivent
surveiller ces points de façon convenable et respectueuse. Comme
il a été mentionné précédemment, si
les parents découvrent que leur adolescent participe à des
situations de groupe dangereuses et hors de ses compétences en
matière de jugement et d'influence, ils doivent agir de façon
à le protéger de ces situations.
6. Relations romantiques
Ce que les parents doivent savoir
La nature et l'importance des relations romantiques au début de
l'adolescence sont imprécises et ont fait l'objet d'une recherche
considérable, dont voici les questions fondamentales : 1) Jusqu'à
quel point les relations romantiques remplissent-elles les fonctions d'attachement
pendant la période de l'adolescence? 2) De quelle façon
les relations romantiques sont-elles reliées aux tendances de l'attachement
adolescent-parent? 3) Quelles sont les incidences des relations romantiques
sur l'adaptation?
- Sur le plan du développement, les relations romantiques sont
généralement brèves au début de l'adolescence
et consistent souvent à peu de connaissance intime du partenaire
et à beaucoup de fantaisie. Au moins pendant la première
phase de l'adolescence, elles sont mieux conceptualisées comme
une exploration du monde social plutôt que comme des relations
d'attachement.
- Cette vision des relations romantiques ne rejette pas le fait qu'elles
constituent des expériences importantes et puissantes sur le
plan émotif pour les adolescents. Bien que les relations romantiques
peuvent être surtout importantes pour les adolescents plus âgés
en raison du transfert graduel des fonctions d'attachement, les adolescents
plus jeunes peuvent vivre des relations romantiques aussi puissantes
sur le plan émotif en raison de leurs capacités non développées
pour traiter des événements émotionnels. La disponibilité
et le soutien parentaux comme source et refuge sûrs pendant ces
événements sont importants. Les adolescents profondément
attachés à leurs parents sont mieux munis pour se débrouiller
de façon adaptative dans ce nouveau domaine. Par exemple, pendant
la phase intermédiaire de l'adolescence, les adolescents profondément
attachés s'engagent plus tard dans des rapports sexuels et les
jeunes adultes profondément attachés ont moins de partenaires
sexuels et sont moins portés à participer à des
relations sexuelles risquées que leurs pairs moins profondément
attachés (Cooper et al., 1998).
Fournir aux parents des renseignements concernant l'importance d'entreprendre
des relations romantiques à la fin plutôt qu'au début
de l'adolescence et concernant le besoin continu de la disponibilité
parentale comme base sûre pour les adolescents les aidera à
répondre convenablement à ces nouvelles relations.
Ce que les parents doivent faire
Les parents doivent comprendre que leur adolescent peut profiter de leur
soutien émotionnel et de leur orientation au moment d'entamer des
relations romantiques. Ils doivent s'assurer de ne pas interpréter
faussement la participation à des relations romantiques comme un
déplacement de l'importance de la relation parentale. Les parents
doivent être à la disposition des adolescents pour discuter
de leurs sentiments, de leurs valeurs et de leurs prises de décision
concernant les questions d'intimité et de participation sexuelle
dans les relations romantiques.
7. Est-ce que certains adolescents ont plus de chances d'avoir des problèmes
d'attachement pendant l'adolescence?
Ce que les parents doivent savoir
Certains adolescents sont vulnérables aux modèles d'attachement
profond en raison de la grande difficulté de leurs premières
expériences de socialisation. Par exemple, les enfants exposés
à de mauvais traitements comme la violence physique ou sexuelle,
la négligence ou la violence familiale sont plus à risque
d'attachement précaire (Cicchetti et Barnett, 1991; Morton et Browne,
1998). Lorsque ces enfants arrivent à l'adolescence, les modèles
d'attachement précaire et d'autres problèmes affectifs peuvent
rendre cette période de développement plus difficile pour
eux et pour leurs fournisseurs de soins primaires. Les relations avec
les fournisseurs de soins peuvent être menacées et le risque
de psychopathologie peut grandement augmenter. Il est particulièrement
important de prédire les besoins de ces adolescents avant l'émergence
des difficultés et de faire en sorte que ces familles aient accès
à des programmes spéciaux. Les mesures préventives,
mises en oeuvre avant l'entrée dans l'adolescence, peuvent s'avérer
rentables à long terme.
Ce que les parents doivent faire
Il est conseillé aux parents d'enfants ayant vécu des difficultés
extrêmes dans les premières relations enfant-parent d'anticiper
les défis de l'adolescence et d'évaluer le besoin de soutien
en santé mentale. Lorsque les enfants ont vécu une interruption
de leurs relations avec les fournisseurs de soins qui a résulté
en une séparation prolongée ou une perte, l'adolescence
peut raviver des questions émotives reliées à ces
premières expériences. Cela dépendra des relations
passées et actuelles et de l'importance de soutien qu'ont reçu
les adolescents en intégrant ces différentes relations avec
les fournisseurs de soins. Les parents doivent appuyer leur adolescent,
comprendre le sens de ses relations avec divers fournisseurs de soins
et l'aider à équilibrer ses liens et son autonomie au sein
de ces relations. Ils doivent s'efforcer de comprendre ce processus et
de ne pas l'interpréter comme un rejet de la relation parentale.
Dans certaines situations, cette démarche demande le soutien de
la famille ou de thérapeutes individuels.
8. De quelle façon la psychopathologie parentale et le style
d'attachement du parent sont-ils reliés à l'attachement
de l'adolescent?
Ce que les parents doivent savoir
La recherche montre des taux plus élevés d'attachement
précaire chez les enfants de parents souffrant de divers désordres,
notamment la dépression (Lyons-Ruth et al., 1991) et l'alcoolisme
(Brennan et al., 1991). Dans le même ordre d'idées, les enfants
de parents ayant eux-mêmes vécu un attachement précaire
dans leurs relations avec leurs propres parents sont plus portés
à être moins profondément attachés que les
enfants de parents ayant profité d'une relation profonde avec leurs
propres parents (Van-IJzendoorn et Bakermans-Kranenburg, 1996). Par exemple,
Benoit et Parker (1994) montrent que le style d'attachement de la mère
a prédit l'attachement du bébé dans 81 % des cas
et que le style d'attachement des grands-mères a prédit
l'attachement du bébé dans 75 % des cas. Bien que la recherche
n'ait toujours pas examiné la transmission de l'attachement entre
les générations pendant la période de l'adolescence,
il est presque certain que l'attachement précaire des parents sera
associé à une augmentation des taux d'attachement précaire
chez les adolescents, peut-être un peu moins profondément
que dans la prime enfance.
Ce que les parents doivent faire
Les parents qui reconnaissent en eux les facteurs qui risquent de mettre
leur adolescent dans une relation d'attachement précaire peuvent
profiter de conseils ou de thérapies pour régler leurs propres
difficultés ou pour réduire la transmission du risque à
l'intérieur de la famille.
9. Jusqu'à quel point les caractéristiques de l'enfant
plutôt que les caractéristiques du rôle parental représentent-elles
la profondeur de l'attachement?
Ce que les parents doivent savoir
La recherche sur les modèles d'attachement pendant la période
de l'adolescence est malheureusement insuffisante pour fournir une réponse
à cette question; cependant, les études d'autres phases
de développement sont informatives. Bien que le parent et l'enfant
contribuent à leurs relations sur une période de temps (Lollis
et Kuczynski, 1997), la preuve recueillie auprès de jeunes enfants
souligne l'importance des parents pour le modelage des modèles
d'attachement de leurs enfants. Par exemple, si le style d'attachement
était inhérent à l'enfant, on s'attendrait à
voir les mêmes genres d'attachement chez les parents. Pourtant,
il est bien connu que la qualité de l'attachement d'un enfant à
un parent n'est pas fortement associée à la qualité
de son attachement à l'autre parent (Lyons-Ruth, 1996). En outre,
bien que le tempérament permette de prédire l'étendue
de la détresse qu'exprime un enfant à la séparation
de sa mère, il ne permet pas de prédire des modèles
particuliers d'attachement (Belsky et Rovine, 1987; Vaughn, Lefever, Seifer
et Barglow, 1989). Le fait que l'attachement de l'enfant peut être
anticipé par le modèle d'attachement propre de la mère
avant la naissance de l'enfant est peut-être l'élément
le plus convaincant (Fonagy, Steele et Steele, 1991).
- Il est évident qu'il faut poursuivre la recherche pour comprendre
le rôle des facteurs endogènes aux adolescents par rapport
à la socialisation parentale qui représente l'attachement
pendant cette période particulière de développement.
La recherche examinée dans ce document, combinée aux études
sur les bébés et les jeunes enfants, mentionne le rôle
puissant et important des parents en modelant l'attachement de l'adolescent.
Ce que les parents doivent faire
Bien que les enfants et leurs parents contribuent activement à
leur relation au cours des ans, les parents qui reconnaissent l'importance
de leur rôle dans le modelage de l'orientation d'attachement de
leur adolescent et qui se sentent en confiance et appuyés dans
le respect des besoins de leur adolescent seront plus portés à
contribuer à un développement sain. Les parents doivent
s'assurer de ne pas rejeter les problèmes de la relation adolescent-parent
comme s'ils étaient simplement causés par le tempérament
ou les autres caractéristiques de l'enfant. Ils doivent reconnaître
qu'ils contribuent avec leur adolescent aux modèles d'interaction
et de comportement.
10. Stabilité de l'attachement pendant l'adolescence
Ce que les parents doivent savoir
Il existe une multitude de possibilités de changement dans les
modèles d'attachement pendant l'adolescence. Ainsi, la recherche
montre qu'environ 30 % des jeunes adultes changent dans leur orientation
d'attachement sur une courte période (Baldwin et al., 1996; Scharfe
et Bartholomew, 1994).
Ce que les parents doivent faire
À la lumière de ces constatations, les parents doivent
comprendre l'importance de continuer à déployer des efforts
pour favoriser l'attachement profond chez leur adolescent. Par contre,
les parents d'adolescents présentant des modèles d'attachement
précaire peuvent être renforcés en sachant que cette
période de développement offre une importante conjoncture
qui favorise le changement vers une plus grande profondeur.
Fournir aux parents une compréhension du rôle des pairs
comparativement à celui des parents comme sources de soutien et
d'orientation pendant l'adolescence (consulter la section III 5., de ce
document) est une stratégie utile pour améliorer l'efficacité
des parents.
IV Incidences sur les politiques gouvernementales et recommandations
pour la recherche à venir
1. Éducation parentale ciblant le mythe du détachement
de l'adolescent
L'éducation publique devrait cibler le mythe du détachement
de l'adolescent et du rejet de la famille (consulter les sections III
1 et 5).
Il faudrait assurer le soutien continu des parents par l'entremise de
programmes parentaux communautaires qui adoptent des concepts d'attachement
et de transformation plutôt que de dissolution de la relation parent-adolescent.
Les programmes de formation au rôle de parent devraient aider les
parents à déterminer les périodes importantes de
transition dans la vie de leur adolescent, à établir une
communication efficace avec lui et à lui assurer un soutien.
2. Stratégies de soutien pour les parents d'adolescents
La transformation de la relation parent-enfant pendant l'adolescence
demande aux parents d'adapter convenablement leurs pratiques parentales.
La documentation examinée indique que la disponibilité parentale,
le soutien et la surveillance continuent d'être des composantes
importantes de l'efficacité du rôle parental. Contrairement
aux jeunes enfants, cependant, les adolescents s'éloignent plus
de la surveillance parentale immédiate et ils souhaitent une plus
grande participation et une négociation des règles et des
attentes. En plus, l'importante croissance cognitive qui se produit pendant
l'adolescence signifie que les adolescents pensent maintenant au genre
de personne qu'ils sont, au genre de personne que sont leurs parents et
aux valeurs chères à chacun. Les valeurs et les croyances
de l'adolescent deviennent des indicateurs prévisionnels importants
de leurs attentes et de leurs comportements.
La recherche sur l'attachement a donné lieu à l'élaboration
d'interventions concentrées sur la prévention et la correction
de l'attachement précaire chez les bébés et les jeunes
enfants (en autres, Crittenden, 1992; Leiberman, Weston et Pawl, 1991;
van den Boom, 1994). Les interventions ont été concentrées
sur deux objectifs complémentaires : 1) modifier la sensibilité
parentale aux besoins et aux comportements d'attachement chez les bébés
et les jeunes enfants; 2) modifier les représentations d'attachement
parental pour qu'elles deviennent un véhicule favorisant la modification
du comportement parental. La recherche sur ces interventions est relativement
préliminaire, mais elle indique à ce jour une certaine forme
de réussite (Lieberman et al., 1991; van den Boom, 1994).
Il est surprenant de constater qu'on a peu tenté d'appliquer la
théorie de l'attachement aux interventions avec les adolescents
et leur famille ou d'adapter des modèles d'intervention pour les
plus jeunes enfants afin qu'ils puissent être appliqués aux
adolescents. Cependant, les principes de l'attachement s'appliquent clairement
tout au long de la vie et il est possible d'adapter les interventions
pour les rendre appropriées au développement des adolescents
et à leur famille. Par exemple, les points suivants représentent
fidèlement la sensibilité et l'habitude des parents d'adolescents
:
- Reconnaissance et réceptivité des besoins de l'adolescent
en matière d'accessibilité et de soutien continus des
parents en tant que base sûre;
- Détermination des besoins de l'adolescent pour accéder
à l'autonomie par l'entremise de négociations actives
à l'intérieur de la relation parent-adolescent;
- Acceptation et soutien des perspectives et des expériences
de l'adolescent comme mode de garantie d'une interdépendance
continue entre le parent et l'adolescent en dépit de la différence
des rôles et des valeurs.
Soutenir les parents dans l'élaboration d'un rôle parental
adapté à leur adolescent peut constituer une intervention
productive justifiant une enquête.
De quelle façon le gouvernement peut-il contribuer à la
mise sur pied de programmes qui mettent en valeur le rôle parental
pour les adolescents et, en fin de compte, l'adaptation de l'adolescent?
- Il est essentiel de concevoir des programmes fondés sur la
sensibilisation aux besoins de la population générale
(c'est-à-dire des programmes universels) et aux besoins de groupes
spéciaux (c'est-à-dire des programmes ciblés).
Il faut poursuivre la recherche pour porter à la connaissance
des parents les défis de l'adolescence et le rôle joué
par leurs relations pour assurer un apprentissage fonctionnel. Cette
recherche montrera probablement que plusieurs parents possèdent
des croyances erronées concernant l'adolescence et sous-évaluent
l'importance des relations avec leur enfant. Elle montrera aussi que
l'adolescence est une période difficile pour les parents et que
plusieurs parents veulent des renseignements sur la façon de
bien jouer leur rôle parental pendant cette période. Avec
ces renseignements, il est possible de prendre des mesures pour cibler
des programmes universels aux domaines particuliers des besoins en éducation.
Les résultats de la recherche montrent que les enfants exposés
aux mauvais traitements, à la négligence et à l'abandon
sont plus à risque d'attachement précaire. Ces adolescents
ont particulièrement besoin d'interventions qui aident au développement
de la profondeur de l'attachement.
- La sensibilité aux périodes spéciales de défi
pendant le développement de l'adolescent constituera aussi un
élément important de ce genre de programme.
- Pour ce qui est des programmes universels, l'affectation de fonds
pour des conférenciers, des animateurs de groupe, des listes
de livres et de matériel recommandés et des enregistrements
vidéo pour les groupes de parents d'écoles secondaires
de premier et de second cycle, les centres communautaires, les bibliothèques,
la télévision et la radio serait précieuse pour
augmenter la sensibilisation et l'éducation. Les annonces télévisées
semblables à celles qui ont été conçues
pour augmenter la sensibilité à l'intimidation et à
la consommation de drogues (entre autres, Olweus, 1992, 1997) seraient
une méthode idéale pour communiquer l'information aux
parents et aux adolescents. La distribution de dépliants dans
les écoles et les cabinets de médecin aiderait aussi à
transmettre l'information à grande échelle. On pourrait
aussi envoyer ces dépliants à tous les parents d'adolescents
entrant à l'école secondaire, accompagnés des renseignements
sur les centres de soutien à joindre pour obtenir plus d'information.
- Étant donné que plusieurs parents peuvent vivre des
difficultés de gestion de l'équilibre entre l'établissement
de limites et le soutien de l'autonomie et interpréter la recherche
d'autonomie de leur adolescent comme une menace à leur relation,
les programmes parentaux communautaires ou scolaires concentrés
particulièrement sur ces questions peuvent leur être utiles.
Ces programmes ont plus de chances de réussir s'ils sont fournis
par des professionnels formés pour travailler avec des groupes
de parents et d'adolescents en vue de les éduquer, de faciliter
une meilleure communication et de résoudre les problèmes
par des jeux de rôles.
- Les programmes de cette nature devraient être offerts pendant
les jonctions importantes du développement de l'adolescent, où
le changement dans l'attachement est très probable et le risque,
très élevé. Il serait donc idéal d'offrir
des programmes ciblant le début de l'adolescence ou l'entrée
à l'école secondaire. Par exemple, les programmes scolaires
offrant de tels groupes à tous les parents et adolescents dès
l'entrée à l'école secondaire peuvent aider à
prévenir, pour la famille et l'adolescent, le développement
des difficultés associées à cette transition.
- Pour ce qui est des programmes ciblés, la recherche montre
que les adolescents provenant de populations cliniques sont portés
à avoir un attachement précaire et il serait avantageux
d'élaborer des interventions concentrées sur l'attachement
pour les besoins spéciaux de ces adolescents et leur famille.
La recherche sur la thérapie utilisée chez des adolescents
montre que l'efficacité est rehaussée lorsque les interventions
ciblent des facteurs multiples dans l'écologie de la jeunesse,
par exemple les problèmes individuels, les questions familiales
et les sujets scolaires et professionnels. Dans une récente tentative
pour présenter les incidences de la théorie de l'attachement
pour une intervention auprès d'adolescents à risque élevé,
Moore et ses collègues (Moore, Moretti et Holland, 1998) ont
proposé plusieurs principes élémentaires pour orienter
l'application de la théorie de l'attachement à l'élaboration
des programmes. Bien qu'il soit préliminaire, ce travail fournit
une base pour la poursuite du développement dans ce domaine.
L'importance de comprendre le sens du comportement dans la perspective
de l'attachement et des modèles réduits internes est un
principe fondamental de cette approche. Les principes reconnaissent
aussi l'importance des premières expériences répétées
avec des proches pour former la base des modèles d'attachement,
tout en reconnaissant que les modèles d'attachement sont «
en cours » et qu'ils peuvent être révisés
en fournissant de nouvelles expériences et une réintégration
des expériences passées. Les jeunes à risque élevé
ont généralement des antécédents d'expériences
d'attachement anormal mal adapté, y compris des expériences
de mauvais traitements, de négligence et d'abandon. Ils se méfient
de l'autorité et sont portés à interpréter
les tentatives de rôle parental conventionnel comme coercitives
et menaçantes. Par l'entremise de la compréhension et
l'empathie de ce que les jeunes perçoivent de leurs relations
avec les fournisseurs de soins, les cliniciens peuvent mieux réussir
à établir une relation avec eux et les aider à
transformer leurs modèles et leur comportement d'attachement.
L'un des principes importants de cette approche réside dans le
fait que les nouveaux fournisseurs de soins, qu'ils soient des parents
de famille d'accueil ou des professionnels de la santé mentale,
doivent élargir leurs relations avec les jeunes et comprendre
que les expériences vécues à l'intérieur
de la relation influencent et peuvent modifier les modèles d'attachement
des jeunes. Dans le même ordre d'idées, il est reconnu
qu'endurer le changement ne se produit que s'il est appuyé par
un changement suffisant et durable des systèmes (par exemple,
le contexte scolaire, familial et social plus large) dans lesquels vivent
les jeunes.
- Cette approche requiert un déplacement de la position primaire
de « contrôle » vers une position de « connexion
» . Ce genre de déplacement s'avère un défi
en raison des pressions sociales exigeant un « contrôle
» du comportement alarmant des jeunes à risque élevé.
L'adoption d'une perspective d'attachement comprend une volonté
de comprendre la jeunesse et de s'y connecter en dépit de son
comportement, accompagnée de l'établissement de limites
claires concernant le comportement problématique. Le but ultime
de ce genre d'approche est d'aider la jeunesse à développer
un « contrôle interne » plutôt que de la laisser
se fier sur un « contrôle externe » par l'entremise
de services de santé mentale ou de services de psychiatrie légale
pour les jeunes.
- ·La preuve suggère beaucoup de similitude entre le style
d'attachement des parents et des enfants (Van IJzendoorn, 1995). Par
conséquent, la prestation de soutien social et de thérapie
pour les parents en ce qui concerne leurs propres besoins d'attachement
ainsi qu'une concentration sur leur prestation pour les besoins de leur
adolescent peuvent être un ajout important aux interventions à
l'adresse des adolescents et de leur famille.
- Il faut appuyer les efforts déployés pour comprendre
la valeur de l'attachement pour intervenir auprès des adolescents
et de leur famille, pour les échantillonnages normatifs et cliniques.
La recherche concentrée sur l'articulation des programmes et
l'évaluation de leur efficacité est justifiée.
3. Ressources existantes et besoins à venir
La disponibilité de programmes universels et ciblés pour
les adolescents et leur famille varie considérablement entre les
provinces et les collectivités. Les ressources communes s'étendent
des groupes de parents et de soutien et des groupes communautaires connexes
qui ne dépendent pas d'un financement gouvernemental aux services
de santé mentale qui sont financés au sein de chaque collectivité.
Parfois, des programmes universels médiatisés et financés
par les gouvernements sont offerts pour accroître la sensibilisation
à des problèmes particuliers (comme les problèmes
de consommation de drogues chez les adolescents, de violence et d'intimidation).
Il est essentiel de déplacer l'attention et de se concentrer dans
les limites des services existants afin de mieux comprendre, connaître
et intégrer dans des programmes les problèmes d'attachement
des adolescents et des parents. Les chances de réussite sont meilleures
grâce aux efforts des gouvernements qui déplacent la concentration
des programmes existants et désuets dans des initiatives spéciales
(par exemple, une campagne médiatique concentrée sur l'importance
des parents tout au long de l'adolescence) ou des programmes spéciaux
(par exemple, l'appui de nouveaux programmes ou la restructuration de
programmes existants).
Une des préoccupations est que les programmes ont surtout été
mis en place pour les jeunes enfants (c'est-à-dire les enfants
âgés de moins de 10 ans) et les adolescents plus âgés
(de 15 ans et plus). Les interventions pour les plus jeunes enfants se
concentrent sur l'acquisition de nouvelles compétences parentales,
l'acquisition de nouvelles compétences sociales et l'intervention
correctrice en milieu scolaire. Par contre, les interventions pour les
adolescents plus âgés se concentrent sur la psychothérapie
individuelle, les installations récréatives et sociales
(programmes pour les adolescents) et la formation professionnelle. Il
existe relativement peu de programmes pour les jeunes adolescents (de
11 à 14 ans). Cela est regrettable en raison des risques documentés
associés au passage à l'école secondaire pour les
membres de ce groupe d'âge et le fait que la période de la
pré-adolescence jusqu'au début de l'adolescence est connue
comme une période dangereuse pour l'émergence du trouble
des conduites à début tardif. Les programmes pour ce groupe
d'âge peuvent être particulièrement rentables en prévenant
l'émergence des problèmes fonctionnels de l'adolescent qui
s'empirent et placent éventuellement un fardeau important sur les
ressources en santé mentale. Comme il a été mentionné
précédemment, les programmes universels ciblant l'entrée
à l'école secondaire peuvent être très utiles
à cet égard. Ce genre de programme pourrait être intégré
dans l'orientation de l'école secondaire, exigeant la participation
et des parents et des jeunes. Ce programme peut être fourni très
efficacement dans l'année de transition précédant
l'entrée à l'école secondaire, bien qu'il faille
penser à élargir certaines composantes du programme aux
premières années de l'école secondaire (par exemple,
poursuivre la distribution d'information aux parents et aux adolescents).
Un tel programme pourrait être intégré à une
visite de l'école secondaire et à une discussion du protocole
de l'établissement (attentes) et à ses préoccupations
(sécurité). À l'intérieur de ce contexte,
on pourrait discuter, entre autres, des questions concernant la transition
à l'adolescence et de l'importance du soutien et de la surveillance
continus dans les limites de la relation parent-enfant. Une présentation
vidéo et la distribution de matériel éducatif (par
exemple, des dépliants, des ressources de référence
pour les parents et la jeunesse en besoin) pourraient être ajoutées
si le temps le permet. Les programmes devraient cibler et les parents et les adolescents à des niveaux appropriés
pour assurer un changement dans la façon dont les membres de la
famille comprennent la période de l'adolescence et le rôle
parental pendant cette période. Les composantes clés de
ce programme comprendraient la dissipation des mythes au sujet de l'adolescence,
la compréhension des défis de l'adolescence et les transitions
dans la relation parent-enfant et mettraient l'accent sur le besoin d'une
participation active et continue pour soutenir et surveiller les adolescents.
Il est essentiel que les professionnels de la santé mentale et
autres professionnels participant à la prestation de services soient
sensibilisés et connaissent les questions d'attachement adolescent-parent
et incorporent ces connaissances dans des programmes d'intervention. En
ce moment, il y a un manque de personnel bien formé pour voir à
l'élaboration du programme et pour former d'autres personnes oeuvrant
déjà dans le milieu. La formation est nécessaire
non seulement pour l'attachement adolescent-parent, mais aussi pour le
développement psychologique de l'adolescent, le rôle parental
et les interventions d'attachement avec des personnes et des groupes.
Il faut organiser des programmes de formation interne.
La formation devrait être offerte aussi aux nouveaux praticiens
dans les programmes de formation appliquée du développement,
clinique ou communautaire spécialisés dans l'adaptation
de l'adolescent. Des programmes médicaux, de soins infirmiers et
de travail social axés sur la médecine familiale, la médecine
communautaire et la médecine de l'adolescent ainsi que des programmes
en éducation peuvent aussi fournir des contextes pour ce genre
de formation. Il faut déployer des efforts pour que ces programmes
traitent des questions d'attachement afin que les diplômés,
et surtout les praticiens fournissant les services à toute la population
(médecins de famille ou généralistes, enseignants),
puissent mieux comprendre les besoins de leur clientèle et y répondre.
4. Comprendre l'influence des pairs et des partenaires romantiques
Compte tenu de la transition dans les relations avec la famille et les
pairs pendant l'adolescence, il est nécessaire d'avoir des programmes
d'éducation parentale soulignant les renseignements importants
en matière d'attachement aux pairs et le développement des
relations romantiques.
Beaucoup plus de recherche s'impose pour comprendre les transitions dans
les fonctions d'attachement à différentes figures ciblées
pendant les années de l'adolescence.
5. Le rôle du contexte dans le lien attachement-adaptation
La recherche existante suggère qu'il existe une relation modérée
entre l'attachement et l'adaptation pour que la relation entre l'attachement
et l'adaptation soit élargie dans les contextes à risque.
Bien que la recherche ne suffise pas à tirer avec certitude ce
genre de conclusion, une des incidences est que les programmes d'intervention
pour favoriser l'attachement sain entre l'adolescent et le parent devraient
cibler des familles de contextes à risque élevé.
On devrait effectuer ce genre d'interventions dans des centres de santé
communautaire ou dans des écoles situées dans des secteurs
à faible revenu.
V. Résumé des l' orientation de la recherche
- Étant donné les changements normatifs au comportement
d'attachement avec les parents au milieu de l'enfance et pendant l'adolescence,
il faut poursuivre la recherche pour déterminer la façon
dont se manifestent les différences qualitatives dans l'attachement
adolescent-parent pendant l'adolescence. Par exemple, nous n'avons pas
établi de mesures d'autodéclaration pour les périodes
de la mi-enfance et de l'adolescence pour les différents modèles
d'attachement précaire, malgré la réussite des
mesures d'autodéclaration dans d'autres domaines (par exemple,
l'autoconcept, le style parental) avec ce groupe d'âge. Ainsi,
il semble que les pointages préoccupés des enfants de
cinquième année sur le Coping Strategies Questionnaire
(Finnegan et al., 1996) ont un rapport positif plutôt que négatif
avec les instruments de mesure de la profondeur de l'attachement (Karavasilis
et al., 1999; Mayseless, communication personnelle, 28 juillet 1999).
La majorité de la documentation sur les enfants de ce groupe
d'âge est fondée sur des études longitudinales d'enfants
classés par la situation étrange en tout bas âge
ou au début de l'enfance. Le travail d'entrevue (entre autres,
Bartholomew, Moretti et Kobak) a élargi les mesures élaborées
d'abord chez les adultes, mais ces mesures d'entrevue n'ont pas été
généralement utilisées dans des études d'adaptation.
- La recherche sur le déplacement du développement dans
les fonctions d'attachement des parents vers les partenaires romantiques
n'a pas évalué les adolescents manifestant des différences
qualitatives dans la profondeur d'attachement.
- Il faut poursuivre la recherche sur les mesures d'autodéclaration,
d'entrevue et d'observation de l'attachement chez les adolescents et
leurs parents pour évaluer la façon dont les différences
développementales et qualitatives sont reliées à
l'adaptation.
- Ce genre de recherche doit aussi incorporer une approche à
plusieurs méthodes de mesure d'attachement et d'adaptation, incorporant
des mesures de différents informants (Ge, Best, Conger et Simons,
1996), pour éviter les associations gonflées par une méthode
de variance partagée.
- Il faut aussi poursuivre la recherche développementale qui
prend en considération la différence qualitative de l'attachement,
comme il est souligné dans la section III 4, pour examiner l'incidence
des nouvelles figures d'attachement (proches amis, partenaires romantiques)
sur la relation parent-enfant, notamment le degré auquel le parent
est recherché pour remplir des fonctions d'attachement (proximité,
base sûre, estime de soi, refuge sûr, etc.). Le travail
réalisé sur des adultes (Fraley et Davis, 1997; Trinke
et Bartholomew, 1997) touche à l'importance et à la complexité
de ces travaux dans le contexte développemental.
- Il faut aussi poursuivre la recherche pour évaluer si un style
d'attachement généralisé, propriété
assez stable de la personne, se développe pendant l'adolescence
ou si l'attachement de l'adolescent est surtout une réflexion
des qualités des relations continues d'attachement (Allen et
Land, 1989). Ce genre de recherche, expliquant le raffinement des mesures
disponibles, doit évaluer la qualité de l'attachement
à différentes figures ciblées, aux parents, aux
amis et aux partenaires romantiques. Il faut en fin de compte effectuer
des études longitudinales comprenant des mesures d'attachement
et de contexte préliminaires et concurrentes. Dans ce genre de
recherche, il est surtout important de prendre simultanément
en considération les différences qualitatives dans le
style parental à long terme (Ge et al., 1996) et dans les changements
de développement dans l'interaction adolescent-parent (Fuligni
et Eccles, 1993). Ce genre de recherche s'impose pour planifier les
cibles les plus efficaces et le calendrier des interventions dans l'intention
d'améliorer les relations d'attachement des adolescents avec
leurs parents.
- Le recherche existante sur la stabilité de l'état d'attachement
(seulement 70 % de stabilité sur une période de plusieurs
mois) suggère actuellement un potentiel considérable d'interventions
pendant l'adolescence conçues pour favoriser un attachement plus
profond. Il est pleinement justifié de poursuivre la recherche
concernant les déterminants de stabilité et de changement
dans l'attachement de l'adolescent, surtout sur le degré auquel
le changement est possible dans les limites du contexte d'une relation
parent-adolescent continue par rapport au contexte de nouvelles relations.
Ce genre de connaissances est essentiel à la conception de programmes
d'intervention pour favoriser un attachement sain et une adaptation
saine pour l'adolescent.
- Ce genre de recherche doit comprendre une vaste gamme de classes sociales,
de structures familiales et d'origines ethniques, des pères et
des mères ainsi que des garçons et des filles. La taille
de l'échantillonnage doit être convenable pour permettre
des analyses statistiques valables à l'intérieur de sous-groupes
pour évaluer la généralisabilité de tout
le sous-groupe.
- Il faut appuyer les efforts déployés pour comprendre
la valeur de l'attachement pour une intervention auprès des adolescents
et de leur famille, pour un échantillonnage normatif et un échantillonnage
clinique. La recherche concentrée sur l'articulation des programmes
et l'évaluation de leur efficacité est essentielle.
- Une recherche suffisante a été effectuée
pour justifier d'autres étapes visant une orientation universelle
vers le genre de programme d'école secondaire susmentionné.
Il faut poursuivre les travaux de développement de programmes
pour préciser les composantes de l'intervention. Cette initiative
peut comprendre la sélection préliminaire des attitudes
des parents et des adolescents envers l'adolescence et la relation
parent-adolescent pour déterminer les secteurs clés
des besoins en éducation. Une évaluation formelle
du programme demanderait une mise à l'essai de l'incidence
du programme sur les connaissances et le comportement du rôle
parental et sur les attitudes et l'adaptation des adolescents fréquentant
les écoles ciblées par rapport aux écoles n'offrant
pas ce genre de programme.
- Pour ce qui est de l'évaluation des interventions cliniques,
bien que certains praticiens et centres utilisent actuellement une
théorie de l'attachement pour orienter la pratique clinique,
il faut poursuivre les travaux pour articuler clairement les composantes
de ces programmes et préparer les manuels de traitement,
après quoi la recherche peut alors être concentrée
sur l'évaluation de l'efficacité de ce genre de programmes
à l'intérieur de populations particulières
(par exemple, les adolescents agressifs, les adolescents souffrant
de dépression ou d'anxiété). L'efficacité
sera mieux évaluée à l'aide de méthodes
d'évaluation comparative (par exemple, l'intervention d'attachement
comparée à d'autres formes d'intervention) et d'approches
qualitatives (par exemple, des études de cas).
Résumé : Recommandations pour la recherche à venir
- Élaborer et valider des mesures d'autodéclaration, d'observation
ou d'entrevue fondées sur des mesures de l'attachement pour les
adolescents.
- Préciser les déterminants de la stabilité et
du changement dans l'attachement de l'enfance à l'adolescence
et de l'adolescence à l'âge adulte.
- Enquêter sur les transitions dans les fonctions d'attachement
des parents, des pairs et des partenaires romantiques du début
de l'adolescence au début de l'âge adulte.
- Documenter l'émergence des représentations d'attachement
généralisées par rapport aux représentations
d'attachement différenciées du début de l'adolescence
au début de l'âge adulte.
- Enquêter sur les facteurs du rôle parental pertinents
aux déplacements de l'attachement profond à l'attachement
précaire par rapport à celui de l'attachement précaire
à l'attachement profond pendant l'adolescence.
- Examiner les facteurs de médiation et de modération
en matière de relation entre l'attachement et le fonctionnement
de l'adolescent au début de l'âge adulte (c'est-à-dire
la pauvreté, une psychopathologie parentale, les relations avec
les pairs, la réussite scolaire).
- Élaborer et évaluer les programmes universels et ciblés
qui se concentrent sur l'attachement, les relations familiales et l'adaptation
pendant l'adolescence.
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