Agence de santé public du Canada / Public Health Agency of Canada
Skip first menu Skip all menus English Contactez-nous Aide Recherche Site du Canada
Accueil Centres et labs Publications Lignes dirctrices Index A-Z
Check the help on Web Accessibility features Santé - enfants Santé -adultes Santé aînés Surveillance Santé Canada
Agence de santé publique du Canada

Comment aider les collectivités à répondre aux problèmes d'alcool pendant la grossesse

Un entretien avec Judy Kay

Judy Kay.

Judy Kay

Healthy Générations Family Support Program (anciennement FAS/FAE Support Program), Sioux Lookout (Ontario).

D'après une interview réalisée par Margaret Leslie, Breaking thé Cycle (Toronto)

A propos de notre projet

Notre projet PACE avait été subventionné à l'origine pour offrir à la collectivité un appui pour répondre aux questions entourant l'alcool et la grossesse. Nous mettions l'accent sur les activités de prévention primaire, secondaire et tertiaire et nous passions une bonne partie de notre temps à expliquer à nos fournisseurs de services et à nos systèmes de services les enjeux en question.

Après trois ans, nous avons commencé à offrir un soutien de première ligne aux familles sur les questions liées au SAF et à travailler avec les enfants de 0 à 6 ans et les familles à risque élevé, tout en délaissant nos activités d'information auprès des fournisseurs de services.

Notre collectivité compte près de 5 000 habitants, mais ce qui la rend particulière, c'est que la route s'arrête essentiellement à Sioux Lookout. Notre collectivité est composée à parts égales d'Autochtones des Premières nations et de non-Autochtones, ce qui signifie que nous dispensons nos services à ces deux groupes. Pendant les quatre premières années du projet, nous avons été parrainés par le Patricia Centre for Children and Youth, un organisme provincial s'occupant de la santé mentale des enfants. Sur la recommandation de Santé Canada, nous avons changé de parrain en faveur de l'organisme Equay Wuk (groupe de femmes). Equay Wuk est une organisation autochtone dont le mandat consiste à dispenser des services aux femmes et aux familles des collectivités des Premières nations. De par son mandat, l'organisme travaille uniquement sur les réserves, cependant il a accepté de mener nos projets à l'extérieur des réserves.

Nous avons établi un partenariat de travail avec le programme de soutien des familles autochtones (un programme PACE). Nous avons aussi un partenariat avec le réseau de santé des familles et des enfants, un groupe d'organismes locaux financés pour fournir des services sur la santé reproductive et à la première enfance. Nous menons un programme prénatal de concert avec l'autorité sanitaire des Premières nations et avec d'autres fournisseurs de services locaux.

Identification et intervention précoces

L'identification précoce est une étape clé pour comprendre la cause première des problèmes de comportement et d'apprentissage d'un enfant. C'est la clé pour définir l'intervention ainsi que la clé pour prévenir d'autres naissances affectées par les mêmes problèmes. À titre de fournisseurs de services, nous intervenons au-près de la première enfance mais habituellement pas auprès des enfants plus âgés. Cependant, nous avons appris de parents d'enfants plus âgés, qui n'ont pas été identifiés en bas âge et qui n'ont pas fait l'objet d'une intervention reconnaissant des problèmes neurologiques, qu'ils traversent des difficultés extrêmes parce qu'ils ne comprennent pas l'origine de leurs problèmes.

Nous commençons tout juste à intervenir auprès de familles qui ont évité cette identification parce qu'elles ne voulaient pas que leurs enfants soient étiquetés. Maintenant que leurs enfants sont en quatrième ou cinquième année, elles peuvent comprendre pourquoi une identification et une intervention précoces auraient pu aider. Cette démarche favorise la compréhension et permet de corriger les attentes.

Pendant une très courte période, nous nous sommes donné pour mission de développer au sein de la collectivité la capacité nécessaire de répondre aux questions associées au SAF. Ce simple mandat nous a donné une très grande latitude pour faire un travail de développement dans la collectivité. Nous avons créé un groupe de travail communautaire composé d'une vingtaine de personnes qui étaient déterminées à entreprendre un processus de remue-méninges pour orienter le processus. Ce groupe s'est réuni tous les mois pour faire le point, pour évaluer nos activités et pour examiner les différents domaines où une intervention s'imposait. La composition du groupe était vraiment bonne puisqu'on y trouvait des personnes de différents groupes d'âge et d'organismes différents qui ont mis en commun leurs capacités pour étudier les secteurs problèmes. On y trouvait un représentant des élèves, un représentant des parents ainsi que de nombreux représentants d'un peu partout dans la collectivité. Il était important d'obtenir des personnes du groupe cible qui recevaient des services des commentaires sur la prestation du programme.

Nous avons d'abord procédé à une vaste campagne d'information mais de façon très respectueuse. Nous avons travaillé avec tous les systèmes de la collectivité : infirmières et médecins, milieu médical et personnes qui s'attaquent aux problèmes secondaires, comme le programme de counselling communautaire et le programme sur les toxicomanies. Nous avons appris que les médecins et les travailleurs sociaux avaient besoin de comprendre l'importance d'une identification précoce. Ces intervenants avaient besoin d'évaluer leurs aptitudes à parler à des femmes de la question de la consommation d'alcool pendant la grossesse et après la naissance de l'enfant. Nous avons véritablement encouragé nos fournisseurs de services à examiner leurs systèmes ainsi que leurs pratiques et compétences personnelles.

L'étape suivante consistait à amener, sous la pression du public, les fournisseurs de services à acquérir les compétences nécessaires. Lorsque l'information a été transmise à la collectivité et aux journaux, elle a en quelque sorte obligé les systèmes et les organismes de fournisseurs de services à s'impliquer. Cela a duré quatre ans. Le processus coûtait très cher parce qu'il était important que les formateurs soient au même niveau que les stagiaires. Beaucoup d'ateliers et de séances de formation ont eu lieu. Pour la formation aux médecins, nous avons fait appel à des généticiens, tandis que pour les travailleurs en toxicomanies, nous avons tenté d'inviter des gens qui possédaient une expérience dans ce domaine. Nous avons recouru à une diversité de méthodes : formation personnalisée, téléconférences, documents imprimés. Nous avons ensuite établi un lien direct entre la clinique de diagnostic à Winnipeg et notre système de soins de santé. Les responsables le nord-ouest de l'Ontario - en ont vraiment fait leur mandat. Cela signifiait que les enfants et les familles qui désiraient obtenir un diagnostic et une identification recevaient une subvention de déplacement de leur région et étaient couverts par l'assu-rance-maladie de l'Ontario.

Malgré le temps et l'argent qu'on lui a consacrés, la formation demeure un besoin. Nous avons besoin d'un processus permanent qui encourage les gens à comprendre l'importance d'une identification et d'une intervention précoces. Le principal aspect a été l'éducation publique, qui a amené les gens à s'impliquer, et la formation dispensée aux médecins et aux travailleurs sociaux, qui les a incités à améliorer leurs compétences.

Education publique

Nous avons fait passer des annonces à la radio et dans les journaux et publié des articles dans les journaux. Nous avons monté une pièce, qui a remporté un énorme succès. La pièce a été écrite, réalisée et jouée par un groupe de jeunes, et elle a été montrée dans toutes les grosses écoles secondaires de la région (400 élèves et plus). Ces jeunes n'avaient jamais fait de théâtre auparavant. Le projet a été réalisé grâce à une subvention du Service jeunesse Canada et a duré environ six mois.

Notre campagne dans les bars a connu un succès fantastique. Nous avons fait imprimer des aimants et des cendriers, nous avons acheté des machines à condoms et nous avons produit des trousses. Nous nous sommes rendus dans tous les bars de la région et leur avons remis des cendriers pour toutes leurs tables, laissé des trousses d'information pour tous les serveurs de même que des brochures, et apposé des affiches et installé des machines à condoms dans les toilettes.

Il était réellement important de passer du temps avec les serveurs car lorsqu'ils ont appris ce que pouvait faire l'alcool pendant la grossesse, ils ont été très bouleversés et fâchés contre ces mères. Nous leur avons expliqué les questions qui touchent aux toxicomanies, aux femmes et au SAF et je crois que nous avons pu tempérer leurs réactions. Ils comprenaient mieux. Dans la plupart des cas, ils ont simplement parlé avec les femmes, les ont encouragées et leur ont laissé de l'information. De fait, un bar a commencé à refuser de servir les femmes. Ce n'est pas ce que nous préconisions, mais c'est la politique que ce bar a choisie et a maintenue par la suite.

Nous avons constaté que ces bars étaient très disposés et qu'ils attendaient une telle occasion. Ils désiraient tous en parler et avaient tous besoin de le faire. J'ai pu compter sur une personne qui excellait à ce travail. Elle se rendait dans les bars vers midi et jouait une partie de billard au moment où la place commençait à se remplir et qu'ils avaient le temps de simplement discuter d'une façon non menaçante et de se faire expliquer certaines choses. Ces personnes étaient vraiment impatientes d'agir, situation que j'attribue en grande partie aux fait qu'elles n'aient pu pendant tant d'années ne rien faire au sujet de ce qu'elles voyaient, c'est-à-dire des femmes enceintes qui buvaient. Puis, tout d'un coup, voilà qu'elles avaient l'occasion de faire quelque chose. La réaction a été extrêmement positive partout, sauf un bar qui n'a même pas voulu apposer une affiche, alléguant que cela ne le regardait pas.

Les femmes du nord doivent sortir de leur milieu six semaines avant la date prévue de leur accouchement afin d'être prêtes au travail, car il n'y a pas de travail ni d'accouchement dans les collectivités éloignées. Elles demeurent donc en ville, ici. Nous avons donc un nombre très élevé de femmes enceintes. Le taux de natalité est plus du double de ce qu'on trouve dans les autres collectivités de même taille. L'enjeu n'en est que plus élevé pour nous d'intervenir. La campagne auprès des bars a vraiment été intéressantes. Cette initiative fonctionne encore, sans doute pas à 100 %, mais nous voyons encore dans une certaine mesure les résultats de ce travail.

Nous avions aussi un autre projet dans les écoles secondaires que nous appelions « groupe d'éducation des élèves par les pairs ». Nous avons embauché un groupe d'élèves qui ont travaillé pour nous pendant deux semaines. Nous nous rencontrions toutes les semaines et ils mettaient en oeuvre des stratégies de prévention dans leur école. C'est une activité parascolaire pour laquelle ils ont été rémunérés. Ils ont mené des activités pendant deux ans auprès des élèves de l'école. Ils ont fait des affiches, des brochures, des présentations et mis sur pied des groupes de discussion. Ils ont rencontré tous les élèves chaque année. Cette formation aux élèves avait été intégrée à leurs cours.

Appuis aux familles

En ce moment, nos activités pour promouvoir une identification précoce consistent simplement à travailler très étroitement sur la première ligne avec les familles afin de les aider à traverser ce processus. La meilleure façon est de se rendre à domicile où j'organise une séance de jeu avec l'enfant. Cela me permet d'établir une relation très proche avec l'enfant et de me faire une idée de ses aptitudes linguistiques et sociales et de ses capacités motrices fines et grossières. La séance de jeu fournit une occasion de donner une rétroaction aux parents et de parler de sujets qu'ils peuvent aborder. À partir de là, nous appuyons la famille. Par exemple, si elle cherche une relève, nous l'aidons à la trouver ou à satisfaire d'autres besoins.

Les visites à domicile sont l'un des moyens peu nombreux qui nous permettent de fournir un appui, car nous n'avons pas le budget pour louer un local de jeu. Nous ne croyons pas nécessairement que les visites à domicile soient le moyen idéal de rencontrer la famille. Il arrive parfois que ce ne soit pas la meilleure façon d'aborder la famille. Malheureusement, c'est la seule option qui nous reste, car nous n'avons pas les fonds ni la capacité de nous offrir un lieu de rencontre. Nous savons qu'il est très important de rencontrer chaque enfant individuellement afin de donner une rétroaction aux parents.

Nous avons travaillé fort pour attirer les clients du groupe 0 à 6 ans dans le programme. Le programme a été très peu utilisé par les parents biologiques d'enfants de ce groupe d'âge. Ce sont surtout des parents adoptifs et d'accueil qui ont recouru au programme. Nous avons actuellement quelques familles biologiques qui commencent à utiliser le programme. Pour tenter de régler ce problème, nous avons notamment changé notre nom à « Healthy Générations Family Support Program », ce qui a ouvert le programme et nous amenées à adopter une approche plus holistique pour répondre aux besoins spéciaux et à travailler avec d'autres programmes d'intervention holistique.

Il est difficile d'attirer les familles biologiques des jeunes enfants, pour deux raisons : la culpabilité et la honte, de même que la douleur et le sentiment personnel de perte qui entourent la consommation d'alcool pendant la grossesse; et le manque de connaissance et l'absence d'un processus d'identification précoce. Nous élaborons en ce moment une toute nouvelle stratégie pour travailler avec les enfants et les familles qui n'ont pas fait l'objet d'une identification officielle, et pour travailler dans un système qui ne met pas spécifiquement l'accent sur le SAF.

Dans une petite collectivité, on peut vraiment connaître les personnes que nos services ne joignent pas, c'est-à-dire toutes celles qui n'y font pas accès. Il devient vraiment évident qu'un service offrant un appui à la question du SAF ou de l'alcool et de la grossesse doit fournir un soutien holistique global qui ne s'arrête pas simplement à ces gros problèmes.

Coordonnées

Healthy Générations Family Support Program

Tél.:807737-2214 Téléc. : 807 737-2699

Courriel : fasfas@sl.lakeheadu.ca

 

Mise à jour : 2002-07-20 haut de la page