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Santé de l'environnement et du milieu de travail

Contamination fongique dans les immeubles publics : effets sur la santé et méthodes d'évaluation (suite)

2. Effets sur la santé associés à la présence de moisissures en milieu intérieur (suite)

2.4.2.2 Évaluation des effets

Le manque d’objectivité est une autre faille observée dans beaucoup d’études épidémiologiques sur les effets sur la santé de l’exposition, étant donné que la plupart de ces études reposent sur des informations subjectives obtenues au moyen de questionnaires. Il s’agit là d’un autre élément qui nuit à l’établissement de conclusions définitives. Il existe bien sûr des méthodes objectives d’évaluation des effets sur la santé, mais leur intégration aux études en accroît considérablement le coût.

2.4.2.3 Facteurs de confusion

Les conditions d’humidité favorables à la croissance de moisissures sont aussi propices à la prolifération d’autres agents biologiques réputés avoir des propriétés allergènes, comme les acariens et les bactéries Gram négatif. Contrairement aux moisissures, les bactéries ne sont pas visibles. Leur présence ne peut donc être déterminée que par des prélèvements d’air ou de poussière. C’est pourquoi l’association observée entre l’exposition aux moisissures et les réactions allergiques pourrait être attribuable en partie à un facteur de confusion, soit la présence de bactéries ou d’acariens qui sont associés tant à l’exposition aux moisissures qu’aux effets étudiés. Ce phénomène pourrait expliquer le constat, dans certaines études (Williamson et coll., 1997; Norbäck et coll., 1999), de liens plus étroits entre l’humidité et l’asthme qu’entre les moisissures visibles et l’asthme. Dans une étude transversale où les concentrations d’endotoxines bactériennes et les acariens ont été mesurés, la prise en compte de la présence de ces autres allergènes n’a modifié en rien l’association entre les moisissures présentes dans l’air intérieur et les symptômes respiratoires (Dales et Miller, 1999). Une étude cas témoins a mis en relief un lien important entre la croissance de moisissures et l’asthme, après pondération pour tenir compte de l’humidité visible (Thorn et coll., 2001). De plus, il ressort d’expériences menées auprès de modèles animaux que les antigènes fongiques peuvent entraîner des réactions allergiques en l’absence d’endotoxines ou d’autres agents biologiques (Alonso et coll., 1997; Alonso et coll., 1998; Cooley et coll., 2000).

Il se dégage d’au moins une des études résumées plus haut que l’exposition aux agents chimiques peut aussi être une variable confusionnelle. Par exemple, dans l’étude de cohortes réalisée par Smedje et Norbäck (2001), les champignons aéroportés et le formaldéhyde représentent d’importants facteurs de risque de l’asthme, mais ils ne peuvent être étudiés ensemble dans des modèles multivariés parce qu’ils sont trop étroitement corrélés.

D’autres variables confusionnelles possibles qui interviennent dans l’épidémiologie des troubles respiratoires, comme la situation socio-économique, le tabagisme et l’exposition à la fumée de tabac secondaire, ont été prises en compte dans la majorité des études transversales et des études cas témoins examinées. Il est donc peu probable que les associations observées dans ces études soient attribuables à ces facteurs.

2.4.2.4 Biais

Certaines études comportent peut être un biais de déclaration puisqu’il existe au sein de la population une conscience accrue du lien présumé entre les moisissures et la santé respiratoire. Il est possible que les personnes aux prises avec des problèmes de moisissures soient plus attentives aux symptômes présentés par leurs enfants ou par elles mêmes. C’est sans doute ce qui s’est produit dans l’étude transversale réalisée en Finlande qui a établi une relation entre les moisissures, les maux de dos et les troubles gastriques (Pirhonen et coll., 1996). Il est également possible que les personnes souffrant de troubles respiratoires se préoccupent davantage de la présence de moisissures car, face à un cas d’asthme ou d’autres affections respiratoires, les médecins demandent souvent à leurs patients s’ils ont été exposés à des moisissures ou à des conditions d’humidité, mais ce biais a été éliminé dans de nombreuses études qui ont fait inspecter les habitats par un chercheur qui ignorait si les participants étaient des cas ou des témoins. Dans l’étude cas témoins réalisée par Williamson et coll. (1997), où la possibilité d’un tel biais a été réduite par une classification des cas/des témoins à la lumière des dossiers d’hospitalisation et d’une évaluation de l’exposition fondée sur des visites à domicile, le rapport de cotes observé entre des conditions d’extrême humidité et l’asthme était de 1,7 (mais il était non significatif).

2.4.2.5 Devis d’étude

À notre connaissance, une seule étude de cohorte a été publiée sur les effets sur la santé d’une exposition non professionnelle aux moisissures en milieu intérieur (Smedje et Norbäck, 2001). Au moment de la rédaction de notre travail, une autre étude de cohortes est menée au Canada sur la santé infantile à l’Île-du-Prince-Édouard. Les éléments de preuve établissant un lien entre les moisissures et les effets sur la santé proviennent surtout d’études transversales et d’études cas témoins. Ces deux types d’études sont généralement considérés comme moins solides que les études de cohorte lorsqu’il s’agit de déterminer les causes d’une maladie, puisqu’il est difficile de vérifier si la cause soupçonnée est vraiment antérieure à la maladie étudiée. Toutefois, en dépit du caractère chronique de l’asthme et des allergies, les symptômes liés à l’asthme peuvent être atténués lorsqu’on supprime l’exposition aux allergènes et/ou aux irritants qui provoquent une bronchoconstriction. Une étude transversale ou une étude cas témoins établissant une relation entre « les moisissures et/ou l’humidité » et une respiration sifflante chronique ne prouve pas que ce sont les moisissures qui ont provoqué l’apparition de l’asthme. Elle peut par contre indiquer que les symptômes respiratoires chez les asthmatique sont déclenchés par les moisissures ou par l’humidité (à condition, bien sûr, que les évaluations de l’exposition et des effets soient exactes; voir les sections antérieures). Par ailleurs, l’établissement d’un lien de causalité entre les moisissures et les troubles respiratoires passe nécessairement par des études de cohortes sur le milieu intérieur et les affections respiratoires/allergiques (fondées de préférence sur une évaluation objective de l’exposition et des effets sur la santé, par exemple une inspection du domicile et une évaluation physique).

Mise à jour : 2005-08-03 Haut de la page